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La liste La France insoumise aux élections européennes n’est pas de gauche

En campagne depuis plusieurs mois, la liste La France insoumise conduite par Manon Aubry a un projet qui s’inscrit dans la continuité populiste du programme national de l’organisation de Jean-Luc Mélenchon. Cette liste ne peut pas être qualifiée de gauche.

Si, pour les besoins des élections européennes, la France insoumise s’est alliée à des partis s’inscrivant encore dans le cadre de la Gauche, la dimension populiste de leur ligne demeure très présente. Ni le vocabulaire employé, ni la ligne générale suive par cette organisation, n’appartient à la Gauche. Il s’agit d’une sorte de version « gauchisante » de l’Union populaire républicaine de François Asselineau ou une variante du Rassemblement national de Marine Le Pen qui est pour l’immigration.

La logique plébiscitaire est clairement revendiquée. Il est dit – et cette phrase symbolise très bien l’orientation populiste de La France insoumise – que :

« 2019 sera un référendum contre Macron, contre son Europe, celle du fric, de l’austérité, de Merkel. Mais également un plébiscite pour une réelle alternative. »

Plébiscite, critique de la gestion du capitalisme (« l’austérité ») mais pas du capitalisme, dénonciation des dirigeants précis, de l’emprise allemande… On n’est pas loin de Paul Déroulède et on retrouve l’esprit chauvin, populiste et germanophobe du livre Hareng de Bismarck, de Jean-Luc Mélenchon.

Il est dit, de manière particulièrement fascisante, que « L’Union actuelle se résume à un marché unique où les peuples sont soumis à la dictature des banques et de la finance. »

On retrouve la même focalisation que les fascistes sur l’ « argent » (ici, le « fric »), la « finance », les « banques », plutôt que la dénonciation du capitalisme. D’ailleurs, Jean-Luc Mélenchon l’a martelé : il n’est pas contre le capitalisme, il veut « remplir le carnet de commande des entreprises » et construire une « économie mixte », à gestion « keynésienne ».

Dans la logique de soutien aux « bonnes affaires » de Dassault qu’avait professé Mélenchon par le passé, ou de son intérêt pour Martin Bouygues professé plus récemment, ce sont les intérêts de la puissance française qui sont ici défendus. Pour faire simple : la France serait sous tutelle, et il lui faudrait s’affirmer de manière agressive pour pouvoir assurer une gestion sociale du capitalisme.

Comme chez un Asselineau, on nous explique que les privatisations, les destructions des services publics (dont Jean-Luc Mélenchon est également responsable, lui qui fut sénateur puis sous-ministre socialiste au temps des privatisations et qui permit, comme sous-ministre de l’enseignement professionnel, à des entreprises comme Dassault de mettre davantage le pied dans les lycées techniques et professionnels), seraient uniquement le fait de l’« Europe », dédouanant ainsi le capitalisme français.

Emmanuel Macron ne serait pas le représentant d’intérêts capitalistes français mais le « fils aîné » de cette « Europe supranationale », soumis « aux ordres de la Commission », de la « droite allemande », de l’ « oligarchie et des lobbys ».

On retrouve des attaques à tonalité très nationaliste contre les dirigeants « vendus à l’étranger », soumis à la « caste » de la « finance mondiale ». On n’est pas loin, à bien y regarder, des thèses complotistes, antisémites ou anti-maçonniques, sur le petit groupe de malfaisants qui contrôle le « capitalisme apatride » et vend le pays à l’étranger. En exagérant à peine, et sans faire non plus des efforts surhumains d’imagination, on retrouverait presque les thèmes anti-dreyfusards.

Le projet est très simple : il faut « dégager » (ce terme populiste est revendiqué) les mauvais gestionnaires corrompus pour prendre leur place, la France doit montrer les dents, s’imposer comme grande puissance combattant l’Allemagne, pour imposer ses vues.

