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Tribune de plusieurs membres de Génération.s en réponse à Yannick Jadot

[Tribune publiée dans le Journal du Dimanche ]

L’écologie porte en elle l’indispensable adaptation de nos modes de vie, de production et de consommation aux limites de la planète. C’est une promesse d’harmonie, de justice et de bien vivre. Chaque année pourtant, le ‘jour du dépassement’ à partir duquel le prélèvement opéré par nos sociétés est supérieur à la capacité de la planète à se régénérer avance. Le climat se dérègle, les écosystèmes disparaissent, l’humanité trinque, les plus fragiles en premier. Cette fuite en avant est d’abord le résultat de choix politiques qui refusent de procéder aux indispensables arbitrages et continuent de favoriser la cupidité et le court terme.

La course au profit – et donc le libéralisme – est antinomique avec la vision d’un monde équilibré et pérenne dans lequel le partage équitable de ressources préservées et la répartition des richesses sont les meilleurs remparts contre les conflits et la prédation de notre écosystème vital.

Nous sommes écologistes donc de gauche, nous portons un projet, une éthique d’action, une grille de lecture du monde, et une vision inscrite dans la durée qui lie indéfectiblement les dimensions environnementales et sociales, sans primat de l’une sur l’autre. Nous sommes engagé.es pour que les plus démuni.es ne soient pas les exclu.es de la mutation du monde et que la transition écologique soit d’abord une opportunité pérenne pour chacun.e de vivre bien sur une planète préservée.

Nous nous réjouissons que cette vision ait gagné une partie de celles et ceux qui, venu.es de la gauche classique, lui offrent aujourd’hui un horizon renouvelé, un idéal d’égalité, de justice et de démocratie à l’échelle de la planète et des générations futures. La rupture effectuée avec le productivisme, le culte de la croissance et la foi aveugle en la technique salvatrice permet une convergence idéologique et l’invention d’une culture commune. Politiquement, nous l’entendons comme une promesse d’élargissement attendue par l’opinion publique et une réponse structurée, à vocation majoritaire, potentiellement bien plus forte, apte à s’attaquer au fléau libéral comme à la gangrène nationale-populiste.

Nous affirmons que se revendiquer écologiste sans s’assumer ‘de gauche’ est une impasse, mener des combats environnementalistes sans porter au même niveau les valeurs de justice sociale est un leurre. S’en remettre à l’économie de marché c’est imaginer que la concurrence pourrait permettre l’égalité, que la somme des initiatives individuelles pourrait mener à un optimum collectif ou que la poursuite des intérêts particuliers pourrait protéger les biens communs et leur accès universel. Quand quelques dizaines de personnes détiennent autant de richesses que la moitié de l’humanité, la démonstration de l’illusion libérale n’est plus à faire, celle de son incompatibilité avec les politiques écologiques non plus.

Pourtant, certaines ambiguïtés profondes ressurgissent récemment. En s’affirmant ‘ni de droite ni de gauche’ et compatibles avec ‘l’économie de marché’ certains écologistes choisissent d’épouser les orientations des Verts allemands dont le nomadisme politique permet des alliances à géométrie variable avec tantôt les conservateurs tantôt les sociaux-démocrates. Ce faisant ils rompent avec cette écologie politique historiquement ancrée dans le camp progressiste et les valeurs de gauche, en France et ailleurs, au profit d’un repli essentiellement environnementaliste.

Cette attitude régressive se veut ‘pragmatique’ c’est-à-dire fondée sur la méthode dite des ‘petits pas’, ou plutôt des faux pas, qui peut s’accommoder de beaux discours et de petites décisions. Cette politique sans résultat ni sur le climat ni sur la biodiversité fait perdre un temps désormais compté pour la planète quand les politiques radicales menées localement font leurs preuves.

Nous ne nous résignons pas à ce que le bien vivre, soit l’apanage de celles et ceux qui ont les moyens, dans une société où manger bio, acheter véhicule propre ou isoler son logement serait le privilège de quelques un.es. Nous croyons à la nécessité d’en finir avec un système capitaliste qui réduit le vivant à une donnée économique et dévaste notre santé, les forêts, les océans, l’air et la biodiversité et, disons-le, la survie même de l’humanité, tant que cela contribue au profit de court terme d’une minorité.

L’écologie politique est systémique. Elle propose une vision et des solutions globales qui par leur humanisme, leur ancrage dans les luttes sociales, leur rejet des inégalités, leur universalisme ne peuvent appartenir qu’à une pensée de gauche. Nous en ferons un Manifeste qui sera publié prochainement.

Ecologistes, nous œuvrons au rassemblement et nous réjouissons que l’écologie politique ne soit plus le pré carré d’une seule formation minoritaire. En nous engageant auprès du mouvement Génération.s, nous sommes fier.es de porter une écologie sans ambiguïté, fidèles à l’ambition historique de réunir les diverses composantes de l’écologie politique, dans sa globalité environnementale, sociale et démocratique. De la faire grandir et se répandre toujours plus dans la société pour enfin conquérir une majorité culturelle et d’action.

Les signataires :

Pascal Baudont, conseiller municipal d’Arradon (56)
David Berly, militant écologiste, Paris
Michel Bock, maire-adjoint honoraire Guyancourt (78)
Alice Brauns, responsable Comité Ville Génération.s (50)
Dominique de Broca, militante écologiste Paris
Yves Contassot, conseiller de Paris et Métropolitain Grand Paris
Isabelle Couradin, co-responsable du pôle Ecologie du CN de Génération.s
Jean-Luc da Lage, militant écologiste, Paris
Patrice Lanco, militant écologiste, Paris
Anne Laure Fabre Nadler, vice-présidente du Conseil départemental de la Gironde (33)
Suzanne Grandpeix, militante écologiste, Paris
Frédéric Guerrien, conseiller d’arrondissement Paris 20e
Pierre Japhet, maire-adjoint Paris 11e
Claire Monod, conseillère régionale d’Ile-de-France
Clément Pequeux, membre CN de Génération.s
Stéphane Saubusse, conseiller départemental de Gironde (33)
Pierre Serne, conseiller régional d’Ile-de-France
Damien Zaversnick, membre CN de Génération.s
Julien Zloch, co-responsable du pôle Ecologie du CN de Génération.s

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Place publique fait un hold up sur le Parti socialiste

Le Parti socialiste, pour la première fois depuis 1979 et les élections européennes, n’aura pas l’un de ses représentants comme chef de file d’une liste de Gauche. Cette année, c’est Raphaël Glucksmann qui sera le numéro un, avec en échange la moitié des places de la liste accordée au Parti socialiste.

C’est un véritable « deal » et ce qui est très grave, c’est qu’on le sait depuis vendredi matin, alors que ce n’est que le samedi que le Conseil National du Parti socialiste l’a décidé, à 128 voix pour, 5 contre, 3 abstentions – il y est censé avoir pourtant plus de 300 membres !

Stéphane Le Foll n’a d’ailleurs pas attendu pour ruer dans les brancards et a décidé d’abandonner le bureau national du Parti socialiste avant sa tenue. Bon, la vérité c’est que cela fait bien longtemps qu’il n’assistait plus à ses séances ; cela fait partie des psychodrames du Parti socialiste et du folklore de ses tambouilles internes.

Lui-même fait par ailleurs partie de la droite du Parti socialiste ; néanmoins, difficile de lui donner tort au sujet de Place publique, avec ses propos tenus au Figaro :

« C’est une mauvaise plaisanterie. Les écologistes restent écologistes, Benoît Hamon reste Benoît Hamon, Jean-Luc Mélenchon reste Jean-Luc Mélenchon et nous, les socialistes, nous devrions nous effacer derrière Raphaël Glucksmann sans débat interne, sans aucune base idéologique et politique, sans ligne stratégique ? (…)

Mais de quoi parlons-nous ? Ce mouvement inconnu de tous n’a ni ligne, ni portée, ni consistance ! Claire Nouvian est certes une écologiste respectable, mais elle est radicale. Or je suis convaincu que l’on ne change pas une société contre son peuple. Mon écologie passe par l’adhésion des couches modestes, pas par les menaces et la contrainte. Quant à Raphaël Glucksmann, je respecte son parcours, assez divers, mais ce n’est pas le mien. Élu d’un village de 256 habitants à 23 ans, j’ai toujours été fidèle à mes convictions socialistes. »

Stéphane Le Foll a absolument raison : Place publique ne repose sur aucune rationalité. C’est une structure parisienne d’intellectuels et d’artistes coupés de toute réalité politique militante, de tout lien avec la population en général. Stéphane Le Foll a raison de souligner le besoin d’une base idéologique et politique, d’une ligne stratégique. C’est là la base de la politique, et encore plus à Gauche où la rationalité est le maître-mort.

En revanche, on n’est pas obligé de penser comme Stéphane Le Foll que « l’écologie radicale » serait un ennemi politique. Cela n’a aucun sens que de dire cela en 2019, ou plus exactement c’est un vil populisme, un manque de courage de dire la vérité aux gens et de leur expliquer qu’il va falloir tout changer.

Quoiqu’il en soit, dans tous les cas, si l’on peut être en désaccord avec Stéphane Le Foll et le Parti socialiste, on ne peut pas être d’accord avec Place publique, qui ne dit absolument rien, n’est pas structurée tel un parti politique, repose sur du vent. 28 000 « adhérents » revendiqués – les adhésions se font gratuitement et en lignes, mais aucun vote interne, aucun processus de décision. On ne peut d’ailleurs que trouver ridicule la position de l’économiste Thomas Porcher qui prétend « découvrir » cela que maintenant :

« Quand on a créé PP, on avait une promesse : mettre les citoyens au cœur des institutions en rassemblant toutes les forces de gauche. Aujourd’hui, on se retrouve cornérisé avec le PS, quelques petites chapelles, comme l’Union des démocrates et des écologistes [UDE], et un mouvement de centre droit, Cap21, qui a fait campagne pour Emmanuel Macron ! Olivier Faure, le premier secrétaire du PS, a annoncé que toutes les tendances de son parti seraient représentées : ce sera une liste d’apparatchiks, pas de citoyens. C’est pourquoi je préfère quitter Place publique. »

Cela n’est néanmoins pas faux. D’où sort Raphaël Glucksmann pour avoir le droit de prendre la tête, sans aucune discussion ni choix de la base, d’une liste avec le Parti socialiste, Cap 21, Nouvelle Donne, le Parti radical de Gauche ? C’est là encore du populisme.

> Lire également : Place publique de Raphaël Glucksmann : les bobos veulent sauver leur peau

La vérité, c’est que la peur de la raclée était trop forte au Parti socialiste, la tentation de passer l’orage à l’abri trop forte. C’est sans doute faux, car un Parti socialiste qui aurait réaffirmé ses fondamentaux et fait du nettoyage aurait pu aisément réapparaître sur la scène française, d’autant plus avec l’appui des partis socialistes des autres pays. D’ailleurs, dans des pays comme l’Allemagne ou l’Autriche, il y a un coup de barre à gauche.

Il est vrai que dans ces deux derniers pays, il y a une tradition historique de la social-démocratie, alors qu’en France le Parti socialiste a historiquement surtout été un appareil électoral, et ce déjà à l’époque de la SFIO. Cependant, la question de fond est la même : repartir à gauche, ou pas ? Le Parti socialiste a raté un virage historique, tout comme sa gauche qui a fait l’erreur de s’enliser dans une version post-moderne sans traditions avec Génération-s, ou bien en rejoignant La France Insoumise.

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La tribune de Martine Aubry et ses proches appelant au rassemblement autour de Raphaël Glucksmann et Claire Nouvian

[ Tribune publiée initialement sur nouvelobs.com ]

« Nous appelons, avec Martine Aubry, tous ceux qui veulent une Europe social-écologique au rassemblement autour de Raphaël Glucksmann et Claire Nouvian.

Le 26 mai prochain, l’Europe a rendez-vous avec elle-même. La défiance à l’égard de l’Europe n’a jamais été aussi forte. Les reniements et la distance entre les institutions et les citoyens mettent aujourd’hui en péril l’idéal d’une génération.

Les libéraux et les nationalistes n’incarneront jamais la solution à une situation qu’ils ont créée et qu’ils font vivre. Ils se partagent les responsabilités de l’échec. D’un côté, le refus systématique de placer les femmes et les hommes au centre de la construction européenne, et de l’autre, le reniement permanent des valeurs fondatrices de l’Union Européenne, nous ont conduits face à un nouveau mur.

La gauche doit aussi assumer ses responsabilités. Trop longtemps, sous couvert d’une prétendue gouvernance du compromis en Europe, elle a fourni un alibi à une politique libérale et d’austérité qui ne profite qu’à quelques-uns, quand tous devraient se sentir Européen.

Depuis plusieurs mois, le dialogue est engagé avec Place Publique pour ne pas faire de ce 26 mai un jour noir pour les droits fondamentaux au sein de l’Union. Nos valeurs de justice, de progrès, d’égalité sont les mêmes. Nous faisons, ensemble, de la transition écologique et sociale, ainsi que de la refondation démocratique, nos priorités. Nous avons une conviction commune : jamais l’Europe n’a eu autant besoin de politique, de débat, et d’idées novatrices.

La France va mal, l’Europe va mal. Nous avons donc une responsabilité immense : réinventer une gauche du XXIe siècle, qui place la justice, l’égalité, l’écologie et le progrès au cœur de son projet en Europe, pour que chacun se reconnaisse enfin dans l’Union au-delà des seuls gagnants de la mondialisation.

Depuis de nombreuses années, avec Martine Aubry, notre engagement est sans faille pour le dialogue et le rassemblement des gauches et des écologistes. Nous avons toujours refusé l’idée de « gauches irréconciliables ». Pour nous, l’écologie sera sociale ou échouera, le socialisme sera écologique ou disparaîtra, la démocratie s’appuiera sur la société ou s’affaiblira.

Ce rassemblement pour lequel nous avons toujours œuvré, est aujourd’hui plus que nécessaire. L’élection européenne est une élection à un tour : on ne peut pas espérer se compter au premier et se rassembler au second. Or, la gauche aujourd’hui n’est pas seulement divisée, elle est fragmentée. Sans rassemblement, ce qui la guette n’est pas l’affaiblissement, mais l’effacement.

Dans ce contexte, nous avons accueilli positivement l’initiative citoyenne de Raphael Glucksmann et Claire Nouvian, pour construire ce rassemblement autour de dix combats communs identifiés par un travail collaboratif auquel nous avons participé.

Nous retenons parmi celles-ci : un plan d’urgence pour le climat de 500 milliards d’euros d’investissement sur cinq ans sortis du calcul des déficits, une politique commerciale au service de l’emploi et de la lutte contre les inégalités commençant par la suspension du Ceta, une harmonisation sociale intégrant un salaire minimum européen, plus de justice sociale par imposition européenne sur les hauts patrimoines et une TVA à taux zéro pour les produits de première nécessité, la lutte contre l’évasion et l’optimisation fiscale avec la mise en place d’un impôt européen taxant les profits des Gafa et multinationales dans les pays où ils sont réalisés, la défense de la santé de tous en Europe par la limitation des intrants chimiques dans nos sols et l’interdiction du glyphosate, la démocratisation de l’Union avec un Parlement qui fixe les objectifs économiques et un budget de la zone euro doté de ressources propres et capable de mener une politique d’investissements.

Pour nous, il existe des biens publics européens et mondiaux, que les Etats dans leur forme actuelle ne peuvent traiter seuls. Il en va ainsi de la sauvegarde de notre planète, de la qualité de l’air, de la dignité et du progrès humain. Cette vision doit être au cœur de nos combats communs.

