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Communiqué de la CGT sur les ordonnances du gouvernement

Voici le communiqué de la CGT s’inquiétant des ordonnances du gouvernement concernant le droit du travail :

« ORDONNANCES : LE GOUVERNEMENT DÉRÉGLEMENTE À TOUT VA !

Le conseil des ministres, réuni ce jour, vient de rendre publique ses ordonnances, mettant en place des déréglementations majeures, en matière de droit du travail, en particulier sur le temps de travail, les congés, la prise des RTT ou encore le compte épargne temps.

Le gouvernement profite, ainsi, de manière scandaleuse, de la crise sanitaire pour déroger, dans certains secteurs économiques dits essentiels mais non définis, aux règles du droit du travail.

La durée quotidienne maximale de travail est portée à 12 heures, au lieu de 10 heures actuellement, celle du travail de nuit à 12 heures au lieu de 8 heures.

De même, il décide de réduire le temps de repos, entre 2 journées de travail, à 9 heures contre 11 heures minimum aujourd’hui.

Il fixe la durée maximale de travail hebdomadaire à 60 heures contre 48 heures jusqu’ici et augmente également les durées de travail hebdomadaires, dans le secteur agricole ainsi que le travail de nuit.

Il instaure l’extension du travail le dimanche et prévoit la possibilité d’user de ces régressions jusqu’à décembre 2020.

Toutes ces décisions expriment sans nul doute la volonté gouvernementale et patronale de préparer une intensification de la production économique. Veulent-ils déjà assurer l’après crise sanitaire ?

Pire, la liste des secteurs concernés par ces déréglementations sera définie unilatéralement par le gouvernement par le biais de décrets, alors que le gouvernement refuse toujours de définir quels secteurs non essentiels doivent arrêter leur activité et mettre enfin les salariés en sécurité.

Il y a donc un vrai risque que ces régressions, en matière de droit du travail, soit étendues à de très nombreux secteurs voire à toutes les activités.

Les ordonnances actent également des reculs majeurs en matière de prise des congés payés qui pourraient être imposés jusqu’à 6 jours ouvrables, avec un délai de prévenance réduit à 1 jour franc après accord soit collectif, soit directement entre le salarié et l’employeur dans les petites entreprises.

Ces ordonnances sont, pour la CGT, inacceptables, injustifiées et représentent une remise en cause sans précédent du droit du travail. Elles constituent bien un effet d’aubaine pour les employeurs.

L’urgence, au contraire, est de garantir la protection et la santé de tou.te.s les travailleur.euse.s, en listant l’ensemble des activités ne répondant pas à des besoins essentiels pour la population.

Ce dont ont besoin les travailleu.euse.s, c’est d’aides et non pas de nouvelles contraintes ! »

 

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Document de la CGT sur le droit de retrait lié à la crise du Covid-19

Voici un document de la CGT sur le droit de retrait lié à la crise du Covid-19 publié hier :

« Coronavirus, droit de retrait et action syndicale et du CSE

Vous avez des questions concernant le droit de retrait, l’action syndicale et le CSE ? Nous y répondons ici !
  • Exercice du droit de retrait du salarié

L’exercice du droit de retrait peut permettre de protéger la santé du salarié exposé au risque de contracter le coronavirus. De plus, la simple évocation d’un exercice collectif du droit de retrait lors de discussions avec l’employeur peut permettre de créer un rapport de force propre à contraindre celui-ci à prendre les précautions nécessaires pour protéger les salariés et limiter la propagation du virus (mesures barrières, diminution de l’activité, annulation de certains déplacements, etc.).

À l’heure où tout un chacun se demande comment il peut contribuer à lutter contre la propagation du virus, l’exercice du droit de retrait, peut constituer une mesure forte et efficace. Encore faut-il qu’il soit mis en œuvre de façon appropriée !

  • Danger grave et imminent pour la santé du salarié

En cas de danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, le salarié est en droit de suspendre son activité après avoir avisé l’employeur de ce danger (art. L. 4131-1 du Code du travail). Il suffit que le salarié ait un motif raisonnable de craindre pour sa vie ou sa santé pour qu’il déclenche la procédure de retrait (Cass. soc. 23 avril 2003, n° 01-44806, BC V n° 136).

L’appréciation se fait au cas par cas. Le Questions/Réponses du gouvernement souligne que peut être considéré comme « grave » tout danger susceptible de produire un accident ou une maladie entraînant la mort ou paraissant devoir entraîner une incapacité permanente ou temporaire prolongée et comme « imminent », tout danger susceptible de se réaliser brutalement dans un délai rapproché (Q/R 29 du « Questions/Réponses » pour les entreprises et les salariés Covid-19 version du 17/03/2020).

L’employeur ne peut pas sanctionner le salarié qui exerce ce droit et ne peut pas cesser de lui verser sa rémunération (L. 4131-3 du Code du travail).

En cas de suspicion d’abus dans l’exercice du droit de retrait, le litige pourra être tranché a posteriori par un conseil de prud’hommes (qui sera le plus souvent saisi d’une demande de l’employeur ou du salarié relative au versement des salaires).

Le risque d’exposition au coronavirus permet-il au/à la salarié.e d’exercer son droit de retrait ?

Une position gouvernementale contestable

Pour le gouvernement les possibilités de recours au droit de retrait sont « fortement limitées » lorsque l’employeur prend les mesures de prévention et de protection recommandées par le gouvernement. Dès lors qu’un employeur suit les recommandations du gouvernement, le salarié ne pourrait a priori pas invoquer le droit de retrait au motif qu’un de ses collègues revient d’une zone à risque ou a été en contact avec une personne contaminée, en l’état des connaissances épidémiologiques à ce jour (Question/réponse du gouvernement n° 9).

Cette position du gouvernement est restrictive. D’abord, le droit de retrait est un droit garanti par de dispositions législatives et mis en œuvre sous le contrôle des conseils de prud’hommes, ce n’est pas au gouvernement de le définir. De plus, les recommandations du gouvernement paraissent parfois bien légères au vu des risques de contamination encourus.

Ce qui est certain, c’est que de l’avis même du gouvernement, le fait que l’employeur ne mette pas en œuvre les recommandations du gouvernement (voir Q/R n° 13 à 19) peut ouvrir la voie au droit de retrait : refus de télétravail alors qu’il est possible, pas de protection mise en place en cas d’accueil du public, absence d’affichage des gestes barrières, absence de nettoyage adéquat des locaux etc.

Ensuite, soulignons que le « danger » peut être caractérisé par une cause extérieure au salarié (ex. : locaux dangereux), mais peut aussi très bien être lié à son état de santé (ex. : allergie aux agents auxquels son poste l’expose ; Cass. Soc. 20 mars 1996, n° 93-40111, BC V n° 107). Ainsi, un salarié vulnérable au coronavirus (femmes enceinte, personnes âgées de plus de 60 ans, gros fumeurs, personnes asthmatiques ou connaissant des difficultés respiratoires) pourrait mettre en œuvre son droit de retrait beaucoup plusfacilement.

Notons que le droit de retrait concerne la situation du salarié. Le fait qu’il vive avec une personne particulièrement vulnérable au coronavirus ne permet malheureusement pas d’invoquer le droit de retrait. Cependant, si l’employeur a parfaitement connaissance du fait que le salarié vit avec des personnes vulnérables, et qu’il existe des solutions de télétravail, de changement de postes, de mesures de protection ou de remplacement par un autre salarié, et que l’employeur ne les a pas mises en œuvre, il commet alors certainement un abus dans l’exécution du contrat de travail.

Le rôle des syndicats et représentants du personnel est indispensable pour regarder au cas par cas la situation des salariés et peser pour que leur soit appliquées les mesures les plus protectrices.

Comment le salarié peut-il mettre en œuvre son droit de retrait ?

Il suffit que le salarié informe son employeur ou son responsable hiérarchique par tout moyen de l’existence d’un danger et de l’exercice du droit de retrait juste avant ou concomitamment au début du retrait. Un écrit (mail, lettre recommandé etc.) est cependant toujours préférable.

Le droit de retrait s’exerce individuellement par le salarié. Cependant, il est plus efficace et protecteur qu’un syndicat ou les représentants du personnel organisent le déclenchement du droit de retrait.

Rôle des représentants du personnel et des syndicats

Mise en œuvre syndicale du droit de retrait : un droit de retrait « collectif » est plus efficace et protecteur qu’un droit de retrait exercé individuellement

Le droit de retrait s’exerce individuellement par le salarié. Cependant, il est largement préférable qu’un syndicat organise le déclenchement du droit de retrait en ciblant les postes de travail exposés à un danger grave et imminent ou encore en ciblant les salariés particulièrement vulnérables.

Mais pour être sûr d’être dans les clous, il faut que chaque salarié individuellement prévienne l’employeur de l’exercice de son droit de retrait.

Les salariés du musée du Louvre, en lien avec la CGT Culture, ont exercé leur droit d’alerte et de retrait pendant plusieurs jours, avant que leur Direction ne prenne des mesures de limitation du nombre de visiteurs et de protection.

Mise en œuvre du droit d’alerte par les membres du CSE

Les représentants du personnel au CSE peuvent individuellement exercer un droit d’alerte en cas de danger grave et imminent pour les travailleurs.

Il doit consigner son alerte par écrit dans un registre spécial. Cet avis doit comporter les postes de travail concernés par le danger, la nature et les causes de ce danger, le nom des travailleurs exposés.

L’employeur est alors tenu de procéder à une enquête avec le représentant du personnel qui a lancé l’alerte et de prendre toute mesure qui s’impose. Avant que les salariés n’exercent leur droit de retrait chacun individuellement, il peut être utile que des membres du CSE lancent une alerte auprès de l’employeur. Cela rend le droit de retrait plus collectif. Cela peut permettre également de contraindre l’employeur à réfléchir à des solutions pour éviter les situations à risque.

A l’issue de l’enquête s’il y a désaccord entre le CSE et l’employeur sur les mesures à mettre en œuvre ou sur l’existence même d’une situation de danger l’inspecteur du travail doit être saisi par l’employeur.

Une communication indispensable

Dans le contexte actuel, il est indispensable d’expliquer de façon claire et convaincante les raisons du droit de retrait ou du droit d’alerte. La communication pourra se faire en fonction de l’ampleur du droit de retrait via un tract interne, un communiqué, un P-V de réunion de CSE, etc.

La communication pourra par exemple démontrer que l’employeur n’a pas mis en place les mesures nécessaires pour protéger les travailleurs et que c’est pour éviter la propagation du virus dans la population et l’engorgement des hôpitaux que ceux-ci exercent leurs droit de retrait ou que le syndicat les appelle à le faire.

Exiger la mise en place des mesures nécessaire à la santé et sécurité des salariés

Les représentants du personnel et les syndicats peuvent exiger des employeurs qu’ils diffusent les informations sur les règles d’hygiène et de sécurité, qu’ils mettent à disposition du matériel de prévention, qu’ils procèdent au nettoyage des locaux lorsque cela est nécessaire, qu’ils réaménagent les postes de travail, qu’ils mettent en place du télétravail, qu’ils ferment temporairement l’entreprise avec maintien de salaire… toutes mesures qui doivent être exigées en fonction de la situation spécifiques de chaque entreprise, chaque poste, chaque salarié.

Rappelons que l’employeur est tenu à une obligation de sécurité à l’égard des salariés. Il doit prendre les mesures nécessaires pour protéger leur santé. Il doit notamment les informer lorsque des risques se présentent et mettre en place les moyens adaptés pour les protéger au mieux (art. L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail).

