Catégories
Politique

L’intervention du 19 avril 2020 du premier ministre Édouard Philippe

D’un côté, Emmanuel Macron presse le déconfinement pour se donner une bonne image. De l’autre, le premier ministre gère la réalité. La situation est intenable.

Le premier ministre Édouard Philippe a un triste rôle : celui de chercher à temporiser. Le président Emmanuel Macron fait des promesses sur un ton lyrique et lui passe derrière pour dire qu’en fait… on ne sait pas, ou en tout cas pas comme ça. Car le problème de fond est simple : tant qu’il n’y a pas de vaccin, cela sera la distanciation sociale. Édouard Philippe répond donc sans répondre.

Un plan complet ? « Ce n’est pas le moment. » Le 11 mai comme retour à la normal ? « Pas tout de suite et probablement pas avant longtemps. » Le port du masque obligatoire dans les transports en commun après le 11 mai ? « Probable. » La réouverture des écoles le 11 mai, sur quel mode ? « On peut imaginer beaucoup de choses. » Le second tour des municipales en juin ? « Peut-être, mais je ne sais pas. »

Là pour le coup c’est explosif et Marine Le Pen se frotte les mains. Elle a en effet expliqué au sujet des élections :

« Je ne suis pas sûr que septembre soit la meilleure date, pour une raison simple, c’est que nous serons dans une situation de grave crise économique et ce sera l’urgence du moment ».

Et de fait elle demande des élections en mars 2021, histoire d’avoir récolté les voix entre-temps !

Car la situation est malheureusement simple, dans l’état actuel des choses. S’il n’y a pas une vraie vague de lutte de classes, alors ce sera soit la stabilité crispée d’Emmanuel Macron, soit le populisme agressif de Marine Le Pen avec une voie royale vers le militarisme, le fascisme. On semble tout à fait mal parti, très mal parti.

Il faudrait une Gauche capable, dans le cadre de la crise sanitaire, de poser des principes stricts, de montrer qu’il y a une capacité étatique de gérer, mais il n’y a rien. La Gauche est hors-jeu. Et ne parlons pas des anarchistes, de l’ultra-gauche… qui ont la même mentalité que les partisans de Donald Trump : le confinement serait un empiétement de l’État sur les droits, etc.

De plus, il faudrait pour que la Gauche avance que les Français aillent dans un sens ou dans un autre. Or, là on a bien d’un côté des capitalistes qui poussent au déconfinement et de l’autre des travailleurs rageant de la situation où ils sont au front : 70 % d’entre eux travaillent !

Mais le souci est que dans l’opinion publique, la tendance qui prime dépasse la lutte de classes et elle est incohérente : les gens ne croient pas du tout en le déconfinement promis, mais ils veulent y croire car ils en ont assez !

Cette double opposition est quelque chose définissant la France en ce moment. C’est cela qui définit les mentalités, les attitudes, les comportements, les raisonnements… Et cela n’apporte rien à la Gauche, qui est obligé d’attendre la prochaine étape.

Seulement tout va aller de plus en plus vite, et la crise va être de plus en plus profonde. Le tissu social français va se déchirer, tout va être d’une immense brutalité et le peuple est totalement déconnecté de la réalité, il ne comprend pas ce qui va lui tomber dessus.

Les responsabilités de la Gauche sont donc immenses. Si elle se rate, elle ne s’en relèvera pas.

Catégories
Politique

Une tribune hallucinée de maires de gauche en faveur du déconfinement

La tentative de déborder Emmanuel Macron conduit certains maires de gauche à une démarche hallucinée. Il faudrait que les municipalités soient en première ligne pour un déconfinement dès le 11 mai. C’est absurde ou manipulatoire.

Dans une tribune, des maires franciliens de gauche disent qu’ils sont prêts à gérer les mesures mises en place en théorie le 11 mai. Les maires listent les masques pour les écoles, les tests de dépistages, les moyens financier, la gestion des cas signalés.

Les signataires de la tribune sont soit des menteurs soit des naïfs complets. Ces maires prennent en effet très au sérieux le déconfinement et cherchent à déborder Emmanuel Macron en disant qu’ils sont prêts à être en première ligne, si l’État les soutient.

Soit ils y croient vraiment et à ce moment là ils sont d’une naïveté confondante. Soit ils n’y croient pas, tablant sur la déception, et là c’est du machiavélisme le plus ignoble.

Soit ils y croient et servent le capitalisme qui veut redémarrer le plus vite, en force. Ils sont alors à dénoncer. Soit ils n’y croient pas, imaginant qu’il n’y ait pas ces moyens ou que la date de déconfinement sera repoussé… Et alors ils sont manipulateurs. Ils sont alors à dénoncer également.

Il faudra se souvenir d’eux le 11 mai !

« Depuis le début de la crise sanitaire épidémique, les élus locaux – en première ligne pour protéger leurs populations – ne cessent de constater que les ravages du coronavirus frappent les plus fragiles. Nos personnes âgées sont les premières à en mourir, si elles ne sont pas condamnées à vivre le confinement dans la solitude. Dans nos villes, s’exacerbe l’agacement qui oppose ceux qui observent strictement les règles de confinement, à ceux qui s’en affranchissent trop facilement, au risque de mettre en danger leurs vies et celles des autres.

On ne compte plus dans notre Région les cas de familles recluses dans quelques mètres carrés et désormais privées d’activités de plein air en journée. Et que dire de celles et ceux qui n’ont pas toujours pas accès à une connexion internet satisfaisante ou une imprimante pour suivre la continuité des cours mis en place par nos professeur.e.s pour nos enfants. Lundi dernier, le président de la République a annoncé sa volonté de voir la vie des Français reprendre progressivement son cours à partir du 11 mai prochain. Comme trop souvent depuis le début de la crise, ses annonces ont été éclipsées dès le lendemain par les propos ambigus voire même contradictoires de certains ministres.

Pourtant, pour les Français, le 11 mai est tout sauf théorique. C’est un objectif, et pour l’atteindre, un travail concerté entre l’État et les collectivités locales est nécessaire. Pour le réussir, nos Villes sont devenues de l’aveu même du chef de l’Etat incontournables. Et il est vrai que nous prenons – depuis le début de la crise – plus encore que notre part dans la préparation du « déconfinement ».

« 

Dans de nombreux territoires la résilience face à la crise doit beaucoup au services municipaux mais aussi à de nombreux volontaires qui ont donné de leur temps

« 

Pourtant, les communes ne sont pas toutes égales devant ce fléau, certaines doivent être plus aidées que d’autres. Les services de l’État et des moyens supplémentaires doivent y être déployés pour qu’elles soient prêtent le 11 mai. Dans de nombreux territoires la résilience face à la crise doit beaucoup au services municipaux mais aussi à de nombreux volontaires (agents, citoyen.ne.s, élu.e.s, associations) qui ont donné de leur temps pour des missions de soutien sanitaire auprès des personnes isolées ou en difficulté.

  • D’ici au 11 mai, nous sommes prêts à mettre à disposition de nos écoles, des protections sanitaires (masques, gels,…) contre le COVID-19 pour que les enfants puissent reprendre les chemins du savoir… si l’État nous accompagne.
  • D’ici au 11 mai, nous sommes prêts à organiser la mise en œuvre concrète d’un dépistage massif de nos populations, pour qu’elles puissent se rendre au travail…si l’État nous accompagne.
  • D’ici au 11 mai, nous sommes prêts à débloquer des fonds de secours à destination de nos petits commerces de proximité pour sauver le plus possible d’emplois…si l’État nous accompagne.
  • D’ici au 11 mai, nous sommes prêts à organiser la gestion des cas signalés d’infections – pour permettre de les suivre avec précision, proximité et humanité – sans que nous ayons à recourir à des technologies intrusives… si l’État nous accompagne.

Alors que 73% des Français conservent aux Maires leur confiance pendant la crise, il est temps pour l’État d’accorder enfin la sienne aux Maires. Bien plus qu’une coopération, c’est un principe d’action commune qui s’impose désormais entre l’État et nos Villes. A la subordination doit désormais succéder la coordination. A la dépendance doit désormais succéder l’autonomie. A la défiance, doit désormais succéder la confiance. Pourtant, depuis le début de cette crise sans précédent, les initiatives locales n’ont pas été assez soutenues, quand elles n’ont pas été tout simplement freinées par l’État.

« 

Nous pouvons collectivement réussir le déconfinement du 11 mai… si l’État nous accompagne

« 

L’achat de masques ou la mise en place de mesures barrières spécifiques à l’environnement local n’ont pas toujours été comprises par les services préfectoraux. Il devient urgent de coordonner nos initiatives et de les porter collectivement quand cela est possible. Aussi, nous proposons sans plus attendre de créer une « Coordination Bouclier Anti-Covid » des maires franciliens, pour que notre région s’arme pour : – Lutter contre les effets sanitaires, sociaux et économiques du virus – Pour mutualiser les bonnes pratiques locales d’accompagnement des habitants durant le confinement – Pour préparer les mesures qui rendront possible le déconfinement et permettront d’accompagner ses conséquences économiques et sociales.

Cette Coordination aura vocation à présenter au Gouvernement un Livre blanc – dans les prochaines semaines – qui recensera nos bonnes pratiques locales pour lutter contre l’épidémie et pour préparer la société de l’après-Covid. Il listera aussi l’ensemble des besoins de nos Villes pour réussir le déconfinement. Enfin, nous rappelons que pour retrouver une liberté plus grande dans nos déplacements, un plan sanitaire d’envergure – masques, tests, lits de réanimation supplémentaires – sera indispensable pour ne pas surcharger à nouveau nos hôpitaux. Oui, nous pouvons collectivement réussir le déconfinement du 11 mai… si l’État nous accompagne.

Les signataires :

Alfortville – Luc CARVOUNAS
Arcueil – Christian MÉTAIRIE
Boissy-Saint-Léger – Régis CHARBONNIER
Bondy – Sylvine THOMASSIN
Bonneuil-sur-Marne – Patrick DOUET
Cachan – Hélène de COMARMOND
Créteil – Laurent CATHALA
Fontenay-Sous-Bois – Jean-Philippe GAUTRAIS
Fresnes – Marie CHAVANON
Gonesse – Jean-Pierre BLAZY
Lognes – André YUSTE
Nanterre – Patrick JARRY
Orsay – David ROS
Paris Vallée de la Marne – Paul MIGUEL
Pontault-Combault – Gilles BORD
Sarcelles – Patrick HADDAD
Vitry-sur-Seine – Jean-Claude KENNEDY »
Catégories
Politique

La crise économique est déjà majeure aux États-Unis, annonçant une crise mondiale et gigantesque

Alors que le gouvernement français tient encore à faire croire que les activités reprendront progressivement leur cours à partir du 11 mai, la crise économique, elle, s’installe durablement. La situation américaine est probablement un avant-goût de ce qui attend la France et elle aura de toutes manière des répercussions partout dans le monde.

De par la nature de son fonctionnement, le capitalisme américain vit en accéléré ce que d’autres pays vivront bientôt. Les millions de chômeurs américains sont ainsi l’équivalent des millions de chômeurs partiels français, mais en plus brutal, en plus rapide.

Et encore, les effets de la crise y sont aussi en partie temporairement endigués, reportés. La législation a été réformée à la hâte fin mars pour allonger les possibilités de retards de paiement, que ce soit d’hypothèques ou de diverses échéances. Les saisies de propriétés sont suspendues pour plusieurs semaines, repoussant à plus tard tout un tas de problèmes de ce type. Il est estimé que le semaine dernière, il y a déjà eu une augmentation de 1200 % par rapport à la normale des demandes de délais pour des dettes ou factures.

Les États-Unis, donc, la première puissance économique mondiale, dont la monnaie structure directement ou indirectement quasiment tous les échanges économiques internationaux, s’enfonce d’ores et déjà dans une crise de grande ampleur. Le choc est considéré comme étant d’une violence inégalée depuis la Grande Dépression après le crack boursier de 1929.

Ce sont 22 millions d’emplois qui ont déjà disparus, pour certain du jour au lendemain, en seulement quatre semaines. C’est équivalent au total des création d’emplois dans le pays… depuis onze ans, c’est-à-dire depuis la crise de 2008-2009. Le taux de chômage prévu pour avril est de 20 %.

Autre comparaison : les ventes au détail se sont effondrées en un mois de presque autant qu’en seize semaine au cours de la crise des subprimes de 2008-2009. Cela alors que les ventes en ligne explosent dans le même temps, les géants Walmart et Amazon cherchant actuellement à embaucher… 500 000 nouvelles personnes. La consommation actuelle d’essence est revenue à ce qu’elle était en 1968. L’économie du Texas, producteur majeur de pétrole, est pour cette raison déjà sinistrée.

Comme presque partout dans le monde, des secteurs entiers de l’économie sont à l’arrêt, de nombreuses usines comme celles de Boeing ou de l’industrie automobile sont fermées et ne produisent plus aucune valeur. L’américain Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie 2001, estime ainsi que la vague va être terrible pour de nombreux américains, avec des pertes de revenus considérées comme dévastatrices.

Certains prévisionnistes imaginent une reprise massive et drastique des activités bientôt, avec une croissance faisant un bond pour rattraper le retard. Donald Trump pousse en ce sens en annonçant des déconfinements hâtifs dès le mois de mai… Sauf que la situation sanitaire, comme en France, n’est absolument pas sous contrôle et les gouverneurs de nombreux États ne sont aucunement en mesure de desserrer les confinements avant un moment. Rien que l’État de New York, dont la population est de 20 millions d’habitants, a déjà près de 13 000 morts du Covid-19.

Le capitalisme, pour se relancer, a besoin que soient produites massivement des marchandises, et donc qu’elles soient achetées. Sauf que dans un telle situations de crise, d’incertitude, la population a tendance à freiner ses dépenses, soit par manque d’argent tout simplement, soit par volonté de se prémunir. Cela précipite d’autant plus l’effet de crise. Ce problème redouté aux États-Unis l’est également en France, le ministre des finance s’en étant d’ailleurs publiquement inquiété, constatant une hausse massive de l’épargne ces derniers jours.

La situation catastrophique de l’économie américaine engendrera forcément une pressions accrue sur les pays pauvres, sur les travailleurs eux-mêmes. La France, en tant que puissance secondaire, sera aussi directement impactée par ce vacillement, alors qu’elle voit déjà son économie mise sous tension.

EDF a annoncé que des réacteur nucléaires vont être mis à l’arrêt, la baisse de la production d’électricité d’origine nucléaire étant actuellement de 20 % par rapport à ce qui était prévue sur la période, correspondant à une baisse de la consommation énergétique de 20 % également. C’est absolument gigantesque, marquant un ralentissement profond de l’activité industrielle du pays. La perte de chiffre d’affaire pour EDF contribue également à alimenter la dynamique de la crise.