Aujourd’hui, Raphaël Glucksmman et Claire Nouvian, avec courage et sens des responsabilités, proposent de conduire le rassemblement de tous ceux qui veulent une Europe social-écologique. Nous y répondons favorablement et dès demain, lors du conseil national du Parti Socialiste, nous joindrons la parole aux actes en votant en faveur de cette perspective et en appelant les autres formations politiques de gauche et de l’écologie à en faire de même.

Oui, pour surmonter les divisions mortifères, nous le disons sans détour, nous sommes prêts à ce que, pour une fois, le Parti socialiste, n’impose pas l’un des siens comme tête de liste à un scrutin national. L’effacement serait de ne pas être au-rendez-vous de l’Histoire. L’effacement serait, le 26 mai, de nous replier sur nous-mêmes, compter nos divisions en espérant être, au mieux, le premier des derniers.

Au contraire, faire honneur à nos valeurs, à nos combats, pour nous socialistes, à ce moment précis de notre histoire, c’est nous ouvrir aux autres, accepter la main tendue sans rien n’exiger pour nous-mêmes d’autre que la perspective, en conjuguant les talents d’où qu’ils viennent, que la social-écologie devienne la grande force politique des élections européennes.

Depuis des mois, nous appelons de nos vœux le rassemblement. Aujourd’hui, il devient possible : alors, en avant !

Tony BEN LAHOUCINE, 1er fédéral de l’Indre ; Isabelle DAHAN,1ère fédérale adjointe des Hauts de Seine, conseillère municipale à Bois Colombes ; Camille GANGLOFF, Adjointe au maire de Strasbourg, 1ère fédérale déléguée Bas Rhin, Membre du conseil National, Jean Marc GERMAIN, Secrétaire National à l’International et à la mondialisation ; Cécilia GONDARD, 1er fédéral des Français de l’étranger, Secrétaire National à l’égalité femmes-hommes et lutte contre les discriminations ; Annie GUILLEMOT, sénatrice du Rhône, Membre du Bureau National ; Arnaud HADRYS, Secrétaire Général HES Socialistes LGBT, Membre du Bureau National ; Antoine HOME, 1er fédéral du Haut Rhin, Maire de Wittenheim ; André LAIGNEL, maire d’ISSOUDUN, 1er Vice-président délégué de l’Association des Maires de France ; François LAMY, membre du Bureau National ; Carole LE STRAT, membre de la Commission Nationale du Contrôle Financier ; Antoine RAVARD, Membre du Conseiller Fédéral du PS Nord ; Rafika REZGUI, Conseillère départementale 91, Conseillère municipale Chilly-Mazarin, Membre du Bureau National ; Vincent TISON, Conseiller municipal Joué-les-Tours, Membre du Bureau National ; Sylvine THOMASSIN, maire de BONDY, membre du Conseil National ; Stéphane TROUSSEL, Président Conseil départemental 93, Secrétaire National aux Nouvelles Solidarités, Parcours de Vie et Innovation Sociale ; Roger VICOT, Maire de LOMMES, Membre du Conseil National et Fatima YADANI, Conseillère municipale Paris, Membre du Bureau National. »

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Acte XVIII des gilets jaunes : le triomphe du grotesque

Le samedi 16 mars 2019 a été marqué par d’importantes violences sur les Champs-Élysées, alors qu’Emmanuel Macron est revenu en catastrophe de son week-end au ski. C’est le triomphe du grotesque.

La France est un pays de cinéma et de théâtre, où l’on parle beaucoup et fort, mais où on ne fait finalement pas grand-chose. 18 samedis de gilets jaunes n’auront ainsi rien apporté et tout le monde sait désormais que la France est coincée à force de n’avoir rien assumé dans aucun sens.

Les 32 000 gilets jaunes hier en France, dont 10 000 à Paris, font maintenant parti du paysage le samedi, et les 237 personnes dont 144 placées en garde à vue, de la routine.

C’est là ce qui reflète l’inéluctable effondrement social et culturel du pays, même s’il s’auto-intoxique et s’imagine ouvert, bienveillant, moderne, efficace, etc.

C’est que les acteurs sont très mauvais, il faut bien le dire. Emmanuel Macron ne parvient pas à tenir son rôle de jeune fringant hyper moderne et les gilets jaunes n’arrivent pas à proposer un « retour en arrière » qui ait au moins en apparence des contours concrets. Tout le monde est nul, à l’image d’une France qui ne connaît plus rien aux idées politiques, dont le niveau culturel s’est effondré, dont le sens des valeurs est totalement émoussé.

Pour dire tout de même où on en est, vendredi c’était la fin du « grand débat » et Emmanuel Macron n’a rien eu de mieux à faire que de se montrer en week-end au ski, à La Mongie, dans les Hautes-Pyrénées. Es-ce là de la naïveté politique ? Une manœuvre pour se donner une image de normalité ? Dans tous les cas, son retour en catastrophe ce samedi renforce l’atmosphère pitoyable du moment.

Que penser également d’Édouard Philippe, le Premier ministre ? Voici ce qu’il a dit à la fin de la manifestation, alors qu’au même moment la véranda du célèbre restaurant Le Fouquet’s était incendiée en direct à la télévision :

« Force restera toujours à la loi. C’est le sens de la démocratie et de la république. ».

Prise de drogues hallucinogènes ? Possession vaudoue ? Ces propos sont tenus en effet alors que les médias du monde entier présentent les images du pillage en règle des Champs-Élysées.

Cela a consisté ni plus ni moins qu’en du self-service par des pillards organisés pour récupérer en masse, sur « la plus belle avenue du monde », des objets de luxe chez Bulgari, des chaussures upper class chez Weston, des macarons de luxe chez Ladurée, des sacs chics chez Longchamp, du matériel électronique chez Samsung, etc. À cette liste d’endroits pillés s’ajoutent une boutique de prêt-à-porter pour hommes Célio et une autre de Zara, celle de cosmétiques Yves Rocher, la boutique officielle du Paris Saint-Germain, la boutique de valises chics de Tumi. Ont également été ciblées les boutiques de Hugo Boss et de Nespresso, de Lacoste et d’Eric Bompard, etc.

Que dire également de l’incendie de la banque Tarneaud, filiale du Crédit du Nord, alors qu’il y a des habitations au-dessus, dont les habitants ont dû être évacués par les pompiers ?

Tout cela est grotesque, de bout en bout. Et malheureusement, c’est flagrant seulement à Droite. Celle-ci a un boulevard, car la majorité de la population sait que cela ne peut pas durer comme cela, qu’il faut remettre de l’ordre. Ce qui s’annonce, c’est le temps de la reprise en main, de la remise à plat, des temps terribles, où les travailleurs vont se faire – osons le terme – fracasser par la Droite, par l’État, par le patronat, par la bourgeoisie.

Il faudrait un Ordre Nouveau, mais pour ce qui reste de la Gauche en France, c’est une expression de fachos, alors qu’à la base c’était le titre d’un journal où écrivait le communiste italien Antonio Gramsci ! Et c’est là le fond du problème. Tant que la Gauche ne retourne pas à ses fondements historiques et n’assume pas de vouloir un ordre socialiste, elle restera à végéter comme appendice des libéraux libertaires, et sera condamnée à se faire broyer menu par la Droite qui voguera de succès en succès en proposant « l’ordre et la sécurité ».

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Marine Le Pen déroule son populisme dans l’Émission politique

Marine Le Pen était à l’honneur hier soir de l’Émission politique sur France 2. Elle a pu y dérouler son populisme nationaliste, s’installant de plus en plus comme figure de l’opposition en France, dans une sorte de grand face-à-face avec Emmanuel Macron entretenu par Emmanuel Macron lui-même.

Beaucoup de constats exprimés de manière vindicative, peu de contenus concrets assumés sérieusement. Voilà comment on pourrait résumer la prestation de Marine Le Pen hier sur le plateau de France 2 dans une émission de deux heures trente qui lui était entièrement consacrée.

Cela est bien sûr le propre du populisme, où ce qui compte n’est pas le fond mais la forme, pour apparaître comme voulant changer les choses sans n’avoir jamais besoin d’expliquer comment on change les choses.

L’écologie ? Il faut changer ce « système mondialiste », mais il ne faut surtout pas accabler la France qui serait un des pays les plus « vertueux » du monde en la matière, avec des « résultats exceptionnels en termes d’émission de CO2 ». Le problème viendrait en fait surtout de l’étranger, des autres pays.

La redistribution des richesses ? D’accord, mais elle n’est pas « en guerre contre les riches », plutôt « en guerre pour les Français les plus modestes ». C’est la même chose sur les frontières où chacun peu comprendre ce qu’il veut puisqu’elle dit vouloir les renforcer tout en prônant un « pragmatisme », pour laisser entrer « ce qui est positif ».

On a eu la même chose à propos de la Police, où elle explique que le Gouvernement pratiquerait une grande répression contre le mouvement des gilets jaunes, mais que par contre il faudrait respecter l’ordre et l’uniforme.

C’est pratique, c’est d’ailleurs tout à fait conforme aux gilets jaunes, qui « râlent » mais ne veulent surtout pas avoir à assumer de choix politiques, de grands changements. Il faut bien voir ici comment le mouvement des gilets jaunes facilite grandement la tâche du Rassemblement national sur le plan politique. Un exemple très concret de cela a été au début de l’émission quand elle a rétorqué à une proposition de taxe par le gouvernement que les gilets jaunes étaient à la base un mouvement d’opposition aux impôts et aux taxes, qu’il ne fallait donc pas le faire.

En répondant ainsi, elle peu satisfaire tant une base populaire apolitique aux revenus modestes, que l’électorat traditionnel de la Droite, souvent plus bourgeois, qui afflue de plus en plus vers elle. L’ouverture à la Droite était d’ailleurs très flagrante pendant l’émission, en appuyant sur les questions sécuritaires, en assumant totalement l’origine identitaire (c’est-à-dire d’extrême-droite) du Directeur de la campagne européenne Philippe Vardon, en expliquant que les gilets jaunes avaient été « expulsés des rond-points par l’extrême-gauche », etc.

Cependant, en deux heures et trente minutes d’émission, alors que se profilent les élections européennes, Marine Le Pen n’a jamais véritablement expliqué des projets ou mesures concrets, présenté un programme par rapport à la question européenne.

On ne sait toujours pas depuis le débat au second tour de l’élection présidentielle, si elle veut ou non sortir de l’euro, sortir de l’Union européenne, sortir de tel ou tel traité, en signer de nouveaux, etc.

Il faut dire qu’elle a été bien aidée par des intervenants tous plus caricaturaux les uns que les autres, qu’elle pouvait souvent laisser parler de longs moments sans intervenir, tellement cela servait son propos par miroir inversé.

Que cela soit Jacques Attali, d’une mauvaise foi ahurissante sur son libéralisme, le youtubeur « Hugo Décrypte », qui fait Science po et dit exactement la même chose que les journalistes classiques, la Maire PCF d’Aubervilliers, qui s’écoutait parler de manière hystérique, l’ancien Président du conseil italien, un avatar de Macron avec l’accent exotique en direct depuis Londres. La palme revient bien sûr à la ministre des Affaires européennes dans son style « premier de la classe », qui de manière grand-guignolesque a conclu l’émission en prétendant qu’elle avait eu un déclic pendant son échange avec Marine Le Pen et qu’elle souhaitait maintenant être tête de liste pour le parti présidentiel aux élections européennes !

Très bien. Elle aura fait son petit numéro après avoir été « incollable » sur ses dossiers. Sauf qu’elle n’a jamais obligé la présidente du Rassemblement National à parler politique sur le fond, à exprimer ses points de vue en profondeur. Cela est en fait très utile à Emmanuel Macron, qui de son côté s’imagine pouvoir simplement lui opposer les gens qui sont « raisonnables » et transi par le populisme.

Cela est un jeu très dangereux, cela revient à ouvertement jouer avec le feu, et l’Histoire au XXe siècle fût malheureusement d’un grand enseignement à ce sujet. Il y a péril en la demeure, littéralement. La Gauche a le devoir de comprendre ce danger, de saisir l’urgence qu’il y a à s’organiser contre ce face-à-face périlleux entre libéraux européens et populistes nationalistes. Il faut tout faire pour l’unité de la Gauche contre l’éparpillement qui mène tout droit à la catastrophe.

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« Les jours heureux », le programme du Conseil National de la Résistance du 15 mars 1944

Il y a 75 ans, 15 mars 1944 le Conseil National de la Résistance votait à l’unanimité son programme pour la libération nationale et la reconstruction du pays. Assez court, il consiste dans sa première partie en un manifeste mobilisateur pour la Résistance et dans sa seconde partie en un programme de gouvernement, qui fut largement appliqué par la suite. 

Il est très souvent fait référence à ce document à Gauche lorsqu’on parle d’acquis sociaux en France et de leur remise en cause. Ce fut en effet une base, permettant un grand élan de modernisation du pays.

Le CNR regroupait des mouvements de la Résistance avec différentes sensibilités, les deux grands syndicats, la CGT sous influence communiste et la CFTC sous influence sociale-chrétienne, ainsi que le Parti communiste, le Parti socialiste, les Radicaux, la Droite républicaine et les Démocrates-chrétiens.

Les communistes y jouèrent un grand rôle, permettant une sorte de grand compromis entre la Gauche et les gaullistes, allant dans un sens très favorables aux classes populaires. Plusieurs ministres communistes au gouvernement participèrent à l’élaboration ou organisèrent directement la Sécurité sociale, les régimes de retraites par répartition, les conventions collectives et les comités d’entreprise, la nationalisation de grandes entreprises comme Renault ou la création d’EDF, etc. De grandes figures de la Gauche comme Frédéric Joliot-Curie ou Henri Wallon participèrent aux politiques de recherche scientifique ou à l’Éducation nationale.

L’URSS et l’Armée rouge jouissaient à l’époque d’un grand prestige dans les classes populaires et la classe ouvrière était largement organisée par le parti communiste, très fort numériquement bien que largement affaiblit par la guerre. Cela permettait un rapport de force très favorable à la Gauche, rendant possible des compromis historiques améliorant directement la vie des classes populaires.

Il faut cependant bien voir qu’il ne s’est pas agit en France d’un régime de Démocratie Populaire comme cela a pu exister en RDA et dans plusieurs pays de l’Est. Les institutions capitalistes françaises n’étaient pas ébranlées, ni même dépassée, mais il était surtout question de le rétablir comme elles étaient prétendument avant la guerre, avec simplement un contenu plus social et plus démocratique. L’Occupation et le régime de Vichy était considéré comme simplement une page à tourner :

« Ainsi sera fondée une République nouvelle qui balaiera le régime de basse réaction instauré par Vichy et qui rendra aux institutions démocratiques et populaires l’efficacité que leur avaient fait perdre les entreprises de corruption et de trahison qui ont précédé la capitulation. Ainsi sera rendue possible une démocratie qui unisse au contrôle effectif exercé par les élus du peuple la continuité de l’action gouvernementale. »

Voici donc ce document dans son intégralité :

LES JOURS HEUREUX, PAR LE C.N.R.
PROGRAMME D’ACTION DE LA RÉSISTANCE

Née de la volonté ardente des Français de refuser la défaite, la RÉSISTANCE n’a pas d’autre raison d’être que la lutte quotidienne sans cesse intensifiée. Cette mission de combat ne doit pas prendre fin à la Libération. Ce n’est, en effet, qu’en regroupant toutes ses forces autour des aspirations quasi unanimes de la Nation, que la France retrouvera son équilibre moral et social et redonnera au monde l’image de sa grandeur et la preuve de son unité.

