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Politique

La défaite du mouvement contre la réforme des retraites

Il faut oser dire que c’est une défaite.

Les Français se mentent à eux-mêmes. Comme l’opinion dominante est celle des classes dominantes, les opinions contestataires vivent à l’ombre du capitalisme. Cela ne dépasse pas la rage et les prétentions à la colère, les manifestations d’esprit syndical, les petits initiatives « sauvages » pour s’amuser à se faire peur.

La fiction d’un mouvement contre la réforme des retraites qui aurait représenté quelque chose est donc nécessaire. Il faut faire croire que cela a servi quelque chose. Alors qu’en réalité, ça a été du vent.

Des millions de personnes ont agi… pour rien. Cela n’a eu aucun impact. Certains diront : l’important c’est le mouvement populaire, cela fait avancer la lutte des classes.

Quelle preuve ont-ils ? A aucun niveau, il n’y a eu de progression. Les consciences n’ont pas avancé, les organisations de gauche ou syndicales n’ont pas connu d’effervescence dans les adhésions, culturellement il ne s’est rien produit de notable.

Le mouvement contre la réforme des retraites a été une expression de crise, et rien de plus. C’est une expression d’agonie. Une expression d’agonie peut-elle amener autre chose qu’une défaite? Absolument pas.

Car l’agonie se nie elle-même, à coups d’illusions. C’est pour ça que les manifestations ont eu besoin, dans les grandes villes, des anarchistes pour écrire des slogans sur les murs et casser des vitrines. Il fallait renforcer le « bruit », et ce d’autant plus qu’il ne se passe, en fait, rien.

Alors, disons le, le mouvement contre la réforme des retraites a été une perte d’énergie, une machine à illusions, un mensonge. Il faut oser dire que c’est une défaite.

Une défaite pour la défense du droit à la retraite, une défaite pour la Gauche, une défaite syndicale, une défaite par rapport aux exigences historiques.

Ce n’est que par une telle reconnaissance de la défaite qu’on peut aller à la victoire. Sinon, on en restera aux marchands d’illusions. Et c’est bien parti pour rester ainsi. Or, c’est intolérable !

Il faut trouver une voie pour diffuser une nouvelle culture, une nouvelle manière de voir les choses. C’est la question de la bataille pour la vision du monde, et pas moins que ça !

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Culture

Le LSD et « Wish you were here »

Le solipsisme est le subjectivisme absolu.

La chanson Wish you were here est très connue ; elle fait partie de l’album éponyme de septembre 1975 qui fut un très grand succès du groupe Pink Floyd. Si la chanson peut avoir différents niveaux de lecture, l’aspect principal est que cela a trait à Syd Barrett.

Celui-ci fut une figure majeure du groupe avant de sombrer dans la folie en raison de la consommation de drogues, et plus exactement de LSD, une drogue déformant très profondément la personnalité tout en l’amenant à littéralement s’écraser.

Naturellement, les consommateurs n’en ont pas l’impression, au contraire ils pensent parvenir à toucher davantage la subtilité des choses. En pratique, ils déraillent et sont ingérables, le LSD est une drogue terrifiante qui mutile l’esprit et amène les gens à devenir quelqu’un d’autre.

Quand on dit quelqu’un d’autre, on parle d’une personne avec une dimension fantômatique, une âme errante. Le LSD amène loin, ailleurs, la personne peut le sentir, mais ne parvient pas à revenir, voire ne veut pas.

C’est le solipsisme, quand on se croit le seul à exister réellement.

Syd Barrett a pour cette raison été exclu de Pink Floyd, après avoir participé au premier album, et il n’a jamais été par la suite en mesure de faire quoi que ce soit. Le groupe s’en est voulu, mais un consommateur de LSD est ailleurs, il pense maîtriser un chemin à un « autre niveau ».

C’est ce que dit la chanson en s’adressant à Syd Barrett : tu crois que tu parviens à cerner et séparer, à distinguer le paradis et l’enfer, les cieux bleus de la douleur, et ainsi de suite. C’est de la folie, on ne peut que repousser cette prétention, et en même temps on regrette cette perte, d’où le refrain Wish you were here, j’eus aimé que tu sois là.

La chanson reproche la perte de vue dialectique que provoque le LSD, cette dissociation des choses les unes des autres que prétend gérer son consommateur. Elle exprime une dignité immense, en se fondant sur une situation concrète, sur un vécu, porté jusqu’à une dimension universelle.

C’est en ce sens une oeuvre d’art, et on peut la comparer d’ailleurs à son antithèse, la chanson Shine On You Crazy Diamond présente sur le même album. C’est pareillement au sujet de Syd Barrett, mais la chanson, qui est une bonne chanson, reste une bonne chanson seulement.

C’est qu’elle perd le vécu pour esthétiser : « Souviens-toi quand tu étais jeune, tu brillais comme le soleil / Que cela brille sur toi, diamant fou / Maintenant, il y a un regard dans tes yeux, comme des trous noirs dans le ciel »… « Allez, étranger, toi légende, toi martyr, et brille ! ».

Cela parle davantage de Syd Barrett, mais en fait cela parle sur lui, et pas de lui dans sa dignité d’être qui manque pour ce qu’il est, pas pour ce qu’il est censé être.

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Politique

Communiqué « occidental » de la CGT sur la guerre

La négation des blocs amène la convergence avec le sien.

La CGT a publié un communiqué qui se veut contre la guerre. C’est une vraie arnaque. A quoi sert de dénoncer la « spirale belliqueuse » alors que l’Otan se sert de manière flagrante de l’Ukraine comme chair à canon?

C’est que justement pour la CGT, la faute est à ceux qui apportent les troubles en apparence. Peu lui importe qu’il y ait un ordre mondial au service de l’occident, puisque la CGT est l’exemple même du syndicalisme corrompu vendu à son capitalisme, en prétendant le « corriger », le « transformer.

La CGT défend l’ordre établi, appelé « paix ». C’est une escroquerie, qui masque le bellicisme de la superpuissance américaine, qui a l’hégémonie et qui représente l’ennemi numéro un des peuples du monde.

La CGT parle également du 8 mai, journée de victoire sur l’Allemagne nazie. Elle aura l’air fin si l’armée ukrainienne, pétrie de nationalisme et infestée de nazis, lance une offensive contre la Russie le 9 mai, journée de la victoire dans l’ex-URSS (en raison du décalage horaire).

Toute cette démagogie passe parce que le niveau politique est lamentable en France, que personne ne comprend plus rien. Et il faut dénoncer cela, afin qu’une nouvelle séquence puisse s’ouvrir.

Il n’y aura pas de ligne transformatrice en France tant que dominera entièrement l’alignement indirect, masqué, sur l’Otan, la superpuissance américaine, la société de consommation !

La guerre n’est pas une option

En France, le 8 mai commémore la victoire des Alliés sur les nazis et la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe. Ce jour, férié depuis 1981, nous rappelle à tous et toutes s’il en était besoin que la guerre n’est pas une option.

Une situation mondiale dégradée

La paix dans le monde se dégrade d’année en année.
L’Ukraine se bat contre l’envahisseur russe depuis plus d’un an : 12 millions d’habitants ont été déplacés, dont la moitié a quitté le pays – un chiffre qui équivaut à la totalité des déplacés de la 2e Guerre mondiale.

En déclenchant une guerre d’invasion contre l’Ukraine, Vladimir Poutine espérait une victoire éclair. C’était compter sans la résistance d’un peuple ukrainien uni pour défendre ses droits et sa souveraineté.

Au Soudan, l’un des pays les plus pauvres du monde, des centaines de milliers de personnes fuient les putschs à répétition et les combats qui opposent deux généraux au pouvoir depuis 2021.

Au Darfour, à l’ouest du pays, une guerre civile fait rage depuis 2003. La situation humanitaire est catastrophique.

En Asie, la guerre couve entre la Chine et Tawaïn [sic].

En Syrie, plus de 11 ans de guerre ont engendré des millions de déplacés, de morts et de blessés.

Le pays est exsangue, comme le Yémen, détruit par des années de conflits.

En Afghanistan, les talibans font régner la terreur, et dénient aux femmes leurs droits humains.

Au Moyen-Orient, Israël impose au peuple palestinien de vivre entre des frontières qui ne correspondent pas à celles reconnues par l’ONU…

La liste semble infinie.

Pour une paix juste et durable

Pour la CGT, il faut lutter contre la spirale belliqueuse, partout où elle s’exprime. La guerre cause des pertes humaines militaires et pertes civiles, apporte son lot de destructions et laisse des pays dévastés. Elle fait aussi les beaux jours des grandes multinationales qui fournissent des armes.

« Nous nous battons pour une paix juste et durable partout dans le monde » martèle Boris Plazzi, secrétaire confédéral CGT en charge des relations internationales. 
La paix est notre bien le plus précieux, et la CGT est solidaire des peuples victimes des conflits, tout en respectant leur droit à disposer d’eux-mêmes.

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Politique

Pyramides : l’Américaine Rama Yade soutien Gims

A défaut de l’avenir… le passé.

L’affaire des pyramides égyptiennes censées fournir de l’électricité durant l’antiquité a défrayé la chronique en raison de la notoriété du chanteur Gims. Ses propos étaient, il faut dire caricaturaux d’un côté, avec une réinterprétation délirante du passé. Les esprits ont été marqués, au point que même EDF a publié le 20 avril 2023, dans le quotidien Le Parisien, une publicité pour surfer sur la vague.

Pourtant, l’aspect principal tenait non pas à ce délire, mais à ce qu’il était censé justifier : une critique radicale de la terrible situation du continent africain.

Ce que faisait Gims, c’était du romantisme : on idéalise le passé, afin d’exiger un meilleur futur. Si l’Afrique avait eu un passé rayonnant, alors son avenir doit l’être aussi. C’est une dénonciation du capitalisme occidental qui prend le masque de l’idéalisme.

Le souci, c’est que lorsque la forme l’emporte, on perd le fond. Et Gims a justement intégré les codes du capitalisme occidental. Malgré sa critique radicale, il est donc récupérable par le capitalisme, même occidental… Comme le montre l’intervention de Rama Yade.

Celle-ci a été très connue en France à un moment. Elle est issue de la bourgeoisie bureaucratique du Sénégal, une bourgeoisie qui vit de la soumission à l’occident. Arrivée en France, elle a fait Sciences Po, est devenue directrice adjointe des programmes puis directrice de la communication de la chaîne parlementaire Public Sénat.

Elle rejoint Nicolas Sarkozy et devint alors, à la fin des années 2000, Secrétaire d’État chargée des Affaires étrangères et des Droits de l’homme, puis Secrétaire d’État chargée des sports. Elle a tenté de se présenter, sans succès, à la présidentielle de 2017, puis a quitté la France pour se mettre au service de la superpuissance américaine.

Elle a rejoint en 2021 en effet le Think tank américain Atlantic Council et œuvre à l’influence américaine en Afrique. Impossible pour elle par conséquent de rater l’épisode de Gims et elle l’a bien évidemment soutenu.

Ce n’est pas pour rien que Hollywood produit des horreurs racistes comme les films de super-héros avec la civilisation de « Wakanda », où les Noirs sont irrémédiablement… uniquement entre noirs, seulement africains, totalement soumis au tribalisme. De la même manière, Netflix a sorti une série où Cléopâtre est noire, alors qu’historiquement elle est grecque.

On est ici dans une entreprise de célébration identitaire pour relancer le capitalisme. Les délires LGBT relèvent totalement de ça.

Rama Yade, évidemment, ne parle pas des pyramides « électriques ». Elle n’est d’ailleurs pas américaine, mais sans doute française encore. Mais elle est clairement américaine dans son style, les intérêts qu’elle défend, et donc elle soutient le discours romantique réactionnaire, en parlant d’une Afrique où « l’homme est devenu bipède », où l’âge de la pierre aurait eu lieu, etc.

On est là dans l’obsession racialiste.

L’Afrique noire en est restée à un stade arriéré de l’humanité lorsque l’Europe de l’Ouest connaissait le capitalisme, ce qui a permis le colonialisme. Cela ne fait pas des blancs et des noirs des êtres humains mieux ou moins bien. Ce qui compte, c’est le cheminement de l’Humanité et peu importe que les avancées aient eu lieu à Paris, Moscou, Tombouctou ou Cuzco.

Dans l’Humanité, on avance tous ensemble, ceux qui sont en avance et ceux qui sont en retard relèvent de la même séquence. De toutes façons, à la fin du processus, on sera tous métis, il n’y aura qu’un seul pays sur Terre. Voilà ce qui compte vraiment !

Et pour compléter la séquence, il faut vaincre l’occident et son mode de vie. Comme Gims relève du mode de vie occidental, Rama Yade a pu le soutenir… Et il en a été très content : sur le réseau Twitter, il a salué son intervention. Ce qui fait de lui, devenu une partie de la solution aux problèmes mondiaux, désormais une partie du problème.

Il n’aura fallu guère de temps à Gims pour rentrer dans le rang ! Il expliquait qu’il voulait renverser l’ordre mondial, quelques semaines après il s’aligne sur Rama Yade, l’exemple même d’une personne vendant l’Afrique à la modernisation capitaliste.

On dira que c’était prévisible, que Gims est un vendu. Il y a une part de vérité, mais il faut bien saisir qu’il y a tellement d’aspects dans l’implosion de l’occident qu’on ne sait pas par où les gens vont entrer en rupture. Ni même si, une fois entrés en rupture, ils vont assumer.

Gims a ainsi échoué. Mais prenons Kémi Séba. Il est né à Strasbourg et a commencé sa carrière politique avec la « Tribu Ka », qui au début des années 2000 a développé en région parisienne une idéologie suprémaciste noire délirante et antisémite. Désormais, il a choisi de vivre en Afrique pour tenir un discours panafricaniste, fortement teinté d’anti-impérialisme, mais s’alignant en même temps sur une ligne multipolaire (celle de la Russie, voire de la Turquie).

Quand on écoute Kémi Seba, il est évident qu’il ne peut pas ne pas savoir qu’il aurait dû rejoindre la Gauche historique. Parce que tout de même se revendiquer de l’Afrique libérée en prenant comme référence René Guénon, un mystique français imaginant une « Tradition » antique, quel rapport ? Au moins, Mike Tyson s’était fait tatoué Mao Zedong, là on comprend niveau « anti-impérialisme » !

De quel côté va pencher Kémi Séba ? On ne le sait pas encore. Il a été une partie du problème, il tente de se poser en partie de la solution… Mais assumera-t-il la dialectique de l’Histoire?

Nous, nous le faisons en tout cas. Et quel dommage de voir tellement d’errements avec ces obsessions identitaires, ces illusions sur un passé fantasmé, alors que c’est l’avenir qu’il faut voir !

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Société

L’anti-1er mai 2023

L’agonie de la politique de gauche.

Des cortèges dans toute la France

Le 1er mai n’est en France plus politique depuis bien longtemps. Or, il devrait être seulement politique. Avec le mouvement contre la réforme des retraites, qui est un échec complet, on touche encore plus le fond, puisque le 1er mai 2023 a été entièrement kidnappé par les syndicats.