Les représentants du personnel et syndicaux peuvent aussi revendiquer que les mesures prises par l’employeur soient négociées.

Surtout, toutes les mesures concernant le fonctionnement de l’entreprise nécessitent une consultation du CSE. Ces consultations doivent impérativement avoir lieu. Les élus doivent exiger d’être consulté dans les formes. Ils doivent également veiller à la bonne application des accords existants (ex. : accord de modulation du temps de travail, accord RTT, accord sur le télétravail).

Si les représentants du personnel ne souhaitent pas se rendre physiquement à des réunions ils peuvent toujours demander des réunions par visio-conférences, même si les conditions légales ne sont pas remplies, avec toutefois le risque que l’employeur refuse pour ce motif.

Les représentants du personnel sont un rouage essentiel du fonctionnement de l’entreprise, à plus forte raison lorsque celle-ci fait face à une crise. Il n’y a pas de bonne décision auxquelles ils n’ont pas été associés et, surtout, ce sont eux qui permettent d’informer réellement et en confiance le personnel.

Or, ces derniers jours ont montré que « l’effet panique » créé par les annonces des dirigeants peut avoir des conséquences sérieuses et créer des problèmes qui ne se seraient pas produits autrement (ex. : pénuries dans les supermarchés parisiens, embouteillages exceptionnels pour quitter Paris, etc.).

Le projet de loi qui va être débattu cette semaine prévoit de nombreux aménagements en matière de droit du travail, qui seront précisés par ordonnance. On sait dès à présent que le gouvernement envisage de prendre des mesures permettant de modifier les modalités d’information et de consultation des institutions représentatives du personnel, notamment le CSE, « pour leur permettre d’émettre les avis nécessaires dans les délais impartis ».

Nous ne savons pas pour l’instant quelles formes prendront précisément ces mesures, si elles ne concerneront que les modalités de consultation du CSE en cas de mise en œuvre de l’activité partielle, ou si elles concerneront également d’autres consultations. Nous tenions toutefois à vous alerter dès à présent sur ces dispositions envisagées, et vous tiendrons informés dès que possible. »

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Retraites: la CGT ne veut pas être écartée de la cogestion du capitalisme

La CGT est dans un situation compliquée : d’un côté elle doit prétendre à une certaine radicalité pour peser, de l’autre elle veut se montrer responsable pour ne pas être écarter définitivement de la gestion du capitalisme, du fait de sa faiblesse. Après une nouvelle « journée d’action », elle met en avant une conférence de financement alternative et continue à prétendre qu’elle a avec elle une mobilisation d’ampleur… tout en participant à la conférence de financement du gouvernement et de la CFDT.

« Des cortèges colorés, dynamiques et intergénérationnels, avec des slogans et des airs de musique engagés qui ont donné la pêche à plusieurs centaines de milliers de manifestants – dont beaucoup de grévistes – ont rassemblé sur plus de 200 lieux de manifestation partout sur le territoire. »

Quand on commence ainsi un communiqué après une journée de grève et de manifestation, c’est qu’on a manifestement plus grand-chose à dire pour faire croire qu’il se passe quelque-chose. Cela devient carrément risible quand il est expliqué ensuite :

« Toujours plus rassembleuses, elles donnent à cette mobilisation – dont la durée est historique – des envies d’en découdre encore et encore : concerts, spectacles, projections de films, retraites aux flambeaux, bals, signatures de pétition, carnavals de luttes… »

La CGT, qui écrit cela dans son communiqué du 20 février 2020, se retrouve en effet en très mauvaise posture, sentant venir à grand pas sa mise à l’écart de la cogestion du capitalisme.

Cela a donné lieu mercredi à une cacophonie pathétique avec Catherine Perret, chargée du dossier des retraites à la CGT, annonçant dans la matinée qu’elle claquait la porte de la « conférence de financement », puis son syndicat nuançant les choses quelques heures plus tard en expliquant qu’il fallait attendre que ses propositions soient entendues.

Pour justifier sa position, Catherine Perret a dénoncé un « compromis impossible » avec le gouvernement. Elle joue la carte du poing sur table, en espérant que cela puisse suffire à revenir à la table des négociations par la grande porte. La direction de la CGT a cependant vite réagit, jugeant ce coup de poker trop risqué.

D’ailleurs, le secrétaire d’État chargé des retraites, Laurent Pietraszewski, a immédiatement fait un appel du pied à la CGT pour qu’elle rentre dans le rang de la cogestion et qu’elle se montre raisonnable :

«Il n’y a pas que la CGT dans le paysage. Mais je regrette qu’un grand syndicat claque la porte à ce type de dialogue car elle a toute sa place. Ceux qui restent ont du travail».

La CGT s’est donc montrée raisonnable et a expliqué que rien n’était définitif, qu’elle voulait surtout que ses propositions soient entendues. Et des propositions, elle en a beaucoup, alors elle s’évertue à se présenter comme le meilleur élève en mesure de gérer la bonne marche du capitalisme.

On est pas ici dans la lutte des classe, portée par la Gauche historique et dirigée par la classe ouvrière assumant le Socialisme, mais dans le train-train du capitalisme devant perdurer.

Catherine Perret de la CGT a donc très bien travaillé son dossier pour réussir à « dégager à peu près 85 milliards d’euros par an » comme elle l’a expliqué à la radio, le communiqué de la CGT suite à la mobilisation du 20 février expliquant pour sa part :

« Après la première réunion de la Conférence sur le financement des retraites où nous avons porté notre analyse argumentée sur l’enfumage des chiffres de déficit en mettant en face nos propositions, nous sommes dans l’attente d’une réponse du gouvernement. »

Dans cette optique de se montrer raisonnable et utile pour le capitalisme, il est expliqué qu’une « Vraie conférence » sera organisée fin mars avec l’intersyndicale (CGT, FO, SOLIDAIRES, FSU).

Le syndicalisme tente ainsi de se maintenir, mais il a avec lui une base de plus en plus faible et isolée du monde du travail. Le gouvernement parle d’à peine 100 000 manifestants ce jeudi 20 février 2020 et la CGT ne donne même pas de chiffre national du nombre de manifestants… pas plus que du nombre de grévistes, dont elle prétend pourtant qu’ils sont nombreux.

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Après le mythe de la grève générale, le populisme du référendum

La grève générale n’étant clairement pas en vue, il fallait trouver un autre mythe mobilisateur de la part du PCF et de La France insoumise pour sauver la CGT. C’est l’Humanité qui s’est chargée de la mission, avec un grand appel à un référendum. Il faut sauver le soldat CGT.

Si la CGT coule, alors tout un pan de la Gauche s’écroule. Pas celle liée au Parti socialiste, car elle s’appuie de son côté sur des valeurs, un programme. Mais celle liée au PCF, à La France insoumise, au NPA, c’est-à-dire « à la gauche de la gauche », qui vit de surenchère.

S’il n’y a plus la CGT, il n’y a plus le levier de la surenchère. Et c’est la fin de tout. Il ne reste alors que les idées, le programme, les valeurs, et cela ne pèse pas lourd, tellement le populisme a fait des ravages.

L’ultra-gauche peut bien de son côté commencer à dénoncer une CGT qu’elle a entièrement soutenu jusque-là. Elle ne fait que revenir à son culte de la marginalité après un traditionnel suivisme syndical à la première occasion. Hier, les chasubles CGT, les cortèges CGT, aujourd’hui les postures de regret du manque d’élan, de la « trahison » des dirigeants. Rien de plus classique. On connaît l’adage : « la crise est une crise de la direction révolutionnaire ». L’ultra-gauche connaît son Léon Trotski.

Mais le PCF et LFI ont de l’ambition. Sans la CGT, il n’y a plus les moyens de cette ambition. Il faut donc agir avant qu’il ne soit trop tard. Ce qui se lit ici, c’est l’étrange rapport, très pervers, entre la gauche de la gauche et le syndicalisme. Il y a des non-dits, des zones réservées, un équilibre précaire mais en même temps une grande connivence, etc. Il y a un accord masqué qui, véritablement, pourrit la primauté de la politique et ce depuis les débuts de la CGT.

Il y a par conséquent une dépendance à la CGT, que le PCF et LFI la reconnaissent comme essentielle. Il faut donc sauver la CGT, qui va dans le mur. Mais comment faire pour ne pas la compromettre, pour qu’elle sauve la face ? D’où l’idée de demander un référendum, avec une pétition en ce sens, signée des principales figures de la « gauche de la gauche ».

La CGT, anti-politique, ne le signera pas, surtout lancée dans la grève, du moins officiellement. Si elle le fait, elle remettrait en cause sa propre logique syndicaliste. Elle ne peut donc pas vraiment être vexée. Surtout que c’est l’Humanité qui lance la pétition. On a aussi parmi les signataires Patrick Le Hyaric, qui est directeur de l’Humanité, ainsi que Bernard Thibault, ancien secrétaire général de la CGT.

Les angles sont donc arrondis. Et pour sauver le soldat CGT, on a Ian Brossat du PCF, ainsi que Adrien Quatennens et Jean-Luc Mélenchon de La France Insoumise. On a Marie-Noëlle Lienemann et Emmanuel Maurel de la Gauche républicaine et socialiste et Gérard Filoche de la Gauche démocratique et sociale.

On a Julien Bayou, qui est secrétaire national d’EELV, et Alain Coulombel, porte-parole d’EELV. On a Clémentine Autain de La France insoumise et Guillaume Balas, coordinateur de Génération-s.

On a également des figures d’arrière-plan, comme Pouria Amirshahi, ancienne figure majeure du syndicalisme étudiant et actuel directeur de publication de Politis, Willy Pelletier qui est coordinateur général de la fondation Copernic, Alain Obadia qui est président de la fondation Gabriel-Péri.

La liste initiale comporte également des avocats, des intellectuels, des chercheurs, des artistes, des économistes, etc. avec quelques ambulancier, sans profession et chauffeur poids lourd pour donner un côté populaire.

Est-ce que cela suffira ? Certainement pas. C’est même plus un signe d’effondrement qu’autre chose. Car la véritable actualité n’est pas dans ces noms. Elle est dans le fait que les hauts cadres du Parti socialiste ont également signé la pétition, et notamment Olivier Faure, qui est secrétaire national du PS, et Jean-Christophe Cambadélis, ex-premier secrétaire.

Qu’Olivier Faure veuille faire bien, soit. Mais que viennent faire les autres signataires, et notamment Jean-Christophe Cambadélis ? Ce dernier a un regard extrêmement précis et aguerri. Il disait tout récemment, avec justesse, au sujet des municipales :

« La gauche, elle, va toucher le fond de la piscine alors que le PS gardera pour l’essentiel ses bastions. Le PCF aussi, grâce à une alliance jugée hier impossible avec le PS. Même si ce sera l’arbre qui cachera la forêt des reculs du premier tour, la rupture avec la France insoumise va coûter chère au PCF et à la France insoumise.

Les écologistes seront globalement très hauts et devant les socialistes là où la gauche n’est pas sortante. Dans les villes de Besançon, Bordeaux etc. où la gauche est unie avec eux, ils peuvent même virer en tête. Reste que l’écologie est un vote de 1er tour, pas ou pas encore de rassemblement.