Dans sa guerre contre les États-Unis et l’Allemagne (les « yankees » et les « boches », comme dirait Jean-Luc Mélenchon, dans toute sa délicatesse chauvine et xénophobe), la France insoumise s’oppose aux accords de libre-échange… pour mieux proposer une alliance stratégique avec la Russie, la Chine (et les autres États des « BRICS »), afin de former un « nouvel ordre monétaire international » s’opposant aux États-Unis et favorisant les intérêts capitalistes français.

On voit toute l’hypocrisie du projet, qui prétend « soutenir les pays en développement souhaitant défendre leur souveraineté économique » mais qui évoque, quelques lignes plus bas l’importation de produits issus du commerce équitable venant de ces pays. C’est-à-dire, en termes moins hypocrites, de renforcer les liens de types impérialistes entre la France et ces pays qui sont, pour l’heure, soumis à un « impérialisme » concurrent, et faire d’eux des importateurs de produits agricoles.

Il n’y a aucune différence avec la domination que subissent déjà ces pays (africains ou latino-américains, par exemple) de la part de la Chine, des États-Unis ou de la Russie, si ce n’est qu’il s’agirait pour la France – et également une Union européenne dominée par elle – de réserver le créneau du commerce « équitable ».

En fait de soutenir la « souveraineté économique » de ces pays, cela reviendrait à maintenir la spécialisation de leur économie et, donc, la soumission de ces petits pays « gardes-manger » aux grandes puissances. Un impérialisme « écolo », en quelque sorte.

La France insoumise veut sortir de l’OTAN (ce qui est aussi une revendication traditionnelle de la Gauche) et affirme par ailleurs la nécessité de l’indépendance de la France (pauvre cinquième puissance mondiale opprimée…) On jugera du caractère européen d’un programme qui veut «  Défendre l’indépendance de la France, le principe d’une action de police et non militaire, et le renforcement des moyens de l’État pour lutter contre le terrorisme. »

C’est sous-entendre que l’Union européenne empêcherait la France d’avoir une politique anti-terroriste autonome… Cela est d’autant plus étrange qu’il s’agit juste après dans le programme de défendre l’indépendance de l’Union européenne par rapport aux États-Unis.

C’est d’ailleurs la base de la position de la France insoumise : on ne quitte pas directement l’Union européenne, mais on fait comme on veut, que cela plaise ou non. Là où un Benoît Hamon dit qu’on peut commencer à agir dans le cadre de l’Union européenne ou qu’un François Asselineau dit qu’on ne le peut pas, la FI tente un entre-deux très opportuniste basé sur l’idée, martelée depuis des années par Jean-Luc Mélenchon, selon laquelle « quand la France parle, on l’écoute ».

Pour le reste, la France insoumise défend quelques positions écologiques mais ne propose pas grand-chose de concret pour lutter contre l’exploitation animale : la vivisection est condamnée, mais seulement en partie, on propose un « élevage en faveur du bien-être animal », etc. Le petit exploitant « biologique et paysan » est idéalisé, et présenté comme respectant le « bien-être animal ».

Quel bien-être est celui qui consiste à être exécuté au bout d’un cinquième de son espérance de vie pour être consommé ? Quant au culte du petit producteur indépendant, il s’oppose à la nécessité de notre temps : une production biologique à large échelle, pour nourrir la population planétaire sans détruire l’environnement. De ça, la France insoumise ne peut vouloir, puisqu’il faut toujours relancer le capitalisme, même bio. Les poissons sont considérés comme des « ressources », ce qui est logique puisque la France insoumise veut développer la pisciculture.

Certes, cette organisation défend des mesures sociales, de protection des travailleurs (sans aller non plus jusqu’à affronter les « droits des entreprises », évidemment), des mesures écologiques (notamment concernant l’interdiction des pesticides, la lutte contre la pollution, etc.) ou démocratiques (plus de contrôle sur l’action de la Commission européenne), mais tout apparaît comme soumis à la volonté de renforcer la France, et de « mieux gérer » le capitalisme français et européen que la « caste » précédente.

C’est sur la base d’une mobilisation social-chauvine et particulièrement populiste que la France insoumise mène campagne, excusant d’une certaine manière son nationalisme derrière une prétention altermondialiste et poussant des cris d’orfraie chaque fois que l’on en pointe les travers, dénonçant la « calomnie », la « félonie », la « censure », etc.

