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Refus de l’hégémonie

Déclaration franco-suédoise pour la guerre contre la Russie

Théoriquement, c’est simplement une « tribune », cosignée par Emmanuel Macron, le président français, et Ulf Kristersson, le premier ministre suédois, publiée en France dans Les Echos et en Suède dans le Dagens Nyheter.

En réalité, c’est un accord franco-suédois qui scelle l’alliance à leur niveau, alliance des pays de l’Union européenne pour faire la guerre à la Russie.

Les pays de l’Union européenne ont fourni jusqu’à présent 28 milliards d’euros de matériel de guerre au régime ukrainien, et ce sera 21,2 milliards rien que pour cette année. L’Union européenne prend le relais de la superpuissance américaine, celle-ci pouvant se reconcentrer sur la superpuissance chinoise.

Photo encadrée d’un missile Scalp français. Le texte dit « De Paris avec amour, Rachysty, allez en enfer ». Le terme de « rashiste » est employé par les nationalistes ukrainiens, en mélangeant « russe » et « fasciste »

Le réveil va être très dur pour les Français, qui n’ont jamais compris l’envergure de la question, y compris à Gauche où personne ne s’est soucié de rien. Nous allons à la guerre, nous ne sommes déjà plus dans la paix.

Les bourgeoisies européennes sentent le désastre venir. Elles n’ont plus le choix. Le seul moyen de sauver l’occident, c’est de démanteler la Russie, alors on y va de manière mécanique. Voilà pourquoi même l’extrême-Droite française s’est alignée sur l’Otan, comme l’a fait l’extrême-Droite italienne.

Dans les 10-15 ans, la France mettra en place une armée de masse, ce que le Royaume-Uni et l’Allemagne annoncent déjà de leur côté. Cela sera un mélange de libéralisme moderniste à la Emmanuel Macron et de conservatisme militariste, le second quinquennat d’Emmanuel Macron s’alignant déjà là-dessus.

Le « partenariat stratégique » franco-suédois relève de cette dynamique. La Suède, qui va rentrer dans l’Otan, est d’ailleurs emblématique de la combinaison d’un libéralisme culturel généralisé et d’un nationalisme militariste très dur fonctionnant à l’arrière-plan, sous des dehors « démocratiques ».

Telle est la réalité, la vraie actualité – et c’est là-dessus que doit se fonder la conscience de l’Histoire, celle qui a compris le caractère inéluctable du Socialisme, de son impérieuse nécessité pour briser la barbarie.

« L’année 2024 sera une année décisive pour l’Europe, à un moment où notre liberté et notre souveraineté sont en jeu.

Face aux multiples menaces actuelles, telles que la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine, les perturbations en matière d’approvisionnement énergétique, le terrorisme et la criminalité organisée, ainsi que face à la problématique de la transition vers une économie numérique et bas carbone, la France et la Suède collaboreront plus étroitement pour renforcer la capacité de l’Europe à agir.

Cette semaine, lors d’une visite d’Etat organisée à l’invitation de Sa Majesté le roi Carl XVI Gustaf, la France et la Suède réaffirmeront les liens étroits qui les unissent en concluant des accords relatifs à l’innovation, l’énergie nucléaire et la sécurité. A cette occasion, les deux pays signeront un partenariat bilatéral stratégique pour l’innovation dans des sociétés durables, numériques et résilientes.

La France et la Suède sont toutes deux de grandes puissances industrielles et des moteurs de l’innovation, à la pointe dans plusieurs secteurs, tels que la technologie et l’industrie spatiale.

Ces capacités exceptionnelles doivent être exploitées pour renforcer encore la position géostratégique de l’Europe, réduire ses dépendances stratégiques et bâtir une assise économique plus résiliente et plus solide.

Alors que nous entrons dans une année incertaine, porteuse de multiples menaces pour notre sécurité et notre prospérité, et que l’Europe se doit de jouer un rôle de premier plan dans les transitions écologique et numérique, les contributions de nos deux pays seront essentielles pour rendre l’Europe plus sûre et plus forte.

La France et la Suède collaboreront plus étroitement encore en s’appuyant sur trois constats.

Premièrement, la guerre en Ukraine fait peser un risque existentiel sur la sécurité de notre voisinage. Défendre l’Ukraine, c’est avant tout défendre les principes de souveraineté et d’intégrité territoriale et l’idée selon laquelle la force ne fait pas loi.

C’est la raison pour laquelle la France et la Suède apportent un soutien politique, économique, humanitaire et militaire à l’Ukraine, tant sur le plan bilatéral que par l’intermédiaire de l’Union européenne (UE). C’est également la raison pour laquelle l’UE doit veiller à ce que l’avenir de l’Ukraine soit au sein de l’Europe, tout en renforçant en parallèle la sécurité et la défense européennes.

Lors du Conseil européen de décembre dernier, nous avons pris la décision historique d’ouvrir les négociations d’adhésion avec l’Ukraine, ce qui souligne notre engagement commun en faveur d’une trajectoire européenne pour ce pays.

L’UE doit également prendre des décisions fortes en ce qui concerne le soutien financier à l’Ukraine et parvenir à un accord lors du prochain Conseil européen extraordinaire, qui se tiendra le 1er février. Ce soutien pourrait en effet aujourd’hui revêtir une importance capitale, plus qu’à tout autre moment depuis le début de l’invasion illégale et à grande échelle de l’Ukraine par la Russie il y a presque deux ans.

Si nous voulons que l’Europe se présente comme une puissance géopolitique incontournable, nous devons démontrer que la phrase selon laquelle nous soutiendrons l’Ukraine « aussi longtemps qu’il le faudra » n’est pas vide de sens. Le projet de défense, de réforme et de reconstruction de l’Ukraine sera de longue haleine.

Confrontées à de nouvelles menaces sur le sol européen, la France et la Suède prendront des mesures concrètes pour renforcer leurs relations en matière de défense, notamment dans le secteur de l’industrie, et en faisant en sorte de devenir des alliées au sein de l’Otan dès que possible.

Deuxièmement, la guerre en Ukraine et ses conséquences ont également mis en évidence un autre défi à long terme que l’Union européenne doit relever de toute urgence : accélérer la transition énergétique. Cela sera essentiel à la fois pour atteindre nos objectifs climatiques et pour renforcer la résilience et la souveraineté de l’Europe.

Pour ce faire, nous devons exploiter toutes les sources d’énergie non fossiles dont nous disposons, notamment l’énergie nucléaire, l’énergie éolienne en mer et la bioénergie. C’est le seul moyen d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. La France et la Suède approfondiront ainsi leur coopération tant au niveau bilatéral qu’européen, afin de mettre en place des systèmes énergétiques indépendants des combustibles fossiles, et elles en feront l’élément principal de leur partenariat stratégique actualisé pour l’innovation.

À l’échelle mondiale, il sera indispensable que la capacité de production d’énergie nucléaire triple d’ici à 2050. En tant que membres de l’alliance européenne sur l’énergie nucléaire, la France et la Suède souligneront le rôle essentiel que joue l’énergie nucléaire pour parvenir à la neutralité carbone, et elles s’efforceront de créer des conditions réglementaires, industrielles et financières favorables pour les projets nucléaires.

Conformément à leur déclaration d’intention signée en décembre dernier, la France et la Suède favoriseront également les échanges d’expériences entre les acteurs français et suédois sur des aspects clés, tels que la construction de centrales nucléaires, la sûreté et la recherche. Les deux pays étant parmi les plus grands exportateurs nets d’énergie en Europe, ces échanges profiteront à l’ensemble du continent dans sa transition écologique.

Troisièmement, la résilience de l’Europe va de pair avec sa compétitivité ainsi que sa capacité à bâtir une assise économique solide et à définir un nouveau modèle d’investissement et de croissance pour la décennie à venir.

La coopération économique et industrielle entre la France et la Suède peut jouer un rôle moteur pour la compétitivité de l’Europe, notamment grâce aux projets concrets portés par les entreprises françaises et suédoises dans les domaines stratégiques dans lesquels l’Europe doit réduire sa dépendance, tels que l’espace, l’industrie de la défense, la sécurité des approvisionnements en matières premières critiques ou encore le renforcement du secteur pharmaceutique.

La France et la Suède partagent une même culture de l’innovation et de la technologie au service d’un développement juste et durable, fondée sur une coopération scientifique de qualité. Leur partenariat renouvelé contribuera à la réussite des ambitions européennes en matière de lutte contre les changements climatiques et la pollution et de préservation de la biodiversité. Il leur permettra également de faire face aux progrès rapides de la technologie dans le domaine du numérique.

Il sera également nécessaire d’accélérer les investissements pour rester en tête de la course mondiale et conserver la maîtrise des technologies décisives pour notre avenir. À cet effet, la France et la Suède s’efforceront d’approfondir l’union des marchés des capitaux pour accroître les financements privés en faveur de l’innovation et des transitions en Europe.

Les liens unissant aujourd’hui la France et la Suède, si étroits soient-ils, devront se resserrer encore à l’avenir. Face aux bouleversements géopolitiques actuels, les relations entre les deux pays doivent être développées et approfondies. La coopération franco-suédoise pourra aussi être renforcée dans d’autres domaines, notamment en matière policière et de sécurité, afin de lutter contre le terrorisme et la criminalité organisée. Au niveau de l’UE, nous devons renforcer la coopération opérationnelle et judiciaire, les échanges d’information et la protection de nos frontières extérieures.

En unissant leurs forces pour traiter ces questions déterminantes, la France et la Suède parviendront non seulement à se renforcer elles-mêmes, mais aussi à renforcer l’Europe tout entière.

Ulf Kristersson et Emmanuel Macron »

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Refus de l’hégémonie

Oui, il y a des soldats et mercenaires français en Ukraine

La France fournit du matériel à l’armée ukrainienne et on ne sait pas officiellement de quoi il s’agit précisément. C’est le choix de l’État français, qui ne met en avant que certains armements, notamment les missiles et l’artillerie. La France a pris d’ailleurs la tête de la coalition pour l’artillerie ukrainienne.

Mais cela implique deux choses. Tout d’abord, qu’il y a des cadres militaires pour épauler l’utilisation de ce matériel, car on parle ici de matériel moderne, technologiquement très développé. Ce ne sont pas choses simples à manipuler, il faut des encadrants.

Ensuite, il y a toujours des commandos des forces spéciales pour épauler une armée qu’on soutient. Quand on a du personnel entraîné et surentraîné, on l’utilise.

Concernant ce dernier point, l’armée britannique l’a reconnu de son côté. L’armée française ne l’a pas fait et ne le fera jamais, car ce n’est pas dans son style de travail. Si l’armée britannique appelle également ouvertement la population à se préparer au conflit, à une intervention sur le continent, du côté français, on est toujours dans le déni de tout.

L’opinion publique doit dormir, et c’est tout : les choses seront accélérées quand il le faudra. C’est un moyen d’endormir, jusqu’au dernier moment.

La Russie essaie de bousculer cela. Il y a ainsi eu l’annonce du ministère russe de la Défense d’une frappe de haute précision à Kharkiv / Kharkov, à la mi-janvier 2024, contre ce qui était censé être un point de déploiement temporaire de combattants étrangers, dont la plupart étaient des mercenaires français. Selon le ministère, plus de 60 militants ont été éliminés.

Depuis, treize noms ont été donnés : Albert Aymeric (22.12.1999), Alexis Drion (13.06.1986), Bérenger Guillaume Alain Minaud (30.12.1978), Charles Bertin Roussel (01.09.1996), Emmanuel Tanguy Kenneth Delange Grandal (26.09.1998), Gilles Bernard Sylvain (27.10.1980), Jacques-Pierre Gabriel Evrard Philippe (29.09.1987), Jean-Pierre Bonnot Chris Heraid (18.07.1999), Marcellin Démon (23.05.2002), Maris André Dubois Clément (28.09.1995), Sébastien Claude Rémy Bénard (04.04.1974), Thomas Jérémie Nathan Gourier, (24.02.1996), Valentin Dupoy Mel (02.01.1994).

Selon certains médias russes, le point de déploiement consistait à récupérer les cadavres de soldats français des forces spéciales.

Si du côté français, l’affirmation russe a été rejetée et l’information vite passée à la trappe, du côté russe cela ne s’arrête pas. La chambre basse du Parlement russe a ainsi, le 24 janvier 2024, appelé le Parlement français à prendre en considération les faits et à ne pas soutenir le régime de Kiev, à la fois nazi et en train de s’effondrer.

Le ton est en apparence assez cordial, à l’image des propos de Viatcheslav Volodine, président de la séance :

« Le Parlement est un organe collégial. Nous faisons appel à ceux qui défendent une France forte et souveraine, à ceux qui pensent à la France, respectons la mémoire de leurs grands-pères et arrière-grands-pères comme nous respectons, ceux qui comprennent ce qu’est le fascisme et qui comprennent cela n’aideront jamais les nazis en Ukraine.

Mais ils n’ont pas assez d’informations.

Peut-être que notre appel aidera beaucoup de personnes à prendre la bonne décision. Et cela signifie qu’ensemble, nous construirons un monde multipolaire, un ordre mondial juste et que nous n’autoriserons pas une troisième guerre mondiale. »

C’est un appel aux forces néo-gaullistes en France, traditionnel de la part de la Russie. En même temps, c’est étrange, car ces forces n’existent pratiquement plus dans notre pays.

L’alignement français sur la superpuissance américaine est complet, et de toutes façons l’armée française s’est imbriquée dans l’Otan. Un décrochage rien que sur le plan militaire demanderait des efforts immenses, un déchirure complète dans l’appareil d’État (au moyen du fascisme) ou bien sa liquidation (par le Socialisme).

On doit donc considérer l’initiative russe comme une simple tentative d’au moins bousculer les choses en France, où les gens n’ont toujours pas compris que, c’est vrai, nous sommes en guerre avec la Russie. Cela prend encore plus de sens alors que la France et l’Allemagne, au côté du Royaume-Uni, tentent (vainement) de remplacer la superpuissance américaine sur le plan de la fourniture d’armements et de munitions à l’armée ukrainienne.

D’où surtout, en fin de compte, l’accusation de la part de la chambre basse du Parlement russe de la présence de mercenaires français sur le sol ukrainien :

« Malgré le fait que Paris nie officiellement la participation de mercenaires français au conflit militaire en Ukraine et que l’activité mercenaire soit interdite par la loi française, des informations objectives sur les pertes dans les unités de mercenaires néonazies indiquent de manière fiable le contraire. »

La Russie dénonce donc la France comme co-belligérante ; c’est un pas dans l’escalade. La Russie dit en quelque sorte : la France s’est lancée dans la partie, sans le dire ouvertement, nous allons faire en sorte qu’elle soit forcée à tomber les masques.

Donc, vrai ou pas vrai concernant la frappe, cela ne change pas grand chose au fond. Surtout qu’on trouve une très forte incrustation de la scène activiste d’extrême-Droite française dans l’armée ukrainienne (par l’intermédiaire d’Azov), et qu’à l’arrière-plan tout cela est forcément géré par l’Otan.

La Russie a également mentionné les mercenaires français au Conseil de Sécurité de l’ONU, et l’ambassadeur français a été convoqué.

Sur la convocation de l’ambassadeur de France au ministère des Affaires étrangères de la Fédération de Russie

19-01-2024

Le 19 janvier, le ministère russe des Affaires étrangères a convoqué l’ambassadeur de France Pierre Lévy, qui a été informé de l’implication croissante de Paris dans le conflit en Ukraine.

Ainsi, à la suite d’une frappe de haute précision du 16 janvier par les forces armées de la Fédération de Russie sur un site de déploiement temporaire de combattants étrangers à Kharkov, un groupe de mercenaires français a été détruit.

Selon les informations disponibles, environ 60 combattants ont été tués et 20 autres ont été blessés. La plupart d’entre eux étaient des citoyens français.

L’ambassadeur a été informé que la mort de ses compatriotes reposait sur la conscience des autorités françaises, qui cautionnent le travail des mécanismes de recrutement dans le pays, à l’aide desquels des mercenaires sont recrutés pour participer aux hostilités aux côtés du régime de Kiev.

La conduite d’une « guerre par procuration » par l’Occident, y compris la France, et l’augmentation constante des livraisons d’armes et d’équipements militaires au régime de Zelenski contredisent les déclarations sur l’importance d’établir la paix, provoquent une escalade des hostilités et font de nombreuses victimes parmi la population civile et en font un complice des crimes de guerre du gouvernement de Kiev.

Nous espérons que le grand public français recevra enfin des informations véridiques sur l’ampleur réelle de l’implication de la France dans le conflit et prendra conscience de la responsabilité de la mort et des souffrances d’un nombre croissant de gens, qu’il doit partager avec ses autorités.