Quant à la France insoumise, elle est réduite à une posture de témoignage protestataire, ayant du mal à exister dans ce scrutin qui est pour elle encore plus difficile que les européennes. »

Et il ajoutait, présentant sa solution :

« Mais, encore une fois, le problème de la gauche c’est la faiblesse et le manque d’attractivité du PS. Ce n’est pas un problème de personnes mais une question structurelle. La marque est obsolète, il faut la refonder (…). Ce renouveau, cette réinitialisation du PS nécessite de dépasser le PS. »

Jean-Christophe Cambadélis croit-il qu’une Gauche, qu’il qualifie de « réformiste », peut naître d’un appel populiste à sauver une CGT antipolitique qui a mené un mouvement de protestation dans le mur ?

Cet appel au référendum est un suicide pour la Gauche politique. Il est une énième tentative de contourner les problèmes, les questions de politique, d’économie, de morale, de société, de valeurs. Il n’est aucunement possible d’échapper à la seule solution possible : constituer une Gauche consciente, organisée, structurée, établie de manière stricte.

Cela n’est pas possible avec une Gauche populiste, libérale culturellement, refusant l’organisation au nom de « mouvements », ne cherchant jamais à établir des structures locales menant un travail sur le long terme.

Le signe qu’on a ici, c’est que le Parti socialiste lui-même agonise – pas qu’il va contribuer à une structuration à Gauche. Sinon il ne se retrouverait pas là.

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Retraites: les syndicats en mode «repeat»

Une nouvelle « journée d’action » syndicale avait lieu ce jeudi 6 février 2020 contre la réforme des retraites. C’est toujours le même ronronnement, avec des défilés dans les grandes villes, une grève que personne ne voit depuis que les transports parisiens circulent et des syndicats qui bombent le torse en prétendant que la mobilisation est massive.

 

Il a fallu attendre 21h30 pour avoir le communiqué de l’intersyndicale CGT, FO, SOLIDAIRES et FSU (ainsi qu’UNEF, UNL, FIDL et MNL) : c’est que les débats ont dû être bien longs et compliqués à Montreuil hier soir après cette nouvelle journée de manifestation désormais routinière.

Les syndicats doivent en effet être bien ennuyés : d’un côté ils ont une base petite mais solide d’au moins 121 000 personnes, ainsi que le soutien tacite d’une grande partie de la population, de l’autre il ne se passe absolument rien et, au fond, tout cela n’intéresse personne. Mais hors de question de se remettre en cause pour autant. Le choix a donc été fait de garder le doigt appuyé sur le bouton « repeat », en espérant qu’à force de dire qu’il se passe quelque-chose la prophétie s’auto-réalisera.

On apprend donc comme d’habitude que « le rejet de la réforme et la détermination d’obtenir le retrait sont intacts et se propagent de manière inéluctable » et qu’ils sont « persuadés que cette mobilisation inédite, historique, vaincra ».

L’intersyndicale n’hésite pas à mentir éhontément pour appuyer son propos :

« Chaque semaine et ce depuis le 5 décembre, des A.G se multiplient sur les lieux de travail, dans les lycées et universités malgré les diverses pressions. »

De la même manière, la CGT explique dans son propre communiqué d’hier de manière surréaliste que :

« Ce sont plusieurs centaines de milliers de manifestants, dont une grande partie d’entre eux étaient en grève (portuaires et dockers, salariés de la Tour Eiffel nécessitant une fermeture du site, salariés des incinérateurs de déchets de l’Ile de France…) qui se sont rassemblés partout en France, dans les grandes villes comme les plus petits bourgs. »

Philippe Martinez avait d’ailleurs prétendu de manière délirante hier matin, face caméra :

« dans l’agroalimentaire par exemple, les jours de mobilisation interprofessionnelle, on dépasse les 100 000 salariés en grève ».

Peu importe si les chiffres de la participation aux manifestations n’ont rien d’extraordinaire (la CGT ne donne pas de chiffre national, le police parle de 121 000 personnes hier), que personne n’a remarqué que le pays est en grève : ce qui compte est de prétendre qu’il se passe quelque-chose.

Le leader de la CGT Philippe Martinez avait de toutes façons déjà dit la messe en début d’après-midi en tête du cortège parisien :

« La mobilisation est là. Ceux qui refusent de la voir doivent ouvrir les yeux ».

On a appris également que l’intersyndicale entendait s’organiser pour pourrir la journée internationale des femmes le 8 mars avec leur ronronnement syndical. Les femmes « seraient les plus grandes perdantes avec ce projet de loi », alors ils se sont dit qu’il y a peut-être là une opportunité et ils appellent donc à faire quelque-chose.

D’ici là, « une nouvelle journée de convergence, de grève et de manifestation » est appelée par l’intersyndicale pour le 20 février, dans 15 jours.

Une « contre-conférence » est également prévue pour le mois de mars, pour faire des propositions concrètes sur la question des retraites, en s’imaginant peut-être avoir l’appui du Conseil d’État, qu’ils n’arrêtent pas de mettre en avant depuis quelques jours. C’est que, toujours plus rejetées et ignorées par la bourgeoisie qui n’a plus besoin d’elles, les organisations syndicales remuent ciel et terre pour se rendre indispensable et avoir leur place dans la cogestion du capitalisme, comme avant.

Tout cela est vain ! Leur tour est passé, comme le prouve leur incapacité à mobiliser contre la réforme de retraites. C’est la lutte de classes qui va reprendre ses droits, sans eux, contre eux, comme en mai 1968, comme en 1936. C’est la politique, assumée par la Gauche historique affirmant le Socialisme, qui sera alors sur le devant de la scène, portée par la classe ouvrière et la jeunesse.

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Début février 2020: mais où est la grève?

Les syndicats, CGT en tête, nous ont promis monts et merveilles. L’ultra-gauche voyait même se pointer la crise de régime. En ce début février 2020, on peut constater cette simple chose : la mobilisation contre la réforme des retraites s’est fracassée sur la réalité du quotidien de la société capitaliste, entre indifférence et corporatisme bien calculé. Il n’y a pas que les patrons qui ont peur de la lutte des classes, les gens en ont tout autant peur.

Il ne s’agit nullement d’être pessimiste, bien au contraire. Tout mouvement populaire de lutte, même défait, apporte des enseignements aux gens. Ce qui est dommage ici, c’est que la défaite était prévisible et qu’à aucun moment, les syndicats n’ont cherché à se remettre en cause pour essayer de débloquer la situation.

On dit souvent à Gauche, dans le mouvement ouvrier, que les patrons ont peur de la lutte des classes. Que le drapeau rouge fait trembler le bourgeois. Mais c’est vrai également des gens. Les gens ont la trouille. S’il fallait définir la mobilisation contre la réforme des retraites, on doit dire qu’il s’agit aussi d’une mobilisation contre la mobilisation.

C’est une lutte conçue par les gens comme un moyen de ne pas lutter. Tout a été fait pour contourner la lutte des classes et on le voit très bien à ces signes qui ne trompent pas. Comme au moment des gilets jaunes, le capitalisme n’a pas été critiqué, pas plus que la bourgeoisie n’a été mentionnée.

On a une critique « anticapitaliste » qui affleure parfois, mais cela n’a rien à voir avec l’affirmation du Socialisme et du principe d’une société avec une hégémonie à tous les niveaux de l’esprit collectif. Les gens protestent parfois contre le capitalisme, car le capitalisme leur semble mal fait, ou parce que le capitalisme les dérange, ou bien même les agresse.

Mais ils ne veulent pas s’en débarrasser. Ils ne considèrent pas qu’ils sont aliénés, exploités. Tous pensent qu’ils peuvent tirer leur épingle du jeu dans le capitalisme. Tous pensent que le capitalisme est stable, qu’il va continuer comme avant, avec moins de droits certainement, mais sans changement en ce qui concerne le quotidien.

Les gens sont heureux de consommer sans recul, de se procurer le dernier matériel technologique mis à la disposition du public, de regarder des émissions de divertissement aussi stupides que les films hollywoodiens, de partir en vacances en se comportant comme de simples touristes.

Et ceux qui ne peuvent pas, parce qu’ils sont marginalisés socialement – et ceux-là forment une minorité de la société – ne rêvent que d’une chose : vivre comme les autres. La teneur du rap montre très bien quel est le degré de corruption qui prévaut.

Aucun régime n’est jamais menacé par des gens avec une morale aussi faible, une capacité d’engagement d’une faiblesse inouïe et la plupart du temps inexistante. L’extrême-gauche est composée de la petite-bourgeoisie intellectuelle, le monde associatif est sous contrôle de l’esprit bobo de manière complète, les ouvriers ne font rien ou, quand ils agissent, se placent au mieux de manière passive sous les ordres syndicaux.

Le niveau démocratique des masses est ce qu’on doit qualifier de catastrophique. Qui ne part pas de là vit dans un fantasme et est en total décalage avec la réalité de la société française. Est-ce à dire qu’il n’y aura rien ? Pas du tout et au contraire, car la lutte des classes se produit malgré les prolétaires s’il le faut. Mais qu’on s’imagine quel traumatisme cela va être quand la lutte des classes va reprendre ses droits, quelle fracture cela va être dans une société paralysée depuis les années 1960.

L’enfantement de l’époque qui s’ouvre va être terriblement douloureux.

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29, 30 et 31 janvier: le coup d’épée dans l’eau de la CGT

À l’issue de la grève du 24 janvier la semaine dernière, la CGT avait annoncé une nouvelle journée de grève et de manifestation pour ce mercredi 29 janvier suivie de deux jours d’initiatives les 30 et 31 janvier. Ce triptyque n’a rien donné, à part une énième manifestation syndicale mercredi aussi déprimante qu’inutile de part son caractère répétitif et improductif. Pour le reste, il n’y a aucune capacité à se tourner réellement vers les classes populaires dans leur ensemble, ce que la CGT ne sait pas faire (et ne veut pas faire).

Dans un communiqué la semaine dernière, la CGT avait annoncé qu’elle prévoyait pour cette semaine « le renforcement et l’élargissement de la mobilisation » et il devait y avoir des « initiatives les 30 et 31 janvier en direction des populations. »

Qu’a-t-on vu hier et avant-hier à ce sujet ? Rien, absolument rien. Cela n’est même pas un échec puisqu’en réalité la CGT n’envisageait pas de faire quoi que cela soit. Ni sa direction, ni ses bases militantes n’ont pour habitude d’avoir une véritable démarche démocratique en se tournant vers la population concrètement.

Même lors de différentes opérations de blocages, par exemples sur les récurrents blocages de ports autonomes depuis le début de l’année, qui en général ont lieu en amont dans des zones industrielles, les syndicalistes bloqueurs sont incapables de venir échanger avec les prolétaires de la zone, de les convaincre politiquement, de chercher la convergence par la discussion fraternelle. Les bloqueurs se contentent de bloquer dans leur coin, puis lèvent les barrages parfois, sans que personne ne sache jamais ni pourquoi, ni comment.

Cela est dans la nature même du syndicalisme, qui se prétend au-dessus de la politique et pour qui seul l’activisme compterait. La grève générale serait donc un modèle en soi, et il n’y aurait qu’à le suivre, en rejoignant la CGT et en lui signant un chèque en blanc pour qu’elle négocie avec le gouvernement au nom de tout le monde.

Quand on dit « tout le monde » ici, il faut bien voir qu’il s’agit en effet de tout le monde, dans le sens de toutes les couches de la population. La CGT est censée être une expression prolétarienne, s’inscrivant dans la lutte de classe. Mais cela n’intéresse plus la CGT, alors si elle n’a pas le soutien des ouvriers, elle s’imagine qu’au moins c’est très bien d’avoir à ses côtés les avocats, cette corporation bourgeoise.

