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La Gauche «programmatique» et sa perplexité quant au mouvement contre la réforme des retraites

Pour trouver une analyse critique, forcément sévère, du combat contre le projet gouvernemental de réforme des retraites, il faut aller du côté de la Gauche « programmatique », qui vit de manière séparée de la Gauche « activiste ».

Muni de tout un arsenal théorique et privilégiant les tournants politiques, la Gauche « programmatique » considère que l’opposition au gouvernement au sujet de la réforme des retraites a été, par définition, mal mise en place, mal organisée. Cette perplexité a en fait un arrière-plan politique, idéologique, dont voici trois exemples, avec les trotskistes de Lutte Ouvrière, les bordiguistes du Parti Communiste International et les maoïstes du PCF (mlm).

Voici l’éditorial de Lutte Ouvrière qui, à son habitude, ne parle pas des syndicats et appelle à témoigner de la volonté de lutte en votant pour les listes Lutte Ouvrière aux municipales.

« Le gouvernement s’apprête à utiliser l’article 49.3 de la Constitution pour imposer la retraite par points sans vote au Parlement. Avec plus de 300 députés LREM à l’Assemblée, il est pourtant sûr d’avoir la majorité. Il est simplement pressé d’en finir au plus vite avec une réforme qui a mis des centaines de milliers de travailleurs en grève et qui ne passe pas dans le monde ouvrier.

Quels que soient ses discours sur la nouvelle façon de faire de la politique, Macron préfère les bonnes vieilles méthodes autoritaires. Pour lui, comme pour ses députés, prêts à voter cette loi des deux mains, seuls comptent les intérêts des plus riches de ce pays. L’âge de la retraite sera repoussé et les pensions seront diminuées, parce que le grand patronat veut payer de moins en moins.

La Macronie risque de le payer cher politiquement, et cela très vite puisque les élections municipales auront lieu le 15 mars.

Dans les grandes villes, ce sont des élections politiques, dans le sens où l’on vote d’abord pour un parti. Bien des travailleurs souhaitent rejeter les candidats de Macron sans avoir à voter pour d’autres politiciens qui ne valent pas mieux. C’est pourquoi Lutte ouvrière présente ses propres listes dans la mesure de ses forces. Même si elle est loin de pouvoir couvrir toutes les villes, LO sera présente dans près de 240 communes. »

Pour le Parti Communiste International, l’accent doit se porter sur une dénonciation approfondie des directions syndicales qui ont empêché l’affirmation de la lutte dans un sens prolétarien authentique (Pour lutter contre les attaques bourgeoises, il faut rompre avec les orientations des directions syndicales et revenir à la lutte indépendante de classe !).

« Cet échec n’est pas celui des travailleurs ! Il est celui de l’orientation de la lutte décidée par l’intersyndicale.

Dès le départ, les directions syndicales ont fait tout ce qu’elles pouvaient pour éviter que les prolétaires recourent à des méthodes de lutte classistes : constitution de comités de grève, mise en place systématique de piquets de grève, refus des préavis, envoi de délégations massives aux autres entreprises pour les appeler à rejoindre la lutte, etc.

Ce qui leur importait, c’était d’éviter que le mouvement débouche sur une confrontation générale avec le gouvernement qu’ils n’auraient pas pu contrôler, et qui aurait risqué d’ébranler l’ordre bourgeois.

C’est pourquoi, se refusant à élargir le mouvement sur la lancée de l’entrée en grève des travailleurs des transports, les directions syndicales ont  repris leur funeste tactique des « journées d’action » à répétition et des impuissantes manifestations.

Tout en réaffirmant constamment leur volonté de lutter « jusqu’au retrait » et en multipliant les déclarations combatives démagogiques, elles ont attendu plusieurs semaines, après s’être mises en congé de la lutte pendant les fêtes,  pour appeler à des journées de grève dans les ports ou  déclencher, sous la pression des travailleurs, la grève des éboueurs.

Sans oublier la levée des préavis de grève dans les transports routiers au début de l’année, après l’obtention de quelques miettes, ou l’appel le 28/1 par l’intersyndicale du secteur à la fin de la lutte chez les pompiers – appel qui a suscité la colère des intéressés.

Enfin dans la santé, les appareils syndicaux ont maintenu le mouvement à l’écart de la lutte sur les retraites, et ils noient  les revendications pour les salaires et les conditions de travail du personnel du secteur derrières des revendications interclassistes.

S’il fallait une preuve encore qu’il est impossible de compter sur les directions syndicales, il suffirait de constater qu’elles se sont précipitées le 30/1 pour aller discuter avec le premier ministre du financement de la réforme qu’elles prétendaient combattre – après avoir avancé au mercredi la date de la rituelle « journée d’action » pour ne pas troubler la discussion… »

Pour le PCF (mlm), « Le mouvement contre la réforme des retraites de 2019/2020 a été une fiction », il n’est que le dernier avatar du social-impérialisme représenté en France par le tandem PCF-CGT, par définition totalement honni pour les maoïstes.

« Pourquoi le mouvement contre la réforme des retraites a-t-il été une fiction ?

On doit parler de fiction, car c’est l’aristocratie ouvrière qui a calibré le mouvement contre la réforme des retraites. La forme des luttes, le contenu des revendications, les manière de s’engager intellectuellement et spirituellement dans le mouvement, l’esthétique des informations et des actions… Tout a été paramétré par l’aristocratie ouvrière.

La conséquence en a été une absence totale d’accroche dans la société (…). C’est justement parce qu’il s’agit d’un mouvement de masse qu’on peut et doit parler de fiction. Car le mouvement des retraites n’a été qu’un mouvement de masse de plus dans l’histoire française, dans le cadre d’un capitalisme puissant, très bien organisé, ayant intégré depuis les années 1960 les syndicats au sein même des institutions.

Il suffit de regarder les trente dernières années pour voir que le mouvement contre la réforme des retraites n’est qu’un ajout de plus à une liste déjà longue de mouvement de masse à caractère revendicatif.

C’est une tradition française, qui doit au fait que les rapports d’intégration des travailleurs au sein des institutions ne sont pas aussi bien structurés que, par exemple, en Allemagne, en Suède, en Belgique. Cela tient bien entendu au taux très faible de syndicalisation en France, le pire de tous les pays capitalistes d’ailleurs.

C’est cela la source du style français de négociations au moyen de coups de force symboliques, de rassemblements de masse sans lendemain, de discours contestataires enflammés. Vu de l’extérieur, cela peut impressionner. Quand on voit que cela se répète sans fin, c’est moins convainquant.

Il suffit de prendre l’exemple de la grève contre la réforme des retraites de 2010. La CGT et la CFDT affirment toutes deux que le 23 septembre 2010, trois millions de personnes se sont rendues aux manifestations, dans 239 villes. Qui s’en souvient ? Quel a été l’impact culturel, politique, idéologique ?

Il n’en reste tout simplement rien du tout. De la même manière, personne ne se souviendra qu’il y a eu d’après la CGT 1,8 millions de manifestants en France, le 17 décembre 2019. La raison en est que ce n’est pas de l’Histoire, mais une péripétie relevant de la petite histoire de la pacification des rapports sociaux dans le capitalisme français. »

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La Gauche se fourvoie totalement dans sa dénonciation du 49-3

Toute une Gauche pleurniche de manière véhémente contre le recours « anti-démocratique » du gouvernement à l’article 49-3 de la Constitution. Dommage que l’article ait été utilisé déjà 89 fois depuis 58, dont une très grande partie par la Gauche elle-même…

Nous vivons dans un régime qui est celui de la Ve République, né d’un coup d’État. Cela date de 1958. Découvrir en 2020 qu’il n’est pas démocratique ne tient pas debout. D’ailleurs, la Gauche a initialement dénoncé de manière ininterrompue la Ve République, que cela soit de la part du PCF que de celle de François Mitterrand, qui écrivit à ce sujet un fameux ouvrage, Le coup d’État permanent.

De plus, l’article 49 alinéa 3 de la Constitution a déjà été employé à de très nombreuses reprises par des premiers ministres. On a ainsi Manuel Valls qui s’en est servi six fois entre 2014 et 2016. Dominique de Villepin s’en est servi une fois en 2006, Jean-Pierre Raffarin deux fois, en 2003 et 2004, Alain Juppé deux fois en 1995 et 1996, Édouard Balladur une fois, Pierre Bérégovoy trois fois, Edith Cresson huit fois, Michel Rocard… vingt-huit fois.

Auparavant on a également Jacques Chirac (8 fois), Laurent Fabius (4 fois), Pierre Mauroy (7 fois), Raymond Barre (8 fois), Georges Pompidou (6 fois), Michel Debré (4 fois).

Il est donc absolument ridicule de « découvrir » en 2020 que la Droite est la Droite, que l’article 49-3 est anti-démocratique. Surtout qu’en plus, l’opposition au gouvernement d’ Édouard Philippe a déposé… 22 000 amendements, dans l’unique but de pourrir les discussions parlementaires en prétendant être démocratique.

Ni une, ni deux, le gouvernement contourne le « débat parlementaire » – par ailleurs évidemment purement fictif de toutes façons – et dit la loi passe ou je démissionne. La majorité étant pour Emmanuel Macron, le gouvernement est « sauvé » et la loi passe.

Parler donc de « régime autoritaire » comme le fait Jean-Luc Mélenchon n’a aucun sens. Soit il l’est à la base, depuis 1958, et à ce moment-là il n’y aucune raison de se focaliser sur Emmanuel Macron, ce qui est d’ailleurs l’un des travers imposés par la Ve République.

Dans Le coup d’État permanent, François Mitterrand dit justement :

« En remplaçant la représentation nationale par l’infaillibilité du chef, le général de Gaulle concentre sur lui l’intérêt, la curiosité, les passions de la nation et dépolitise le reste. »

François Mitterrand se demandait même alors :

« Magistrature temporaire ? Monarchie personnelle ? Consulat à vie ? Pachalik ? Et qui est-il, lui, de Gaulle? duce, führer, caudillo, conducator, guide ? »

La critique du recours au 49-3 par la Gauche est donc triplement hypocrite. Déjà parce qu’elle l’a utilisé aussi – on parle ici de la Gauche gouvernementale. Ensuite, parce que cela sous-tend qu’il y aurait un réel débat parlementaire au moment de la mise en place des lois, ce qui évidemment n’est que du théâtre.

Ensuite, parce que le régime lui-même fonctionne ainsi depuis 1958. Seulement comme ni le PS ni le PCF ne comptent en revenir à leurs fondamentaux, il leur faut cacher cela sous le tapis.