Aussi les représentants des organisations de la RÉSISTANCE, des centrales syndicales et des partis ou tendances politiques groupés au sein du C.N.R., délibérant en assemblée plénière le 15 mars 1944, ont-ils décidé de s’unir sur le programme suivant, qui comporte à la fois un plan d’action immédiate contre l’oppresseur et les mesures destinées à instaurer, dès la Libération du territoire, un ordre social plus juste.

I – PLAN D’ACTION IMMÉDIATE

Les représentants des organisations de RÉSISTANCE, des centrales syndicales et des partis ou tendances politiques groupés au sein du C.N.R. expriment leur angoisse devant la destruction physique de la Nation que l’oppresseur hitlérien poursuit avec l’aide des hommes de Vichy, par le pillage, par la suppression de toute production utile aux Français, par la famine organisée, par le maintien dans les camps d’un million de prisonniers, par la déportation d’ouvriers au nombre de plusieurs centaines de milliers, par l’emprisonnement de 300.000 Français et par l’exécution des patriotes les plus valeureux, dont déjà plus de 50.000 sont tombés pour la France.

Ils proclament leur volonté de délivrer la patrie en collaborant étroitement aux opérations militaires que l’armée française et les armées alliées entreprendront sur le continent, mais aussi de hâter cette libération, d’abréger les souffrances de notre peuple, de sauver l’avenir de la France en intensifiant sans cesse et par tous les moyens la lutte contre l’envahisseur et ses agents, commencée dès 1940.

Ils adjurent les gouvernements anglais et américain de ne pas décevoir plus longtemps l’espoir et la confiance que la France, comme tous les peuples opprimés de l’Europe, a placés dans leur volonté d’abattre l’Allemagne nazie, par le déclenchement d’opérations militaires de grande envergure qui assureront, aussi vite que possible, la libération des territoires envahis et permettront ainsi aux Français qui sont sur notre sol de se joindre aux armées alliées pour l’épreuve décisive.

Ils insistent auprès du Comité Français de la Libération Nationale pour qu’il mette tout en œuvre afin d’obtenir les armes nécessaires et de les mettre à la disposition des patriotes. Ils constatent que les Français qui ont su organiser la RÉSISTANCE ne veulent pas et d’ailleurs ne peuvent pas se contenter d’une attitude passive dans l’attente d’une aide extérieure, mais qu’ils veulent faire la guerre, qu’ils veulent et qu’ils doivent développer leur RÉSISTANCE armée contre l’envahisseur et contre l’oppresseur.

Ils constatent, en outre, que la RÉSISTANCE Française doit ou se battre ou disparaître; qu’après avoir agi de façon défensive, elle a pris maintenant un caractère offensif et que seuls le développement et la généralisation de l’offensive des Français contre l’ennemi lui permettront de subsister et de vaincre.

Ils constatent enfin que la multiplication des grèves, l’ampleur des arrêts de travail le 11 Novembre qui, dans beaucoup de cas, ont été réalisés dans l’union des patrons et des ouvriers, l’échec infligé au plan de déportation des jeunes français en Allemagne, le magnifique combat que mènent tous les jours, avec l’appui des populations, dans les Alpes, dans le Massif Central, dans les Pyrénées et dans les Cévennes, les jeunes Français des maquis, avant garde de l’armée de la Libération, démontrent avec éclat que notre peuple est tout entier engagé dans la lutte et qu’il doit poursuivre et accroître cette lutte.

En conséquence, les représentants des organisations de RÉSISTANCE, des centrales syndicales et des partis ou tendances politiques groupés au sein du C.N.R. déclarent que c’est seulement par l’organisation, l’intensification de la lutte menée par les forces armées, par les organisations constituées, par les masses, que pourra être réalisée l’union véritable de toutes les forces patriotiques pour la réalisation de la libération nationale inséparable, comme l’a dit le Général De Gaulle, de l’insurrection nationale qui, ainsi préparée, sera dirigée par le C.N.R, sous l’autorité du C.F.L.N, dès que les circonstances politiques et militaires permettront d’assurer, même au prix de lourds sacrifices, son succès.

Ils ont l’espoir que les opérations de la Libération du pays, prévues par le plan de l’état major interallié, pourront ainsi être, le cas échéant, avancées grâce à l’aide apportée par les Français dans la lutte engagée contre l’ennemi commun, ainsi que l’a démontré l’exemple glorieux des patriotes corses.

Ils affirment solennellement que la France qui, malgré l’armistice, a poursuivi sans trêve la guerre, entend plus que jamais développer la lutte pour participer à la libération et à la victoire.

***

Pour mobiliser les ressources immenses d’énergie du peuple français, pour les diriger vers l’action salvatrice dans l’union de toutes les volontés, le C.N.R décide :

D’inviter les responsables des organisations déjà existantes à former des comités de villes et de villages, d’entreprises, par la coordination des formations qui existent actuellement, par la formation de comités là où rien n’existe encore et à enrôler les patriotes non organisés.

Tous ces comités seront placés sous la direction des comités départementaux de la libération (C.D.L). Ils seront soumis à l’autorité des C.D.L qui leur transmettront, comme directives, la plate-forme d’action et la ligne politique déterminée par le C.N.R.

Le but des ces comités sera, à l’échelon communal, local et d’entreprise, de faire participer de façon effective tous les Français à la lutte contre l’ennemi et contre ses agents de Vichy, aussi bien par la solidarité et l’assistance active à l’égard des patriotes sous l’impulsion et le soutien donnés aux revendications vitales de notre peuple. Par dessus tout, leur tâche essentielle sera de mobiliser et d’entraîner les Français qu’ils auront su grouper à l’action armée pour la Libération.

Ces comités devront, selon les circonstances et en se conformant aux instructions données par les C.D.L, appuyer et guider toutes les actions menées par les Français contre toutes les formes d’oppression et d’exploitation imposées par l’ennemi, de l’extérieur et de l’intérieur.

Ces comités devront :

1) Développer la lutte contre la déportation et aider les réfractaires à se cacher, à se nourrir, à se vêtir et à se défendre, enlevant ainsi des forces à l’ennemi et augmentant le potentiel humain de la RÉSISTANCE ;

2) Traquer et punir les agents de la Gestapo et de la Milice de DARNAND ainsi que les mouchards et les traîtres ;

3) Développer l’esprit de lutte effective en vue de la répression des nazis et des fascistes français ;

4) Développer, d’une part, la solidarité envers les emprisonnés et déportés; d’autre part, la solidarité envers les familles de toutes les victimes de la terreur hitlérienne et vichyssoise ;

5) En accord avec les organisations syndicales résistantes, combattre pour la vie et la santé des Français pour une lutte quotidienne et incessante, par des pétitions, des manifestations et des grèves, afin d’obtenir l’augmentation des salaires et traitements, bloqués par Vichy et les Allemands, et des rations alimentaires et attributions de produits de première qualité, réduites par la réglementation de Vichy et les réquisitions de l’ennemi, de façon à rendre à la population un minimum de vital en matière d’alimentation, de chauffage et d’habillement ;

6) Défendre les conditions de vie des anciens combattants, des prisonniers, des femmes de prisonniers, en organisant la lutte pour toutes les revendications particulières ;

7) Mener la lutte contre les réquisitions de produits agricoles, de matières premières et d’installations industrielles pour le compte de l’ennemi ; saboter et paralyser la production destinée à l’ennemi et ses transports par routes, par fer et par eau ;

8) Défendre à l’intérieur de la corporation agricole les producteurs contre les prélèvements excessifs, contre les taxes insuffisantes, et lutter pour le remplacement des syndicats à la solde de Vichy et de l’Allemagne par des paysans dévoués à la cause de la paysannerie française.

Tout en luttant de cette façon et grâce à l’appui de solidarité et de combativité que développe cette lutte, les comités de villes, de villages et d’entreprises devront en outre:

a) Renforcer les organisations armées des Forces Françaises de l’Intérieur par l’accroissement des groupes de patriotes : groupes francs, francs-tireurs et partisans, recrutés en particulier parmi les réfractaires ;

b) En accord avec les états majors nationaux, régionaux et départementaux des F.F.I, organisées milices patriotiques dans les villes, les campagnes et les entreprises, dont l’encadrement sera facilité par des ingénieurs, techniciens, instituteurs, fonctionnaires et cadres de réserve, et qui sont destinés à défendre l’ordre public, la vie et les biens des Français contre la terreur et la provocation, assurer et maintenir l’établissement effectif de l’autorité des Comités départementaux de la Libération sur tout ce qui aura été ou sera créé dans ce domaine pour le strict rattachement aux F.F.I dont l’autorité et la discipline doivent être respectées par tous.

Pour assurer la pleine efficacité des mesures énoncées ci-dessus, le C.N.R prescrit de l’état major national des Forces Françaises de l’Intérieur, tout en préparant minutieusement la coopération avec les Alliés en cas de débarquement, doit :

1) Donner ordre à toutes les formations des F.F.I de combattre dès maintenant l’ennemi en harcelant ses troupes, en paralysant ses transports, ses communications et ses productions de guerre, en capturant ses dépôts d’armes et de munitions afin d’en pourvoir les patriotes encore désarmés ;

2) Faire distribuer les dépôts d’armes encore inutilisés aux formations jugées par lui les plus aptes à se battre utilement dès à présent et dans l’avenir immédiat ;

3) Organiser de façon rationnelle la lutte suivant un plan établi avec les autorités compétentes à l’échelon régional, départemental ou local, pour obtenir le maximum d’efficacité ;

4) Coordonner l’action militaire avec l’action de RÉSISTANCE de la masse de la nation en proposant pour but aux organisations régionales paramilitaires d’appuyer et de protéger les manifestations patriotiques, les mouvements revendicatifs des femmes de prisonniers, des paysans et des ouvriers contre la police hitlérienne, d’empêcher les réquisitions de vivres et d’installations industrielles, les rafles organisées contre les réfractaires et les ouvriers en grève et défendre la vie et la liberté de tous les Français contre la barbare oppression de l’occupant provisoire.

***

Ainsi, par l’application des décisions du présent programme d’action commune, se fera, dans l’action, l’union étroite de tous les patriotes, sans distinction d’opinions politiques, philosophiques ou religieuses. Ainsi se constituera dans la lutte une armée expérimentée, rompue au combat, dirigée par des cadres éprouvés devant le danger, une armée capable de jouer son rôle lorsque les conditions de l’insurrection nationale seront réalisées, armée qui élargira progressivement ses objectifs et son armement.

Ainsi, par l’effort et les sacrifices de tous, sera avancée l’heure de la libération du territoire national ; ainsi la vie de milliers de Français pourra être sauvée et d’immenses richesses pourront être préservées.

Ainsi dans le combat se forgera une France plus pure et plus forte capable d’entreprendre au lendemain de la Libération la plus grande œuvre de reconstruction et de rénovation de la patrie.

II – MESURES À APPLIQUER DÈS LA LIBÉRATION DU TERRITOIRE

Unis quant au but à atteindre, unis quant aux moyens à mettre en œuvre pour atteindre ce but qui est la Libération rapide du territoire, les représentants des mouvements, groupements, partis ou tendances politiques, groupés au sein du C.N.R. proclament qu’ils sont décidés à rester unis après la Libération :

1 ) Afin d’établir le gouvernement provisoire de la République formé par le Général de Gaulle pour défendre l’indépendance politique et économique de la nation, rétablir la France dans sa puissance, dans sa grandeur et dans sa mission universelle ;

2 ) Afin de veiller au châtiment des traîtres et à l’éviction dans le domaine de l’administration et de la vie professionnelle de tous ceux qui auront pactisé avec l’ennemi ou qui se seront associés activement à la politique des gouvernements de collaboration ;

3 ) Afin d’exiger la confiscation des biens des traîtres et des trafiquants de marché noir, l’établissement d’un impôt progressif sur les bénéfices de guerre et plus généralement sur les gains réalisés au détriment du peuple et de la nation pendant la période d’occupation, ainsi que la confiscation de tous les biens ennemis y compris les participations acquises depuis l’armistice par les gouvernements de l’Axe et par leurs ressortissants dans les entreprises françaises et coloniales de tout ordre, avec constitution de ces participations en patrimoine national inaliénable ;

4 ) Afin d’assurer :

  • l’établissement de la démocratie la plus large en rendant la parole au peuple français par le rétablissement du suffrage universel ;
  • la pleine liberté de pensée, de conscience et d’expression ;
  • la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l’égard de l’État, des puissances d’argent et des influences étrangères ;
  • la liberté d’association, de réunion et de manifestation ;
  • l’inviolabilité du domicile et le secret de la correspondance ;
  • le respect de la personne humaine ;
  • l’égalité absolue de tous les citoyens devant la loi ;

5) Afin de promouvoir les réformes indispensables :

a) Sur le plan économique :

  • l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie ;
  • une organisation rationnelle de l’économie assurant la subordination des intérêts particuliers à l’intérêt général et affranchie de la dictature professionnelle instaurée à l’image des États fascistes ;
  • l’intensification de la production nationale selon les lignes d’un plan arrêté par l’État après consultation des représentants de tous les éléments de cette production ;
  • le retour à la nation des grands moyens de production monopolisés, fruit du travail commun, des sources d’énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d’assurances et des grandes banques ;
  • le développement et le soutien des coopératives de production, d’achats et de ventes, agricoles et artisanales ;
  • le droit d’accès, dans le cadre de l’entreprise, aux fonctions de direction et d’administration, pour les ouvriers possédant les qualifications nécessaires, et la participation des travailleurs à la direction de l’économie.

b) Sur le plan social :

  • le droit au travail et le droit au repos, notamment par le rétablissement et l’amélioration du régime contractuel du travail ;
  • un rajustement important des salaires et la garantie d’un niveau de salaire et de traitement qui assure à chaque travailleur et à sa famille la sécurité, la dignité et la possibilité d’une vie pleinement humaine ;
  • la garantie du pouvoir d’achat national par une politique tendant à la stabilité de la monnaie ;
  • la reconstitution, dans ses libertés traditionnelles, d’un syndicalisme indépendant, doté de larges pouvoirs dans l’organisation de la vie économique et sociale ;
  • un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’État ;
  • la sécurité de l’emploi, la réglementation des conditions d’embauchage et de licenciement, le rétablissement des délégués d’atelier ;
  • l’élévation et la sécurité du niveau de vie des travailleurs de la terre par une politique de prix agricoles rémunérateurs, améliorant et généralisant l’expérience de l’Office du blé, par une législation sociale accordant aux salariés agricoles les mêmes droits qu’aux salariés de l’industrie, par un système d’assurance contre les calamités agricoles, par l’établissement d’un juste statut du fermage et du métayage, par des facilités d’accession à la propriété pour les jeunes familles paysannes et par la réalisation d’un plan d’équipement rural ;
  • une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours ;
    le dédommagement des sinistrés et des allocations et pensions pour les victimes de la terreur fasciste.

c) Une extension des droits politiques, sociaux et économiques des populations indigènes et coloniales.

d) La possibilité effective pour tous les enfants français de bénéficier de l’instruction et d’accéder à la culture la plus développée quelle que soit la situation de fortune de leurs parents, afin que les fonctions les plus hautes soient réellement accessibles à tous ceux qui auront les capacités requises pour les exercer et que soit ainsi promue une élite véritable, non de naissance mais de mérite, et constamment renouvelée par les apports populaires.

Ainsi sera fondée une République nouvelle qui balaiera le régime de basse réaction instauré par Vichy et qui rendra aux institutions démocratiques et populaires l’efficacité que leur avaient fait perdre les entreprises de corruption et de trahison qui ont précédé la capitulation. Ainsi sera rendue possible une démocratie qui unisse au contrôle effectif exercé par les élus du peuple la continuité de l’action gouvernementale.