On avait ainsi le droit mercredi soir sur la page Facebook officiel de la CGT à la célébration d’une stupide chorégraphie d’avocats (reprenant le très viril et brutal « haka » des rugbymen néo-zélandais) pendant la manifestation parisienne, avec le commentaire suivant :

« 👏🏼 Belle scène de convergence ou quand les #AvocatsEnGreve enseignent au cortège #AcauseDeMacron leur Haka ! »

D’ailleurs, les manifestations elles-mêmes ce mercredi 29 janviers 2020 ont été très faibles, tant numériquement que dans le contenu, toujours plus routinier et sans perspective. La CGT n’a même pas donné de chiffre national cette fois (le gouvernement annonçant quant à lui 108 000 personnes contre 249 000 la semaine dernière), se contentant de prétendre que tout va bien :

« Les organisations syndicales CGT, FO, FSU, Solidaires, UNEF, MNL, UNL se félicitent de l’importance des mobilisations pour le retrait du projet de réforme des retraites du Gouvernement. Le soutien de la population au mouvement social s’amplifie, des initiatives unitaires sont prises sur tout le territoire, les journées de grèves et de manifestations du vendredi 24 et du mercredi 29 janvier ont encore rassemblé des centaines de milliers de personnes. C’est la preuve d’un rejet massif des propositions portées par le Gouvernement. »

Quant à la grève, elle n’est plus qu’anecdotique, concernant quelques syndicalistes dans certains secteurs, de manière très isolée, avec des coups de force tentés ici et là (par exemple sur l’incinération des déchets en Île-de-France).

La CGT et l’intersyndicale n’ont rien d’autre à proposer qu’une nouvelle journée de grève, sans véritablement de travail destiné à organiser celle-ci, et surtout de nouveaux défilés dans les villes, jeudi 6 février.

Tout cela tourne en rond et ne mène à rien bien entendu, à tel point que les médias finissent pas ne quasiment plus en parler et le gouvernement ne semble même plus y prêter attention. Le Premier ministre vient d’ailleurs d’annoncer sa candidature aux municipales au Havre, cet ancien bastion ouvrier que son prédécesseur avait arraché à la Gauche en 1995. La conférence de financement, cette soi-disant victoire obtenue par la CFDT pour faire tampon et qui a démarré ce jeudi, ne s’avère être qu’un jeu de rôle mettant en scène syndicats et « patronat », sans aucune utilité.

La CGT est en fait tellement faible qu’une telle parade gouvernementale est devenue inutile. La CGT, dont le rôle de pacificateur social est considéré comme désuet par le capitalisme français version 2020, se retrouve maintenant éjectée du cours de l’histoire. C’est à la Gauche de prendre main, pour remettre la lutte des classes sur la table et ouvrir à nouveau la perspective politique du socialisme.

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Les pro-CGT retournent leur veste: l’ultra-gauche à son habitude

Voici le moment plein d’évidence, mais toujours surprenant de par son ampleur, celui du retournement de veste. Après avoir littéralement baisé les pieds de la CGT pendant deux mois, l’ultra-gauche se met du jour au lendemain à dénoncer sa démarche, pour tenter de ne pas couler avec elle.

Aucune fierté, de l’opportunisme sur toute la ligne, de la démagogie à en veux-tu, en voilà. Ce que fait l’ultra-gauche est impressionnant de mauvaise foi. Après avoir donc salué la démarche de la CGT depuis le départ, elle l’attaque désormais. Comment faire cependant pour garder la face, pour ne pas que ce soit trop gros ? Comment faire alors que depuis le départ, la réduction syndicaliste de la bataille a été appréciée, saluée, soutenue ?

Eh bien, à son habitude, l’ultra-gauche invente qu’il pourrait se passer bien plus de choses, qu’on est à la veille de la révolution, que tout est possible… Mais que, malheureusement, les directions syndicales trahissent. On serait à la veille de la reprise du mouvement, là où tout serait possible… Seulement voilà, tout serait un problème de direction. Cela avait bien commencé, mais les choses s’arrêteraient en route… Si l’ultra-gauche avait été à la tête du mouvement… Alors, là cela aurait fonctionné ! Si les gens avaient compris… etc.

En voici quelques exemples, peu importe leur source puisque c’est partout le même refrain.

« Or, à l’inverse des travailleurs qui reprennent leur souffle pour mieux envisager de repartir, l’intersyndicale semble en passe d’entériner une stratégie totalement minimale de temps « forts », calés sur le calendrier parlementaire et ses différentes échéances. »

« Le sort du mouvement n’est pas scellé, loin de là. Plus de cinquante jours après son démarrage, on en ignore encore l’issue. Mais force est de constater qu’à l’heure où nous écrivons ces lignes, l’isolement du gouvernement, le rejet majoritaire de la réforme et la mobilisation des centaines de milliers de salariéEs n’a pas encore crée le rapport de force suffisant pour faire céder Macron (…).

Alors que jusqu’à présent, l’intersyndicale interprofessionnelle avait plus ou moins bien joué son rôle moteur (sauf pendant les congés de Noël) de la mobilisation avec des appels à la grève, aux actions et aux manifestations, le dernier appel au mercredi 29 janvier est loin très loin d’être à la hauteur. En effet, choisir un mercredi, c’est pour le coup mettre en dehors de la grève un des secteurs les plus dynamiques de ces derniers jours : l’Éducation nationale. De plus, ne pas manifester et être en grève le jour de la conférence de financement de la CFDT, participer à cette conférence, c’est laisser penser que cette commission est d’importance alors que nous savons qu’elle ne pourra que remettre en selle « l’âge pivot à 64 ans » forçant à partir en retraite deux ans plus tard, ou allonger le nombre d’années travaillées nécessaire pour partir à la retraite. »

« D’un côté, les syndicats réformistes et opportunistes, révisionnistes, tentent d’encadrer les actions dans le « symbolique » : coupure de courant temporaire de lieu de pouvoir, jet de symboles du métier aux pieds d’un politicien, manifestations avec pour seul but le nombre, etc. Mais la partie la plus prolétarienne du mouvement elle se bat avec ses moyens : coupures d’électricité de zones industrielles entières, paralysie des transports, affrontements violents (comme les pompiers), envahissements et occupation, piquets de grève tenus par la force… »

Tout cela ne tient pas debout, mais cela maintient de manière littéraire la fiction comme quoi tout aurait été possible. L’ultra-gauche en a besoin. Car elle a paré le mouvement de la CGT de merveilleux, afin de se faire une place. Elle l’a accompagné. Jamais elle n’a critiqué la CGT, dont on sait pourtant le degré de corruption à la direction. Jamais elle n’a critiqué le manque de dimension politique, le refus de dimension politique même.

Elle est donc responsable autant que la CGT de la défaite en cours. Ses retournements de veste n’y feront rien : les paroles s’envolent, les écrits restent. L’ultra-gauche n’échappera pas à la critique de la Gauche historique.

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La Gauche et la question syndicale fin janvier 2020

La grève lancée par les syndicats le 5 décembre 2019 se transforme en échec complet et la question de leur rapport à la Gauche revient logiquement à la surface. La politique reprend ses droits et les points de vue sont assez variés.

Comme la grève a été surtout portée par la CGT, celle-ci est au cœur de l’attention… ou pas. Tout est justement une question de valorisation de celle-ci ou non. Du côté du Parti Communiste Révolutionnaire de France, qui se revendique pour résumer du PCF des années 1960, il n’y a de la place que pour la CGT et si défaite il doit y avoir, c’est en raison de son manque de force. En l’occurrence, c’est la CFDT qui a le mauvais rôle :

« La CFDT n’a donc jamais basculé dans la trahison de classe, puisqu’elle a toujours été une organisation syndicale de collaboration de classe. »

L’idée tient debout, mais paradoxalement l’explication est assez alambiquée. La CFDT est à la base la CFTC, le syndicat chrétien. Mais l’article ne dénonce pas la CFDT comme son prolongement, elle attribue au groupe Reconstruction (qui a impulsé la transformation en CFDT) l’objectif de « créer un syndicat capable de rivaliser et d’écraser la CGT » au moyen de la ligne autogestionnaire. Ce n’est toutefois pas vrai. Reconstruction a toujours assumé à la fois de ne pas être communiste et de ne pas être anticommuniste. La CFDT, ce n’est pas Force Ouvrière (qui elle est ouvertement anticommuniste).

Ce qui compte évidemment toutefois, c’est la dénonciation de la CFDT. C’est une tendance omniprésente du côté de ceux soutenant la CGT. On ne la trouve toutefois pas du côté des anarchistes, qui ont eux vu des tendances intéressantes dans la démarche de la CGT, une sorte de retour aux sources. L’Union Communiste Libertaire y consacre un long article où une circulaire interne de la CGT est même présentée comme le parfait manuel du syndicaliste autogestionnaire. Ce qui revient à dire que la CGT est devenue la CFDT des années 1970. L’article demande même que les sections syndicales soient revivifiés. Il y a beaucoup d’espoir dans une « nouvelle » CGT :

« Dans la CGT, les débats sont ouverts, et ils le sont tout autrement qu’il y a dix ans, si l’on compare la gestion confédérale de Thibault en 2010, refusant explicitement d’accélérer vers la généralisation, et les appels de Martinez en 2020, qui peinent hélas à être suivis. La reconstruction d’un syndicalisme de combat commence aujourd’hui ! »

On a aussi quelque chose d’intéressant avec le dernier éditorial des bulletin d’entreprises de Lutte Ouvrière. Ce mouvement trotskiste a une double tradition : d’un côté rejoindre les syndicats, de l’autre ne pas trop chercher à les mettre en avant. La raison est simple à comprendre : il est considéré que la direction bureaucratique des syndicats est trop pesante et que s’il faut être dans les syndicats, il est nécessaire à un moment de les déborder pour parvenir à quelque chose.

C’est une ligne inspirée du Programme de transition de Léon Trotsky et qui tient également à l’origine de l’organisation, née à Renault d’un comité de grève extérieur à la CGT. Ce mouvement extérieur à la CGT (et au PCF) rejoindra ce qui donnera alors Force Ouvrière. Bien de l’eau a coulé sous les ponts depuis, mais c’est une tradition qui est restée.

Et que voit-on justement ? Qu’il est parlé de « l’exaspération des classes populaires », de la « colère » dans les entreprises privées qui va finir par éclater. L’éditorial a même comme titre « Les travailleurs ont commencé à rendre les coups, il faut continuer ! ». Cependant, l’éditorial ne mentionne pas une seule fois la CGT ! Même le mot « syndicat » n’est pas présent. C’est bien sûr un choix effectué sciemment et il l’est même depuis le départ du mouvement. Il n’y a aucune confiance en la CGT.

Pour résumer, ces trois points de vue sont parfaitement représentatifs des points de vue actuels. Il y a ceux pour qui la CGT doit être renforcée pour maintenir ses positions. Il y a ceux pour qui la CGT s’est lancée dans quelque chose l’amenant à se transformer. Il y a ceux qui n’ont pas confiance en la CGT, car ils n’ont jamais eu confiance en elle de toutes façons.

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Échec du 24 janvier 2020: la cause est la fascination de la CGT pour les mythes mobilisateurs

Les syndicalistes prétendent être mieux que les politiques, car ils auraient le sens du concret. En réalité, ils mobilisent sur des fictions, prétendant qu’il y aura un déclic. C’est la négation de la politique et de la culture et la CGT s’enlise dans ses propres mensonges, tout cela pour sauver sa peau dans une situation inextricable.

Remontons à la source du problème, à savoir la prétention des syndicalistes à faire tout mieux que tout le monde, à porter l’avenir, à être les seuls qui soient purs, objectifs, sincères. Pour tout cela, il faut étudier Les Réflexions sur la violence de Georges Sorel, paru en 1908.