Si on devait résumer le projet de la France insoumise en quelques points, on pourrait dire qu’il s’agit :

• de renforcer l’influence française et d’affronter l’Allemagne et les États-Unis en s’alliant avec la Chine et la Russie ;

• de modeler une Union européenne au service des intérêts de la France ;

• de moderniser la France et l’Union européenne dans le sens d’un « capitalisme vert », l’idée étant d’investir dans le « capitalisme vert », et de renforcer la puissance capitaliste pour pouvoir proposer une politique plus sociale, plus écologique.

Les mesures écologiques et sociales apparaissent ainsi comme soumises à la perspective de gestion efficace et de modernisation du capitalisme, avec le renforcement de l’agressivité capitaliste française en arrière-plan et l’affrontement avec les concurrents de la puissance française.

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Vienne et le « grand remplacement »

Pratiquement la moitié de la ville autrichienne de Vienne est composée d’étrangers, le reste étant souvent également issue de l’immigration. Mais celle-ci est historique et s’appuie sur des ressorts déterminés par la situation politique et géographique. Même ce « grand remplacement », d’ampleur énorme, n’a pas été « décidé » : il est une simple conséquence des aléas de l’histoire.

La thèse du « grand remplacement » venue de la Droite identitaire a fini par acquérir un certaine notoriété, ce qui intellectuellement est très étonnant. On a même le droit à une liste électorale sur ce thème pour les élections européennes (La ligne claire), menée par Renaud Camus lui-même.

Faut-il en effet qu’on soit coupé de toute regard réaliste, matérialiste, concret, appelons cela comme on le voudra, pour ne plus être capable d’analyser les phénomènes propres au capitalisme et à l’immigration ?

Il est vrai que de part et d’autres, les leviers sont puissants. La thèse du « grand remplacement » fait appel à la théorie du complot, et cela fascine aisément. De l’autre, la négation des réalités économiques, sociales et culturelles de l’immigration est un leitmotiv du libéralisme. On ne touche pas à ce qui est bon pour le business.

Aussi, rien de tel que de porter un regard sur une ville européenne où le « grand remplacement » est un fait, pour des raisons historiques. On veut savoir si le « grand remplacement » existe ou pas ? Jetons un œil sur la ville de Vienne aujourd’hui et qu’y voit-on ? Que plus de 40 % des habitants sont d’origine étrangères. Que la majorité des lycéens parlent une langue autre que l’allemand à la maison.

La ville donne même des statistiques pour chaque arrondissement. Cela donne par exemple 36,5 % pour le premier arrondissement, le plus chic (avec donc une immigration russe et fortunée notamment). Mais encore 47,8 % pour le 10e arrondissement, 50,1 % pour le 20e arrondissement, 42,2 % pour le 4e arrondissement, 28,7 % pour le 13e arrondissement.

Comme il n’y a pas la double nationalité en Autriche, ces gens d’origine étrangère ne peuvent souvent pas voter ; leur niveau éducatif étant bas et le système administratif-juridique très tortueux, ils présentent des possibilités importantes d’emplois à bas salaires. Ils vivent également parfois de manière ouvertement ghettoisée, ainsi avec des zones turques ou serbe où l’entre-soi est total.

Autant dire que c’est le jackpot pour le capitalisme. Quelle continuité politique peut-il y avoir dans une ville où la moitié de gens vient d’arriver, à une génération près ? Cependant, Renaud Camus aurait tort ici de voir un exemple de « grand remplacement » tel qu’il l’entend. Car Vienne a toujours été ainsi. L’immigration a toujours été massive et bien souvent les gens qui votent pour l’extrême-droite, voire même les responsables de l’extrême-droite (comme son dirigeant Strache), ont des noms slaves, notamment tchèques.