Cela est d’autant plus vrai que, comme l’a expliqué dans la presse un économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques, Mathieu Plane, rien ne dit que les restaurants, hôtels, cinémas ou centres commerciaux seront de nouveau ouverts en juillet et août. De nombreux secteurs vont être durablement et profondément impactés, affaiblissant toute la chaîne économique.

La crise va être de grande ampleur… Elle l’est déjà. Le capitalisme est dans une situation de grande faiblesse et précipitera forcément de nombreuses personnes dans sa chute. En plus de la pression accrue sur les travailleurs, les tensions vont être exacerbée entre les pays, contre la planète elle-même.

Les jours à venir n’ont rien d’« heureux », il faut s’attendre à des bouleversements gigantesques. Conduire ces bouleversements pour passer un cap est le rôle de la Gauche.

Catégories
Politique

Un inspecteur du travail suspendu: réaction de la CGT

Voici le communiqué de la CGT suite à la suspension d’Anthony Smith, inspecteur du travail dans la Marne, lui-même de la CGT.

« Pénicaud met à pied un inspecteur du travail qui tente de faire appliquer le droit, la politique de mise en danger des salarié-es doit cesser !

Communiqué commun de la confédération CGT, de l’Union fédérale des syndicats de l’Etat, du SNTEFP-CGT et la CGT de la Marne

Anthony Smith, inspecteur du travail du département de la Marne, ancien secrétaire général de la CGT TEFP, membre de son bureau national et représentant des inspecteur-trices du travail au Conseil national de l’inspection du travail, vient de se voir notifier la suspension immédiate de ses fonctions « dans l’intérêt du service », à titre conservatoire, dans l’attente de la mise en œuvre d’une possible sanction disciplinaire.

Le motif de cette procédure d’une extrême violence ? Notre collègue et camarade a voulu continuer à exercer ses missions de contrôle du respect du droit du travail dans cette période où les salarié-es qui continuent de travailler sont encore davantage exposé-es qu’en temps normal. Il lui est ainsi notamment reproché d’avoir adressé des lettres de rappel de la réglementation aux entreprises de son secteur, et surtout d’avoir engagé « hors du cadre collectif de l’unité de contrôle » une procédure de référé visant une structure d’aide à domicile n’ayant pas pris de mesures suffisantes pour préserver la santé et la sécurité des travailleur-euses qu’elle emploie. Il lui est également expressément reproché d’avoir demandé à l’employeur de cette structure de mettre des masques de protection et d’autres équipements de protection individuelle à disposition des aides à domicile alors même que des salarié-es de l’association ont été hospitalisé-es et plusieurs autres  en arrêt pour suspicion de COVID 19.

Depuis le début de la crise sanitaire que nous traversons, l’orientation du ministère du travail est la poursuite de l’activité économique à tout prix, et quel qu’en soit le coût pour les salariés. La suspension de notre collègue et camarade s’inscrit dans la droite ligne de cette doctrine. Muriel Pénicaud veut faire régner la terreur dans les rangs de l’inspection du travail, perçue comme un obstacle à cette orientation, afin de dissuader les agents de contrôle de faire usage des pouvoirs que leur confère le code du travail. L’objectif est notamment d’éviter que les procédures en référé, comme celles qui ont été couronnées de succès dans le département du Nord, ne se généralisent sur le territoire.

A cette fin, comme le dénonce depuis maintenant plusieurs semaines l’intersyndicale CGT-SUD-FSU-CNT du ministère du travail qui vont saisir l’OIT, le ministère du travail est prêt à toutes les dérives et n’hésite pas à violer allégrement les textes nationaux et internationaux, notamment l’article 6 de la convention n°81 de l’OIT qui rend les agent-es de l’inspection du travail indépendant-es « de toute influence extérieure indue ».

Car cette procédure infâme est engagée sur fond de complète collusion entre la hiérarchie locale et l’employeur visé par l’assignation en référé, important pourvoyeur d’emplois à Reims. Relayant les pressions du pouvoir politique et du patronat, la responsable départementale de la DIRECCTE de la Marne a ainsi ouvertement invité par écrit l’employeur à faire obstacle au contrôle engagé en lui conseillant de ne plus répondre aux sollicitations de l’inspecteur du travail et de « mettre cette correspondance de côté ». L’employeur s’est même enquis par courriel du 11 avril 2020, soit avant que notre collègue ne soit informé de son existence, de l’avancement de la procédure disciplinaire en ces termes éloquents : « où en êtes-vous de la procédure le concernant ? ».

Les responsables nationaux du ministère du travail qui ont choisi de relayer et d’amplifier ces manigances se couvrent de honte et devront en répondre. Car en empêchant sciemment une procédure de référé, pouvoir propre de l’inspecteur-trice du travail, d’aller à son terme, l’administration engage aussi sa responsabilité quant aux conséquences possibles et prévisibles pour les salarié-es concerné-es dont l’exposition au risque perdure aujourd’hui.

La CGT invite l’ensemble du monde du travail à dénoncer cette mesure grave qui participe d’une offensive généralisée contre les droits des salarié-es au prétexte de l’urgence sanitaire. Elle exige le retrait immédiat de la mise à pied d’Anthony Smith et l’abandon de toute procédure disciplinaire.

Elle demande l’arrêt de toutes les pressions et représailles à l’encontre des agent-es du ministère du travail qui tentent de mener à bien leurs missions dans ces circonstances exceptionnelles. »

 

Catégories
Politique

Distanciation sociale en raison du covid-19: horizon 2021

Le gouvernement français est passé, depuis l’intervention d’Emmanuel Macron du 13 avril 2020, dans le mensonge, celui d’un déconfinement qui serait à court terme et complet. C’est là le signe d’une décadence du « haut » de la société française, mais également du « bas » : les Français, consuméristes et immatures, sont incapables de faire face à la crise.

Des menteurs ou des fous : il n’y a pas d’autre mot pour qualifier les membres d’un gouvernement et d’un appareil d’État tout deux en perdition. Ce jeudi 16 avril, le ministre de la culture Franck Riester a expliqué sur France Inter que les petits festivals pourraient sans doute se tenir, et ce dès le 11 mai.

« On a à préparer, d’ici deux semaines, des éléments pour préparer le déconfinement dans tous les secteurs d’activité. C’est ce que nous a demandé le président de la République, sous l’autorité du Premier ministre (…).

Nous souhaitons que la privation de spectacle vivant, de cinéma, soit limitée (…).

Dans le cas de la culture, on regarde tout les points. La priorité c’est la sécurité des spectateurs, des artistes, des techniciens. Si des festivals sont adaptés à des jauges petites, qu’il n’y a pas de problème de sécurité, nous les accompagnerons. »

Franck Riester est au mieux farfelu et le président de la République ne vaut pas mieux. Le monde entier est bloqué et les Français, seuls au monde, feraient mieux que tout le monde ? C’est menteur ou fou, et tout cela pour complaire à des Français immatures qui ont cru en l’éternité de consumérisme béat et aliéné.

Par exemple, la règle exigée par l’Allemagne et l’Autriche actuellement pour le vélo, c’est 20 mètres de distance. 20 mètres ! Cela donne un festival avec les gens tous les 20 mètres ? Certaines études disent que pour le vélo deux mètres suffisent. Admettons. Cependant, si cela est formulé ainsi, c’est car les gens sont en mouvement. Dans une festival, on reste au même endroit. Même deux mètres d’écart, cela ne suffit pas. Avec des masques ? Il suffit qu’un l’enlève un peu et tout peut recommencer.

Le gouvernement français prend donc les gens pour des idiots, et cela tombe bien car les Français le sont. Ils veulent y croire et étant cartésiens, ils pensent que si c’est un choix en toute conscience, cela va se réaliser. Eh bien, non. La réalité matérielle l’emporte. Et elle est comprise par ceux qui admettent qu’elle s’impose. Le gouverneur de Los Angeles a ainsi annoncé à partir de quand il y aurait peut-être de nouveau des concerts et des matchs. Il n’a pas dit mai. Il n’a pas dit août. Il n’a pas dit octobre. Il a dit : janvier 2021.

Janvier 2021, peut-être. En Allemagne, les organisateurs du fameux Oktoberfest de la mi-septembre se disent déjà que c’est plié. Au Japon, une partie des organisateurs des jeux olympiques d’été, repoussés d’un an, pense même que c’est même mal parti pour l’été 2021 !

Et, finalement, ce qui est dit est clair. Il y en a au moins pour des mois : voilà ce que n’hésite pas à répéter en boucle le chancelier autrichien Kurz, à la tête du premier pays ayant mené un déconfinement partiel. En Allemagne, aux États-Unis, on dit pareil.

L’Allemagne fait tout pour relancer les matchs de football professionnels. Mais elle sait qu’il faudrait isoler les joueurs et les préparateurs pour tout le reste de la saison et employer 20 000 tests. C’est difficilement acceptable par l’opinion publique.

Seul au monde, le professeur Didier Raoult dit que « l’épidémie est en train de disparaître progressivement » et qu’il est « possible qu’elle disparaisse au printemps ». Espérons qu’il ait raison, mais on peut en douter tellement il joue la politique de la Droite, tellement il parle, tellement il se met en avant. C’est là le signe d’un égocentrisme sans rapport avec la science au service du peuple.

Et c’est tellement solitaire que c’est sans rapport avec le reste du monde : on a une crise mondiale, mais un Français aurait raison sans en faire part au monde entier ? Et personne dans le monde ne s’y intéresserait ?

La France est ici en totale décalage avec ce qui est dit ailleurs sur la planète. On y dit quelque chose de simple : tant qu’il n’y aura pas de remède ou de vaccin, la distanciation sociale restera. Pour un mois, pour six mois, pour un an, pour deux ans.

L’horizon, c’est 2021. De tous les pays, c’est la France ayant basculé dans le culte de l’individualisme, du chacun fait ce qu’il veut dans le dédain et le mépris de la réalité, qui est en passe d’être culturellement le plus ébranlé.

Catégories
Politique

Emmanuel Macron et la tentation du chauvinisme agressif

En pleine crise sanitaire, alors qu’il admet lui-même ne pas savoir si on en est au début ou au milieu de la crise, Emmanuel Macron s’est offert le luxe de quelques digressions philosophiques au Financial Time. La « nature de la mondialisation » et la « structure du capitalisme international » seront bouleversés explique-t-il. En « espérant » que le traumatisme unira les pays contre la crise, car il s’agirait de donner la « priorité aux vies humaines plutôt qu’à la croissance économique ».

Ce serait même à l’en croire l’occasion de s’attaquer enfin au désastre environnemental et aux inégalités sociales…

Ce lyrisme du chef de l’État français n’intéresse et ne convainc personne évidemment, alors qu’il s’agit maintenant de faire face à la crise. Ce qui a été retenu et remarqué par contre, ce sont ses propos à l’encontre de la Chine :

« Ne soyons pas si naïfs pour dire que cela a été beaucoup mieux géré. Nous ne le savons pas. Il y a clairement des choses qui sont apparues que nous ignorons. »

Avec ce genre d’allusion, Emmanuel Macron imagine pouvoir échapper à ses responsabilités, en reportant la faute sur les autorités chinoises. Sauf que, quand le virus a commencé à circuler dans le monde, les choses étaient connues. Les scientifiques chinois ont partagé à ce moment-là les informations sur le coronavirus en question. Depuis, les autres pays n’ont pas appris grand-chose de plus, si ce n’est rien.

La France était au courant du confinement de tout une région de la Chine, mais elle n’a pas pour autant fermé ses frontières ni mis en place des mesures sanitaires de contrôle dans les aéroports. Elle ne s’est pas inquiétée de ses stocks de masques. Quand il a été avéré que le Covid-19 était massivement présent dans le nord de l’Italie, Emmanuel Macron et sont gouvernement n’ont pas fait interdire la venue de supporters turinois à Lyon, comme beaucoup de personnes le suggéraient.

Il faut donc un sacré culot pour s’imaginer légitime à tenir de tels propos à l’encontre de la Chine, alors que rien n’est encore réglé, que les masques sont toujours introuvables en France, que les hôpitaux ont été totalement débordés, que des milliers de personnes âgées meurent du coronavirus dans les Ehpad ou bien de manière solitaire chez elles…

Alors que la France est en train de couler, le chef de l’État s’essaye donc au chauvinisme anti-chinois. C’est une tentation guerrière évidente, irresponsable, très dangereuse. Il ne faut d’ailleurs pas s’y tromper et bien voir qu’il s’agit exactement de la même dynamique quand il est parlé des fameux « coronabonds ».

Emmanuel Macron en parle dans son entretien au Financial Time, faisant passer l’Allemagne et les Pays-Bas pour des pays riches et égoïstes à l’encontre des pays du sud de l’Europe. Ces pays refusent en effet de payer pour les dettes des pays à qui ils reprochent justement depuis des années de ne pas les endiguer. Mais Emmanuel Macron se pense légitime à prévenir  : ce sera à cause d’eux si les populistes gagnent en Italie, en Espagne et peut-être en France…

C’est une sorte de chantage au fascisme, ce qui reflète un président d’un pays à la dérive, complètement débordé par la crise sanitaire et pétrifié face à la crise économique à venir. Pétrifié au point de s’imaginer un destin, le long entretient se concluant ainsi de la part d’Emmanuel Macron :

« Je n’ai jamais rien imaginé car je m’en suis toujours remis entre les mains du destin. On doit être disponible pour son destin… C’est donc là que je me trouve, prêt à combattre et à promouvoir ce en quoi je crois tout en restant disponible pour essayer et comprendre ce qui semblait impensable. »

Emmanuel Macron est un homme pétrifié s’imaginant une statue de bronze.

Catégories
Politique

Crise sanitaire: comment l’Allemagne et l’Autriche contrastent avec la France

La gestion millimétrée de la crise sanitaire provoquée par le covid-19 de la part de l’Allemagne et l’Autriche montre que la France est structurellement en perdition. C’est inquiétant pour le passé de par ce que cela révèle, mais également de par ce que cela augure. Le capitalisme français va vouloir relancer brutalement la machine pour ne pas se faire déclasser.

L’Autriche a procédé mardi 14 avril 2020 à un déconfinement partiel, avec les magasins de moins de 400m² pouvant ouvrir, soit 15 000 commerces, à quoi s’ajoutent les jardins publics et les magasins de bricolage et de jardinage. C’est un contraste saisissant avec le discours la veille du président français précipitant la France dans un confinement d’au moins un mois de plus.

L’Autriche relance sa machine économique de manière claire, tout en gérant de manière stricte : dans les transports en commun et les commerces on est obligé de porter un masque, tout comme dans les supermarchés depuis une dizaine de jours, avec des masques qui sont… donnés aux entrées.