L’union des représentants de la RÉSISTANCE pour l’action dans le présent et dans l’avenir, dans l’intérêt supérieur de la patrie, doit être pour tous les Français un gage de confiance et un stimulant. Elle doit les inciter à éliminer tout esprit de particularisme, tout ferment de division qui pourraient freiner leur action et ne servir que l’ennemi.

En avant donc, dans l’union de tous les Français rassemblés autour du C.F.L.N et de son président, le général De Gaulle !

En avant pour le combat, en avant pour la victoire, afin que VIVE LA FRANCE !

LE CONSEIL NATIONAL DE LA RÉSISTANCE

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Philippe de Villiers reprend les thèses du PCF du début des années 1950

Figure de la Droite dans sa composante à la fois dure et catholique, Philippe de Villiers vient de sortir un ouvrage pour dénoncer l’Union européenne. Son argumentaire nationaliste est en fait un copié-collé inversé des thèses du PCF dans les années 1950.

L’ouvrage J’ai tiré sur le fil du mensonge et tout est venu (Fayard) de Philippe de Villiers est largement salué par la presse de Droite. Le Point, par contre, n’est pas du tout content et y voit une démarche « complotiste ».

L’idée est en effet très simple : Philippe de Villiers prétend révéler des documents d’époque montrant que le projet de construction européenne ne fut pas une belle idée issue de la guerre et de la Résistance, mais un projet monté par les États-Unis d’Amérique pour disposer d’un marché où écouler ses marchandises.

Les États-Unis auraient monté des structures pour arroser d’argent et former des cadres organisant une construction européenne servant leurs intérêts.

Voici comment Philippe de Villiers présente la chose au Parisien.

« Les preuves que j’apporte à travers les archives montrent que les Américains ne voulaient pas d’une « Europe-puissance ». Ils voulaient un marché annexe pour écouler leurs surcapacités productives, et une simple « commission exécutive » dans un bloc transatlantique où les nations européennes viendraient se fondre sous une gouvernance mondiale. Ce projet a été exécuté par Jean Monnet. Dans ses Mémoires, il annonce d’ailleurs que l’Europe « ne sera qu’une étape » vers un marché planétaire de masse (…).

J’ajoute que le troisième Père de l’Europe, Walter Hallstein [avec Jean Monnet et Robert Schuman], était un juriste d’Hitler. Il a appartenu à quatre organisations nazies, a été professeur en enseignement du nazisme, a été capturé par les Américains, rééduqué avant d’être propulsé président de la Commission européenne. Ils le tenaient. Découvrir que l’architecte du traité de Rome a été un bureaucrate nazi est quand même inquiétant.

Monnet et Schuman partageaient trois obsessions avec lui : la première, c’est que les nations sont des survivances du passé, ce que croyait aussi Hitler qui, supranationaliste, faisait primer la race ; la deuxième, c’est qu’il faut faire sauter la séparation entre l’économie et le politique d’où l’influence des lobbys ; la troisième, c’est qu’il faut fondre l’Europe dans un bloc transatlantique. Mon livre évoque aussi le passé de Schuman qui fut ministre du maréchal Pétain et fut frappé « d’indignité nationale » en 1945. Le mythe de l’Europe comme prolongement de la Résistance est un mensonge. »

Philippe de Villiers est très fier de lui et affirme avoir « découvert » quelque chose, qu’il appelle le « mondialisme ». On voit mal pourtant comment il pourrait y avoir un « mondialisme » en 1950 alors que la moitié du monde se revendique du socialisme et s’oppose au capitalisme. Mais le fond de la question n’est pas là : oui ou non la construction européenne a-t-elle été un projet américain ?

Le Point, qui fait partie de la Droite traditionnellement pro-américaine, se moque de lui en résumant sa vision à « un Da Vinci Code dans l’Union européenne » ; Christian Lequesne, professeur à Sciences-po Paris, et Sylvain Schirmann, professeur à l’Institut d’études politiques de Strasbourg et spécialiste de la construction européenne rejettent catégoriquement cette thèse.

Et c’est là tout de même qu’on voit l’effondrement du niveau de culture politique. Car Philippe de Villiers, malgré sa prétention d’intellectuel réactionnaire cherchant à former un néo-romantisme catholique national, ne fait que dire de manière déformée… ce que le Parti Communiste disait dans notre pays dans les années 1950.

Évidemment, Philippe de Villiers détourne ce que le PCF disait dans un sens nationaliste, puisqu’il fait partie des ultra-chauvins voulant que la France rétablisse ses velléités impériales (il rejoint ainsi tant Marine Le Pen que Jean-Luc Mélenchon). Le PCF, quant à lui, rejetait le militarisme. Voici ce qu’il dit, dans une déclaration commune de juillet 1950 des Partis Communistes de France, d’Allemagne, d’Italie, de Grande-Bretagne, de Hollande, de Belgique et du Luxembourg.

« La réalisation du projet Schuman aboutirait à mettre les industries minières et sidérurgiques ­ et par voie de conséquence l’ensemble de l’économie ­ de la France, de la Grande-Bretagne, de la Belgique, du Luxembourg, de l’Italie et de la Hollande sous le contrôle des magnats capitalistes de la Ruhr, eux-mêmes aux ordres des financiers de Wall Street. »

Cette thèse était partagée alors par le PCF et la Gauche des socialistes, tandis que la Droite de socialistes rejoignaient le centre et la mouvance de la Droite catholique pour l’accepter mais dans un sens inverse, en l’assumant politiquement, administrativement. Ce fut historiquement très clairement un levier pour casser la Gauche en deux et isoler les communistes… Ainsi que pour satisfaire la production américaine cherchant à développer ses possibilités de trouver des débouchés.

Nul mondialisme donc, ni complot, ni même de complotisme : c’est tout simplement du capitalisme. Et quand on ne saisit pas cela, on bascule dans des explications aux tendances historiques bien connues. Philippe de Villiers explique ainsi le « mondialisme » par l’activité de Rotschild, Soros, et en arrive dans son livre, dans une même perspective dont on devine le sens, à évoquer Moïse et Josué pour dénoncer les fondateurs de la construction européenne…

« Depuis soixante-dix ans, on nous répète que l’idée d’une super-nation européenne a surgi des entrailles des peuples, que c’est la ferveur populaire qui, par un phénomène inouï d’immanence eschatologique, a porté le processus d’intégration communautaire et, ainsi, favorisé le dépassement du droit international public traditionnel. Au cœur de cette « histoire sainte », Jean Monnet, l’Inspirateur, est une sorte de Moïse. Robert Schuman, qui fait tomber les murailles de Jéricho à coups de déclarations sonnantes, est une sorte de Josué. »

Voilà où mène l’irrationnel, mais il serait erroné de ne pas voir que l’irrationnel n’est pas que folie : il est aussi un moyen de détourner d’une compréhension correcte de choses. Philippe de Villiers agite une manière de voir les choses, pour pas qu’on se tourne vers la critique de la construction européenne par le PCF et la Gauche des socialistes des années 1950… Qui est précisément ce dont on a besoin aujourd’hui.

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La lettre de Ian Brossat du PCF à France Télévision

Ian Brossat qui conduit la liste PCF pour les élections européennes de mai prochain n’est pas invité au grand débat télévisé du 4 avril prochain sur France 2. S’il fustige avec raison un déni de démocratie, il faut malgré tout rappeler la grande responsabilité de la Gauche dans son ensemble qui, en refusant l’unité, donne en quelque sorte le bâton pour se faire battre.

Pour les organisateurs de débats télévisés, y compris sur le « service public », ce qui compte est surtout la contrainte technique de la réalisation. Leur préoccupation n’est pas démocratique, alors ils voient forcément les « petites listes » comme autant de difficultés pour distribuer la parole, avoir un rendu dynamique, ne pas traîner en longueur, etc.

Ce qui se passe est très simple : les organisateurs ne voient pas l’intérêt de donner la parole à une liste créditée de quelques pourcents dans les sondages, qui selon-eux dira peu ou prou la même chose qu’une autre, par exemple celle de Benoît Hamon.

Le problème est que tout le monde à Gauche mise sur les élections pour se faire entendre, peser le plus possible, comme si la bataille démocratique ne pouvait passer que par là, ou en tous cas principalement par là. C’est une grossière erreur.

La Gauche devrait être en mesure d’avoir une seule voix qui se ferait entendre clairement et facilement à la télévision pour les élections. Les débats électoraux télévisés ne sont pas le lieu pour un débat contradictoire entre les différentes forces de Gauche qui veulent chacune apporter leur nuance. Ce genre de débat doit avoir lieu avant, et surtout sous d’autres formes, réellement démocratiques, permettant d’analyser le fond et d’étayer les arguments.

Voici donc la lettre de Ian Brossat qui en quelque sorte réclame son du à la directrice de France Télévision avec des arguments qui ne sont pas absurdes, mais qui sont très insuffisant politiquement.

Rappelons avant que le PCF a prévu un rassemblement devant le siège du groupe pour appuyer cette demande mardi prochain le 19 mars à 18h.

 

Madame Delphine Ernotte-Cunci

Présidente de France Télévisions

 

Madame la Présidente,
La chaîne France 2, du groupe public France Télévisions dont vous êtes la Présidente, organise le jeudi 4 avril un débat télévisé dédié à l’élection européenne lors de « L’Émission politique ».
Votre initiative est salutaire pour notre démocratie et pour le débat public, alors que cette échéance électorale d’une importance capitale demeure mal connue du grand public.

Toutefois, à la suite d’un appel téléphonique fortuit de notre attachée de presse, nous avons appris que France 2 ne jugeait pas utile d’inviter de représentant de la liste « Pour l’Europe des gens, contre l’Europe de l’argent », soutenue par le Parti Communiste Français, et que j’ai l’honneur de conduire.

Il s’agirait d’un déni de démocratie grave et incompréhensible.

Comme vous ne l’ignorez pas, le Parti communiste français est présent dans les deux assemblées, avec plus de trente parlementaires qui prennent part au fonctionnement institutionnel de notre pays. Les Françaises et les Français se sont choisis plus de 7 000 élu·es locaux et nationaux de notre famille politique pour les représenter, plus de 800 maires et trois parlementaires européens pour faire entendre et respecter leur voix. L’effacement du Parti communiste français du débat du jeudi 4 avril, sur la première chaîne du service public, serait une véritable anomalie démocratique.

Comme en 2005 déjà, à l’occasion du référendum européen, les Français attendent aujourd’hui une plus juste et sincère représentation de leurs opinions. Dans cette élection européenne où l’enjeu du pluralisme est tout particulièrement important, la voix de la liste du PCF n’est réductible à celle d’aucune autre liste.

Faut-il vous rappeler que nous sommes le seul parti de gauche à avoir rejeté tous les traités européens libéraux depuis le début de la construction européenne ? Nous sommes également la seule liste du paysage français à inclure dans ses rangs plus de la moitié d’ouvrières et d’ouvriers, de femmes et d’hommes employés — à l’image exacte de ce qu’est la France aujourd’hui. Nous sommes la seule liste, droite et gauche confondues, qui est en mesure de faire entrer, le 26 mai une femme ouvrière, en la personne de Marie-Hélène Bourlard, pour la première fois dans l’histoire du Parlement européen.

La dernière élection présidentielle a démontré qu’il était possible de proposer aux Français des débats télévisés de grande qualité en y conviant l’ensemble des forces en présence. C’est cela la vitalité de notre démocratie ; elle est une chance que chacune et chacun devrait saluer. Dès lors, comment les Français pourraient-ils comprendre qu’il en soit aujourd’hui différemment sur la première chaîne du service public, qu’ils financent ?
C’est la raison pour laquelle j’ai l’honneur de solliciter auprès de vous un rendez-vous dans les plus brefs délais, afin qu’une solution puisse être trouvée concernant la présence de notre liste au débat du 4 avril.

Je vous prie d’agréer, Madame la Présidente, l’expression de mes sentiments respectueux

Ian Brossat,
Porte-parole du PCF, tête de liste « Pour l’Europe des gens, contre l’Europe de l’argent »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

de répondre techniquement à une demande.

 

débat à la télévision ne sont pas

 

le jeudi 4 avril un débat télévisé dédié à l’élection européenne lors de « L’Émission politique »

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Élections européennes 2019 : la Gauche unie ou éparpillée façon puzzle

Il faut bien trouver une image pour montrer ce qui risque d’advenir à la Gauche si elle ne parvient pas à l’unité. Ce sera l’éparpillement façon puzzle.

L’expression est douteuse, car elle relève d’une logique mafieuse et de ce grave travers français du goût gratuit pour le pittoresque. Il n’empêche qu’elle est ici adéquate : si la Gauche n’est pas unie aux élections européennes de 2019, elle va se retrouver éparpillée façon puzzle. Rappelons d’où vient cette étrange image, à savoir du film culte (mais qu’on peut ne pas aimer) Les tontons flingueurs, où Bernard Blier alias « Raoul Volfoni » dit la chose suivante :

« J’vais lui faire une ordonnance et une sévère… J’vais lui montrer qui c’est Raoul. Aux quatre coins d’Paris qu’on va l’retrouver éparpillé par petits bouts, façon puzzle. Moi, quand on m’en fait trop j’correctionne plus : j’dynamite, j’disperse, j’ventile. »

En 2019, point de Raoul : c’est la Gauche elle-même qui s’auto-dynamite, se disperse elle-même, se ventile par choix. Parce que les gens de Gauche se croient dans les années 1990 ou 2000, dans une société stable où il est suffit de gérer en disant vaguement le contraire de la Droite. Les carriéristes ont bien compris que tout avait changé et ont pris la poudre d’escampette, passant souvent dans le camp d’Emmanuel Macron.

D’autres, sincères, se sont retrouvés désorientés et ont capitulé. Ceux et celles qui avaient des idéaux se sont noyés dans l’amertume et d’autres, plus friables sur le plan des idées, ont rejoint le populisme de Jean-Luc Mélenchon. Tout cela pour dire que ce qui reste ne pèse pas lourd ; il n’y a plus grand monde.

Et il y en aura encore moins si on rate les « millenials ». Cependant, encore faut-ils que ceux-ci sachent que la Gauche existe et dans l’état actuel des choses, c’est l’unité où l’éparpillement façon puzzle. Et tout le monde y a intérêt, pour survivre.

Le Parti socialiste ne peut pas se présenter sous son propre nom, tellement il est dévalorisé dans l’opinion publique. Génération-s est inconnu d’une vaste partie de la population y compris de secteurs pouvant sympathiser. Le PCF est travaillé par tellement de courants internes que s’il part tout seul et qu’il fait un score misérable, il se fractionne.

Europe Écologie – Les Verts a un dirigeant qui pousse, mais rien comme structures derrière lui : il suffit de lui donner la tête de liste et les volontés de parcours solitaire cesseront d’elles-mêmes.

Il serait donc logique de s’unir, pour résister ensemble à une vague de Droite, et il serait parfaitement cohérent aussi de s’ouvrir à toute la Gauche en général, y compris l’extrême-gauche dans la mesure où celle-ci n’est pas devenue une ultra-gauche historique. Il suffirait d’un drapeau rouge et du mot ouvrier pour réinscrire plein de monde dans une démarche politique réelle.

Comme ce sont de plus les élections européennes, les valeurs servant de dénominateur commun sont vraiment faciles à trouver et ce serait un premier pas pour la suite. Autrement, ce sera un premier pas pour une traversée du désert… Voire une traversée du désert avec qui plus est une brutale répression de Droite, voire d’extrême-droite, voire du militarisme, du fascisme, vu comment tout va vite.