Et cela montre que la défaite totale dans le combat contre la réforme gouvernementale des retraites cherche le moindre prétexte pour être « justifié ». Tout sauf la remise en cause, voilà le mot d’ordre de ceux qui refusent d’en revenir à la Gauche historique…

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Réaction du Parti socialiste au 49.3 sur la réforme des retraites

Voici le communiqué du Parti socialiste suite à la décision du gouvernement de faire usage de l’article 49.3 pour la réforme des retraites :

« 49.3 | Réaction du Parti socialiste

Depuis le début du débat parlementaire sur les retraites, les député.e.s socialistes ont fait preuve d’une opposition résolue et utile à la bonne compréhension d’un projet injuste. Avec leurs 700 amendements, ils ont argumenté pied à pied pour faire apparaître les zones d’ombre et les régressions de ce projet.

Le Premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, a été parmi les premiers responsables politiques à mettre en garde le gouvernement contre l’utilisation de l’article 49.3 pour faire taire l’opposition du pays à son projet de réforme des retraites.

Nous apprenons aujourd’hui avec stupéfaction que le président de la République a utilisé un Conseil des ministres extraordinaire, prévu pour lutter contre le coronavirus, pour autoriser le Premier ministre à déclencher le 49.3. Une telle dissimulation est inacceptable.

Quelle urgence y a-t-il à voter un texte dont personne ne connaît le financement et qui n’a pas vocation à s’appliquer avant 2022 ?

Lundi dernier, Olivier Faure, le premier, a demandé au Premier ministre d’agir dans le sens de l’unité de la Nation, de rassembler les Françaises et les Français au moment où le pays doit faire face à ce qui se présente de plus en plus comme une grave épidémie, voire une pandémie. En utilisant le 49.3, le Premier ministre choisit au contraire d’alimenter les ferments de la division. C’est irresponsable.

Jamais un gouvernement, sous la Cinquième République, n’avait fait preuve d’un tel cynisme. Utiliser la peur pour rogner sur la démocratie marque un tournant inquiétant.

Le Parti socialiste appelle le gouvernement à retrouver la voie de la raison et le sens de l’État. Il déposera une motion de censure dans les prochaines heures avec l’ensemble des forces de gauche.

Au-delà, puisque le gouvernement n’a voulu entendre ni les syndicats, ni les organisations professionnelles, ni les manifestants, et qu’il interdit le débat parlementaire, nous appelons les Françaises et les Français à faire usage de leur bulletin de vote les 15 et 22 mars prochains pour faire entendre leur voix. »

 

 

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Retraites: la CGT ne veut pas être écartée de la cogestion du capitalisme

La CGT est dans un situation compliquée : d’un côté elle doit prétendre à une certaine radicalité pour peser, de l’autre elle veut se montrer responsable pour ne pas être écarter définitivement de la gestion du capitalisme, du fait de sa faiblesse. Après une nouvelle « journée d’action », elle met en avant une conférence de financement alternative et continue à prétendre qu’elle a avec elle une mobilisation d’ampleur… tout en participant à la conférence de financement du gouvernement et de la CFDT.

« Des cortèges colorés, dynamiques et intergénérationnels, avec des slogans et des airs de musique engagés qui ont donné la pêche à plusieurs centaines de milliers de manifestants – dont beaucoup de grévistes – ont rassemblé sur plus de 200 lieux de manifestation partout sur le territoire. »

Quand on commence ainsi un communiqué après une journée de grève et de manifestation, c’est qu’on a manifestement plus grand-chose à dire pour faire croire qu’il se passe quelque-chose. Cela devient carrément risible quand il est expliqué ensuite :

« Toujours plus rassembleuses, elles donnent à cette mobilisation – dont la durée est historique – des envies d’en découdre encore et encore : concerts, spectacles, projections de films, retraites aux flambeaux, bals, signatures de pétition, carnavals de luttes… »

La CGT, qui écrit cela dans son communiqué du 20 février 2020, se retrouve en effet en très mauvaise posture, sentant venir à grand pas sa mise à l’écart de la cogestion du capitalisme.

Cela a donné lieu mercredi à une cacophonie pathétique avec Catherine Perret, chargée du dossier des retraites à la CGT, annonçant dans la matinée qu’elle claquait la porte de la « conférence de financement », puis son syndicat nuançant les choses quelques heures plus tard en expliquant qu’il fallait attendre que ses propositions soient entendues.

Pour justifier sa position, Catherine Perret a dénoncé un « compromis impossible » avec le gouvernement. Elle joue la carte du poing sur table, en espérant que cela puisse suffire à revenir à la table des négociations par la grande porte. La direction de la CGT a cependant vite réagit, jugeant ce coup de poker trop risqué.

D’ailleurs, le secrétaire d’État chargé des retraites, Laurent Pietraszewski, a immédiatement fait un appel du pied à la CGT pour qu’elle rentre dans le rang de la cogestion et qu’elle se montre raisonnable :

«Il n’y a pas que la CGT dans le paysage. Mais je regrette qu’un grand syndicat claque la porte à ce type de dialogue car elle a toute sa place. Ceux qui restent ont du travail».

La CGT s’est donc montrée raisonnable et a expliqué que rien n’était définitif, qu’elle voulait surtout que ses propositions soient entendues. Et des propositions, elle en a beaucoup, alors elle s’évertue à se présenter comme le meilleur élève en mesure de gérer la bonne marche du capitalisme.

On est pas ici dans la lutte des classe, portée par la Gauche historique et dirigée par la classe ouvrière assumant le Socialisme, mais dans le train-train du capitalisme devant perdurer.

Catherine Perret de la CGT a donc très bien travaillé son dossier pour réussir à « dégager à peu près 85 milliards d’euros par an » comme elle l’a expliqué à la radio, le communiqué de la CGT suite à la mobilisation du 20 février expliquant pour sa part :

« Après la première réunion de la Conférence sur le financement des retraites où nous avons porté notre analyse argumentée sur l’enfumage des chiffres de déficit en mettant en face nos propositions, nous sommes dans l’attente d’une réponse du gouvernement. »

Dans cette optique de se montrer raisonnable et utile pour le capitalisme, il est expliqué qu’une « Vraie conférence » sera organisée fin mars avec l’intersyndicale (CGT, FO, SOLIDAIRES, FSU).

Le syndicalisme tente ainsi de se maintenir, mais il a avec lui une base de plus en plus faible et isolée du monde du travail. Le gouvernement parle d’à peine 100 000 manifestants ce jeudi 20 février 2020 et la CGT ne donne même pas de chiffre national du nombre de manifestants… pas plus que du nombre de grévistes, dont elle prétend pourtant qu’ils sont nombreux.

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Le député PCF André Chassaigne dans la revue américaine Jacobin

Interviewé par la principale revue de la Gauche américaine, Jacobin, André Chassaigne  du PCF prône le suivisme par rapport aux syndicalistes et aux gilets jaunes. C’est là assumer de nier la primauté de la Politique.

La revue Jacobin est très bien faite, très bien écrite, avec une mise en page aérée, bref c’est une revue de très haute qualité. Elle est américaine, elle est de gauche, donc c’est plutôt sympathique. Le souci c’est que c’est de la Gauche américaine, donc c’est simplement « progressiste », coupé du mouvement ouvrier, et sans les expériences importantes comme on en a fait en Europe. Mais c’est une Gauche qui fait l’effort de se tourner vers le monde ouvrier, ce qui est déjà totalement différent d’en France.

Toutes les limites de la démarche se reflètent à la lecture d’une interview d’André Chassaigne, député du PCF depuis 2002 (traduite en français ici). En effet, cela n’a aucun sens de demander quelque chose au sujet de la lutte contre la réforme des retraites à quelqu’un relevant de la Gauche politique. Car la Gauche politique n’a pas été présente dans cette lutte. Bien entendu, il y a des gens de gauche qui se sont mobilisés. Mais sur le plan de l’initiative, des idées, de la culture, des mentalités, il n’y aucune dimension politique. C’est une lutte syndicaliste de bout en bout.

Jacobin le sait d’ailleurs et explique son intérêt par la défense du « modèle social français ». Et, naturellement, le député André Chassaigne est ravi de pouvoir répandre ce qui est son propre discours également, consistant précisément en un « système social français » qui serait né en 1945 et qu’il faudrait défendre contre le libéralisme. Sauf que ce faisant, il oublie que c’est le capitalisme lui-même qui a développé l’État-providence, notamment par l’intermédiaire d’une social-démocratie abandonnant toute référence au Socialisme.

Le « modèle social français » est tout autant suédois, autrichien que belge. Parce que cela a été une tendance irrépressible du capitalisme lui-même. Ayant suffisamment grandi, devant de toutes façons lâcher du lest en 1945, il a littéralement intégré la classe ouvrière dans le capitalisme par la consommation de masse et l’institutionnalisation des syndicats. Résumer cela à des « acquis » conquis de haute lutte, alors que le capitalisme était ravi, c’est ne pas voir les faits en face.

D’ailleurs, le capitalisme n’entend nullement supprimer l’État-providence, ce qu’il cherche, c’est à le réorganiser, le pressuriser, le pousser dans tel ou tel sens. Mais tout comme la gratuité de l’école ou pratiquement des études en général en France, il ne va pas démonter des structures totalement en sa faveur, tant sur le plan de l’organisation des gens que des idées inculquées. Le discours misérabiliste prétendant que les gens sont, dans un État capitaliste très puissant, au bord de la misère, est totalement mensonger.

Que révèle précisément ce misérabilisme ? Qu’on est dans la fiction, et André Chassaigne est tout content de pouvoir la vendre à la revue américaine Jacobin, qui ne peut pas deviner qu’il raconte n’importe quoi, comme lorsqu’il dit au sujet des gilets jaunes :

« Il faut le dire, les syndicalistes ont initialement vu le mouvement avec un certain degré de suspicion. Ils ont vu des gens dans la rue alors qu’ils ne manifestaient jamais et se sont dit « mais nous avons déjà manifesté pour ça. »

André Chassaigne ment-il sciemment, ou est-ce de la mauvaise foi ? Car évidemment les syndicalistes ne se sont jamais dit cela, tout simplement parce qu’ils n’ont jamais manifesté contre l’augmentation du prix de l’essence. La vérité est que les syndicalistes n’ont pas réagi en syndicalistes, mais en gens de la Gauche politique dont ils relèvent aussi souvent, et qu’ils ont immédiatement compris que les gilets jaunes était un mouvement plébéien, relevant de ce qu’on appelle le Fascisme.

Et, par incapacité à assumer la Gauche, une partie des syndicalistes a finalement convergé vers ce mouvement rétrograde, ultra-populiste, hostile à la classe ouvrière dans sa nature même, ce que les ouvriers ont très bien compris en n’y participant à aucun moment.

Parler alors comme le fait André Chassaigne d’un rapprochement entre le « mouvement social » et les gilets jaunes, c’est très précisément refuser d’assumer la lutte des classes – lutte des classes n’ayant rien à voir ni avec le mouvement syndicaliste contre la grève des retraites, ni avec les gilets jaunes. D’où justement le suicide anti-politique proposé par André Chassaigne :

« [Question:] Qu’est-ce que votre groupe a prévu de faire à l’Assemblée nationale ces prochaines semaines ?