Au sens strict, cet épisode est anecdotique ; historiquement, il montre que du côté français les carottes sont cuites. La France pensait passer à travers les mailles du filet, et faire à la française en jouant « intelligemment » sur tous les tableaux. La Russie va tout faire pour que ce ne soit pas le cas.

Cela veut dire qu’un antagonisme militaire va devoir être assumé ouvertement du côté français, et cela aura nécessairement un impact sur le cours des choses dans le pays. On passe un cap dans la marche à la guerre!

Et notre rôle est de saboter notre camp, donc de nous opposer à l’armée française et à l’Otan !

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Refus de l’hégémonie

L’Ukraine veut annexer une partie de la Russie

Cette fois, c’est officialisé. Le régime ukrainien compte annexer les régions de Belgorod, de Briansk,de Koursk, de Voronej et de Rostov, ainsi que le kraï de Krasnodar. C’est officialisé par un décret présidentiel.

Nous avions déjà parlé de la carte – en fait, nous avons même été les seuls à le faire –  qu’on trouvait dans les bureaux de Kyrylo Boudanov, le directeur du renseignement militaire ukrainien.

Cette carte montre justement le découpage de la Russie en plusieurs zones, avec une partie à l’ouest annexée par l’Ukraine.

Kyrylo Boudanov, par ailleurs, nie dans une interview au Financial Times du 20 janvier 2024 que l’Ukraine se retrouve dans une situation militairement catastrophique. Il faut dire que c’est là un quotidien britannique au service de la grande bourgeoisie du pays ; il appelle ainsi à confisquer tous les avoirs russes en Europe !

C’est Robert Zoellick, ancien Secrétaire d’État adjoint des États-Unis et président de la Banque Mondiale, qui se charge de cette mission d’évangélisation en ce sens. Il dit : les contribuables risquent de râler, par contre si on prend l’argent russe, c’est une manière « élégante » de combattre la Russie.

C’est une fuite en avant belliciste, et le régime de Kiev, cette marionnette au service des Etats-Unis (et de la Grande-Bretagne) a donc justement d’officialisé la carte de Boudanov. L’Oukase présidentiel n°17 du 22 janvier 2024 affirme que des territoires appartenant à la Russie sont en fait historiquement ukrainiens.

On notera que les nationalistes ukrainiens exigeaient déjà cela en 2014, comme ici repris par des soutiens français.

C’est une preuve de plus que le nationalisme ukrainien est l’arrière-plan du régime, de l’armée et de l’idéologie diffusée dans tous les pays.

Nous aurions aimé dire le contraire : nous avons alerté pendant six mois, avant le début du conflit, sur la menace russe pesant sur l’Ukraine, expliquant que la guerre était inéluctable.

Mais que faire, le régime ukrainien s’est révélé un pur outil américain pour détruire la Russie. C’est au suicide d’une nation auquel on assiste.

Voici un exemple ce cela avec Le Figaro et l’AFP, début janvier 2024.

Des symboles nazis tatoués

L’Ukraine paie cela très cher : des voix se sont fait entendre pour que le régime reconnaissance qu’il y a eu 500 000 soldats blessés ou morts, alors que de manière officielle il est prévu de mobiliser 500 000 soldats de plus.

On n’y échappera pas, le nationalisme ukrainien est jusqu’au boutiste, il ne veut pas « protéger » l’Ukraine, mais détruire les « Moscovites ».

Le décret signé par Vladimir Zelensky rentre dans cette narration nationaliste. Il dit en ce sens qu’il faut reconnaître que les territoires concernés en Russie sont ukrainiens, et que la Russie a commis des crimes contre les Ukrainiens: c’est la fameuse thèse délirante de l’Holodomor.

Comment les Ukrainiens ont-ils pu accepter cette thèse délirante alors qu’ils parlent pour beaucoup russe, ont de la famille en Russie, sont liés à la culture russe, cela reste la grande question et cela montre bien que le nationalisme est capable de profondément aveugler.

Puis, le décret dit qu’il faut associer ce projet aux « peuples asservis par le Russie ». C’est là où on rejoint la carte de Boudanov et le projet de dépecer la Russie, au nom d’une « décolonisation ». C’est la conception nationaliste ukrainienne comme quoi les Russes ne seraient que des « Moscovites ».

On remarquera au passage que la ligne ukrainienne est ethno-nationaliste, alors que justement la Russie se présente comme une fédération. Cela explique la scission dans l’extrême-Droite française entre les ethno-nationalistes (qui forment la quasi totalité des troupes et soutiennent à fond le régime ukrainien, et de fait l’Otan) et les conservateurs / traditionalistes rêvant d’un empire décentralisé.

Pour l’extrême-Droite française, le régime ukrainien est le fer de lance de l’occidentalisme, de la « pureté » nationale, contre le mélange des peuples, fut-ce dans une Fédération.

Voici les extraits fondamentaux du décret, avec sa construction juridico-idéologique rentrant dans le cadre du dépeçage de la Russie.

À propos des territoires de la Fédération de Russie historiquement habités par les Ukrainiens

Compte tenu du fait qu’au fil des siècles, la Russie a systématiquement commis et continue de commettre des actions visant à détruire l’identité nationale, à opprimer les Ukrainiens, à violer leurs droits et libertés, y compris sur les terres historiquement habitées par eux dans le Kouban, Starodubshchyna, le nord et l’est de Slobozhanshchyna, dans le cadre de les limites des oblasts modernes de Krasnodar Krai, Belgorod, Briansk, Voronej, Koursk et Rostov de la Fédération de Russie,

soulignant la nécessité pour la Fédération de Russie de respecter ses obligations internationales visant à garantir aux Ukrainiens vivant sur ses territoires, y compris ceux historiquement habités par des Ukrainiens de souche, le droit de recevoir un enseignement en langue ukrainienne et son libre usage civil, social, culturel et religieux droits humains, accès aux médias de langue ukrainienne, droit de réunion pacifique (…)

le Cabinet des ministres de l’Ukraine devra élaborer, avec la participation d’experts internationaux, de représentants du Congrès mondial des Ukrainiens, de scientifiques et du public, et soumettre au Conseil national de sécurité et de défense de l’Ukraine un plan d’action pour préserver la sécurité nationale, l’identité des Ukrainiens dans la Fédération de Russie, y compris sur les terres historiquement habitées par eux (…).

Il s’agit de résoudre la question de la collecte et de l’étude des faits et des témoignages sur les crimes commis contre les Ukrainiens qui vivent (vécu) sur les territoires de la Russie, historiquement habités par des Ukrainiens de souche, sur la politique de russification forcée, de répression politique et de déportations des Ukrainiens, de restauration et de préservation de la mémoire historique, y compris en ce qui concerne la création d’un centre sur les questions spécifiées.

Il en va de l’intensification des travaux visant à lutter contre la désinformation et la propagande de la Fédération de Russie concernant l’histoire et le présent des Ukrainiens en Russie et de tous les peuples asservis par celle-ci, avec la participation de scientifiques, d’experts, de représentants du public ukrainien à l’étranger et d’organisations d’Ukrainiens à l’étranger, nationaux et étrangers, pour préparer et organiser des événements visant à démystifier les mythes russes sur l’Ukraine.

Il en va également du développement de l’interaction entre les Ukrainiens et les peuples asservis par la Russie ; il faudra assurer, en collaboration avec l’Académie nationale des sciences d’Ukraine, la préparation et la distribution en Ukraine et dans le monde de documents sur l’histoire de plus de mille ans de la formation de l’État ukrainien, les liens historiques des terres habitées par les Ukrainiens de souche avec l’Ukraine. formations d’États nationaux à diverses périodes historiques.

Comme on le voit, le régime de Kiev a plein d’ambitions… au service simplement du nationalisme ukrainien convergeant avec la superpuissance américaine.

C’est qu’on est à… la moitié de la guerre. En fait, soit elle se termine rapidement, entre janvier et juin 2024, soit elle durera deux ans de plus. Dans tous les cas, la Russie ne s’arrêtera pas avant Odessa et Kharkiv, avec alors une intervention de la Pologne à l’Ouest, provoquant une division de l’Ukraine en trois parties.

Nous sommes en France, pays de l’Otan, notre devoir est de combattre notre propre impérialisme, alors que la France a pris en plus la tête de la « coalition artillerie » pour l’Ukraine. Il faut saboter l’effort de guerre, la propagande belliciste, la soumission à la superpuissance américaine !

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La France et la coalition pour l’artillerie ukrainienne

Nous qui avons annoncé le conflit Russie-Ukraine six mois avant son commencement sommes horrifiés de la nullité de la Gauche française concernant la question de la guerre. Mais tout se paie historiquement et là, la France se retrouve dans un engrenage aboutissant à un sacré réveil.

Nous avions déjà dit comment, à l’occasion du changement de premier ministre, le nouveau ministre des Affaires étrangères s’était précipité en Ukraine. Il avait affirmé à Kiev que la France considérait le soutien à l’Etat ukrainien comme prioritaire. Depuis, l’État français a officialisé sa ligne anti-Russie frontale, et la Russie l’a pris en compte.

Le 16 janvier 2024, le président français Emmanuel Macron a ainsi tenu une grande conférence de presse, avec 30 minutes de présentation puis une réponse aux questions. Il a dit qu’il se rendrait à Kiev en février 2024, que la France livrera 40 nouveaux missiles longue portée et des « centaines de bombes » aux forces ukrainiennes.

Le même jour, l’armée russe affirmait avoir détruit un centre militaire à Kharkiv, tuant 60 mercenaires français, en blessant 200 autres. Est-ce vrai ou est-ce un discours symbolique? C’est peut-être vrai, car toute la scène activiste d’extrême-Droite française est de mèche avec les nationalistes ukrainiens. Dans tous les cas, normalement la Russie ne critique jamais la France et l’Autriche, considéré comme deux pays non hostiles. Cette fois, c’est bien terminé.

Dans la foulée, le 18 janvier 2024, il a d’ailleurs annoncé le lancement de la coalition « Artillerie pour l’Ukraine », dont la France prend la tête. La France va livrer 3000 obus par mois à l’armée ukrainienne, contre 1 000 à 2000 auparavant. Six canons Caesar, payés par l’Etat ukrainien, seront livrés « dans les prochaines semaines », 72 autres doivent trouver des financements collectifs. 

L’Occident finance la guerre de l’Ukraine, le Complexe Militaro-Industriel se structure.

Le même jour, la France prenait, à Lille, le commandement pour un an d’une force terrestre multinationale de l’Otan, dont les effectifs peuvent monter jusqu’à 120 000 hommes. Et l’Otan a annoncé que sa grande manœuvre débutant en février n’aurait pas 41 000 soldats, mais 90 000 !

La manœuvre doit durer… plusieurs mois, doit se dérouler à l’Est de l’Europe face à un ennemi dont les forces sont « relativement équivalentes » à l’Otan. Tous les commentateurs se sont empressés de dire que c’était la Russie, bien sûr. Tout comme, depuis plusieurs mois, les médias diffusent sans cesse l’idée que la Russie voudrait envahir l’Europe.

La manœuvre de l’Otan sera même la plus grande depuis l’effondrement de l’URSS ; c’était en 1988. En 2024, il y aura 50 navires de guerre, 80 avions, 1 100 véhicules de combat.

C’est là le bellicisme des pays capitalistes occidentaux, qui veulent dépecer la Russie et utilisent l’Ukraine pour cela. Depuis décembre, il est clair en effet pour tout le monde que l’Ukraine est en train de perdre militairement, elle ne peut pas continuer comme cela encore une année ou deux.

Alors la France, aux côtés de l’Allemagne, se lancent dans une opération pour soutenir une Ukraine zombie, perdue dans le nationalisme. De facto, c’est un grand pas vers le conflit ouvert. Dans les faits, la France est en guerre avec la Russie. Et il faut saboter notre propre impérialisme!

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Esequibo : second pas vers l’annexion

Après le résultat triomphal du référendum vénézuélien sur l’Esequibo, le président du Venezuela Nicolas Maduro a présenté une carte. L’Esequibo, actuellement une partie de la Guyana, y est présentée comme faisant partie du Venezuela. Nicolas Maduro a demandé à ce que cette carte soit présente désormais partout : dans les écoles, les universités, les lieux publics, etc.

Le nouvel Etat (au sens régional, mais avec de nombreuses prérogatives décentralisées), bien que virtuel, est concerné par trois décisions de la plus haute importance. Tout d’abord, il a désormais un responsable militaire, Alexis Rodríguez Cabello. Celui-ci est désormais « l’autorité unique » de l’Etat dénomme « Guayana Esequiba ».

Alexis Rodríguez Cabello est un partisan de la première heure de Hugo Chavez, le fondateur du régime « bolivarien » vénézuelien à partir de 1999. Il a été notamment le responsable militaire de la Región Estratégica de Defensa Integral de la capitale Caracas et celui de la Garde d’honneur de la présidence. C’est un fidèle parmi les fidèles et sa nomination est résolument une affirmation de jusqu’auboutisme.

Alexis Rodríguez Cabello votant au référéndum

Alexis Rodríguez Cabello est également depuis 2020 député de l’Etat du bolivar, à la frontière avec l’Esequibo. Et dans une ville à l’est de cet Etat, juste à côté de l’Esequibo, va être mis en place un « Servicio Administrativo de Identificación, Migración y Extranjería (Saime) » afin de recenser les habitants du nouvel Etat et de leur fournir des cartes d’identité vénézuéliennes. C’est là un prélude à l’annexion assez clair.

La carte officielle avec le nouvel Etat intégré au Venezuela

Enfin, il a été annoncé la mise en place de la « PDVSA Esequibo », section locale de la PVDSA nationale (Petróleos de Venezuela SA). Elle fournira les licences pour l’exploitation du pétrole, du gaz et des mines (d’or et de bauxite). C’est là une ligne d’affrontement direct avec les entreprises, surtout occidentales mais pas seulement, qui ont investi et se sont mis en rapport étroit avec la Guyana.

Il est intéressant de noter également que la superpuissance américaine avait tout récemment supprimé des sanctions à l’égard du Venezuela dans le domaine pétrolier. Etait-ce une tentative américaine pour freiner le Venezuela dans son expansionnisme? En tout cas, deux choses découlent immédiatement de la décision vénézuélienne.

Le Brésil a ainsi envoyé des véhicules blindés, afin de sécuriser sa frontière. Le spectre d’une intervention est là. Comme il y a la jungle partout dans la zone toutefois, la seconde chose est la plus importante. Il est en effet parlé de plus en plus d’une intervention américaine.

Comme l’offensive du Venezuela passerait forcément par les côtes, c’est par un porte-avions que la superpuissance américaine réagirait le plus facilement.

Cette intervention est naturellement souhaitée par le président de la Guyana, Irfaan Ali, qui parle de « menace imminente ». Il a organisé une manifestation le 5 décembre 2023 dans la capitale, dans le stade national. S’il a qualifié de « bouffonnerie » le référendum au Venezuela, il sait que son pays de 800 000 habitants ne fait pas le poids militairement et qu’une épée de Damoclès pèse sur lui.

On est ici dans le schéma classique de la bataille pour le repartage du monde. Le capitalisme en crise provoque, à l’échelle mondiale, les affrontements pour se maintenir et s’étendre. L’onde de choc qui va être ici provoqué sera d’une immense ampleur, de par son arrière-plan qu’est l’affrontement entre les superpuissances américaine et chinoise, les principaux ennemis des peuples du monde.

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Du tapón del Darién à la guerre pour l’Esequibo

Il n’y a pas de route à la frontière entre le Panama et la Colombie, seulement une jungle marécageuse très dense, à cheval entre les deux pays. On appelle la zone le tapón del Darién, le bouchon du Darien.

Or, les Latino-américains veulent quitter leur pays, c’est une tendance générale. Et pour beaucoup, la voie qui mène aux États-Unis ou bien au Canada, passe par le bouchon, qu’ils franchissent à pied, avec leurs baluchons. 130 000 migrants ont donc traversé la jungle en 2021, contre 11 000 pour toute la décennie précédente. Ils ont été 250 000 en 2022 et 500 000 en 2023.

Le parcours, d’une soixantaine de kilomètres, prend si on survit une semaine environ, avec des extrêmes de deux jours et demi et 25 jours, selon les moyens de payer les passeurs. Les mafias contrôlent en effet totalement la zone, et « taxent », vendent à manger ou à boire, volent, violent et tuent comme bon leur semble.

Il y a également désormais même des migrants provenant de Chine, d’Afghanistan, du Bangladesh. Tel est le tiers-monde dont profite l’occident. L’épisode migratoire du tapón del Darién est l’un des chapitres les plus odieux d’un 21e siècle déjà rempli de massacres et d’horreurs.

De ces migrants, un quart sont des mineurs, surtout des enfants ; un peu plus de la moitié sont des Vénézuéliens fuyant leur pays. Car le Venezuela ne se distingue pas des autres pays, en rien ; c’est la même violence endémique, le règne de l’arbitraire, le patriarcat criminel généralisé, l’exploitation par une bourgeoisie repliée sur elle-même et s’accaparant l’administration et l’armée.