C’est que la ville de Vienne était en effet à la base la capitale de l’Autriche, puis de l’Autriche-Hongrie. Là était centralisée la richesse, les entreprises pour la partie directement autrichienne (le reste étant dans la partie tchèque, notamment Brno, la Manchester morave). Les gens affluaient, dans le cadre de l’exode rural. Pour survivre, il fallait arriver à Vienne.

L’antisémitisme effroyable de cette ville avant 1914 vient notamment de l’arrivée de pauvres hères juifs des zones totalement arriérées de Galicie, sous domination autrichienne (et non hongroise). Cela a provoqué un choc culturel et les démagogues se sont rués sur la question.

Au début du 20e siècle, deux millions de personnes s’entassaient donc dans cette ville, dans des conditions d’hygiène effroyables, bien pire encore que dans les autres pays développés de l’époque. Une fois l’empire disparu, avec ses institutions, la ville a perdu une partie très importante de ses habitants ; à l’horizon 2029, elle reviendra à ce chiffre de deux millions. Mais elle a donc été traversée par l’immigration, car elle a été un carrefour.

Il en va de même pour Paris, capitale d’un pays qui a été un empire. Nul machiavélisme à cela, et les grands capitalistes ne sont pas des marionnettistes ordonnant au personnel politique d’enclencher tel ou tel levier. Ils ne peuvent que suivre des tendances se déroulant malgré eux, en fonction des opportunités. Ce sont les intérêts qui prédominent.

On peut bien entendu regretter tout ce chaos, cette absence de planification, cette communautarisation, cette destruction des traditions propres à une ville. Mais s’imaginer qu’il y aurait une « cause » est une abstraction intellectuelle, car les choses se transforment et le capitalisme transforment les choses selon ses besoins, voilà le problème.

Si Renaud Camus n’était pas un idéaliste cherchant une « cause », il dirait : quelle est la nature du phénomène, sur quoi repose-t-il ? De quoi découle-t-il, de quelles tendances de fond, propre à une réalité économique ? Au lieu de cela, il fait un fétiche du phénomène de l’immigration et imagine un complot, comme si le capitalisme pouvait « penser » et qu’on pouvait séparer l’immigration de toute la réalité historique. Mais une multitude d’entrepreneurs ne pensent pas en commun ! Ils agissent de manière chaotique selon leurs intérêts particuliers.

L’immigration est une simple conséquence du chaos qui règne dans le monde. La division entre employeurs et salariés obligent des millions de personnes à se déplacer loin, à tout abandonner, à s’insérer dans des dispositifs économiques précis. Ils croient choisir, mais ils ne choisissent rien du tout. Personne ne choisit rien. C’est l’Histoire qui décide, et en ce moment, c’est le capitalisme qui fait l’Histoire.

Si Renaud Camus veut maintenir la culture, la civilisation, comme il le prétend, alors qu’il assume l’Histoire et qu’il cherche à la transformer, au lieu d’idéaliser l’Histoire du passé et de penser qu’elle va réapparaître simplement en le « décidant » par en haut.

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Dix raisons de se méfier de la liste Europe écologie conduite par Yannick Jadot aux Européennes

La liste Europe écologie conduite par Yannick Jadot et présentée par Europe Écologie-Les Verts a un programme intitulé « Plan d’action : qu’est-ce qu’on attend pour tout changer ? » (disponible ici). En voici une présentation critique, en dix points, qui explique pourquoi on devrait se méfier de cette liste quand on est à Gauche.

1/ Parce que l’écologie n’est pas le nouveau Socialisme

Yannick Jadot a farouchement refusé de s’allier avec les partis de la Gauche pour les élections européennes, alors que les Verts en France ont toujours été liés à la Gauche, électoralement et socialement.

Il y a la prétention, devenue classique, que le thème de l’écologie serait suffisant en lui-même, qu’il pourrait remplacer la conception de Socialisme comme perspective pour l’avenir du monde. Les « questions environnementales » devraient alors avoir une « force normative » pour déterminer « l’action politique et les choix de l’UE ».