Car des masques il y en a, tout comme des lits de réanimation il y en a dans les hôpitaux allemands. Les capitalismes allemand et autrichien tournent à plein régime et peuvent se le permettre. La raison est très simple à comprendre : de tête de pont américaine, l’Allemagne de l’Ouest s’est transformée en Allemagne unifiée puissante. Quant à l’Autriche, elle est devenue son satellite. Les deux sont partie à l’assaut des pays de l’Est, pratiquant une colonisation économique massive, tout en profitant d’une immigration massive, encore renforcée avec la crise syrienne.

Rien que là, malgré le confinement, l’Allemagne a organisé des charters et des voyages individuels pour des travailleurs roumains pour les récoltes et l’Autriche des auxiliaires de santé roumaines ! Faut-il un pays capitaliste puissant, sans gêne, pour être tranquillement en train de mettre en place de tels voyages !

Et le choix du 14 avril 2020 pour le déconfinement ne doit rien au hasard : l’Autriche est un pays enferré dans le catholicisme et « libérer » les esprits au moment de Pâques est un choix politique culturellement puissant effectué par le premier ministre Sebastian Kurz, né en… 1986. Il ne faut pas se leurrer et bien sûr voir qu’ici l’Autriche sert de laboratoire à l’Allemagne, où Angela Merkel déroule tranquillement sa gestion de la crise.

Mais les faits sont là : on a ici des exemples de capitalisme efficaces, formant d’ailleurs le cœur de l’Union européenne et regardant d’un air à la fois ahuri et mécontent les pays méditerranéens toujours si turbulents à chaque occasion. Il va de soi qu’un tel décalage avec l’Allemagne est inacceptable pour le capitalisme français, ce qui lui met une pression de plus pour se relancer le plus vite possible… sans en avoir les moyens.

Il faut, pour comprendre l’arrière-plan, regarder un tableau comparatif (au 14 avril 2020).

Nombre de morts

Nombre de morts par million d’habitants

Nombre de tests de dépistage

Nombre de tests de dépistage
par million d’habitants
France

15 729

241

333 807

5 114

Allemagne

3 294

39

1 317 887

15 730

Autriche

384

43

151 796

16 854

Il suffit d’ajouter à cela que la France avait avant la crise plus que moitié moins de lits de soins aigus que l’Allemagne, moitié moins que l’Autriche, mais également moins que la Suisse, la Grèce, la Slovaquie, la Lituanie, le Portugal, la Lettonie, la Tchéquie, etc.

Impossible de voir ici en la France une puissance majeure. Et pourtant son système de santé est littéralement le meilleur au monde ! Sauf qu’il est entièrement au service du capitalisme français. Quand tout va bien, il tourne bien… mais la crise venue, il révèle ses fondements. Et c’est en fait valable pour tout en France, depuis les ingénieurs jusqu’à l’armée.

Quand tout va bien, la France déroule. Mais dès qu’il y a un choc, tout s’effondre comme un château de carte. C’est littéralement une caractéristique de l’État et du capitalisme français et c’est ce qui explique les « sauvetages » en catastrophe (les figures les plus connues étant Clemenceau, Pétain et De Gaulle, puis de nouveau De Gaulle). Cet appel à un sauveur par en haut risque d’en être que plus prégnant de par cette « tradition » réactionnaire.

Cela sera d’autant plus vrai s’il y a une grande déception, un grand désarroi. En Allemagne et en Autriche, il est ouvertement dit qu’il y en a pour des mois… En France, il est vendu des solutions clef en main qui ne servent que le populisme.
Catégories
Politique

Emmanuel Macron le 13 avril 2020: toute la vanité d’une France pétrifiée

Le discours du 13 avril 2020 d’Emmanuel Macron au sujet de la crise sanitaire a été entièrement franco-français. Déni des faits, absence d’esprit autocritique, volontarisme forceur, spiritualisme vaniteux, chauvinisme outrancier… Rien n’aura été épargné alors que la France capitaliste va dans le mur.

Le 16 mars, Emmanuel Macron expliquait qu’on était en guerre ; le 13 avril, il a expliqué qu’on avait gagné. Le système aurait tenu, dit un président passant sous silence toutes les personnes âgées mortes seules chez elles ou dans les EHPAD. Il faut dire que le mensonge était inévitable de sa part, vu que tous ses fondamentaux sont par terre. L’Europe ? Elle est aux abonnés absents. L’individualisme relativiste ? Il ne saurait être à l’ordre du jour. Le libéralisme moderniste vaguement social ? Il est en-deça des exigences d’organisation nécessitant un État fort.

Emmanuel Macron a donc eu recours au mythe mobilisateur pour chercher une sortie par le haut. Le 11 mai rouvriront, « progressivement », les écoles et les crèches, les administrations et les entreprises. Quant aux personnes âgées ou malades, elles devront continuer seules le confinement, la société ne ralentira rien pour elles. On reconnaît ici le cynisme de la démarche, mais aussi son idéalisme. Pourquoi le 11 mai ? Pourquoi pas le 7 ou le 20 ? Personne n’en sait rien, mais à partir du 11 il y aura des masques pour tout le monde, des tests de dépistage pour beaucoup de monde. Bref, le 11 mai, il y aura tout… tout ce qu’il n’y a pas eu.

Pour convaincre, Emmanuel Macron a parlé pendant 27 minutes. Là où Angela Merkel se contente de quelques minutes, Emmanuel Macron a cherché à développer tout un lyrisme existentialiste : «  nous aurons des jours meilleurs et nous retrouverons les Jours Heureux », nous promet-il. Le peuple français se régénérerait même face à l’adversité : « On disait que nous étions un peuple épuisé, routinier, bien loin de l’élan des fondations »… « On disait que nous étions un peuple indiscipliné »…

Sauf que, oui, effectivement, les Français sont totalement routiniers. Qu’ils pensent que tout va changer après la crise ou pas, ils considèrent tous qu’il va être possible de s’en sortir au moyen d’un rationalisme mesuré, d’une philosophie cartésienne bien française. Et tous pensent que la crise va se terminer à court terme, voire même, sans le dire, que le confinement finira bien par s’effacer avant le 11 mai. Et Emmanuel Macron les a confortés en cela.

Il a pourtant dit que les lieux culturels et sportifs ne rouvriront pas avant mi-juillet… Ce qui est totalement incohérent avec la logique du déconfinement. Mais la France capitalistes est coincée : elle veut redémarrer le plus vite possible, quitte à basculer dans l’irrationnel. Et les Français veulent que tout recommence comme avant, le plus vite possible. Ils ne veulent surtout pas voir !

Voir que c’est fini, qu’un mode de vie est par terre, que c’est la fin d’une civilisation ou, plutôt son dépassement. Qu’on est en pleine crise, que c’est le début de la crise, qu’elle va se généraliser à tous les domaines. Rien que le conflit sino-américain devrait faire froid dans le dos.

Le 13 avril, Emmanuel Macron a menti et les Français se sont mentis à eux-mêmes. Ils sont ébranlés, doutent fortement, mais espèrent encore. Ils ne veulent pas encore être réalistes. C’est pourtant trop tard. La France capitaliste ne fait pas que vaciller : elle bascule.

Catégories
Politique

Le Medef veut forcer le déconfinement et provoque la colère des pro-Macron

Le président du Medef a appelé à forcer les choses et à faire payer la crise aux travailleurs. Cela rend fou furieux les grands capitalistes représentés par Emmanuel Macron qui sont illico intervenus pour protéger leur représentant.

C’est une tempête dans un verre d’eau capitaliste. Il n’est évidemment pas facile de se retrouver dans ce verre d’eau plutôt invisible avec des petits capitalistes et des gros, différents clans, différentes factions aux intérêts divers et variés. Mais la crise étant présente, il faut abattre les cartes. Il faut en effet des options à mettre sur la table, et il n’y en a pas tant que cela, il n’y en a que trois :

a) on continue comme avant ;

b) on galvanise socialement on ne sait pas trop comment mais on y va prudemment ;

c) on rentre dans le tas en exigeant une unité nationale vigoureuse et militarisée.

La dernière option est bien entendu représentée par Marion Maréchal, ainsi que Marine Le Pen. Elles ne cessent de dérouleur leurs discours et on peut être certain que leur travail de sape est efficace. Ce sont cependant les deux autres factions qui sont concernées ici.

La première, c’est celle de la bourgeoisie prise en grand, avec de multiples ramifications, avec plus ou moins d’unité, etc. Le Figaro en est le vecteur idéologique. Et dans ce journal, à l’occasion d’une interview, le dirigeant du Medef, le syndicat patronal, est allé droit au but. Geoffroy Roux de Bézieux a dit qu’il fallait reprendre le travail le plus vite possible, qu’il fallait retrouver la normalité à marche forcée :

« L’important, c’est de remettre la machine économique en marche et de reproduire de la richesse en masse, pour tenter d’effacer, dès 2021, les pertes de croissance de 2020. »

Naturellement, il faut que quelqu’un paie tout cela. Ce sera les travailleurs :

« Il faudra bien se poser tôt ou tard la question du temps de travail, des jours fériés et des congés payés pour accompagner la reprise économique et faciliter, en travaillant un peu plus, la création de croissance supplémentaire. »

On aurait tort cependant de penser que c’est là l’expression de la bourgeoisie en général. Ainsi, la revue Challenges, un très important porte-parole du milieu économique, a littéralement dézingué le président du Medef. Pour que les choses soient bien comprises, il s’agit d’un éditorial. Le titre a été choisi comme une savante provocation : « Quand le président du Medef Geoffroy Roux de Bézieux se caricature tout seul ».

Cette réponse du dimanche à 12 avril à l’interview du Figaro du 11 n’y va pas par quatre chemins. Il faut un « Grenelle social », une unité nationale. On se moque du Figaro, « quotidien de la droite bourgeoise et du monde des affaires » et du « prêt-à-penser libéral » du patronat.

La raison de tout cela, c’est que la France est socialement à deux doigts d’exploser :

« Depuis le choc du coronavirus, une fracture s’est encore creusée.

D’un côté, des travailleurs anonymes, dont une partie fut gilets jaunes, qui assurent les activités indispensables à la collectivité et prennent ainsi des risques; de l’autre, en seconde ligne pourrait-on arguer, les « confinés », souvent des cadres qui contribuent eux aussi, depuis leur domicile et en télétravail, à ce que l’économie ne sombre pas tout à fait.

Mais ceux-là, admettons-le, sont plus « conforts », sinon plus tranquilles.

A l’abri, contrairement à tous les exposés précités, sans oublier les démunis, reclus, eux, dans des conditions souvent éprouvantes. Deux France, voire trois, qu’on ne peut traiter comme si rien ne s’était passé. »

Par conséquent, le patronat doit céder et l’éditorial se conclut par un appel à une remise au pas :

« Il faudra bien que ce fameux « capital » en passe par une baisse de ses rémunérations au profit du travail. Autrement dit, si Emmanuel Macron entend que « ça reparte vraiment », et pourquoi répétons-le ne le voudrait-il pas, il lui faudra à l’exemple du général De Gaulle, faire plier le patronat. L’archéo-patronat… »

Il faut être ici très intelligent, très subtil. En effet, il ne s’agit pas d’un éditorial appelant à un coup de force militariste : l’extrême-Droite y est ouvertement dénoncé. Et s’il y a des revendications sociales prononcées, on est dans Challenges, et il y a un appel à Emmanuel Macron qui doit être le grand dirigeant mettant le patronat au pas !

On l’aura compris : cet éditorial représente les intérêts de grosses fortunes, évidemment celles qui ont permis à Emmanuel Macron d’être élu président de la République en montant un mouvement du jour au lendemain. Ce sont des grands capitalistes et à ce titre, extérieurs au capitalisme traditionnel.

Ils peuvent donc exiger que celui-ci paie la crise. Mieux vaut cela que l’instabilité en pressurisant les travailleurs encore plus ! Ce refus d’aller dans le sens de l’extrême-droite tient à la base économique de ces grands capitalistes. Ils ne sont pas dans la tradition des monopoles français, ni économiquement, ni culturellement ; ils relèvent du business international. Ils ne peuvent donc pas appeler à une unité nationale, au nationalisme, au militarisme.

Mais leur sort est scellé, comme dans les années 1930. Le capitalisme tend à la guerre et le business international, flottant au-dessus des nations allant au militarisme, se fait violemment mettre au pas. Il n’y a pas de sortie libérale internationale, seulement la destruction avec le fascisme ou l’avenir avec le socialisme.

Catégories
Politique

Appel des présidents de département PS pour un revenu de base face à la crise

Les 19 présidents de département socialistes ont publié un appel dans le JDD pour un revenu de base dans le cadre de la crise du Covid-19. Cela a l’apparence d’une mesure de gauche, c’est en fait surtout du keynésianisme reformulé. La Gauche, pour reconquérir le cœur socialiste des masses ouvrières, devra trouver mieux que ce genre de mesure technique, abstraite, qui n’est au fond qu’un équivalent de la « monnaie hélicoptère » défendue par Donald Trump aux États-Unis (c’est-à-dire de la monnaie de banque centrale directement distribuée à la population).

On n’est pas ici dans la lutte de classe, mais dans l’illusion d’une mesure prise par en haut pouvant empêcher l’effondrement économique inéluctable. À moins que les présidents socialistes de département s’imaginent que tout reprendra comme avant, qu’il y aura des richesses à profusions à distribuer, que le capitalisme ne sera pas à l’affût pour mettre la pression sur le monde du travail ? D’ailleurs, le revenu universel était une revendication phare du candidat socialiste Benoît Hamon et il a reçu beaucoup de moqueries pour cela. Un tel retournement fait perdre en crédibilité.

Voici l’appel :

« Il y a un an, une proposition de loi pour l’expérimentation locale du revenu de base, issue des travaux de nos départements avec l’appui de la Fondation Jean-Jaurès, a été présentée par le groupe socialiste à l’Assemblée nationale, où la majorité présidentielle l’a rejetée sans aucun débat contre l’avis de nombreux groupes parlementaires de toutes sensibilités. Aujourd’hui, alors que la crise sanitaire du Covid-19 évolue chaque jour un peu plus en une crise économique mondiale, poussant nos systèmes de solidarité dans leurs retranchements, le revenu de base apparaît dans toute l’Europe, en Espagne, en Allemagne ou au Royaume-Uni, comme une solution pour amortir le choc social qui risque de faire basculer nombre de nos concitoyens dans la précarité. Le débat émerge aussi aux Etats-Unis et au Canada.