Bien entendu, c’est un ouvrage qui n’a jamais été lu par les syndicalistes eux-mêmes à l’époque, parce que ceux-ci étaient déjà anti-intellectuels comme ils le sont aujourd’hui. Même aujourd’hui, ils ne l’ont pas vraiment lu, pas plus que d’autres ont d’ailleurs lu Lénine ou même Marx. En France on a une culture à la Sciences-Po : si on a lu des fiches de résumé, on pense que cela suffit.

Les Réflexions sur la violence forment donc surtout un prétexte à une méthode, assez facile à comprendre même tellement elle est française. Pour gagner socialement, pas besoin de réflexion, on fait du rentre-dedans et on annonce que tout va craquer. On ne sait pas si c’est vrai, mais en rentrant dedans on galvanise les combattants et, à force, le mythe mobilisateur de « ça va péter » est censée devenir une prophétie autoréalisatrice.

Voilà ce que fait la CGT en ce moment. Évidemment, au fond, elle n’y croit pas, elle espère surtout que le privé va lutter pour ses propres intérêts et que la situation aura alors tellement changé que les compteurs vont être à remis zéro. Mais elle fait semblant et même on peut soupçonner certains de croire en leur propre mensonge. Par exemple, lorsque Laurent Brun, Secrétaire Général de la Fédération CGT des Cheminots, fait le 24 janvier une analyse rapide comme quoi Emmanuel Macron est sur la pente savonneuse menant à la dictature du maréchal Pétain.

Le type sait que c’est n’importe quoi, c’est obligé. Mais il le dit, histoire de faire monter la sauce, au mépris de tout sens des réalités et du respect de la raison. Foutu pour foutu, autant y aller !

Et que dire de la centaine d’avocats en robe noire en train de chanter à Bordeaux une version au texte modifié du Chant des partisans, ce 24 janvier ? Sans conviction aucune, heureusement, on devine une initiative forcée, comme tout ce qui a trait d’ailleurs au mouvement contre la réforme des retraites. Mais quelle ignominie !

Ceci dit la honte est partout, car la version originale de la chanson a été chantée un peu partout lors de marches au flambeau, comme à Angoulême. Une marche au flambeau… Est-ce une tradition du mouvement ouvrier, ou de l’extrême-Droite, qui plus est ? On a atteint un niveau de faiblesse qui n’a comme équivalent que celui de l’auto-intoxication.

Il faut lire l’article de Libération sur la grève sur le barrage EDF de Grand’Maison, la centrale hydroélectrique la plus puissante de France. Le délégué syndical explique à fierté :

«Avec Grand’Maison, on est à la tête d’une centrale de 1 800 MW de puissance, l’équivalent de deux réacteurs nucléaires classiques ou d’un EPR. C’est le moyen de se faire entendre de l’Etat mais aussi de l’opinion publique.»

Soit ! Mais quand RTE passe un coup de fil en disant : on a besoin d’électricité, allez bosser de telle heure à telle heure, il est obtempéré. On peut penser que cela est juste, qu’il faut éviter les révocations, cela va même de soi. Cela étant, il y a un décalage énorme entre dire que tout est sous contrôle ouvrier et qu’en réalité, cela ne le soit pas.

Les premiers perdants sont les ouvriers. La CGT les amène droit dans le mur. Elle ne peut en effet plus reculer. Elle est obligée de se prétendre la garante de tout le système social, elle est obligée de prétendre que la victoire est en train d’être obtenue. Elle est obligée d’utiliser des mythes mobilisateurs.

En faisant cela, elle mobilise ses propres rangs et ses sympathisants, mais empêche toute mobilisation en mode « lutte de classes ». Tout tourne alors sur soi-même… jusqu’à l’épuisement. Jusqu’au vide politique qui sera occupé par l’extrême-Droite, à moins qu’une Gauche unie vienne sauver le tout.

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Mobilisation du 24 janvier 2020: des chiffres invraisemblables

Le mouvement de contestation contre la réforme des retraites est en perte de vitesse. La grève s’est enlisée, alors qu’elle n’a pas pris ailleurs qu’à la SNCF et à la RATP, que même dans des secteurs mobilisés comme à EDF-Enedis, elle n’a été que minoritaire. Pourtant, la CGT triomphe et s’imagine qu’en annonçant des chiffres de manifestants invraisemblables, cela suffira à ce qu’il se passe quelque-chose.

Le gouvernement a adopté ce matin le projet de loi sur la réforme des retraites en conseil des ministres en ignorant totalement la contestation et les syndicats. Mais la CGT triomphe : « Qui a parlé d’essoufflement de la mobilisation sociale ? » titre son communiqué.

C’est sûr que quand on raconte ce qu’on veut sans aucune vraisemblance pour le nombre de manifestants, il est facile de triompher… Il y aurait eu ce vendredi 24 janvier d’après la CGT entre 350 000 et 400 000 personnes manifestants à Paris. Cela ferait donc 100 000 personnes de plus que la semaine dernière le 16 janvier. Mais d’où viennent ces 100 000 néo-manifestants, qu’on avait pas vu depuis le 17 décembre et le 9 janvier, au plus fort du mouvement, où la CGT annonçait autant à Paris ?

Cela ne tient pas la route, alors que la Préfecture ne parle que de 31 000 personnes hier et que le chiffre des médias est de 39 000 manifestants. Rappelons que le 17 décembre 2019, la Préfecture avait annoncé 76 000 manifestants, ce qui est plus du double que le nombre annoncé hier, et que le 9 janvier elle annonçait 56 000 manifestants.

On se demande également comment à Marseille la CGT peut avoir vu 180 000 personnes là où la police n’en annonce que… 8000. Même chose à Toulouse où la CGT voit 95 000 manifestants quand la police n’en voit que 5000. C’est tout simplement ridicule.

C’est la même chose pour les chiffres nationaux, la CGT annonçant 1,3 millions de manifestants, soit presque autant que le 5 décembre (1,5 millions et 800 000 selon le gouvernement), alors que le gouvernement annonce 250 000 manifestants dans tout le pays.

Cela paraît d’autant plus improbable que beaucoup de manifestations en France ont réuni bien moins de personnes qu’en décembre :

à Lyon, 9000 manifestants selon la police et 20 000 selon la CGT,
à Bordeaux,7500 manifestants selon la police,
à Nice, 2900 manifestants selon la police et 10 000 selon la CGT,
à Nantes, 5500 manifestants selon la police et 10 000 selon la CGT,
à Rennes, 4000 personnes selon la presse,
au Havre, 6000 manifestants selon la police,
ou encore à Boulogne-sur-mer, 500 manifestants selon la police et 1000 selon la CGT.

La CGT prétend s’en sortir avec l’idée, qu’elle avait annoncée avant la journée d’hier, qu’il y aurait en fait eu beaucoup plus de rassemblements.

On notera pourtant que même avec ses chiffres invraisemblables, la CGT n’est pas cohérente quand elle prétend qu’il n’y a pas d’essoufflement : 1,3 millions, c’est moins que le pic d’1,8 millions du 17 décembre (615 000 selon le gouvernement) et les 1,7 millions d’après les fêtes le 9 janvier (452 000 selon le gouvernement).

Mais peu importe, car ce qui compte ici n’est pas la cohérence, mais la surenchère. C’est du même ordre que les opérations coup de poing isolées menées contre la CFDT ou les coupures d’électricité : il s’agit de bomber le torse, avec l’espoir que cela suffise. C’est une terrible erreur, et c’est d’autant plus terrible qu’il y a beaucoup de personnes qui y croient, ou qui choisissent d’y croire si l’on veut.

La déception va être d’autant plus terrible, générant surtout de la rancune, et pas de la volonté de changer le monde. Marine Le Pen, qui depuis le début a pris soin de ne pas critiquer le mouvement, tout en critiquant la CGT, se tient évidemment prête pour récupérer toute cette amertume…

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«Un 24 massif et déterminé pour le retrait»

Voici le communiqué des organisation syndicales CFE-CGC, CGT, FO, FSU, Solidaire, Fidel, MNL, UNEF, UNL pour la grève de ce vendredi 24 janvier 2020 :

« Un 24 massif et déterminé pour le retrait

Le Président de la République a donné son feu vert à l’examen en Conseil des ministres du projet de loi sur les retraites le 24 janvier 2020. Ce projet renvoie à de nombreuses ordonnances et décrets qui définiront ultérieurement et sans débat les dispositions structurantes du régime prétendu universel qui impliqueraient des conséquences désastreuses pour toute la population. Nous sommes donc face à un projet qui est toujours totalement flou mais dont l’analyse des grandes lignes, y compris par des experts indépendants, montre qu’à l’opposé de la communication gouvernementale sur une réforme de justice sociale, son objectif est de nous faire travailler plus longtemps et de baisser les pensions. La population n’est pas dupe et continue à être opposée à cette réforme et à soutenir majoritairement la mobilisation contre ce projet absurde et injuste.

L’absence de transparence du Gouvernement sur les impacts individuels et globaux est inadmissible. Après un simulacre de dialogue social de 2 ans avec les organisations syndicales, le gouvernement méprise les salarié-e-s, les grévistes, la population et la jeunesse et maintenant les prérogatives du Parlement.

Les actions et les grèves se multiplient sur l’ensemble du territoire. Nos organisations se félicitent du succès annoncé des nombreuses mobilisations organisées jeudi 23 au soir, notamment des retraites aux flambeaux. Nos organisations appellent à une mobilisation maximale le 24 janvier par la grève et les manifestations massives pour rejeter cette réforme, pour obtenir le retrait de ce projet de Loi et de véritables négociations sur la base des revendications portées par l’intersyndicale majoritaire.

Le Parlement devrait commencer à discuter du projet de Loi. D’ici là nos organisations appellent à poursuivre et amplifier les actions, y compris en multipliant les arrêts de travail, en interpellant les parlementaires et en organisant des actions de dépôt des outils de travail dans des lieux symboliques.

La détermination à faire retirer ce projet de loi est entière. Nos organisations décident de se revoir dès le 24 janvier matin pour décider ensemble des suites. »

 

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Deux arrestations suite aux coupures de courant par la CGT en Dordogne le 10 janvier 2020

La CGT Mines et Énergie a connu un premier avertissement avec deux agents d’Enedis (l’ancienne Électricité Réseau Distribution France, formée dans le cadre de la privatisation du secteur) arrêtés dans le cadre d’une enquête pour mise en danger de la vie d’autrui. Face aux coupures de courant, le gouvernement réagit exactement comme le faisait celui du début du 20e siècle face exactement aux mêmes problèmes.

L’idée de couper le courant pour produire de la nuisance n’a rien de nouveau ; la toute jeune CGT l’a déjà massivement employé à Paris au début du 20e siècle. Émile Pataud, le syndicaliste dirigeant la Fédération, était présenté par la presse de l’époque comme « le roi de l’ombre » de par sa capacité de nuisance. Cette pratique se situe dans le cadre de l’action directe pour la grève générale et lui valut une répression sévère.

Pour cette raison, la pratique disparut plus ou moins, les annales de l’électricité constatant en 2008 dans l’article « Un siècle de coupures de courant dans les grèves des électriciens. De la centralité à la marginalisation (1905-2004) » :

« L’utilisation originelle de la coupure remonte aux premiers conflits du travail majeurs des électriciens qui se produisent en 1905-1907 à Paris, avec pour objectif prioritaire l’assimilation au personnel municipal. Les grands moyens sont utilisés dans cette bataille pour le statut . Ces mouvements sont dirigés par Émile Pataud, l’une des figures de proue du syndicalisme d’action directe qui oriente alors la CGT.