L’écologie, comme thème, porterait la solution sociale, pour en quelque sorte endiguer un capitalisme à la dérive :

« Le plan d’investissement massif pour le climat que nous proposons est un bouclier tant écologique que social. »

Ce qui est proposé est un keynésianisme typique de ce qu’a pu faire le Parti socialiste ces quarante dernières années, mais sans la dynamique populaire de la Gauche :

« Face à la baisse de compétitivité et au chômage galopant, nous choisissons d’investir dans l’environnement. »

> Lire également : Yannick Jadot fait en sorte qu’EELV tourne le dos à la Gauche

2/ Parce que la liste mise sur un vote « par défaut » de la part de gens de bonne foi qui se disent qu’au moins, l’écologie va forcément dans le bon sens

C’est un positionnement de type marketing, où il s’agit plus d’occuper un créneau que de proposer une véritable perspective avec un contenu général.

Les principales listes pour les Européennes, et en tous cas celles liées à la Gauche, assument toutes le thème de l’écologie. La liste Europe écologie prétend simplement être la mieux placée sur ce terrain, en assumant exclusivement ce thème comme dénominateur des autres thèmes.

Cela donne un programme très vague, avec beaucoup de choses qui sont dites, mais qui peuvent à chaque fois être assumées par au moins une autre liste majeure.

On y retrouve ainsi un peu du populisme de la France insoumise, de la vigueur tempérée d’un Benoît Hamon, du modernisme d’un Raphaël Glucksmann et beaucoup du « réalisme » d’Emmanuel Macron.

C’est une construction à visée clairement électoraliste.

3/ Parce que le plan d’action imaginaire en cinq ans qui aurait fini par tout changer en 2024 relève de la mythomanie

Le document du programme de la liste pour les élections est introduit par un texte d’anticipation. Il est fait comme si, en 2024, on écrivait la rétrospective des cinq dernières années ayant changées le climat.

La liste aurait eu un grand succès, comme les autres listes « vertes » européennes, ce qui leur permettraient « enfin de peser ». Les « inquiétudes écologiques, sociales et démocratiques » secouerait en fait déjà l’Europe en 2019, ce qui est absolument faux.

On aurait alors droit à cette construction médiatique qu’est Greta Thunberg pour le discours inaugural du Parlement en juillet, avec des « mouvements de jeunesse pour le climat » qui sortiraient d’on ne sait où afin d’appuyer cette sorte de grand élan écolo.

Il est expliqué ensuite que les écologistes auraient réussit à dépasser les oppositions entre les forces de droite et de gauche, pour parvenir à quelque-chose, comme si d’ailleurs le Parlement européen pouvait véritablement parvenir à quoi-que cela soit, alors qu’il n’est dans les faits qu’un relais sans grand pouvoir du Conseil et de la Commission.

C’est un discours anti-politique d’une naïveté incroyable, qui contribue à dessiner encore plus cette malheureuse caricature de l’écolo « bobo », vivant dans un monde parallèle, pour ne pas dire au pays des Bisounours…

4/ Parce que le programme ne s’appuie pas sur une pratique concrète, de terrain, de l’écologie, mais sur des habitudes au sein d’institutions

Une liste réellement « écolo », si tant est que cela doive exister, s’appuierait sur la pratique quotidienne de militants de terrains.

Seraient alors mises en avant des personnes qui luttent ici contre tel projet d’une destruction de zone humide, là contre le nucléaire, contre la déforestation, contre la consommation d’huile de palme, contre la chasse à courre, contre l’exploitation animale en général, etc.

On aurait alors sur la liste des gens présentés comme luttant pour la protection animale dans les refuges, s’organisant pour développer le végétalisme, pratiquant une agriculture meilleure dans les campagnes ou des jardins ouvriers et des potagers urbains dans les grandes villes, promouvant les déplacements à vélo, etc.

Tel n’est pas du tout le cas avec cette liste menée par l’ancien dirigeant de Greenpeace, cette horrible ONG dont la démarche consiste à demander beaucoup d’argent aux gens pour réaliser de grandes opérations « coup de poing » de communication (tout en rémunérant confortablement un certain nombre de personnes).