Parce que nous sommes garants des solidarités humaines, nous sommes en première ligne pour affronter les dégâts sociaux de cette crise. Nous avons besoin d’un dernier rempart. Nous proposons d’avancer avec pragmatisme pour lutter contre la pauvreté.Nous souhaitons pouvoir mettre en œuvre un revenu de base sans contrepartie mais avec un accompagnement renforcé, automatique pour résoudre le problème du non recours aux droits, ouvert dès 18 ans pour lutter contre la précarité des plus jeunes, dégressif en fonction des revenus d’activité et d’un montant égal au seuil de pauvreté.

Pour les allocataires du revenu de solidarité active (RSA), alors qu’elles étaient controversées il y a un an, certaines de ces mesures ont déjà été prises au niveau national en faveur de la reconduction automatique des droits et de la suspension des sanctions, afin d’éviter toute rupture de prise en charge pendant la durée du confinement. Nous appelons le gouvernement à aller plus loin et à mettre en œuvre l’ensemble du dispositif de manière immédiate, pérenne et soutenable financièrement pour répondre aux besoins de long terme de la population.

Cette démarche pourrait être portée également au sein de l’Union européenne, échelle particulièrement adaptée pour apporter une réponse globale. Un plan de relance économique qui oublierait les ménages pourrait ne pas suffire à sauver le projet européen. La priorité est d’assurer à tous ceux qui en ont besoin, un soutien monétaire et un accompagnement social pour faire face à cette crise inédite. C’est aussi le moyen de donner à toutes les personnes vulnérables l’appui nécessaire pour se réorienter vers le monde du travail alors que le redémarrage de notre appareil productif aura besoin de toutes les forces disponibles.

Comme l’a justement dit le président de la République le 12 mars dernier, des décisions de rupture sont aujourd’hui nécessaires. Cette solution solidaire changera le référentiel des solidarités humaines pour redonner aux Françaises et aux Français confiance en un système créé pour leur apporter, à la fois, la sécurité de l’existence et les outils de leur autonomie.

Un nouveau pacte social devra fonder le monde d’après la crise du Covid-19. Une fois sortis de l’état de guerre dans lequel nous sommes, nous devrons préparer activement la résilience de notre société. Nos départements sont prêts à expérimenter cette solution et à en évaluer les bénéfices escomptés pour les personnes qu’ils accompagnent. »

Les signataires :

Sophie Borderie (Lot-et-Garonne), Denis Bouad (Gard) ; Jean-Luc Chenut (Ille-et-Vilaine) ; Xavier Fortinon (Landes) ; Jean-Luc Gleyze (Gironde) ; Philippe Grosvalet (Loire-Atlantique) ; Mathieu Klein (Meurthe-et-Moselle) ; Alain Lassus (Nièvre) ; Philippe Martin (Gers) ; René Massette (Alpes-de-Haute-Provence) ; Georges Méric (Haute-Garonne) ; Kléber Mesquida (Hérault) ; Christine Tequi (Ariège) ; Germinal Peiro (Dordogne) ; Serge Rigal (Lot) ; Nathalie Sarrabezolles (Finistère) ; Stéphane Troussel (Seine-Saint-Denis) ; Laurent Ughetto (Ardèche) ; André Viola (Aude) »

Catégories
Politique

La faillite de l’idéalisme européen face au Covid-19

L’Union européenne est d’abord un marché commun, mais elle repose aussi sur un idéalisme fort consistant en le rêve d’une coexistence transnationale et d’une puissance collective. Face à une crise majeure comme celle que nous vivons actuellement avec le Covid-19, tout l’édifice s’effondre et ce sont les enjeux nationaux qui priment logiquement.

La situation est rude, c’est celle d’une faillite. L’Union européenne n’a pas été en mesure de lancer des achats groupés pour les masques, les sur-blouses, les gels hydroalcooliques, etc., alors qu’une procédure le permettant avait pourtant été mise en place suite à la crise de la grippe A (H1N1) il y a dix ans.

Les ministres des finances des pays de l’Union européenne sont parvenus malgré tout à un accord jeudi soir consistant en une série de mesures pour 500 milliards d’euros. Là aussi, ce n’est qu’une façade masquant des tensions très profondes.

Rien que cette réunion des ministres des finances, aboutissant à un accord jeudi soir, a en fait été précédée d’une première réunion en début de semaine qui avait été catastrophique. Les ministres des finances s’étaient écharpés pendant toute une nuit, en commençant à 16h mardi pour ne finir qu’à 8h du matin mercredi sans aucun accord, certain s’endormant même devant leur écran de téléconférence, d’autre s’éclipsant pour des coups file en apartés, etc.

Ce sont les Pays-Bas qui ont endossé le rôle du pays contestataire, refusant de payer pour les autres. En réalité, la position hollandaise est portée de manière bien plus large et n’a rien de nouvelle. En février déjà, lors du sommet européen extraordinaire consacré au budget de la période 2021-2027, le Premier ministre néerlandais Mark Rutte était venu avec une pomme et une biographie de Chopin. Il expliquait aux journalistes que c’était pour tromper l’ennui, car il n’y avait « rien à négocier », refusant par la suite d’être séparé des représentants danois, autrichiens et suédois, sur la même position que lui.

Ces tensions se sont exacerbées depuis le début de la crise sanitaire, paralysant toute possibilité d’action et d’organisation commune. On a ainsi des « nordistes » adaptent de la rigueur budgétaire refusant de payer pour les « latins » et leurs dettes abyssales, leurs infrastructures mal gérées et leurs populations indisciplinées.

Le contraste est saisissant en effet entre une Allemagne où, avec un part du budget moindre, le système de santé encaisse assez bien le choc et la France où, malgré d’immenses moyens, les places en réanimation sont trop peu nombreuses et les hôpitaux doivent recruter à la hâte des étudiants, des infirmières libérales ou des médecins d’autre secteurs. C’est la même chose pour les tests, massifs en Allemagne, mais en pénurie en France, en Italie. Pareil encore pour les masques, introuvables chez nous, alors qu’en Autriche ils sont distribués gratuitement quand on fait ses courses en supermarché.

On a donc une Union européenne disparate, avec des particularités non pas simplement régionales, mais relevant de toute une culture, de tout un état d’esprit national propre à chaque pays… et bien entendu à la situation du capitalisme. Les idéalistes européens ont cru, ou prétendu croire, qu’il suffisait de faire sauter les barrière douanières pour les marchandises, pour que les populations suivent et s’unissent, que l’Union européenne prenne le dessus.

En réalité, ce sont au départ les États-Unis qui ont poussé à l’unité ouest-européenne et désormais c’est l’Allemagne qui a le dessus… Au grand dam par exemple d’un Jean-Luc Mélenchon, un social-chauvin revendiqué qui veut que ce soit la France qui prime.

Et avec la crise, cette unité par en haut vacille ou en tout cas témoigne que les puissants font ce qu’ils veulent. L’exemple le plus marquant est celui de l’absence de « coronabonds » ou « eurobonds ». Cela consisterait à mutualiser de la dette entre tous les pays européens, en souscrivant des obligations européennes sur les marchés financiers. La France est pour, l’Italie imagine difficilement s’en sortir sans cela tellement le pays est endetté, mais les pays aux budgets plus équilibrés ne veulent logiquement pas en entendre parler, à commencer par l’Allemagne.

Un pays, une nation, est capable d’assumer collectivement (de manière démocratique ou non) une dette. Une union d’échange commerciale ne le peut pas et l’Union européenne apparaît de plus en plus comme n’étant rien de plus que cette union commerciale, ce grand marché commun sans frontière pour les marchandises… ou bien une utopie réactionnaire au service d’une puissance majeure, en l’occurrence en ce moment l’Allemagne.

Il est bien connu que la ligne d’Emmanuel Macron est de coller à l’Allemagne. Mais le moteur franco-allemand qui porte cette union commerciale se fait de plus en plus faible, de moins en moins puissant. Les compromis sont de plus en plus difficiles à obtenir et de plus en plus coûteux.

En l’occurrence, la France, à l’idéologie profondément keynésienne, pousse pour un « plan de relance », mais les libéraux plus stricts ne peuvent accepter que soit dépensé de l’argent sans contre-partie derrière, ce que l’Italie considère comme une entorse à sa souveraineté, etc. L’Allemagne a accepté un compromis cette semaine, poussant les Pays-Bas à reculer, mais cela reste très fragile et surtout, peu contraignant pour les économies les plus solides et peu efficace pour les capitalismes plus faibles.

Le ministre hollandais ayant de toutes manières tenu à préciser :

«Ce qui a été décidé nous convient. Mais pour chaque euro du MES [mécanise européen de solidarité] qui sera dépensé sur l’économie, les règles normales de la conditionnalité devront pleinement s’appliquer».

L’Union européenne sortira très affaiblie de la crise sanitaire actuelle et aura bien des difficultés à affronter collectivement la crise économique qui va suivre. Au milieu de tout cela, la France apparaît de plus en plus comme un maillon faible, de par notamment son incapacité à considérer réellement la crise, à envisager que tout puisse s’effondrer.

Gageons que la fin de l’idéalisme européen agisse comme un électro-choc en France, poussant à la prise de conscience… et pas dans un sens chauvin. La Gauche a un défi face à cette crise sanitaire, cette crise du capitalisme : comment échapper au Charybde du nationalisme autoritaire et au Scylla libéralisme libertaire pour qui il faut tout continuer comme si de rien n’était ?

Catégories
Politique

Décès de Liliane Marchais, la fin d’une époque

Liliane Marchais, veuve de Georges Marchais, est décédé en raison du covid-19. C’est la fin de toute une époque, celle d’un PCF avec une immense base populaire et une abnégation formidable. Tout cela pour, il faut le dire, strictement rien comparé à ce qui était espéré.

La photographie employée par le PCF à l’occasion du décès de la veuve de Georges Marchais correspond à l’esprit d’une époque. Il suffit, pour s’en convaincre, de regarder l’arrière-plan. On y voit une femme fière, elle sait qu’elle est derrière la dirigeante du PCF. Nous sommes alors en 1982 et le PCF n’était pas passé dans le camp de la postmodernité, comme en témoigne l’homme barbu avec son bob.

La Fête de l’Humanité était alors monumentale et il ne s’agissait pas, comme cette dernières décennie, de voir les copains et de se faire de l’argent pour la section à coups de boissons fortement alcoolisées. Les odeurs de merguez étaient déjà là, mais elles n’étaient qu’un accompagnement à un militantisme franc et rude. Impossible de faire deux mètres, trois mètres, sans être alpagué par un membre du PCF ou de la JC proposant l’adhésion.

C’est que le PCF était, il faut bien le dire, le peuple. Pour le meilleur et le pire, car le PCF ne voulait pas de la révolution, il espérait un changement total, mais faisait confiance au « Parti ». Georges Marchais pouvait annoncer à la télévision l’abandon du principe de la dictature du prolétariat, avant même la tenue du congrès, ce n’était pas grave. La victoire de François Mitterrand avait montré qu’avancer était possible et l’URSS était alors à son apogée militaire, dépassant les États-Unis, disposant d’un prestige douteux, mais réel.

Le PCF avait alors une telle assise de masse que, si une crise comme celle du covid-19 s’était alors produite, il aurait pu pratiquement prendre le pouvoir. Il disposait de tels relais dans les masses, d’un tel engouement populaire, qu’il aurait été capable de souder un mouvement de masse immense et de littéralement briser un État dépassé. Et les armes étaient là, comme les 5000 « trouvées » en 1991 par les Nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP) dans des entrepôts de la banlieue parisienne et qu’il a fallu discrètement refiler au gouvernement d’alors.

Le PCF avait alors le niveau pour gouverner. Il ne l’a plus depuis longtemps, ou bien seulement en force d’appui aux socialistes et aux écologistes d’EELV. C’est d’ailleurs cela qui met en rogne les syndicalistes « durs » de la CGT : le PCF n’est-il pas, en fin de compte, leur bras politique ? N’est-il pas là pour réaliser les plans de la CGT concoctés parallèlement aux patrons, avec la prétention de pouvoir mieux gérer, mieux produire ?

Tout cela est très loin désormais et il y a ici une source d’enseignement. L’idée de « dégager » un gouvernement sans être en mesure de le remplacer est vaine. Et c’est d’autant plus valable si on a des ambitions encore plus grandes et que, par volonté révolutionnaire, on veuille en plus remplacer l’État !

On peut bien entendu jouer aux ultras et dire : le peuple fera tout, tout marchera tout seul et en attendant on peut se contenter de jouer aux révolutionnaires. Mais quel sens cela a-t-il ? Aucun. Et pareillement, pourquoi vouloir construire un parti gouvernemental, si on n’a pas les moyens de faire quoi que cela soit ? François Hollande apparaît ici comme le suprême cynique, celui qui a accepté de gouverner en sachant qu’il ne pouvait rien faire.

Le PCF, c’était quelque chose ! Mais c’est du passé. Et cette chose n’a pas suffi, ou n’a pas voulu. Tout reste à faire.

Catégories
Politique

La pandémie et l’absurdité de la mondialisation capitaliste selon Lutte Ouvrière

Cet article est tiré de « Le coronavirus et la mondialisation» de la revue éditée par Lutte ouvrière Lutte de classe d’avril-mai 2020 :

« La pandémie, le confinement et l’arrêt de nombreuses usines dans le monde révèlent l’absurdité de la mondialisation capitaliste. Mais des deux termes, le plus dangereux, celui qui menace l’humanité, c’est le capitalisme plutôt que la mondialisation. Cette crise met en évidence, une fois de plus, la nécessité de planifier et de rationaliser la production de tous les biens indispensables à l’humanité.

La planification n’est pas synonyme de centralisation. Elle nécessite d’abord le recensement ; celui des besoins de chacun, des ressources, des capacités de production. Elle nécessite d’organiser la production, à l’échelle locale autant que possible, à une échelle plus large continentale ou mondiale selon les domaines, l’état des ressources, en minimisant le travail humain, les déplacements, les prélèvements sur la nature.

L’humanité dispose de tous les instruments de recensement, de prévision, d’organisation, pour mettre en œuvre cette production afin de nourrir, loger, instruire, soigner tous ses membres. Mais ces instruments sont aujourd’hui entre les mains des grands groupes industriels et des banques qui dominent l’économie et des États qui défendent leurs intérêts. Ces instruments leur servent à opprimer, espionner, aggraver l’exploitation des travailleurs tout en se livrant entre eux des guerres féroces et pas seulement commerciales. Ils leur servent à mettre la planète en coupe réglée, à détruire les écosystèmes, à déboiser les forêts primaires au profit de l’agriculture intensive et de l’élevage industriel, ce qui accélère le passage des virus entre les espèces et aggrave leur dangerosité.