Il décide donc d’initier l’utilisation d’une technique de grève qui s’avère d’abord efficace et frappe les esprits : la coupure de courant. Historiquement, c’est en effet entre 1905 et 1910 que cette pratique est la plus usitée. »

Le Émile Pataud en question pensait même que les travailleurs de l’énergie combinés à ceux du bâtiment seraient la proue de la grève générale renversant le capitalisme. Il a écrit un ouvrage science-fiction racontant cette épopée, Comment nous ferons la Révolution, rédigé en commun avec Émile Pouget, un dirigeant de la CGT, et republié en 1995 aux éditions Syllepse.

Ce goût anarchiste pour le grand soir – cette calamité française – fut calmé par la police, l’armée et les révocations. En 2020, le gouvernement d’Édouard Philippe a lancé une première salve d’avertissement en ce sens.

C’est en effet une affaire déjà passée qui est au centre des deux arrestations, puisque c’est le 10 janvier que l’entreprise Interspray, qui s’occupe de produits chimiques et est classée Seveso, a été privée de courant durant trois heures. Et on parle ici d’arrestations en mode brutal, du type la gendarmerie qui débarque très tôt le matin, dans une ambiance tendue.

C’est donc un avertissement du gouvernement, qui sait très bien que les syndicats, refusant de faire de la politique, basculent au mieux dans du syndicalisme « dur », avec comme seul appui une ultra-gauche sans impact dans le pays.

Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, alors à la centrale nucléaire de Gravelines lorsqu’il a appris la nouvelle, n’a pas été dupe et a affirmé en réponse que c’était « jeter de l’huile sur le feu » que de mener une telle répression. La CGT et FO ont également organisé un rassemblement devant la gendarmerie de Neuvic en protestation.

Parallèlement, la CGT continue de lancer toutes ses forces. La Fédération CGT du Commerce a menée hier une petite manifestation à Paris et l’action menée la nuit au 22 janvier au Centre administratif du Grand Port Maritime du Havre en dit long sur le fond de la question : c’est une bataille identitaire qui se joue.

On comprend que, de plus en plus, l’affrontement réel qui existe à l’arrière-plan dans le refus de la réforme des retraites prend place : celui entre la CGT, ainsi que FO, et le gouvernement entendant « moderniser » les partenaires sociaux, abandonner les vieilles formes de cogestion sociale.

Le capitalisme de la « start up » nation n’a plus besoin de centrales syndicales formant une partie des institutions (tout en prétendant être hors de l’État). Il coupe donc les vivres. Pour la CGT, et pour FO, c’est simplement une question de vie ou de mort.

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Réactions à l’action commando contre la CFDT et nouvelles actions de la CGT mines-énergie Île-de-France

L’action commando de coupure du courant au siège de la CFDT a mis la CGT dans un embarras profond. L’ambiance est d’autant plus tendue que l’échec de la grève contre la réforme des retraites se pointe. La CGT mines-énergie Île-de-France a elle prolongé son initiative substitutiste en coupant le courant dans le sud de Paris.

Le plus simple, pour la CGT, cela a été de tenter d’oublier cette histoire d’un groupe menant une opération coup de poing, en mode commando, pour aller couper le courant au siège de la CFDT. Déjà la première occupation avait produit une situation intenable, mais alors là !

Il y a ainsi bien eu un communiqué de la CGT, mais il est resté très confidentiel, et surtout très mesuré, voire flou, pour ne pas dire obscur.

« Une nouvelle intrusion a eu lieu ce jour au siège de la CFDT afin d’y couper l’électricité. Cet acte, commis par des personnes non identifiées, est revendiqué par quelques syndicats de la CGT énergie.

La Confédération Générale du Travail ne cautionne pas de telles actions comme elle a déjà eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises. Elle réaffirme son attachement à un débat démocratique dans lequel chaque organisation syndicale a le droit de défendre ses positions en propre.

Par ailleurs, la CGT dénonce l’attitude de mépris et de provocation permanente de la part du gouvernement qui ne cesse de stigmatiser les grévistes et qui fait clairement fi d’une très large opinion publique qui reste largement opposée à son projet.

La CGT soutient l’ensemble des salariés des industries électriques et gazières, comme des autres secteurs massivement en grève depuis plusieurs semaines, démontrant ainsi la forte opposition au projet de contre-réforme du gouvernement.

Elle appelle à une mobilisation massive dans tous les secteurs de l’économie, ce vendredi 24 janvier, jour de l’examen du projet de loi au Conseil des ministres »

Donc, si on ne sait pas qui c’est et qu’en plus ce sont seulement certains syndicats qui l’ont revendiqué, c’est comme si après tout rien ne s’était passé ! Par contre, pour ceux passant à la télévision, c’était forcément plus compliqué que dans un communiqué, alors il a fallu jongler.

À quelques minutes d’intervalle, deux secrétaires confédéraux ont ainsi réagi en cherchant le bon axe, de manière très différente. Fabrice Angei a pris ses distances avec « ce genre d’opération [qui] n’apporte rien au combat, voire même peut être contre-productif », tandis que Céline Verzeletti a défendu l’action en disant que ce n’était pas violent, préconisant même d’aller plutôt couper l’électricité à l’Élysée.

C’est qu’à la CGT, on joue le coup de Gribouille qui saute dans l’eau pour ne pas être mouillé par la pluie. Chacun cherche à tirer la couverture à lui alors que, forcément, la défaite s’affichant à l’horizon, il faudra bien rendre des comptes. Les couteaux s’aiguisent avec, à l’arrière-plan, la ligne négociatrice mais dure de Philippe Martinez et celle, dure mais négociatrice, de Laurent Brun de la CGT Cheminots et de Sébastien Menesplier de la CGT Mines et Énergie.

Le premier pense que la situation ne peut guère être favorable à la CGT et qu’il faut louvoyer, les autres veulent un retour à la CGT des années 1980, et au PCF des années 1980. Il y a d’ailleurs toute une base derrière ces derniers, avec par exemple le secrétaire général de la CGT Énergie Paris Cedric Liechti qui a expliqué sur un site lié à une partie de la CGT :

« C’est pour ça que le siège de la CFDT a été visé et qu’on a évidemment décidé de le revendiquer en tant que syndicat CGT et y compris, ne nous en cachons pas, par rapport à la sortie de Martinez d’il y a quelques jours suite à l’action de la coordination RATP SNCF où Martinez s’est désolidarisé de cette action et a apporté son soutien à Laurent Berger. Ça nous a paru totalement incroyable que notre syndicat apporte son soutien à une des principales courroies de transmission du capital et du patronat.

C’était donc aussi pour affirmer que nous, les bases CGT, on a aucun problème [avec cette action] et que nos positions sont extrêmement claires sur le rôle que joue la CFDT qui n’est sûrement pas un partenaire de la CGT. »

Non content de l’opération quasi comando au siège de la CFDT lundi, de nouvelles coupures d’électricité ont eu lieu dans le sud-est de la région parisienne hier. Celles-ci ont été directement revendiquées par le Secrétaire général de la Fédération CGT Mines et Énergie Sébastien Menesplier qui promet qu’il y en aura d’autres :

« Ce type d’action nous permet justement de faire mesurer au grand public que nous sommes en grève. Et donc, nous sommes médiatisés, on peut faire passer un message. »

En lieu et place de la lutte des classes, il y a donc la quête de bruit médiatique. Rappelons ici tout de même que si 75 000 électriciens et gaziers étaient en grève le 9 janvier 2020 selon la CGT FNME, ils n’étaient plus que 30 000 le 16 janvier. Cedric Liechti de la CGT Mines et Énergie Paris le reconnaît d’ailleurs lui-même pour justifier ce genre d’action et expliquer qu’elles vont se multiplier :

« la grève reconductible est encore minoritaire au sein de l’Energie. Elle est présente et active, s’organise très régulièrement de manière très visible. Pour l’instant, notre seule limite c’est l’élargissement à une plus large proportion de nos collègues. »

On est ici dans une fuite en avant typique du syndicalisme, par une tentative de compenser les faiblesses par l’action « directe ». Avec beaucoup d’hypocrisie également, puisque si l’impact sur l’économie était visé, en réalité tant le Marché d’intérêt national de Rungis que l’aéroport d’Orly disposent de systèmes de relais en cas de coupure de courant.

Ce n’est pas le cas bien sûr pour les familles qui se sont retrouvées sans électricité pendant plusieurs heures dans le pire des cas, ou de ces personnes coincées dans des ascenseurs. Mais cela ne semble pas être un problème et on a même Franck Jouanno de la CGT-Energie Val-de-Marne qui a eu le toupet de dire à la télévision :

« Ça me gêne mais bon il y a toujours des impacts. C’est pas non plus la fin du monde d’avoir une coupure, en général ça ne dure pas plus que la matinée. »

Ce n’est pas la fin du monde certes, mais ce n’est pas ainsi qu’on peut penser élargir un mouvement de grève dans le pays. Cela, les syndicalistes refusent de le comprendre. Entre l’UNSA et FO qui récusent la politique et la CGT qui n’en veut pas, il n’y a de place que pour la fuite en avant, et donc la défaite. Seule la Gauche aux commandes peut amener la victoire réelle d’une grève ! Les syndicalistes doivent se soumettre à la Gauche et ils le feront qu’ils le veuillent ou non.

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Le siège de la CFDT de nouveau pris pour cible, cette fois par des syndicats CGT énergie

Après la première affaire de l’occupation par des syndicalistes de la RATP et de la SNCF, le siège de la CFDT a été de nouveau pris pour cible. La démarche se veut ouvertement une provocation, avec une sorte d’opération commando masquée pour aller couper le courant.

La grève s’enlisant et échouant, il faut pour les syndicalistes de la CGT trouver un coupable. Plutôt que de se remettre en cause et de comprendre pourquoi il n’y a pas eu de mouvement populaire, il y a le raccourci populiste d’accuser la CFDT, dont les locaux du siège ont été l’objet d’une opération coupure de courant.

Il ne faut pas se leurrer : en plus de la dénonciation populiste, il y a ici une tambouille interne, au sens où il y a des batailles de factions, rendues encore plus agressives par l’ambiance de défaite inavouée.

La première action vendredi dernier était menée par un « marxiste révolutionnaire » (c’est-à-dire quelqu’un se revendiquant du courant trotskiste) et la seconde dénonce la « collaboration » de classe dans un communiqué signé par les différents syndicats de la CGT énergie d’Île-de-France (Paris, 91, 93, 94, 95, 77, 78, Ouest IDF, Bagneux).

On en revient pour cette seconde occupation à l’arrière-plan du conflit indirect entre le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez et celui des cheminots Laurent Brun, c’est-à-dire entre la ligne post-PCF et une ligne promouvant plutôt un retour au PCF des années 1980. Philippe Martinez avait bien entendu dénoncé la première occupation des locaux du siège de la CFDT… et les syndicats d’Île-de-France de la CGT énergie (FNME) provoquent un chaos complet en réalisant ouvertement la même chose, en pire.

Parallèlement, la CGT FNME cherche à relancer le mouvement. Elle a revendiqué des filtrages devant le centre nucléaire de Gravelines, le blocage des stockages gaziers de Storengy (Gournay, Manosque, Beynes, Etrez), celui des plateformes Serval d’Enedis-Grdf (Bordeaux, Caen, Champigneulles, Gennevilliers, Ploërmel), la réduction au minimum technique et l’absence de remplissage des citernes des terminaux méthaniers d’Elengy Fos et Montoire, une baisse de production en général dans le thermique, l’hydraulique et le nucléaire, le blocage de plusieurs sites Enedis-Grdf et EDF, etc.