Car c’est là le fond de la question. On sait à quel point la Gauche, historiquement, n’a saisi son identité commune malheureusement bien souvent qu’alors que la menace fasciste planait ou qu’il avait déjà pris une forme monstrueuse très concrète. Et si on doit avoir un critère pour savoir qui est de Gauche aujourd’hui, ce serait la réponse « oui » à la question « Le fascisme est-il une menace réelle, et non une fantasmagorie ? ».

Il faut donc assumer l’unité, car sans cela, à l’échec succéderait la honte sur le plan des responsabilités face à l’Histoire. Il faut l’unité pour protéger la Gauche et prévoir les choses positives de demain, mais aussi pour former un avertissement au peuple de France : si celui-ci cède à la démagogie, au populisme, ce sera la catastrophe !

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Sahra Wagenknecht et Rosa Luxembourg

Sahra Wagenknecht, figure de la Gauche allemande, assume très clairement les thèmes de la Gauche historique.

« Aliéné et humilité n’est pas seulement celui qui n’a pas de pain, mais aussi celui qui n’a pas part aux grands biens de l’humanité » (Rosa Luxembourg) Plus haut : « Aujourd’hui, Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht ont été assassinés il y a cent ans. Les deux sont une grande inspiration pour moi. Contre toutes les oppositions ils se sont posés contre le militarisme et la guerre, ils sont restés fidèles à eux-mêmes et étaient en même pourtant profondément humain. Leurs luttes sont actuelles jusqu’à aujourd’hui : la justice et la liberté restent encore en 2019 le grand objectif. »

À l’occasion du centenaire de l’assassinat de Rosa Luxembourg, la radio publique Norddeutscher Rundfunk a posé quelques questions à Sahra Wagenknecht.

Voici l’une des questions-réponses, relevant d’une approche qui intéressera ceux et celles s’intéressant aux positions de cette dirigeante actuelle de la Gauche allemande.

NDR : Ce qui s’est passé pour Rosa Luxembourg, à l’origine une social-démocrate, pendant sa période d’emprisonnement, relèverait aujourd’hui du concept de radicalisation. Elle a dans ses derniers écrits clairement appelé aux armes et à la lutte. Cela ne peut pas être aujourd’hui la mise en perspective, n’est-ce pas ?

Sahra Wagenknecht : Rosa Luxembourg n’a pas appelé aux armes, bien au contraire. Elle appartenait dans le Parti à ceux qui se sont massivement refusé à ce qu’on tente de changer les choses par la violence des armes.

Elle a largement promu la participation aux élections – malheureusement, elle n’a pas eu la majorité à ce sujet lors du premier congrès du Parti Communiste d’Allemagne.

Rosa Luxembourg était une démocrate de bout en bout, seulement le système d’alors n’était pas démocratique : nous parlons ici toujours de l’Empire, nous parlons du fait que la révolution de novembre a été finalement freinée et annulée, alors qu’il s’agissait de déposséder du pouvoir les élites qui avaient commencé cette guerre et en avaient également profité.

Son meurtre est également la preuve de comment la démocratie a été mise de côté alors. Dans une démocratie, les opposants n’ont pas le droit d’être assassinés, et cela n’est arrivé qu’en connaissance de cause de la part des forces réactionnaires, mais également de gens comme Gustav Noske, donc de sociaux-démocrates.

Cela a été une époque où beaucoup de choses diffèrent d’aujourd’hui, parce que le système politique était encore un autre. Mais en ce qui concerne les rapports économiques, il y a beaucoup de parallèles jusqu’à aujourd’hui.

 

> Lire également : Allemagne : Sahra Wagenknecht lance une Gauche non postmoderne

 

 

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Eric Zemmour et le « nationalisme des imbéciles »

Le dernier livre d’Eric Zemmour, Destin français, prolonge la proposition nationaliste qui est la sienne, tentant de contourner la question de l’antisémitisme propre au nationalisme de notre pays. Il s’agit pour lui de reformuler ce nationalisme, sa base, son histoire, pour la dériver de sa tendance à l’antisémitisme vers la lutte contre un « mondialisme nomade » auquel précisément il ne parvient pas à donner une forme alternative.

Eric Zemmour a beau contourner le problème, il en revient au même point : la centralité de la question antisémite pour le nationalisme français. Sa vaine tentative n’est donc qu’un appui à un élan qui le dépasse et qui l’emportera inévitablement en tant que Juif. Il n’aura somme toute formulé qu’un « nationalisme des imbéciles » ne voulant pas voir l’antisémitisme comme tel, tout symétriquement comme la « gauche » antimatérialiste formule inlassablement un « anticapitalisme » antisémite, comme « socialisme des imbéciles ».

Eric Zemmour est un intellectuel français issu de la minorité nationale juive algérienne, qui se présente comme relevant de la Droite conservatrice la plus réactionnaire. Il a saisi partiellement ce qu’est le nationalisme et partiellement ce qu’est l’antisémitisme. Il est même parvenu à saisir comment la Gauche se tort dans ses contradictions lorsqu’elle rejette le matérialisme qui la constitue, et sombre d’une part dans les démarches post-modernes et d’autre part dans l’antisémitisme.

Mais Eric Zemmour ne fait pas confiance à la Gauche pour dépasser cette contradiction. Il cherche une solution, un remède politique et intellectuel, depuis la Droite et pire même depuis le nationalisme. C’est à ce titre qu’il a produit dans son dernier livre un exposé sous la forme d’une autobiographie et d’une galerie de portraits l’ayant « construit »  (par opposition à ceux qu’il présente comme les « déconstructeurs » de la gauche post-moderne) comme français, au sens politique et même clairement nationaliste.

La base que pose Eric Zemmour pour sa proposition nationaliste est sans surprise celle de la France des années 1960, complètement idéalisée sous la forme d’une société moderne mais qui serait encore marquée significativement du sceau de la « tradition », de « l’identité » française juste avant le basculement dans la post-modernité du capitalisme des années 1970, suite à la « rupture » de Mai 1968. Il entend ici donner une densité, une « incarnation » à cette base en la présentant sous une forme autobiographique, « vécue », comme un témoignage, dans une démarche toute romantique, mais suintant l’esprit de la réaction la plus brutale.

Cet aspect globalement réactionnaire, voire ultra-réactionnaire de son livre, poussant au nationalisme le plus décomplexé, n’a bien sûr pas échappé aux journalistes de la petite-bourgeoisie intellectuelle. Mais comme ceux-ci ne saisissent pas correctement ce qu’est l’antisémitisme, ils ont pensé qu’il suffirait de mettre à jour ce que Eric Zemmour affirme du Maréchal Pétain, pour le présenter comme un dangereux nationaliste poussant à l’antisémitisme et à la haine raciale.

Or, précisément, Eric Zemmour rejette ces critiques comme superficielles. Ce n’est pas son sujet, il ne voit ni l’une ni l’autre de ces questions comme centrale à son analyse. Avant d’en arriver au Maréchal Pétain, Eric Zemmour pose en effet le cadre de l’État français, qui est le principal personnage de son livre, le sujet même de sa réflexion. Pour Eric Zemmour, l’État est ce qui donne corps à la nation française, ce qui « matérialise » en quelque sorte son « génie » identitaire dont il propose justement de suivre le « destin ». Le choix même de ce terme traduisant toute la perspective qu’il met en avant.

Là où la Gauche dit que ce sont les masses qui font l’Histoire, pour Eric Zemmour, ce sont des élites, en mesure de contrôler l’État qui la font, le peuple se bornant à n’appuyer que ses élites « naturelles » ou à se faire dévoyer par des saboteurs plus ou moins conscients. Là où Eric Zemmour voit de la permanence « naturelle » dans l’affirmation identitaire de la Nation par l’État, la Gauche voit des ruptures historiques en fonction des cadres successifs de l’économie politique par lesquels notre pays est passé.

Là où Eric Zemmour voit le mouvement historique comme un affrontement à mort entre « nomades » et « sédentaires » dans un pays de « guerre civile », aboutissant à la victoire du « réel », à la « revanche de l’Histoire », c’est-à-dire soit au triomphe de la réaction soit à celui de « l’invasion », la Gauche voit la lutte des classes et le mouvement général et contradictoire de la matière vers toujours plus de science, toujours plus de symbiose.

L’Histoire de France selon Eric Zemour se voit donc ratatinée par ce prisme étroit de la « destinée » de la Nation, par la trajectoire unilatérale de l’État qui l’incarnerait. La répression des Protestants, l’élaboration de l’administration centralisée, la formulation de l’absolutisme monarchique, le tout aboutissant à l’épopée napoléonienne, constituent ainsi autant de jalons de la « longue durée », de la supposée permanence d’un « esprit » français, politique mais néanmoins quasiment providentiel, remontant à « Rome ».

L’influence maurrasienne sur la pensée d’Eric Zemmour est donc manifeste. A ceci près qu’il se montre d’un monarchisme moins anti-républicain, dans le sens où la « substance » de la France comme il la définit, a selon lui été incorporée par la République qui, sous son meilleur jour, la prolonge.

C’est ainsi qu’il peut mettre en avant certaines figures qu’il tente d’annexer au nationalisme de manière définitive : Robespierre, Napoléon bien sûr, et plus particulièrement, Pétain et De Gaulle. Ce qu’il avance à ce sujet est correct sur le fond : Pétain et De Gaulle, ce sont tous les deux des figures de ce qu’est la France, au plan historique, en tant que Nation.

Là où il commet deux erreurs gigantesques et impardonnables c’est d’abord en nuançant de manière outrancière le caractère non exterminateur du régime de Vichy à l’égard des Juifs, en tout cas des Français juifs. Le régime de Vichy ne fut certes pas un régime unifié. Plus précisément, seules ses fractions catholiques traditionalistes et planistes dans une moindre mesure, n’adhéraient pas à la perspective ouvertement génocidaire. Mais c’était pour prôner un antisémitisme assimilateur ou éducateur, sur la même base de l’anticapitalisme romantique réactionnaire que les mouvements plus authentiquement fasciste.

Eric Zemmour tente de contourner cela, en rejetant totalement les milieux les plus collaborationnistes et génocidaires comme hors de Vichy, et donc de sa perspective « française », et surtout en éludant la question de l’antisémitisme en tant que tel au sein des nationalistes, à partir du moment où elle se pose comme seulement pour ainsi dire « éducatrice », « assimilationniste » sur la base d’une contre-révolution nationale-conservatrice.

Celle-ci serait acceptable en ce qu’elle manifesterait finalement une dimension « post-juive » de la France, qui s’appuyant sur la tradition catholique depuis la monarchie capétienne, se vit comme un « nouvel Israël ». Cela n’est ni plus ni moins que la tradition même du christianisme romain depuis ses origines, qui fonde d’ailleurs son anti-judaïsme, mais Eric Zemmour semble découvrir dans cela une sorte de clef qui relierait sa propre judaïté à la ligne réactionnaire qu’incarne aujourd’hui cette tradition.

La seconde erreur, consiste à penser la Gauche comme anti-française.

Fondamentalement, la Gauche ne peut être « française » selon Zemmour qu’en cédant au nationalisme, à « l’esprit » national qu’il tente de décrire. Par conséquent, certaines figures de gauche peuvent être incorporées. Mais pas toutes. A la base de la rupture, dans le prolongement de la Révolution française, heureusement cadrée par Napoléon en fin de compte, il y a Victor Hugo. Eric Zemmour en fait une sorte d’ancêtre des post-modernes selon une logique très forcée. Mais le grand renversement, la « victoire » de la Gauche sur le « destin » national c’est bien sûr l’élan post-moderne poursuivant Mai 1968.

C’est là toute l’insuffisance par laquelle il tente vainement de saisir ce que représenta une figure comme celle du Général De Gaulle, qu’il oppose de manière erronée à ce post-modernisme.  Cette erreur de perspective s’explique essentiellement en raison du fait qu’Eric Zemmour ne voit la figure de De Gaulle qu’à travers la question actuelle du néo-gaullisme pour la Droite. Pour lui, cette proposition néo-gaulliste permettrait le développement d’un nationalisme à la fois traditionnel dans sa forme, moderne sur le contenu, permettant aussi de constituer sinon un rempart, du moins une alternative au fascisme, ce qui est partiellement vrai, et surtout à l’antisémitisme, et ce qui est relativement faux.

Ce que tente en réalité de formuler Eric Zemmour, c’est un nationalisme ultra-conservateur, dans la droite ligne de Charles Maurras, prolongé par une démarche populiste et réactionnaire, mais qui ne serait pas antisémite. Un « nationalisme des imbéciles » en somme qui ne peut tout simplement pas exister comme tel, réplique symétrique et vaine, par la réaction et par la Droite, au « socialisme des imbéciles » de la Gauche égarée.

C’est là toute sa tentative : « noyer » l’antisémitisme dans sa critique des déconstructeurs, en particulier de la Gauche, et dans le rejet du « nomadisme » de la mondialisation, qu’illustre de manière sensible les circulations de capitaux, de marchandises et des migrants.

En quelque sorte, l’antisémitisme nationaliste serait une expression faussée, dévoyée, de cette lutte contre le « nomadisme » de la haute bourgeoisie capitaliste, réduite à une oligarchie « financière » et à quelques grandes firmes, à ses soutiens ou idiots utiles libéraux, de la Gauche post-moderne et des grands médias.

Face à ces « nomades », c’est l’intangibilité de l’État, souverain et autoritaire, qu’il convient de restaurer, quitte à aller à la « guerre civile » et la répression contre les libéraux et la Gauche.

Eric Zemmour prétend donc faire de l’Histoire mais il ne saisit ni ce qu’est le nationalisme, ni ce qu’est l’antisémitisme, ni même ce qu’est finalement l’Histoire de France. Il bricole simplement une sorte de théorie « néo-maurrasienne » qui tente de reformuler l’antisémitisme des nationalistes en rejet du « nomadisme mondialiste » et de pousser à la réaction par le néo-gaullisme propre à la Droite conservatrice de notre époque. Ceci alors même que l’antisémitisme l’a déjà devancé sur ces deux terrains.

> Lire également : « Egalité & Réconciliation » et le capitalisme des « nomades »

En outre, Eric Zemmour tente de proposer un style, un populisme « cultivé » en mesure de flatter l’esprit « populaire » propre à la petite bourgeoisie réactionnaire qui constitue son public. Celle-ci se flatte de ses images relevant de la France d’Audiard, de Johnny, de celle de Nicolas Dupond-Aignan, de Laurent Wauquiez, de Marine Le Pen, de Marion Maréchal, mais aussi de Michéa ou de Soral.

C’est-à-dire de toute la clique réactionnaire et populiste à laquelle la Gauche doit faire face, avec sa culture, ses valeurs et la seule analyse claire et nette sur ce qu’est l’antisémitisme, ce qu’est le fascisme, ce qu’est le nationalisme français, et l’Histoire de France.

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Acte XVII des gilets jaunes : l’échec de la bataille de Paris

L’acte XVII des gilets jaunes a été un fiasco par rapport aux prétentions initiales. Et il a montré que les gilets jaunes cherchent tous les moyens pour qu’il y ait une agitation, mais surtout pas de politique.