C’est toujours le cas, mais normalement le 1er mai reste symboliquement le 1er mai, une journée liée à l’Histoire du mouvement ouvrier. Là, la journée s’est transformée en France en appendice de mobilisations massives et pourtant sans impact politique, culturel, idéologique, social.

Il y avait du monde, avec des initiatives dans toute la France. La CGT revendique 2,3 millions de manifestants, dont 550 000 rien qu’à Paris ; le ministère de l’Intérieur parle de 800 000 personnes. Cependant, avec un tel contenu, il pourrait y avoir 10 millions de personnes que cela ne changerait rien. C’est totalement vain.

D’ailleurs, tout ce qui a été retenu, la seule chose qu’il a été possible de retenir, c’est l’arrestation de 291 personnes (dont 90 à Paris) et le fait que 108 policiers ont été blessés. Paris, Lyon et Nantes ont connu de la casse – encore et toujours cette casse apolitique, antipolitique, qui sert la Droite et l’extrême-Droite, qui a beau jeu de dénoncer un tel nihilisme.

Comment s’imaginer que les travailleurs en France aient envie de rejoindre un tel chaos où les syndicalistes sont culturellement beaufs, où en plus la violence part dans tous les sens, comme avec un manifestant qui a eu la main arrachée par une grenade (à Nantes), un policier le visage et les mains brûlées par un cocktail Molotov (à Paris)!

Le 1er mai 2023 a été une agonie, un triomphe du syndicalisme aux dépens de la politique de gauche. Ce fut une véritable entreprise de démolition, précipitant la « Gauche » ou ce qu’il en reste dans la ringardise, le hors-sol, le réformisme syndicaliste corporatiste. Zéro envergure, zéro ambition.

Éric Ciotti, le président du parti Les Républicains, a dénoncé ceux qui voulaient « Transformer nos forces de l’ordre en torches humaines et abattre la République », alors que Bruno Retailleau, le chef des sénateurs LR, a parlé d’un « spectacle de décivilisation ». Marine Le Pen a dénoncé « des tentatives d’assassinat contre les forces de l’ordre ».

Peu importe que cela soit de la démagogie. Ce qui compte, c’est que pour vaincre politiquement, il faut avoir de l’envergure, ou bien apparaître comme tel. Et là, qui a de l’envergure? Certainement pas les syndicalistes et leurs alliés casseurs. Il suffit de lire le communiqué de la CGT. Auto-satisfaction, aucune dimension historique.

On est là dans une décadence bien occidentale. Le monde s’effondre, les Français font comme si de rien n’était. Ils veulent vivre comme avant. Coûte que coûte !

Mais ni la tendance à la guerre pour le repartage du monde, ni les masses du tiers-monde ne laisseront les Français pleurer encore longtemps leur « paradis » perdu.

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Politique

1er mai : pour la déroute de l’occident

La forteresse occidentale doit tomber !

Il aurait été préférable que le Socialisme s’affirme de manière directe, par des Partis capable d’en porter la bannière et de triompher. Malheureusement, la croissance du capitalisme depuis 1989 a tout lessivé. Il y a eu l’effondrement du bloc d’une URSS elle-même devenue de nature « impériale », comme son concurrent américain donc. Et il y a eu l’intégration de la Chine dans le marché mondial.

Les forces productives ont incroyablement augmenté depuis 1989, jusqu’à la fatidique pandémie de 2020 qui a clôt la séquence. Désormais donc, les rapports internationaux pourrissent sur pied, la superpuissance chinoise veut prendre la place de la superpuissance américaine, tout le tiers-monde espère sortir de son horrible situation, alors que des puissances intermédiaires cherchent à tirer leur épingle du jeu.

Mais toute cette fuite dans le militarisme, l’esprit de conquête, les velléités impériales… affaiblissent la stabilité générale et les masses ne peuvent que se mettre en mouvement. Le Socialisme va se réaffirmer, à partir de la décadence de l’ordre mondial – et il ne faut pas s’imaginer qu’il y en aura un nouveau sous l’égide de la Chine, elle n’en a pas les moyens, malgré ses ambitions.

Cependant, il faut pour cela que l’occident tombe. Si l’occident se maintient, il peut trouver des moyens pour réimpulser le capitalisme. Aux dépens d’une Russie découpée en morceaux, par exemple. Ou bien en allant encore plus loin dans la mise en avant de modes de vie dégénérés totalement obnubilés par les questions identitaires et la surconsommation.

Si l’occident est ébranlé, si ses fondements vacillent, alors tout l’ordre capitaliste mondial ne peut qu’être remis en cause. Ce serait le coeur même du capitalisme qui ne ferait plus tourner le sang de l’accumulation dans l’ensemble du corps économique mondial.

Bien évidemment, les masses corrompues de l’occident préféreraient que tout continue comme avant. Le caractère profondément minable de la lutte contre la réforme des retraites exprime tout à fait ce manque d’ambitions sur le plan de la lutte des classes. Des millions de travailleurs français se sont agités, sans rien produire à aucun niveau, que ce soit sur le plan des idées, de la culture, de l’organisation.

Ce que nous disons, c’est que sans alignement sur les intérêts des masses mondiales, il n’y aura rien de sérieux en France politiquement à gauche. Tant que le tiers-monde sera « oublié », tant que la vie quotidienne capitaliste sera « acceptée », il ne pourra rien y avoir de bon.

Aussi, notre rôle est de critiquer le 24 heures sur 24 du capitalisme, de promouvoir l’antagonisme avec ce mode de vie, de recomposer le prolétariat français afin qu’il se réaffirme en tant que classe, comme composante du prolétariat mondial.

Et le mot d’ordre actuel est en ce sens : sabotez la guerre américaine contre la Russie ! C’est ce qui est conforme à la nécessité historique de la défaite de l’Otan et de la déroute de l’occident !

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Culture

La spécificité de l’art cinématographique: fixer les faits

Se confronter à l’objet !

Nous n’avons pas eu de chance en France, puisque l’écrivain ayant le mieux compris la question du rapport à l’objet au début du 20e siècle, Drieu La Rochelle, a repoussé le marxisme pour se tourner vers le romantisme fasciste, comprenant à la fin de sa vie seulement son erreur dans son entreprise de quête de saisie d’une vie vécue absolument.

Les dernières lignes de sa nouvelle Le feu follet (1931) expriment une tentative de confrontation à l’objet, au réel, comme nulle part ailleurs alors dans la littérature française.

«  »Solange ne veut pas de moi. Solange ne m’aime pas. Solange vient de me répondre pour Dorothy. C’est bien fini. »

 »La vie n’allait pas assez vite en moi, je l’accélère. La courbe mollissait, je la redresse. Je suis un homme. Je suis maître de ma peau, je le prouve. »

« Bien calé, la nuque à la pile d’oreillers, les pieds au bois de lit, bien arc-bouté. La poitrine en avant, nue, bien exposée. On sait où l’on a le cœur.

Un revolver, c’est solide, c’est en acier. C’est un objet. Se heurter enfin à l’objet. »

Il est ici très intéressant de voir que cette démarche de Drieu La Rochelle afin d’exprimer le désarroi et la quête d’absolu en quelques lignes porte une dimension résolument cinématographique. La scène est vivante et visuelle ; elle n’est pas simplement posée et racontée, serait-ce de manière dynamique.

Le temps est capté. Andreï Tarkovski dit précisément que c’est là le mode le plus spécifique au cinéma (Le temps scellé, Cahiers du Cinéma 2004 ou bien Philippe Rey 2014) :

« Sous quelle forme le cinématographe fixe-t-il le temps ?

Je la définirais comme une forme factuelle.

Le fait peut être un événement, un geste, un objet, qui peut même être immobile, dans la seule mesure où cette immobilité existe aussi dans le cours réel du temps.

Voilà où réside la spécificité de l’art cinématographique. »

Le cinéma confronte aux faits, le cinéma fait se heurter aux objets. Cela étant, Andreï Tarkovski a dialectiquement raison et tort dans sa présentation de cette question comme étant propre au cinéma. Le réalisme est la base de tout art authentique.

La différence est que le cinéma permet de propulser le spectateur comme le témoin d’une scène, grâce à la force des images qui s’imposent d’elles-mêmes. Mais ce qu’on gagne d’un côté, on le perd d’un autre. Le roman permet ainsi d’exprimer de manière plus aiguë les processus en cours en les montrant de manière plus étendus, là où le cinéma doit y aller de manière plus nette, plus franche.

Le roman permet de prendre plus de temps et que ce soit pour parler d’un déplacement au moyen d’un transport en commun ou d’un vécu émotionnel de nature sentimentale, il peut davantage enserrer les faits.

Le théâtre, quant à lui, a l’avantage d’imposer une atmosphère ; la sculpture profite de sa forme ramassée pour se concentrer sur une seule chose.

L’art est toujours du temps fixé, mais la synthèse se fait différemment sur le plan de l’aspect principal en fonction du mode artistique.

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Réflexions

La totale paralysie de la société française

Il ne se passe rien de rien, quelle folie.

Il est tout à fait évident que le mouvement contre la réforme des retraites est un échec. Plusieurs mois de mobilisations de masse n’ont abouti à rien, n’ont produit aucune nouvelle réalité politique, idéologique, culturelle, sociale. Si on voit les choses avec du recul, si on regarde disons depuis 1970, alors on voit jusqu’en 2023 une totale continuité politique au niveau gouvernemental, une totale continuité économique sur le plan capitaliste.

Il y a bien entendu eu des événements sociaux et politiques, des changements profonds. L’élection de François Mitterrand en 1981, la systématisation du Minitel, l’émergence du rap, la révolte des banlieues en 2005, la généralisation des smartphone, bref tout ce qu’on voudra.

En pratique pourtant, rien n’a changé au niveau des rapports entre les classes, ni sur le plan de la vie quotidienne. On naît, on s’amuse dans sa jeunesse, on s’insère socialement, on prend ses « responsabilités » d’adulte, on bosse quelques décennies en élevant ses enfants (ou pas), on vit une retraite dans la passivité et on meurt.

Certains auront plus de chance que d’autres, car ils profiteront d’un filet social, matériel, leur accordant une marge de manœuvre plus importante. Ils vivront dans de grands logements, iront en discothèque à Paris pendant plusieurs années, auront des postes à responsabilité bien payés ou seront rentiers.

Et dans tout ça, il y a aussi le mariage, le divorce, les rapports sentimentaux, la culture, les loisirs, le sport.

Mais enfin, ça ne change rien au fond. La France de 2023 est celle de 1982, même celle de 1962 ou de 1932. Sur le plan des forces productives, c’est différent bien entendu. Dans les mentalités, dans la participation au capitalisme, pas de différences par contre.

Restent, heureusement, des moments clefs de contre-tendance. Il y a le Front populaire, la Résistance, Mai 1968. Cela fait loin. Et cela n’a pas eu d’incidences sur le 24 heures sur 24 du capitalisme. D’ailleurs, sur le fond, malgré des différences d’ampleur, le système social est le même en France, en Angleterre, en Allemagne, en Belgique, en Italie.

Il y a les mêmes accords entre les représentants corrompus des travailleurs et la bourgeoisie, il y a la même fascination pour la petite propriété de la part des travailleurs. Il y a la même passivité générale des masses sur tous les plans. Les gens, individuellement, font bien entendu souvent plein de choses. Personnellement, pris un par un, ils sont intéressants.

Au niveau historique, l’exploitation et l’aliénation les bloque humainement de manière immense, déformant leur personnalité réelle, les façonnant selon le moule capitaliste. Si on regarde les choses en termes de décennie, c’est évident.

Si au contraire on a un regard opportuniste, sur le court terme, alors évidemment on s’imagine qu’il se passe des choses. C’est cependant de l’hypocrisie, du mensonge. Et l’une des preuves les plus nettes est le silence complet sur l’intégration de la France dans l’Otan et l’utilisation de l’Ukraine comme chair à canon contre la Russie.

La France veut profiter de sa réalité occidentale jusqu’au bout, voilà la raison de la totale paralysie de la société française. Elle converge avec la guerre contre la Russie : une victoire permettrait, en dépeçant la Russie, de maintenir le niveau de vie, l’hégémonie sur le monde.

Quelle faillite morale, intellectuelle, politique, culturelle, sociale, idéologique ! Et c’est sans avenir. Il n’y a pas de paralysie qui tienne. Ce sera la reconnaissance du Socialisme comme avenir mondial, ou l’agonie dans un mélange de décadence libérale-libertaire et de fièvre identitaire occidentaliste.

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Guerre

Deux Français rapportent du matériel militaire d’Ukraine

L’extrême-Droite est au service de l’Otan.

Avant le conflit armé en Ukraine, l’extrême-Droite française avait perdu tous ses repères idéologiques et ne consistait plus qu’en des groupes activistes de cogneurs et de provocateurs, cherchant à profiter des succès électoraux de l’extrême-Droite parlementaire. Grâce à l’extrême-Droite ukrainienne, principalement Azov, il y a eu toutefois une grande recomposition sur le plan des idées et de l’organisation.

Les images d’un entraînement en région parisienne d’un groupe d’extrême-Droite activiste (avec même des pistolets semi-automatiques) reflète tout à fait la prégnance de l’imagerie et des principes ukrainiens.

Le soleil noir nazi utilisé par Azov, le symbole nationaliste d’Azov calqué sur la « Wolfsangel » nazi…

Les « méthodes » Azov sont reprises, elles-mêmes étant issues de l’idéologie nationaliste ukrainienne, le banderisme. Il s’agit d’avoir des groupes violents se posant comme phalange d’un régime toujours plus autoritaire allant au militarisme. La « révolution » nationaliste est censée se produire dans un mouvement de « régénération » étatique.

En réalité, une telle conception est un masque. Les nazis d’Azov servent uniquement la transformation de l’Ukraine en forteresse nationaliste au service entier de la superpuissance américaine. Mais dans leur imaginaire, ils forment la pointe avancée d’une tendance au repli nationaliste, qu’il s’agit d’épauler et d’accélérer.

C’est ce phénomène qui se reflète dans l’arrestation, au soir du 22 avril 2023, de deux Français de retour d’Ukraine. Ils rapportaient dans un car des chargeurs de fusil d’assaut et d’optiques de visée.

L’État a été très clément avec eux. Ils ont reconnu leur « faute » et ont été immédiatement condamnés à…15 mois de prison, dont 9 avec sursis. 6 mois de prison seulement pour rapporter du matériel de guerre, en particulier des composantes qui impliquent que le reste, lui, a dû passer…

Et que l’objectif très clair est l’emploi de ces armes pour des attentats terroristes visant la provocation, l’élévation de la tension sociale dans le sens du chaos !

Il est tout à fait évident ici que l’État français « accepte » la présence en Ukraine de plusieurs centaines de Français, et qu’il voit d’un bon oeil que toute l’extrême-Droite activiste française soutienne fanatiquement Azov et le régime ukrainien (et donc de fait la superpuissance américaine).