Nos centres d’activités politiques est d’agir en tant que porte-parole du mouvement social. Au parlement, nous passons en revue les demandes du mouvement social et disons la vérité sur l’ampleur du mouvement — toujours très fort, même si certaines personnes nous font croire le contraire. Dans tout ce que nous disons, nous respectons pleinement les choix pris par le mouvement social. C’est aux syndicats et aux travailleurs de décider dans quelles luttes ils s’engagent et comment ils s’y engagent.

Notre travail implique aussi de collaborer avec d’autres organisations progressistes pour trouver des propositions pour améliorer le système actuel, comme je viens juste de le décrire. Nous devons être bien plus qu’une simple opposition. »

Améliorons le système, mais ne le critiquons pas. Soyons simplement à la remorque des syndicats. C’est là fort bien résumé la position de la Gauche en France, à part peut-être du Parti socialiste initialement, ainsi que de Lutte Ouvrière ou des Maoïstes, de par leur méfiance, voire leur hostilité aux syndicats. Mais il n’est guère compliqué de deviner que jamais la Gauche n’avancera ainsi et que d’ailleurs elle n’a jamais procédé ainsi. Historiquement, la Gauche politique a toujours primé sur le syndicalisme.

En quoi les syndicalistes ou les gilets jaunes défendraient-ils d’ailleurs le « modèle social français », alors que c’est le cadet de leurs soucis ? Il suffit de lire leurs revendications, qui combinent revendications économiques d’une part, dénonciation plébéienne d’Emmanuel Macron de l’autre. Ni les uns ni les autres ne raisonnent en termes politique, ni ne raisonnent tout court d’ailleurs. Et il faudrait pourtant les suivre ?

Jamais la Gauche ne s’en sortira en agissant ainsi. Il faut des idées, il faut de la culture. Les syndicalistes et les gilets jaunes ne veulent ni les idées, ni la culture. Ils sont donc à mettre de côté et n’ont qu’un seul droit, celui de s’incliner devant la Gauche politique. C’est aussi simple que cela.

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Après le mythe de la grève générale, le populisme du référendum

La grève générale n’étant clairement pas en vue, il fallait trouver un autre mythe mobilisateur de la part du PCF et de La France insoumise pour sauver la CGT. C’est l’Humanité qui s’est chargée de la mission, avec un grand appel à un référendum. Il faut sauver le soldat CGT.

Si la CGT coule, alors tout un pan de la Gauche s’écroule. Pas celle liée au Parti socialiste, car elle s’appuie de son côté sur des valeurs, un programme. Mais celle liée au PCF, à La France insoumise, au NPA, c’est-à-dire « à la gauche de la gauche », qui vit de surenchère.

S’il n’y a plus la CGT, il n’y a plus le levier de la surenchère. Et c’est la fin de tout. Il ne reste alors que les idées, le programme, les valeurs, et cela ne pèse pas lourd, tellement le populisme a fait des ravages.

L’ultra-gauche peut bien de son côté commencer à dénoncer une CGT qu’elle a entièrement soutenu jusque-là. Elle ne fait que revenir à son culte de la marginalité après un traditionnel suivisme syndical à la première occasion. Hier, les chasubles CGT, les cortèges CGT, aujourd’hui les postures de regret du manque d’élan, de la « trahison » des dirigeants. Rien de plus classique. On connaît l’adage : « la crise est une crise de la direction révolutionnaire ». L’ultra-gauche connaît son Léon Trotski.

Mais le PCF et LFI ont de l’ambition. Sans la CGT, il n’y a plus les moyens de cette ambition. Il faut donc agir avant qu’il ne soit trop tard. Ce qui se lit ici, c’est l’étrange rapport, très pervers, entre la gauche de la gauche et le syndicalisme. Il y a des non-dits, des zones réservées, un équilibre précaire mais en même temps une grande connivence, etc. Il y a un accord masqué qui, véritablement, pourrit la primauté de la politique et ce depuis les débuts de la CGT.

Il y a par conséquent une dépendance à la CGT, que le PCF et LFI la reconnaissent comme essentielle. Il faut donc sauver la CGT, qui va dans le mur. Mais comment faire pour ne pas la compromettre, pour qu’elle sauve la face ? D’où l’idée de demander un référendum, avec une pétition en ce sens, signée des principales figures de la « gauche de la gauche ».

La CGT, anti-politique, ne le signera pas, surtout lancée dans la grève, du moins officiellement. Si elle le fait, elle remettrait en cause sa propre logique syndicaliste. Elle ne peut donc pas vraiment être vexée. Surtout que c’est l’Humanité qui lance la pétition. On a aussi parmi les signataires Patrick Le Hyaric, qui est directeur de l’Humanité, ainsi que Bernard Thibault, ancien secrétaire général de la CGT.

Les angles sont donc arrondis. Et pour sauver le soldat CGT, on a Ian Brossat du PCF, ainsi que Adrien Quatennens et Jean-Luc Mélenchon de La France Insoumise. On a Marie-Noëlle Lienemann et Emmanuel Maurel de la Gauche républicaine et socialiste et Gérard Filoche de la Gauche démocratique et sociale.

On a Julien Bayou, qui est secrétaire national d’EELV, et Alain Coulombel, porte-parole d’EELV. On a Clémentine Autain de La France insoumise et Guillaume Balas, coordinateur de Génération-s.

On a également des figures d’arrière-plan, comme Pouria Amirshahi, ancienne figure majeure du syndicalisme étudiant et actuel directeur de publication de Politis, Willy Pelletier qui est coordinateur général de la fondation Copernic, Alain Obadia qui est président de la fondation Gabriel-Péri.

La liste initiale comporte également des avocats, des intellectuels, des chercheurs, des artistes, des économistes, etc. avec quelques ambulancier, sans profession et chauffeur poids lourd pour donner un côté populaire.

Est-ce que cela suffira ? Certainement pas. C’est même plus un signe d’effondrement qu’autre chose. Car la véritable actualité n’est pas dans ces noms. Elle est dans le fait que les hauts cadres du Parti socialiste ont également signé la pétition, et notamment Olivier Faure, qui est secrétaire national du PS, et Jean-Christophe Cambadélis, ex-premier secrétaire.

Qu’Olivier Faure veuille faire bien, soit. Mais que viennent faire les autres signataires, et notamment Jean-Christophe Cambadélis ? Ce dernier a un regard extrêmement précis et aguerri. Il disait tout récemment, avec justesse, au sujet des municipales :

« La gauche, elle, va toucher le fond de la piscine alors que le PS gardera pour l’essentiel ses bastions. Le PCF aussi, grâce à une alliance jugée hier impossible avec le PS. Même si ce sera l’arbre qui cachera la forêt des reculs du premier tour, la rupture avec la France insoumise va coûter chère au PCF et à la France insoumise.

Les écologistes seront globalement très hauts et devant les socialistes là où la gauche n’est pas sortante. Dans les villes de Besançon, Bordeaux etc. où la gauche est unie avec eux, ils peuvent même virer en tête. Reste que l’écologie est un vote de 1er tour, pas ou pas encore de rassemblement.

Quant à la France insoumise, elle est réduite à une posture de témoignage protestataire, ayant du mal à exister dans ce scrutin qui est pour elle encore plus difficile que les européennes. »

Et il ajoutait, présentant sa solution :

« Mais, encore une fois, le problème de la gauche c’est la faiblesse et le manque d’attractivité du PS. Ce n’est pas un problème de personnes mais une question structurelle. La marque est obsolète, il faut la refonder (…). Ce renouveau, cette réinitialisation du PS nécessite de dépasser le PS. »

Jean-Christophe Cambadélis croit-il qu’une Gauche, qu’il qualifie de « réformiste », peut naître d’un appel populiste à sauver une CGT antipolitique qui a mené un mouvement de protestation dans le mur ?

Cet appel au référendum est un suicide pour la Gauche politique. Il est une énième tentative de contourner les problèmes, les questions de politique, d’économie, de morale, de société, de valeurs. Il n’est aucunement possible d’échapper à la seule solution possible : constituer une Gauche consciente, organisée, structurée, établie de manière stricte.

Cela n’est pas possible avec une Gauche populiste, libérale culturellement, refusant l’organisation au nom de « mouvements », ne cherchant jamais à établir des structures locales menant un travail sur le long terme.

Le signe qu’on a ici, c’est que le Parti socialiste lui-même agonise – pas qu’il va contribuer à une structuration à Gauche. Sinon il ne se retrouverait pas là.

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Retraites: les syndicats en mode «repeat»

Une nouvelle « journée d’action » syndicale avait lieu ce jeudi 6 février 2020 contre la réforme des retraites. C’est toujours le même ronronnement, avec des défilés dans les grandes villes, une grève que personne ne voit depuis que les transports parisiens circulent et des syndicats qui bombent le torse en prétendant que la mobilisation est massive.

 

Il a fallu attendre 21h30 pour avoir le communiqué de l’intersyndicale CGT, FO, SOLIDAIRES et FSU (ainsi qu’UNEF, UNL, FIDL et MNL) : c’est que les débats ont dû être bien longs et compliqués à Montreuil hier soir après cette nouvelle journée de manifestation désormais routinière.

Les syndicats doivent en effet être bien ennuyés : d’un côté ils ont une base petite mais solide d’au moins 121 000 personnes, ainsi que le soutien tacite d’une grande partie de la population, de l’autre il ne se passe absolument rien et, au fond, tout cela n’intéresse personne. Mais hors de question de se remettre en cause pour autant. Le choix a donc été fait de garder le doigt appuyé sur le bouton « repeat », en espérant qu’à force de dire qu’il se passe quelque-chose la prophétie s’auto-réalisera.

On apprend donc comme d’habitude que « le rejet de la réforme et la détermination d’obtenir le retrait sont intacts et se propagent de manière inéluctable » et qu’ils sont « persuadés que cette mobilisation inédite, historique, vaincra ».

L’intersyndicale n’hésite pas à mentir éhontément pour appuyer son propos :

« Chaque semaine et ce depuis le 5 décembre, des A.G se multiplient sur les lieux de travail, dans les lycées et universités malgré les diverses pressions. »

De la même manière, la CGT explique dans son propre communiqué d’hier de manière surréaliste que :

« Ce sont plusieurs centaines de milliers de manifestants, dont une grande partie d’entre eux étaient en grève (portuaires et dockers, salariés de la Tour Eiffel nécessitant une fermeture du site, salariés des incinérateurs de déchets de l’Ile de France…) qui se sont rassemblés partout en France, dans les grandes villes comme les plus petits bourgs. »

Philippe Martinez avait d’ailleurs prétendu de manière délirante hier matin, face caméra :

« dans l’agroalimentaire par exemple, les jours de mobilisation interprofessionnelle, on dépasse les 100 000 salariés en grève ».