L’image de cet acte XVII des gilets jaunes, ce sont ces gens en train de danser avec un drapeau français, un drapeau palestinien, et un drapeau semblant être celui de la Roumanie. Est également passé celui de Cuba, avec le dessin du visage de Che Guevara. Du grand n’importe quoi, avec toujours une démarche primitive, pleine de féroce naïveté : les gilets jaunes s’imaginaient faire un sit in de deux jours à Paris, surtout sur les Champs-Élysées ! Maxime « Fly Rider » Nicolle avait fièrement expliqué : « on dormira sur place ». Et trente personnes rassemblées sous la tour Eiffel s’imaginaient littéralement pouvoir s’installer comme si de rien n’était…

Y voir une nature « populaire » est totalement erronée : le peuple, quand il s’exprime, est capable de politique. Les gilets jaunes sont, quant à eux, anti-politiques, au point d’accepter politiquement qu’il y ait eu au cours de leurs rassemblements 22 personnes éborgnées et cinq ayant une main arrachée suite aux actions de force de l’ordre, sans jamais entamer ne serait-ce qu’un embryon de réflexion sur le sens de l’Histoire, la nature de l’État, le rôle de la violence, la question des rapports de force.

Ici, on a simplement la plèbe, c’est-à-dire le peuple totalement imbriqué dans l’ordre dominant, protestant dans un cadre mental sans horizon à part l’immédiateté. Ce n’est même pas de l’empirisme, car cette philosophie s’appuie sur l’expérience ; c’est simplement du vitalisme. C’est véritablement la substance des gilets jaunes, pour qui en doutait encore.

Après dix-sept samedis, c’est donc toujours le néant, alors que la mobilisation continue son inéluctable effondrement. 160 000 personnes se sont mobilisées selon le très lyrique syndicat « France Police – Policiers en colère », et 28 600 selon le Ministère de l’Intérieur.

Les gilets jaunes espéraient pourtant beaucoup de leur acte XVII, alors que leur mouvement s’étiole. Leur objectif était double : d’abord, se concentrer sur Paris, ensuite essayer de former des ouvertures envers d’autres mouvements opportunistes cherchant à s’y agréger. Comprenant que la défaite est inéluctable, et qu’elle sera totale, les gilets jaunes ont ainsi essayé, encore une fois, de contourner la politique, en trouvant « autre chose ».

Eric Drouet a ainsi appelé les « quartiers » et les « gens de cité » à rejoindre les gilets jaunes, en s’appuyant sur l’agitation à Grenoble suite à la mort de deux jeunes ayant volé un scooter.

 

Des gilets jaunes ont bloqué le pont d’Iéna à Paris, conjointement avec des activistes luttant pour le climat (les associations Alternatiba et ANV-COP21 – Action non violente-COP21 )… ce qui a donné 50 personnes en tout. Ce sont des groupes féministes qui ont également ouvert le cortège parisien… dans un acte littéralement de masochisme vu le caractère beauf et ouvertement patriarcal du style « gilets jaunes »…

Un flashmob a eu lieu à l’aéroport parisien de Roissy pour protester contre sa privatisation… en essayant de surfer sur les protestations lancées à ce sujet, notamment par la Droite. À Nice, ce sont les « gilets roses », c’est-à-dire des assistantes maternelles, qui ont rejoint le cortège de leurs modèles.

De manière plus classique, un Monoprix a été pris pour cible à Caen, Auchan a connu des blocages à Saint-Omer, alors que Nantes a connu son habituel remue-ménage, cette fois dans la zone du centre-commercial Atlantis. Tout a été plus calme à Dijon, Lille, Nancy, Strasbourg, Rouen, Lyon, Saint-Brieuc, etc.

Et comme le prochain samedi, pour l’acte XVIII, ce sera le lendemain de la fin du grand débat, les gilets jaunes espèrent qu’alors tout reprendra. Ce qui encore une fois est un prétexte pour réfuter la question de la politique. Encore et toujours.

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« Grands patrons VS citoyen.nes » : le non-débat proposé par Benoit Hamon

Benoit Hamon a publié un appel à cinq « grands patrons » pour venir « débattre » avec cinq « citoyen.nes » le 19 mars à Montreuil. Cela n’a aucune chance d’aboutir et est en contradiction totale avec les valeurs de la Gauche historique, avec la tradition liée au mouvement ouvrier.


L’information est passée quasiment inaperçue, tellement cela paraît loufoque. Dans une lettre rendue publique sur les réseaux sociaux de son mouvement, le leader de Génération-s appel les PDG de Carrefour, de Total et de Vinci, l’Administrateur-Directeur général de la BNP ainsi que le Président de Bayer France à venir débattre contre « cinq représentants de la France qui travaille pour [eux] : infirmière du service public, agriculteur, caissière de supermarché, retraité ou cadre ».

Ces derniers sont bien sûr censés faire partie des gilets jaunes – quitte à être dans le populisme – pour mener ce débat nommé de manière grandiloquente « Grands patrons VS citoyen.nes ». On a même une date et un lieu, le 19 mars à 20h à la Marbrerie de Montreuil, cette ville de plus en plus petite-bourgeoisie « bobo » qui n’a rien de très « gilets jaunes ».

Cela n’aura jamais lieu bien sûr, car on imagine très bien que ces « grands patrons » ont bien d’autres préoccupations que de venir discuter avec un petit mouvement de la Gauche post-moderne, crédités de 2 % dans les sondages. Il s’agit surtout pour Génération-s d’une sorte de coup marketing, ou plutôt d’une tentative de coup, car on se demande bien ce qui a pu passer par la tête des personnes qui ont pensé que c’était une bonne idée.

Mais le problème justement, c’est qu’il n’y a plus d’idées. Il n’y a que de vagues « valeurs » qui seraient « sociales », « humanistes » ou « citoyennes », mais plus rien qui se rapproche de la Gauche historique, de ses réelles valeurs, et surtout de ses idées. Sans ça, jamais une telle initiative n’aurait-été possible.

En l’occurrence, la Gauche, c’est-à-dire la tradition liée au mouvement ouvrier, n’a jamais pensé qu’il fallait d’une manière ou d’une autre « convaincre » les patrons. Ce qui compte est le rapport de force, car il s’agit d’une lutte des classes. Que l’on soit plutôt social-démocrate, en imaginant une transition lente et institutionnelle, ou plutôt communiste, en pensant à une révolution modifiant le régime, dans tous les cas il s’agit d’arracher le pouvoir à la bourgeoisie. La question de « débattre » avec ses représentants les plus symboliques ne se pose même-pas, car elle est absurde par nature.

Insistons d’ailleurs ici sur cette notion de « représentants les plus symboliques », parce que ces grands PDG convoqués par Benoît Hamon ne résument aucunement la réalité sociale, culturelle, économique, idéologique, politique, de la bourgeoisie. Tout au plus en est-ce qu’un aspect partiel.

Résumer le problème de la répartition des richesses à quelques grands patrons, ou autres « 1 % », ce n’est ni plus ni moins que du populisme. C’est un moyen de paraître radical, avec un discours « ultra », alors qu’en vérité cela fait l’impasse sur la grande majorité de la bourgeoisie.

Le problème des classes populaires, ce n’est pas seulement la minorité d’ultra-riches qui vit de manière parasitaire dans une quasi-bulle au-dessus de la société. Le problème des classes populaires est que la domination de la bourgeoisie, c’est-à-dire des centaines de milliers de personnes en France, voir quelques millions suivant ce que l’on considère, est érigée en norme, avec un système de valeurs et d’idées qui leur permettent de s’accaparer les richesses sans être remis en cause.

Tout cela est une question de mode de production, qu’il faut changer à la base, pour planifier la production des marchandises dans un sens conforme aux intérêts des classes laborieuses et de la planète, ce qui en fin de compte revient au même.

Si l’on pense cela, alors on se fiche bien de l’avis des dirigeants de Carrefour, Total, Vinci, BNP ou Bayer France, dont la mission n’est que de faire tourner la machine à profit, au détriment justement des classes laborieuses et de la planète.

Benoît Hamon est censé savoir cela, car il vient du Parti socialiste où l’on s’appelle « camarades » et dont le nom contient le mot « socialisme », qui signifie justement ce que l’on vient de rappeler. Le problème est que Benoît Hamon et les gens qu’il représente n’ont plus aucune confiance dans les traditions de la Gauche et dans le mouvement ouvrier.

Ce qui leur reste n’est plus qu’une vaine tentative d’apparaître démocratique, en imaginant que cela suffira pour être populaire, car les classes populaires sauraient reconnaître leurs intérêts si les choses sont présentées suffisamment démocratiquement. On imagine que c’est pour cela qu’il propose aux cinq « grands patrons » qu’il convoque de venir exposer leur démarche :

« Plutôt que de sombrer dans une invective stérile, afin de dissiper les fausses informations quand elles existent, pour défendre votre entreprise, votre politique salariale et sociale, expliquer vos investissements dans les énergies fossiles mais aussi vos initiatives philanthropiques en faveur de l’écologie ou de l’éducation, votre conception de l’intérêt général et pour vous permettre de participer au débat national, je vous invite à un échange inédit. »

Sauf que cela n’a aucun sens, d’abord parce que ce débat n’aura jamais lieu, mais surtout parce que la question ne se pose pas en ces termes. Avec ce non-débat, Génération-s se met en fait au niveau des gilets jaunes, qui n’auront eu de cesse en dix-sept week-ends d’affilée de râler, sans jamais se donner les moyens de changer le monde pour de vrai.

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8 mars : les femmes, une question démocratique

Le 8 mars est la journée internationale des femmes, ce qui forme un événement politique. Il ne s’agit pas simplement d’affirmer les droits des femmes, au sens de droits purement individuels. Il s’agit d’affirmer l’égalité : à l’égalité économique et sociale doit répondre l’égalité entre hommes et femmes.

Affiche de la social-démocratie allemande, 1932

Le 8 mars est une date incontournable, en tant que symbole, mais aussi en tant qu’expression historique de tout un patrimoine de lutte. C’est la conférence internationale des femmes socialistes qui a affirmé en 1910 la nécessité d’une telle date, et la première manifestation eut lieu le 19 mars 1911, date anniversaire de la révolution de 1848 et de la Commune de Paris, avec un million de personnes défilant dans les bastions sociaux-démocrates qu’étaient l’Allemagne et l’Autriche, ainsi notamment qu’en Danemark, en Suisse, aux États-Unis.

C’est ensuite la Russie soviétique qui instaura le 8 mars comme journée internationale des femmes, en 1921, Lénine faisant un discours pour exposer le sens d’un tel combat, voyant en « l’esclavage domestique » le fondement de ce qui opprime les femmes. La date était quant à elle choisie pour souligner le rôle de la manifestation d’ouvrières le 8 mars 1921 à Petrograd.

La Gauche historique n’a ainsi jamais affirmé le féminisme comme moyen de promotion sociale individuelle dans un cadre capitaliste par définition honni. Le féminisme, c’est un aspect particulier de l’aspect universel du Socialisme comme affirmation de l’égalité absolue. C’est le sens d’une bataille démocratique : il n’y a pas de féminisme sans Socialisme et inversement, car c’est un seul et même combat, celui pour l’égalité entre tous les êtres humain.

En ce sens, le féminisme dépend du mouvement ouvrier, du socialisme, de la Cause démocratique. Il ne saurait flotter comme une sorte d’à-côté, de lutte autonome, indépendante, ayant ses propres critères, sa propre dynamique, ses propres valeurs, etc. L’Histoire est l’histoire de la lutte des classes, pas l’histoire du rejet des « oppressions ».
Ainsi, si le Socialisme ne se développe pas politiquement, il n’y a pas de féminisme ; inversement, un Socialisme authentique ne peut qu’affirmer la Démocratie, donc l’égalité, donc le féminisme.

Il serait dégradant pour cette dimension démocratique, par ailleurs, de réduire le féminisme à un « levier » pour « la révolution », d’y voir simplement un moyen de faire en sorte que les femmes « rejoignent » la Cause. C’est là une conception totalement anti-démocratique. Le sens du féminisme est de permettre l’égalité hommes-femmes dans les faits, de supprimer tout asservissement intellectuel, morale, physique, financier, social, etc.

Cela, tout le monde peut le comprendre. Si seulement les femmes peuvent promouvoir le féminisme, tous les hommes peuvent en même temps le soutenir, car y reconnaissant la valeur démocratique. Il suffit pour cela que les hommes abandonnent leurs privilèges. Le 8 mars, en tant que journée internationale des femmes, est en même temps aussi celui de la Cause de la démocratie, un marqueur politique concernant tous les hommes.

Et cette dialectique hommes-femmes doit être non seulement bien cernée, mais également protégée des attaques de la gauche post-industrielle qui nie qu’il y ait des hommes et des femmes, rejetant l’existence des différences naturelles pour raisonner en termes de « genre » et affirmer que tout serait dans la tête, que tout serait une question de choix.

La Gauche historique doit savoir préserver et reconquérir ses valeurs face à ces tentatives de négation de l’existence des hommes et des femmes, et donc de la bataille démocratique. Cela signifie raisonner en termes de peuple, de démocratie, et non pas en termes d’individus. Il y a un féminisme qui sert les individus, mais il ne sert que quelques individus, en l’occurrence les femmes faisant carrière dans le capitalisme. Cela n’a rien à voir avec la démocratie.

Le 8 mars est pour cette raison une date essentielle, de par son contenu, de par son appartenance à la tradition de la Gauche historique. Cette date vient de la Gauche historique, elle lui appartient, et c’est son contenu même.

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Lénine, le 8 mars 1921

C’est en Russie soviétique que le 8 mars fut instauré comme journée internationale des femmes. Voici le discours de Lénine lors de sa mise en place, en 1921.

Un des traits essentiels du bolchévisme et de la Révolution russe a été d’attirer à la politique ceux qui étaient le plus opprimés sous le capitalisme. Dans les monarchies et les républiques démocratiques bourgeoises, la majorité de la population est opprimée, trompée, pillée par les capitalistes. Cette oppression, cette tromperie, ce pillage du travail populaire sont inévitables tant que subsiste la propriété du sol, des fabriques, des usines.

L’essence du bolchévisme, du pouvoir des Soviets, consiste en ce qu’il dévoile le mensonge et l’hypocrisie de la démocratie bourgeoise, abolit la propriété privée de la terre et des usines et réunit tout le pouvoir entre les mains des masses travailleuses et exploitées. Ce sont ces masses elles‑mêmes qui prennent en mains la politique, c’est‑à‑dire l’édification de la société nouvelle. L’oeuvre est difficile, mais il n’est pas d’autre issue à l’esclavage du salariat.

Pour entraîner les masses dans la politique, il faut y entraîner les femmes. Car, sous le régime capitaliste, la moitié du genre humain est doublement opprimée. L’ouvrière et la paysanne sont opprimées par le capital ; en outre, même dans les plus démocratiques des républiques bourgeoises, elles restent devant la loi des êtres inférieurs à l’homme ; elles sont de véritables « esclaves domestiques », car c’est à elles qu’incombe le travail mesquin, ingrat, dur, abrutissant de la cuisine et du ménage.

La révolution bolchévique a coupé les racines de l’oppression et de l’inégalité de la femme, ce que n’avait encore osé faire aucun parti, aucune révolution. De l’inégalité de la femme devant la loi, il ne reste pas trace chez nous. L’inégalité odieuse dans le mariage, le droit familial, la question des enfants a été totalement abolie par le pouvoir de Soviets.

Ce n’est là qu’un premier pas vers l’émancipation de la femme. Mais pas une seule République bourgeoise, même parmi les plus démocratiques, n’a osé le faire, et cela de crainte d’attenter au principe sacro‑saint de la propriété individuelle.

Le second, (le plus important) a été la suppression de la propriété privée sur la terre et les usines. Voilà ce qui ouvre la voie à l’émancipation effective et intégrale de la femme et à son affranchissement de « l’esclavage domestique » par la substitution de la grande économie collective à l’économie domestique individuelle.