Cet élargissement de la lutte est une bonne chose, mais on voit à l’occupation de la CFDT qu’il s’agit surtout de témoigner d’une capacité de nuisance. Considérant que le mouvement ne s’élargit pas, la CGT se défend surtout elle-même.

Rappelons ici tout de même qu’il y a une chose qui s’appelle la Caisse centrale d’activités sociales (CCAS), servant de comité d’entreprise à EDF (ainsi qu’à ENGIE) et gérée par la CGT. Son budget c’est 1 % hors taxe des ventes d’électricité et de gaz en France depuis 1946 – soit 500 millions d’euros par an. Des centaines de milliers de gens partent notamment en vacances de manière liée à la CCAS qui, comme on le sait, a servi pendant des décennies d’arrosoir financier au PCF et à la CGT.

Qui perd cela de vue et s’imagine que les dirigeants de la CGT sont sincères oublie l’énorme dimension bureaucratique et financière de cette structure aux ramifications multiples. Cela est vrai d’ailleurs de tous les syndicats : il faut toujours chercher à décrypter les confits d’intérêt, batailles de factions, etc.

La ligne dure de la CGT joue son va-tout pour assurer la survie de cette structure et ne pas se faire remplacer par la CFDT dans le nouveau dispositif de négociations que veut impulser Emmanuel Macron en remplacement de ce qui s’est fait pendant cinquante ans.

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Mobilisation du 16 janvier 2020: la course au néant

Non seulement la mobilisation contre la réforme des retraites a été encore plus faible que les fois précédentes, mais elle a été accompagnée d’actions parmi les plus stupides qui soient. C’est un gigantesque ratage historique.

La querelle des chiffres tourne toujours plus à l’absurde et il ne faut pas se voiler la face : les syndicats forcent tellement que cela ne ressemble plus à rien. Le ministère de l’Intérieur dit qu’il y a eu 187 000 manifestants dans les rues hier en France, la CGT en voit 250 000… rien que pour Paris. Pour cette ville, le ministère de l’Intérieur dit 23 000, le cabinet Occurrence 28 000. Même chose à Marseille où la CGT a vu 110 000 personnes et la Préfecture seulement 8000.

Reste le constat objectif : les personnes mobilisées sont déterminées, mais le reflux est là. La grève à la SNCF était de 10,1 % et moitié moins la veille. Les chiffres sont relativement les mêmes dans l’Éducation nationale.

En encadrant le mouvement, en empêchant l’émergence des assemblées générales comme démarche unitaire générale, les syndicats ont barricadé le mouvement, espérant que le soutien passif des gens suivrait pour une lutte par procuration. Évidemment, les syndicats prétendaient le contraire en appelant symboliquement à un élargissement… sans jamais contribuer à le chercher.

La lutte par procuration s’est donc révélée un substitutisme complet. Aux côté de professions libérales, tels les avocats ou le secteur paramédical, pour qui jamais un ouvrier ne se bougera, et avec raison.

C’est un gigantesque ratage historique et, forcément, sur le plan culturel cela tourne au lamentable.

En Corse, la CGT énergie a privé de courants une dizaine de radars surveillant les routes d’Ajaccio, de Balisaccia, de Bastia, d’Aleria et d’Alistro. Une action du niveau des gilets jaunes, avec le même populisme anti-État allant jusqu’à dénoncer les radars comme un complot pour se faire de l’argent sur le dos des petites gens. Alors que vu le comportement des automobilistes français, il faudrait plutôt mettre des radars partout.

Yannick Baudry, de la CGT Énergie, a une explication ahurissante :

« Plutôt que d’aller couper l’électricité des usagers ou de professionnels, on veut montrer qu’on est des gens responsables, on fait des coupures sur des radars de nuit, pas sur des usagers. »

Les chauffards peuvent lui dire merci. Mais dans la course au néant, il a de la concurrence. Des enseignants ont décidé en effet de se comporter comme les derniers des abrutis : ils ont jeté des manuels scolaires devant les rectorat de Caen, de Versailles et de Clermont-Ferrand, l’inspection académique de Saint-Lô. De telles actions avaient déjà été menées les jours précédents, comme à Lille.

À Caen, un mur a été fait avec les livres avant d’être jetés. Voici l’explication, là encore ahurissante, d’Anne Roascio, co-secrétaire départementale CGT Educ’action :

« Cet acte symbolique montre le ras-le-bol des enseignants. Nous avons eu du mal à faire cette action. Ce n’est pas rien de jeter des livres, c’est le savoir, la culture, ce qui est notre mission.

Cela montre vraiment que nous sommes à bout. Ce mur a été construit à partir de manuels scolaires rendus inutiles par toutes les réformes dans le premier comme dans le second degré. »

Anne Roascio assume donc parfaitement de jeter le livre, qui sont le savoir, la culture. Pour elle c’est justifiée. Rien d’autre ne serait possible ! Ah ben on ne va quand même pas se mettre à critiquer le capitalisme, à dénoncer la bourgeoisie, voire à exiger le socialisme… Mieux vaut se comporter symboliquement comme des criminels anti-culture, c’est mieux ! On ne va tout de même pas rassembler ces ouvrages pour les envoyer dans des pays francophones d’Afrique, où ils pourraient servir…

Le ministre de l’Éducation a eu évidemment toute latitude pour dénoncer un acte symbolique inqualifiable. S’en est suivi un communiqué pittoresque se voulant unanime et parlant d’action libératrice, cathartique.

Il ne faut pas chercher, la défaite est culturelle. On ne combat pas une classe dominante de haut niveau, avec un État ultra-moderne et de haut niveau administratif, en considérant qu’être là c’est suffisant. Cette image d’une vente de sandwich jambon ou fromage, d’un verre de vin ou d’une « bierre » suffit à expliquer pourquoi rien de tout cela ne peut faire rêver.

Des couches populaires n’ayant d’autres ambitions que de vivre comme avant, que de donner au capitalisme un visage humain, ne peuvent aller que de déceptions en déceptions, de défaites en déroutes.

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La CGT et la CGT–FO à la croisée des chemins

La Fédération nationale CGT des Ports et Docks est rentrée dans la bataille, avec un blocage des ports pour 72 heures. La CGT abat une nouvelle carte, avec l’appui de la CGT-FO. Tous deux jouent leur existence et le risque d’une déroute apparaît comme de plus en plus tangible.

Le Premier ministre Édouard Philippe étant auparavant maire du Havre, la ville est un symbole important dans la lutte contre la réforme des retraites. La Chambre de commerce et d’industrie (CCI) du Havre comptait organiser une soirée pour présenter ses « voeux », elle en a été empêchée par quelques centaines personnes, principalement des dockers.

L’initiative a été mouvementée ; barricadée à l’intérieur des locaux de la CCI, les forces de l’ordre ont en effet subi les lancers de fumigènes et de pétards. Un commissaire de police a eu la très mauvaise idée de ramasser un pétard, dont l’explosion lui a arraché un doigt.

Quelques jours auparavant, la mairie avait subi également l’interruption de ses vœux. Les manifestants en avaient profité, en pénétrant les lieux, pour s’approprier les petits fours et le champagne.

Tout cela est intéressant, indéniablement, si l’on regarde de manière abstraite. Car en pratique, cette lutte est une dernière tentative de relancer, par le forcing, un mouvement de lutte contre la réforme des retraites qui est en train d’agoniser du côté des cheminots et de la RATP.

Concrètement, c’est la fédération nationale CGT des Ports et Docks qui est rentrée dans la bataille, bloquant pour 72 heures différents ports (Le Havre, Marseille, La Rochelle, Bordeaux, Rouen, Dunkerque, Nantes-Saint-Nazaire).

Ce que cela veut dire, c’est qu’on a pas ici affaire à une lutte impliquant les travailleurs, par en bas, sur la base de leurs propres décisions. On est dans une intervention tactique de la CGT, qui en appelle à une fédération très forte pour ajouter du poids dans la balance. On est donc encore et toujours dans le principe de la lutte syndicale par procuration, dans le substitutisme.

Il est évident que cela ne peut aboutir à rien et que cela ne fait que renforcer l’image d’un conflit opposant la CGT au gouvernement. Il est d’ailleurs marquant que la CGT -Force Ouvrière est sur la même position que la CGT, alors que normalement ce sont des frères ennemis s’ignorant. Ce qui est en jeu, c’est vraiment la question historique de savoir s’il y aura demain la place pour une cohabitation, comme c’est le cas depuis les années 1960, du patronat et de syndicats apparemment combatifs, le tout se neutralisant dans des instances mises en place par l’État.

Il ne faut pas se leurrer. C’est toute la tradition de la CGT qui risque de passer à la trappe. Ce qui est en jeu, c’est l’idée de la CGT et de la CGT-FO d’un syndicat à la fois intransigeant mais négociant, arrachant des acquis au sein de négociations institutionnalisées, proposant des contre-projets.

Si la réforme des retraites passe, alors il n’y aura plus de place que pour le syndicalisme non plus de cogestion – ce que sont la CGT et la CGT-FO – mais d’accompagnement moderniste, ce qu’est la CFDT.

Les conséquences seraient bien entendu politiques également, car le Parti Communiste Français est l’expression de la CGT, alors que de toutes façons une bonne partie des restes de la Gauche politique – qu’on sait terriblement affaiblie – s’appuie sur le monde syndical.

Il est ainsi normal que les dirigeants syndicaux, comme ce mercredi 15 janvier dans un  live Mediapart, ne cessent d’expliquer qu’il se passe quelque chose dans tout le pays… mais qu’en même temps, il n’y pas de bouton pour forcer la grève générale. Tout cela est incohérent, mais il s’agit de tenir, en espérant que la lutte des classes reprenne suffisamment tôt pour sauver les syndicats.

Auparavant, l’État faisait tout pour justement pour les sauver, comme en mai 1968, alors qu’ils étaient dépassés. Mais le capitalisme français dans la rude bataille à l’échelle mondiale ne peut plus se permettre tout cela. Il faut moderniser à marche forcée… et l’objectif est clairement de faire de la CFDT le seul interlocuteur, et à terme le syndicat hégémonique, voire unique.

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La mobilisation du 11 janvier 2020 contre la réforme des retraites

Les rassemblements du samedi 11 janvier devaient profiter du week-end pour prolonger en mieux ceux du jeudi précédent. C’est un échec très net, accompagné par le passage de la CFDT dans le camp de la réforme. Alors que la lutte des classes doit précisément se lancer maintenant, elle est tétanisée.

Le grand souci actuel, c’est que les gens qui luttent s’imaginent que parce qu’ils se mettent enfin à faire quelque chose, ils vont vaincre sans péril. Ils ne comprennent pas que leur lutte est encore embryonnaire, faible culturellement, inexistante politiquement. Ils ne voient pas qu’ils ne sont pas en avance et le fer de lance d’une révolte, mais carrément en retard et l’arrière-garde réagissant à un écrasement individualiste de la société.

Les gens mobilisés croient ainsi commencer à gagner… Alors que la lutte réelle ne fait que commencer. Le décalage est total. Et le prix à payer se lit dans l’incapacité à mobiliser au-delà de la base mobilisée.