Peu importe si les chiffres de la participation aux manifestations n’ont rien d’extraordinaire (la CGT ne donne pas de chiffre national, le police parle de 121 000 personnes hier), que personne n’a remarqué que le pays est en grève : ce qui compte est de prétendre qu’il se passe quelque-chose.

Le leader de la CGT Philippe Martinez avait de toutes façons déjà dit la messe en début d’après-midi en tête du cortège parisien :

« La mobilisation est là. Ceux qui refusent de la voir doivent ouvrir les yeux ».

On a appris également que l’intersyndicale entendait s’organiser pour pourrir la journée internationale des femmes le 8 mars avec leur ronronnement syndical. Les femmes « seraient les plus grandes perdantes avec ce projet de loi », alors ils se sont dit qu’il y a peut-être là une opportunité et ils appellent donc à faire quelque-chose.

D’ici là, « une nouvelle journée de convergence, de grève et de manifestation » est appelée par l’intersyndicale pour le 20 février, dans 15 jours.

Une « contre-conférence » est également prévue pour le mois de mars, pour faire des propositions concrètes sur la question des retraites, en s’imaginant peut-être avoir l’appui du Conseil d’État, qu’ils n’arrêtent pas de mettre en avant depuis quelques jours. C’est que, toujours plus rejetées et ignorées par la bourgeoisie qui n’a plus besoin d’elles, les organisations syndicales remuent ciel et terre pour se rendre indispensable et avoir leur place dans la cogestion du capitalisme, comme avant.

Tout cela est vain ! Leur tour est passé, comme le prouve leur incapacité à mobiliser contre la réforme de retraites. C’est la lutte de classes qui va reprendre ses droits, sans eux, contre eux, comme en mai 1968, comme en 1936. C’est la politique, assumée par la Gauche historique affirmant le Socialisme, qui sera alors sur le devant de la scène, portée par la classe ouvrière et la jeunesse.

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Début février 2020: mais où est la grève?

Les syndicats, CGT en tête, nous ont promis monts et merveilles. L’ultra-gauche voyait même se pointer la crise de régime. En ce début février 2020, on peut constater cette simple chose : la mobilisation contre la réforme des retraites s’est fracassée sur la réalité du quotidien de la société capitaliste, entre indifférence et corporatisme bien calculé. Il n’y a pas que les patrons qui ont peur de la lutte des classes, les gens en ont tout autant peur.

Il ne s’agit nullement d’être pessimiste, bien au contraire. Tout mouvement populaire de lutte, même défait, apporte des enseignements aux gens. Ce qui est dommage ici, c’est que la défaite était prévisible et qu’à aucun moment, les syndicats n’ont cherché à se remettre en cause pour essayer de débloquer la situation.

On dit souvent à Gauche, dans le mouvement ouvrier, que les patrons ont peur de la lutte des classes. Que le drapeau rouge fait trembler le bourgeois. Mais c’est vrai également des gens. Les gens ont la trouille. S’il fallait définir la mobilisation contre la réforme des retraites, on doit dire qu’il s’agit aussi d’une mobilisation contre la mobilisation.

C’est une lutte conçue par les gens comme un moyen de ne pas lutter. Tout a été fait pour contourner la lutte des classes et on le voit très bien à ces signes qui ne trompent pas. Comme au moment des gilets jaunes, le capitalisme n’a pas été critiqué, pas plus que la bourgeoisie n’a été mentionnée.

On a une critique « anticapitaliste » qui affleure parfois, mais cela n’a rien à voir avec l’affirmation du Socialisme et du principe d’une société avec une hégémonie à tous les niveaux de l’esprit collectif. Les gens protestent parfois contre le capitalisme, car le capitalisme leur semble mal fait, ou parce que le capitalisme les dérange, ou bien même les agresse.

Mais ils ne veulent pas s’en débarrasser. Ils ne considèrent pas qu’ils sont aliénés, exploités. Tous pensent qu’ils peuvent tirer leur épingle du jeu dans le capitalisme. Tous pensent que le capitalisme est stable, qu’il va continuer comme avant, avec moins de droits certainement, mais sans changement en ce qui concerne le quotidien.

Les gens sont heureux de consommer sans recul, de se procurer le dernier matériel technologique mis à la disposition du public, de regarder des émissions de divertissement aussi stupides que les films hollywoodiens, de partir en vacances en se comportant comme de simples touristes.

Et ceux qui ne peuvent pas, parce qu’ils sont marginalisés socialement – et ceux-là forment une minorité de la société – ne rêvent que d’une chose : vivre comme les autres. La teneur du rap montre très bien quel est le degré de corruption qui prévaut.

Aucun régime n’est jamais menacé par des gens avec une morale aussi faible, une capacité d’engagement d’une faiblesse inouïe et la plupart du temps inexistante. L’extrême-gauche est composée de la petite-bourgeoisie intellectuelle, le monde associatif est sous contrôle de l’esprit bobo de manière complète, les ouvriers ne font rien ou, quand ils agissent, se placent au mieux de manière passive sous les ordres syndicaux.

Le niveau démocratique des masses est ce qu’on doit qualifier de catastrophique. Qui ne part pas de là vit dans un fantasme et est en total décalage avec la réalité de la société française. Est-ce à dire qu’il n’y aura rien ? Pas du tout et au contraire, car la lutte des classes se produit malgré les prolétaires s’il le faut. Mais qu’on s’imagine quel traumatisme cela va être quand la lutte des classes va reprendre ses droits, quelle fracture cela va être dans une société paralysée depuis les années 1960.

L’enfantement de l’époque qui s’ouvre va être terriblement douloureux.

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29, 30 et 31 janvier: le coup d’épée dans l’eau de la CGT

À l’issue de la grève du 24 janvier la semaine dernière, la CGT avait annoncé une nouvelle journée de grève et de manifestation pour ce mercredi 29 janvier suivie de deux jours d’initiatives les 30 et 31 janvier. Ce triptyque n’a rien donné, à part une énième manifestation syndicale mercredi aussi déprimante qu’inutile de part son caractère répétitif et improductif. Pour le reste, il n’y a aucune capacité à se tourner réellement vers les classes populaires dans leur ensemble, ce que la CGT ne sait pas faire (et ne veut pas faire).

Dans un communiqué la semaine dernière, la CGT avait annoncé qu’elle prévoyait pour cette semaine « le renforcement et l’élargissement de la mobilisation » et il devait y avoir des « initiatives les 30 et 31 janvier en direction des populations. »

Qu’a-t-on vu hier et avant-hier à ce sujet ? Rien, absolument rien. Cela n’est même pas un échec puisqu’en réalité la CGT n’envisageait pas de faire quoi que cela soit. Ni sa direction, ni ses bases militantes n’ont pour habitude d’avoir une véritable démarche démocratique en se tournant vers la population concrètement.

Même lors de différentes opérations de blocages, par exemples sur les récurrents blocages de ports autonomes depuis le début de l’année, qui en général ont lieu en amont dans des zones industrielles, les syndicalistes bloqueurs sont incapables de venir échanger avec les prolétaires de la zone, de les convaincre politiquement, de chercher la convergence par la discussion fraternelle. Les bloqueurs se contentent de bloquer dans leur coin, puis lèvent les barrages parfois, sans que personne ne sache jamais ni pourquoi, ni comment.

Cela est dans la nature même du syndicalisme, qui se prétend au-dessus de la politique et pour qui seul l’activisme compterait. La grève générale serait donc un modèle en soi, et il n’y aurait qu’à le suivre, en rejoignant la CGT et en lui signant un chèque en blanc pour qu’elle négocie avec le gouvernement au nom de tout le monde.

Quand on dit « tout le monde » ici, il faut bien voir qu’il s’agit en effet de tout le monde, dans le sens de toutes les couches de la population. La CGT est censée être une expression prolétarienne, s’inscrivant dans la lutte de classe. Mais cela n’intéresse plus la CGT, alors si elle n’a pas le soutien des ouvriers, elle s’imagine qu’au moins c’est très bien d’avoir à ses côtés les avocats, cette corporation bourgeoise.

On avait ainsi le droit mercredi soir sur la page Facebook officiel de la CGT à la célébration d’une stupide chorégraphie d’avocats (reprenant le très viril et brutal « haka » des rugbymen néo-zélandais) pendant la manifestation parisienne, avec le commentaire suivant :

« 👏🏼 Belle scène de convergence ou quand les #AvocatsEnGreve enseignent au cortège #AcauseDeMacron leur Haka ! »

D’ailleurs, les manifestations elles-mêmes ce mercredi 29 janviers 2020 ont été très faibles, tant numériquement que dans le contenu, toujours plus routinier et sans perspective. La CGT n’a même pas donné de chiffre national cette fois (le gouvernement annonçant quant à lui 108 000 personnes contre 249 000 la semaine dernière), se contentant de prétendre que tout va bien :

« Les organisations syndicales CGT, FO, FSU, Solidaires, UNEF, MNL, UNL se félicitent de l’importance des mobilisations pour le retrait du projet de réforme des retraites du Gouvernement. Le soutien de la population au mouvement social s’amplifie, des initiatives unitaires sont prises sur tout le territoire, les journées de grèves et de manifestations du vendredi 24 et du mercredi 29 janvier ont encore rassemblé des centaines de milliers de personnes. C’est la preuve d’un rejet massif des propositions portées par le Gouvernement. »

Quant à la grève, elle n’est plus qu’anecdotique, concernant quelques syndicalistes dans certains secteurs, de manière très isolée, avec des coups de force tentés ici et là (par exemple sur l’incinération des déchets en Île-de-France).

La CGT et l’intersyndicale n’ont rien d’autre à proposer qu’une nouvelle journée de grève, sans véritablement de travail destiné à organiser celle-ci, et surtout de nouveaux défilés dans les villes, jeudi 6 février.

Tout cela tourne en rond et ne mène à rien bien entendu, à tel point que les médias finissent pas ne quasiment plus en parler et le gouvernement ne semble même plus y prêter attention. Le Premier ministre vient d’ailleurs d’annoncer sa candidature aux municipales au Havre, cet ancien bastion ouvrier que son prédécesseur avait arraché à la Gauche en 1995. La conférence de financement, cette soi-disant victoire obtenue par la CFDT pour faire tampon et qui a démarré ce jeudi, ne s’avère être qu’un jeu de rôle mettant en scène syndicats et « patronat », sans aucune utilité.

La CGT est en fait tellement faible qu’une telle parade gouvernementale est devenue inutile. La CGT, dont le rôle de pacificateur social est considéré comme désuet par le capitalisme français version 2020, se retrouve maintenant éjectée du cours de l’histoire. C’est à la Gauche de prendre main, pour remettre la lutte des classes sur la table et ouvrir à nouveau la perspective politique du socialisme.