Cette émancipation est chose difficile, car il s’agit de transformer des coutumes, des mœurs enracinées depuis des siècles. Mais nous avons déjà un début, le branle est donné et nous sommes engagés dans la vole nouvelle.

Aujourd’hui, journée internationale des ouvrières, dans tous les pays du monde d’innombrables réunions d’ouvrières voteront des adresses de félicitation à la Russie des Soviets, qui a inauguré l’œuvre difficile, mais grande et féconde, de leur libération ; les leaders du mouvement féminin exhorteront à ne pas perdre courage devant la sauvage réaction bourgeoise. Plus un pays bourgeois est « libre » ou « démocratique », plus les capitalistes répriment avec cruauté le mouvement ouvrier. Nous en avons un exemple dans la République démocratique des États‑Unis. Mais les travailleurs se réveillent. La guerre impérialiste a tiré de leur torpeur les masses laborieuses d’Amérique, d’Europe et même d’Asie.

Le monde entier est en effervescence. La libération des peuples du joug de l’impérialisme, la libération des ouvriers et des ouvrières du joug du capital progresse irrésistiblement. Elle s’accomplit, grâce à la poussée de dizaines et de centaines de millions d’ouvriers et d’ouvrières, de paysans et de paysannes. C’est pourquoi la cause de l’émancipation du travail triomphera dans le monde entier.

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«Pour une renaissance européenne», la tribune politique d’Emmanuel Macron

Le président français Emmanuel Macron publie aujourd’hui une tribune dans la presse des 28 pays de l’Union européenne, après avoir été en direct sur la télévision italienne dimanche soir. C’est un positionnement « européen » très fort, qui devrait lancer les débats en vue des élections, obligeant la Gauche à rentrer dans un débat de fond.

C’est une tribune assez courte, exposant le propos tout à fait classique d’un libéral partisan de l’Union Européenne comme « grand projet » moderne. Cela représente néanmoins une affirmation politique forte, qui marque le lancement de la campagne de son parti pour les élections européennes de mai prochain, et par la même de la campagne en général en France.

Que dit Emmanuel Macron, en s’adressant à tous les Européens ? Il dit deux choses : d’une part, qu’il y a une grande crise démocratique en Europe, avec une tendance au repli qui menace les sociétés dans leur fondement même ; d’autre part, qu’il faudrait la renaissance du « projet » européen, comme fer de lance du progrès.

C’est une affirmation très claire, synthétique, palpable, cohérente par rapport à sa démarche, qui est donc sur la table. Elle existe à côté de la proposition nationaliste, dans ses différentes variantes. Cela forme une orientation générale, une vision du monde qui est proposé, et qui consiste en bien plus qu’un catalogue de revendications.

Cela pose la nécessité pour la Gauche de s’affirmer elle aussi, afin d’avoir son projet, sa vision, sur cette grande table du débat politique.

Beaucoup de choses ont été dites à Gauche, mais il s’agissait surtout de constituer des listes, ou de tenter d’en constituer. Cela fut un échec, il n’y a pas d’unité, et cela rendra d’autant plus compliqué l’expression d’une vision. C’est pourtant indispensable.

La chose est compliquée, il est vrai, surtout qu’on a vraiment l’impression que les différentes forces à Gauche n’ont rien d’autre à dire que : « oui à l’Europe, mais plus sociale et écolo ».

Le problème est qu’Emmanuel Macron dit peu ou prou la même chose, mais de manière beaucoup plus convaincante, ou en tous de manière plus conforme à ce qu’est réellement l’Union Européenne.

Il faudrait s’organiser contre les « GAFA », les géants du numérique ? Pas de problème dit-il, en proposant « une supervision européenne des grandes plateformes (sanction accélérée des atteintes à la concurrence, transparence de leurs algorithmes…) » et évoquant même la question des impôts qui ne sont pas, ou presque, payés par ces grands groupes. Il faudrait se prémunir contre les lobbies de l’agroalimentaire ? Pas de problème là encore, selon lui, puisqu’il propose une « force sanitaire européenne », ainsi qu’une « évaluation scientifique indépendante ».

Il en est de même sur le plan social, où il propose d’en finir avec ce problème des travailleurs détachés avec un « bouclier social lui garantissant la même rémunération sur le même lieu de travail ».

Emmanuel Macron va même encore plus loin sur le plan écologique avec la prétention, absolument pas crédible, d’une ambition « 0 carbone en 2050 » et d’une « division par deux des pesticides en 2025 ».

La seule différence serait en fait sur la question de l’immigration, où les gens de gauche disent globalement « toujours plus », alors qu’Emmanuel Macron a bien compris que ce discours n’est pas acceptable pour les classes populaires, et parle de régulation et de frontières qui « protègent ».

La question se pose donc pour la Gauche de savoir s’il faut se mettre à la remorque de cette « renaissance » européenne, ou bien s’il faut au contraire proposer une vision du monde propre, nouvelle, réjouissante, et surtout concrète, cohérente.

Le piège à éviter étant bien sûr celui du repli nationaliste, avec cette grande difficulté pour la Gauche qui est d’avoir un regard critique sans pour autant céder aux chauvinismes, aux « brexits », aux raccourcis populistes, etc.

Voici donc la tribune d’Emmanuel Macron :

«Pour une renaissance européenne»

Citoyens d’Europe,

Si je prends la liberté de m’adresser directement à vous, ce n’est pas seulement au nom de l’histoire et des valeurs qui nous rassemblent. C’est parce qu’il y a urgence. Dans quelques semaines, les élections européennes seront décisives pour l’avenir de notre continent.

Jamais depuis la Seconde Guerre mondiale, l’Europe n’a été aussi nécessaire. Et pourtant, jamais l’Europe n’a été autant en danger.

Le Brexit en est le symbole. Symbole de la crise de l’Europe, qui n’a pas su répondre aux besoins de protection des peuples face aux grands chocs du monde contemporain. Symbole, aussi, du piège européen. Le piège n’est pas l’appartenance à l’Union européenne ; ce sont le mensonge et l’irresponsabilité qui peuvent la détruire. Qui a dit aux Britanniques la vérité sur leur avenir après le Brexit? Qui leur a parlé de perdre l’accès au marché européen? Qui a évoqué les risques pour la paix en Irlande en revenant à la frontière du passé? Le repli nationaliste ne propose rien ; c’est un rejet sans projet. Et ce piège menace toute l’Europe: les exploiteurs de colère, soutenus par les fausses informations, promettent tout et son contraire.

Face à ces manipulations, nous devons tenir debout. Fiers et lucides. Dire d’abord ce qu’est l’Europe. C’est un succès historique: la réconciliation d’un continent dévasté, dans un projet inédit de paix, de prospérité et de liberté. Ne l’oublions jamais. Et ce projet continue à nous protéger aujourd’hui: quel pays peut agir seul face aux stratégies agressives de grandes puissances? Qui peut prétendre être souverain, seul, face aux géants du numérique? Comment résisterions-nous aux crises du capitalisme financier sans l’euro, qui est une force pour toute l’Union? L’Europe, ce sont aussi ces milliers de projets du quotidien qui ont changé le visage de nos territoires, ce lycée rénové, cette route construite, l’accès rapide à Internet qui arrive, enfin. Ce combat est un engagement de chaque jour, car l’Europe comme la paix ne sont jamais acquises. Au nom de la France, je le mène sans relâche pour faire progresser l’Europe et défendre son modèle. Nous avons montré que ce qu’on nous disait inaccessible, la création d’une défense européenne ou la protection des droits sociaux, était possible.

Mais il faut faire plus, plus vite. Car il y a l’autre piège, celui du statu quo et de la résignation. Face aux grands chocs du monde, les citoyens nous disent bien souvent: «Où est l’Europe? Que fait l’Europe?». Elle est devenue à leurs yeux un marché sans âme. Or l’Europe n’est pas qu’un marché, elle est un projet. Un marché est utile, mais il ne doit pas faire oublier la nécessité de frontières qui protègent et de valeurs qui unissent. Les nationalistes se trompent quand ils prétendent défendre notre identité dans le retrait de l’Europe ; car c’est la civilisation européenne qui nous réunit, nous libère et nous protège. Mais ceux qui ne voudraient rien changer se trompent aussi, car ils nient les peurs qui traversent nos peuples, les doutes qui minent nos démocraties. Nous sommes à un moment décisif pour notre continent ; un moment où, collectivement, nous devons réinventer politiquement, culturellement, les formes de notre civilisation dans un monde qui se transforme. C’est le moment de la Renaissance européenne. Aussi, résistant aux tentations du repli et des divisions, je vous propose de bâtir ensemble cette Renaissance autour de trois ambitions: la liberté, la protection et le progrès.

Défendre notre liberté

Le modèle européen repose sur la liberté de l’homme, la diversité des opinions, de la création. Notre liberté première est la liberté démocratique, celle de choisir nos gouvernants là où, à chaque scrutin, des puissances étrangères cherchent à peser sur nos votes. Je propose que soit créée une Agence européenne de protection des démocraties qui fournira des experts européens à chaque État membre pour protéger son processus électoral contre les cyberattaques et les manipulations. Dans cet esprit d’indépendance, nous devons aussi interdire le financement des partis politiques européens par des puissances étrangères. Nous devrons bannir d’Internet, par des règles européennes, tous les discours de haine et de violence, car le respect de l’individu est le fondement de notre civilisation de dignité.

Protéger notre continent

Fondée sur la réconciliation interne, l’Union européenne a oublié de regarder les réalités du monde. Or aucune communauté ne crée de sentiment d’appartenance si elle n’a pas des limites qu’elle protège. La frontière, c’est la liberté en sécurité. Nous devons ainsi remettre à plat l’espace Schengen: tous ceux qui veulent y participer doivent remplir des obligations de responsabilité (contrôle rigoureux des frontières) et de solidarité (une même politique d’asile, avec les mêmes règles d’accueil et de refus). Une police des frontières commune et un office européen de l’asile, des obligations strictes de contrôle, une solidarité européenne à laquelle chaque pays contribue, sous l’autorité d’un Conseil européen de sécurité intérieure: je crois, face aux migrations, à une Europe qui protège à la fois ses valeurs et ses frontières.

Les mêmes exigences doivent s’appliquer à la défense. D’importants progrès ont été réalisés depuis deux ans, mais nous devons donner un cap clair: un traité de défense et de sécurité devra définir nos obligations indispensables, en lien avec l’OTAN et nos alliés européens: augmentation des dépenses militaires, clause de défense mutuelle rendue opérationnelle, Conseil de sécurité européen associant le Royaume-Uni pour préparer nos décisions collectives.

Nos frontières doivent aussi assurer une juste concurrence. Quelle puissance au monde accepte de poursuivre ses échanges avec ceux qui ne respectent aucune de ses règles? Nous ne pouvons pas subir sans rien dire. Nous devons réformer notre politique de concurrence, refonder notre politique commerciale: sanctionner ou interdire en Europe les entreprises qui portent atteinte à nos intérêts stratégiques et nos valeurs essentielles, comme les normes environnementales, la protection des données et le juste paiement de l’impôt ; et assumer, dans les industries stratégiques et nos marchés publics, une préférence européenne comme le font nos concurrents américains ou chinois.

Retrouver l’esprit de progrès

L’Europe n’est pas une puissance de second rang. L’Europe entière est une avant-garde: elle a toujours su définir les normes du progrès. Pour cela, elle doit porter un projet de convergence plus que de concurrence: l’Europe, où a été créée la sécurité sociale, doit instaurer pour chaque travailleur, d’Est en Ouest et du Nord au Sud, un bouclier social lui garantissant la même rémunération sur le même lieu de travail, et un salaire minimum européen, adapté à chaque pays et discuté chaque année collectivement.

Renouer avec le fil du progrès, c’est aussi prendre la tête du combat écologique. Regarderons-nous nos enfants en face, si nous ne résorbons pas aussi notre dette climatique? L’Union européenne doit fixer son ambition – 0 carbone en 2050, division par deux des pesticides en 2025 – et adapter ses politiques à cette exigence: Banque européenne du climat pour financer la transition écologique ; force sanitaire européenne pour renforcer les contrôles de nos aliments ; contre la menace des lobbies, évaluation scientifique indépendante des substances dangereuses pour l’environnement et la santé… Cet impératif doit guider toute notre action: de la Banque centrale à la Commission européenne, du budget européen au plan d’investissement pour l’Europe, toutes nos institutions doivent avoir le climat pour mandat.

Le progrès et la liberté, c’est pouvoir vivre de son travail: pour créer des emplois, l’Europe doit anticiper. C’est pour cela qu’elle doit non seulement réguler les géants du numérique, en créant une supervision européenne des grandes plateformes (sanction accélérée des atteintes à la concurrence, transparence de leurs algorithmes…), mais aussi financer l’innovation en dotant le nouveau Conseil européen de l’innovation d’un budget comparable à celui des États-Unis, pour prendre la tête des nouvelles ruptures technologiques, comme l’intelligence artificielle.

Une Europe qui se projette dans le monde doit être tournée vers l’Afrique, avec laquelle nous devons nouer un pacte d’avenir. En assumant un destin commun, en soutenant son développement de manière ambitieuse et non défensive: investissement, partenariats universitaires, éducation des jeunes filles…

Liberté, protection, progrès. Nous devons bâtir sur ces piliers une Renaissance européenne. Nous ne pouvons pas laisser les nationalistes sans solution exploiter la colère des peuples. Nous ne pouvons pas être les somnambules d’une Europe amollie. Nous ne pouvons pas rester dans la routine et l’incantation. L’humanisme européen est une exigence d’action. Et partout les citoyens demandent à participer au changement. Alors d’ici la fin de l’année, avec les représentants des institutions européennes et des États, mettons en place une Conférence pour l’Europe afin de proposer tous les changements nécessaires à notre projet politique, sans tabou, pas même la révision des traités. Cette conférence devra associer des panels de citoyens, auditionner des universitaires, les partenaires sociaux, des représentants religieux et spirituels. Elle définira une feuille de route pour l’Union européenne traduisant en actions concrètes ces grandes priorités. Nous aurons des désaccords, mais vaut-il mieux une Europe figée ou une Europe qui progresse parfois à différents rythmes, en restant ouverte à tous?

Dans cette Europe, les peuples auront vraiment repris le contrôle de leur destin ; dans cette Europe, le Royaume-Uni, j’en suis sûr, trouvera toute sa place.

Citoyens d’Europe, l’impasse du Brexit est une leçon pour tous. Sortons de ce piège, donnons un sens aux élections à venir et à notre projet. A vous de décider si l’Europe, les valeurs de progrès qu’elle porte, doivent être davantage qu’une parenthèse dans l’histoire. C’est le choix que je vous propose, pour tracer ensemble le chemin d’une Renaissance européenne.

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Yannick Jadot fait en sorte qu’EELV tourne le dos à la Gauche

Alors qu’Europe Écologie – Les Verts est historiquement un partenaire de la Gauche gouvernementale, son dirigeant Yannick Jadot a décidé de la placer sur une orbite « réaliste », c’est-à-dire d’en faire le grand remplaçant du Parti socialiste des années 1990-2000.

En Allemagne, un grand conflit avait frappé les Verts après leur émergence. Les realos, partisans de compromis, se voyaient confrontés aux fundis, accusant les premiers de compromissions. C’était un conflit entre deux tendances historiques de la Gauche allemande et ayant fourni les troupes aux verts : les partisans de la marche dans les institutions d’un côté, les anciens maoïstes de l’autre. Les premiers se tournaient vers les sociaux-démocrates, les seconds vers les autonomes dont Berlin-Ouest était le grand bastion avec sa centaine de squats ; finalement, les premiers ont gagné.