L’État tolère, voire soutient une force de frappe prête à épauler un tournant ultra-réactionnaire de sa part, dans l’éventualité d’une guerre ouverte avec la Russie. L’extrême-Droite activiste française produit des idiots utiles de la militarisation de l’occident, canalisant des têtes brûlées derrière des fantasmes racialistes, afin de soutenir les initiatives générales de l’OTAN.

La preuve ? Le nationalisme français a disparu chez ces gens. Seul compte… l’occident, fantasmé de manière racialiste. C’est irréaliste, cosmopolite, producteur de têtes brûlées, tout à fait ce dont a besoin l’Otan.

Cela a déjà été dit ici : le régime ukrainien produit des nazis en masse, en Ukraine et également en exportation. Il n’y a rien à sauver : même l’agence Reuters, qui a fait un reportage en avril 2023 sur des soldats des « troupes d’assaut » ukrainiennes pour la contre-offensive prévue, a comme principal interviewé quelqu’un qui pris comme nom de guerre… « Adolf » !

En se positionnant comme des « occidentalistes », le nationalisme français passant totalement de côté voire à la trappe, l’extrême-Droite activiste française s’aligne totalement sur les intérêts de la superpuissance américaine. Exactement comme le font, en sens inversé, toute la « Gauche » post-moderne servant le libéralisme libertaire.

Occidentalisme identitaire et libéralisme LGBTQ sont les deux faces de la même médaille de la décadence de l’occident dont le capitalisme s’effondre. C’est une fuite en avant avec l’Otan à l’arrière-plan, et la preuve est que tant les occidentalistes que les LGBTQ sont totalement en faveur du régime ukrainien…

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Guerre

Une place « Kyiv » à Paris

La matraquage ne cesse pas.

La maire de Paris Anne Hidalgo a totalement échoué à la présidentielle 2022, avec 1,75% des voix. Alors elle force d’autant plus sur le conflit armé en Ukraine, afin de gagner des galons internationaux, en particulier auprès de la superpuissance américaine.

Maire d’une ville cosmopolite clairement au service de la grande bourgeoisie occidentale et de son style de vie, Anne Hidalgo se verrait bien de nouveau candidate à la présidentielle, en mode « gouverneure » d’un pays dans l’orbite américaine.

On ne peut pas comprendre autrement sa présence à Kiev les 20 et 21 avril 2023, dans le cadre d’un congrès pour la « reconstruction » de l’Ukraine, c’est-à-dire une mise entièrement sous tutelle. Il y a été invité par le président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui l’a accueilli les bras ouverts.

On est dans une narration occidentale, avec des acteurs, vraiment!

Paris accueillera les Jeux olympiques en 2024 et évidemment, Anne Hidalgo relaie la propagande nationaliste pour l’interdiction des athlètes russes (même sous bannière neutre).

Elle a rencontré également le maire de Kiev, Vitali Klitschko. Naturellement, faisant comme les pays occidentaux anglophones, elle emploie le mot « Kyiv » pour Kiev, afin de nier tout rapport historique de la ville avec la Russie. Cela fait partie des absurdités propagandistes.

Le maire de Kiev a au passage remis à Anne Hidalgo la médaille de la « Ville sauveur » pour Paris, pour son soutien au régime ukrainien. Du grand n’importe quoi ! Cela passe d’ailleurs totalement inaperçu, mais cela participe du bruit de fond permettant la guerre occidentale contre la Russie.

Et Anne Hidalgo a annoncé qu’il y aurait en juin 2023… une place Kyiv à Paris. Une place Kiev ou Kyiv? Ce sera sans doute Kyiv, parce que la propagande occidentale tourne à fond et que rien ne s’y oppose.

La place « Kyiv » est choisi à un endroit symbolique majeur : en plein Paris.

C’est à côté du Petit Palais, non loin de la place de la Concorde (à l’est) et des Champs-Elysées (au nord), du Grand Palais (à l’ouest) et… du pont Alexandre III (au sud). Alexandre III fut un tsar qui, dans la seconde moitié du 19e siècle, fut un artisan majeur de la russification forcée de l’Ukraine.

Que dire devant une telle opération? C’est de la guerre psychologique, c’est du bourrage de crâne. C’est le bruit de fond nécessaire pour faire tourner la machine de guerre occidentale, dont les choix sont ceux de la superpuissance américaine. Et après, il sera prétendu que la France n’est pas en guerre…

Sabotez la guerre américaine contre la Russie !

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Guerre

La nature de la future contre-offensive ukrainienne

Sa nature échappe aux protagonistes.

Il est parlé de manière ininterrompue, depuis plusieurs semaines, dans les médias occidentaux, de la contre-offensive ukrainienne qui aura lieu durant le Printemps. Parfois, c’est repoussé à l’été.

Cette contre-offensive est présentée de deux manières. D’une part, il est expliqué que le régime russe va s’effondrer, que l’armée russe échoue sur tous les plans. L’armée ukrainienne va donc vaincre.

D’autre part, plus rarement, il est expliqué que c’est la contre-offensive de la dernière chance pour forcer la Russie à cesser son « opération spéciale », étant donné que sur le long terme, la Russie serait gagnante.

Dans tous les cas, et c’est ça qui compte, la pression la plus grande est mise sur l’Ukraine pour qu’elle lance une opération militaire.

Les alliés objectifs de ce bellicisme occidental sont les nationalistes ukrainiens, totalement fanatisés et rêvant de détruire la « Moscovie ».

Il faut, paradoxalement, ajouter la Russie elle-même, qui a tout intérêt à une contre-offensive. En effet, dans une guerre moderne, attaquer c’est avoir des pertes terribles, en comparaison à la défense. Le seul moyen d’échapper à ça, c’est soit de réduire les actions au niveau de la guérilla, soit d’avoir une supériorité aérienne quasi totale.

La Russie pousse donc elle-même à la contre-offensive du régime ukrainien, dans une approche militaire d’ailleurs traditionnellement russe où l’ennemi est vaincu au moyen de « pinces ».

Pour cette raison, la Russie force le trait jusqu’à la caricature. Des lignes de fortifications particulièrement visibles sont établies en Crimée, le président Vladimir Poutine se rend à l’occasion de Pâques dans les régions de Kherson et Louhansk désormais intégrées à la Fédération de Russie.

Le dirigeant du groupe Wagner, Evgueni Prigogine, explique que l’opération spéciale est réussie et devrait se conclure, etc.

Tout cela ne tient pas debout pas une seule seconde, car la Russie ne s’arrêtera pas avant d’avoir pris Odessa, plus précisément toute la Nouvelle Russie mise en place par Catherine II.

Et, de toutes façons, la nature même du régime ukrainien implique un affrontement à mort. Le régime ukrainien veut détruire la Russie, et la Russie veut, si l’on veut, la suzeraineté sur l’Ukraine. Aucun compromis n’est possible.

Un concours photo officiel est mis en place en Russie pour les journalistes de guerre

Et, de toutes façons, on est dans le cadre de la guerre de repartage du monde, seul moyen de chercher à sortir de la crise. Les occidentaux ont besoin d’un régime ukrainien allant « jusqu’au bout ».

D’où l’acceptation, voire le soutien indirect, à toute l’agitation de l’extrême-Droite activiste européenne en soutien au régime ukrainien et aux nazis d’Azov. D’où le caractère unilatéral des discours médiatiques où le régime ukrainien serait démocratique et la Russie une tyrannie sanguinaire. D’où l’escalade dans l’envoi d’armes occidentales pour l’armée ukrainienne.

Les Ukrainiens ne sont plus maîtres de leur sort, pour peu qu’ils l’aient jamais été. Ils sont de la chair à canon pour un régime nationaliste et fanatique au service d’une guerre occidentale. Et si la défaite surgit, la Pologne et la Roumanie interviendront pour « sécuriser » la partie ouest du pays.

Le cynisme le plus grand prédomine quant au sort de l’Ukraine, pays exsangue, détruit en partie, endetté pour des décennies, avec une émigration massive.

La contre-offensive ukrainienne est, en ce sens, très clairement une opération reflétant les besoins occidentaux, tant militaires qu’idéologiques. Ils n’ont même plus de rapports avec le conflit militaire sur le terrain. Bien entendu, c’est à relativiser, car l’armée ukrainienne aimerait que ce soit bien le cas. D’où les incohérences sur tous les plans pour cette offensive qui ne vient toujours pas.

Mais elle est surtout un piège à tous les niveaux. Cela précipite dans un engrenage où tout le monde y a intérêt, sauf l’Ukraine. C’est pourtant inévitable. Seuls des naïfs qui croient encore que l’Ukraine cherche à se « libérer » peuvent croire que celle-ci a encore une marge de manoeuvre quelconque.

Elle l’aurait eu dans les six mois précédant le conflit armé. Nous avions annoncé la guerre et dit que l’Ukraine était menacée dans son existence. Entre-temps, le choix de la soumission à l’occident a activé son suicide national.

La contre-offensive de Printemps vient sceller ce drame. Et même si elle réussissait, imaginons – que serait l’Ukraine ? Une construction artificielle aux mains de fanatiques totalement au service de l’occident. Non, là est le drame, l’Ukraine a déjà perdu, et elle l’a elle-même choisie, ce qui est particulièrement terrible !

Telle est la force du poison nationaliste !

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Politique

Retraites : la France des pleurnicheries

La France est régressive.

Plus de 15 millions de téléspectateurs ont écouté l’allocution présidentielle d’Emmanuel Macron le 17 avril 2023. Naturellement, quelques centaines de personnes se sont regroupées dans la foulée, dans quelques villes (Paris, Rennes, Grenoble…), notamment pour chercher à jouer les casseurs, surtout à Lyon.

Mais surtout, ce sont les réactions du 18 avril qui sont exemplaires. Exemplaires de quoi ? Exemplaires de ce qu’il ne se passe rien en France. Il n’y a aucune mobilisation morale, intellectuelle, culturelle. Les gens sont asséchés par le 24 heures sur 24 du capitalisme. Ils n’ont aucune force.

On le voit, dans la vie quotidienne. On le voit, dans le travail politique. Et on le voit dans l’implication intellectuelle et culturelle. Agauche.org existe depuis décembre 2017, avec pratiquement 3000 articles. C’est un média qui est lu, naturellement pas assez et à la marge, mais suffisamment pour avoir un aperçu des tendances.

Et il n’y a pas de tendance, il n’y a rien. C’est exactement pareil lorsque nous avions annoncé six mois avant son déclenchement le conflit armé en Ukraine. Nous avions six mois, en fait même un peu plus, de documents à ce sujet, et personne n’est allé voir.

Il faut assumer : les gens se moquent de tout, ils ne percutent rien. Il est bien sûr toujours possible d’aller jouer au militant, au casseur, lors des manifestations et des mobilisations. Il en a toujours été ainsi. Mais ça ne rime à rien.

D’ailleurs, que propose désormais Emmanuel Macron ? Un « pacte de la vie au travail ». Il a rencontré le 18 avril les représentants des organisations patronales : le Medef, la Confédération des PME (CPME) et l’Union des entreprises de proximité (U2P) .

Les syndicats des travailleurs ne sont pas venus, mais ils y viendront. Car leur fond de commerce, c’est de « réformer » la vie salariale – autrement dit, de moderniser le capitalisme.

Et les Français sont satisfaits, même si critiques, d’une telle vie dans un capitalisme moderne. Objectivement, ils attendent tous que la Russie perde face à l’Otan, qu’elle rejoigne le tiers-monde, comme ça on pourra l’exploiter comme il faut pour maintenir le niveau de vie dans la société de la consommation.

Les réactions à l’allocution présidentielle relèvent donc de la mythomanie. Emmanuel Macron serait « complètement hors la réalité » selon Jean-Luc Mélenchon. La dirigeante de la CGT Sophie Binet a annoncé que « il n’y aura pas de retour à la normale tant qu’il n’y aura pas de retrait de la réforme des retraites ».

Ben voyons. Sauf que tout est normal, que les mobilisations n’ont en rien modifié une réalité qu’elles ne font qu’accompagner. Tout ça, ce sont des pleurnicheries. Et qui cela va-t-il aider ? L’extrême-Droite avec Marine Le Pen.

Car c’est indéniable : la fascination pour Marine Le Pen de la part des couches populaires n’a pas du tout faibli ces derniers mois, voire même elle s’est renforcée. C’est là une preuve indéniable de l’échec formel du mouvement de lutte contre la réforme des retraites.

Aucune estime pour la Gauche, aucun intérêt pour les idées de la Gauche, aucune assemblée générale réelle, soumission à l’intersyndicale, maintien des démarches corporatistes… Le bilan est désastreux.

Et toute l’ultra-gauche, tous les syndicalistes qui ont contribué à masquer ce bilan désastreux en sont les complices. Tous les gens qui ont prétendu que quelque chose pouvait en sortir de bon n’auront été que les ennemis politiques de la Gauche historique, les valets du réformisme et de l’anarchisme, ces deux aspects de la même pièce.

Seul le travail de fond a un sens, une valeur historique. Certainement pas le misérabilisme dans un des pays les plus riches du monde qui relève du dispositif américain pour faire la guerre à la Russie aujourd’hui, à la Chine demain.

La vérité est simple : qui ne veut pas rompre avec l’hégémonie de l’occident est obligé de converger avec lui ! Et de s’aligner sur le 24 heures sur 24 du capitalisme.

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Culture

Ahmad Jamal (1930-2023)

Une immense figure de la musique, mais…

Né le 2 juillet 1930, l’Américain Ahmad Jamal est décédé le 16 avril 2023. La nouvelle a dès le lendemain été une grande actualité culturelle, car on a une figure majeure du jazz. Ce pianiste a joué un rôle historique, au sens où il s’est interposé avec l’idéologie dominante dans le jazz qui valorisait l’improvisation.

Lorsque le jazz s’est développé, il a en effet été directement façonné par l’expansion massive du capitalisme américain. C’était (et en fait c’est encore) une musique kilométrique où l’on suit librement, subjectivement, une ligne musicale sur laquelle on fait des variations comme bon nous semble.

Ahmad Jamal a joué un rôle fondamental, en élevant son niveau de composition, en exigeant une cohérence « spatiale » à la musique.

https://www.youtube.com/watch?v=-tIbGGOADPs&list=PL0q2VleZJVEmYu9jM-xXkNLnF43rCni04&ab_channel=ktdchon22

Ahmad Jamal est donc inconnu des larges masses, mais a joué un grand rôle historique. Miles Davis a toujours revendiqué Ahmad Jamal comme une référence fondamentale, même s’il y a quelque chose de paradoxal.

On trouve pareillement des samples de sa musique chez Kanye West, de la Soul, Nas, Arrested Development, Ice-T, Krs-one, Jay-Z… (et même Sexion d’Assaut !). Et là encore, c’est paradoxal.

Car il est une vérité, c’est qu’Ahmad Jamal est une figure incontournable de la culture musicale afro-américaine au sens le plus large possible. Ne pas passer par lui, c’est assumer le commercial et rejeter l’héritage historique qui est justement à l’opposé une référence fondamentale d’Ahmad Jamal dans toute son oeuvre.