Plusieurs millions de Vénézuéliens ont ainsi émigré depuis vingt ans, et c’est en ce sens qu’il faut comprendre le référendum sur l’Esequibo, prétexte à une intense mobilisation nationaliste. Le Venezuela compte bien annexer cette partie de la Guyana, et l’orchestration du référendum a obéi à tous les codes de la démagogie.

Le président du Venezuela Nicolás Maduro, lors du référendum

La région de l’Esequibo est historiquement il est vrai vénézuélienne, cependant l’initiative du Venezuela s’inscrit dans la bataille pour le repartage du monde. L’affrontement sino-américain ouvert, produit de la crise commencée en 2020 qui a débuté par le conflit en Ukraine, commence à s’étaler au monde entier et l’Amérique du Sud n’y coupera pas.

Les résultats du référendum sont sans appel, avec plus de 95% de « oui » pour chacune des cinq questions, qui fournissent au régime toute légitimité pour récupérer la région « par tous les moyens ».

Le nombre de votants est difficile à évaluer ; le régime parle de 10 millions de votants, soit à peu près une participation de 50% dans le pays (qui a 32 millions d’habitants officiellement, sans doute bien moins), l’opposition dit qu’avec cinq questions il n’y a eu en fait 2 millions de votants.

Cela ne change rien au fond, car le régime bureaucratique, pour se maintenir, doit aller au conflit. Un conflit très difficile d’ailleurs, car l’Esequibo, c’est 160 000 km2 de jungle. Une offensive vénézuélienne demanderait de passer par les côtes et de directement affronter l’armée de la Guyana. Un tel acte serait explosif au niveau mondial.

Mais il y a le pétrole, il y a le régime du Venezuela en crise, et il y a la tendance à la guerre qui l’emporte depuis 2020 et l’ouverture de la crise mondiale. Le nationalisme et la guerre s’étendent immanquablement.

Les choses ne peuvent qu’aller relativement vite, c’est une question de semaines ou de mois, sans quoi le régime perdrait ses acquis nationalistes. Et l’ouverture d’une guerre ajouterait un continent au conflit sino-américain mondial, ouvrant encore davantage la boîte de Pandore de la guerre mondiale.

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Refus de l’hégémonie

« El sol de Venezuela nace en el Esequibo »

« Le soleil du Venezuela naît dans l’Essequibo » : comme expliqué ici, le Venezuela se lance dans l’aventure militariste de reconquête de sa région perdu, l’Esequibo. La propagande de l’Etat tourne à fond, profitant d’une vraie question liée au colonialisme britannique et à l’impérialisme américain pour en faire une opération nationaliste d’expansion. C’est dans la joie, la bonne humeur et les rythmes dansants dont ceux du reggaeton que les Vénézuéliens sont hypnotisés dans la marche à la guerre. Le référendum du 3 décembre 2023, dont un test grandeur nature a même été réalisé le 19 novembre 2023, sert de ticket de validation pour justifier le conflit, qui « n’est pas encore armé », comme l’a rappelé le ministre vénézuélien de la défense Vladimir Padrino López.

Hugo Chávez, fondateur du régime « bolivarien » du Venezuela, lié à la Russie et surtout la superpuissance chinoise, n’avait pourtant pas fait de la question de l’Esequibo une question primordiale. Il avait bien souligné l’exigence historique sur cette région, mais tout allait bien tranquillement, car le Venezuela avait d’excellents rapports avec Cuba, et Cuba avec la Guyana. Comme toutefois cette dernière compte désormais profiter des gisements pétroliers découverts dans la zone de l’Esequibo… l’affaire devient autrement sérieuse.

La Guyana entend faire passer sa production à 1,2 million de barils par jour en 2027… Ce qui ferait fait de ce petit pays le troisième plus grand producteur d’Amérique latine derrière le Brésil (actuellement à 3 millions par jours) et le Mexique (1,7 million par jour). Le Venezuela produit en ce moment 750 000 barils par jour. Les principales productions journalières de barils sont les suivantes : Etats-Unis 12,9 et Russie 9,4, Arabie Saoudite 9 et Irak 4,3.

Le Venezuela, pays au capitalisme bureaucratique, est qui plus est en crise interne massive. L’émigration est massive, la violence criminelle endémique. L’opposition a dans ce contexte réussi à tenir une primaire avec 2,4 millions de votants alors que l’élection présidentielle doit se tenir en 2024. D’où la nécessité interne de s’aligner de manière forte sur la bataille pour le repartage du monde, avec n’importe quelle justification.

Le président du Venezuela Nicolás Maduro diffuse ainsi un discours « patriotique » plein d’urgence, comme par exemple le 25 novembre 2023 :

« Je suis très heureux de voir le Venezuela renaître et fleurir dans son union nationale.

Ils ont pris l’avantage de la division du 19e siècle, alors que nous n’avions pas d’Etat, que nous n’avions pas de force militaire.

Ils ont également pris l’avantage lors du 20e siècle.

Mais le 21e siècle est totalement différent, nous sommes unis, nous avons une seule conscience, une puissance militaire, un seul Etat et un seul peuple. »

C’est une démarche expansionniste de sortie du crise qui explique l’opportune redécouverte de la nécessité « patriotique » de récupérer sa région historique… Qui est à l’origine du besoin « pressant » du Venezuela en entier, Venezuela toda !

Naturellement, l’affrontement entre le Venezuela et la Guyana n’est qu’un aspect de la confrontation entre les superpuissances chinoise et américaine. C’est en raison de la logique d’affrontement des superpuissances que les pays du monde, satellisés par la tendance historique, se précipitent eux aussi dans la bataille pour le repartage du monde.

Si la guerre se déclenche – et elle se déclenchera – c’est encore une partie du monde à ajouter dans la liste sinistre des zones acquises au conflit, faisant partie du problème et pas de la solution. La tendance à la guerre mondiale fait tomber les dominos un par un…

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Ni Hamas, ni Israël : ni Pékin, ni Washington

On croit mourir pour la patrie ; on meurt pour des industriels : c’est une vérité qu’on sait bien vraie, lorsqu’on est loin des nationalismes et de l’aveuglement causé par le sang versé. L’affrontement entre le Hamas et Israël le montre bien ; plus on est loin de tout ça, plus on se dit que c’est de la folie, de la folie furieuse, de la folie sanglante.

Oui mais, diront avec justesse les soutiens d’Israël, le Hamas a causé des massacres dont le caractère ignoble dépasse l’entendement. Impossible de ne pas vouloir venger des femmes et des enfants coupés en morceaux et assassinés, et encore est-ce là un euphémisme pour ne pas décrire les horreurs commises.

Oui mais, diront en étant dans le vrai les amis des Palestiniens, en quoi la population de Gaza bombardée serait-elle responsable des agissements du Hamas ? En quoi les enfants, qui forment une bonne proportion des 10 000 morts (au moins) à Gaza, sont-ils coupables ? En quoi la destruction de Gaza rattrape-t-elle les 1300 morts israéliens et ramène-t-elle les 300 otages pris par le Hamas ?

Eh oui, tout cela est vrai, et les Russes et les Ukrainiens pourraient dire des choses tout à fait similaires. Et tout cela est irrattrapable, car c’est l’engrenage, un engrenage qui dépasse bien les Palestiniens et les Israéliens, les Ukrainiens et les Russes.

Car les Palestiniens sont sous la coupe du Hamas, le Hamas est financé par le Qatar et armé par l’Iran, deux pays en pleine logique expansionniste et en phase avec la Chine qui veut remettre en cause l’ordre mondial, à son profit bien sûr. Quant aux Israéliens, ils servent de jouet à la politique américaine dans la région, d’où viendraient sinon tout cet argent et cet armement fournis ?

Nikolay Beliaïev, Les heureux. 1949

L’Ukraine est de son côté devenue une colonie américaine pour mener la guerre à la Russie, et cette dernière est passée sous la coupe chinoise. Même si l’Ukraine et la Russie voulaient s’arrêter, ils ne le pourraient pas, pris dans l’élan d’une mécanique inexorable happant les pays les uns après les autres. Il faut d’ailleurs s’attendre à ce que le Venezuela soit le prochain foyer de tension ?

En vérité, l’affrontement Hamas-Israël, celui Ukraine-Russie, et tous ceux à venir, ne sont rien d’autre, dans leur substance, qu’un aspect du grand affrontement mondial entre la superpuissance américaine et son challenger, la superpuissance chinoise.

Croire qu’on défend les Palestiniens en parlant de la Palestine ou qu’on défend les Israéliens en parlant d’Israël est une fiction : dans les faits, on rentre dans un agenda, celui des superpuissances.

Il n’est bien entendu pas facile de se séparer d’un tel agenda, d’agir en toute indépendance. Mais c’est un préalable, qui doit être conscient, assumé, affirmé. Sans cela, on meurt pour bien autre chose que ce pour quoi on croit mourir. Comme les paroles d’Anatole France, écrites dans L’Humanité en 1922, sonnent justes un siècle après !

« Ceux qui moururent dans cette guerre [de 1914-1918] ne surent pas pourquoi ils mouraient.

Il en est de même dans toutes les guerres. Mais non pas au même degré.

Ceux qui tombèrent à Jemmapes [dans les rangs de la République française en 1792 contre l’invasion de la monarchie autrichienne] ne se trompaient pas à ce point sur la cause à laquelle ils se dévouaient. Cette fois, l’ignorance des victimes est tragique. On croit mourir pour la patrie ; on meurt pour des industriels. »

Heureusement, on peut être certain que la majorité des Français a compris cela et voit d’un très mauvais œil les agitations des uns et des autres afin d’embrigader dans une démarche nihiliste. On reproche souvent aux Français d’être passifs, avec raison, mais cette passivité fondé sur le scepticisme rationaliste à la française a parfois son bon.

Il ne faut pas se laisser piéger par les romantismes irrationalistes faisant qu’on se retrouve à la traîne d’aventures nationalistes dont la seule issue est la catastrophe. Le nationalisme, c’est la guerre.

Et il faut lui opposer le romantisme du Socialisme, le romantisme de la paix correspondant avec le progrès, le collectivisme avec l’épanouissement personnel… L’objectif véritable, c’est la République socialiste mondiale, c’est le phare qui doit guider toute action et tout ce qui ne s’accorde pas avec ça doit être rejeté !

Alexandre Samokhvalov, Sergueï Kirov revoit la parade athlétique, 1935
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Le Venezuela entend annexer une partie de la Guyana

La crise a ouvert la boîte de Pandore de la guerre pour le repartage du monde ; aucune puissance n’y échappe, même si à l’arrière-plan tout dépend de la confrontation sino-américaine. L’Amérique latine a échappé jusque-là à une explosion véritable, même s’il est vrai qu’elle connaît une implosion un peu partout, depuis la hausse gigantesque des prix en Argentine jusqu’aux massacres par les cartels au Mexique.

L’initiative du Venezuela fait toutefois passer un cap, puisqu’on est dans un processus d’annexion. S’il a historiquement tout à fait un sens, le contexte est bien évidemment celui du repartage du monde. Voici comment y voir clair.

Voici trois drapeaux nationaux. Ce sont les drapeaux respectivement du Venezuela, de la Colombie et de l’Équateur. Comme on le voit, ils sont très proches.

La raison de cette similitude tient au fait qu’au début du 19e siècle, ils relevaient tous de ce qu’on appelle désormais la « Grande Colombie ». A l’époque cela s’appelait la « République de Colombie ».

Son président était Simón Bolívar et son vice-président Francisco de Paula Santander. On peut pratiquement dire qu’en Amérique latine, si vous n’êtes pas marxiste (dans la ligne du Péruvien Mariatégui qui dénonce le féodalisme latinoaméricain allié au capitalisme étranger), vous êtes soit pour les libertés et le progrès, donc d’orientation libérale (à la Santander), soit pour la centralisation et les grands projets populistes et par la force (à la Bolivar).

Le territoire de la République de Colombie était vaste ; il concernait non seulement donc la Colombie, l’Équateur et le Venezuela, mais également le Panama (qui fut une invention des États-Unis pour contrôler le canal du même nom), une partie du Pérou, une partie du Brésil, et la partie ouest de la Guyana.

La Guyana est un pays anglophone lié au Royaume-Uni ; c’était la « Guyane britannique », à sa droite on trouve le Surinam et à droite du Surinam la Guyane française.

La Guyane britannique avait conquis son territoire oriental sur le Venezuela en 1899. Depuis, le Venezuela exige de le récupérer ; c’est la partie verte sur la carte suivante ; une partie de la Guyana est également exigé par le Surinam, c’est la partie hachurée sur la carte.

Autant dire que la partie réclamée par le Venezuela, dénommée Esequibo, est énorme ; avec 159 500 km2, elle représente les 7 dixièmes de la Guyana.

Le Venezuela a d’ailleurs officialisé en 2015 la mise en place d’un État numéro 25, appelé Esequibo, et en décembre 2023 il y aura un référendum à ce sujet. Le président du Venzuela chauffe le pays à blanc, expliquant que tant les partisans de Chavez (l’ancien président populiste) que ses opposants doivent être unis pour la reconquête.

Le référendum, qui n’est que consultatif, est en fait une opération de guerre psychologique pour mobiliser en faveur de la guerre. Si effectivement, la région relève bien du Venezuela, la démarche rentre totalement dans la bataille pour le repartage du monde.

Il n’existe pas de cause « juste » sans indépendance par rapport à la bataille pour le repartage du monde, et là on est plein dedans avec un Venezuela lié à la Russie et la Chine.

Les questions du référendum seront les suivantes :

1) Acceptez-vous de rejeter par tous les moyens, conformément à la loi, la ligne frauduleusement imposée par la sentence arbitrale de Paris de 1899, qui vise à nous priver de notre Guyane Essequibo ?

2) Soutenez-vous l’Accord de Genève de 1966 comme seul instrument juridique valable pour parvenir à une solution pratique et satisfaisante pour le Venezuela et la Guyane concernant la controverse sur le territoire d’Essequibo ?

3) Êtes-vous d’accord avec la position historique du Venezuela de ne pas reconnaître la compétence de la Cour Internationale de Justice pour résoudre la controverse territoriale quant à l’Essequibo ?

4) Acceptez-vous de vous opposer, par tous les moyens légaux, à la prétention de la Guyane de disposer unilatéralement d’une mer aux frontières en cours de délimitation, illégalement et en violation du droit international ?

5) Êtes-vous d’accord avec la création de l’État d’Essequibo et le développement d’un plan accéléré de prise en charge globale de la population actuelle et future de ce territoire qui comprend, entre autres, l’octroi de la citoyenneté et d’une carte d’identité vénézuélienne, conformément à l’Accord de Genève et le droit international, incorporant par conséquent ledit État sur la carte du territoire vénézuélien ?

Ces questions ne disent pas qu’il faut mener la guerre, mais tout ce qui y est dit l’implique. C’est un pas de plus dans le conflit généralisé pour le repartage du monde.

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Ce qu’est le Hamas et pourquoi la Gauche ne doit pas converger avec

Le colonialisme n’a pas produit que des mouvements anticoloniaux de gauche ; il a également donné naissance à des fondamentalismes. On parle ici de gens idéalisant le passé, de manière religieuse surtout, et rejetant tout ce qui est « moderne ».

Lors de la colonisation de l’Algérie par la France par exemple, les religieux musulmans avaient ainsi réussi à faire en sorte que les paysans arabes rejettent les médecins et ne mettent pas les enfants à l’école. Le choix quasi absolu fut de conserver un « statut personnel » musulman, empêchant l’accès à la citoyenneté française en raison de la dépendance avec le droit coranique (pour le mariage, l’héritage, etc.). La population juive algérienne s’est au contraire précipitée dans la brèche, mettant de côté le droit religieux, ce qui lui a permis d’acquérir la nationalité française avec le décret Crémieux.

Le pays où le fondamentalisme islamique s’est développé initialement, c’est l’Inde ; cependant, le Hamas appartient à un courant fondamentaliste musulman né quant à lui en Egypte, en 1928, avec Hassan Al-Banna : ce sont les « Frères musulmans ». Le programme des Frères musulmans n’est pas original en soi : le monde moderne est totalement mauvais, il faut en revenir au passé et à ses traditions.

Le symbole des Frères musulmans, le mot sous les épées est « préparer »

Le Hamas – harakat al-muqâwama al-‘islâmiya, mouvement de la résistance islamique – a été fondé en 1987 comme section palestinienne des Frères musulmans. Il établit, grâce à des moyens financiers extérieurs, des jardins d’enfant, des universités, des hôpitaux et des cliniques, des organisations caritatives, etc.