Les Verts français n’ont jamais eu ce parcours tourmenté, car ils ne viennent pas de la Gauche alternative, mais de différents milieux apolitiques pour qui l’écologie était surtout une critique culturelle de la civilisation industrielle. C’est, pour caricaturer, la même idéologie que les premiers magasins bios ou les promoteurs des magnétiseurs, des cours de yoga, etc. C’est un fond plutôt mystique, très ancré dans la perspective pétainiste.

Tout cela a été passé par-dessus bord avec l’émergence mondiale de l’écologie, aboutissant à faire des Verts un parti de carriéristes bobos des centres-villes, alliés au Parti socialiste pour qui il s’agissait d’un soutien idéal. L’exemple reflétant cet état d’esprit est Cécile Duflot lors du sommet de Copenhague, en 2009. Elle se fait filmer par les journalistes en train de prendre le train, mais est à Paris le lendemain pour le journal de treize heures. Elle est donc arrivée à Copenhague au bout de quinze heures de train pour reprendre l’avion pour un voyage de deux heures.

Comme le Parti socialiste est désormais dans les choux, Europe Écologie – Les Verts avait le choix de soit participer à la recomposition de la Gauche, soit tenter de formuler une propre ligne politique. C’est le second choix qui a été fait, Yanick Jadot se faisant le chef de file d’une approche favorable « à la libre entreprise et l’économie de marché », mais critique sur le libre-échange au niveau mondial. Il vient de publier Aujourd’hui tout commence, pour formaliser le tout. Dans une interview au Point, un média de Droite, il le résume de la manière suivante :

« Dans ce livre, j’explique à quel point le repli derrière nos frontières nationales ne serait protecteur de rien. Bien entendu que les écologistes sont pour le commerce, la libre entreprise et l’innovation. Mais le commerce doit se construire dans le respect de chacun, des hommes et de la nature, et non pas en abusant de dumping environnemental, social ou fiscal. »

Il n’est pas bien difficile de voir que Yannick Jadot espère récupérer les déçus du Macronisme. Il tente de se placer comme un Emmanuel Macron qui aurait assumé d’aller au conflit ouvert avec Donald Trump sur la question du réchauffement climatique, un Emmanuel Macron qui n’aurait pas soutenu ouvertement les chasseurs, un Emmanuel Macron qui « réussirait » le pari européen.

En étant mauvaise langue, on pourrait dire qu’il fait du Benoît Hamon, en moins social et en plus écologiste. Dans tous les cas, c’est quelque chose qui n’a rien à voir avec la Gauche historique.

Europe Écologie – Les Verts fait de l’écologie un support pour une relance du capitalisme, en affirmant que c’est le seul moyen pour l’écologie qui sinon n’existerait pas. C’est une simple capitulation devant les immenses enjeux, ce qui va de pair avec une trahison par rapport à la Gauche.

 

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Un acte XVI des gilets jaunes simplement vulgaire

L’image symbolique de l’acte XVI des gilets jaunes, ce sont ces femmes en gilets rouges avec une cocarde rouge sur la capuche, des bandes noires sur la bouche pour symboliser que la France serait bâillonnée, en train de pointer du doigt une succursale de la BNP à Lille. C’est, somme toute, le symbole de « la France » contre « la finance », c’est-à-dire, pour dire les choses clairement, un exemple de plus du caractère tout à fait brun des gilets jaunes.

Comment qualifier autrement ce qui relève d’une dénonciation du « mauvais » capitalisme, présenté comme parasitaire, sans aucune critique rationnelle du capitalisme en général ? Quiconque est de Gauche ne peut que s’apercevoir que depuis trois mois, les gilets jaunes étouffent littéralement toute contestation politique, toute lutte sociale, tout mouvement à la base. Le populisme des gilets jaunes, avec ses simplifications outrancières et sa démagogie, a asséché massivement toute « opposition ».

Les 40 000 personnes qui se sont mobilisées hier en France témoignent par ailleurs d’une énième transformation des gilets jaunes : désormais, c’est un style. Il y a une manière gilets jaunes de poser les questions, de formuler les réponses. C’est la conséquence logique de l’hégémonie des gilets jaunes sur « l’opposition » au gouvernement.

C’est donc désormais bien un mouvement politique à part entière. En passant d’environ 300 000 à un noyau dur d’autour de 40 000 personnes, il y a eu beaucoup de contorsions, mais les bases sont maintenant posées, le populisme à la gilet jaune a des contours bien définis. Sur le plan des idées, c’est un syncrétisme, puisant au populisme de Jean-Luc Mélenchon, à l’ultra-gauche, à l’extrême-droite complotiste, au nationalisme. Il est parlé de la « tyrannie de la Macronie », d’une « France pillée par l’oligarchie ».

Les approches, quant à elles, sont éclectiques, comme hier. À Paris, les quelques milliers de gilets jaunes ont marché sur douze kilomètres, avec encore et toujours les Champs-Élysées, cette obsession. Il n’y avait qu’une vingtaine de personnes à Nice, alors qu’à Nantes un peu moins de 2000 personnes étaient rassemblées pour ce qui devait être le grand rassemblement de l’Ouest, avec une traditionnelle ultra-gauche très agressive comme à son habitude, alors que sa variante toulousaine a mis en place des ballons remplis d’excréments comme projectiles.

À Angers, un centre commercial a été bloqué, tandis qu’un millier de gilets jaunes était présent dans le centre de Toulon ; à Soissons c’est le centre commercial Cora, qui accueillait Miss France, qui a été le lieu d’un petit rassemblement, alors qu’un petit groupe organisait un péage gratuit à Chartres. Un autre petit groupe a tenté de bloquer la plate-forme Colis Poste à Erstein, plus d’un millier de personnes était présente à Colmar, cinq cent à Strasbourg, etc.

C’est là du folklore, du pittoresque, mais rien de politique, au sens où il n’y a ni perspective, ni valeurs, ni projet de société. Le drapeau français et l’image d’une France « assaillie » par la finance est le seul horizon de ce qui est une vision du monde véritablement grossière. Ou devrait-on peut-être dire vulgaire ?

Le terme a comme étymologie le mot latin vulgus, désignant la multitude. C’est donc ici très utile, car les gilets jaunes se prétendent le peuple, mais ne sont qu’une foule se vautrant dans l’outrance et la symbolique à peu de frais. C’est donc vulgaire, au sens où cela manque d’élévation, de distinction. Il n’y a pas de valeurs, de culture, d’organisation, tout ces traits du mouvement ouvrier historique, de la Gauche politique qui l’a porté.

En ce sens, si les gilets jaunes s’imaginent de grands rebelles, ils ne sont que le produit du grand lessivage apolitique de ces vingt dernières années, et l’ennemi le moins dangereux qui soit pour le capitalisme que, de toutes façons, les gilets jaunes ne remettent nullement en cause. La seule chose que remettent en cause les gilets jaunes, c’est la politique, et donc la Gauche, car finalement, qui a besoin de la politique à part la Gauche, la classe ouvrière, les exploités et les opprimés ?

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L’histoire refoulée – La Rocque, les Croix de feu et le fascisme français, sous la direction de Zeev Sternhell

C’est un ouvrage collectif important qui vient de sortir. Intitulé : L’histoire refoulée – La Rocque, les Croix de feu et le fascisme français, il présente le parcours de François de La Rocque, qui a été à la tête d’un littéralement gigantesque mouvement d’extrême-droite lors de l’entre-deux guerres. Le paradoxe est que malgré l’importance de cela – le quotidien Le Figaro a appartenu à un moment à ce mouvement – il y a très peu de connaissances à ce sujet.

On ne s’étonnera pas que derrière cet ouvrage on retrouve l’historien israélien Zeev Sternhell, auteur de grands classiques sur la  « droite révolutionnaire » en France, présentant notre pays comme un grand laboratoire d’idées mêlant nationalisme et un « socialisme » anti-marxiste. Cette thèse a historiquement mis en rage les historiens français, qui ont toujours nié le fascisme français, présentant notre pays comme « immunisé ».

On va donc en savoir enfin plus sur les Croix de Feu, même si les communistes orthodoxes de lesmaterialistes.com avaient déjà publié un très long dossier sur les Croix de Feu et le Parti Social Français, reprenant les thèses du Parti Communistes français alors. Ce dernier remarquait en effet qu’au-delà de l’apparence « populiste », comme on le dirait aujourd’hui, le mouvement de La Rocque accumulait des armes et organisait de véritables structures militaires, avec même une aviation !

Il est évident que du côté communiste, les Croix de Feu apparaissaient comme une sorte d’anti-mouvement, c’est-à-dire comme les fascistes italiens et les nazis allemands, un mouvement visant directement à concurrencer l’affirmation révolutionnaire communiste.

Telle n’est pas la mise en perspective de Zeev Sternhell, qui est lui d’esprit social-démocrate et voit la « droite révolutionnaire » comme un mouvement d’idées dont la base serait les « anti-Lumières ».

C’est là le prolongement de son ouvrage Ni droite ni gauche, l’idéologie fasciste en France, déjà en 1983 ; Zeev Sternhell se considère comme le grand protecteur des Lumières sur le plan des idées, affirmant que les historiens français ont toujours masqué l’existence d’un fascisme français en quelque sorte « bien de chez nous », dont la base est justement le rejet des Lumières. La préface de l’ouvrage souligne d’ailleurs avec insistance le fait que le philosophe Alain, très connu puisque encore largement présent dans les sujets du bac philosophie, exprimait dans son journal récemment publié un antisémitisme exterminationniste.

De manière intéressante, il est présenté comme « l’idéologue organique du parti radical et, de fait par extension, l’idéologue quasi-officiel de la troisième république » ; on reconnaît ici le concept d’intellectuel organique du communiste Antonio Gramsci, avec en arrière-plan le principe de la bataille des idées pour l’hégémonie culturelle.

Cet ouvrage est donc extrêmement intéressant ; il présente un phénomène historique très important dans l’histoire de France, il permet de renforcer la culture antifasciste, et on peut même y voir une opposition intellectuellement productive entre la vision social-démocrate (ou socialiste) de Zeev Sternhell et la lecture communiste orthodoxe. La Rocque était-il la principale figure d’un mouvement de masses sur la base d’idées anti-Lumières, comme le pense Zeev Sternhell, ou bien l’expression du fascisme comme massification dans une perspective anti-Socialisme, comme l’affirme le dossier des Matérialistes mentionné plus haut ?

Cela ne peut être un débat qui ne fait que commencer et qui doit par ailleurs se multiplier ; il appartient à la Gauche de mettre en place une véritable réflexion quant à la nature du fascisme, la réalité de sa menace, le sens de ses activités. Personne de sérieusement à Gauche ne peut penser que le Fascisme n’a été qu’un accident historique, une simple anomalie de parcours dans l’établissement d’une sorte de société capitaliste libérale-sociale stable au point de devenir éternel. Parler du Fascisme, c’est malheureusement parler de son actualité.

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Génération-s et les élections européennes : « Hope is back »

Génération-s a présenté ses principaux candidats pour les élections européennes. Avec comme mot d’ordre « Hope is back », témoignant d’un entre-soi très propre, très policé, totalement en décalage avec la réalité ouvrière, populaire.

C’est terriblement décevant pour qui espérait que, tout de même, Génération-s porte une certaine modernité, à défaut d’assumer le patrimoine historique de la Gauche. La liste présentée par Génération-s pour les élections européennes de 2019 relève d’un positionnement bobo outrancier, et même pas masqué. La lettre de Guillaume Balas et Claire Monod annonçant la mise en place de la liste se termine même par un « Hope is back », c’est-à-dire « L’espoir est de retour ». C’est là tout un symbole de l’esprit de l’entre-soi de gens des milieux associatifs et liés historiquement au Parti socialiste ; le décalage avec la réalité populaire est énorme.

Le fait que la « votation citoyenne » soit expliquée seulement dans une interview de Benoît Hamon dont l’accès est payant sur le site du Monde annonçait déjà cette orientation. Le document « Un New Deal pour l’Europe Printemps Européen », toujours en cours d’élaboration, ne contient en 43 pages pas une seule fois les mots capitalisme, bourgeoisie, ouvrier. Il faut rappeler ici à Benoît Hamon ce que Pierre Mauroy a déclaré peu avant la terrible défaite de Lionel Jospin en avril 2002 :

« Pour le premier et le deuxième tour, il faut des gestes à l’égard du mouvement populaire. Il faut utiliser les mots de travailleur, d’ouvrier ou d’employé. Ce ne sont pas des gros mots! »

Cela n’a cependant aucune chance d’avoir de l’écho, car la liste des 30 personnes en tête de liste (sur 79) relève précisément de cette liste d’après 2002, avec des racines bien ancrées dans le Parti socialiste.

Il y a ainsi l’eurodéputée Isabelle Thomas, dont le parcours est « exemplaire » ou du moins typique, étant cadre du syndicat étudiant UNEF-ID à partir de 1981, au Parti socialiste à partir de 1983, une des fondatrices de SOS racisme en 1984. Vice-présidente de l’UNEF-ID au moment de la campagne contre Devaquet en 1986, elle est propulsée par François Mitterrand à la direction du Parti socialiste. Elle a rejoint Génération-s dès le départ, ce qui est également le cas de l’eurodéputé Guillaume Balas, qui avait rejoint le Parti socialiste en 1991.

On a également Laura Slimani, ancienne responsable du Mouvement des jeunes socialistes, et Mehdi Ouraoui, qui a fait l’école normale supérieure et donné des cours à Sciences-Po, en étant un des responsables du Parti socialiste à partir de 2005. On trouve Michel Pouzol, né en 1962 et ayant quant à lui adhéré très tard au Parti socialiste, en 2007 seulement, dont il est député de 2012 à 2017. Il a été l’un des porte-paroles de Benoît Hamon pour la présidentielle et a rejoint Génération-s trois mois après sa fondation. Il a été notamment ouvrier au départ, puis vendeur et formateur à la FNAC, professeur au Cours Florent à Paris, scénariste, et même figurant dans Ma 6-T va crack-er de Jean-François Richet.

Il y a l’appoint d’associatifs : Eric Pliez, président du SAMU social qui regroupe plusieurs associations, Françoise Sivignon qui a été présidente de Médecins du monde en France, dont a été bénévole Naïma Charaï qui a été très active dans différentes associations. On trouve également Salah Amokrane, responsable de Takticollectif qui agit dans les « quartiers populaires » et a fait partie de la liste « Motivé-e-s » lancée à Toulouse par le groupe Zebda en 2001.

L’agrégé d’histoire Pierre Serne vient quant à lui d’Europe écologie – Les verts, dont Aurore Lalucq a été une sympathisante avant de rejoindre Benoît Hamon pour la présidentielle.

On a ici des profils entièrement coupés de la classe ouvrière et de la Gauche historique ; on ne trouve grosso modo que des cadres historiques du Parti socialiste, des éléments post-Gauche historique d’après 2002, des associatifs. Croire que cela peut faire le poids, en termes d’idéologie, de culture, de perspective, dans un climat explosif comme celui de la France, ce n’est même pas un doux rêve, c’est de l’inconscience.

Quel intérêt Benoît Hamon a-t-il eu de valoriser les gilets jaunes si ce n’est même pas pour proposer une ligne populaire, un engouement militant pour un projet de changement de société ? Croire qu’une petite-bourgeoisie éduquée et propre sur elle peut maîtriser le cours des choses en s’appuyant sur l’idéal européen est un pur suicide.

Dans l’état actuel des choses, la Droite va briser la Gauche de manière terrible aux prochaines Européennes !