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Les pro-CGT retournent leur veste: l’ultra-gauche à son habitude

Voici le moment plein d’évidence, mais toujours surprenant de par son ampleur, celui du retournement de veste. Après avoir littéralement baisé les pieds de la CGT pendant deux mois, l’ultra-gauche se met du jour au lendemain à dénoncer sa démarche, pour tenter de ne pas couler avec elle.

Aucune fierté, de l’opportunisme sur toute la ligne, de la démagogie à en veux-tu, en voilà. Ce que fait l’ultra-gauche est impressionnant de mauvaise foi. Après avoir donc salué la démarche de la CGT depuis le départ, elle l’attaque désormais. Comment faire cependant pour garder la face, pour ne pas que ce soit trop gros ? Comment faire alors que depuis le départ, la réduction syndicaliste de la bataille a été appréciée, saluée, soutenue ?

Eh bien, à son habitude, l’ultra-gauche invente qu’il pourrait se passer bien plus de choses, qu’on est à la veille de la révolution, que tout est possible… Mais que, malheureusement, les directions syndicales trahissent. On serait à la veille de la reprise du mouvement, là où tout serait possible… Seulement voilà, tout serait un problème de direction. Cela avait bien commencé, mais les choses s’arrêteraient en route… Si l’ultra-gauche avait été à la tête du mouvement… Alors, là cela aurait fonctionné ! Si les gens avaient compris… etc.

En voici quelques exemples, peu importe leur source puisque c’est partout le même refrain.

« Or, à l’inverse des travailleurs qui reprennent leur souffle pour mieux envisager de repartir, l’intersyndicale semble en passe d’entériner une stratégie totalement minimale de temps « forts », calés sur le calendrier parlementaire et ses différentes échéances. »

« Le sort du mouvement n’est pas scellé, loin de là. Plus de cinquante jours après son démarrage, on en ignore encore l’issue. Mais force est de constater qu’à l’heure où nous écrivons ces lignes, l’isolement du gouvernement, le rejet majoritaire de la réforme et la mobilisation des centaines de milliers de salariéEs n’a pas encore crée le rapport de force suffisant pour faire céder Macron (…).

Alors que jusqu’à présent, l’intersyndicale interprofessionnelle avait plus ou moins bien joué son rôle moteur (sauf pendant les congés de Noël) de la mobilisation avec des appels à la grève, aux actions et aux manifestations, le dernier appel au mercredi 29 janvier est loin très loin d’être à la hauteur. En effet, choisir un mercredi, c’est pour le coup mettre en dehors de la grève un des secteurs les plus dynamiques de ces derniers jours : l’Éducation nationale. De plus, ne pas manifester et être en grève le jour de la conférence de financement de la CFDT, participer à cette conférence, c’est laisser penser que cette commission est d’importance alors que nous savons qu’elle ne pourra que remettre en selle « l’âge pivot à 64 ans » forçant à partir en retraite deux ans plus tard, ou allonger le nombre d’années travaillées nécessaire pour partir à la retraite. »

« D’un côté, les syndicats réformistes et opportunistes, révisionnistes, tentent d’encadrer les actions dans le « symbolique » : coupure de courant temporaire de lieu de pouvoir, jet de symboles du métier aux pieds d’un politicien, manifestations avec pour seul but le nombre, etc. Mais la partie la plus prolétarienne du mouvement elle se bat avec ses moyens : coupures d’électricité de zones industrielles entières, paralysie des transports, affrontements violents (comme les pompiers), envahissements et occupation, piquets de grève tenus par la force… »

Tout cela ne tient pas debout, mais cela maintient de manière littéraire la fiction comme quoi tout aurait été possible. L’ultra-gauche en a besoin. Car elle a paré le mouvement de la CGT de merveilleux, afin de se faire une place. Elle l’a accompagné. Jamais elle n’a critiqué la CGT, dont on sait pourtant le degré de corruption à la direction. Jamais elle n’a critiqué le manque de dimension politique, le refus de dimension politique même.

Elle est donc responsable autant que la CGT de la défaite en cours. Ses retournements de veste n’y feront rien : les paroles s’envolent, les écrits restent. L’ultra-gauche n’échappera pas à la critique de la Gauche historique.

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La Gauche et la question syndicale fin janvier 2020

La grève lancée par les syndicats le 5 décembre 2019 se transforme en échec complet et la question de leur rapport à la Gauche revient logiquement à la surface. La politique reprend ses droits et les points de vue sont assez variés.

Comme la grève a été surtout portée par la CGT, celle-ci est au cœur de l’attention… ou pas. Tout est justement une question de valorisation de celle-ci ou non. Du côté du Parti Communiste Révolutionnaire de France, qui se revendique pour résumer du PCF des années 1960, il n’y a de la place que pour la CGT et si défaite il doit y avoir, c’est en raison de son manque de force. En l’occurrence, c’est la CFDT qui a le mauvais rôle :

« La CFDT n’a donc jamais basculé dans la trahison de classe, puisqu’elle a toujours été une organisation syndicale de collaboration de classe. »

L’idée tient debout, mais paradoxalement l’explication est assez alambiquée. La CFDT est à la base la CFTC, le syndicat chrétien. Mais l’article ne dénonce pas la CFDT comme son prolongement, elle attribue au groupe Reconstruction (qui a impulsé la transformation en CFDT) l’objectif de « créer un syndicat capable de rivaliser et d’écraser la CGT » au moyen de la ligne autogestionnaire. Ce n’est toutefois pas vrai. Reconstruction a toujours assumé à la fois de ne pas être communiste et de ne pas être anticommuniste. La CFDT, ce n’est pas Force Ouvrière (qui elle est ouvertement anticommuniste).

Ce qui compte évidemment toutefois, c’est la dénonciation de la CFDT. C’est une tendance omniprésente du côté de ceux soutenant la CGT. On ne la trouve toutefois pas du côté des anarchistes, qui ont eux vu des tendances intéressantes dans la démarche de la CGT, une sorte de retour aux sources. L’Union Communiste Libertaire y consacre un long article où une circulaire interne de la CGT est même présentée comme le parfait manuel du syndicaliste autogestionnaire. Ce qui revient à dire que la CGT est devenue la CFDT des années 1970. L’article demande même que les sections syndicales soient revivifiés. Il y a beaucoup d’espoir dans une « nouvelle » CGT :

« Dans la CGT, les débats sont ouverts, et ils le sont tout autrement qu’il y a dix ans, si l’on compare la gestion confédérale de Thibault en 2010, refusant explicitement d’accélérer vers la généralisation, et les appels de Martinez en 2020, qui peinent hélas à être suivis. La reconstruction d’un syndicalisme de combat commence aujourd’hui ! »

On a aussi quelque chose d’intéressant avec le dernier éditorial des bulletin d’entreprises de Lutte Ouvrière. Ce mouvement trotskiste a une double tradition : d’un côté rejoindre les syndicats, de l’autre ne pas trop chercher à les mettre en avant. La raison est simple à comprendre : il est considéré que la direction bureaucratique des syndicats est trop pesante et que s’il faut être dans les syndicats, il est nécessaire à un moment de les déborder pour parvenir à quelque chose.

C’est une ligne inspirée du Programme de transition de Léon Trotsky et qui tient également à l’origine de l’organisation, née à Renault d’un comité de grève extérieur à la CGT. Ce mouvement extérieur à la CGT (et au PCF) rejoindra ce qui donnera alors Force Ouvrière. Bien de l’eau a coulé sous les ponts depuis, mais c’est une tradition qui est restée.

Et que voit-on justement ? Qu’il est parlé de « l’exaspération des classes populaires », de la « colère » dans les entreprises privées qui va finir par éclater. L’éditorial a même comme titre « Les travailleurs ont commencé à rendre les coups, il faut continuer ! ». Cependant, l’éditorial ne mentionne pas une seule fois la CGT ! Même le mot « syndicat » n’est pas présent. C’est bien sûr un choix effectué sciemment et il l’est même depuis le départ du mouvement. Il n’y a aucune confiance en la CGT.

Pour résumer, ces trois points de vue sont parfaitement représentatifs des points de vue actuels. Il y a ceux pour qui la CGT doit être renforcée pour maintenir ses positions. Il y a ceux pour qui la CGT s’est lancée dans quelque chose l’amenant à se transformer. Il y a ceux qui n’ont pas confiance en la CGT, car ils n’ont jamais eu confiance en elle de toutes façons.

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Échec du 24 janvier 2020: la cause est la fascination de la CGT pour les mythes mobilisateurs

Les syndicalistes prétendent être mieux que les politiques, car ils auraient le sens du concret. En réalité, ils mobilisent sur des fictions, prétendant qu’il y aura un déclic. C’est la négation de la politique et de la culture et la CGT s’enlise dans ses propres mensonges, tout cela pour sauver sa peau dans une situation inextricable.

Remontons à la source du problème, à savoir la prétention des syndicalistes à faire tout mieux que tout le monde, à porter l’avenir, à être les seuls qui soient purs, objectifs, sincères. Pour tout cela, il faut étudier Les Réflexions sur la violence de Georges Sorel, paru en 1908.

Bien entendu, c’est un ouvrage qui n’a jamais été lu par les syndicalistes eux-mêmes à l’époque, parce que ceux-ci étaient déjà anti-intellectuels comme ils le sont aujourd’hui. Même aujourd’hui, ils ne l’ont pas vraiment lu, pas plus que d’autres ont d’ailleurs lu Lénine ou même Marx. En France on a une culture à la Sciences-Po : si on a lu des fiches de résumé, on pense que cela suffit.

Les Réflexions sur la violence forment donc surtout un prétexte à une méthode, assez facile à comprendre même tellement elle est française. Pour gagner socialement, pas besoin de réflexion, on fait du rentre-dedans et on annonce que tout va craquer. On ne sait pas si c’est vrai, mais en rentrant dedans on galvanise les combattants et, à force, le mythe mobilisateur de « ça va péter » est censée devenir une prophétie autoréalisatrice.

Voilà ce que fait la CGT en ce moment. Évidemment, au fond, elle n’y croit pas, elle espère surtout que le privé va lutter pour ses propres intérêts et que la situation aura alors tellement changé que les compteurs vont être à remis zéro. Mais elle fait semblant et même on peut soupçonner certains de croire en leur propre mensonge. Par exemple, lorsque Laurent Brun, Secrétaire Général de la Fédération CGT des Cheminots, fait le 24 janvier une analyse rapide comme quoi Emmanuel Macron est sur la pente savonneuse menant à la dictature du maréchal Pétain.

Le type sait que c’est n’importe quoi, c’est obligé. Mais il le dit, histoire de faire monter la sauce, au mépris de tout sens des réalités et du respect de la raison. Foutu pour foutu, autant y aller !

Et que dire de la centaine d’avocats en robe noire en train de chanter à Bordeaux une version au texte modifié du Chant des partisans, ce 24 janvier ? Sans conviction aucune, heureusement, on devine une initiative forcée, comme tout ce qui a trait d’ailleurs au mouvement contre la réforme des retraites. Mais quelle ignominie !