Changer de modèle, rompre avec les ravages de la mondialisation capitaliste, nécessite une révolution sociale pour exproprier les capitalistes et renverser les États à leur service. Pour faire une telle révolution, il faut qu’agisse une force sociale puissante, présente dans le monde entier, ayant tout à gagner à renverser la dictature du capital sur la société. Une telle classe sociale existe, c’est le prolétariat international, ceux dont on découvre aujourd’hui que leur travail est vital pour assurer le fonctionnement quotidien de la société, unis et renforcés numériquement par la division internationale du travail. Il manque à cette classe sociale, la conscience de sa force collective, de ses intérêts communs, du fait qu’elle porte l’avenir de la société. Les travailleurs ne doivent certainement pas attendre des États qu’ils tirent des leçons de la pandémie dans un sens favorable aux intérêts collectifs. Et tous ceux qui laissent entendre le contraire se rendent complices des attaques qui se préparent. »

Catégories
Politique

Confinement: le grand tournant français du début avril 2020

Il y a d’un côté la peur de gâcher l’effort mené jusqu’à présent et une volonté de prolonger le tir. De l’autre, une bonne partie du capitalisme harcèle pour la reprise du travail, alors que les 3/4 secteurs n’ont jamais rien arrêté et que certains pays se lancent déjà dans un déconfinement mesuré. Les limites de l’État tel qu’elles existent présentement se montrent clairement et ce sont celles du capitalisme. C’est un moment littéralement historique.

La Chine, l’Allemagne et l’Autriche, mais également la Suède, sont d’excellents exemples de capitalismes efficaces. La Chine a confiné puissamment, de manière particulièrement volontaire, pour relancer l’économie le plus vite possible. L’Autriche a organisé pareillement un confinement serré dans une société hyper organisée, annonçant déjà un déconfinement partiel dans les deux semaines.

L’Allemagne jette un œil ravi dessus alors qu’elle dispose d’un système hospitalier avec de larges capacités et procède de son côté à un confinement mesuré en utilisant au maximum les tests. La Suède n’impose encore strictement rien, cherchant à gagner du temps au maximum, là où inversement l’Angleterre s’est prise les pieds dans le tapis, tout comme les États-Unis. Des États-Unis qui vont jusqu’à racheter en masse des masques chinois déjà vendus à l’Allemagne et à la France.

Quant à la France, elle est en rade au point d’exporter des malades au Luxembourg, en Allemagne et même en Autriche, l’envoi en Tchéquie à Brno ayant été finalement annulé, sans doute pour une question de prestige. Il n’y a pas de masque, pas de test et les Français tendent à l’indiscipline, au relativisme, au scepticisme.

Ce panorama est un cauchemar pour les capitalistes français et cela explique la gigantesque pression anti-confinement de ces derniers jours. Les capitalistes paniquent. Voilà pourquoi il n’a de cesse d’avoir été parlé de déconfinement dans les médias, depuis Hanouna qui dans sa stupide émission télévisée annonçait un « scoop » avec les dates de déconfinement pour chaque région jusqu’à l’Académie de médecine prévoyant ensuite justement officiellement un déconfinement par régions.

C’est la seconde grande offensive après celle menée au moyen du professeur Didier Raoult. Valeurs actuelles, hier, publiait encore une tribune à sa gloire :

« Notre pays sera-t-il donc le plus frileux à se lancer pour de bon dans un traitement pourtant issu d’un scientifique de nos rangs ? Il est plus que temps de retrouver l’esprit pionnier d’un Pasteur. L’échec n’aurait que des inconvénients limités, alors que le succès nous permettrait fièrement d’entonner La Marseillaise. »

On a ici un ton tout à fait capitaliste ou, pour caricaturer, national-capitaliste comme au bon vieux temps gaulliste où l’Europe n’était pas une utopie libérale libertaire. Et c’est en cela un grand tournant car de son côté l’État dit bien que le déconfinement n’est pas pour demain du tout !

C’est là qu’on voit à quel point la nature de l’État a été incomprise pour beaucoup à Gauche. La gauche gouvernementale considère que l’État est neutre dans son contenu et a donc, fort intelligemment, soutenu les mesures prises. L’ultra-gauche, y compris « marxiste », a par contre crié au coup de force, dénonçant les atteintes aux libertés, reflétant ici une attitude proprement anarchiste, c’est-à-dire petite-bourgeoise.

En réalité, l’État faisait son boulot. Mais comme il n’est pas neutre, il ne peut le faire que jusqu’à un certain point, qui est précisément désormais atteint. L’État se prétend au-dessus des classes sociales mais il bascule forcément dans la logique du déconfinement exigé par les capitalistes les plus agressifs.

Bien entendu, cela ne se réalisera pas unilatéralement, car il y a heureusement beaucoup de freins démocratiques. Les syndicats en font partie, même si on constate leur vanité. Au moment de l’opposition à la réforme des retraites, ils prétendaient avoir des assises de masse et on voit bien là qu’ils sont incapables d’organiser un refus de travail organisé et sérieux dans des secteurs secondaires où les travailleurs mettent leur vie en danger.

Nous vivons cependant bien un moment historique. Si l’Allemagne montre qu’elle est une puissance devenant majeure, la France est une puissance aux ambitions démesurées, ce qui en rajoute encore plus à ses déséquilibres et sa réelle valeur capitaliste. Elle va s’enfoncer dans la crise. La Gauche doit exiger le pouvoir…. Tout le pouvoir.

Catégories
Politique

CGT: Lettre ouverte de Philippe Martinez au président de la République

Voici la lettre ouverte adressée au président de la République par Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT :

Monsieur le Président de la République, Monsieur Emmanuel MACRON,

La crise sanitaire du Covid-19 ne faiblit pas. La pandémie du nouveau coronavirus a déjà fait des dizaines de milliers de morts dans le monde depuis son apparition en décembre en Chine. Près de 800 000 cas d’infection ont été officiellement diagnostiqués dans 188 pays et territoires depuis le début de l’épidémie. L’épicentre s’est concentré sur l’Europe.

Notre pays est particulièrement touché et le nombre de personnes contaminées ne cesse de s’accentuer. Beaucoup d’hôpitaux sont désormais submergés par l’arrivée de nouveaux malades nécessitant des soins intensifs et longs. L’ensemble des personnels soignants ainsi que ceux des secteurs du soin à domicile, dans les maisons de retraite font face, attachés à leur mission de service public, mais force est de constater que leurs conditions d’exercice pose question. En effet, les commandes de masques, de matériel médical, voire de médicaments ou les tests annoncés par votre gouvernement tardent à se concrétiser.

Face à cette situation d’urgence, nous souhaitons vous rappeler les mesures indispensables à prendre le plus rapidement possible.

La priorité de votre gouvernement doit être, avant tout, de garantir la stricte protection de tous les salariés qui, assurant des activités essentielles dans le secteur public et privé, doivent continuer à travailler. Ainsi, il est de votre responsabilité de veiller à ce que tout salarié puisse exercer son droit de retrait en l’absence de protection ou face à un danger grave et imminent. C’est d’ailleurs le sens du préavis de grève dans les services publics, afin de protéger les personnels travaillant dans des collectivités où les règles ne sont pas appliquées, tout comme dans les autres secteurs. D’autre part, les codes de bonnes pratiques même unanimes, sont remis en cause ou restreints par les ministères comme c’est le cas dans le BTP.

De nombreux salariés sont déjà contaminés, malades voire décédés parce qu’exposés au virus sur leur lieu de travail. Cela pose, dès maintenant, la question de la réparation et ainsi du classement automatique en maladie professionnelle pour les soignants, bien entendu, mais aussi pour tous les travailleurs.

En parallèle, il est maintenant tout à fait urgent de procéder à la définition des activités essentielles et à la fermeture immédiate de celles ne contribuant pas aux besoins vitaux.

Nous voulons d’ailleurs vous réaffirmer notre opposition aux mesures dérogatoires au Code du travail dans les domaines du temps de travail. L’ordonnance prévoyait qu’un décret viendrait préciser les secteurs dans lesquels elle s’appliquerait. À ce jour, aucun décret n’est paru, nous considérons donc qu’aucune dérogation ne peut s’appliquer. L’abrogation immédiate de ces ordonnances qui organisent de manière scandaleuse la déréglementation du travail est ainsi à l’ordre du jour.

Le confinement reste selon les experts scientifiques ou les médecins, le moyen le plus efficace pour lutter contre le Covid-19. L’arrêt des activités non essentielles comme cela vient d’être fait en Italie ou en Espagne permettrait par ailleurs de libérer des protections comme des masques et gants pour ceux qui en ont besoin. À noter le communiqué de l’Amuf (médecins urgentistes) qui va dans ce sens. Par contre, l’évolution de la production pour produire des protections et la reprise d’activité pour des entreprises fermées, comme Luxfer pour la production de bouteilles à oxygène, ou menacées, comme la papeterie de la Chapelle Darblay pour la production de masques, par un financement public est essentiel. Votre ministre de l’Économie a bien parlé de possibles nationalisations.

Nous avons défini une liste d’activités essentielles et nous sommes disponibles pour en discuter avec le gouvernement.

Face à cette pandémie mondiale, nous réitérons notre demande que vous déclariez l’état de catastrophe sanitaire afin de mettre à contribution, par exemple, les assurances et permettre le paiement du chômage partiel à 100 %.

La situation que nous vivons exige que l’ensemble des entreprises contribuent à la solidarité de la Nation, c’est pourquoi vous devez imposer pour toutes, la suppression des dividendes aux actionnaires. Pour le moment votre ministre de l’Économie s’est contenté d’une simple déclaration pour demander aux entreprises qui reçoivent des aides publiques de ne pas verser de dividendes. Nous avons l’expérience de la crise financière de 2008 et cela n’a pas fonctionné, c’est très insuffisant ! Il n’est pas utile de vous rappeler, que récemment encore, les sociétés du CAC 40 s’apprêtaient à verser à leurs actionnaires 54,3 milliards d’euros, soit 5,9 % de plus qu’en 2019. Vous conviendrez que cela constitue un record historique. C’est avant tout une question de décence, de justice et de solidarité nationale !

Il va sans dire qu’un contrôle des aides publiques aux entreprises doit être garanti et une attention particulière doit être portée aux conséquences en matière d’emploi qui pourraient toucher les salariés notamment dans les petites et moyennes entreprises, les secteurs de l’économie sociale et solidaire et plus largement dans tous les secteurs d’activités et cela en lien avec les organisations syndicales représentatives.

Vous devez prendre, dans la période, une mesure d’interdiction de tous les licenciements pour quelques motifs que ce soient et la suspension immédiate de tous les PSE ou plans de restructuration d’entreprise.

Vous devez porter une attention particulière sur la situation des plus fragiles et ainsi prendre des décisions immédiates en direction des chômeurs, travailleurs précaires, intérimaires ou saisonniers, travailleurs des plateformes (…) et prendre des mesures de protection sociale étendues.

En cette période, les salariés ont plus que jamais besoin de leur syndicat à leurs côtés, c’est pourquoi nous tenons à vous rappeler l’engagement pris par votre ministre de l’Intérieur, d’élaborer une autorisation spécifique et nationale pour permettre à tous les élus et mandatés de circuler librement et d’intervenir dans les entreprises ou les services. Cette promesse n’est, à ce jour, encore une fois pas honorée.

Les travailleurs paient un lourd tribut y compris financièrement dans cette crise sanitaire. Beaucoup de voix s’élèvent fortement pour dire que nombre de métiers en première ligne, que ce soit dans l’agroalimentaire, le commerce, l’aide à la personne, les soins ou le médicosocial, les services de ramassage des déchets (…) ne sont pas payés correctement et reconnus dans leur travail, alors que ce sont bien eux les « premiers de cordée ». Beaucoup découvrent leur bulletin de salaire avec des pertes de rémunération substantielles, notamment liées à la disparition des parts variables de rémunération (primes diverses, calcul à partir des forfaits jour, etc.). C’est donc de votre responsabilité de demander à votre ministre du Travail de procéder à une augmentation immédiate du SMIC qui devra se répercuter sur l’échelle des salaires. L’augmentation significative du point d’indice dans la fonction publique doit être un engagement de votre gouvernement.

Nous exigeons également, au-delà d’un paiement à 100 % du chômage partiel, le maintien des cotisations sociales, permettant l’accès de tous à la protection sociale complémentaire (santé et prévoyance).

Enfin, le monde est totalement bouleversé par cette crise et rien ne sera plus comme avant quand nous en serons sortis. Gouverner c’est prévoir et votre gestion de la pandémie n’en a pas fait une démonstration convaincante. Il y a donc un besoin urgent de faire avec les organisations syndicales, un bilan sur les changements radicaux de politique à opérer dans de nombreux domaines économiques et sociaux.

La CGT porte des propositions pour transformer cette société autour de valeurs de progrès social, de solidarité et de sécurité, tant professionnelles qu’environnementales.

La CGT revendique ainsi la mise en place d’une « sécurité sociale professionnelle » pour tous afin qu’aucun salarié, tous statuts confondus, ne subisse plus de rupture dans ses droits, dans la reconnaissance de ses qualifications et de ses acquis par l’expérience. Il faut mettre en place une Sécurité sociale intégrale, un 100 % Sécu sur la base du salaire socialisé, fondée sur les principes fondateurs de la Sécurité sociale, que sont la solidarité et l’universalité, en intégrant de nouveaux besoins non encore couverts et adaptés aux nouvelles formes du travail.

Il s’agit de répondre aux besoins fondamentaux, sur le principe de « bien commun universel », de revalorisation du travail, de préservation de l’environnement et de l’anticipation des transitions nécessaires pour que l’activité humaine ne porte pas atteinte à l’avenir de la planète. Cela suppose aussi qu’une autre économie et qu’une autre façon de consommer émergent.

Dix-huit organisations syndicales ou associatives ont publié une tribune pour anticiper et bâtir le « jour d’après ».

Nous vous en livrons quelques pistes :

  • relocalisation des activités, dans l’industrie, dans l’agriculture et les services, permettant d’instaurer une meilleure autonomie face aux marchés internationaux et de reprendre le contrôle sur les modes de production et d’enclencher une transition écologique et sociale des activités ;
  • réorientation des systèmes productifs, agricoles, industriels et de services, pour les rendre plus justes socialement, en mesure de satisfaire les besoins essentiels des populations et axés sur le rétablissement des grands équilibres écologiques ;
  • établissement de soutiens financiers massifs vers les services publics, dont la crise du coronavirus révèle de façon cruelle leur état désastreux : santé publique, éducation et recherche publique, services aux personnes dépendantes…
  • une remise à plat des règles fiscales internationales afin de lutter efficacement contre l’évasion fiscale est nécessaire et les plus aisés devront être mis davantage à contribution, via une fiscalité du patrimoine et des revenus, ambitieuse et progressive.

Nous sommes convaincus que ces réorientations majeures sont indispensables pour bâtir une société juste, solidaire et durable dans les domaines économiques, sociaux et écologiques.