C’est un mouvement qui rejette dès le départ l’OLP et la Gauche palestinienne en général, au nom de la religion. Lors de la première intifada, il refuse par conséquent de soutenir l’unité des organisations palestiniennes, menant ses propres activités en parallèle, avec une bienveillance connue de l’État israélien heureux de voir les Palestiniens se diviser.

Pour la même raison, le Hamas n’a pas participé aux élections en Palestine en 1996, ni n’a reconnu la mise en place de l’Autorité palestinienne issue des Accords d’Oslo, signés en 1993 par le premier ministre israélien Yitzhak Rabin et le chef de l’OLP Yasser Arafat.

Le président de la superpuissance américaine Bill Clinton au milieu de Yitzhak Rabin et de Yasser Arafat

Une partie de la Gauche palestinienne refusa également de soutenir ces Accords, considérés comme nuisibles aux Palestiniens. Seulement, un événement majeur s’était produit. Lors de la guerre du Golfe au début des années 1990, tant la Gauche palestinienne, de type nationaliste laïc, avait soutenu l’Irak de Saddam Hussein… Les pays du Golfe cessèrent alors tout financement en leur faveur, privilégiant désormais le Hamas.

Le Hamas commença à mener des actions armées, et ce d’autant plus que les pays du pétrole et du gaz devenaient de plus en plus riches. Car, en 2023, c’est le Qatar qui paie l’intégralité des fonctionnaires et du budget du gouvernement du Hamas à Gaza. Et c’est l’Iran qui fournit l’argent et le matériel pour ses unités militaires.

La Turquie reste plus en retrait en apparence, mais son président Recep Tayyip Erdoğan appartient lui-même au courant des Frères musulmans. Il y a eu brièvement également comme pays convergents la Tunisie (avec le parti gouvernemental Ennahdha de 2011 à 2021) et l’Egypte (avec Mohammed Morsi en 2012-2013, avant son renversement par un coup d’État militaire anti-Frères musulmans). Autrement dit, le Hamas est indissociable du mouvement des Frères musulmans et de leur stratégie.

Le dirigeant du Hamas, Ismaël Haniyeh, ici sur une photographie du ministère russe des Affaires étrangères, est basé au Qatar, mais également en Turquie

L’Iran, pourtant, n’a rien à voir avec les Frères musulmans : ces derniers sont sunnites, l’Iran est chiite. Ce n’est pas la seule différence. L’Iran veut que l’État soit théocratique. Les Frères musulmans veulent que l’État soit… comme il veut, du moment qu’il reconnaît les valeurs de l’Islam comme fondamentales. Il y a d’ailleurs une scission des Frères musulmans qui veut un Etat théocratique et dispose pour cette raison du soutien de l’Iran : le Djihad Islamique en Palestine.

Comme justement cette organisation est forte à Gaza, et que l’Iran contrôle le Hezbollah au Liban, un accord avec le Hamas était facile à trouver. Le fondamentalisme mêle ici à un jeu de grandes puissances. On a ainsi l’Iran qui soutient le Hamas, Hamas qui a soutenu la « révolution syrienne » contre l’État syrien de Bachar al-Assad (un chiite laïc), État syrien de Bachar al-Assad… qui est soutenu par l’Iran.

Tel est ce qu’on appelle en France « l’Orient compliqué ». Et on peut ajouter à cela que si comme on le sait la superpuissance américaine finance et soutient massivement l’État israélien… Ce dernier a désormais d’excellents rapports avec l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis (dont fait partie Dubaï). Et qui est un ennemi juré de l’Arabie Saoudite et des Emirats Arabes Unis ? Le Qatar.

25e anniversaire du Hamas à Gaza en 2012 (Fars Media Corporation, wikipedia)

Comme on le voit, il n’y a rien dans tout cela de démocratique et de populaire. On est dans les intérêts économiques, financiers, politiques ; on est clairement dans la bataille pour le repartage du monde. Le Hamas n’est qu’un pion pour les uns, tout comme Israël est un pion pour les autres, et en dernier ressort on retombe toujours sur l’affrontement par pièces interposées des superpuissances américaine et chinoise.

Toute alignement, même toute convergence avec l’un des protagonistes anti-démocratique et anti-populaire est plus qu’une erreur, c’est une faute politique. Cela dessert les peuples qui cherchent à frayer une voie démocratique dans une situation absolument horrible et sanglante. Le Hamas n’est en aucun cas une composante de l’affirmation historique du tiers-monde ! Seul le drapeau rouge a un sens, une signification historique !

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L’amer constat de la Gauche israéliene

L’attaque menée par le Hamas le 7 octobre 2023 n’avait pas de portée militaire ; c’était une attaque choc visant à provoquer une onde de choc par un massacre. Un tel nihilisme rentrait dans le jeu des puissances s’affrontant : ici Israël et l’Iran, avec à l’arrière-plan toujours les superpuissances américaine et chinoise.

Pour la Gauche israélienne, qui avait gagné beaucoup de points en dénonçant le nationaliste Benjamin Netanyahou et ses projets de réforme de l’Etat, l’attaque du Hamas a été un coup de poignard. Un autre poignard, dans le dos celui-là, a été de voir que l’existence même de la Gauche israélienne était passée par pertes et profit par des gens s’imaginant de gauche mais célébrant un tel massacre, au nom des « Palestiniens ».

Comme si un tel massacre les aidait ! Une solution ne peut être que populaire et démocratique, comme l’exigeait la Gauche palestinienne… à ses débuts, avant sa capitulation devant soit les Etats-Unis, soit les Frères musulmans.

Faut-il s’aligner sur les uns, sur les autres, ou faut-il dire qu’il n’y a qu’une option possible, celle de la Gauche?

L’appel d’une partie de la Gauche israélienne qu’on trouvera ici va pour cette raison dans le bon sens ; même si on est loin du compte, on y trouve une base raisonnable, démocratique, loin des folies furieuses ne menant qu’aux catastrophes.

Déclaration au nom de progressistes et de militants pacifistes basés en Israël concernant les débats sur les événements récents dans notre région :

Nous, universitaires basés en Israël, leaders d’opinion et militants progressistes engagés en faveur de la paix, de l’égalité, de la justice et des droits de l’homme, sommes profondément peinés et choqués par les événements récents dans notre région.

Nous sommes également profondément préoccupés par la réponse inadéquate de certains progressistes américains et européens face au ciblage des civils israéliens par le Hamas, une réponse qui reflète une tendance inquiétante dans la culture politique de la gauche mondiale.

Le 7 octobre 2023, le Hamas a lancé une attaque sans précédent comprenant des meurtres massifs de civils innocents dans leurs maisons, des violences aveugles contre les femmes, les personnes âgées et les enfants, ainsi que des enlèvements massifs de citoyens israéliens.

Des familles entières ont été anéanties dans ce carnage, des communautés entières ont été réduites en cendres, des corps ont été mutilés, des nourrissons ont été massacrés.

Il est impossible d’exagérer les dégâts causés par ces événements, tant au niveau personnel que collectif. Les événements traumatisants de ce samedi d’octobre laisseront une marque durable dans nos cœurs et nos mémoires.

Comme prévu, en réponse aux actions du Hamas, l’État d’Israël a lancé une opération militaire massive à Gaza. Nous ne pouvons toujours pas estimer le nombre de victimes de ces attaques, mais il est probable qu’il soit plus élevé que tout ce dont nous avons été témoins jusqu’à présent.

Ce cycle d’agression sape gravement notre lutte de longue date contre l’oppression et la violence et dans la poursuite des pleins droits et de l’égalité pour tous les résidents d’Israël-Palestine.

En ce moment, plus que jamais, nous avons besoin du soutien et de la solidarité de la gauche mondiale, sous la forme d’un appel sans équivoque contre la violence aveugle envers les civils des deux côtés.

Beaucoup de nos pairs dans le monde ont exprimé leur ferme opposition à l’attaque du Hamas et ont offert leur soutien sans ambiguïté à ses victimes.

Des voix éminentes dans le monde arabe ont également clairement indiqué que rien ne pouvait justifier le meurtre sadique de personnes innocentes.

Cependant, à notre grande consternation, certains éléments de la gauche mondiale, qui étaient jusqu’à présent nos partenaires politiques, ont réagi avec indifférence à ces horribles événements et ont parfois même justifié les actions du Hamas.

Certains ont refusé de condamner la violence, affirmant que les étrangers n’ont pas le droit de juger les actions des opprimés.

D’autres ont minimisé les souffrances et les traumatismes, arguant que la société israélienne était à l’origine de cette tragédie.

D’autres encore se sont protégés du choc moral grâce à des comparaisons historiques et à une rationalisation.

Et il y a même ceux – un nombre non négligeable – pour qui le jour le plus sombre de l’histoire de notre société a été un motif de célébration.

Cet éventail de réponses nous a surpris. Nous n’aurions jamais imaginé que des individus de gauche, défenseurs de l’égalité, de la liberté, de la justice et du bien-être, feraient preuve d’une telle insensibilité morale et d’une telle insouciance politique.

Soyons clairs : le Hamas est une organisation théocratique et répressive qui s’oppose avec véhémence aux tentatives visant à promouvoir la paix et l’égalité au Moyen-Orient.

Ses engagements fondamentaux sont fondamentalement incompatibles avec les principes progressistes, et la tendance de certains gens de gauche à réagir positivement à ses actions est tout à fait absurde.

De plus, rien ne justifie de tirer sur des civils à leur domicile, rien ne rationalise le meurtre d’enfants devant leurs parents, rien n’est raisonnable dans la persécution et l’exécution des gens à une fête.

Légitimer ou excuser ces actions équivaut à une trahison des principes fondamentaux de la politique de gauche.

Nous soulignons qu’il n’y a aucune contradiction entre s’opposer fermement à l’asservissement et à l’occupation des Palestiniens par Israël et condamner sans équivoque les actes de violence brutaux contre des civils innocents. En fait, tout personne de gauche qui est cohérente doit occuper les deux positions simultanément.

Le 7 octobre est un jour sombre dans l’histoire d’Israël-Palestine et dans la vie des peuples de cette région.

Ceux qui refusent de condamner les actions du Hamas nuisent énormément aux chances de voir la paix devenir une option politique viable et pertinente.

Ils affaiblissent la capacité de la gauche à présenter un horizon social et politique positif, la transformant en une force politique extrême, étroite et aliénante.

Nous appelons nos pairs de gauche à revenir à une politique fondée sur des principes humanistes et universels, à prendre une position claire contre toute forme de violation des droits de l’homme et à nous aider dans la lutte pour briser le cycle de violence et de destruction.

Les signataires de cet appel du 16 octobre 2023 :

Prof. Aviad Kleinberg, président du Centre académique Ruppin

Avirama Golan, auteur et journaliste

Prof. Avner Ben-Zaken, Institut pour la pensée israélienne

Ibtisam Mara’ana , ancien député du Parti travailliste

Adam Raz, historien, activiste des droits de l’Homme
Prof. Dr Eva Illouz, directrice d’études à l’EHESS Paris, membre de l’Institut pour la pensée israélienne

Ofek Birnholtz, Université Bar Ilan

Ortal Ben Dayan, militant social

Ori Ben Dov, militant social

Uri Weltmann, organisateur national de terrain – Standing Together

Ori Kol, entrepreneur social

Dr Or (Ori) Rabinowitz, Université hébraïque de Jérusalem

Orit Sonia Waisman, David Yellin Academic College of Education, Jérusalem

Prof. Oren Yoftachel, Université Ben Gourion du Néguev

Eilon Tohar, militante sociale

Iris Leal, auteur

Alon-Lee Green, codirecteur national de Standing Together

Dr Eli Lamdan, Maison d’édition Nemala

Dr Eli Cook, chef du département d’histoire générale, Université de Haïfa

Almog Kasher, Université Bar Ilan

Professeur Arie M. Kacowicz, Université hébraïque de Jérusalem

Josh Drill, activiste social

Prof. Dr. Orna Ben-Naftali, Faculté de droit et Institut Van Leer de Jerusalem

Josh Drill, activiste social

Professeur Gadi Heimann, Université hébraïque de Jérusalem

Ghadir Hani, militant pour la paix

Prof. Gila Stopler, Faculté de droit, Collège de droit et de commerce

Galia Sabar, Université de Tel-Aviv. Ancien président du Ruppin College

Dr Dov Khenin, ancien député, Hadash, Université de Tel Aviv

David Lehrer, Institut Arava pour les études environnementales

David Grossman, auteur

Dorit Hadar Persky, professeur de maîtrise en éducation spécialisée, Université académique David Yellin pour l’Education, Jérusalem

Prof. Dahlia Scheindlin, politologue et membre du conseil d’administration d’Une terre pour tous

Dr Dan Rabinowitz, Université de Tel Aviv

Dana Mills, auteure et militante des droits de l’homme Professeur

Danny Gutwein, Université de Haïfa

Dr Dani Filc, MD PhD, Standing Together

Hagar Gal, ancienne directrice générale de l’Association pour les droits civiques en Israël (ACRI) et membre dirigeant de Standing Together

Taleb el-Sana, ancien député du Parti démocratique arabe, chef du Haut Comité pour les citoyens arabes du Néguev

Yoav Hareven, membre dirigeant de Standing Together

Yoav Goldberg, Université Bar-Ilan

Professeur Yuval Noah Harari, Université hébraïque de Jérusalem

Jonathan Rubin, Université d’économie Bar Ilan

Yossi Sucary, auteur

Dr Yofi Tirosh, Université de Tel Aviv

Yael Hashiloni-Dolev, Université Ben Gourion, Département de sociologie et d’anthropologie

Dr Yael Sternhell, Université de Tel Aviv

Yiftah Goldman, Collège universitaire d’éducation David Yellin, Jérusalem 

Dr Carmel Shalev, Faculté de droit, Université de Tel Aviv

Lisa Cainan, Collège universitaire d’éducation David Yellin, Jérusalem

Mossi Raz, ancien député du Meretz

Dr Meir Yaish, Université de Haïfa Dr Michal Givoni, Université Ben Gourion

Dr Meital Pinto, Zefat Academic College, Ono Academic College

Meital Peleg Mizrachi, chercheur postdoctoral à l’Université de Yale

Professeur Miri Lavi Neeman, Institut Arava d’études environnementales

Moshe Zuckermann, Université de Tel Aviv

Nadav Bigelman, militant social, membre de Standing Together

Noam Tirosh, Université Ben Gourion du Néguev

Niv Meyerson, militant pour la justice sociale et environnementale

Dr Nir Avieli, Université Ben Gourion du Néguev 

Professeur Nir Barak, Université Ben Gourion du Néguev 

Noam Zohar, Université Bar Ilan

Sally Abed, membre de la direction nationale, Standing Together

Dr Noam Zohar, Université Bar Ilan Dr Oded Y. Steinberg, Université hébraïque de Jérusalem

Adi Makmal, Faculté d’ingénierie, Université Bar-Ilan

Dr. Ofer Waldman, auteur et journaliste

Odeh Bisharat, écrivain

Prof. Professeur Eran Dorfman, Département de littérature, Université de Tel Aviv

Dr Amit Schejter, Département d’études en communication, Université Ben Gourion

Dr Amal Ziv, Université Ben Gourion

Dr Anat Herbst-Debby, Programme d’études sur le genre, Université Bar-Ilan

Prof. Ofri Ilany, PDG de l’Institut Van Leer, historien et journaliste Piki Ish-Shalom, Université hébraïque de Jérusalem

Tzlil Rubinshtein, militant social,

Ran Heilbrunn, écrivain,

Dr. Dr Roni Porat, Université hébraïque de Jérusalem

Ronit Donyets Kedar, Faculté de droit et de commerce

Dr Ruth Halperin-Kaddari, Faculté de droit de l’Université Bar-Ilan

Raphaël Zagury-Orly, Institut catholique de Paris,

Shuli Dichter, activiste et auteur Shlomit Aharoni Lir, Université Bar Ilan

Prof. Shifra Sagy, Université Ben Gourion du Néguev 

Dr Sharon Armon-Lotem, Université Bar-Ilan Dr Sarai Aharoni, Université Ben Gourion du Néguev

Tom Yagil, militant pour la justice sociale et environnementale

Dr Tamar Ascher Shai, Collège universitaire d’éducation David Yellin, Jérusalem

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Refus de l’hégémonie

Automne 2023 : la mort du Karabagh arménien

L’agonie tragique du Karabagh arménien a pris fin le 20 septembre 2023, presque 9 mois jour pour jour après la mise en place d’un blocus militaire total du régime azerbaïdjanais sur ce qui restait de territoire aux mains des séparatistes. Selon les autorités arméniennes du Karabagh, unilatéralement appelé « République d’Artsakh », ce blocus criminel a causé la mort de 213 personnes, majoritairement des civils, dont notamment des enfants, morts des suites de l’affaiblissement ou de manques de soin, comme conséquence directe du blocus.