Ceci dit la honte est partout, car la version originale de la chanson a été chantée un peu partout lors de marches au flambeau, comme à Angoulême. Une marche au flambeau… Est-ce une tradition du mouvement ouvrier, ou de l’extrême-Droite, qui plus est ? On a atteint un niveau de faiblesse qui n’a comme équivalent que celui de l’auto-intoxication.

Il faut lire l’article de Libération sur la grève sur le barrage EDF de Grand’Maison, la centrale hydroélectrique la plus puissante de France. Le délégué syndical explique à fierté :

«Avec Grand’Maison, on est à la tête d’une centrale de 1 800 MW de puissance, l’équivalent de deux réacteurs nucléaires classiques ou d’un EPR. C’est le moyen de se faire entendre de l’Etat mais aussi de l’opinion publique.»

Soit ! Mais quand RTE passe un coup de fil en disant : on a besoin d’électricité, allez bosser de telle heure à telle heure, il est obtempéré. On peut penser que cela est juste, qu’il faut éviter les révocations, cela va même de soi. Cela étant, il y a un décalage énorme entre dire que tout est sous contrôle ouvrier et qu’en réalité, cela ne le soit pas.

Les premiers perdants sont les ouvriers. La CGT les amène droit dans le mur. Elle ne peut en effet plus reculer. Elle est obligée de se prétendre la garante de tout le système social, elle est obligée de prétendre que la victoire est en train d’être obtenue. Elle est obligée d’utiliser des mythes mobilisateurs.

En faisant cela, elle mobilise ses propres rangs et ses sympathisants, mais empêche toute mobilisation en mode « lutte de classes ». Tout tourne alors sur soi-même… jusqu’à l’épuisement. Jusqu’au vide politique qui sera occupé par l’extrême-Droite, à moins qu’une Gauche unie vienne sauver le tout.

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Mobilisation du 24 janvier 2020: des chiffres invraisemblables

Le mouvement de contestation contre la réforme des retraites est en perte de vitesse. La grève s’est enlisée, alors qu’elle n’a pas pris ailleurs qu’à la SNCF et à la RATP, que même dans des secteurs mobilisés comme à EDF-Enedis, elle n’a été que minoritaire. Pourtant, la CGT triomphe et s’imagine qu’en annonçant des chiffres de manifestants invraisemblables, cela suffira à ce qu’il se passe quelque-chose.

Le gouvernement a adopté ce matin le projet de loi sur la réforme des retraites en conseil des ministres en ignorant totalement la contestation et les syndicats. Mais la CGT triomphe : « Qui a parlé d’essoufflement de la mobilisation sociale ? » titre son communiqué.

C’est sûr que quand on raconte ce qu’on veut sans aucune vraisemblance pour le nombre de manifestants, il est facile de triompher… Il y aurait eu ce vendredi 24 janvier d’après la CGT entre 350 000 et 400 000 personnes manifestants à Paris. Cela ferait donc 100 000 personnes de plus que la semaine dernière le 16 janvier. Mais d’où viennent ces 100 000 néo-manifestants, qu’on avait pas vu depuis le 17 décembre et le 9 janvier, au plus fort du mouvement, où la CGT annonçait autant à Paris ?

Cela ne tient pas la route, alors que la Préfecture ne parle que de 31 000 personnes hier et que le chiffre des médias est de 39 000 manifestants. Rappelons que le 17 décembre 2019, la Préfecture avait annoncé 76 000 manifestants, ce qui est plus du double que le nombre annoncé hier, et que le 9 janvier elle annonçait 56 000 manifestants.

On se demande également comment à Marseille la CGT peut avoir vu 180 000 personnes là où la police n’en annonce que… 8000. Même chose à Toulouse où la CGT voit 95 000 manifestants quand la police n’en voit que 5000. C’est tout simplement ridicule.

C’est la même chose pour les chiffres nationaux, la CGT annonçant 1,3 millions de manifestants, soit presque autant que le 5 décembre (1,5 millions et 800 000 selon le gouvernement), alors que le gouvernement annonce 250 000 manifestants dans tout le pays.

Cela paraît d’autant plus improbable que beaucoup de manifestations en France ont réuni bien moins de personnes qu’en décembre :

à Lyon, 9000 manifestants selon la police et 20 000 selon la CGT,
à Bordeaux,7500 manifestants selon la police,
à Nice, 2900 manifestants selon la police et 10 000 selon la CGT,
à Nantes, 5500 manifestants selon la police et 10 000 selon la CGT,
à Rennes, 4000 personnes selon la presse,
au Havre, 6000 manifestants selon la police,
ou encore à Boulogne-sur-mer, 500 manifestants selon la police et 1000 selon la CGT.

La CGT prétend s’en sortir avec l’idée, qu’elle avait annoncée avant la journée d’hier, qu’il y aurait en fait eu beaucoup plus de rassemblements.

On notera pourtant que même avec ses chiffres invraisemblables, la CGT n’est pas cohérente quand elle prétend qu’il n’y a pas d’essoufflement : 1,3 millions, c’est moins que le pic d’1,8 millions du 17 décembre (615 000 selon le gouvernement) et les 1,7 millions d’après les fêtes le 9 janvier (452 000 selon le gouvernement).

Mais peu importe, car ce qui compte ici n’est pas la cohérence, mais la surenchère. C’est du même ordre que les opérations coup de poing isolées menées contre la CFDT ou les coupures d’électricité : il s’agit de bomber le torse, avec l’espoir que cela suffise. C’est une terrible erreur, et c’est d’autant plus terrible qu’il y a beaucoup de personnes qui y croient, ou qui choisissent d’y croire si l’on veut.

La déception va être d’autant plus terrible, générant surtout de la rancune, et pas de la volonté de changer le monde. Marine Le Pen, qui depuis le début a pris soin de ne pas critiquer le mouvement, tout en critiquant la CGT, se tient évidemment prête pour récupérer toute cette amertume…

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«Un 24 massif et déterminé pour le retrait»

Voici le communiqué des organisation syndicales CFE-CGC, CGT, FO, FSU, Solidaire, Fidel, MNL, UNEF, UNL pour la grève de ce vendredi 24 janvier 2020 :

« Un 24 massif et déterminé pour le retrait

Le Président de la République a donné son feu vert à l’examen en Conseil des ministres du projet de loi sur les retraites le 24 janvier 2020. Ce projet renvoie à de nombreuses ordonnances et décrets qui définiront ultérieurement et sans débat les dispositions structurantes du régime prétendu universel qui impliqueraient des conséquences désastreuses pour toute la population. Nous sommes donc face à un projet qui est toujours totalement flou mais dont l’analyse des grandes lignes, y compris par des experts indépendants, montre qu’à l’opposé de la communication gouvernementale sur une réforme de justice sociale, son objectif est de nous faire travailler plus longtemps et de baisser les pensions. La population n’est pas dupe et continue à être opposée à cette réforme et à soutenir majoritairement la mobilisation contre ce projet absurde et injuste.

L’absence de transparence du Gouvernement sur les impacts individuels et globaux est inadmissible. Après un simulacre de dialogue social de 2 ans avec les organisations syndicales, le gouvernement méprise les salarié-e-s, les grévistes, la population et la jeunesse et maintenant les prérogatives du Parlement.

Les actions et les grèves se multiplient sur l’ensemble du territoire. Nos organisations se félicitent du succès annoncé des nombreuses mobilisations organisées jeudi 23 au soir, notamment des retraites aux flambeaux. Nos organisations appellent à une mobilisation maximale le 24 janvier par la grève et les manifestations massives pour rejeter cette réforme, pour obtenir le retrait de ce projet de Loi et de véritables négociations sur la base des revendications portées par l’intersyndicale majoritaire.

Le Parlement devrait commencer à discuter du projet de Loi. D’ici là nos organisations appellent à poursuivre et amplifier les actions, y compris en multipliant les arrêts de travail, en interpellant les parlementaires et en organisant des actions de dépôt des outils de travail dans des lieux symboliques.

La détermination à faire retirer ce projet de loi est entière. Nos organisations décident de se revoir dès le 24 janvier matin pour décider ensemble des suites. »

 

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Deux arrestations suite aux coupures de courant par la CGT en Dordogne le 10 janvier 2020

La CGT Mines et Énergie a connu un premier avertissement avec deux agents d’Enedis (l’ancienne Électricité Réseau Distribution France, formée dans le cadre de la privatisation du secteur) arrêtés dans le cadre d’une enquête pour mise en danger de la vie d’autrui. Face aux coupures de courant, le gouvernement réagit exactement comme le faisait celui du début du 20e siècle face exactement aux mêmes problèmes.

L’idée de couper le courant pour produire de la nuisance n’a rien de nouveau ; la toute jeune CGT l’a déjà massivement employé à Paris au début du 20e siècle. Émile Pataud, le syndicaliste dirigeant la Fédération, était présenté par la presse de l’époque comme « le roi de l’ombre » de par sa capacité de nuisance. Cette pratique se situe dans le cadre de l’action directe pour la grève générale et lui valut une répression sévère.

Pour cette raison, la pratique disparut plus ou moins, les annales de l’électricité constatant en 2008 dans l’article « Un siècle de coupures de courant dans les grèves des électriciens. De la centralité à la marginalisation (1905-2004) » :

« L’utilisation originelle de la coupure remonte aux premiers conflits du travail majeurs des électriciens qui se produisent en 1905-1907 à Paris, avec pour objectif prioritaire l’assimilation au personnel municipal. Les grands moyens sont utilisés dans cette bataille pour le statut . Ces mouvements sont dirigés par Émile Pataud, l’une des figures de proue du syndicalisme d’action directe qui oriente alors la CGT.

Il décide donc d’initier l’utilisation d’une technique de grève qui s’avère d’abord efficace et frappe les esprits : la coupure de courant. Historiquement, c’est en effet entre 1905 et 1910 que cette pratique est la plus usitée. »

Le Émile Pataud en question pensait même que les travailleurs de l’énergie combinés à ceux du bâtiment seraient la proue de la grève générale renversant le capitalisme. Il a écrit un ouvrage science-fiction racontant cette épopée, Comment nous ferons la Révolution, rédigé en commun avec Émile Pouget, un dirigeant de la CGT, et republié en 1995 aux éditions Syllepse.

Ce goût anarchiste pour le grand soir – cette calamité française – fut calmé par la police, l’armée et les révocations. En 2020, le gouvernement d’Édouard Philippe a lancé une première salve d’avertissement en ce sens.

C’est en effet une affaire déjà passée qui est au centre des deux arrestations, puisque c’est le 10 janvier que l’entreprise Interspray, qui s’occupe de produits chimiques et est classée Seveso, a été privée de courant durant trois heures. Et on parle ici d’arrestations en mode brutal, du type la gendarmerie qui débarque très tôt le matin, dans une ambiance tendue.