Ahmad Jamal ne parlait d’ailleurs pas de jazz, mais de « musique classique américaine ». Lui-même avait été formé également par ailleurs à la musique classique européenne. Il a joué un rôle historique de synthèse et de développement d’un jazz qui, à rebours de sa démarche, se précipitait dans la vitesse et la virtuosité purement technique.

Ce rôle historique s’associait, forcément, à la volonté de maintenir la musique dans une orientation populaire, à rebours des expérimentations qui, comme on le sait, sont monnaie courante dans le jazz, largement frelaté par l’individualisme intellectualiste et l’avant-gardisme prétentieux.

Son premier album, à la fin des années 1950 alors qu’il dépasse à peine la vingtaine, Ahmad Jamal Trio at the Pershing : But Not For Me, s’est même vendu à un million d’exemplaires.

Le souci historique d’Ahmad Jamal, c’est qu’il n’a pas été à la hauteur de sa propre problématique.

Il a bien vu la musique comme architecture, avec une association synthétique des éléments tant de la musique que des musiciens. Mais dans une époque où le capitalisme était un obstacle fondamental à une telle démarche, il fallait une rupture, il ne l’a pas assumée.

Qui plus est, Ahmad Jamal avait une approche très dépouillée, minimaliste, ce qui bien entendu formait un contraste très fort avec les attentes du capitalisme.

Comme en plus il a appuyé ce trait, cela a donné à ses compositions une image (et un fond) « cool jazz » simpliste – sa démarche se retournant en son contraire.

Il suffit d’ailleurs de comparer le Superstition original de 1972 avec la reprise insipide d’Ahmad Jamal l’année suivante.

C’est comme si Ahmad Jamal voyait le problème du jazz, mais n’était pas en mesure d’apporter une réponse.

Le point suivant est important. Le jazz est resté à l’écart des larges masses et des avant-gardes politiques de la Gauche des années 1960-1970. Cela n’a pas été le cas, si on regarde bien, ni de la Soul, ni de la Folk, pour prendre les États-Unis.

C’est le problème du jazz : l’intellectualisme, le snobisme. On ne sort pas de l’image de la musique faite pour être bue devant un cocktail dans un petit bar sombre. Le jazz n’a pas été la musique des contestataires américains des années 1960-1970 ; les hippies n’écoutaient pas du jazz.

Ce sont les individualistes s’imaginant poètes et écrivains du Quartier Latin parisien et de la Beat generation américaine qui écoutaient du jazz.

Tous ces gens cherchaient le « beat », et écrivaient avec le « beat », et prônaient le « beat » en politique et en philosophie – qu’on pense à Sartre. Toute la « phénoménologie », c’est le culte du « beat ».

Il n’y a pas de hasard si le jazz véhicule un style hautain, individualiste, « au-dessus » de la mêlée. Avoir le style jazz, c’est s’imaginer propre et intelligent, à l’écart des gens. L’amateur de jazz reste un incompris et il adore ça. Il y a un côté dandy.

Ahmad Jamal est ici une partie de la solution et pas du problème, parce qu’il rétablit l’émotion et la mélodie comme fondamentales. Il a toujours insisté sur ce point. Niveau théorie, il est dans le juste. Mais il n’a pas réussi sa révolution.

L’histoire du jazz reste d’ailleurs à étudier, car cette forme musicale est indubitablement un produit du capitalisme, une systématisation de la logique de variété, une forme qui se prolonge jusqu’à la musique d’ascenseur et la techno comme musique kilométrique avec juste des variations, sans émotions ni mélodie.

Le rap actuel répond également parfaitement à cette démarche tout à fait en phase avec le capitalisme. Du balancé, à prétention affirmative, entièrement subjectiviste, tendant au monochrome musical. Du son – pas de la musique!

Ainsi, le jazz pourrait être autre chose – comme musique classique américaine, comme l’a formulé Ahmad Jamal. C’est ça qui attire en lui, y compris chez des gens ayant une démarche finalement opposée à la sienne. Mais on en est loin, il y a là un combat politique encore à mener pour ouvrir une étape culturelle.

Est-elle même possible ?

Car jusqu’à présent, le jazz, malgré Ahmad Jamal et d’autres, est en quelque sorte resté une anti-Soul. Si on fait écouter du jazz traditionnel à n’importe qui, il restera de marbre, tout en appréciant certains aspects. Si on fait écouter de la soul, là tout change.

Mais il y a un espace pour avancer et d’ailleurs il y a eu des avancées, dont Ahmad Jamal est un exemple majeur. Il y a une énorme possibilité musicale dans le dépassement du « jazz ».

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Politique

Réforme des retraites: le psychodrame du  Conseil Constitutionnel

Le ridicule jusqu’au bout.

Le mouvement contre la réforme des retraites n’aboutit à rien et pour cette raison il a été fantasmé que le Conseil Constitutionnel retoquerait la dite réforme le 14 avril 2023.

C’était naturellement un vœu pieux, avec aux manettes ceux qui poussent à croire tant en la nature « démocratique » du régime qu’au caractère populaire du mouvement de lutte.

En réalité, l’Etat est subordonné aux classes dominantes et le mouvement est une réaction syndicale, et para-syndicale, à une gestion du capitalisme au sein de la forteresse occidentale.

On parle tout de même d’un Conseil constitutionnel chargé de veiller à ce que tout obéisse à la constitution, dite constitution qui est issue d’un coup d’Etat en 1958. Pour croire en l’intérêt d’une telle institution du point de vue populaire, il faut être un menteur ou d’une stupidité choisie car confortable.

Il va de soi que le Conseil constitutionnel a retoqué certains points de la réforme. Cela fait partie du jeu, il faut faire semblant d’être « au-dessus » de la politique.

Et les quelques milliers de manifestants qui ont protesté en réponse dans la soirée, en manifestant dans plusieurs villes, sont les premiers à contribuer à la légitimité de cette institution en lui accordant une valeur, ne serait-ce que symbolique.

Trente poubelles qui brûlent à Paris le soir de la décision du Conseil constitutionnel, ce n’est pas de la révolte, c’est de la protestation interne au système, c’est l’enfant gâté qui exprime son mécontentement.

On voit ici bien l’alliance de l’anarchisme, de l’ultra-gauche, avec le réformisme à l’apparence « contestataire ». Tous des mythomanes et des escrocs, à l’instar de la députée européenne Manon Aubry, qui a expliqué que :

« Cette décision du Conseil constitutionnel, c’est un nouveau bras d’honneur à la démocratie en quelques sortes, après l’utilisation du 49.3. »

Que veut dire ce « en quelques sortes »? C’est la démocratie ou ça ne l’est pas. Si ça l’est, ces propos n’ont pas de sens. Si ça ne l’est pas, alors il faut considérer qu’on est en dictature, une dictature de la bourgeoisie. On reconnaît ici toute la démagogie de ceux qui, par machiavélisme, pratiquent la surenchère verbale ou symbolique.

Un bon exemple de surenchère, ce fut pareillement au soir l’incendie à Rennes de la porte d’entrée d’un commissariat et de celle du couvent des jacobins (un centre pour les congrès, auparavant un lieu religieux comme l’indique le nom).

Marine Tondelier, secrétaire nationale d’EELV, a quant à elle parlé de « braquage démocratique », Eric Coquerel de La France Insoumise dit que

« On a maintenant une crise de régime qui va se développer. »

Mais bien sûr! Avec quoi, une CGT dont la nouvelle dirigeante, Sophie Binet, a répondu la chose suivante à l’invitation faite aux syndicats par le président Emmanuel Macron :

« J’ai envie de dire Lol. »

Le niveau est à zéro, c’est la défaite sur toute la ligne, il n’y a rien d’autre à chercher. Où étaient ces dernières années les milliers de gens qui ont manifesté le 14 au soir? Nulle part. Ils n’ont rien fait pour élever leur niveau politique, intellectuel, culturel, idéologique, organisationnel. Donc il ne faut pas s’étonner.

« — Vous chantiez ? j’en suis fort aise.
Eh bien !dansez maintenant. »

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Politique

Insupportable 12e journée de mobilisation contre la réforme des retraites

Encore rien, toujours rien.

La 12e journée de contestation contre la réforme des retraites a eu lieu jeudi 13 avril 2023. On doit parler de contestation, même plus de mobilisation. Il y a de moins en moins de monde, mais pour se rassurer les mobilisés s’imaginent qu’ils sont en pleine contestation, qu’ils vont faire tomber le président de la République.

Emmanuel Macron serait à deux doigts de la démission, à écouter cette fiction. Il vaut mieux parler de démagogie, d’ailleurs, parce que personne de sérieux ne peut croire une seule seconde à une chose pareille.

Sophie Binet, la nouvelle dirigeante de la CGT, s’est naturellement précipitée dans cette démarche. Voici ce qu’elle a déclaré à la presse à l’occasion de la journée de mobilisation.

« [Ce texte] continue son chemin anti-démocratique et la preuve, c’est ce qui est arrivé à Emmanuel Macron aux Pays-Bas hier.

[allusion à un énergumène s’étant invité par la force à proximité du Président, profitant de l’occasion pour scander un slogan des gilets jaunes !]

Où que le Président de la République aille, il se fait interpeller sur cette réforme qui ne passe pas, qui est refusée par une majorité de la population.

Et ce que montre cet incident des Pays-Bas, c’est que on ne peut pas gouverner le pays, le Président de la République ne peut gouverner le pays tant qu’il ne retire pas cette réforme. Donc il faut qu’il revienne à la sagesse et qu’il retire sa réforme. »

Comme c’est ridicule de parler d’un pays ingouvernable, alors que le 24 heures sur 24 du capitalisme fonctionne très bien, que la France arme le régime ukrainien et que d’ailleurs l’escalade continue sans arrêt dans la guerre occidentale cotnre la Russie.

Surtout que le reflux est patent. Selon ministère de l’Intérieur, 380 000 personnes ont défilé partout en France le 13 avril 2023. Un chiffre en baisse : on avait 570 000 le 6 avril, 740 000 le 28 mars, 1,09 million le 23 mars.

Même en prenant les chiffres de la CGT, soit 1,5 million de personnes, on a une participation montrant que le mouvement n’est plus capable de mobiliser ne serait-ce que comme au début.

Le pire dans tout ça, c’est qu’il y a eu 280 manifestations et rassemblements dans tout le pays. On a toujours cette surface de masse et rien, strictement rien sur le plan politique, le plan des idées, le plan de la culture.

C’est vraiment de la décomposition et uniquement de la décomposition. Ceux qui depuis le début vendaient la mobilisation comme une chose très bien ou une « possibilité » d’aller à autre chose ne sont que des escrocs, il est bien temps de le comprendre.

On a d’ailleurs la preuve formelle de ça du point de vue de la Gauche historique, avec ce virulent anarchisme qui ne ressemble à rien et fait de la casse, uniquement de la casse. Cela a eu lieu dans les endroits classiques du phénomène : Paris, Lyon, Nantes et Rennes, où il y a eu respectivement 42 000 – 400 000 manifestants (selon la police ou la CGT), 9900, 10 000 et 6500 manifestants.

Cela implique des dizaines d’interpellations, les stupidités habituelles.

Et le plus ridicule dans cette histoire, c’est que cette casse est organisée. Par quelques poignées d’individus d’ultra-gauche s’imaginant « autonomes ». Alors ces gens n’ont rien d’autonomes justement, ils sont des pions des syndicalistes dans leur stratégie de tensions, de débordement.

Tout ça, c’est du cinéma, pour masquer le fiasco. Même dans les lycées les blocages ou tentatives de blocages ont vu leur nombre chuter de moitié (une quarantaine contre 106 la semaine dernière).

C’est insupportable. Il faut le dénoncer, et nous le faisons depuis le début, pour qu’une séquence d’une autre nature puisse enfin commencer. Sur la base de la Gauche historique, avec l’exigence de la conscience, de l’idéologie, de la rupture avec le 24 heures sur 24 de la vie quotidienne dans le capitalisme.

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Politique

Le 39e congrès du PCF : retour ou agonie ?

Quelque chose s’est passé, mais quoi?

Le 39e congrès du Parti Communiste Français d’avril 2023 a largement fait réfléchir. Il y a en effet une réaffirmation du PCF comme structure indépendante et propositionnelle. Du point de vue des adhérents du PCF, c’est un succès. Fabien Roussel est considéré comme celui qui a réussi à refaire du PCF un parti politique qui ne soit pas dans l’ombre ni d’une union de la Gauche, ni de La France Insoumise.

C’est ça qui ressort du congrès, au-delà de toute autre considération. Que disent les observateurs, comment interprètent-ils ça?

Chez Regards.fr, un média historiquement lié au PCF, cela ne plaît pas du tout. On trouve à sa tête Roger Martelli, une ancienne figure du PCF, et  Clémentine Autain, ancienne du PCF passé à La France Insoumise. Là, on est horrifié. C’est une fuite en avant de la part du PCF et ça contribue à une guerre des gauches.

Autrement dit, il est constaté une rupture avec la trajectoire de la gauche populiste du type La France Insoumise. Ce point, on peut effectivement le considérer comme acquis. Pour les gens comme Regards, c’est intenable et un suicide.

Sur le papier, il est évident aussi qu’un tel maintien « identitaire » du PCF dérange forcément des structures comme le PRCF et le PCRF qui en sont issues. Elles pensaient que le PCF allait disparaître et que, en posant des jalons, elles prendraient le relais. Là cela semble impossible en l’état.

Si le PCRF ne dit rien, le PRCF considère que ça ne compte pas, au final. Il parle d’un PCF qui serait encore en pleine euro-mutation ». Il considère que c’est bien le cas malgré les prétentions de Fabien Roussel au sujet d’un retour du PCF sur la scène. La raison?

Les valeurs, des idées proposées. Le PCF, pour le PRCF, bascule à droite. Il ne peut donc aboutir à rien, même s’il prétend revenir.

« Ce constat s’appuie sur des faits objectifs, et non sur des anathèmes ou sur des accusations sans preuve :

– Déclarations reniant le passé communiste : hommage au liquidateur Gorbatchev et à l’anti-communiste Soljenitsyne ; mépris affiché pour les kolkhozes et le centralisme démocratique ; refus de considérer Staline comme un « camarade » (ainsi que Xi Jinping et Kim Jung-un) tout en affirmant que, vu certaines de ses déclarations, « Biden pourrait prendre sa carte au PCF » ;

– Positions tendant vers la Réaction : soutien à la manifestation factieuse des policiers organisée devant l’Assemblée nationale en mai 2021 par Alliance en présence du fasciste Zemmour pour « accuser la Justice ») ; feu vert aux préfets pour expulser les sans-papiers non régularisés ; « débat » avec Valérie Pécresse à la Fête de l’Huma 2021 ; louanges aux « grandes fortunes très intelligentes, qui ont créé, inventé » ; pitoyable mise en opposition de la « gauche du travail » et de la « gauche de la paresse » ; regret de l’annulation de la visite de Charles III en plein conflit des retraites.