Durant 9 mois, l’armée azerbaïdjanaise a entretenu un état de siège meurtrier, en verrouillant la seule route d’accès encore ouverte vers l’Arménie, dans l’indifférence totale de l’armée russe censée la garantir, en asséchant le réservoir qui alimentait la principale centrale électrique, fonctionnant de part une turbine hydroélectrique, et en restreignant à leur strict minimum les entrées de marchandises dans le Karabagh arménien.

Les pénuries se sont très rapidement installées et durant des mois et des mois la population civile a subi un effondrement des services publics, notamment d’éducation et de soin, et un rationnement très strict de sa consommation alimentaire et énergétique.

Le sentiment d’abandon et d’étranglement a progressivement gagné la population, alors que jour après jour, les provocations militaires de l’armée azerbaïdjanaise se multipliaient de manière toujours plus menaçante.

La partie était en fait perdue depuis l’écrasante défaite arménienne en novembre 2020. Depuis lors, les autorités arméniennes n’ont fait que se précipiter toujours plus loin dans une suicidaire fuite en avant, prises au piège dans l’étau de la bataille pour le repartage du monde, dont le peuple arménien est ici une victime malheureuse.

Pour le régime azerbaïdjanais, cela n’est pas encore suffisant toutefois : sa seule issue, de par sa nature même, est nécessairement la fuite en avant génocidaire : tout le régime d’Ilham Alyiev s’est littéralement construit sur la promotion d’un nationalisme raciste anti-arménien tourné vers la « reconquête du Karabagh (Qarabagh en turc azéri) et sur l’écrasement de l’État arménien.

Devant ses partenaires internationaux, le régime peut se payer le luxe de promettre officiellement d’intégrer pacifiquement les Arméniens du Karabagh à « l’État multinational » azerbaïdjanais. Mais il le fait en affirmant qu’il poursuivra et condamnera tous les « terroristes » ayant eu maille à partir avec les autorités séparatistes. C’est-à-dire en soi potentiellement l’ensemble de la population arménienne du Karabagh.

De toute façon, il suffit de suivre, ne serait-ce que quelques minutes, n’importe quelle chaîne ou média d’information lié au régime pour se faire une idée de ce que valent ces engagements, au vu de la propagande nationaliste, brutalement militariste, jouant sur la fibre du pantouranisme, pour subjuguer les masses azerbaïdjanaise dans la nasse d’une haine délirante contre les Arméniens.

De leur côté, les autorités arméniennes du Karabagh comme de l’État arménien en tant que tel n’ont rien été capable de faire en direction des masses turques, d’Azerbaïdjan ou même de Turquie. Tenues à bout de bras par la Russie, elles ont même encore jugé bon de jeter leurs dernières maigres forces pour tenter de se dégager de l’emprise de Moscou en se jetant aux pieds de l’Occident.

Il a été par exemple hallucinant de voir au début du mois de septembre le gouvernement arménien annoncer la programmation de manœuvres avec (mais c’est-à-dire sous le commandement de) l’armée des États-Unis, impliquant 175 militaires arméniens et 85 militaires américains, dans le cadre d’une opération de 10 jours, modeste mais significative, appelée Eagle Partner.

Cela au même moment où l’épouse de Nikol Pashinyan, Premier ministre arménien, a été vue à Kiev, où elle a participé a une rencontre des « premières dames et premiers gentlemen » soutenant l’Ukraine, organisées par la femme du président ukrainien, Volodymyr Zelensky, alors que son mari prononçait un discours inédit déclarant très ouvertement que l’Arménie devait diversifier ses partenaires stratégiques et mettre fin à la dépendance envers Moscou

Ce rapprochement avec l’Occident, et notamment les États-Unis, est un alignement complet sur les « conseils » de American Armenian National Security Institute (AANSI), dirigé par le général, à la retraite, MacCarley et Appo Jabarian, dirigeant de médias arméniens à Los Angeles, qui a été très actif auprès des autorités dirigeantes de l’État arménien depuis le début du blocus azerbaïdjanais.

C’est d’ailleurs en plein déroulement de l’opération Eagle Partner que l’Azerbaïdjan a déclenché son attaque finale, forcément avec le feu vert de Moscou, qui n’a pas levé le petit doigt bien sûr. Exactement comme en 2020, c’est par le Karabagh que Moscou puni les autorités arméniennes.

C’est ainsi que meurt tragiquement la nation arménienne d’Azerbaïdjan, dont le Karabagh arménien était le dernier noyau. Nous avons été les seuls à documenter ce conflit, sur la base d’une juste compréhension de la période soviétique, et en particulier celle de la Grande Révolution, puis celle de l’URSS conduite par Joseph Staline, comme ayant été la seule expérience démocratique et unitaire, malgré des insuffisances, qui a permis l’existence et le développement de la nation arménienne d’Azerbaïdjan.

Il est en soi significatif que la clique des Alyev s’est installé au pouvoir dès les années 1960, profitant du révisionnisme pour tisser sa toile empoisonnée du nationalisme pantouranien et étrangler implacablement les Arméniens, jusqu’aux massacres génocidaires de Soumgaït et de Bakou, et jusqu’à la guerre de 2020 et la fin définitive de la nation arménienne d’Azerbaïdjan en septembre 2023.

On ne peut que sentir le cœur se soulever de voir l’immonde Ilham Alyiev, ce traitre à l’Azerbaïdjan démocratique, à genou embraser le drapeau des nationalistes azerbaïdjanais dans la ville de Stepanakert, débaptisée « Xanxendi » selon une fantaisiste toponymie raciste.

Rien que cet acte résume à quel point l’Azerbaïdjan est offensé dans son histoire par les pantouraniens comme Alyev : comme nous l’avons dit et répété, Stepanakert porte le nom du plus grand révolutionnaire d’Azerbaïdjan, Stepan Chahoumian, le « Lénine du Caucase », héros de la Commune de Bakou (1917-1918), que le réalisateur soviétique de nationalité géorgienne, Nikolaï Chenguelaia (1903-1943), a notamment célébré dans un film qui a fait sa notoriété : Les 26 commissaires.

On se demande qui peut parler sérieusement des peuples la Transcaucasie sans connaître justement les œuvres de ce réalisateur, dont les films illustrent si puissamment toute la charge démocratique de cette époque. Le film Elisso par exemple, aborde très justement la tragédie de la déportation meurtrière des Tcherkesses du Caucase en 1864, événement dont la brutalité ouvre dans le Caucase l’ère des impérialismes, dont le génocide des Arméniens en 1915 sera le paroxysme, mais non la fin.

En effet, sorti de la période révolutionnaire et stalinienne de l’URSS, l’histoire de la Transcaucasie comme proie des impérialismes se poursuit à nouveau, et se poursuivra aussi longtemps que ne se lèvera pas une nouvelle étoile rouge de la Révolution, balayant les magouilles impérialistes et les régimes nationalistes de la Caspienne à la mer Noire.

Et cela, il sera impossible de le faire sans les femmes. Qui connaît les Arméniens et leur mobilisation sait à quel point, y compris en France, l’engagement des femmes est déterminant, structurant, à la base même de toute organisation. En France, les mobilisations sont très largement organisées, structurées, élancées par des femmes, qui vont ensuite chercher des hommes pour exprimer, se mettre en avant, parler ou prononcer les discours.

De même, en Arménie et spécifiquement au Karabagh, les femmes ont tenu le pays. Pour prendre un exemple, n’importe qui connaissant Stepanakert et son marché a forcément discuté avec les femmes qui préparaient les succulents Jingalov hats, cette spécialité typique des Arméniens du Karabagh, dont les recettes sont l’objet de discussion effrénée et d’échanges enjouée entre familles, les femmes tenant les ficelles et le haut de la scène sur le sujet. On avait là un aspect significatif dont le pittoresque exprimait de manière touchante les ressorts de la psychologie des Arméniens du Karabagh en tant que peuple.

Ce sont aussi largement les femmes qui se sont impliquées dans la pacification du pays après la guerre de séparation avec l’Azerbaïdjan, s’occupant des enfants et des nombreux mutilés de guerre et surtout des innombrables blessés par les mines, très souvent encore les enfants. Le Karabagh reste un des endroits les plus minés au monde, et ce sont des femmes qui se sont formées pour identifier les zones dangereuses, les isoler et désamorcer petit à petit les engins une fois ceux-ci prudemment localisés.

Le Karabagh arménien a existé et tenu de manière objective par les femmes et leur engagement. Mais celles-ci n’étaient pas au poste de commande, leur vision du monde n’a jamais pu affronter celles des nationalistes qui tenaient les institutions et le pouvoir, et qui ont perdu le pays au bout du compte.

Sans participation des masses au pouvoir, sans femmes au poste de commande, rien ne tient, rien ne peut exister. Le Karabagh arménien est mort sous les coups des nationalistes pan-turcs criminels, qui paieront pour leurs crimes devant l’Histoire. Mais il est mort aussi de ne pas avoir su exister comme nation authentiquement populaire et démocratique. Il est mort de s’être laissé intoxiqué à ses propres illusions nationalistes, il est mort de s’être vendu aux uniformes bellicistes des nationalistes, qui ont infesté son imaginaire et sa culture en le coupant de ses autres peuples-frères du Caucase au lieu de cultiver les gigantesques acquis de l’expérience soviétique et le doux sourire de Nina (jouée par l’actrice Natalia Varleï) dans le film La prisonnière du Caucase, à la valeur si suggestive pour qui regarde le Caucase et ses peuples avec le cœur.

Voici donc la situation maintenant que la nation arménienne d’Azerbaïdjan a été liquidée :

  • La Russie a envoyé un message clair aux autorités arméniennes : l’Arménie sera écrasée par l’Azerbaïdjan sans que Moscou ne bouge si les Arméniens ne reviennent pas immédiatement et complètement dans l’orbite russe. Tout rapprochement avec l’Occident, et notamment avec les États-Unis sera vu comme une provocation, avec l’idée aussi que l’Occident n’interviendra pas de toute façon en faveur de l’Arménie.
  • L’Azerbaïdjan a satisfait une partie importante de ses objectifs, profitant du rapprochement de l’Arménie avec l’Occident pour intervenir de manière écrasante avec l’assentiment de Moscou au Karabagh, et cela avant que l’hiver ne transforme le blocus arménien en catastrophe humanitaire. Car c’est là ce sur quoi l’Arménie comptait pour prendre prétexte à une intervention humanitaire de l’Union européenne, et notamment de la France, avec la bénédiction de Washington, qui se serait ainsi implantée dans la région au détriment de Moscou. Le coup est stratégiquement une leçon d’opportunisme, puisque Bakou réussi à occuper un Karabagh vidé sans violence directe de sa population civile, en se débarrassant de Moscou et en empêchant les Occidentaux éventuellement d’y prendre pied, tout en étant soutenu militairement et économiquement par l’Occident et ses alliés, notamment l’État d’Israël.
  • L’Occident échoue a prendre pied dans la région, à l’exception relative des États-Unis, mais continue à entretenir une pression sur l’Azerbaïdjan et indirectement sur la Turquie afin de clarifier de manière conflictuelle les divergences d’intérêts entre ces États et l’Occident sous hégémonie américaine, dans la perspective du conflit gréco-turc qui est la ligne de mire occidentale dans le secteur. La seule place de l’Arménie dans ce dispositif est de ne pas être un complet satellite de Moscou et de rester au maximum possible un coin dans l’expansion turco-azérie, au moindre coût pour les Occidentaux.
  • L’Iran dévolue à l’Arménie finalement le même rôle stratégique de coin à l’expansion turco-azérie, à laquelle elle s’oppose pour d’autres raisons. Pour l’Iran, la ligne rouge est la question du Syunik, qui s’ouvre directement désormais, c’est-à-dire la revendication de l’Azerbaïdjan à ouvrir a minima un corridor à travers cette région arménienne vers son enclave du Nakhitchevan, afin de se relier quasiment directement à la Turquie, voire à annexer cette région, peuplée de 100 000 habitants, selon un scénario de l’étranglement identique à celui du Karabagh. Toutefois, l’Iran a décidé d’ouvrir en octobre 2022 un consulat général, inauguré par Hossein Amir-Abdollahian, le ministre des affaires étrangères en personne, à Kapan exactement sur la route imaginée de ce futur « corridor » par le régime d’Azerbaïdjan. En alternative à celle-ci, l’Iran a même proposée que le « corridor » soit construit sous son contrôle, en passant par le territoire de l’Iran et non de l’Arménie, ce qui permettrait à l’Iran à la fois de garantir le rôle de glacis sacrificiel à l’Arménie, tout en contrôlant directement les échanges turco-azéris.

Pour ce qui est de la France, à part s’aligner sur les États-Unis en soutenant l’Arménie de par son propre appareil de propagande orientaliste, autant dire qu’elle est inexistante. Le régime arménien compte, ou comptait, un peu quand même sur son engagement, dans le cadre de l’Union européenne, au moins pour une intervention humanitaire au Karabagh, qui n’aura pas lieu désormais.

Mais de toute façon, l’empressement français est très relatif. On n’a même pas vu ne serait-ce que quelques propositions d’accueil ou d’envoi d’une aide humanitaire sérieuse pour les plus de 100 000 réfugiés du Karabagh. On se dit tout de même qu’il est bien loin le temps du romantisme du Moussa Dag.

Mais qui, même dans la Gauche française, comprend sérieusement cette question ? Qui l’a sérieusement étudié, et publié des analyses démocratiques sur ce sujet ?

Par contre, la France a promis une aide militaire, dans l’opacité la plus totale, puisque le conflit gréco-turc, que le régime de France a clairement en ligne de mire, n’est pas encore ouvert. À ce stade, il s’agit encore de poser des jalons, mais des jalons dans l’escalade. L’Arménie est écrasée au Karabagh pour les intérêts de la Russie ? Préparons la à un nouvel écrasement, cette fois pour les intérêts de l’Occident.

Voilà la proposition de l’appareil militaro-industriel de l’État bourgeois en France à l’Arménie.

La tâche de la Gauche en France est d’organiser la vengeance des masses arméniennes du Karabagh, en organisant les masses françaises, notamment turques et arméniennes, sur une base démocratique dénonçant l’étau des haines nationalistes, terreau des guerres impérialistes de repartage du monde qui embrassent le Caucase et étranglent les peuples, en Ukraine, en Arménie, en Palestine… et bientôt encore ailleurs aussi longtemps que les masses ne lèveront pas le drapeau rouge.

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Refus de l’hégémonie

Sahra Wagenknecht et l’économie de guerre allemande

La démarche de Sahra Wagenknecht en Allemagne a ceci de pertinent qu’elle se confronte ouvertement avec la marche à la guerre des deux superpuissances, américaine et chinoise.

Il faut bien comprendre qu’économiquement, la première victime du conflit militaire Russie-Ukraine du côté des pays riches est l’Allemagne, son satellite autrichien y compris. Toutes les économies des principales puissances ont été torpillées par la crise commencée en 2020. Mais l’initiative russe a fait de l’Allemagne un maillon faible, comme celle-ci s’est alignée sur la superpuissance américaine.

Sahra Wagenknecht a indubitablement compris que les masses allemandes allaient protester contre la situation et que le grand risque était celui d’une situation comme celle des années 1930, où c’est le nationalisme qui l’emporte. C’est le cas en Autriche, où la Gauche a acquis une position très marquée contre le capitalisme, mais reste dans l’ombre d’une extrême-Droite assumant d’être contre la guerre à la Russie.

Sa ligne est donc de former un mouvement de masse, afin de bloquer l’extrême-Droite et de permettre une initiative de masse sur une base sociale.

« Ses propres intérêts et la paix au lieu de la fidélité vassalisée et la confrontation »

Voici un long extrait du document d’analyse proposée par le mouvement « Aufstehen » (se lever, se soulever) lancé par Sahra Wagenknecht. Ce document fait partie des éléments constitutifs du parti qu’elle met en place fin octobre 2023.

On y trouve des points essentiels de la vision de Sahra Wagenknecht sur la guerre et la situation allemande.

« L’espoir de nombreux électeurs qu’un gouvernement dans lequel davantage de partis de gauche seraient représentés, et qui remplacerait ainsi le gouvernement conservateur en tant que représentant de l’élite, s’est rapidement évanoui.

Depuis le début de la guerre [entre la Russie et l’Ukraine], le gouvernement de coalition, contrairement au reste du monde, a complètement mis de côté les intérêts nationaux par rapport au capital américain et a déguisé moralement son action en opération d’aide à l’Ukraine.

Au lieu d’œuvrer dès le début à une solution diplomatique (le début remonte à 2014 au plus tard), des armes et de l’argent sont fournis sans cesse.

Le chancelier [social-démocrate Olaf] Scholz a amorcé un tournant. Aujourd’hui, c’est la confrontation qui remplace la détente.

La guerre actuelle a été déclenchée par la Russie. Si on veut y mettre fin, on ne doit pas mettre de côté ce qui a précédé.