Je vous prie de croire, Monsieur le Président de la République, en l’expression de mes respectueuses salutations.

Philippe MARTINEZ

Secrétaire général de la CGT »

Catégories
Politique

Génération Écologie: «Analyse politique de la pandémie de Covid-19»

Voici l’analyse publiée par Génération Écologie, dont l’une des principales figures actuellement est Delphine Batho, ancienne ministre de l’Écologie et issue du Parti socialiste. On a ici un document d’une grande qualité, marquant une véritable conscience écologiste et un sens profond de la responsabilité politique, de la chose publique, et donc de l’État.

[le document est aussi disponible en PDF]

« Analyse politique de la pandémie de Covid-19

1. La pandémie provoque une rupture historique 

L’épidémie, qui a débuté en novembre 2019 à Wuhan en Chine, est le fait d’un nouveau coronavirus séquencé pour la première fois le 5 janvier dernier : le SARS-CoV-2, virus responsable de la maladie Covid-19. Si l’OMS a décrété l’état d’urgence de santé publique de portée internationale le 30 janvier, il a fallu attendre le 11 mars pour qu’elle soit reconnue comme « pandémie ».

Inédit par sa vitesse de propagation, le Covid-19 a infecté plus d’un million de personnes et provoqué 63 437 décès dans 190 pays à ce jour. Le nombre de morts dans le monde évolue de façon exponentielle : il a doublé au cours de la dernière semaine.

En France, 89 953 personnes sont officiellement reconnues comme contaminées par le Covid-19 et au moins 7560 personnes sont décédées en un mois.  Ici comme ailleurs dans le monde, les données officielles sur la pandémie sont largement sous-évaluées en raison de l’absence de dépistage massif et de recensement de la totalité des décès liés au virus (par exemple au moins 2 028 décès liés au coronavirus dans les Ehpad en France qui n’étaient pas comptabilisés initialement).

Cette catastrophe sanitaire a imposé progressivement sur tous les continents une quasi mise à l’arrêt des activités économiques et sociales. Près de 50% de la population mondiale est désormais concernée par des mesures de confinement restrictives des libertés fondamentales (3,84 milliards de personnes), provoquant des réactions en chaîne qui illustrent les vulnérabilités d’un système de production, de distribution et de consommation tout entier caractérisé par l’interdépendance et la recherche du profit à court terme. Ce brutal retour au réel, à nos fragilités et à nos conditions vitales d’existence, constitue une marche descendante qui nous rapproche d’une logique d’effondrement systémique dont nous vérifions in situ les mécanismes et les effets domino, et dont nous mesurons les risques pour la paix et la sécurité civile.

Le plus dur de la catastrophe sanitaire est encore devant nous, tant en termes de pertes humaines, que de conséquences sociales, économiques et sociétales de toute nature. S’y s’ajoutent des conséquences psychologiques et morales très lourdes et générant des effets à long terme liés à l’état de stress traumatique. Si tous les effets de ces bouleversements ne peuvent être anticipés dans une situation marquée par son instabilité et ses incertitudes, il est d’ores et déjà évident que plus rien ne sera comme avant. Ce choc ne constitue pas seulement, pour l’humanité, une interruption brutale dans la marche du monde, mais une rupture historique.

Les dogmes de l’efficacité autorégulatrice du marché et de la supériorité des enjeux économiques sur toute autre considération, les visions du monde ignorantes de notre appartenance au vivant et marquées par la négation des limites planétaires, ont été balayés par les faits en quelques semaines. Pour protéger la vie humaine, c’est la puissance publique qui est appelée au secours. Il n’y a plus de Pacte de stabilité européen, plus de limite à la dépense publique, même le Medef en appelle à des nationalisations. Quand tout s’effondre, il ne reste que l’Etat.

En ce sens, nous ne considérons pas les événements actuels comme une « crise », dont la parenthèse, une fois refermée, conduira à un retour « à la normale », c’est-à-dire à la situation antérieure, à l’identique. Nous refusons d’entretenir ce mythe de l’« après ». Il résulte en fait du covid-19 un nouvel état du monde.

2. Une maladie reliée aux destructions écologiques

Cette catastrophe sanitaire fait partie du grand tout de la destruction écologique irréversible.

Le Covid-19 est une zoonose, c’est-à-dire une maladie transmise à l’homme à partir d’animaux vertébrés, sauvages ou domestiques. Avant lui, SRAS et Ebola avaient pour origine des chauves-souris (en Chine et en Guinée), tandis que la grippe H1N1 venait probablement d’un porc au Mexique. Il faut en général plusieurs années de recherche pour établir avec certitude la chaîne de transmission d’un virus de l’animal à l’humain. Concernant celui à l’origine de la maladie Covid-19, l’hypothèse scientifique privilégiée est une recombinaison entre deux virus, l’un provenant d’une chauve-souris, l’autre du pangolin, au sein d’un organisme aujourd’hui inconnu. Il est en tout état de cause certain que le virus est apparu à Wuhan (province de Hubei) en Chine et n’a pas été créé en laboratoire.

Les coronavirus existent naturellement dans le monde sauvage et peuvent se recombiner. On ne connaît pas encore avec certitude le patient 0, et donc le contexte de franchissement de la barrière d’espèces. Néanmoins, il est prouvé que certaines activités humaines favorisent l’émergence des zoonoses. Selon l’OMS, 75% des agents pathogènes des maladies infectieuses émergentes sont des zoonoses. Les virus sont des micro-organismes qui, lorsqu’ils trouvent un hôte abondant, se multiplient efficacement. Le choc biologique lié à l’expansion humaine colonisant les espaces du monde sauvage, la déstabilisation des écosystèmes, la déforestation, le braconnage, le stockage dans des conditions délétères d’espèces sauvages ainsi que leur consommation augmentent les voies de contaminations et de recombinaison des virus vers l’espèce la plus efficace pour se disséminer : l’espèce humaine. Plus nous détruisons les écosystèmes et maltraitons les animaux, plus nous favorisons l’émergence de telles épidémies. Il est établi que le réchauffement climatique va aussi provoquer de nouvelles pandémies, que ce soit par l’extension géographique des vecteurs d’infection (moustiques, tiques) ou par la libération d’agents pathogènes conservés dans le pergélisol.

Reléguée au second plan dans le débat public, objet de théories complotistes niant les connaissances scientifiques, la cause originelle du Covid-19 est probablement directement liée à la destruction massive de la biodiversité. 

La particularité de l’épidémie actuelle est aussi la vitesse de propagation du virus. Il n’a fallu que trois mois au Covid-19 pour arriver en Europe. L’intensification des déplacements humains ces vingt dernières années est un facteur d’accélération majeur, de même que la massification urbaine. Entre 2002 et aujourd’hui les flux de passagers aériens ont été multipliés par presque trois.

Si l’hypothèse que la pollution atmosphérique peut propager le virus a été formulée par des chercheurs italiens, il est en revanche certain que les pathologies liées à la pollution de l’air, première cause de mortalité dans le monde, à la sédentarité et à la malbouffe (obésité), et plus largement à la dégradation de la santé environnementale, affaiblissent l’immunité et aggravent la vulnérabilité de l’espèce humaine face à de nouveaux agents pathogènes.

3. Une catastrophe de l’Anthropocène

La pandémie n’est donc pas un perturbateur « extérieur » à notre monde, mais le produit d’une époque, l’Anthropocène, tant elle est marquée par toutes ses caractéristiques : origine liée à la perturbation anthropique du vivant, vitesse de propagation planétaire, augmentation exponentielle du nombre de cas et de victimes, conséquences immédiates sur l’économie mondiale des mesures de confinement faute de capacités sanitaires suffisantes, aggravation spectaculaire des inégalités, …

Un système d’approvisionnement mondialisé dont la gestion se fait à flux tendus, interdépendants les uns des autres, est intrinsèquement vulnérable. Le pétrole est la condition de ce système dans lequel il n’y a pas de stocks, l’utilisation des énergies fossiles assurant une distribution constante.

Soulignons aussi que le développement de la pandémie a été accéléré par le « corona-obscurantisme » dont ont fait preuve les gouvernements Destructeurs (Chine, Etats-Unis, Royaume-Uni, Brésil, Russie etc), occultant ou mettant en doute les alertes scientifiques, sur fond de tensions géopolitiques entre grandes puissances, livrant ainsi les populations à une contamination massive. Le retard apporté en Chine à donner l’alerte sur le virus (près d’un mois) est également le résultat de l’absence de libertés publiques et de liberté de la presse (lanceurs d’alerte emprisonnés, journalistes étrangers expulsés). La pandémie illustre la faillite des populistes, des régimes autocratiques et des égoïsmes nationaux face à toute situation d’urgence internationale qui nécessite de rechercher non pas la rivalité entre nations, mais la coopération. Il est désastreux, pour l’Europe, qu’elle n’ait pas saisi rapidement l’occasion de faire la démonstration inverse, celle de l’entraide dans un espace démocratique. Et désolant qu’elle n’ait finalement réagi que par des mesures financières, pour limiter le krach des marchés financiers.

L’explosion des inégalités consubstantielle au modèle de civilisation actuel est exacerbée par l’épidémie, entre les pays et à l’intérieur de chacun d’eux : impossible de se confiner dans un bidonville, de respecter les gestes barrières sans accès à l’eau ; impossible d’essayer de se substituer à l’école en faisant classe aux enfants sans livres, sans internet, dans un logement exigu… L’Afrique est confrontée à un risque d’effondrement économique et sanitaire. Ici, pendant que les uns peuvent télétravailler, les autres sont au chômage partiel ou exposés au risque sans protection dans leur métier.

La pandémie met en lumière les effets ravageurs de la marchandisation de toutes les sphères vitales des activités humaines (santé, alimentation) et des politiques ultra-libérales d’affaiblissement de l’État. Les délocalisations industrielles, la perte de souveraineté sur les biens et services essentiels, l’appauvrissement des systèmes de santé (manque de lits, de matériels, de soignants…), la réduction des moyens des services publics, débouchent sur une catastrophe sanitaire majeure et une restriction des libertés fondamentales faute de capacité à prévenir la contagion (tester, isoler les seuls porteurs du virus…) et soigner.

Affaibli dans ses moyens d’actions, l’Etat, dont la première mission fondamentale est la protection de la sécurité de la population, a perdu en compétences, en expertise, ainsi qu’en capacités opérationnelles et d’anticipation. Le règne de la technobureaucratie, soumise à l’influence des lobbys et à l’hypercentralisation de la Vème République, aggrave les dysfonctionnements et entraîne une perte de réflexes élémentaires en situation de crise.

Ainsi s’explique l’aveuglement de l’Etat et de ses agences, sous-estimant les risques liés à l’épidémie, ne prévoyant rien, ou trop tard, pour les besoins matériels les plus essentiels (masques, tests, respirateurs…), s’auto-congratulant pendant des semaines que « la stratégie française marche », délivrant les informations au compte-goutte par peur d’une panique qui mettrait l’économie à l’arrêt, moquant le confinement italien « contre-productif », avant de se résigner à suivre le même chemin, acculés par la science et par les faits. La cohésion nationale de la France, et l’Etat lui-même aujourd’hui, tient non plus d’abord « par le haut », mais surtout « par le bas », parce que les soignants, les policiers et gendarmes, les pompiers, les caissières, les livreurs, les transporteurs, les agriculteurs, des entrepreneurs, les élus locaux, les éboueurs, les travailleurs sociaux, les enseignants, les associations,… font preuve d’un dévouement exceptionnel dans l’exercice de leurs missions fondamentales et vitales pour la République. Des trésors d’ingéniosité, de « système D » et d’adaptation en mode dégradé, se déploient tous les jours pour pallier les défaillances dont sont responsables, non seulement le gouvernement actuel, mais également ceux des trois derniers quinquennats. Dans ces conditions, résumer les conséquences politiques à retenir de la pandémie à la mise en cause de la responsabilité du seul pouvoir actuel est un raisonnement à courte vue auquel les écologistes ne peuvent souscrire. Il occulte la responsabilité principale : celle d’un modèle de civilisation destructeur qui a constitué la norme de référence depuis des décennies.

En quelques jours ou quelques semaines, nous avons vu à l’œuvre face à l’épidémie les mêmes mécanismes que depuis des années face au changement climatique : déni, chacun pour soi, prises de conscience tardives, inertie, décalage entre les intentions proclamées et la mise en œuvre effective des actions…

4. Le début d’une récession sans équivalent

La pandémie et les mesures de confinement ont provoqué un choc économique sans équivalent. La crise qui en résulte est vraisemblablement d’une ampleur supérieure à la crise de 1929. Elle risque de déboucher sur une dépression longue car il s’agit d’abord d’une crise de l’économie réelle, avec une mise à l’arrêt de pans entiers de la production industrielle et de la consommation d’abord en Chine, puis partout dans le monde. Outre les secteurs parmi les premiers impactés (tourisme, baisse de 90% du trafic aérien dans les prochains mois, restauration,…), en France 50% de la production industrielle, 85% de l’activité du secteur du bâtiment et des travaux publics, 50% de l’activité des services, sont à l’arrêt. Des risques pèsent sur les chaînes d’approvisionnement et de production pour les fonctions vitales les plus essentielles, à commencer par l’alimentation.

La panique boursière initiée par les décisions de l’Arabie Saoudite et de la Russie provoquant une baisse du prix du baril de pétrole, s’est conjuguée aux conséquences de la pandémie et du ralentissement du commerce international (baisse de la demande en pétrole), encourageant les investisseurs à liquider leurs actifs. Il est probable qu’à termes, le sous-investissement dans les capacités de production pétrolière débouchera sur une augmentation des prix du baril et sa forte volatilité. Dans l’immédiat, un tiers de la capitalisation boursière a été perdu en deux semaines. Le secteur bancaire est en difficulté. Les faillites d’entreprises vont se multiplier. Les conséquences sociales sont d’ores et déjà monstrueuses, avec 10 millions de nouveaux chômeurs aux Etats-Unis en deux semaines, record historique absolu.

Dans l’urgence, le recours essentiel pour la survie du tissu industriel est l’intervention massive des Etats, ou de répondre aux besoins de « l’économie de guerre » liés à la pandémie elle-même par des reconversions rapides des outils de production et l’adaptation à la demande d’une économie relocalisée. Or au-delà de la gestion défaillante de la catastrophe sanitaire, les mesures prises ou annoncées jusqu’à ce jour sur le front économique traduisent avant tout la volonté de sauver ou de reconstruire le système de production et de consommation à l’identique, à l’image des mesures prises en 2008-2009 pour sauver le secteur financier, sur le mode du « business as usual ».