– Ancrage définitif de la France dans l’ordre capitaliste UE-OTAN : soutien sans faille au régime pronazi de Kiev martyrisant le Donbass ouvrier depuis 2014 ; appel à un « débat parlementaire » pour savoir s’il faut faire la guerre contre la Russie (!) ; vote des députés P« C »F en faveur de l’infâme résolution du 30 novembre 2022 (avec « Renaissance », les « LR », le « PS » et « EELV ») pour l’envoi d’armes à l’Ukraine (et l’élargissement de l’OTAN à la Suède et à la Finlande et de l’UE à l’Ukraine), etc.

– Politique légaliste et euro-« social-démocrate » : NUPES ; appel à un « débat pacifié » dans le cadre de la Ve République avec la Macronie en plein affrontement de classes sur les retraites ; maintien du P« C »F au sein du Parti de la Gauche européenne (PGE) rallié à l’euro et la construction européenne et invisible dans les luttes. Le PGE, qui accueille encore Syriza malgré ses trahisons et capitulations néolibérales en Grèce sans que cela émeuve le P« C »F, a d’ailleurs eu les honneurs du congrès du P« C »F avec la présence de son président Walter Baier, ovationné après avoir déclaré que « les mouvements sociaux sont un tremplin pour une Europe sociale, écologique et féministe » (en somme, pas mieux que Mitterrand, Jospin ou Hollande !).

La Riposte, un courant trotskiste qui eut un temps un écho dans le PCF, quant à lui que tout ça est surtout un écho d’une décomposition du PCF. En effet:

« le contenu analytique, politique et programmatique du document [proposé par la direction et voté à plus de 80%] est d’une pauvreté affligeante ».

Il est pensé ici que le PCF se survit à lui-même. C’est une position trotskiste traditionnelle.

Ce n’est pas du tout ce que pense le PCF(mlm), par contre. Le PCF, selon lui, s’est vraiment relancé. Il s’est vraiment relancé, car il est en train de mourir.

Pour les maoïstes en effet, le PCF esr révisionniste depuis les années 1950. Sa seule fonction est d’être un pare-feu au communisme véritable.

Là, il agonise, donc une dernière fois il tente d’apparaître comme super révolutionnaire. Dans le pdf de Crise (qu’on remet ici, voir page 45), il y a donc une analyse approfondie des thèses « révolutionnaires » de la motion de Fabien Roussel.

Et il est affirmé que la clef et la preuve de tout ça, c’est la réaffirmation par le PCF du concept de « capitalisme monopoliste d’Etat ».

Toute la motion se fonde dessus. D’où une critique très développée de son concepteur, Paul Boccara.

crise-23-avril-2023

Résumons.

Le PCF se maintient politiquement et va agir dans les prochaines années. Il ne se soumettra pas à La France Insoumise et Jean-Luc Mélenchon.

Les gens qui ont quitté le PCF pour prôner une fusion surtout avec La France Insoumise sont très déçus de ça. Il y en a encore dans le PCF, à autour de 15%, la majorité étant elle par contre très contente du retour affirmatif du PCF.

Pour les sortis et la minorité, le PCF court au suicide. Pour la majorité, le PCF est de retour comme force politique.

Le PRCF, qui compte occuper l’espace du PCF, dit que ce n’est qu’apparence, qu’en réalité le PCF continue sa dissolution au sein des institutions façonnées par l’Union européenne (d’où une ligne de « Frexit progressiste » qui serait nécessaire).

Il continuera de s’étioler, il n’y a rien en attendre. Il est déjà mort.

Le PCF(mlm), maoïste donc en opposition avec la ligne du PCF depuis les années 1950-1960, considère au contraire que le PCF, s’il agonise, revient à ses fondements dans un dernier sursaut pour constituer une barrière, encore une fois, à l’affirmation du communisme véritable. C’est le « révisionnisme » du PCF, qui tente une dernière réactualisation afin de tromper les gens.

C’est son rôle, sa nature : il le tente jusqu’au bout.

Trois positions, donc : le PCF va se décomposer (face à La France Insoumise), il va s’étioler (en raison du cadre européen), il va s’affirmer (dans une dernière agonie).

L’avenir dira qui a raison.

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Comment Gims a vu l’avenir en imaginant le passé

L’avenir appartient aux peuples du tiers-monde.

De quelle couleur sera l’avenir ? Il sera coloré et c’est ça qui compte. Si aujourd’hui, les peuples du monde sont divisés, dans 200 ans, 300 ans, il n’y aura plus qu’un seul peuple mondial, et nous serons tous plutôt noir, plutôt jaune, pour autant que de telles définitions puissent alors avoir encore un sens.

Et c’est parce qu’il a vu cet avenir, sans le comprendre, que le chanteur Gims l’imagine dans le passé. Ses propos lors d’une longue interview ont été aberrants – mais dialectiquement, ils relèvent de notre drapeau, celui de la chute de l’occident. Ils sont cohérents.

Quand Gims dit que le passé c’est l’Afrique avec un très haut niveau de technologie, en réalité il parle de l’Afrique du futur, dans le socialisme. Il a compris le décalage immense entre l’énorme quantité de gens sur ce continent et la si faible qualité qui en ressort. Il sait que ce n’est pas possible. Alors il imagine cela dans le passé, mais il parle en réalité du futur.

Il suffit de relire ses propos en les mettant à l’endroit et on voit très bien que c’est l’un des nôtres.

« L’Afrique c’est Wakanda bordel. C’est le futur normalement chez nous. À l’époque de l’empire de Koush, il y avait l’électricité. Les pyramides qu’on voit là, au sommet il y a de l’or. L’or c’est le meilleur conducteur pour l’électricité. C’était des foutues antennes.

Les gens, les gens avaient l’électricité. Les gens ils arrivent pas à comprendre ça. Les Égyptiens, la science qu’ils avaient, ça dépasse l’entendement. Et les historiens le savent.

L’Afrique a peuplé l’Europe avant les Européens. On les appelait les afropéens. Ils ont été décimés par les vrais européens entre guillemets qui venaient d’Asie. On les appelait les Yamnayas, tu vois ?

50 000 ans avant les Européens, la notion de la chevalerie, on l’avait déjà. Tu retrouves aujourd’hui des tableaux qui sont classés, cachés dans des catacombes. C’est des re-nois qui sont en mode chevalier, Sir Lancelot tout ça. Bien sûr ça existait déjà. Bien sûr. C’est juste qu’il faut connaître notre histoire.

On veut nous faire croire que notre histoire elle a commencé sur négrier, genre on est en train de ramer en sueur. Non. »

Ce qu’il dit n’est pas objectivement faux et subjectivement vrai, il ne s’agit pas de faire du misérabilisme. Ce qu’il dit est objectivement vrai, mais dans le futur, exprimé de manière détournée, aliénée. Et il a subjectivement tort, car il idéalise un passé mythique, comme Kemi Seba qui est passé de l’antisémitisme au panafricanisme, toujours sans comprendre la lutte de classes.

Mais même sans la comprendre, le tiers-monde vit dans ses propos. Lorsqu’il dit que l’Afrique est pillée depuis Cortès, c’est absurde, car c’est le continent américain qui a été victime alors. Si on regarde toutefois avec des yeux révolutionnaires ce qu’il dit, on devine qu’il parle du tiers-monde.

D’ailleurs si Gims est chanteur commercial pour ados, pour faire court, il a vécu jusqu’à 18 ans dans des foyers d’accueil et des squats, il sait ce dont il parle. Ces propos tenus lors de la même interview en font foi.

« Je veux me concentrer sur le continent africain. A un million de pourcents. Un million de pourcents, je vais mettre toute ma force aujourd’hui sur l’Afrique tu vois. Et c’est ce qui me fait vibrer aujourd’hui, autant voire plus que la musique tu vois. C’est ce qui me fait vibrer, moi je suis un fan d’histoire donc, je suis un fan d’histoire, d’étymologie, de toutes ces choses-là.

Aujourd’hui je suis persuadé que l’Afrique a inspiré tout le monde, de Picasso aux grandes marques de luxe, ils ont tout pris à l’Afrique. Absolument tout. Ils ont brûlé les bibliothèques, donc on a plus d’écrit. J’ai appris il n’y a pas longtemps qu’il y avait plus grand que le mur de Berlin, c’est le mur que les Béninois ils ont fait il y a des années.

Donc on a déjà fini le jeu en vérité. Mais on a effacé notre historique, on a tout brûlé donc aujourd’hui moi mon combat c’est que je ne comprends pas je n’accepte pas qu’aujourd’hui un pays comme le Congo, comme le Mali soit dans des dans un tel niveau de précarité quant à la nourriture.

Comment on peut ne pas manger aujourd’hui en 2023 avec le gaspillage ? Tu vois Chirac il a dit un jour si l’humanité mangeait comme les Français il faudrait six planètes Terre, vous vous rendez compte le calcul ? Donc aujourd’hui je pense que c’est ce que je dois faire. Je dois me concentrer sur l’Afrique noire.

Je sais pas encore comment exactement, par quel biais, comment rentrer. Par la culture ? Par si ou par ça ? Mais il faut qu’aujourd’hui les Congolais, les Africains se lèvent. Il faut que… Tout l’argent vient d’Afrique, tout l’oseille de l’Europe vient d’Afrique, depuis l’aube des temps. Depuis Hernán Cortés.

Il faudrait juste qu’on puisse profiter un petit peu de notre argent, c’est tout. Et j’aimerais faire partie des personnages aujourd’hui, comme Sankara, comme toutes ces légendes, comme Lumumba. J’aimerais proposer quelque chose quoi. J’aimerais pas, j’ai pas envie qu’on dise c’est le gars qui a fait « sapé comme jamais ». Non je veux construire quelque chose de solide.

Il faut du cran pour dire comme il le dit je suis juste un chanteur comme plein d’autres et je veux contribuer à l’Afrique. C’est honorable. D’ailleurs le « mauvais buzz » est parti d’un grand partisan de l’occident, Tristan Mendès-France.

Il fait partie de la scène anti « complotiste ». Initialement, il y avait un vrai effort éducatif dans cette scène, surtout contre l’antisémitisme. Mais l’intellectualisme et la fréquentation des milieux universitaires l’a conduite à être totalement pro-occident, notamment pro-Ukraine bien entendu.

Tristan Mendès-France, sur son compte Twitter, s’est donc autant moqué des propos sur les pyramides que ceux, pourtant tout à fait justes, du rôle des multinationales et des grandes puissances dans la situation congolaise !

Cela veut tout dire. D’un côté le tiers-monde qui s’affirme péniblement, dans la souffrance, dans l’incohérence, de l’autre côté l’occidental repu bien à l’abri dans sa forteresse et sa rationalité linéaire.

Gims n’est pas une partie du problème, mais bien de la solution. Si vous regardez la vidéo de Rage against the machine pour la chanson Peoples of the sun, qui parle justement des Mayas et des Aztèques victimes des conquistadors avec Cortès, vous avez la même substance.

Les paroles sont bien entendu rationnelles, car Rage against the machine appartenait directement à notre camp. Ils ne romantisaient pas le passé comme Gims. Mais il y a la même charge. Celle qui fera tomber l’occident ! L’avenir est noir, il est jaune… Il est rouge !

Vérifiez, depuis 1516, les esprits attaqués et surveillés Maintenant rampent parmi les ruines de ce rêve vide
Avec leurs frontières et leurs bottes, au-dessus de nous
Nous écrasant, depuis leur métropole toxique

Mais comment allez-vous obtenir ce dont vous avez besoin?
Les mangeurs de tripes, trempés de sang reçoivent des offensives comme celles du Tet [au Vietnam]

Le cinquième coucher de soleil [aztèque, de la fin des temps] revient, il réclame
L’esprit de Cuauhtémoc [le dernier empereur aztèque], vivant et sauvage

Maintenant, faites face au funk, maintenant, faites exploser votre haut-parleur
D’un et d’un autre, Maya, Mexica
Ce vautour est venu essayer de voler ton nom
Mais maintenant tu as une arme !
Oui, c’est pour les peuples du soleil !

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Politique

39e congrès du PCF: « nationbuilder »

Une méthode qui révèle l’alignement capitaliste.

Le Parti Communiste Français a tenu son 39e congrès, du 7 au 10 avril 2023. Allait-il être satisfait de Fabien Roussel, après son résultat de 2,28% à la présidentielle, un an auparavant?

Il l’a été. La base a confirmé à 81,92 % son texte stratégique « L’ambition communiste pour de nouveaux Jours heureux« . Lui-même a été réélu comme dirigeant à 80,4%.

Et le PCF a mis en place tout un dispositif autour du congrès, pour le rendre facile à comprendre, facile d’accès en ligne avec une vidéo des comptes-rendus (sauf pour le dernier après-midi), une présentation très claire, le tout sur un site dédié.

Une site hébergé par « NationBuilder, 520 S. Grand Ave., 2nd Floor, Los Angeles, CA 90071 ». Il n’est même pas précisé que c’est aux Etats-Unis ! C’est plutôt amusant quand on sait que Fabien Roussel n’a pas cessé d’exprimer son amour de la patrie tout au long du congrès.

Mais justement, son populisme est à l’américaine. Car le PCF a utilisé pour le congrès la plate-forme américaine « NationBuilder », qui met en place une interface en ligne pour mener des « campagnes ».

L’interface pompe un maximum d’informations sur les personnes l’utilisant, notamment par l’intermédiaire de Facebook et de Twitter. Elle permet de lancer des campagnes en fonction, afin de toucher les « cibles », proposant des graphismes, une esthétique, des idée de méthodes, etc.

C’est l’activisme clef en main typique du 24 heures sur 24 du capitalisme. L’interface de « Nationbuilder » a été d’ailleurs employée notamment par Donald Trump pour gagner l’élection américaine de 2016, et par Emmanuel Macron pour gagner l’élection française de l’année suivante.

Le PCF a fait comme Emmanuel Macron la même année, d’ailleurs. Les socialistes français l’emploient aussi, Eric Zemmour fait de même, et on retrouve l’interface dans plusieurs pays ; le Parti du Travail de Belgique fonctionne avec, par exemple.

Pourquoi en parler maintenant? Pour une raison très simple. Employer Nationbuilder, voilà qui ne colle pas vraiment avec le discours de Fabien Roussel d’un retour au terre à terre. Il prétend qu’il veut s’adresser aux gens « normaux » et voilà qu’il emploie la plus développée des interfaces du « monde digital ».

Il y a l’apparence, où l’on prétend s’adresser de manière démocratique. Et il y a la réalité, où dans les structures mentales même, dans la culture, dans la pratique, il y a l’asservissement aux modalités « politiques » du capitalisme le plus moderne.

De son point de vue, il ne verra pas de contradictions. Nous, du point de vue de la Gauche historique, nous le voyons. Nous détestons cette « gauche » Twitter, Facebook et Instagram, ou même youtube et tiktok. C’est totalement aliénant, cela n’a rien à voir avec une bataille pour les consciences.

Croire qu’on peut faire passer des idées de gauche au moyen de produits capitalistes faits pour épuiser les consciences, vider les esprits, consommer… c’est de l’insconscience, de l’absdurdité, de la collaboration avec le 24 heures sur 24 du capitalisme.