En toute allégeance aux États-Unis et à nos dépens, la coalition, avec de prétendus objectifs moraux, vise uniquement à écraser la Russie ([référence aux propos de la ministre des affaires étrangères, écologiste, Annalena] Baerbock) et, si possible, à parvenir à un changement de gouvernement dans ce pays.

Surtout, les sanctions et l’embargo pétrolier ont amené notre économie au bord de l’effondrement dans de nombreux domaines et déclenché une vague sans précédent de « fierté coupable » ([l’expert du proche et moyen-orient Michael] Lüders = aveu d’actes répréhensibles contre la Russie avant la guerre).

Ceux qui sont au pouvoir parlent ainsi toujours sous la forme du « nous » et exigent que nous, les contribuables, acceptions la réduction de notre propre « prospérité » par solidarité avec l’Ukraine. Une majorité est pourtant depuis longtemps opposée au prolongement d’un soutien militaire.

Ces sanctions visaient à priver la Russie de sa base financière, même si les importations de pétrole n’ont pas encore été sanctionnées. Dans une obéissance prématurée, [le ministre de l’économie, écologiste, Robert] Habeck les a arrêtés, causant d’énormes dégâts à notre économie.

En tant que société, nous sommes simplement accaparés et, selon lui, nous devons supporter les difficultés.

Le suicide économique et social dû à une augmentation incommensurable des coûts n’a jusqu’à présent fait que prolonger les morts des deux côtés du front dans la guerre injustifiée de la Russie contre l’Ukraine, mais a causé bien moins de dégâts à l’économie russe qu’à la nôtre.

Mais « nous sommes les bons » ! La propagande de guerre s’accompagne d’une autoglorification morale et d’une perte du sens des réalités.

Bush, Reagan, Clinton et Obama ont mené des guerres comme étant du « bon côté ». C’est pourquoi les sanctions n’ont même jamais été ne serait-ce qu’envisagées.

Ainsi, de l’accord de coalition, peu a été mis en œuvre. « Oser faire plus de progrès », tel est le titre du document de 178 pages, empruntant évidemment à la déclaration gouvernementale de Willy Brandt en 1969, dont le slogan était « Oser plus de démocratie ».

A quoi ressemblent ces progrès ?

Avec le début de la guerre en Ukraine, notre économie est entrée dans le déclin.

L’interdiction d’importer du pétrole et du gaz naturel russes a poussé l’économie à ses limites, à l’exception de l’industrie militaire, qui est en plein essor grâce à l’injection de 100 milliards.

Lorsque le pays est entré en récession, le taux d’inflation a parfois dépassé 10% et s’élève au 23 juillet à 6,4%, même s’il dépasse encore 11% pour l’alimentation.

Cela touche particulièrement les groupes à faible revenu, déjà défavorisés.

Malgré une baisse significative des ventes de produits alimentaires, les bénéfices des leaders de l’industrie ont augmenté grâce à des prix abusifs criminels.

Cela signifie que les bénéfices vont aux riches, tandis que l’augmentation des coûts affecte particulièrement la population la plus pauvre.

La demande intérieure a été considérablement ralentie et, tout comme la baisse des exportations, elle a un impact sur la conjoncture négative.

Compte tenu de la hausse des prix des denrées alimentaires allant jusqu’à 20%, le flux vers les banques alimentaires a considérablement augmenté et, dans certains cas, a doublé. de sorte que des arrêts d’admission et des réductions de quantité dans la distribution ont été nécessaires.

C’est une impudence de la part du pouvoir que de confier la prise en charge de la « partie de la population laissée pour compte » à des associations organisées et financées par le secteur privé, sans leur apporter le soutien financier approprié !

En Allemagne, plus de deux millions de personnes dépendent désormais de l’aide alimentaire. Le besoin est probablement encore plus grand, car de nombreuses banques alimentaires ont cessé de les accepter.

Les dividendes des actionnaires ont cependant augmenté. De moins en moins de bénéfices sont restés dans l’entreprise, de plus en plus sont allés aux propriétaires (…).

Notre économie est en récession « technique » depuis le printemps 2023.

La production économique (produit intérieur brut, PIB) a diminué tant au quatrième trimestre 2022 qu’au premier trimestre 2023. Et les perspectives ne se sont pas améliorées depuis.

L’Allemagne connaît cette année la pire situation parmi toutes les grandes économies. Et ce sera probablement la seule grande économie à connaître une contraction. Cela veut dire : le FMI s’attend à une récession pour l’Allemagne.

L’industrie chimique en particulier s’est affaiblie, car les sanctions pétrolières et gazières y ont eu un impact particulier, mais aussi les secteurs des machines-outils et de l’électrotechnique.

Contrairement aux « citoyens normaux », l’économie allemande peut fuir. Une entreprise sur cinq envisage de délocaliser sa production à l’étranger.

Les petits fournisseurs qui ne peuvent pas déménager avec nous seront conduits à la ruine !

Il y a également un exode de travailleurs qualifiés. Environ 1,2 million de spécialistes bien formés et pour la plupart hautement qualifiés ont émigré en 2022.

Le budget fédéral 2024 prévoit des économies dans presque tous les domaines afin de pouvoir financer les dépenses d’armement et de guerre tout en respectant le frein à l’endettement (…).

La démocratie occidentale actuelle est une démocratie d’élite. Elle ne repose pas sur une volonté unifiée de la société, car la société est divisée en raison de différents intérêts économiques et de différentes visions du monde quant au développement.

Les élites comprennent des personnes qui ont beaucoup de pouvoir et qui, socialement, proviennent presque exclusivement des classes les plus riches et les plus capitalisées.

Leur attitude face aux inégalités sociales est essentiellement façonnée par leurs origines sociales exclusives et homogènes : c’est la base de leur pouvoir et de la mise en œuvre des politiques néolibérales !

Cependant, il n’existe pas une élite fermée, mais plutôt différents groupes d’élite, généralement liés les uns aux autres par leurs origines sociales.

Ils vivent dans un monde parallèle depuis leur naissance et ont une culture, une éducation et des opportunités de carrière communes. Cela signifie qu’ils fréquentent des écoles privées d’élite, étudient dans des collèges et universités (privés) d’élite et ont donc déjà un lien avec l’élite au pouvoir. »

Sahra Wagenknecht veut couper l’herbe sous le pied du nationalisme ; le faible niveau politique l’amène à lancer une initiative « sociale » avant tout, mais autour de principes bien circonscrits, comme la paix, le refus de l’OTAN. C’est là ce qui la distingue fondamentalement de gens comme Jean-Luc Mélenchon en France, dont le populisme est sans bornes aucune.

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Refus de l’hégémonie

L’Arménie au bord de l’effacement avant le conflit gréco-turc

L’Arménie connaît une pression énorme, alors que l’Azerbaïdjan a repris ces dernières semaines le contrôle du Nagorny-Karabakh. Autour de 100 000 Arméniens, soit la quasi totalité de la population arménienne locale, ont fui. Désormais, ce qui se trame, c’est l’effacement de l’Arménie, avec un partage du pays par la Russie d’un côté, la Turquie et l’Azerbaïdjan de l’autre, dans le cadre inévitable d’un accord avec l’Iran.

On sait comment tout cela forme un « Orient compliqué » pour les Français, mais il n’est pas difficile de comprendre la carte suivante. Vous avez la Turquie et autour… il y a l’Ukraine, Israël et Gaza, l’Arménie et l’Azerbaïdjan… tous les foyers les plus chauds du moment.

Pour ceux qui veulent approfondir la question turque en tant que telle, il y a l’excellent article « La Turquie, maillon faible de la chaîne des pays dépendants« , qui en 2020 présentait justement la Turquie comme au centre de la nouvelle crise historique qui se joue. La guerre gréco-turque – avec la France alliée « secrète » de la Grèce – s’annonce comme inévitable.

Mais regardons la question arménienne, qui connaît son dénouement. Que restera-t-il de l’Arménie? demandions-nous en septembre 2022. On risque de le savoir très vite malheureusement.

Pourquoi cela? Parce que nous vivons l’époque du repartage du monde et que l’Azerbaïdjan a les moyens de continuer à déstabiliser la région. Son objectif est de parvenir à unifier géographiquement ses régions, une d’entre-elle se situant derrière l’Arménie. Et cela permettrait une jonction avec la Turquie, pays considéré comme frère suivant la théorie employée d’une nation, deux pays.

Quel est le scénario?

Cette unification de l’Azerbaïdjan passerait par tout d’abord la demande d’un « corridor de Zanguezour »… et dans la foulée il y aurait des affrontements militaires ; ce serait tellement le chaos que la Russie serait « obligée » d’intervenir pour agir en tampon…

L’Arménie perdrait des territoires dans le processus et ce qui en reste n’aurait plus qu’un choix pour exister : celui de rejoindre la Fédération de Russie.

Le plan est évident, au point que le premier ministre arménien Nikol Pachinian, de passage au Parlement européen à Strasbourg le 17 octobre 2023, a directement accusé la Russie d’avoir lâché l’Arménie. Depuis plusieurs semaines, il a en ce sens lancé des appels incessants aux pays occidentaux, au point qu’il est considéré du point de vue russe comme un nouveau « Zelensky » en puissance.

La tenaille Russie-Azerbaïdjan est, de fait, une réalité pour l’Arménie, c’est la bataille pour le repartage du monde, une liquidation des acquis de fraternité datant de l’URSS. On notera d’ailleurs que le président d’Azerbaïdjan, Ilham Aliyev, lors de son discours suite à la reconquête du Karabagh, a longuement salué l’époque passée de fraternité entre Arméniens et Azéris au Karabagh. Il était obligé de le faire en raison du prestige historique de l’amitié caucasienne.

Affiche soviétique arménienne des années 1930

Le contexte étant ce qu’il est, les autres puissances se mettent donc de la partie. La France s’est la première lancée et a répondu positivement à l’Arménie. Elle a décidé d’envoyer des armes, le ministre français de la Défense Sébastien Lecornu étant en processus de discussion avec son homologue arménien Suren Papikian. Quelles armes, c’est par contre secret défense, le ministre français ayant même refusé de répondre à ce sujet à des questions du Sénat en octobre 2023.

Le président d’Azerbaïdjan Ilham Aliyev a, en raison de cette vente d’armes, refusé de rencontrer Nikol Pachinian le 5 octobre 2023 à Grenade lors d’un sommet de l’Union européenne. De son côté, Nikol Pachinian a boycotté une réunion de la Communauté des Etats Indépendants, qui regroupe des pays de l’ex-URSS.

Ce qui a provoqué deux réactions. D’abord une déclaration commune du Premier ministre arménien, Nikol Pachinian, du président du Conseil européen, Charles Michel, du président français, Emmanuel Macron, et du chancelier allemand, Olaf Scholz.

Ensuite, une réponse acide du président d’Azerbaïdjan Ilham Aliyev :

« Maintenant, cela soulève la question : l’Arménie veut-elle la paix ?

Je ne le pense pas, car si elle avait voulu la paix, elle n’aurait pas manqué cette occasion.

Le Premier ministre arménien prend six heures de vol pour Grenade et participe à une réunion incompréhensible où l’on discute de l’Azerbaïdjan sans qu’elle y soit présente, mais il ne peut pas voler pendant deux à trois heures jusqu’à Bichkek [au Kirghiztan]. Il a mieux à faire apparemment. »

Car l’Azerbaïdjan sait que les pays occidentaux sont… loin, très loin. La presse azerbaïdjanaise se moque ainsi de la France et de l’ambassadeur Olivier Decotigny, reprenant les discours anti-occidentaux de la Turquie et de la Russie.

Les pays occidentaux ne peuvent que jouer les trouble-fêtes, et d’ailleurs ils n’ont aucun autre objectif concernant l’Arménie. Ce pays passe par pertes et profits dans les calculs impérialistes. Comme d’ailleurs au final tous les pays dans le cadre de l’affrontement entre les superpuissances américaine et chinoise, la seule vraie actualité.

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Refus de l’hégémonie

Joe Biden en Israël contre Vladimir Poutine en Chine

L’actualité mondiale est la conquête de l’hégémonie de la part des grandes puissances. Cela donne en pratique une guerre larvée, d’influence, en plus des théâtres strictement militaires en Ukraine, en Arménie ou en Palestine. Le 18 octobre 2023 était un jour particulièrement marquant pour la grande bataille pour le repartage du monde, avec le dessin toujours plus net de deux grands blocs opposés.

Le premier, celui mené par la superpuissance américaine, tente de maintenir à tout prix ses acquis et ses positions. C’est pour cela que le président américain Joe Biden était en Israël, afin d’y affirmer son autorité au Conseil de guerre israélien.

Pour la forme, il est fait comprendre que les États-Unis soutiennent fermement Israël… et que ce dernier lui est soumis stratégiquement. Joe Biden a dit :

« À la suite de l’attaque terroriste du Hamas, qui était brutale, inhumaine, inimaginable, ce conseil s’est rassemblé, solide et uni. Je veux que vous sachiez que vous n’êtes pas seuls. Comme je l’ai déjà souligné, nous continuerons de soutenir Israël, alors que vous travaillez à la défense de votre peuple. Nous continuerons de travailler avec vous et les partenaires régionaux pour protéger des civils innocents d’autres tragédies. »

Israël est concrètement une base américaine au Proche-Orient, une base militaire, mais aussi politique et culturelle. Tout doit se définir par là. Alors Israël est prié de ne pas trop faire de vague, pour assurer les intérêts américains.

En début de semaine, le secrétaire d’État américain Anthony Blinken avait déjà assisté à l’intégralité du Conseil de sécurité israélien… qui s’était déroulé en bonne partie en anglais, et pas en hébreu moderne. Jamais un pays réellement indépendant ne pourrait accepter une telle supervision, bien entendu.

Et mercredi 18 octobre, pour affirmer sa main-mise, Joe Biden a expliqué notamment qu’il fallait l’entrée d’une aide humanitaire dans la bande de Gaza « au plus vite ». Il veut surtout limiter au maximum la portée politique néfaste mondialement d’un massacre de masse de la part d’Israël à Gaza.

L’armée américaine, qui a fait de grosses livraisons d’armes et de systèmes militaires à Israël, est donc sur le qui-vive dans la région pour faire en sorte que tout reste sous contrôle… et assumer l’escalade au besoin, mais selon les intérêts américains.

Après s’être rendu à Tel-Aviv, Joe Biden devait se rendre à Amman, en Jordanie pour y rencontrer le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, ainsi que le roi Abdallah de Jordanie et le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi.

Il s’agit là de pays et d’une entité largement alignés en pratique sur les États-Unis, mais qui peuvent vite vaciller dans le contexte international. Et que s’est-il passé justement ? La visite a été annulée au dernier moment, officiellement en raison de l’explosion meurtrière survenue l’avant-veille sur le parking de l’hôpital al-Ahli, à Gaza. Il y a eu plusieurs centaines de morts et blessés graves selon le Hamas, quelques dizaines selon l’Union européenne.

Il y a eu tout un battage médiatique mondial pour accuser Israël, alors qu’en pratique l’attaque dans ces conditions d’une telle cible n’était pas cohérente. Israël explique de son côté qu’il s’agirait d’un tir de roquettes (ciblé ou manqué) de la part des brigades al-Qods, c’est-à-dire la branche armée du Djihad islamique palestinien (JIP), une organisation plus ou moins concurrente du Hamas (et liée à l’Iran, bien que sunnite).

Ce qu’il se passe en tous cas, c’est que les forces réactionnaires du monde arabe poussent de manière forcenée pour provoquer coûte que coûte un embrasement et se servent allégrement de cette tragédie autour d’un hôpital. Il y a notamment d’importants remous à Ramallah en Cisjordanie.

Pendant ce temps, la Chine assumait toujours plus clairement et ouvertement sa concurrence au bloc américain. Le 18 octobre 2023, elle recevait encore une fois Vladimir Poutine, le président russe. En l’occurrence pour des questions économiques, mais il a été rabâché à quel point les deux pays sont alignés, s’entendent sur les questions mondiales et veulent continuer leurs coopérations internationales.

Le président chinois a particulièrement insisté sur le « partenariat stratégique global de coordination sino-russe », expliquant que celui-ci est fondé sur un bon voisinage durable et une coopération mutuellement bénéfique, avec un engagement à long terme.

Le président russe a expliqué de son côté que :

« l’évolution du paysage international prouve pleinement le jugement stratégique du président Xi selon lequel le monde subit des changements sans précédent depuis un siècle. La Russie est prête à travailler avec la Chine pour renforcer la communication et la coordination au sein des BRICS et d’autres mécanismes multilatéraux, défendre le système international fondé sur le droit international et promouvoir la construction d’un système de gouvernance mondiale plus juste et équitable. »

Bien entendu, il a été question de la situation palestino-israélienne. Vladimir Poutine n’y est pas allé de main morte pour critiquer indirectement les États-Unis soutenant Israël, en leur opposant la création d’un État palestinien totalement « souverain et indépendant » et « avec Jérusalem comme capitale ».