5. Réinventer, plutôt que reconstruire

Ecologistes, nous sommes dans le camp de ceux qui font le choix de la cohésion nationale, qui agissent ou qui simplement applaudissent aux fenêtres tous les soirs. La gravité des circonstances impose de placer au-dessus de tout l’esprit de responsabilité et la mobilisation générale pour sauver des vies. Nous l’avons dit depuis le début de l’épidémie : la santé d’abord !

Notre boussole est celle de la sécurité de la population et de ses besoins essentiels. Dans l’immédiat et à long terme. A ceux qui veulent « reconstruire » le monde d’hier, nous opposons la détermination de celles et ceux qui veulent réinventer un monde harmonieux. L’aspiration à de nouveaux modes de vie, à une nouvelle hiérarchie des valeurs, à un monde respectueux du vivant et bienveillant, à une nouvelle gouvernance démocratique, n’a pas disparu avec le coronavirus, bien au contraire. Tout s’accélère pour les écologistes !

La pandémie est une catastrophe dont nous mesurons le prix humain et qui concentre toutes les urgences de notre époque. Pour nous, le coronavirus n’est pas, comme on a pu l’entendre parfois, une « opportunité » ou une épreuve « salutaire ». La maladie et le confinement ne sont pas une expérience de la « sobriété » ou de la « décroissance », mais une privation de liberté, de travail, d’éducation, de relations humaines et sociales, ainsi que de relations avec la nature. Ils n’ont rien de commun avec l’adhésion à un changement culturel des comportements et présentent aussi une part de risques d’effets rebond et de frénésie consumériste. Leurs effets environnementaux (baisse des émissions de CO2, baisse de la pollution de l’air, baisse de la consommation d’énergie et de matières premières) ne seront que temporaires si des changements profonds ne sont pas choisis collectivement et durablement au regard d’une autre catastrophe, elle irréversible, le changement climatique et la perte de biodiversité résultant du dépassement des limites planétaires.

Nous sommes en train de vivre un moment de bascule de l’histoire dont il peut sortir le pire ou le meilleur. Réinventer le monde commence par retrouver le sens de l’essentiel. A nos yeux, au-delà des urgences immédiates, l’enjeu actuel n’est pas de « recycler » comme une sorte de « prêt à penser » une longue liste de mesures programmatiques conçues dans le monde d’avant la pandémie, mais bien d’affirmer que la transformation que nous appelons de nos vœux doit avoir pour point de départ un questionnement plus fondamental. Tout peut et doit être ré-interrogé :

  • De quoi avons-nous vraiment besoin pour vivre ? 
  • De quoi dépend notre sécurité ? 
  • Quelles sont les activités indispensables à l’épanouissement humain et à la société dans son ensemble ? 
  • Quels biens communs et activités sociales doivent être protégés des logiques de marché ? 
  • Comment réduire nos dépendances et garantir notre résilience face aux menaces et aux risques du 21èmesiècle ? 

Sur la base d’un premier inventaire de l’essentiel, nous proposons à toutes celles et ceux qui le souhaitent, d’échanger pour identifier des choix de rupture crédibles à proposer à nos concitoyens.

Les événements actuels donnent tort à toutes celles et ceux qui, fatalistes ou résignés, pensaient que la politique ne sert à rien et qu’il est impossible de changer le monde. En quelques jours, ce sont bien des décisions politiques, et non économiques, qui ont guidé des choix lourds de conséquences pour nos vies quotidiennes et nos sociétés. Fait notable, après des semaines de déni et de déficience, cette fois les données scientifiques ont pris place dans le fondement et la justification de ces décisions politiques.

Cliquez sur l’image pour participer à la consultation :

»

Catégories
Politique

Christophe Lannelongue et Didier Lallement, deux exemples d’un État en perdition

Ils sont diplômés et ont de grandes responsabilités, ils relèvent du meilleur de ce que la société produit intellectuellement et sur le plan des capacités d’organisation. On n’arrive pas là où ils sont sans de grandes capacités. Et pourtant, la nature de classe de Christophe Lannelongue et Didier Lallement les a amenés à se comporter aux yeux du peuple comme les derniers des sans-cœurs, et en même temps les derniers des idiots. Un paradoxe exemplaire de toute une époque.

L’un est directeur de l’Agence régionale de santé (ARS) Grand Est, l’autre préfet de Paris. Pour en arriver là, il faut une abnégation dans son travail et d’énormes capacités : on parle là de ce qui relève, au sens strict, de l’appareil d’État. Et pourtant cela se retourne en son contraire car leur État est le support d’une société avec des classes, où les bourgeois sont décadents.

Leur intelligence a donc été pétrifié et abouti à des grands moments d’égarement. Vendredi dernier, le préfet de Paris avait ainsi tenu ces propos aberrants :

« Ceux qui sont aujourd’hui hospitalisés, ceux qu’on trouve dans les réanimations, ce sont ceux qui, au début du confinement, ne l’ont pas respecté, c’est très simple, il y a une corrélation très simple. »

Il n’y a nulle corrélation évidemment, car les choses sont beaucoup plus compliquées que cela, mais apparemment c’est trop compliqué pour un préfet de Paris pour qui il y a l’État d’un côté, le peuple idiot de l’autre. C’est là un esprit gendarmesque typique des préfets, lié à une fonction anti-démocratique de A à Z. Le pauvre il n’y peut rien : c’est une machine au service d’une machine.

Mais comment trouver une excuse sociale alors à Christophe Lannelongue, directeur de l’ARS Grand Est ? Nous sommes en pleine crise sanitaire, on sait comment le Grand Est est touché : terriblement. Et lui débarque et dit qu’il n’y a « pas de raison ». Pas de raison à quoi ? « Pas de raison » d’interrompre les suppressions de postes et de lits au CHRU de Nancy.

Forcément, cela trouble, mieux : cela écœure. Et ce directeur est un drôle d’hurluberlu, d’abord pour croire qu’il peut dire cela comme cela, de manière simplement administrative, ensuite pour ne pas deviner que tout va être remis à plat et que donc sa conception du « il n’y a pas de raison » repose sur un moment politique totalement dépassé.

Et comme justement c’est un hurluberlu de l’appareil d’État, c’est le peuple qui a tort, pas lui. Ce n’est pas sa faute, on l’a piégé, c’est un complot politique monté par… un syndicat, lui n’est qu’une personne aux services des autres, il est là pour « gérer ».

Borné par sa nature sociale, il ne voit pas comment il est passé du côté des sans-cœurs, des bureaucrates de l’appareil d’État qui sont incapables de saisir la dignité d’une situation. Ils sont hors sol, c’est-à-dire hors du peuple. Voici ses propos ubuesques accordés à France 3 grand est :

« Mes propos ont été sortis de leur contexte. C’était une question bizarre lors d’une conférence de presse mensuelle où nous avons fait le point sur la gestion de la crise.

Un journaliste m’a demandé ce qu’il en était du Copermo à Nancy et si nous maintenions les suppressions d’emploi au CHRU de Nancy. J’ai répondu que le Copermo continuait même si on avait quelques semaines de retard sur la transmission du dossier en raison de la situation sanitaire actuelle.
Après coup, je me suis rendu compte que j’avais été piégé. Le journaliste a agi en concertation avec des élus de la CGT et des élus de la région. Dans la foulée, mes déclarations ont été transformées et ce qui est paru dans l’Est Républicain est faux !

Pire que ça, des communiqués, des lettres au ministre… ont immédiatement été publiés. Tout cela démontre que l’opération a été montée. En fait, c’est une opération politique de la CGT du CHRU de Nancy (…).

Il y a des gens qui exploitent le malheur de cette région. Moi, je gère la crise. C’est toute la différence. »

Christophe Lannelongue ne gère rien du tout : il parle, et il parle de gérer. Et tel le pharaon de l’ancienne Égypte, ses paroles sont censées se réaliser une fois dites : que ceci soit écrit, et accompli ! Tel est, comme le préfet de Paris, la mentalité propre à un appareil d’État se présentant comme un monstre bureaucratique au-dessus du peuple, se cantonnant dans la stabilisation d’une société pour que le capitalisme tourne.

Catégories
Politique

Giorgio Agamben et le COVID-19, ou le suicide de l’ultra-gauche philosophico-littéraire

Rejetant le mouvement ouvrier, l’ultra-gauche parisienne a pour une partie importante d’entre elle trouvé son inspiration auprès du philosophe italien Giorgio Agamben. Sa position complotiste et délirante sur la crise sanitaire actuelle en dit long sur tout ce milieu mêlé aux intellectuels de la rive gauche.

Giorgio Agamben est une référence d’importance pour toute une ultra-gauche philosophico-littéraire fantasmant sur la disparition de l’État face à la révolte des individus, ce qui correspond à toute la mouvance historique autour de Julien Coupat (qui est aujourd’hui largement dispersée).

Cette ultra-gauche est totalement poreuse à la « rive gauche » bobo, dans la tradition des situationnistes, avec un pied dans la paranoïa, un autre dans le Paris littéraire. Pour cette raison, on retrouve par exemple le point de vue de Giorgio Agamben, expliqué et justifié, dans Télérama, par Olivier Tesquet, au tout début mars (« Ce que dit le coronavirus de notre soumission à la surveillance »).

Pourtant, Giorgio Agamben n’y est pas allé de main morte en disant qu’il n’y a pas de crise sanitaire, seulement un complot de l’État pour exercer toujours plus de contrôle ! Mais telle est la démarche paranoïaque de la petite-bourgeoisie intellectuelle, qui aimerait bien se rendre indispensable pour tout et a deux choses en horreur : l’État et le socialisme, en partant du principe qu’à ses yeux, le capitalisme c’est un peu l’un, un peu l’autre.

Giorgio Agamben un philosophe s’appuyant sur le philosophe gauchiste Walter Benjamin, mais aussi sur les nazis Heidegger et Carl Schmitt, dans un mélange des genres typiquement franco-italien. Pour bricoler suffisamment cette absurdité, Giorgio Agamben passe par le concept de « biopolitique » de Michel Foucault pour proposer une sorte d’anarcho-insurrectionalisme contre la prise de contrôle total de la société sur les individus.

Partant de là, la crise sanitaire ne pouvait être qu’un complot de plus pour ce contrôle. Initialement publié en Italie dans le quotidien Il Manifesto (qui tire à moins de 30 000 exemplaires), en tant qu’éditorial du journal, Giorgio Agamben dit la chose suivante :

« Face aux mesures d’urgence frénétiques, irrationnelles et totalement injustifiées pour une supposée épidémie due au coronavirus, il faut partir des déclarations du CNR (Consiglio Nazionale delle Ricerche), selon lesquelles « il n’y a pas d’épidémie de Sars-CoV2 en Italie » .

Et ce n’est pas tout : « l’infection, d’après les données épidémiologiques disponibles aujourd’hui sur des dizaines de milliers de cas, provoque des symptômes légers/modérés (une sorte de grippe) dans 80 à 90 % des cas. Dans 10 à 15% des cas, une pneumonie peut se développer, mais l’évolution est bénigne dans la majorité absolue. On estime que seulement 4 % des patients doivent être hospitalisés en soins intensifs » .

Si telle est la situation réelle, pourquoi les médias et les autorités s’efforcent-ils de répandre un climat de panique, provoquant un véritable état d’exception, avec de graves limitations des mouvements et une suspension du fonctionnement normal des conditions de vie et de travail dans des régions entières ?

Deux facteurs peuvent contribuer à expliquer un tel comportement disproportionné. Tout d’abord, on constate une fois de plus une tendance croissante à utiliser l’état d’exception comme paradigme normal de gouvernement (…).

L’autre facteur, non moins inquiétant, est l’état de peur qui s’est manifestement répandu ces dernières années dans les consciences des individus et qui se traduit par un réel besoin d’états de panique collective, auquel l’épidémie offre une fois de plus le prétexte idéal. »

Voilà la logique paranoïaque de la petite-bourgeoisie intellectuelle vivant dans sa bulle. Et Giorgio Agamben, considéré comme un grand intellectuel en France, dit cela en Italie, pays le plus marqué par la crise sanitaire. Il assume d’ailleurs tout à fait ses propos et ne se remet même pas en cause.

Dans la même veine, le Olivier Tesquet de Télérama mentionné plus haut dénonce par exemple encore maintenant sur son twitter le fait qu’il y ait un appel de l’armée à proposer des solutions pour aider au confinement.

Il suffirait à ces gens de considérer deux choses : les masses, d’un côté, le taux de mortalité de l’autre. 1 % de plusieurs milliards, on peut pourtant deviner ce que cela donne. Mais il y a le mot « masses » et pour ces gens, c’est une horreur. Quant au reste, c’est l’État qui selon eux veut le contrôle. Rien n’est donc à attendre de ces gens… ni d’ailleurs de tous ceux qui refusent de raisonner en terme de collectivité, de collectivisme.

Catégories
Politique

2020: l’année zéro pour la jeunesse qui va changer le monde

La crise sanitaire est mondiale et la réponse c’est la débrouillardise plus ou moins grande de gouvernements nationaux, avec des réflexes d’égoïsme et de solidarité immédiate n’engageant somme toute à pas grand-chose. L’humanité passe à côté du défi qui lui est imposé et c’est d’autant plus grave car la crise ne fait que commencer et va se dérouler à tous les niveaux : culturel, politique, moral, idéologique. Demain appartient à ceux qui entendent changer le monde.

La crise actuelle met un terme à une forme très française de considération des choses : la demi-mesure. Quelqu’un comme Nicolas Hulot conservera-il une crédibilité ? Certainement pas. C’est fini tout cela, l’heure qui vient, c’est celle de ceux qui ont une véritable base intellectuelle. Et il n’y en a que trois : le Socialisme, le Libéralisme, le Fascisme. Tout le reste n’a été qu’un luxe temporaire permis par la société de consommation.

On voit à quel point ce luxe a été important avec ces gens appelant à… une « grève » consistant à publier des messages sur Facebook ou Twitter. Cela n’a évidemment aucun intérêt et les gens qui le font le savent très bien. Mais ils mentent, comme ils ont menti auparavant. Maintenant, tout cela est fini, tous ces petits mensonges où l’on fait semblant n’ont plus cours.

Et encore, on peut constater cela début avril. Qu’en sera-t-il dans un mois, dans deux mois ? Lorsque le confinement aura encore plus troublé les esprits, lorsque la mort aura frappé avec ampleur ? Cela sera encore plus vrai. C’est toute la bulle idéalisée de la société de consommation qui s’effondre.

On ne saurait s’inquiéter assez des peurs paniques qui vont apparaître, des traumatismes, des esprits littéralement tétanisés. Car les gens, logiquement happés par la possibilité de vivre dans une certaine sécurité, ne comprennent pas comment on peut avoir basculer aussi aisément dans une situation si catastrophique.