Qu’il faille une bonne présentation sur internet, c’est vrai. Qu’on adopte les méthodes des pires capitalistes en s’imaginant les retourner en son contraire, voilà qui est inacceptable.

On comprend alors pourquoi le PCF est totalement pro-nucléaire, pourquoi Fabien Roussel joue au viandard beauf, pourquoi le PCF s’aligne sur l’OTAN tout en le critiquant. Le PCF veut être « de la partie ». Il ne veut pas de rupture.

Et il a fait ce choix en mai 1968, lorsqu’il s’est totalement opposé au mouvement. Cela devait être dit avant d’analyser le congrès, ce qui reste à faire, car on ne peut pas comprendre ce que dit le PCF si on ne voit pas déjà son hypocrisie. Non, on ne peut pas chanter l’Internationale en employant Nationbuilder!

Car c’est là le second aspect, dont il faudra parler, justement avec le congrès. Fabien Roussel représente une ligne qui se revendique du marxisme, du socialisme! Et qui méprise ouvertement la minorité, qui est elle en mode « post-moderne ». Les deux textes signés par des jeunes (ou un peu moins jeunes) pour soutenir les deux factions reflètent bien cette opposition.

Mais cette opposition est-elle réelle? Elle ne peut pas l’être, avec un tel arrière-plan culturel, avec une telle démarche. On ne peut pas agir et faire comme si le monde venait de commencer. En jouant ainsi, le PCF fonce dans le mur et il est une machine à illusions.

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Politique

Congrès 2023 du PCF: les deux factions

Un retour aux sources ou la post-modernité?

Voici deux textes qui reflètent le mieux les deux factions au sein du PCF lors du 39e congrès, qui s’est tenu à Marseille du 7 au 10 avril 2023. Ils ont été écrit tous les deux par des militants jeunes (ou un peu moins jeunes).

Le premier texte représente la ligne majoritaire, ou plus exactement l’aile « gauche » de la majorité, celle qui veut un retour au PCF des années 1980, pour résumer.

Le second représente la faction minoritaire, celle qui est tenante d’une participation à un conglomérat de gauche sur une ligne « post-moderne », avec les thèmes qui en découlent.

Si l’on veut être méchant, on dira que les premiers ont pris au sérieux la dimension « marxiste » du PCF, les seconds la dimension « post-marxiste ». Et il faut bien être méchant, car le PCF est tout de même un parti de gouvernement, qui n’a plus l’ambition d’une révolution ou même du marxisme comme idéologie depuis des années et des années… Le symbole n’est même plus le marteau et la faucille!

On voit là un vrai décalage avec la réalité historique.

Voici le premier texte, qui fait huit pages.

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Le second texte.

39e Congrès du PCF : prendre le parti de la Génération Révolution

Notre parti s’est toujours renforcé en s’impliquant dans les luttes portées par la jeunesse. À l’inverse, chaque fois que le PCF s’est distancé des mouvements sociaux émergents, il a perdu en vitalité comme en crédibilité.

Le PCF est vivant quand il s’attache à comprendre le monde tel qu’il est et agit pour le transformer. C’est pourquoi, dans le cadre du débat du 39e Congrès du Parti Communiste, nous, jeunes adhérent·es, appelons à soutenir le texte « Urgence de communisme ». 

Crise climatique, guerres, pandémie : l’absurdité du capitalisme apparaît toujours plus clairement aux peuples. Notre génération, bien plus que les précédentes, fait tous les jours l’expérience qu’il faut en finir avec ce système.

Féminisme, climat, antiracisme, nouvelles formes de mobilisation… C’est bien la crise mondiale actuelle qui nourrit la radicalité des luttes de la jeunesse.

Nous vivons une situation inédite : contrairement aux générations précédentes, la nôtre ne devient pas plus conservatrice en prenant de l’âge !1 Il s’agit d’un moment charnière, et la jeunesse peut y jouer un rôle moteur.

Au Chili, les jeunes se sont mobilisés avec l’ensemble du peuple et ont gagné, contre le régime néolibéral issu de la dictature de Pinochet, la mise en chantier d’une Constituante et le retour de la gauche au pouvoir.

Au Brésil également, grâce à une mobilisation conjointe des travailleur·ses, de la jeunesse, des femmes, des personnes LGBTQI+ et des peuples autochtones, la gauche de Lula revient au pouvoir après un mandat destructeur de l’extrême-droite. En Iran aussi, les jeunes sont en première ligne pour affirmer leur solidarité avec les femmes du pays contre l’obscurantisme théocratique au pouvoir, remettant en question des années d’injustices sociales et patriarcales.

Au Tchad là encore, ce sont des mobilisations de jeunes, réprimées dans le sang, qui remettent en cause le pouvoir militaire d’Idriss Déby. En Inde avec des grèves historiques, aux États-Unis contre les violences policières… partout dans le monde, la jeunesse est au cœur des mobilisations pour la liberté, l’égalité et la justice !

En France, des revendications similaires animent de larges portions de la jeunesse, qui se sont rassemblées ces dernières années contre les violences faites aux femmes, l’inaction climatique ou encore les violences policières. Déjà présent·es en 2019 et 2020 dans les mobilisations contre les réformes des retraites, leur mobilisation sera essentielle dans les semaines à venir pour faire reculer le gouvernement.

Au plan électoral, ces millions de jeunes se sont prononcés à plusieurs reprises pour les différentes candidatures identifiées à la gauche radicale, en 2012, 2017 et 2022.

Dans le même temps, parfois en réaction, une part croissante de la jeunesse a fait le choix des candidats de l’extrême-droite, de Le Pen à Zemmour. Le Parti communiste français, qui tiendra son congrès au printemps, doit prendre pleinement la mesure des contradictions qui agitent notre génération.

Notre parti, en effet, s’est toujours renforcé en s’impliquant dans les luttes portées par la jeunesse. De Mandela au peuple palestinien, des manifestations CPE à celles contre la Loi Travail… de 2002 à 2018, la France et le PCF vivent aux rythmes des manifestations de jeunes. À l’inverse, chaque fois que le PCF s’est distancé des mouvements sociaux émergents, il a perdu en vitalité comme en crédibilité.

Né au lendemain de la première guerre mondiale, dans un contexte de crise majeure, le PCF est vivant quand il s’attache à comprendre le monde tel qu’il est et agit pour le transformer.

Continuer à renvoyer les luttes révolutionnaires du XXIe siècle à de simples “enjeux sociétaux”, comme on l’a trop souvent entendu ces dernières années, serait donc une grave erreur.

Cela est d’autant plus vrai qu’aujourd’hui les perspectives politiques concrètes manquent aux luttes de la jeunesse.

Avec la Nupes, un premier pas a été fait vers un rassemblement majoritaire de gauche capable de prendre le pouvoir, et de répondre aux attentes de celles et ceux qui luttent. Mais le plus dur reste à faire pour transformer l’essai jusqu’à la victoire.

Dans cette situation, nous avons besoin d’un Parti communiste qui ne se pose pas en donneur de leçons, mais s’attache à développer avec clarté la méthode qu’il propose aux mouvements populaires pour vaincre Macron et l’extrême-droite.

Expérience militante, communisme municipal, solidarité internationale… Les communistes ont beaucoup à apporter, pour peu qu’ils et elles le décident !

Aussi, à partir de nos expériences de terrain et pour répondre à ces enjeux, nous sommes fier·es d’apporter notre soutien à la proposition de base commune Urgence de communisme pour le 39e Congrès du PCF ! Nous appelons tous les communistes à en prendre connaissance, à la mettre en débat et à la soutenir.

  1. Les millenials bouleversent la plus ancienne règle en politique. Article paru le 29 décembre 2022 dans le Financial Times (https://www.ft.com/content/c361e372-769e-45cd-a063-f5c0a7767cf4)

Signataires :

Elsa Amand, 33 ans, membre d’exécutif de section (92)
David Arabia, 27, ancien secrétaire de section (66)
Antoni B., 28 ans (94)
Pierre Beaufort, 25 ans, membre du Conseil départemental PCF Vienne (86)
Hugo Blossier, 31 ans, secrétaire fédéral (86)
Aurélien Bonnarel, 30 ans, secrétaire de section et conseiller municipal (67)
Hadrien Bortot, 33 ans, secrétaire de section et Maire-adjoint d’arrondissement (75)
Cyrielle Burban, 34 ans, co-secrétaire de section (94)
Hugo Carlos, 24 ans, membre de comité de section, membre du conseil départemental de la fédération du Gard du PCF (30)
Nicolas Carrere, 23 ans, ancien responsable du MJCF 66, membre d’exécutif de section et du conseil départemental PCF Pyrénées-Orientales (66)
Julien Cazeneuve, 35 ans, membre d’exécutif de section (93)
Lucie Champenois, 28 ans, conseillère municipale (92)
Sabrina Chatouani, 23 ans (93)
Nicolas Commisso, 25 ans (67)
Paul Conchon, 35 ans (24)
Mateo Crespo Garcia, 24 ans (75)
Nicolas Defoor, 33 ans (93)
Emmanuel Delaplace, 23 ans (92)
Morgan Desmarest, 33 ans, co-secrétaire de section (94)
Manel Djadoun, 24 ans (92)
Emilie Dufour, 24 ans (86)
Julien Duponchez, 32 ans (94)
Eve Elizagaray, 27 ans (66)
Anaïs Fley, 25 ans, ancienne secrétaire nationale de l’UEC, membre du conseil départemental PCF 92 et du conseil national du PCF (92)
Samuel Franceschi, 27 ans, co-secrétaire de section (86)
Théo Froger, 26 ans (38)
Gabriel Gau, 33 ans (75)
Antoine Guerreiro, 29 ans, secrétaire de section, membre du conseil départemental du Val-de-Marne et du conseil national du PCF (94)
Nawfel Hamri, 22 ans (26)
Zoé Imbert, 24 ans, membre d’exécutif de section, membre du conseil départemental PCF Paris (75)
Marie Jay, 27 ans, Maire-adjointe et membre d’exécutif de section (94)
Clément Jumeaucourt, 23 ans (60)
Anaïs Keslani, 29 ans (30)
Yanis Khima, 19 ans, membre du Collectif jeune du Val-d’Oise (95)
Noâm Korchi, 24 ans (93)
Pierre Labrousse, 23 ans (13)
Romain Lacomme, 24 ans, membre de la commission nationale Énergie (75)
Paul Larnaud-Chiocca, 30 ans (2A)
Chloé Le Bret, 26 ans, ancienne élue à l’égalité des droits (38)
Sébastien Lorian, 34 ans (92)
Maxime Martinet, 27 ans (38)
Antoine Mézy, 24 ans (67)
Walid Mhaidra, 22 ans (84)
Léo Michel, 23 ans (94)
Camille Naget, 32 ans, conseillère municipale (75)
Basile Noël, 27 ans (77)
Adèle Olivares, 20 ans (30)
Hugo Pompougnac, 32 ans, secrétaire de section (92)
Marine R., 29 ans, secrétaire de cellule (75)
Alban Rapetti, 28 ans (47)
Clothilde Renaudin, 25 ans (72)
Aurélien Riou, 24 ans (13)
Sarra Sebaoui, 29 ans (91)
Eloi Simon, 33 ans, élu municipal (92)
Léo Simonet, 28 ans, ancien syndicaliste étudiant (94)
Lovepreet Sing, 21 ans (93)
Lola Sudreau,  22 ans, membre d’exécutif de section (93)
Laurène Thibault, 29 ans, membre d’exécutif de section (92)
Élise Verneyre, 32 ans (93)
Armeline Videcoq-Bard, 31 ans, responsable du Collectif jeunes du PCF Val-d’Oise, membre de l’exécutif départemental du PCF Val-d’Oise (95)
Clément Vignoles, 31 ans (23)
Rachel Zoughebi, 24 ans (94)
Rustam Zubkov, 22 ans, secrétaire de section (77)

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Culture

L’Encyclopédie de Diderot sur la Russie et l’Ukraine

Deux articles riches d’enseignements.

L’Encyclopédie est un monument universel de la culture nationale française ; c’est une puissante contribution des Lumières. Et même si l’on ne s’intéresse pas dans le détail aux informations fournies dans les articles Russie et Ukraine, on peut en tirer des enseignements par la négative.

La propagande de guerre occidentale, en mode bourrage de crâne, insiste sur le fait que la Russie n’existe pas, que ce serait une sorte d’empire colonial asiatico-barbare. Les Russes seraient d’ailleurs des fanatiques suicidaires, avec un esprit criminel à la Dostoïevski, pour qui la vie ne compterait pas.

Ce n’est pas une plaisanterie ! Pour des Français pétris au rationalisme, c’est trop gros pour être vrai, et pourtant c’est bien le cas. Dostoïevski est présenté désormais comme l’exemple de l’âme damnée russe qu’il faudrait absolument éliminer.

C’est le fond de l’idéologie nationaliste « bandériste » en Ukraine, où le président Volodymyr Zelensky vient de demander au premier ministre Denys Chmyhal d’étudier le remplacement du mot « Russie » par celui de « Moscovie ».

Et comme la Russie serait une fiction, il faudrait la « décoloniser », la diviser en plusieurs pays. C’est tout à fait assumé de la part du régime ukrainien.

Or, l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert dit précisément tout le contraire ; elle insiste sur le fait que la Russie n’est plus la Moscovie, qu’elle est une nation se développant, sous l’impulsion de Pierre le grand (1672-1725). C’est d’ailleurs lui qui, ayant comme référence les Pays-Bas, le premier pays capitaliste, reprit ses couleurs, blanc-bleu-rouge, qui devinrent ceux du drapeau national russe (et des Slaves en général pour la plupart).

L’Encyclopédie présente également bien l’Ukraine, alors une contrée plus qu’autre chose et subissant perpétuellement les invasions, ne devant sa sortie de secours en termes de civilisation qu’en se tournant vers la Russie. De fait, c’est seulement alors que le pays se structurera réellement, alors que la reconnaissance de l’Ukraine et le développement systématique de sa langue ne se feront qu’à partir de l’instauration de l’URSS.

Tout cela contredit formellement la propagande occidentale !

L’article de l’Encyclopédie sur l’Ukraine

UKRAINE, (Géog. Mod.)​

contrée d’Europe bornée au nord par la Pologne & la Moscovie, au midi par le pays des tartares d’Oczakou, au levant par la Moscovie, & au couchant par la Moldavie.

Cette vaste contrée s’appelle autrement la petite Russie, la Russie rouge, & mieux encore la province de Kiovie ; elle est traversée par le Dnieper que les Grecs ont appellé Boristhène. La différence de ces deux noms, l’un dur à prononcer, l’autre mélodieux, sert à faire voir, avec cent autres preuves, la rudesse de tous les anciens peuples du Nord, & les graces de la langue greque.

La capitale Kiou, autrefois Kisovie, fut bâtie par les empereurs de Constantinople, qui en firent une colonie ; on y voit encore des inscriptions greques de douze cens années : c’est la seule ville qui ait quelque antiquité, dans ces pays où les hommes ont vécu tant de siecles sans bâtir des murailles. Ce fut-là que les grands ducs de Russie firent leur résidence, dans l’onzieme siecle, avant que les Tartares asservissent la Russie.