La description de beaucoup d’autres colistiers est du même acabit, avec des personnes relevant des institutions et pas des pratiques populaires.

5/ Parce que le point de vue n’est pas biocentré, mais anthropocentriste

S’il est dit que « la condition humaine n’est pas de détruire la vie sur Terre, mais de la préserver. », cela relève de la bonne phrase pour faire genre, et certainement pas d’une vision du monde biocentrée.

Il est en fait question partout ailleurs de l’humanité en péril, de part la dégradation de son environnement. Il est surtout expliqué que « notre destin est humain et terrestre », car nous n’avons pas d’autre planète, comme si le fait que l’humanité ne puisse pas aller ailleurs changeait quelque chose au problème de la Terre.

La phrase suivante en dit long sur la conception des gens ayant écrit ce programme :

« Le propre de notre espèce n’est pas la domination mais la coopération, c’est ainsi que nous survivons depuis toujours. »

Cela paraît bien, mais c’est anthropocentriste. L’humanité n’est en rien particulière, elle ne devrait même pas être le sujet ici. Elle n’est que le produit partiel d’un ensemble qui consiste en la vie sur Terre, qui est par définition le produit de développements symbiotiques.

S’il est dit que les animaux « sont exploités et maltraités pour une économie de surconsommation », ce n’est fait qu’au passage, dans une autre belle phrase. Jamais il n’est question des animaux ailleurs, à aucun moment le programme de la liste Europe écologie s’intéresse réellement, concrètement, aux animaux.

Ce qu’il faut retenir de ce plan d’action, c’est que :

« La question cardinale est celle de la dégradation du climat, puisqu’elle menace notre survie elle-même. »

6/ Parce qu’il y a une croyance idéaliste en le fait que les institutions européennes puissent devenir « écolo »

Ce qu’il faudrait, c’est une « justice environnementale » avec « un parquet européen autonome capable de lutter contre les écocrimes et les écocides, et la reconnaissance de droits à la nature : montagnes, fleuves, mers, océans, littoraux, plaines et forêts… »

Cela s’accompagnerait d’une « Chambre du vivant et du temps long » pour protéger les « communs environnementaux ».

Les choses sont considérées sous le prisme des institutions européennes, avec de nouvelles institutions qui seraient créées sur le modèle de ce qui existe déjà, pour faire de l’Union européenne une sorte de super-laboratoire de l’écologie.

On se demandera par quel miracle l’Union européenne pourrait devenir ce qu’elle n’est pas, mais il faudrait en tous cas considérer qu’elle est forcément le moyen de changer les choses :

« Certains, surfant sur la colère et le découragement, proposent de tourner le dos à l’Europe. C’est une faute. Comment gagner la bataille engagée en désertant le champ de bataille ? Seul.e.s derrière nos frontières, nous serions plus fort.e.s ?

C’est une illusion et une illusion dangereuse. Nous mesurons le désamour qui touche les institutions européennes. Et nous sommes en colère contre l’état actuel et le fonctionnement de l’Union européenne. Mais l’idée d’Europe, nous la faisons toujours nôtre.

Nous continuons à la défendre non pas parce qu’elle est parfaite telle qu’elle est mais par ce que nous ne confondons pas l’Europe avec ses dirigeants actuels. Nous ne céderons pas un pouce de terrain aux partisans du repli. Parce que, pour surmonter les épreuves que nous traversons, notre avenir est forcément Européen.

De la Suède à la Grèce, de l’Irlande à Chypre, nous défendons une autre Europe. »

On se demandera aussi, sans trouver de réponses, pourquoi il ne faudrait pas regarder tout autant du côté du Mali et de l’Algérie, de la Suisse et de la Turquie, du Canada et de l’Argentine, de la Mongolie et de la Corée du Sud, de l’Afghanistan et des Philippines, etc. ?

7/ Parce que Yannick Jadot est une sorte de « Macron vert »

Yannick Jadot est « un très bon copain » de Daniel Cohn-Bendit, ancien Vert qui soutien Emmanuel Macron. Il a aussi à peu près le même parcours qu’un Pascal Canfin, du WWF et dit peu ou prou la même chose qu’un François de Rugy, qui tous deux soutiennent Emmanuel Macron.

