Changer le monde, ou fantasmer le passé ?
Pendant près d’un demi-siècle, après la Seconde Guerre mondiale, le PCF a eu une portée immense en France, tant numériquement que politiquement. Sa base populaire et son assise dans le pays étaient gigantesques : pourtant il n’a jamais été en mesure ne serait-ce que de bousculer le régime. Le plus grand échec du PCF a d’ailleurs été son opposition à la vague de grèves et contestations en mai-juin 1968. La raison est simple, elle est culturelle.
En fait, le PCF ne visait pas à changer le monde, mais simplement à le prendre tel qu’il est pour le rendre plus « juste » avec la CGT dirigeant les entreprises et quelques artistes et intellectuels parisiens dirigeant les affaires publiques. Il ne s’agit pas ici de « radicalité » plus ou moins grande, d’être plus ou moins « gauchiste », mais d’un véritable sujet de fond.
Fabien Roussel, son actuel dirigeant, est un très bon exemple de ce problème, il en est même caricatural. Cela avait déjà été évoqué ici récemment avec sa sortie ironique beauf sur la « libération » des poulets. C’est encore plus flagrant avec deux exemples tout récents, qui vont ensemble.
Sur France info le 18 octobre, le candidat « communiste » à la présidentielle 2022 a expliqué :
« J’en ai un peu marre de ces intellectuels condescendants qui n’arrêtent pas de nous donner des leçons sur nos pratiques, sur nos manières de faire, qui nous disent ce qu’il faut manger et comment il faut conduire ».
Sans même parler du contenu, il y a déjà que la forme est incroyablement rétrograde. Dire cela est ultra-régressif, à peine digne d’un Eric Zemmour : il faudrait donc laisser les gens vivre leur petite vie tranquille, comme avant, sans rien questionner, sans rien bousculer. Drôle de vision du monde pour un prétendu partisan de Karl Marx…
Mais le problème se pose surtout sur le fond, évidemment. Fabien Roussel répondait ici à la question des chasses dites « traditionnelles », en fait surtout particulièrement barbares. Il s’agit de pratiques de piégeage d’oiseaux qui ont été jugées illégales par le Conseil d’État (et par l’Union européenne) tellement c’est atroce, mais que le gouvernement continue quand même d’autoriser.
Ce genre de pratiques ne concerne que quelques énergumènes arriérés, qui se prétendent représentant de la ruralité mais qui ne sont en réalité qu’une minorité de furieux ennemis de la nature et des animaux. Il est évident que la société doit écraser de telles pratiques pour aller de l’avant. C’est le sens de l’Histoire, réfutant la barbarie, allant vers plus de civilisation : au 21e siècle cela signifie évidement de prendre en compte les animaux.
Mais cela, Fabien Roussel en est incapable, car il ne veut pas du 21e siècle, simplement d’un 20e siècle fantasmé. C’est exactement comme Eric Zemmour.
Le pire, c’est que Fabien Roussel sait très bien qu’au fond sa position sur les chasses « traditionnelles » est intenable. Alors il convoque un matérialisme historique passé à la moulinette beauf pour assumer qu’il ne veuille rien changer :
« Il y a un sens de l’histoire qui fait que petit à petit, ces pratiques vont disparaître naturellement, et donc il faut laisser faire la vie »
Cela est évidemment faux. Le vieux monde ne s’effondrera jamais de lui-même si la société ne se soulève pas contre lui ! C’est cela que les communistes nomment révolution… Apparemment, il n’est pas au courant. Et surtout, en l’occurrence, il s’agit effectivement de laisser faire la vie quand on est de Gauche, et donc ne pas laisser faire en France des massacres organisés d’oiseaux comme simples « loisirs ».
Fabien Roussel n’est pas du bon côté dans cette histoire, car il est un partisan de la chasse et des chasseurs. Selon lui, les chasseurs seraient mêmes « essentiels à la préservation de notre environnement » ! Il connaît en effet par cœur toute la propagande du lobby de la chasse et récite leurs arguments, avec le fameux sujet des sangliers :
« Je sais que chez moi, il y a une surpopulation de sangliers et donc tous les ans, c’est la préfecture qui fait appel aux chasseurs pour réguler cette surpopulation de sangliers ».
N’importe qui connaissant les campagnes françaises sait que c’est là un gros mensonge. Déjà car les chasseurs nourrissent les sangliers et en lâchent eux-même dans la nature pour préserver leur loisir. Mais surtout, il ne faut pas se moquer du monde : un pays comme la France aurait déjà liquidé depuis longtemps les sangliers s’ils représentaient un « problème », comme cela a été fait avec le loup. Le capitalisme sait très bien massacrer la nature quand il a besoin.
Le « problème » des sangliers est surtout celui de l’étalement urbain. A un moment donné, à force de construire partout, forcément qu’il y a des sangliers pour « oser » s’aventurer dans des emprises humaines. Alors il y a ensuite les chasseurs pour dire « voilà regardez, nous sommes utiles, notre loisir sert à vous protéger des sangliers ».
La chasse aux sangliers, voilà en tous cas l’horizon de Fabien Roussel… ce grand fan d’Astérix et Obélix, comme le montre cette publication du 21 octobre avec une photo prise dans les locaux du siège du PCF à Paris avec le nouvel épisode de la BD.
Même les gens de droite sont pourtant lassé par Astérix et Obélix, à en croire le Figaro qui trouve ce 39e épisode très ennuyant. Mais Fabien Roussel, lui, adore, et prétend qu’il s’agit là de la culture populaire ! Quelle ringardise, quel populisme, et surtout : quelle arriération culturelle !
Fabien Roussel a tout faux quand il s’affirme « gaulois réfractaire », car c’est tout l’inverse de ce que la Gauche doit viser. Ce qu’il faut, ce n’est pas un village isolé et replié sur lui-même, à la Eric Zemmour. Ce qu’il faut viser, c’est une nouvelle Rome avec sa perspective universelle et sa volonté de civilisation.
Le futur, ce n’est pas la vieille Gaule, c’est une nouvelle Rome sociale, avec la classe ouvrière au pouvoir, avec les femmes aux cœur des décisions, avec la culture au centre de la vie des gens, avec la nature chevillée au corps et l’avenir de la planète Terre comme horizon principal, avec le véganisme d’ailleurs comme exemple de solution pour changer les gens de l’intérieur et changer enfin le sort des animaux.
Le futur se construit dans le débat démocratique populaire et la Gauche historique comme moteur des idées et de la culture, pas avec Astérix, Obélix et autres nostalgies d’un passé idéalisé, que ce soit avec les « ZAD » ou avec Eric Zemmour. Le seul romantisme doit être celui de l’avenir!