Il y a eu 149 000 personnes dans les rues le 11 janvier selon le ministère de l’Intérieur, 500 000 d’après la CGT. Dans tous les cas, cela veut dire qu’une partie significative des gens jeudi ne sont pas revenus – rappelons que la CGT avait compté 1,7 million de manifestants jeudi 9 janvier. Cela veut dire aussi que les gens qui ne se sont pas en grève ne se sont pas mobilisés en profitant du week-end.

S’il y avait réellement un élan, il y aurait plus de monde, et surtout une certaine tension sociale. Or, si la majorité du pays refuse la réforme des retraites, il n’y a simplement pas de confiance en les syndicats, CGT y compris. Donc les gens ne sont pas venus, donc les gens ne se mobilisent pas. La base de la lutte, c’est la mouvance syndicale et on ne sort toujours pas de là. Et on n’en sortira pas, car seule la Gauche, dans ses valeurs historiques, peut porter un mouvement de masse, certainement pas « les syndicats ».

Ceux-ci sont pour cette raison obligés de toujours plus basculer dans le syndicalisme révolutionnaire, c’est-à-dire le substitutisme d’une minorité luttant par procuration pour les autres. Voici ce que le dit le communiqué commun CGT – FO – FSU – Solidaires – CFE CGC – MNL – UNEF – UNL :

« Les 9, 10 et 11 janvier les mobilisations auront été d’une grande force. Ce samedi 11 janvier elles ont pris de l’ampleur avec un caractère interprofessionnel et transgénérationnel marqué. »

C’est du syndicalisme révolutionnaire, parce que l’idée est qu’à force de mettre en avant un « mythe mobilisateur », il est espéré que les choses s’auto-réalisent. On dit que la jeunesse est mobilisée aux côtés des plus anciens, que de larges secteurs du monde du travail s’impliquent. On le dit pour faire en sorte que cela arrive, comme par magie. Et on s’auto-intoxique jusqu’à croire à ses mensonges.

Seulement là, le contexte est totalement différent et les syndicats jouent pratiquement à quitte ou double. C’est d’autant plus vrai que l’État, rompu à la gestion des conflits sociaux dans notre pays, a mis en branle le processus d’intégration. La CFDT considère déjà qu’elle a gagné avec la mise de côté de l’âge pivot du projet de loi – une mise de côté pourtant présentée par le gouvernement comme « provisoire ». De plus, comme cet âge pivot pourra être modelé comme le gouvernement l’entend en jouant sur la valeur des « points » accumulés lors du parcours individuel dans le monde du travail.

La vraie question n’est toutefois pas là. Le problème de fond, c’est que les syndicats font partie des institutions depuis cinquante ans et qu’on voit leurs limites : ils ne peuvent rien proposer dépassant le cadre posé par le gouvernement. Ils ne le peuvent pas, ils ne le veulent pas. Ils ne parviennent pas – même quand ils le veulent, c’est flagrant pour les secteurs les plus offensifs de la CGT – à proposer quelque chose de positif.

On est enfermé dans un mode revendicatif rétif à toute politisation, à toute valeur politique, hostile à toute politisation même. On en revient aux mêmes travers des gilets jaunes : l’État est considéré comme les grand gestionnaire de portefeuille de la nation et doit payer, les droits sont considérés comme un privilège individuel et non des conquêtes sociales.

Et les syndicats fonctionnent comme fin en soi ; ils ne se veulent pas vecteurs de la lutte, mais le lieu de la lutte, le lieu d’absolument tout. Voilà pourquoi la démagogie d’extrême-Droite peut continuer à dénoncer la réforme des retraites, alors qu’un mouvement sur une base de Gauche rendrait cela impossible. Les choses vont se décanter… dans un sens ou dans un autre. Rien ne peut rester tel quel.

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Une mobilisation du 9 janvier 2020 sans perspective

Demi-succès, la mobilisation a témoigné d’un engagement certain, mais pas d’un élargissement. Il n’y a ainsi de place pour aucune perspective à part simplement tenir. Comme la lutte des classes avance ou recule mais ne connaît pas de surplace, l’État s’empresse de fermer la parenthèse, avec les matraques et la négociation.

La mobilisation du 9 janvier était très attendue : annoncée bien en amont, elle devait permettre non pas simplement de jauger les forces, mais bien de provoquer un élargissement du mouvement contre la réforme gouvernementale des retraites. Du côté gouvernemental, on espérait un pourrissement.

Les deux camps en sont pour leurs frais. Car d’un côté, les syndicats CGT, FO, CFE-CGC, FSU et Solidaires restent mobilisés, alors que les deux syndicats prêts à négocier, la CFDT et l’Unsa, sont encore de la partie d’une manière ou d’une autre. Il y a eu 200 cortèges dans le pays, 452 000 personnes dans les rues selon le gouvernement et 1,3 million selon les syndicats, la CGT y allant comme d’habitude de la « mobilisation historique » etc. etc. Les chiffres syndicaux sont irréalistes, reste qu’il y avait du monde.

A la SNCF le mouvement a été soutenu au 36e jour de grève, avec 44,2% de grévistes (dont 38,5% au matériel 31,7% à la sûreté, 34,5% au transport, 56,5% au contrôle, 27,8% à l’équipement, 65% à la traction, 35,8% a la circulation). La RATP est restée très perturbée, l’Éducation nationale voit un mouvement important se maintenir, il se passe donc bien quelque chose encore. Surtout que la CGT Energie s’est vraiment lancée et qu’hier le mouvement a bloqué l’équivalent de la consommation électrique de l’Ile de France.

Seulement, il n’y aucune étincelle sociale ou culturelle et aucun mai 1968 à l’horizon. La France continue d’ailleurs de tourner. Seule la région parisienne voit sa vie quotidienne franchement bousculée pour aller et retourner au travail, et encore aucunement la bourgeoisie avec les moyens qu’elle dispose (depuis Uber jusqu’aux trottinettes électriques).

Tout se raidit donc, à défaut de durcir. Les exemples sont significatifs ces derniers jours. Au Havre des pompiers ont arrosé la mairie (d’où vient le premier ministre), alors qu’à Bordeaux, le courant a été coupé au commissariat central après l’arrestation d’un militant de la CGT énergie. A Radio France, la PDG Sibyle Veil tenait un discours de vœux pour la nouvelle année qui a été interrompu par le choeur de la radio entonnant le chant des esclaves dans l’opéra de Verdi Nabucco.

C’est là chercher à bousculer les choses. Seulement, le régime ne se contente désormais plus de contenir. Il sait qu’en l’absence d’avancée, le mouvement se tasse et donc perd en énergie populaire. Les forcings de type « syndicaliste révolutionnaire » cherchent justement à compenser cela et personne n’est dupe.

Lors du 9 janvier à Paris, les gilets jaunes, qui s’étaient placé en tête de cortège, devant les syndicats, en compagnie des libertaires, se sont ainsi littéralement fait manger par une charge policière allant directement à l’assaut. Dans une même idée, le dépôt bus Belliard à Paris a vu les bloqueurs chassé à coups de gazage à bout portant.

Il y avait par le passé des accrochages de ce type, mais le changement est qualitatif. Le côté ponctuel de l’agressivité s’efface désormais devant une véritable stratégie. La grève n’ayant pas progressé, elle est de plus en plus encerclée, la répression véritable peut s’installer, au moyen d’une police française parmi des plus hautes professionnelles du monde, avec une tradition de plus de 150 ans !

Ceux qui ont parlé de violence policière et d’État policier il y a encore peu vont regretter leur démagogie, et cela d’autant plus à l’horizon des prochaines élections municipales. L’esprit de dépression générale se maintient en France, la Gauche ne l’a pas rompu et il va falloir faire face à l’extrême-Droite en embuscade.

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L’affrontement politique entre Philippe Martinez et Laurent Brun

En apparence, on a deux figures syndicalistes qui n’ont rien à voir avec la politique, qu’ils récusent au nom de la charte d’Amiens. Et pourtant, le mouvement contre la réforme des retraites a passé un cap et vient de rentrer dans une seconde phase. Ces deux dirigeants syndicaux en synthétisent la nature politique.

Ils sont issus de la même culture, celle du PCF. Il ne faut donc pas chercher d’éléments culturels relevant de la gauche alternative, cherchant à modifier la vie quotidienne, dénonçant le capitalisme dans sa dimension culturelle. On est dans une logique syndicale dure, dont le parti politique, en l’occurrence le PCF, ne peut être que le prolongement.

Il y a toutefois une profonde différence entre le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, et le secrétaire Général de la Fédération CGT des Cheminots, Laurent Brun. Cette différence est la grande actualité politique des derniers jours, comme conséquence de la persistance de la grève. Cette différence provoque même des soubresauts relançant la grève.

L’Histoire avance, mais passe donc par un drôle de chemin ! Ce qui se passe est toutefois assez simple. On a d’un côté une partie de la CGT qui dit que, désormais, tout a changé, qu’il ne peut au mieux y avoir qu’un PCF social et accompagnateur de la modernité. C’est la ligne de la nouvelle génération ayant pris le pouvoir et dont Ian Brossat est le meilleur représentant (la victoire de la ligne portée par André Chassaigne au dernier congrès n’ayant pas changé grand chose à l’affaire).

Philippe Martinez reste davantage ancré dans l’histoire ouvrière, mais il est d’accord avec cette tendance. Il veut une CGT de combat, mais dans une perspective constructive.

Laurent Brun a un profil tout à fait différent. C’est un nostalgique du style du PCF des années 1980, en mode dénonciation de la soumission du travail au capital, Cuba comme référence romantique, des références à Marx pour revendiquer une identité ouvrière historique.

Concrètement, qu’est-ce que cela veut dire par rapport à la grève contre la réforme des retraites ? Cela signifie que :

→ pour Philippe Martinez, c’est une lutte sociale, devant également aider à renforcer la CGT, d’où la mise en avant de sa signature de la fameuse pétition du Journal du Dimanche portée par la gauche institutionnelle.

→ pour Laurent Brun, c’est une lutte de classe par procuration où les cheminots sont le héraut de l’ensemble des couches populaires.

Comme on le voit, c’est bien différent et depuis quelques jours, l’antagonisme entre les deux tendances s’est cristallisée de manière historique. Philippe Martinez l’avait bien senti depuis le départ, d’où sa volonté de temporiser et sa fameuse absence d’annonce à part la mobilisation du 9 janvier, il y a deux semaines.

Inversement, la Fédération CGT des Mines et de l’Énergie (dont l’héritage direct est la puissante CGT de l’ancien bastion EDF-GDF) explique par exemple le 6 janvier que pour elle la lutte doit rester interprofessionnelle et qu’elle « refuse » – le terme est même inscrit en rouge dans cette phrase elle-même en gras – « toute rencontre avec les ministères et/ou employeurs ».

Philippe Martinez aimerait clairement en terminer avec tout ça, en mode « il faut trouver une solution le plus rapidement possible », alors que les tenants de la ligne de Laurent Brun se disent que c’est précisément maintenant que tout commence.

Cela peut inspirer plein de questions, de réflexions. Qu’est-ce qui va commencer ? Est-ce de la lutte de classes ou bien la lutte des classes utilisant indirectement les partisans du courant de Laurent Brun ? Tout ce discours de combat serait-il en réalité simplement du verbiage radical masquant les intérêts corporatistes des cheminots, voire de la CGT nostalgique d’une certaine prédominance dans le monde du travail dans le passé ?

Laurent Brun est-il le vecteur d’un esprit de lutte réelle ou bien un simple acteur « syndicaliste révolutionnaire » à la française ? Le monde du travail verra-t-il vraiment un moyen d’épauler sa propre lutte dans tout cela ?