Le même jour, mercredi 18 octobre 2023, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov arrivait à Pyongyang en Corée du Nord pour deux jours et la Chine recevait les présidents du Kenya, du Nigeria et de l’Indonésie. La veille, elle recevait les dirigeants de Hongrie, du Chili, d’Éthiopie et du Kazakhstan.

La situation mondiale se tend clairement drastiquement, la guerre mondiale se dessine toujours plus nettement avec la concurrence pour l’hégémonie des deux grandes superpuissances que sont les États-Unis et la Chine (et son premier allié la Russie).

Rien n’échappe à la satellisation par les deux superpuissances à moins d’une ligne d’indépendance, fondée sur les principes de la Gauche historique. On n’y est pas, nulle part, et il le faut pourtant à tout prix pour indiquer le vrai chemin à suivre !

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Le nationalisme ukrainien et l’effacement de la Russie

Avant le conflit entre la Russie et l’Ukraine, agauche.org a pendant six mois alerté de l’imminence de ce drame historique et souligné la menace que cela faisait peser sur l’Ukraine. Le déclenchement du conflit a cependant fait basculer l’Ukraine dans un nationalisme forcené, totalement délirant, voulant effacer la Russie.

Le régime ukrainien n’est nullement actif « en défense » de l’Ukraine ; en réalité, son agenda est celui du nationalisme ukrainien combiné à celui de l’Otan, avec comme but la destruction de la Russie. Les exemples suivants montrent l’ampleur de cette fuite en avant nationaliste, où tombent les Ukrainiens qui espèrent obtenir les armes américaines et l’argent européen à l’infini.

La chanteuse d’opéra Anna Netrebko est une grande cible du nationalisme ukrainien

Prenons le prix Erich-Maria-Remarque, du nom du grand écrivain allemand auteur d’A l’Ouest rien de nouveau. Le prix est décerné par la ville allemande d’Osnabrück, dans une optique qui se veut démocratique-pacifiste. Il y a un prix principal et un prix spécial.

Pour 2023, le prix principal est allé à Lioudmila Oulitskaïa. C’est une Russe, opposante depuis longtemps à Vladimir Poutine (un « criminel »). Écrivain, elle s’est opposée à « l’opération militaire spéciale » (une « honte ») en Ukraine et s’est dans la foulée installée en Allemagne. Elle dénonce la Russie depuis plus d’une décennie comme acculturée, nationaliste, ayant une folie impérialiste des grandeurs.

Eh bien celui qui a reçu le prix spécial, le dessinateur ukrainien Serhi Maidukov, a catégoriquement refusé de recevoir son prix. Hors de question d’être aux côtés d’une Russe ! C’est là qu’on voit le degré de fanatisme du nationalisme ukrainien, qui profite de l’appui massif des occidentaux (Maidukov travaille pour les New Yorker, Wall Street Journal, Washington Post, Zeit, Guardian, des quotidiens bellicistes).

Éloge par Le Monde d’une émission d’Arte racontant avec fierté l’interdiction de ce qui est russe à l’opéra de Kiev (« Kiev, un opéra en guerre« )

La contagion est générale ; elle ne concerne pas que l’opéra où tout ce qui est russe est interdit. Prenons Andreï Kourkov, qui est le romancier ukrainien dont les œuvres ont été le plus traduites à l’étranger. Il est né… dans la banlieue de Leningrad et tous ses romans ont été écrit en russe ! Mais lui-même est pour la suppression de la langue russe désormais. Ce qui ne n’empêche pas qu’il soit dénoncé en Ukraine comme « un collaborateur au long cours » pour ses romans écrits en russe…

Au début de 2023, il y a eu, autre exemple, le festival Prima Vista, en Estonie. C’est un pays fanatiquement anti-Russie également. Néanmoins, des opposants étaient systématiquement invités. Or, cette fois, les poètes ukrainiennes Olena Huseinova et Anna Gruver ont refusé de venir. La raison a tenu à la présence de la poète russe Linor Goralik ! Cela va si loin qu’Olena Huseinova a également dénoncé un poète russe habitant aux Canada ayant pris partie dans ses œuvres pour les « victimes » du conflit à Marioupol et Boutcha. Selon elle, c’est de l’appropriation néo-coloniale.

La romancière Oksana Sabuschko s’est pris une volée de bois vert en disant qu’elle n’avait rien contre le fait que ses œuvres soient traduites en russe, tout comme l’historien Jaroslav Hryzak pour avoir accordé une interview au média russe d’opposition (et interdit) Meduza. Pareil pour le romancier le plus connu en Ukraine, Iouri Androukhovytch, qui a été critiqué pour avoir parlé avec le romancier russe Mikhaïl Chichkine à un festival littéraire en Norvège en septembre 2022. Ce Mikhaïl Chichkine, dont la mère est Ukrainienne, vit pourtant en Suisse depuis 1995, publie dans tous les journaux occidentaux anglophones et dénonce Vladimir Poutine depuis le départ !

Le nationalisme ukrainien est une idéologie qui, depuis sa fondation au 19e siècle, vise à l’effacement de la Russie. Cette dernière ne serait qu’un assemblage artificiel produit par la « Moscovie ». Il n’y a donc rien de « russe » à reconnaître. Et même les Russes opposés à « l’opération militaire spéciale » sont donc dénoncés comme des agents du colonialisme. Tel est le fanatisme du nationalisme ukrainien, dont un exemple terrible est la nomination en septembre 2023 d’un nouveau ministre de la défense ukrainien, après un scandale de corruptions.

On parle ici de Roustem Oumierov, né en Ouzbékistan et Tatar de Crimée, où sa famille est revenue en 1991 : les Tatars avaient été déportés en 1944 par l’URSS en raison de leur soutien à l’Allemagne nazie. On comprend par sa nomination que c’est un symbole de la visée ukrainienne sur la Crimée. Cette dernière est russe historiquement et jamais la Russie ne l’abandonnera : le fait de nommer un tel ministre de la Défense montre qu’aucune solution pacifique n’est envisagée ni envisageable par l’Ukraine.

Roustem Oumierov est passé par les États-Unis, notamment avec le « Future Leaders Exchange ». C’est un agent américain. Mais pas seulement : il parle d’ailleurs turc et on comprend le double jeu de la Turquie, qui compte bien faire un partenariat approfondi avec le belligérant victorieux, que ce soit la Russie ou l’Ukraine. Telle est la bataille pour le repartage du monde.

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Les Etats-Unis remplacent la France au Gabon

La France a été une grande puissance coloniale en Afrique et elle a réussi à maintenir sa domination à différents degrés malgré les « indépendances ». C’est ce qu’on a surnommé la « Françafrique ». Le Gabon était considéré comme l’ex-colonie la plus sous le contrôle français, et en août 2023 un coup d’État surprise a changé la donne. Cependant, ce n’est pas au profit du bloc sino-russe : c’est en fait la superpuissance américaine qui a pris le contrôle du pays.

Le Gabon sur le continent africain

C’est une expression de l’effacement continu de la puissance capitaliste française. Alignée sur la superpuissance américaine, elle est aspirée par celle-ci, satellisée. La France ne peut faire que ce que la superpuissance américaine attend d’elle, comme faire un partenariat avec l’Ukraine pour une union politico-militaire au service des intérêts américains en Europe. Si elle est considérée comme pas assez fiable ailleurs, elle est dégagée.

Car le coup d’État au Gabon rentre dans le contexte de la bataille pour le repartage du monde dans la région. Depuis l’irruption de la crise du capitalisme en 2020, l’Afrique du Centre et de l’Ouest a connu une série de coups d’État au Niger, au Burkina Faso, au Soudan, en Guinée, au Mali et au Gabon. Si on excepte le Soudan, on parle de pays francophones et de passage dans l’orbite sino-russe.

Le coup d’État au Gabon est le fruit d’une logique américaine qui dit : la France perd toutes ses billes en Afrique et il faut la remplacer, exactement comme ce fut le cas pour le Vietnam, où la superpuissance américaine avait remplacé la France.

Il faut dire que la présence française au Gabon relevait d’un néo-colonialisme vraiment à l’ancienne. Omar Bongo, le premier président du Gabon « indépendant », est resté à la tête de pays de 1967 à sa mort en 2009. Il a été de toutes les magouilles militaires et économiques avec la France, ainsi que politiques puisqu’il a arrosé des partis politiques. Il a eu 33 femmes et une cinquantaine d’enfants, plaçant toute sa famille à tous les échelons de l’État, etc.

C’est d’ailleurs son fils Ali Bongo Ondimba qui a prit le relais et le coup d’État a suivi de quelques minutes la réélection de celui-ci pour un troisième mandat, avec pratiquement 65% des voix. C’était tellement invraisemblable, tellement bricolé, qu’à part pour les Français arrogants traditionnellement, il était évident que l’instabilité prévaudrait.

C’est pourquoi ce sont les propres services de sécurité de la présidence qui ont mené le coup d’État. C’est une fausse révolution de palais : pour que rien ne change, tout doit changer.

Voilà pourquoi les réactions sont très différentes de lors des coups d’État favorables à la Chine et à la Russie. Le Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union africaine a annoncé la suspension avec effet immédiat du Gabon. Mais il n’y a pas la menace d’une intervention militaire.

La France ne compte pas évacuer ses ressortissants ou couper les fonds des « aides ». Le chef de la diplomatie de l’Union européenne, Josep Borrell, a pratiquement excusé le coup d’État.

« Au Niger, le président était un président démocratiquement élu (…). Au Gabon, quelques heures avant le coup d’État militaire, il y a eu un coup d’État institutionnel car les élections ont été volées (…). Je ne peux pas dire que le Gabon était une vraie démocratie avec une famille qui dirigeait le pays depuis 50 ans. »

Selon lui, le vrai coup d’État « institutionnel » serait même d’avoir truqué les élections ! Autrement dit, rien n’a changé au Gabon à part la puissance tutélaire.

Et tout cela est allé très vite. En juin 2023, Ali Bongo Ondimba etait encore l’invité d’honneur de la rencontre à Paris sur le financement durable, celui-ci étant considéré comme proche par Emmanuel Macron.

Toutefois, il y a eu des signes avant coureurs, surtout l’adhésion du Gabon en 2022 au… Commonwealth ! C’est-à-dire l’union historique de l’empire britannique, et en fait surtout de nos jours une union à caractère anglophone, donc liée de fait à la puissance américaine.

La puissance française a tout simplement été mise de côté. C’est une expression double : à la fois de sa propre décadence et de l’alignement forcé sur les deux superpuissances, américaine et chinoise. On va à la troisième guerre mondiale de repartage du monde et elle a en fait même déjà commencé en Ukraine.

Telle est la réalité historique !

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Conférence des ambassadeurs français: 100% pro régime ukrainien

La France est un satellite américain : l’exemple suivant le révèle entièrement. Chaque année, les ambassadeurs français viennent à Paris, afin d’écouter le ministre des Affaires étrangères donner les directives officielles. On parle ici non pas tant des initiatives « secrètes » propres à la « diplomatie » que du discours officiel à adopter dans chaque pays par les ambassadeurs. Ce discours correspond au bruit de fond que la France entend orchestrer.

Les ambassadeurs français fin août 2023

En août 2023, la conférence des ambassadeurs a été placée dans une optique totalement favorable au régime ukrainien. La ministre française des Affaires étrangères, Catherine Colonna, a tenu des propos bellicistes sans aucune ambiguïté : la Russie doit s’effondrer, s’effacer. Elle avait d’ailleurs invité son homologue ukrainien, Dmytro Kuleba. Une conférence de presse commune a même été réalisée.

C’est là tout à fait révélateur, et on comprend tout lorsqu’on voit que Dmytro Kuleba s’est vanté d’avoir rencontre les responsables du Complexe Militaro-Industriel français. L’Ukraine est une colonie américaine et la France cherche à être le meilleur satellite américain en Europe, en se collant à l’Ukraine.

Le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kuleba salue sa rencontre avec le Complexe Militaro-Industriel français pour une nouvelle coopération et coproduction

Catherine Colonna et Dmytro Kuleba s’étaient déjà rencontrés plusieurs fois, notamment à Odessa pour une véritable opération de propagande. La conférence des ambassadeurs français de 2023 se situe dans le prolongement de telles initiatives, ce que Catherine Colonna a souligné dès le départ lors de la conférence de presse :

« Mesdames et Messieurs,

Je suis heureuse d’être devant vous en compagnie de Dmytro Kuleba.

En fait, si nous avons donné ensemble, souvent, des points de presse, à Kiev, à Odessa, et aux Nations unies à New York, c’est la première fois que nous le faisons ici, à Paris.

Merci, Monsieur le Ministre, merci, cher Dmytro, d’être venu jusqu’ici. C’est la deuxième fois que vous le faites depuis le début de la guerre, puisque j’avais pu vous accueillir au mois de mai dernier, lorsque vous aviez accompagné le Président Zelensky à Paris. »

Elle a enchaîné en expliquant que la France soutenait le régime ukrainien à tous les niveaux, y compris militaire. On a ici la preuve absolument claire que la France est en guerre contre la Russie. Une guerre indirecte, ayant une forme historique particulière, mais une guerre tout de même.

La ministre française des Affaires étrangères, Catherine Colonna

D’ailleurs, la Russie est présentée comme tous les pays ennemis lors d’une guerre : l’ennemi est inhumain, massacre les civils, n’a aucune morale, menace la paix, etc. Par conséquent, la guerre à l’ennemi est une « nécessité absolue », comme le formule Catherine Colonna.

« Cela fait plus d’un an et demi que la Russie ne cesse de cibler, de façon quasi quotidienne, les infrastructures civiles et les populations civiles en Ukraine, comme nous l’avons vu encore ces derniers jours.

Je dois répéter ce que dit clairement le droit international : cibler intentionnellement des objectifs civils est constitutif de crimes de guerre. Plus d’un an et demi, également, que le peuple ukrainien résiste, résiste avec bravoure, et mérite notre admiration, résiste pour défendre la liberté, la souveraineté de son pays, injustement agressé.

Et alors que le Président de la République l’a dit hier, je veux redire après lui que, comme je le disais aussi ce matin à nos ambassadrices et à nos ambassadeurs : la France apporte et apportera tout son soutien à l’Ukraine, dans tous les domaines, politique, diplomatique, juridique, économique, et bien sûr militaire, pour aider ce pays à exercer son droit à la légitime défense.

Et ce soutien se poursuivra, il se poursuivra et s’intensifiera aussi longtemps qu’il le faudra, pour mettre en échec l’agression russe. C’est une nécessité absolue, nous le savons. Une nécessité absolue pour défendre l’Ukraine, mais au-delà, pour défendre aussi notre sécurité collective et l’avenir du système international fondé sur le droit et non sur la force.

Catherine Colonna mentionne les propos du président de la République Emmanuel Macron, qui allaient dans le même sens la veille, tout en expliquant de son côté, de manière voilée, pourquoi la guerre contre la Russie a pris cette forme « indirecte ». C’est qu’elle dispose de l’arme nucléaire ! Le 28 août 2023, il formulait la chose ainsi aux ambassadeurs.

« Je considère que le contexte international se complique et fait courir le risque d’un affaiblissement de l’Occident et plus particulièrement de notre Europe. Il nous faut être lucide, sans être excessivement pessimiste dans ce contexte (…).

 A l’issue de ces deux lois de programmation, nous aurons doublé le budget de nos armées, ce qui est inédit dans la période contemporaine. (…).

Notre sécurité collective et celle de la France, de ses alliés, de ses partenaires européens est, évidemment, avant toute chose, remise en cause par l’agression Russe en Ukraine.

J’ai eu l’occasion de m’exprimer à plusieurs reprises sur ce sujet devant vous l’année dernière et je l’ai fait encore ces derniers mois, en particulier à Vilnius. Il ne faut pas perdre de vue la singularité de ce conflit. Elle repose d’abord sur le fait qu’en Europe, la guerre revient. 

La deuxième chose, c’est qu’elle vient de manière très claire, fouler aux pieds et violer la souveraineté populaire et l’intégrité territoriale d’un État européen. Et à cet égard, violer le droit international.

Qu’elle s’est aggravée avec des crimes de guerres multiples, d’attaques de populations civiles et des scènes que nous avons pu voir et sur lesquelles d’ailleurs nous travaillons par une coopération de nos magistrats, de nos policiers, de nos gendarmes exemplaires.

Ensuite, parce qu’elle implique un membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, qui plus est, puissance dotée. Ce qui change les termes de l’efficacité d’une réponse diplomatique et de la nature, évidemment, de l’engagement politico-militaire. »

On remarquera l’insistance sur la dimension juridique. C’est pour couper les ponts, empêcher tout retour en arrière. Du moment que la Russie est présentée comme criminelle et devant être jugée afin d’être condamnée, par définition il ne peut y avoir aucune négociation et la guerre doit aller jusqu’au bout.