Les Ukraniens qu’on nomme Cosaques, sont un ramas d’anciens Roxelans, de Sarmates, de Tartares réunis. Cette contrée faisoit partie de l’ancienne Scythie. Il s’en faut beaucoup que Rome & Constantinople qui ont dominé sur tant de nations, soient des pays comparables pour la fertilité à celui de l’Ukraine.

La nature s’efforce d’y faire du bien aux hommes ; mais les hommes n’y ont pas secondé la nature, vivant des fruits que produit une terre aussi inculte que féconde, & vivant encore plus de rapine, amoureux à l’excès d’un bien préférable à tout, la liberté ; & cependant ayant servi tour-à-tour la Pologne & la Turquie. Enfin ils se donnerent à la Russie en 1654, sans trop se soumettre, & Pierre les a soumis.

Les autres nations sont distinguées par leurs villes & leurs bourgades. Celle-ci est partagée en dix régimens. A la tête de ces dix régimens étoit un chef élu à la pluralités des voix, nommé Hetman ou Itman.

Ce capitaine de la nation n’avoit pas le pouvoir suprème. C’est aujourd’hui un seigneur de la cour que les souverains de Russie leur donnent pour itman ; c’est un véritable gouverneur de province semblable à nos gouverneurs de ces pays d’états qui ont encore quelques privileges.

Il n’y avoit d’abord dans ce pays que des Payens & des Mahométans ; ils ont été baptisés chrétiens de la communion romaine, quand ils ont servi la Pologne, & ils sont aujourd’hui baptisés chrétiens de l’église greque, depuis qu’ils sont à la Russie. Descript. de Russie. (D. J.)

L’article de l’Encyclopédie sur la Russie

RUSSIE, (Géog. Mod.)

vaste pays qui forme un grand empire, tant en Europe qu’en Asie. La mer Glaciale borne la Russie au septentrion ; la mer du Japon la termine à l’orient ; ​la grande Tartarie est au midi, aussi bien que la mer Caspienne & la Perse ; la Pologne, la petite Tartarie, la Mingrelie, & la Géorgie, sont la borne du côté du couchant. Entrons dans les détails.

L’empire de Russie s’étend d’occident en orient, près de deux mille  lieues communes de France, & a sept cens lieues du sud au nord dans sa plus grande largeur ; il confine à la Pologne & à la mer Glaciale ; il touche à la Suede & à la Chine ; sa longueur de l’île de Dago à l’occident de la Livonie​​, jusqu’à ses bornes les plus orientales, comprend environ cent cinquante degrés ; sa largeur est de trois mille verstes du sud au nord, ce qui fait au moins six cent de nos lieues communes.

Enfin, ce qui est compris aujourd’hui sous le nom de Russie, ou des Russies, est à peu près aussi vaste que le reste de l’Europe ; mais presque tout cet empire n’est qu’un désert, au point que ​si l’on compte en Espagne (qui est le royaume de l’Europe le moins peuplé), quarante personnes par chaque mille quarré, on ne peut compter que cinq personnes en Russie dans le même espace ; tandis qu’en Angleterre, chaque mille quarré​ contient plus de deux cens habitans ; le nombre est encore plus grand en Hollande.

Au reste, nous appellions autrefois la Russie du nom de Moscovie, parce que la ville de Moscou, capitale de cet empire, étoit la résidence des grands ducs de Russie ; aujourd’hui l’ancien nom de Russie a prévalu.

Ce vaste empire est partagé en seize grands gouvernemens, dont plusieurs renferment des provinces immenses & presque inhabitées.

La province la plus voisine de nos climats, est celle de la Livonie, une des plus fertiles du nord, & qui étoit payenne au XII. siecle. Le roi de Suede, Gustave Adolphe, la conquit ; mais le czar Pierre l’a reprise sur les Suédois.​

Plus au nord se trouve le gouvernement de Rével & de l’Estonie, & cette province est encore une des conquêtes de Pierre.

Plus haut en montant au nord est la province d’Arcangel, pays entierement nouveau pour les nations méridionales de l’Europe, mais dont les Anglois découvrirent le port en 1533. & y commercerent, sans payer aucuns droits, jusqu’au tems où Pierre le grand a ouvert la mer Baltique à ses états.

A l’occident d’Arcangel, & dans son gouvernement, est la Laponie russe, troisieme partie de cette contrée ; les deux autres appartiennent à la Suede & au Danemarck ; c’est un très-grand pays, qui occupe environ huit degrés de longitude, & qui s’étend en latitude du cercle polaire au cap nord.​22​

Les Lapons moscovites sont aujourd’hui censés de l’église grecque ; mais ceux qui errent vers les montagnes septentrionales du cap nord, se contentent d’adorer un Dieu, sous quelques formes grossieres ; ancien usage de tous les peuples nomades.

Cette espece d’homme, peu nombreuse, a très peu d’idées, & ils sont heureux de n’en avoir pas davantage ; car alors ils auroient de nouveaux besoins qu’ils ne pourroient satisfaire ; ils vivent contens & sans maladies, en ne buvant guere que de l’eau dans le climat le plus froid, & arrivent à une longue vieillesse.

La coutume qu’on leur imputoit de prier les étrangers de faire à leurs femmes & à leurs filles l’honneur de s’approcher d’elles, vient probablement du sentiment de la supériorité qu’ils reconnoissoient dans ces étrangers, en voulant qu’ils pussent servir à corriger les défauts de leur race. C’étoit un usage établi chez les peuples vertueux de Lacédémone ; un époux prioit un jeune homme bien fait, de lui donner de beaux enfans qu’il pût adopter.

La jalousie & les lois empêchent les autres hommes de donner leurs femmes ; mais les Lapons étoient presque sans lois, & probablement n’étoient point jaloux.

Quand on a remonté la Dwina du nord au sud, on arrive au milieu des terres à Moskow, capitale de la province de l’empire de Russie, appellée la Moscovie, Voyez Moskow​.

A l’occident du duché de Moskow, est celui de Smolensko, partie de l’ancienne ​Sarmatie européenne ; les duchés de Moscovie & de Smolensko composoient la Russie blanche proprement dite.

Entre Petersbourg & Smolensko, est la province & gouvernement de Novogorod. On dit que c’est dans ce pays que les anciens Slaves, ou Slavons, firent leur premier établissement ; mais d’où venoient ces Slaves, dont la langue s’est étendue dans le nord-est de l’Europe ? Sla signifie un chef, & esclave, appartenant au chef.

Tout ce qu’on sait de ces anciens Slaves, c’est qu’ils étoient des conquérans. Ils bâtirent la ville de Novogorod la grande, située sur une riviere navigable dès sa source, laquelle jouit longtems d’un florissant commerce, & fut une puissante alliée des villes anséatiques.

Le czar Ivan Basilovitz (en russe Iwan Wassiliewitsch) la conquit en 1467, & en emporta toutes les richesses, qui contribuerent à la magnificence de la cour de Moskow, presque inconnue jusqu’alors.

Au midi de la province de Smolensko, se trouve la province de Kiovie, qui est la petite Russie, la Russie rouge, ou l’Ukraine, traversée par le Dnieper, que les Grecs ont appellé Boristhène.

La différence de ces deux noms, l’un dur à prononcer, l’autre mélodieux, sert à faire voir, avec cent autres preuves, la rudesse de tous les anciens peuples du nord, & les graces de la langue grecque.

La capitale Kiou, autrefois Kiovie, fut bâtie par les empereurs de Constantinople, qui en firent une colonie : on y voit encore des inscriptions grecques de douze cens années ; c’est la seule ville qui ait quelque antiquité, dans ces pays où les hommes ont vêcu tant de siecles, sans bâtir des murailles. Ce fut-là que les grands ducs de Russie firent leur résidence dans l’onzieme siecle, avant que les Tartares asservissent la Russie.

Si vous remontez au nord-est de la province de Kiovie, entre ​le Boristhene & le Tanais​​, c’est le gouvernement de Belgorod qui se présente : il étoit aussi grand que celui de Kiovie. C’est une des plus fertiles provinces de la Russie ; c’est elle qui fournit à la Pologne une quantité prodigieuse de ce gros bétail qu’on connoît sous le nom de bœufs de l’Ukraine. Ces deux provinces sont à l’abri des incursions des petits Tartares par des lignes qui s’étendent du Boristhene au Tanaïs, garnies de forts & de redoutes.

Remontez encore au nord, passez le Tanaïs, vous​​entrez dans le gouvernement de ​Véronise, qui s’étend jusqu’au bord des ​palus Méotides​. Vous trouvez ensuite le gouvernement de ​Nischgorod​fertile en grains, & traversé par le Volga.

De cette province, vous entrez au midi dans le royaume ou gouvernement d’Astracan. Ce royaume qui commence au quarante-troisieme degré & demi de latitude, & finit vers le cinquantieme, est une partie de l’ancien Capshak​, conquis par Gengiskan, & ensuite par Tamerlan ; ces tartares dominerent jusqu’à Moscou.

Le czar Jean Basilides​, petit-fils d’Ivan Basiliovitz, & le plus grand conquérant d’entre les Russes, délivra son pays du joug tartare, au seisieme siecle, & ajouta le royaume d’Astracan à ses autres conquêtes en 1554.

​Au-delà du Volga & du ​Jaïk, vers le septentrion, est le royaume de Casan, qui, comme Astracan, tomba dans le partage d’un fils de Gengis-kan, & ensuite d’un fils de Tamerlan, conquis de même par Jean Basilide ; il est encore peuplé de beaucoup de tartares mahométans. Cette grande contrée s’étend jusqu’à la Sibérie ; il est constant qu’elle a été florissante & riche autrefois ; elle a conservé encore quelque reste d’opulence. Une province de ce royaume appellée ​la grande Permie, ensuite le Solikam, étoit l’entrepôt des marchandises de la Perse, & des fourrures de Tartarie​.

Des frontieres des provinces d’Arcangel, de Resan​, d’Astracan, s’étend à l’orient la Sibérie, avec les terres ultérieures jusqu’à la mer du Japon. Là sont les Samoyedes, la contrée des Ostiaks le long du fleuve Oby, les Burates​, peuples qu’on n’a pas encore rendus chrétiens.

Enfin la derniere province est le Kamshatka, le pays le plus oriental du continent. Les habitans étoient absolument sans religion quand on l’a découvert. Le nord de cette contrée fournit aussi de belles fourrures ; les habitans s’en revêtoient l’hiver, & marchoient nuds l’été.​

Voila les seize gouvernemens de la Russie, celui de Livonie, de Revel ou d’Estonie, d’Ingrie, de Vibourg, d’Arcangel, de Laponie russe, de Moscovie, de Smolensko, de Novogorod, de Kiovie, de Belgorod, de Véronise, de Nitschgorod, d’Astracan, de Casan & de Sibérie.

Ces gouvernemens composent en général la domination de la Russie, depuis la Finlande à la mer du Japon. Toutes les grandes parties de cet empire ont été unies en divers tems, comme dans tous les autres royaumes du monde ; des Scythes, des Huns, des ​Massagetes​50​, des Slavons, des Cimbres, des ​Getes,​ des Sarmates, sont aujourd’hui les sujets des czars ; les Russes proprement dits, sont les anciens ​Roxelans​ ou Slavons.

La population du vaste empire de Russie est, comme je l’ai dit, la moindre qu’il y ait dans le monde, à proportion de son étendue. ​Par un dénombrement de la capitation qui a été faite en 1747, il s’est trouvé six millions six cens quarante mille mâles ; & comme dans ce dénombrement les filles & les femmes n’y sont pas comprises, non plus que les ecclésiastiques, qui sont au nombre de deux cens mille ames, & l’état militaire qui monte à trois cens mille hommes, M. de Voltaire juge que le total des habitans de la Russie doit aller à vingt-quatre millions d’habitans ​​; ​mais il faut se défier de tous les dénombremens d’un pays que demandent par besoin les souverains, parce que pour leur plaire, on a grand soin de multiplier, d’exagérer, de doubler le nombre de leurs sujets.

Il est très-vraissemblable que la Russie n’a pas douze millions d’habitans​, & qu’​elle a été plus peuplée qu’aujourd’hui, dans le tems que la petite-vérole venue du fond de l’Arabie, & ​l’autre venue d’Amérique​, n’avoient pas encore fait de ravages dans ces​ climats où elles se sont enracinées.

Ces deux fléaux, par qui le monde est plus dépeuplé que par la guerre, sont dûs, l’un à Mahomet, l’autre à Christophe Colomb. La peste, originaire d’Afrique, approchoit rarement des contrées du septentrion. Enfin les peuples du nord, depuis les Sarmates jusqu’aux Tartares, qui sont au-delà de la grande muraille, ayant inondé le monde de leurs irruptions, cette ancienne pépiniere d’hommes doit avoir étrangement diminué.

Dans cette vaste étendue de pays que renferme la Russie, on compte environ 7400 moines, & 5600 religieuses, malgré le soin que prit Pierre le grand de le réduire à un plus petit nombre ; soin digne d’un législateur dans un empire où ce qui manque principalement c’est l’espece humaine.

Ces treize mille personnes cloitrées & perdues pour l’état, ont soixante-douze mille serfs pour cultiver leurs terres, & c’est évidemment beaucoup trop ; rien ne fait mieux voir combien les anciens abus sont difficiles à déraciner.

Avant le czar Pierre, les usages, les vêtemens, les mœurs en Russie, avoient toujours plus tenu de l’Asie que de l’Europe chrétienne ; telle étoit l’ancienne coutume de recevoir les tributs des peuples en denrées, de défrayer les ambassadeurs dans leurs routes & dans leur séjour, & celle de ne se présenter ni dans l’église, ni devant le trône avec une épée, coutume orientale opposée à notre usage ridicule & barbare, d’aller parler à Dieu, au roi, à ses amis & aux femmes avec une longue arme offensive qui descend au bas des jambes.

L’habit long dans les jours de cérémonie, étoit bien plus noble que le vêtement court des nations occidentales de l’Europe. Une tunique doublée de pelisse, avec une longue simarre enrichie de pierreries dans les jours solemnels, & ces especes de hauts turbans qui élevoient la taille, étoient plus imposans aux yeux, que les perruques & le juste-au-corps, & plus convenables aux climats froids.

Cet ancien vêtement de tous les peuples paroît seulement moins fait pour la guerre, & moins commode pour les travaux ; mais presque tous les autres usages étoient grossiers.

Le gouvernement ressembloit à celui des Turcs par la milice des strelits, qui, comme celle des janissaires, disposa quelquefois du trône, & troubla l’état presque toujours autant qu’il le soutint. Ces strelits étoient au nombre de quarante mille hommes.

Ceux qui étoient dispersés dans les provinces, subsistoient de brigandages ; ceux de Moskou vivoient en bourgeois, trafiquoient, ne servoient point, & poussoient à l’excès l’insolence. Pour établir l’ordre en Russie, il falloit les casser, rien n’étoit ni plus nécessaire, ni plus dangereux.