Ne nous voilons d’ailleurs pas la face. Si l’on omet une petite poignée de gens au-dessus de vingt ans, littéralement, l’avenir appartient à la jeunesse, qui n’a pas été encore aussi corrompue par le capitalisme, parce qu’elle est déjà totalement corrompue. Elle n’a pas connu ce processus engourdissant les esprits, elle est née dedans directement. Sa rupture est par conséquent plus aisée, aussi paradoxal que cela puisse l’être.

Il n’est pas difficile de voir qu’elle va chercher à interpréter la réalité de manière adéquate, qu’elle va vouloir comprendre comment sortir de cette situation à la fois mondiale et très mauvaise. Voilà, 2020 est l’année zéro dans le changement mondial total. Tout devient possible.

Cela ne veut pas dire que cela sera aisé. Ce qui est touché coulé, c’est le Libéralisme. Reste le Fascisme et le Socialisme. Cela va être une lutte à mort entre deux visions du monde, entre deux manière de concevoir la vie quotidienne, la société dans son ensemble. Et tout ira très vite, aussi vite que l’effondrement d’un capitalisme vacillant.

La clef, c’est bien entendu la question animale. C’est la destruction des habitats naturels des animaux – et des animaux eux-mêmes – qui est la cause du covid-19. Un rapport harmonieux avec la nature n’aurait pas produit une telle situation. Ce que nous vivons, nous le vivons en raison d’un certain mode de vie, qui a son prix.

Renverser ce mode de vie, le dépasser, voilà une tâche inévitable. Qui d’autres que la jeunesse pour mener à bien cette inévitable transformation ?

Catégories
Politique

La folie de la dette publique fait courir un risque de crise majeure

La pandémie de Covid-19 a engendré un retour massif de la puissance publique et de l’intervention des États. Sur le plan économique, cela consiste en le fait d’assumer un endettement public massif, à différents niveaux. On peut penser que c’est inévitable face à la situation, mais certainement pas que c’est une bonne chose marquant l’avènement d’un capitalisme plus « juste » et moins libéral. C’est au contraire un facteur de grande instabilité, qui pourrait mener au précipice de nombreux pays, voire l’économie mondiale. Il n’y a pas d’argent magique pouvant être dépensé sans compter, alors que l’économie est en récession.

L’impact du Covid-19 sur l’économie mondiale et celle des différents pays est immense, personne n’est encore en mesure d’en estimer l’ampleur. En France, si le gouvernement tablait initialement sur une récession de 1 % du PIB dans son budget rectificatif à la mi-mars, il est maintenant assumé que ce sera pire, mais sans pouvoir donner de chiffre pour l’instant.

Du côté de la Banque centrale européenne, une estimation a été faite récemment pour la zone euro en 2020, évoquant une récession de 5 % du PIB. La Banque Goldman Sachs parle pour sa part d’une prévision de récession de 9 % du PIB pour la zone euro.

Autre exemple, concernant la Chine, premier pays touché, mais où la production commence déjà à repartir avec la plupart des usines actives et 74 % des travailleurs en poste fin mars. La Banque mondiale, une institution spécialisée de l’ONU, mise dans son rapport sur la région Asie-Pacifique publié ce mardi 31 mars 2020 sur une croissance chinoise limitée à 2,3 % en 2020, tout en incluant la possibilité d’un scénario plus pessimiste avec une croissance quasi nulle, de 0,1 %. En 2019, la croissance chinoise était de 6,1 % ; cela sera donc dans tous les cas en 2020 un recul drastique, avec dans le meilleur des cas une croissance étant la plus faible depuis plus de 40 ans.

Dans ce même rapport, des scénarios noirs sont déjà envisagés pour la Malaisie et la Thaïlande, alors qu’il est prévu pour l’Indonésie (puissance économique d’importance en Asie) un recul de 3,5 points de la croissance.

En ce qui concerne la France, on sait déjà que 2,2 millions de salariés (dans 220 000 entreprises) sont concernés par les mesures de chômage partiel, avec de nombreux secteur industriels à l’arrêt tandis que d’autres fonctionnent au ralenti par manque de clients ou de matières premières. Dans le commerce, l’activité est réduite ou quasiment à l’arrêt pour de nombreux secteurs (habillement, ameublement, décoration, etc.), elle est fortement réduite dans le secteur du BTP. En ce qui concerne l’économie des services ou l’administration (publique ou d’entreprise), le télétravail quand il est possible ne permet qu’un maintien partiel des activités.

En arrière plan de cela, il y a toute une économie du loisir et de la culture (parcs, sport, concerts, festivals, voyage) qui a été stoppée nette et qui forcément ne repartira pas du jour au lendemain après le confinement.

Pour se donner une idée de l’ampleur de ce ralentissement général, il y a l’indice « PMI » du cabinet Markit qui mesure l’activité du secteur privé en France. Cet indice enregistre déjà pour le mois de mars la plus forte chute de son existence avec une baisse de plus de 20 %, alors que le confinement n’a commencé que le 17 mars. Un autre critère reflétant l’activité économique est la consommation d’électricité : celle-ci a reculé de 20 % depuis le début du confinement, alors même que beaucoup de gens consomment énormément d’électricité chez-eux du fait de ce confinement.

Pour faire face, ou plutôt en s’imaginant pouvoir faire face aux menaces de faillites en série, les différents gouvernements et institutions gouvernementales ont déjà pris des mesures d’une ampleur jamais égalée, alors que ni les confinements, ni la crise sanitaire elle-même n’ont pris fin. À la fin du mois de mars 2020, ce sont en tout déjà 7 000 milliards de dollars de dépenses budgétaires, de prêts et de garanties des États et des banques centrales qui ont été annoncés partout dans le monde.

En France, rien que pour les mesures de chômage partiel, il y a 8,5 milliards d’euros qui ont été provisionnés par le gouvernement, qui sait déjà que ce ne sera pas suffisant. D’après l’Observatoire français des conjonctures économiques, la mesure de chômage partiel pourrait concerner plus du double du nombre de personnes déjà recensées, avec 4,5 millions de salariés en tout.

Ce sont également quatre milliards d’euro pour la santé qui ont été annoncés hier par le Président (en plus de deux milliards déjà budgétés) et le gouvernement sait déjà que les 1,2 milliards prévus pour le fonds de solidarité pour les petites entreprises et les indépendants ne seront pas suffisants. Il faudra certainement compter aussi sur plusieurs milliards d’euros pour recapitaliser ou nationaliser telle ou telle entreprise importante n’ayant pas surmonté la crise, ce qui pourrait être le cas pour Air France par exemple.

À ces dépenses s’ajoute également une baisse drastique des recettes pour l’État.

Il y a les pertes nettes du fait de la récession (moins de taxes et d’impôts), évaluées dans un premier temps à 10,7 milliards (ce sera plus), mais aussi les reports de revenu. Selon le gouvernement, le report du paiement des charges sociales et fiscales pour les entreprises en difficulté représente déjà 32 milliards d’euros pour le mois de mars, mais personne bien entendu ne peut garantir que toutes les entreprises seront en mesure d’honorer ces dettes dans les mois à venir.

En plus de cela, l’État a annoncé qu’il garantira jusqu’à 300 milliards d’euros de prêts accordés à des entreprises, le procédé ayant déjà été activé pour 3,8 milliards d’euros.

Tout cela a donc pour conséquence de faire exploser la dette publique, dans un contexte où les entreprises elles-mêmes vont être endettées, alors que l’État est déjà très endetté à la base. La France n’est pas la seule concernée, évidemment.

On a, pour le dire autrement, des milliards d’euros qui sont dépensés à tout-va… par des États ne disposant pas de cet argent. C’est le principe du crédit, ou de la dette, qui est devenu un mode de fonctionnement structurel pour le capitalisme, tant en ce qui concerne les États que les grandes entreprises.

Seulement voilà, la dette ne crée aucune richesse, ni même la monnaie (on parle de liquidité, et c’est de cela qu’il s’agit avec les 750 milliards d’euros annoncés par la Banque centrale européenne pour racheter des dettes d’État et d’entreprise indéfiniment). Il faut bien que quelqu’un paye au bout du compte, car l’argent doit correspondre à une certaine valeur pour être valable, sinon la monnaie s’effondre comme en Allemagne dans les années 1920.

Quand un État émet de la dette (on parle d’obligations, qui sont des titres de créance), il y en face un investisseur qui prête son argent, de l’argent qui n’a rien de fictif, et qui doit être remboursé à un moment (en plus de recevoir éventuellement une rémunération pendant la durée de ce prêt). Les fonds sont en général gérés par des structures spécialisées, mais proviennent en grande majorité de l’épargne dite des ménages. Ce sont les réserves d’argent de la bourgeoisie et de la petit-bourgeoisie.

Tout cet argent n’est pas extensible, ou en tous cas la quantité de valeur qu’il représente ne l’est pas, d’autant moins que l’économie est en récession. Si beaucoup de dette est émise, il faut en face suffisamment d’investisseurs pour prêter l’argent.

Le problème qui va se poser à l’économie est très simple et facilement compréhensible : personne ne peut garantir qu’il y a suffisamment de valeur en circulation pour valoriser la dette des États.

Il faut bien comprendre une chose ici : actuellement sur les marchés financiers, les placements sont beaucoup moins faits dans le but de s’enrichir (par la spéculation ou l’investissement productif, ce qui induit un risque dans les deux cas), que dans le but de garantir une épargne. Ce qui compte n’est pas tant les bénéfices ou dividendes éventuellement perçus que la solidité d’une dette, car posséder une dette « solide » a en soi beaucoup de valeur.

Dire « l’État italien me doit tant d’argent qu’il me remboursera dans 10 ans », cela a de la valeur pour les épargnants voulant garantir leur épargne. Il existe même un marché très important où ce genre dette est échangée.

Seulement, cela n’a de la valeur que tant que les investisseurs ont confiance dans la capacité de l’État à honorer sa dette, c’est-à-dire à garantir une certaine valeur à cette dette. L’Italie, pour rester sur cet exemple, est déjà dans une situation très compliquée avec une dette publique en 2019 de 2373 milliards d’euros, ce qui correspond à près de 140 % de son PIB. Cela tient encore, car il est considéré que l’Italie « vaut » plus que ce qu’elle produit, ne serait-ce que par son patrimoine public, avec des « villes » comme Venise, Florence, Pise et en partie Rome qui sont devenues de véritables usines à tourisme.

Cela n’est bien sûr pas extensible à l’infini, surtout en période de crise. L’agence de notation Standard & Poor’s (dont le métier consiste justement à évaluer la capacité d’un créancier, y compris d’un pays, à rembourser ses dettes) a par exemple évalué que la croissance italienne va chuter de 2,6% à cause de la pandémie de Covid-19.

Cela fait peser un risque énorme sur la valeur de la dette italienne. Et comme dans le même temps d’autres pays (ainsi que beaucoup d’entreprises) vont contracter encore plus de dette (et le font déjà), les investisseurs vont être tentés de se tourner ailleurs, craignant pour leur épargne. L’État italien, faute de prêteurs, peut alors faire faillite.

Face à ce risque tout à fait concret, l’Italie, mais aussi l’Espagne et d’autres pays, souhaitent des « coronabounds » européens, c’est-à-dire des obligations (de la dette publique) émises au nom de toute l’Union européenne, avec comme motif la crise sanitaire.

Ce serait un moyen pour un État en difficulté comme l’Italie de garantir sa capacité à emprunter sur les marché financier, donc à continuer à s’endetter dans le cadre de la crise. D’autres pays, notamment l’Allemagne, ne veulent absolument pas en entendre parler. Du point de vue de l’Allemagne, cela reviendrait à mutualiser une dette qui n’est pas la sienne, affaiblissant ses propres capacités d’emprunt sur les marchés.

Or, l’Allemagne aussi a besoin de s’endetter, parce que 123 milliards d’euros de dépenses liées à la crise ont déjà été annoncés ( en plus de 822 milliards de garanties accordés aux dettes contractées par les entreprises nationales), dans le cadre d’une récession s’annonçant importante pour le pays en 2020 (entre 2,8 % et 5,4 % du PIB). L’Allemagne, qui n’a normalement aucun déficit, a déjà annoncé prévoir 156 milliards d’euros de déficit, soit une dette d’environ 5 % de son PIB (alors que selon la règle budgétaire européenne défendue bec et ongle par l’Allemagne ces dernières années, celui-ci ne doit être supérieur à 3 %).

On a donc une situation très tendue, qui s’inscrit elle-même dans le cadre d’une situation à l’origine très fragile en ce qui concerne la dette. En novembre 2019, la Banque centrale européenne alertait dans sa revue semestrielle de stabilité financière sur les risques en cours. Pour résumer, du fait de la politique monétaire européenne, l’endettement (public et privé) est fortement encouragé et pratiqué.

Le revers de la médaille constaté par la BCE est que beaucoup de risques sont pris par certains investisseurs en raison de taux d’intérêt faibles. Il était constaté que 45 % des obligations d’entreprises étaient notées « BBB », c’est-à-dire la note la plus faible possible, évoquant ainsi un grand risque pour la stabilité financière.

Tout cela est très technique et peut sembler lointain, mais c’est en fait très simple et concret. L’économie est littéralement pourrie par tout un enchevêtrement de mécanismes de dette, et cela s’accentue de manière radicale tout d’un coup en raison de la crise sanitaire.

Autrement dit, il y a un décalage de plus en plus important entre la masse réelle de la valeur existante et les capacités du système à répartir cette valeur, par le biais des monnaies et des mécanismes financiers. On a d’un côté une économie qui ralentit, de l’autre des États qui ont besoin de s’accaparer d’un coup une masse énorme de valeur (sous forme d’argent) par de la dette.

En vérité, seule la production de marchandises a de la valeur (soit par les marchandises elles-mêmes, soit par l’appareil productif), et donc seul le travail compte réellement. Les États s’imaginent pouvoir contourner le problème par le biais de la dette, mais c’est une véritable folie, relevant d’une fuite en avant inconsidérée.

La situation actuelle est tout simplement insoutenable, menant tout droit à une crise majeure. Nul ne peut savoir quelle forme cela prendra, si ce ne seront que quelques États qui s’effondreront, comme le risque l’Italie, ou bien si ce sont des régions entières qui seront entraînées dans une spirale négative, avec des licenciements à la chaîne, une inflation incontrôlable ou au contraire des dévaluations monétaires massives, etc.

Ce que l’on voit déjà par contre, c’est un resserrement drastique des différents États nationaux, qui vont se retrouver en concurrence exacerbée et tendront de plus en plus à la guerre. Cela est déjà visible concrètement aujourd’hui rien qu’au sein de l’Union européenne, cela l’est d’autant plus à l’échelle mondiale, avec comme fil conducteur l’affrontement entre les deux superpuissances que sont la Chine et les États-Unis.