C’est donc un avertissement du gouvernement, qui sait très bien que les syndicats, refusant de faire de la politique, basculent au mieux dans du syndicalisme « dur », avec comme seul appui une ultra-gauche sans impact dans le pays.

Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, alors à la centrale nucléaire de Gravelines lorsqu’il a appris la nouvelle, n’a pas été dupe et a affirmé en réponse que c’était « jeter de l’huile sur le feu » que de mener une telle répression. La CGT et FO ont également organisé un rassemblement devant la gendarmerie de Neuvic en protestation.

Parallèlement, la CGT continue de lancer toutes ses forces. La Fédération CGT du Commerce a menée hier une petite manifestation à Paris et l’action menée la nuit au 22 janvier au Centre administratif du Grand Port Maritime du Havre en dit long sur le fond de la question : c’est une bataille identitaire qui se joue.

On comprend que, de plus en plus, l’affrontement réel qui existe à l’arrière-plan dans le refus de la réforme des retraites prend place : celui entre la CGT, ainsi que FO, et le gouvernement entendant « moderniser » les partenaires sociaux, abandonner les vieilles formes de cogestion sociale.

Le capitalisme de la « start up » nation n’a plus besoin de centrales syndicales formant une partie des institutions (tout en prétendant être hors de l’État). Il coupe donc les vivres. Pour la CGT, et pour FO, c’est simplement une question de vie ou de mort.

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Le site nosretraites.org par des partis de gauche

De nombreux partis et organisations de gauche ont lancé le site nosretraites.org, sur lequel sont faites des propositions unitaires sur la question des retraites et en opposition à la réforme gouvernementale.

Le site nosretraites.org est une plateforme commune, dans un style gestionnaire typiquement keynésien, avec une orientation sociale. Cela ne soulèvera probablement pas les foules et ne fera rêver personne, mais en attendant la démarche a le mérite d’exister et de rassembler assez largement.

Les organisations signataires de ce site et des propositions qui y sont formulées sont :

Ensemble, Europe Écologie-Les verts, Gauche démocratique et sociale, Gauche républicaine et socialiste, Génération-s, Les Radicaux de gauche, Nouvelle donne, PCF, Parti socialiste, Place publique, Pour une écologie populaire et sociale, République et socialisme, ainsi que Union des démocrates et écologistes.

Six « piliers concrets » sont formulés. On notera cependant qu’à défaut d’être véritablement « concrets », ils consistent surtout en une formulation inverse à la réforme gouvernementale, de manière quasi-symétrique  :

1- Améliorer le système par répartition ;
2- Garantir un droit à la retraite en bonne santé, pour toutes et tous ;
3- Une règle d’or (assurant la parité du niveau de vie entre les retraités et les travailleurs) ;
4- Meilleure prise en compte de la pénibilité ;
5- Une retraite minimum au niveau du SMIC ;
6- Réaliser l’égalité femmes-hommes.

Six « pistes de financement » sont également formulées. Là encore, ce n’est pas le « grand soir » de la lutte des classes, mais des mesures gestionnaires assez floues, n’engageant finalement à pas grand-chose :

1- mobiliser le fonds de réserve des retraites (un fonds d’investissement sur les marchés financiers, tout comme le très critiqué Blackrock, mais en version « public », c’est-à-dire géré par l’État) ;
2- assurer la compensation financière de l’État à la Sécurité sociale pour les pertes de recettes liées aux mesures d’exonérations de cotisations sociales ;
3- réflexion sur l’élargissant l’assiette de financement aux revenus du capital, et en particulier aux revenus financiers ;
4- maintien de la cotisation à 28,1 % jusqu’à 27 000 € de revenus par mois ;
5- création d’emplois, notamment dans les services publics
6- augmentation des salaires et l’application réelle de l’égalité salariale entre les femmes et les hommes

Le site est à retrouver à cette adresse : nosretraites.org

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Réactions à l’action commando contre la CFDT et nouvelles actions de la CGT mines-énergie Île-de-France

L’action commando de coupure du courant au siège de la CFDT a mis la CGT dans un embarras profond. L’ambiance est d’autant plus tendue que l’échec de la grève contre la réforme des retraites se pointe. La CGT mines-énergie Île-de-France a elle prolongé son initiative substitutiste en coupant le courant dans le sud de Paris.

Le plus simple, pour la CGT, cela a été de tenter d’oublier cette histoire d’un groupe menant une opération coup de poing, en mode commando, pour aller couper le courant au siège de la CFDT. Déjà la première occupation avait produit une situation intenable, mais alors là !

Il y a ainsi bien eu un communiqué de la CGT, mais il est resté très confidentiel, et surtout très mesuré, voire flou, pour ne pas dire obscur.

« Une nouvelle intrusion a eu lieu ce jour au siège de la CFDT afin d’y couper l’électricité. Cet acte, commis par des personnes non identifiées, est revendiqué par quelques syndicats de la CGT énergie.

La Confédération Générale du Travail ne cautionne pas de telles actions comme elle a déjà eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises. Elle réaffirme son attachement à un débat démocratique dans lequel chaque organisation syndicale a le droit de défendre ses positions en propre.

Par ailleurs, la CGT dénonce l’attitude de mépris et de provocation permanente de la part du gouvernement qui ne cesse de stigmatiser les grévistes et qui fait clairement fi d’une très large opinion publique qui reste largement opposée à son projet.

La CGT soutient l’ensemble des salariés des industries électriques et gazières, comme des autres secteurs massivement en grève depuis plusieurs semaines, démontrant ainsi la forte opposition au projet de contre-réforme du gouvernement.

Elle appelle à une mobilisation massive dans tous les secteurs de l’économie, ce vendredi 24 janvier, jour de l’examen du projet de loi au Conseil des ministres »

Donc, si on ne sait pas qui c’est et qu’en plus ce sont seulement certains syndicats qui l’ont revendiqué, c’est comme si après tout rien ne s’était passé ! Par contre, pour ceux passant à la télévision, c’était forcément plus compliqué que dans un communiqué, alors il a fallu jongler.

À quelques minutes d’intervalle, deux secrétaires confédéraux ont ainsi réagi en cherchant le bon axe, de manière très différente. Fabrice Angei a pris ses distances avec « ce genre d’opération [qui] n’apporte rien au combat, voire même peut être contre-productif », tandis que Céline Verzeletti a défendu l’action en disant que ce n’était pas violent, préconisant même d’aller plutôt couper l’électricité à l’Élysée.

C’est qu’à la CGT, on joue le coup de Gribouille qui saute dans l’eau pour ne pas être mouillé par la pluie. Chacun cherche à tirer la couverture à lui alors que, forcément, la défaite s’affichant à l’horizon, il faudra bien rendre des comptes. Les couteaux s’aiguisent avec, à l’arrière-plan, la ligne négociatrice mais dure de Philippe Martinez et celle, dure mais négociatrice, de Laurent Brun de la CGT Cheminots et de Sébastien Menesplier de la CGT Mines et Énergie.

Le premier pense que la situation ne peut guère être favorable à la CGT et qu’il faut louvoyer, les autres veulent un retour à la CGT des années 1980, et au PCF des années 1980. Il y a d’ailleurs toute une base derrière ces derniers, avec par exemple le secrétaire général de la CGT Énergie Paris Cedric Liechti qui a expliqué sur un site lié à une partie de la CGT :

« C’est pour ça que le siège de la CFDT a été visé et qu’on a évidemment décidé de le revendiquer en tant que syndicat CGT et y compris, ne nous en cachons pas, par rapport à la sortie de Martinez d’il y a quelques jours suite à l’action de la coordination RATP SNCF où Martinez s’est désolidarisé de cette action et a apporté son soutien à Laurent Berger. Ça nous a paru totalement incroyable que notre syndicat apporte son soutien à une des principales courroies de transmission du capital et du patronat.

C’était donc aussi pour affirmer que nous, les bases CGT, on a aucun problème [avec cette action] et que nos positions sont extrêmement claires sur le rôle que joue la CFDT qui n’est sûrement pas un partenaire de la CGT. »

Non content de l’opération quasi comando au siège de la CFDT lundi, de nouvelles coupures d’électricité ont eu lieu dans le sud-est de la région parisienne hier. Celles-ci ont été directement revendiquées par le Secrétaire général de la Fédération CGT Mines et Énergie Sébastien Menesplier qui promet qu’il y en aura d’autres :

« Ce type d’action nous permet justement de faire mesurer au grand public que nous sommes en grève. Et donc, nous sommes médiatisés, on peut faire passer un message. »

En lieu et place de la lutte des classes, il y a donc la quête de bruit médiatique. Rappelons ici tout de même que si 75 000 électriciens et gaziers étaient en grève le 9 janvier 2020 selon la CGT FNME, ils n’étaient plus que 30 000 le 16 janvier. Cedric Liechti de la CGT Mines et Énergie Paris le reconnaît d’ailleurs lui-même pour justifier ce genre d’action et expliquer qu’elles vont se multiplier :

« la grève reconductible est encore minoritaire au sein de l’Energie. Elle est présente et active, s’organise très régulièrement de manière très visible. Pour l’instant, notre seule limite c’est l’élargissement à une plus large proportion de nos collègues. »

On est ici dans une fuite en avant typique du syndicalisme, par une tentative de compenser les faiblesses par l’action « directe ». Avec beaucoup d’hypocrisie également, puisque si l’impact sur l’économie était visé, en réalité tant le Marché d’intérêt national de Rungis que l’aéroport d’Orly disposent de systèmes de relais en cas de coupure de courant.

Ce n’est pas le cas bien sûr pour les familles qui se sont retrouvées sans électricité pendant plusieurs heures dans le pire des cas, ou de ces personnes coincées dans des ascenseurs. Mais cela ne semble pas être un problème et on a même Franck Jouanno de la CGT-Energie Val-de-Marne qui a eu le toupet de dire à la télévision :

« Ça me gêne mais bon il y a toujours des impacts. C’est pas non plus la fin du monde d’avoir une coupure, en général ça ne dure pas plus que la matinée. »

Ce n’est pas la fin du monde certes, mais ce n’est pas ainsi qu’on peut penser élargir un mouvement de grève dans le pays. Cela, les syndicalistes refusent de le comprendre. Entre l’UNSA et FO qui récusent la politique et la CGT qui n’en veut pas, il n’y a de place que pour la fuite en avant, et donc la défaite. Seule la Gauche aux commandes peut amener la victoire réelle d’une grève ! Les syndicalistes doivent se soumettre à la Gauche et ils le feront qu’ils le veuillent ou non.

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Le siège de la CFDT de nouveau pris pour cible, cette fois par des syndicats CGT énergie

Après la première affaire de l’occupation par des syndicalistes de la RATP et de la SNCF, le siège de la CFDT a été de nouveau pris pour cible. La démarche se veut ouvertement une provocation, avec une sorte d’opération commando masquée pour aller couper le courant.