Quant au titre de czar, il se peut qu’il vienne des tzars ou thcars, du royaume de Casan. Lorsque le souverain de Russie, Jean ou Ivan Basilides eut, au seizieme siecle, conquis ce royaume subjugué par son aïeul, mais perdu ensuite, il en prit le titre qui est demeuré à ses successeurs.

Avant Ivan Basilides, les maîtres de la Russie portoient le nom de velikiknés, grand prince, grand seigneur, grand chef, que les nations chrétiennes traduisent par celui de grand-duc. 

Le czar Michel Frédérovits prit avec l’ambassade holstenoise, les titres de grand seigneur & grand knés, conservateur de toutes les Russies, prince de Volodimer, Moskou, Novogorod, &c. tzar de Casan, tzar d’Astracan, tzar de Sibérie​62​. Ce nom des tzars étoit donc le titre de ces princes orientaux ; il étoit donc vraissemblable qu’il dérivât plutôt des tshas de Perse, que des césars de Rome, dont probablement les tzars sibériens n’avoient jamais entendu parler sur les bords du ​fleuve Oby.

Un titre tel qu’il soit, n’est rien, si ceux qui le portent ne sont grands par eux-mêmes. Le nom d’empereur, qui ne signifioit que général d’armée, devint​​le nom des maîtres de la république romaine. On le donne aujourd’hui aux souverains des Russes à plus juste titre qu’à aucun autre potentat, si on considere l’étendue & la puissance de leur domination.

La religion de l’état fut toujours, depuis le onzieme siecle, celle qu’on nomme grecque, par opposition à la latine ; mais il y avoit plus de pays mahométans & de payens que de chrétiens. La Sibérie jusqu’à la Chine étoit idolâtre ; & dans plus d’une province toute espece de religion étoit inconnue.

​L’ingénieur Perri​ & le ​baron de Stralemberg​, qui ont été si long-tems en Russie, disent qu’ils ont trouvé plus de probité dans les payens que dans les autres ; ce n’est pas le paganisme qui les rendoit plus vertueux ; mais menant une vie pastorale, éloignés du commerce des hommes, & vivant comme dans ces tems qu’on appelle le premier âge du monde, exempts de grandes passions, ils étoient nécessairement plus gens de bien.

Le Christianisme ne fut reçu que très-tard dans la Russie, ainsi que dans tous les autres pays du nord. On prétend qu’une princesse nommée Olha, l’y introduisit à la fin du dixieme siecle, comme ​Clotilde, niece d’un prince arien, le fit recevoir chez les Francs​ ; la femme d’un ​Micislas, duc de Pologne​, chez les Polonois, & la sœur de l’empereur Henri II. chez les Hongrois.

C’est le sort des femmes d’être sensibles aux persuasions des ministres de la religion, & de persuader les autres hommes.

Cette princesse Olha, ajoute-t-on, se fit baptiser à Constantinople. On l’appella Helene ; & dès qu’elle fut chrétienne, ​l’empereur Jean Zimiscés ne manqua pas d’en être amoureux. Apparemment qu’elle étoit veuve. Elle ne voulut point de l’empereur.

L’exemple de la princesse Olha ou Olga ne fit pas d’abord un grand nombre de prosélites ; son fils qui regna longtems, ne pensa point du tout comme sa mere ; mais son petit-fils ​Volodimer,​ né d’une concubine, ayant assassiné son frere pour régner, & ayant recherché l’alliance de ​l’empereur de Constantinople Basile​, ne l’obtint qu’à condition qu’il se feroit baptiser ; c’est à cette époque de l’année 987, que la religion grecque commença en effet à s’établir en Russie.​

Le patriarche Photius, si célebre par son érudition immense, par ses querelles avec l’Eglise romaine & par ses malheurs, envoya baptiser Volodimer, pour ajouter à son patriarchat cette partie du monde.

Volodimer acheva donc l’ouvrage commencé par son aïeule. Un grec fut premier métropolitain de Russie, ou patriarche. C’est de-là que les Russes ont adopté dans leur langue un alphabet tiré en partie du grec. Ils y auroient gagné si le fond de leur langue qui est la slavone, n’étoit toujours demeuré le même, à quelques mots près qui concernent leur liturgie & leur hiérarchie. ​

Un des patriarches grecs, nommé Jérémie, ayant un procès au divan, & étant venu à Moscou demander des secours, renonça enfin à sa prétention sur les églises russes, & sacra patriarche l’archevêque de Novogorod nommé Job, en 1588.

Depuis ce tems, l’église russe fut aussi indépendante que son empire. Le patriarche de Russie fut dès-lors sacré par les évêques russes, non par le patriarche de Constantinople ; il eut rang dans l’église grecque après celui de Jérusalem ; mais il fut en effet le seul patriarche libre & puissant, & par conséquent le seul réel.

Ceux de Jérusalem, de Constantinople, d’Antioche, d’Alexandrie, ne sont que les chefs mercenaires & avilis d’une église esclave des Turcs. Ceux même d’Antioche & de Jérusalem ne sont plus regardés comme patriarches, & n’ont pas plus de crédit que les rabins des synagogues établies en Turquie.

Il n’y a dans un si vaste empire que vingt-huit sieges épiscopaux, & du tems de Pierre I. on n’en comp-​toit que vingt-deux ; l’église russe étoit alors si peu instruite, que le czar Frédor, frere de Pierre le grand, fut le premier qui introduisit le plein chant chez elle.

Frédor, & sur-tout Pierre, admirent indifféremment dans leurs armées & dans leurs conseils ceux du rite grec, latin, luthérien, calviniste ; ils laisserent à chacun la liberté de servir Dieu suivant sa conscience, pourvu que l’état fût bien servi.

Il n’y avoit dans cet empire de deux mille lieues de longueur aucune église latine. Seulement lorsque Pierre eut établi de nouvelles manufactures dans Astracan, il y eut environ soixante familles catholiques dirigées par des capucins ; mais quand les jésuites voulurent s’introduire dans ses états, il les en chassa par un édit au mois d’Avril 1718. Il souffroit les capucins comme des moines sans conséquence, & regardoit les jésuites comme des politiques dangereux.

L’Eglise grecque est flattée de se voir étendue dans un empire de deux mille lieues, tandis que la romaine n’a pas la moitié de ce terrein en Europe. Ceux du rite grec ont voulu sur-tout conserver dans tous les tems leur égalité avec ceux du rite latin, & ont toujours craint le zele de l’église de Rome, qu’ils ont pris pour de l’ambition, parce qu’en effet l’église romaine, très-resserrée dans notre hémisphere, & se disant universelle, a voulu remplir ce grand titre.

Il n’y a jamais eu en Russie d’établissement pour les Juifs, comme ils en ont dans tant d’états de l’Europe, depuis Constantinople jusqu’à Rome.

Les Russes ont toujours fait leur commerce par eux-mêmes, & par les nations établies chez eux. De toutes les églises grecques la leur est la seule qui ne voie pas des synagogues à côté de ses temples.

La Russie qui doit à Pierre le grand sa grande influence dans les affaires de l’Europe, n’en avoit aucune depuis qu’elle étoit chrétienne.

On la voit auparavant faire sur la mer Noire ce que les Normands faisoient sur nos côtes maritimes de l’Océan, armer, du tems d’Héraclius quarante mille petites barques, se présenter pour assiéger Constantinople, imposer un tribut aux césars grecs.

Mais le grand knés Volodimer occupé du soin d’introduire chez lui le Christianisme, & fatigué des troubles intestins de sa maison, affoiblit encore ses états en les partageant entre ses enfans.

Ils furent presque tous la proie des Tartares, qui asservirent la Russie pendant deux cens années. Ivan Basilides la délivra & l’aggrandit, mais après lui ​les guerres civiles la ruinerent.

Il s’en falloit beaucoup avant Pierre le grand que la Russie fût aussi puissante, qu’elle eût autant de terres cultivées, autant de sujets, autant de revenus que de nos jours ; elle n’avoit rien dans la Livonie, & le peu de commerce que l’on faisoit à Astracan étoit desavantageux.

Les Russes se nourrissoient fort mal ; leurs mets favoris n’étoient que des concombres & des melons d’Astracan, qu’ils faisoient confire pendant l’été avec de l’eau, de la farine & du sel, cependant ​les coutumes asiatiques commençoient déja à s’introduire chez cette nation.

Pour marier un czar, on faisoit venir à la cour les plus belles filles des provinces ; la grande maîtresse de la cour les recevoit chez elles, les logeoit séparément, & les faisoit manger toutes ensemble. Le czar les voyoit, ou sous un nom emprunté, ou sans déguisement.

Le jour du mariage étoit fixé, sans que le choix fût encore connu ; & le jour marqué, on présentoit un habit de nôces a celle sur qui le choix secret étoit tombé : on distribuoit d’autres habits aux prétendantes, qui s’en retournoient chez elles. Il y eut quatre exemples de pareils mariages.​

​Dès ce tems-là, les femmes russes surent se mettre du rouge, se peindre les sourcils, ou s’en former d’artificiels ​; elles prirent du goût à porter des pierreries, à se parer, à se vétir d’étoffes précieuses ;​​​c’est ainsi que la barbarie commençoit à finir chez ces peuples, par conséquent Pierre leur souverain n’eut pas tant de peine à policer sa nation, que quelques auteurs ont voulu nous le persuader.

Alexis Mikaelovitz avoit déja commencé d’​annoncer l’influence que la Russie devoit avoir un jour dans l’Europe chrétienne. Il envoya des ambassadeurs au pape, & à presque tous les grands souverains de l’Europe, excepté à la France, alliée des Turcs, pour tâcher de former une ligue contre la Porte ottomane. Ses ambassadeurs ne réussirent cependant dans Rome, qu’à ne point baiser les piés du pape, & n’obtinrent ailleurs que des vœux impuissans.

Le même czar Alexis proposa d’unir, en 1676, ses vastes états à la Pologne, ​comme les Jagellons y avoient joint la Lithuanie ; mais plus son offre étoit grande, moins elle fut acceptée. Il étoit très-digne de ce nouveau royaume, par la maniere dont il gouvernoit les siens.

C’est lui qui le premier fit rédiger un code de lois, quoiqu’imparfait ; il introduisit des manufactures de toiles & de soie, qui, à la vérité, ne se soutinrent pas, mais qu’il eut le mérite d’établir.

Il peupla des déserts vers le Volga & la Kama, de familles lithuaniennes, polonoises & tartares, prises dans ses guerres ; tous les prisonniers auparavant étoient esclaves de ceux auxquels ils tomboient en partage ; Alexis en fit des cultivateurs : il mit autant qu’il put la discipline dans ses armées.

Il appella les arts utiles dans ses états : ​il y fit venir de Hollande, à grands frais, le constructeur Bothler, avec des charpentiers & des matelots, pour bâtir des frégates & des navires.

Enfin, il ébaucha, il prépara l’ouvrage que Pierre a perfectionné. Il transmit à ce fils tout son génie, mais plus développé, plus vigoureux, & plus éclairé par les voyages.

Sous le regne de Pierre, le peuple russe qui tient à l’Europe, & qui vit dans les grandes villes, est devenu civilisé, commerçant, curieux des arts & des sciences, aimant les spectacles, & les nouveautés ingénieuses. Le grand homme qui a fait ces changemens, est heureusement né dans le tems favorable pour les produire.

Il a introduit dans ses états les arts qui étoient tout perfectionnés chez ses voisins ; & il est arrivé que ces arts ont fait plus de progrés en 50 ans chez ses sujets, déja disposés à les goûter, que partout ailleurs, dans l’espace de trois ou quatre siecles ; cependant ils n’y ont pas encore jetté de si profondes racines, que quelque intervalle de barbarie, ne puisse ruiner ce bel édifice commencé dans un empire dépeuplé, despotique, & où la nature ne répandra jamais ses bénignes influences.

Dans l’état qu’il est aujourd’hui, ​la nation russe est la seule qui trafique par terre avec la Chine ; le profit de ce commerce est pour ​les épingles de l’impératrice​104​. La caravane qui se rend de Pétersbourg à Pékin, emploie trois ans en voyage & au retour.

Aussitôt qu’elle arrive à Pékin, les marchands sont renfermés dans un caravancerai, & les Chinois prennent leur tems pour y apporter le rebut de leurs marchandises qu’ils sont obligés de prendre, parce qu’ils n’ont point la liberté du choix.

Ces marchandises se vendent à Pétersbourg à l’enchere, dans une grande salle du ​palais italien ; l’impératrice assiste en personne à cette vente ; cette souveraine fait elle-même des offres, & il est permis au moindre particulier d’encherir sur elle ; aussi le fait-on, & chacun s’empresse d’acheter à très-haut prix.

Outre le bénéfice de ces ventes publiques, la cour fait le commerce de la rhubarbe, du sel, ​des cendres, de la bierre, de l’eau-de-vie, &c. L’état tire encore un gros revenu des épiceries, des cabarets, & des bains publics, dont l’usage est aussi fréquent parmi les Russes que chez les Turcs.

Les revenus du souverain de Russie se tirent de la capitation, de certains monopoles, des douanes, des ports, des péages, & des domaines de la couronne. Ils ne montent pas cependant au-delà de ​treize millions de roubles, (soixante-cinq millions de notre monnoie). Avec ces revenus, la Russie peut faire la guerre aux Turcs, mais elle ne sauroit, sans recevoir des subsides, la faire en Europe ; ses fonds n’y suffiroient pas : la paie du militaire est très-modique dans cet empire.

Le soldat russe n’a point par jour le tiers de la paie de l’allemand, ni même du françois ; lorsqu’il sort de son pays, il ne peut subsister sans augmentation de paye ; & ce sont les puissances alliées de la Russie, qui fournissent chérement cette augmentation.

La couronne de Russie est héréditaire, les filles peuvent succéder, & le souverain a un pouvoir absolu sur tous ses sujets, sans rendre compte de sa conduite à personne. L’air de la plus grande partie de la Russie est extrément froid, les neiges & les glaces y regnent la meilleure partie de l’année​ ; ​le grain qu’on y seme n’y meurit jamais bien, excepté du côté de la Pologne, où on fait la récolte trois mois après la semaille. Il n’y croît point de vin, mais beaucoup de lin.​

Ses principales rivieres sont le Volga, le Don, le Dnieper & le Dwina. Ses lacs donnent du poisson en abondance. Les forêts sont pleines de gibier, & de bêtes fauves.​ ​Le commerce des Russes est avantageux à la France, utile à la Hollande, & défavorable à l’Angleterre.

Il consiste en martres, zibelines, hermines, & autres fourrures, cuirs de bœufs appellés cuirs de Russie, lin, chanvre, suif, goudron, cire, poix-résine, savon, poisson salé, &c.​

Extrait de la ​description de la Russie, par M. de Voltaire. Geneve, 1759​116​. in-8°. tom. I.​117​ Voyez aussi description de l’empire de Russie, par Perri, Amsterd. 1720, 2. vol. in-12.​118​ & la description historiq. de l’empire russien, traduit de l’allemand, du baron de Stralemberg​119​​, Holl. 1757, 2. vol. in-12. (Le chevalier de Jaucourt.)