Tout l’appareil idéologique français des « droits de l’Homme » oeuvre en ce sens pour le futur « procès » de la Russie, qui devra aboutir à son démantèlement déjà prévu et à l’effacement de sa culture « criminelle » avec Tolstoï et Dostoïevski. Dans son discours aux ambassadeurs, Catherine Colonna a bien insisté sur ce point.

« Notre soutien est enfin juridique avec le travail mené autour d’un tribunal internationalisé pour juger des crimes commis par la Russie en Ukraine, et l’appui que nous apportons à la Cour pénale internationale et aux enquêteurs ukrainiens.

Avec la conviction que la justice est l’une des conditions de la paix : j’ai ainsi eu l’honneur de présider la première session ministérielle du Conseil de sécurité consacrée à l’Ukraine, et spécifiquement à la lutte contre l’impunité, en septembre dernier (…).

Voici 18 mois maintenant que la Russie a déclenché une guerre sans merci contre l’Ukraine. Voici 18 mois de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, dont la Cour Pénale Internationale s’est saisie et qui valent à Vladimir POUTINE d’être l’objet d’un mandat d’arrêt dans l’un des dossiers les plus abjects parmi ceux dont il s’est fait la spécialité : l’enlèvement d’enfants ukrainiens, déplacés de force en Russie.

Voici 18 mois que la Russie détruit tous les cadres juridiques et moraux qui gouvernent l’ordre international et fondent la paix et la stabilité dans le monde. La constance du crime n’en réduit pas la gravité. »

La France n’est nullement une puissance « indépendante », cherchant à « équilibrer » les forces mondiales, et même s’imaginer qu’elle le devrait est une farce réactionnaire. La France est, de par sa nature même, un satellite américain, un aspect de l’Occident sombrant dans une décadence complète, exprimant l’effondrement du capitalisme à l’échelle historique.

La France s’aligne sur la superpuissance américaine et cherche uniquement à avoir une meilleure part de gâteau… de ce que laissera la superpuissance américaine à ses satellites. Mais le maintien de l’hégémonie américaine est impossible. Le 20e siècle est terminé, et avec lui l’époque de l’hégémonie occidentale. Ce sont les masses mondiales qui font irruption au niveau planétaire et vont faire vivre le 21e siècle !

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La nature des Brics et le rôle central de la Chine

Le nom Brics vient de l’acronyme BRICS formé par les initiales du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la Chine et de l’Afrique du Sud (South Africa) ; c’est une alliance informelle entre ces 5 pays, élargie à partir de 2024 à l’Arabie saoudite, l’Égypte, les Émirats arabes unis, l’Argentine, l’Iran et l’Éthiopie.

C’est la Fédération de Russie qui est à l’origine de ce regroupement, en 2006, en marge d’une assemblée générale de l’ONU. Il y a eu ensuite différents jalons en vue des coopérations multilatérales entre ces pays se considérant au même niveau dans l’échiquier mondial : trop faible pour peser directement face aux puissances occidentales historiques, trop forts pour se contenter d’appartenir au tiers-monde.

Le premier véritable « sommet » des Brics n’eut lieu toutefois qu’en 2009, le 16 juin à Iekaterinbourg en Sibérie occidentale (et quatrième plus grande ville de Russie). La déclaration commune à l’issue disait avoir comme but de :

« promouvoir le dialogue et la coopération entre nos pays de manière progressive, proactive, pragmatique, ouverte et transparente.

Le dialogue et la coopération des pays BRIC sont propices non seulement à servir les intérêts communs des économies de marché émergentes et des pays en développement, mais également à construire un monde harmonieux de paix durable et de prospérité commune.

Le document expose une perception commune des moyens de faire face à la crise financière et économique mondiale. »

Cela ne souffre d’aucune ambiguïté : la volonté des Brics est d’exister de manière alternative à l’hégémonie de la superpuissance américaine. De par leur développement économique respectif, l’importance de leur population (plus de 40 % de la population mondiale) et la primauté de leurs ressources naturelles, ces pays entendent exister mondialement sans avoir à se soumettre aux États-Unis, mais tout en s’intégrant parfaitement dans la mondialisation capitaliste.

C’est pour cela que les Brics ne formaient pas, jusqu’au début des années 2020, une alliance formelle, de type militaire ou encore avec une intégration économique commune d’envergure. Il s’agissait normalement surtout d’une alliance de circonstance, pour peser et faire valoir leur puissance économique qui représentait en 2013 environ 27 % du PIB mondial.

La donne a toutefois changé depuis 2020. D’abord, il y a eu la crise sanitaire, qui s’est généralisée sur le plan économique, a changé la face du monde et chamboulé tous les rapports. Ensuite, il y a le conflit militaire en Ukraine, qui a accéléré la contradiction entre l’occident (sous domination américaine) et la Russie, créant un gigantesque clivage politico-diplomatique planétaire.

L’expansion potentielle des Brics

Surtout, la Chine s’est énormément développée durant les années 2010, devenant ouvertement une superpuissance challenger à l’hégémonie de la superpuissance américaine. Impossible dorénavant de considérer les Brics sans prendre en compte l’importance et le rôle de la superpuissance chinoise.

En fait, il faut même dire que l’existence des Brics, sa forme, ses discours, ses prétentions, intègrent totalement la stratégie chinoise d’hégémonie « alternative ». Voici le titre de l’allocution du président chinois Xi Jinping lors du 15e sommet des Brics à Johannesbourg en août 2023, où a été annoncée l’élargissement de l’alliance :

« Rechercher le développement par la solidarité et la coopération et assumer les responsabilités pour la paix. »

Ces mots choisis de manière très précise résonnent très fort dans tous les pays du tiers-monde, qui comprennent qui leur est proposé de suivre une autre voie que celle de la domination habituelle de la superpuissance américaine.

La Chine, particulièrement en Afrique, passe son temps à faire des accords économiques, acheter des terres, vendre des marchandises, proposer des appuis militaires, tout en prétendant ne pas du tout reproduire le schéma américain de domination.

Les Brics consistent essentiellement en ce support à la Chine dorénavant ; c’est une force d’appui à l’hégémonie « alternative » de la superpuissance chinoise. Voici ce qu’expliquait le porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois à Johannesbourg le 24 août 2023, expliquant les propos de son président durant le sommet :

« Les pays des BRICS sont une force importante pour façonner l’échiquier international, a déclaré Xi Jinping.

Le fait que nous choisissons en toute indépendance nos voies de développement, défendons ensemble notre droit au développement et avançons ensemble vers la modernisation représente l’orientation du progrès de l’humanité et influencera certainement en profondeur le cours du monde, a-t-il affirmé.

La coopération des BRICS se trouve à un moment crucial pour ouvrir de nouvelles perspectives sur la base des accomplissements réalisés, a souligné le président chinois.

Suivant la tendance du développement mondial et répondant aux aspirations des peuples du monde entier, le président Xi Jinping a fait une proposition en quatre points sur la coopération des BRICS dans divers secteurs, traçant la voie à suivre pour une croissance saine et substantielle de la coopération des BRICS.

Nous devons approfondir la coopération commerciale et financière pour stimuler la croissance économique.

Nous, pays des BRICS, devons être des compagnons de route sur le chemin du développement et de la revitalisation, et nous opposer au découplage et à la rupture des chaînes d’approvisionnement, ainsi qu’à la coercition économique, a déclaré XI Jinping.

Nous devons étendre la coopération politique et sécuritaire pour maintenir la paix et la tranquillité, a-t-il ajouté.

Les pays du BRICS doivent maintenir le cap du développement pacifique, se soutenir sur les questions relatives à leurs intérêts fondamentaux respectifs et renforcer la coordination sur les grandes questions internationales et régionales.

Nous devons proposer nos bons offices sur les questions brûlantes, en encourageant un règlement politique, a affirmé Xi Jinping. Nous devons intensifier les échanges entre les peuples, promouvoir l’apprentissage mutuel entre les civilisations et préconiser la coexistence pacifique et l’harmonie entre les civilisations, a-t-il proposé.

Nous devons promouvoir le respect de tous les pays dans le choix indépendant de leur voie de modernisation, a ajouté Xi Jinping.

Nous devons défendre l’équité et la justice et améliorer la gouvernance mondiale, a-t-il noté. Les pays du BRICS doivent pratiquer un véritable multilatéralisme, défendre le système international centré sur les Nations Unies, soutenir et renforcer le système commercial multilatéral centré sur l’Organisation mondiale du Commerce (OMC), et rejeter les tentatives de création de « petits cercles » ou de « blocs exclusifs ».

Nous devons faire avancer la réforme des systèmes financiers et monétaires internationaux et augmenter la représentation et le droit à la parole des pays en développement, a déclaré Xi Jinping. »

Les États-Unis, ainsi que tout le bloc occidental aligné sur la superpuissance américaine, sont directement visés. Il est fait allusion de manière très claire à la guerre en Ukraine entre l’Otan et la Russie ainsi qu’à la domination économique américaine au moyen du dollar et des embargos ou sanctions économiques. La République populaire de Chine prépare également très clairement le terrain en vue d’un affrontement direct avec les États-Unis sur la question de Taïwan.

Mais cela va plus loin que cela, car la Chine s’imagine pouvoir peser durablement et mise particulièrement sur le développement de l’Afrique au 21e siècle.

« En se concentrant sur le thème du sommet « Les BRICS et l’Afrique : Partenariat pour une croissance mutuellement accélérée, un développement durable et un multilatéralisme inclusif », les dirigeants des cinq pays BRICS ont eu un échange de vues approfondi et sont parvenus à un large consensus sur la coopération entre les BRICS et les questions majeures internationales d’intérêt commun.

Les parties sont d’avis que les BRICS doivent renforcer leur solidarité, continuer à embrasser l’esprit d’ouverture, d’inclusion et de coopération gagnant-gagnant, accélérer l’expansion des BRICS, rendre le système de gouvernance mondiale plus inclusif, plus juste et plus équitable, et promouvoir la multipolarité dans le monde.

Les BRICS doivent se soutenir sur les questions concernant les intérêts fondamentaux de chacun et respecter les voies de développement choisies indépendamment par les pays et adaptées à leurs réalités nationales.

Les BRICS doivent contribuer à accélérer la réforme du système financier et monétaire international, augmenter la représentation et le droit à la parole des marchés émergents et des pays en développement, faire progresser le développement durable et promouvoir une croissance inclusive. »

Depuis Johannesbourg, avec l’élargissement à d’autres pays, il devient évident que l’alliance des Brics n’est plus un regroupement informel, secondaire et de circonstance ; c’est un outil de développement pour l’hégémonie de la superpuissance chinoise en concurrence avec la superpuissance américaine.

C’est aussi, voire surtout en ce qui nous concerne en France, le marqueur de la dégringolade de la puissance américaine et de la fin de l’occident ! Non pas qu’il faille croire en l’hégémonie chinoise qui serait « meilleure » (si tant est qu’elle puisse se réaliser d’ailleurs), mais il faut se réjouir et appuyer l’effondrement occidental ; ce sera là le salut de la Gauche, la vraie, pour un monde qui doit changer de base!

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Refus de l’hégémonie

Premier élargissement des BRICS

Le groupe Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud (Brics) s’est élargi à l’occasion de son 15e sommet en Afrique du Sud, à Johannesburg, du 22 au 24 août 2023. Un tel événement, une année et demie après le début du conflit armé entre la Russie et l’Ukraine, reflète la vague de fond qui est l’affirmation historique du tiers-monde contre l’hégémonie de la superpuissance américaine. Non seulement il n’y a pas d’alignement sur cette dernière, mais il y a même un soutien appuyé à son concurrent, la superpuissance chinoise.

La raison de cela, c’est que l’incroyable croissance du capitalisme dans la période 1989-2020, désormais brisée par la crise, a produit un développement massif de trop de pays pour que l’équilibre des forces ne soit pas remis en cause. L’affrontement sino-américain ne concerne pas que les États-Unis et la Chine. Tous les pays du monde participent, à leur échelle, à la grande bataille pour le repartage du monde.

Les BRICS forment le camp des outsiders les plus affirmés. Et les pays membres vont être rejoints en 2024 par l’Arabie saoudite, l’Égypte, les Émirats arabes unis, l’Argentine, l’Iran et l’Éthiopie.

L’exemple de l’Arabie Saoudite est très parlant. Son État a été construit littéralement artificiellement par les États-Unis en raison du pétrole. C’est tellement un satellite néo-colonial que lorsque Ben Laden avec Al-Qaïda tente une révolte justement néo-coloniale contre les États-Unis, cela n’a aucun impact véritable. Et vingt ans après les attentats du 11 septembre 2001, l’Arabie Saoudite s’émancipe de la tutelle américaine pour partir à l’aventure.

Autrement dit, des pays à moitié féodaux, largement soumis économiquement aux pays « riches », deviennent tout de même assez riches pour chercher à tirer leur épingle du jeu. En Argentine, le peuple est dans la misère, mais le pays a atteint une masse suffisamment grande pour tenter de rentrer dans le grand jeu.

Tel est l’appel d’air fourni par en priorité la Chine, mais également la Russie (à travers sa taille et ses ressources), à quoi s’ajoutent l’Inde qui est concurrente de la Chine mais a besoin d’espace face aux États-Unis, le Brésil qui se verrait bien dominer l’Amérique du Sud, l’Afrique du Sud qui aimerait bien devenir la puissance dominante dans la partie Sud de l’Afrique.

Les dirigeants des pays des BRICS dans sa version 2023

Toute une série de pays est d’ailleurs à la porte des BRICS. On parle ici des pays suivants en première ligne, même si la liste n’est pas précisément fixe : Afghanistan, Algérie, Angola, Bahreïn, Bangladesh, Biélorussie, Gabon, Indonésie, Kazakhstan, Mexique, Nicaragua, Nigeria, Pakistan, République démocratique du Congo, Sénégal, Soudan, Syrie, Thaïlande, Tunisie, Turquie, Uruguay, Venezuela, Zimbabwe. Les prochains adhérents seront certainement l’Algérie et le Nigeria, l’Indonésie et la Thaïlande.

Il va de soi que l’intégration des prochains pays est déjà programmé. Le fait d’avoir intégré un pays latino-américain, deux pays africains, trois pays moyen-orientaux, est un signal fort. Il s’agissait de souligner un peu l’interventionnisme sur le continent américain (chasse gardée des États-Unis selon la doctrine Monroe en 1823), beaucoup la perspective africaine, à la folie la mise à la disposition des ressources en pétrole et en gaz.

Ce qui est dit, c’est : « nous avons la masse en termes d’habitants, nous avons le grand poids lourd économique chinois et le grand poids lourds en ressources russe, le moyen-orient se moque de qui dominera du moment qu’il est de la partie, vous avez tout à gagner à nous suivre. »

Le conflit armé en Ukraine a fourni la première étape de la grande remise en cause, la question de Taïwan en fournira la seconde. C’est la fin de l’occident qui se joue.

Le président français Emmanuel Macron a tenté de rendre visite au sommet des BRICS : il s’est fait recaler. La France est désormais clairement considérée comme un simple satellite américain. Elle est en première ligne pour l’intégration de l’Ukraine dans l’Union européenne et dans l’Otan. Ce qui est tenté, c’est un partenariat France-Ukraine pour remplacer l’Allemagne comme force principale en Europe. Pour cette raison d’ailleurs, la droite allemande rage totalement du soutien « trop faible » du gouvernement socialiste allemand au régime ukrainien. L’extrême-Droite exige par contre une alliance avec la Russie.

Le président russe Vladimir Poutine n’a pas pu venir au sommet des BRICS non plus, en raison des poursuites pénales promues par l’occident, par l’intermédiaire de la Cour pénale internationale. C’est le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, qui l’a remplacé, afin d’éviter à l’Afrique du Sud de se retrouver dans un imbroglio juridique international.

Les pays membres ou futurs membres des BRICS ne veulent que prendre la place des pays riches. Cependant, ils affaiblissent historiquement l’ordre mondial, ils contribuent à la remise en cause de l’occident. Et ils portent une pierre bien trop lourde pour eux. La remise en cause totale de l’hégémonie américaine n’impliquera pas l’affirmation de la Chine (ou bien de manière très temporaire), mais bien du Socialisme, car c’est l’ensemble du système capitaliste mondial qui sera totalement ébranlé.

C’est la fin de l’occident et cette fin implique la fin du capitalisme. Et si l’occident croit dans sa quasi intégralité que tout restera tel quel, c’est en raison de l’aveuglement propre à une force en décadence. Le monde a totalement changé depuis 2020, il continue de changer et il ne s’arrêtera plus de changer jusqu’à l’effondrement général du capitalisme !