La grève s’enlisant et échouant, il faut pour les syndicalistes de la CGT trouver un coupable. Plutôt que de se remettre en cause et de comprendre pourquoi il n’y a pas eu de mouvement populaire, il y a le raccourci populiste d’accuser la CFDT, dont les locaux du siège ont été l’objet d’une opération coupure de courant.

Il ne faut pas se leurrer : en plus de la dénonciation populiste, il y a ici une tambouille interne, au sens où il y a des batailles de factions, rendues encore plus agressives par l’ambiance de défaite inavouée.

La première action vendredi dernier était menée par un « marxiste révolutionnaire » (c’est-à-dire quelqu’un se revendiquant du courant trotskiste) et la seconde dénonce la « collaboration » de classe dans un communiqué signé par les différents syndicats de la CGT énergie d’Île-de-France (Paris, 91, 93, 94, 95, 77, 78, Ouest IDF, Bagneux).

On en revient pour cette seconde occupation à l’arrière-plan du conflit indirect entre le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez et celui des cheminots Laurent Brun, c’est-à-dire entre la ligne post-PCF et une ligne promouvant plutôt un retour au PCF des années 1980. Philippe Martinez avait bien entendu dénoncé la première occupation des locaux du siège de la CFDT… et les syndicats d’Île-de-France de la CGT énergie (FNME) provoquent un chaos complet en réalisant ouvertement la même chose, en pire.

Parallèlement, la CGT FNME cherche à relancer le mouvement. Elle a revendiqué des filtrages devant le centre nucléaire de Gravelines, le blocage des stockages gaziers de Storengy (Gournay, Manosque, Beynes, Etrez), celui des plateformes Serval d’Enedis-Grdf (Bordeaux, Caen, Champigneulles, Gennevilliers, Ploërmel), la réduction au minimum technique et l’absence de remplissage des citernes des terminaux méthaniers d’Elengy Fos et Montoire, une baisse de production en général dans le thermique, l’hydraulique et le nucléaire, le blocage de plusieurs sites Enedis-Grdf et EDF, etc.

Cet élargissement de la lutte est une bonne chose, mais on voit à l’occupation de la CFDT qu’il s’agit surtout de témoigner d’une capacité de nuisance. Considérant que le mouvement ne s’élargit pas, la CGT se défend surtout elle-même.

Rappelons ici tout de même qu’il y a une chose qui s’appelle la Caisse centrale d’activités sociales (CCAS), servant de comité d’entreprise à EDF (ainsi qu’à ENGIE) et gérée par la CGT. Son budget c’est 1 % hors taxe des ventes d’électricité et de gaz en France depuis 1946 – soit 500 millions d’euros par an. Des centaines de milliers de gens partent notamment en vacances de manière liée à la CCAS qui, comme on le sait, a servi pendant des décennies d’arrosoir financier au PCF et à la CGT.

Qui perd cela de vue et s’imagine que les dirigeants de la CGT sont sincères oublie l’énorme dimension bureaucratique et financière de cette structure aux ramifications multiples. Cela est vrai d’ailleurs de tous les syndicats : il faut toujours chercher à décrypter les confits d’intérêt, batailles de factions, etc.

La ligne dure de la CGT joue son va-tout pour assurer la survie de cette structure et ne pas se faire remplacer par la CFDT dans le nouveau dispositif de négociations que veut impulser Emmanuel Macron en remplacement de ce qui s’est fait pendant cinquante ans.

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L’UNSA-RATP quitte la grève contre la réforme des retraites

Ce samedi 18 janvier 2020, malgré l’absence d’un quelconque recul de la part du gouvernement, l’UNSA-RATP a annoncé sa sortie de la grève contre la réforme des retraites, tout en prétendant aller de l’avant et ne rien lâcher.

Quand on capitule, on ne dit jamais qu’on le fait. On prétend avoir trouvé une nouvelle forme, plus approfondie, radicalement différente, qui apporterait davantage, etc. L’UNSA-RATP, premier syndicat à la RATP, a ici une posture tout à fait classique, surtout chez les syndicats : d’un côté le radicalisme verbal, de l’autre la porte de sortie négociée.

Preuve en est de la prudence du syndicat, les multiples sites et réseaux sociaux liés à l’UNSA se sont bien gardés de diffuser le communiqué de sortie de grève, largement repris par contre par la presse. Il s’agit de neutraliser la position prise, à tout prix, pour sauver la face.

Comme lors de précédents communiqués d’ailleurs, il y a également une précaution précise utilisée, à savoir le fait de se positionner derrière la décision des assemblées générales. C’est évidemment n’importe quoi puisqu’on sait très bien que ces assemblées générales sont, de facto, des intersyndicales, et qu’à la RATP, l’UNSA y est majoritaire…

À cela s’ajoute quelques tournures savamment dosées : « reprendre des forces », « la conviction et la détermination », etc. Puis la patate chaude est remise aux autres syndicats et à l’attente d’un mouvement généralisé à toutes les entreprises du pays. Et on conclut avec un « on lâche rien » qui n’engage à rien.

Maintenant, si l’on va voir l’article du 14 janvier 2020 sur le site de l’UNSA info, intitulé justement pas moins que « Enfin le retrait de l’âge pivot ! Un compromis sur l’équilibre financier permettant d’avancer », on lit la chose suivante :

« L’UNSA avait fait du retrait de cette mesure une condition indispensable avant la tenue de la conférence de financement.
Le courrier du Premier ministre l’indique clairement.
Cette mesure injuste qui aurait dû frapper tous·tes les salarié·es dès 2022 n’est plus d’actualité. C’est une avancée majeure, à mettre à l’actif de la mobilisation et de l’action de l’UNSA.

Les échanges peuvent enfin démarrer. L’équilibre financier, dès 2027 et à long terme, de notre régime de retraites est indispensable. La future conférence de financement doit y concourir et permettre de trouver rapidement un accord engageant partenaires sociaux et gouvernement.

L’UNSA y apportera ses solutions, la pérennité du système de retraite par répartition l’exige.
Parallèlement, sur les autres sujets contenus dans le projet de loi, l’UNSA poursuivra son action notamment auprès des parlementaires et du gouvernement afin d’obtenir les avancées, garanties et compensations permettant plus de justice sociale.

L’UNSA, sur tous les fronts, continue de défendre les salari·é·es

Après le retrait de l’âge pivot par le Premier ministre, Laurent Escure, le 12 janvier, sur RTL, a exposé les préconisations de l’UNSA pour parvenir à l’équilibre financier, dès 2027 et sur le long terme. »

On lit bien : « Les échanges peuvent enfin démarrer », l’UNSA « apportera ses solutions ». Qu’est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire négocier. L’UNSA a d’ailleurs toujours affirmé être un syndicat constructif, de négociation, etc.
L’UNSA RATP pôle traction avait alors refusé de s’aligner sur cette position de l’UNSA nationale.
C’est désormais chose faite. Pourquoi ? Parce que l’abandon de tout conflit réel de la part des syndicats est inévitable. C’est une lutte de classe qu’il fallait, avec des assemblées générales, pas des intersyndicales réduisant le conflit à des points technocratiques perdant tout le monde et isolant le reste des travailleurs.
Que ce soit en 1936 ou en 1968, c’est la Gauche qui a amené le changement, les syndicats étant des courroies de transmission. La centralité syndicale ne peut amener qu’à de l’accompagnement.
L’UNSA-RATP opère désormais à un alignement qui ne dit pas son nom.
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Le ridicule envahissement du siège de la CFDT par une poignée de grévistes

Le siège de la CFDT a été envahi de manière symbolique par des grévistes de la « coordination SNCF-RATP ». Plutôt que de se tourner vers la population de manière démocratique pour élargir la grève, ces gens préfèrent prétendre que tout est de la faute de Laurent Berger de la CFDT.

L’envahissement du siège de la CFDT ce vendredi 17 janvier 2020 est typique des fuites en avant militantes « radicales » qui cherchent des symboles faciles plutôt qu’un véritable ancrage de masse. Ils n’étaient qu’une poignée de grévistes RATP et SNCF à profiter de la sortie d’un salarié du siège pour déjeuner afin de s’infiltrer quelques instants en faisant du bruit, puis repartir avant l’arrivée de la police.

C’est un petit coup de force totalement inutile, mais censée symboliser la dénonciation d’une « petite bureaucratie syndicale ». Pour parfaire la mise en scène, il y a eu une prise de parole au mégaphone avec un gréviste expliquant de manière ridicule que, en grève depuis 43 jours, ils « affament » leurs enfants et ne savent plus comment remplir leur frigo.

Cette personne s’affiche pourtant comme membre du courant « Révolution Permanente » du NPA et est militante Sud Rail ; il sait très bien ce qu’il fait et n’a jamais eu besoin de Laurent Berger de la CFDT pour se mettre en grève.

On peut penser ce qu’on veut de la CFDT et même dénoncer sa ligne, mais c’est ridicule d’affirmer qu’un « mec là-haut » (sous entendu Laurent Berger), déciderait à la place des grévistes de « la suite du mouvement » et négocierait à leur place « la régression sociale. » Ce n’est pas la CFDT qui a initié la grève et qui trahirait tout le monde aujourd’hui ! Ce serait un mensonge de prétendre cela.

La CFDT ne représente quelques-chose que parce que le syndicalisme est très faible et minoritaire en France. Une critique politique de la CFDT est utile évidemment, mais ce n’est aucunement de cela qu’il s’agit ici. On a plutôt un coup de force symbolique et anti-démocratique, consistant à se laver les mains en disant « c’est la faute de la CFDT si la grève ne marche pas ».

C’est trop facile ! Surtout venant d’un militant de Sud Rail, syndicat groupusculaire à la SNCF qui n’a jamais été en mesure de peser sur quoi que cela soit et qui n’en a jamais rien eu à faire du regard de la population sur les grévistes, ni dans cette grève, ni dans les précédentes. Cet envahissement symbolique est typique de cette poignée de grévistes radicalisés s’imaginant l’avant-garde de quelque-chose et exigeant que la population les suive.

Sauf que ça ne marche pas comme cela, et ce n’est en tous cas pas la façon de faire de la Gauche. Quand la CGT, alors liée au PCF, avait un ancrage véritable dans les masses travailleuses, la question ne se posait pas de savoir ce que disaient ou faisaient les autres syndicats. D’ailleurs, la CGT actuelle n’a pas appréciée d’être associée à cette envahissement de la CFDT et l’a fait savoir :

« Quels que soient les désaccords possibles entre organisations syndicales, la CGT ne cautionne pas ce type d’action. Chaque organisation syndicale est libre de son mode de fonctionnement, de son orientation et de ses revendications. »

C’est donc cela l’actualité pour la Gauche : avoir un véritable ancrage dans les masses travailleuses de France, pour mener avec elles un changement de société. Tout le reste n’est que prétention vaniteuse et cela ne peut qu’amener de la rancœur et favoriser le populisme et l’extrême-Droite.