La perspective de ces gens est là même, consistant en un centrisme plus ou moins libéral économiquement, toujours libéral sur le plan des mœurs, pour déborder la Gauche par la droite.

Yannick Jadot parle ainsi beaucoup d’Emmanuel Macron, dont la liste est en fait la principale préoccupation :

« Emmanuel Macron fait des grands discours teintés de vert mais la politique qu’il conduit ne suit pas. »

La grande actualité politique serait le départ du gouvernement de Nicolas Hulot et il s’agirait de comprendre que « la cohérence et l’efficacité, c’est le groupe écologiste ».

Comme avec Emmanuel Macron qui parlait « Révolution » pour ne surtout rien changer, on a avec Yannick Jadot un discours institutionnel centriste, mais avec un slogan vindicatif :

« Le système, la politique, nos vies : tout doit changer. »

8/ Parce qu’il est parlé du « pouvoir de l’argent »

« L’histoire est en marche. Nous sommes convaincu.e.s qu’elle n’appartient pas à des élites dépassées, ridiculement conservatrices et dangereusement obsédées par le pouvoir de l’argent. »

De tels propos sur « l’argent » sont insupportables pour qui est à Gauche.

On ne sait que trop bien où mène ce populisme, cette sémantique anticapitaliste romantique digne de la France insoumise et du Rassemblement national, qui eux aussi parlent de « remettre la finance à sa place ».

L’extrême-droite la plus radicale, la plus antisémite, ne renierait pas de tels propos sur la « loi de l’argent » qui régnerait en « maîtresse de toute chose » actuellement en Europe.

C’est inacceptable.

9/ Parce que le capitalisme est critiqué sans être critiqué

Il y a dans ce programme de la liste Europe écologie un grand flou quant à la conception économique, qui révèle soit d’un manque de cohérence, soit d’un grand opportunisme, ou probablement les deux.

Il est par exemple expliqué :

« Un capitalisme barbare détruit la nature et humilie des millions d’êtres humains. »

On lit également des choses comme :

« Dans le secteur privé, la concentration du pouvoir économique et financier entre les mains de quelques-uns a engendré une perversion du système économique, le renchérissement des produits, l’usage de produits toxiques, des fraudes accrues et a renforcé le poids des lobbies. Nous proposons un plan anti-trusts contre les pollueurs. »

Il n’est cependant jamais expliqué par quoi on remplacerait le capitalisme, ni même s’il faudrait en fait remplacer le capitalisme. Les solutions consistent en tous cas en les recettes politiques habituelles, maintes fois répétées sous telles ou telles formes, avec toujours comme perspective le marché, et jamais le Socialisme :

« relever le budget de l’Union européenne à 5% de son PIB », « un grand plan d’investissement de 100 milliards d’euros », « réformer la BCE » (la Banque centrale européenne), contre le « diktat de la non-inflation », « racheter, restructurer et effacer les dettes publiques », « convergence macro-économique », etc.

10/ Parce que la classe ouvrière et les classes populaires n’existent pas dans le programme

Comme la liste Europe écologie de Yannick Jadot ne veut pas être de gauche, alors elle ne l’est pas. Il n’est jamais parlé des classes populaires, du monde du travail, sans parler évidemment de la classe ouvrière, qui n’existe pas dans la conception libérale des choses de ces gens.

Exit bien évidemment la lutte des classes, puisque le problème viendrait de mauvais choix faits par de mauvaises personnes. C’est tout à fait contraire à la conception historique de la Gauche, qui considère non pas les individus mais le système économique lui-même, ainsi que les orientations politico-culturelles de ses classes dirigeantes.

C’est que Yannick Jadot a en fait tout du style et des valeurs des classes dirigeantes, ou pour le dire plus clairement, de la bourgeoisie.

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La socialiste historique Élisabeth Guigou soutient Emmanuel Macron

Figure éminente de l’histoire du Parti socialiste, Élisabeth Guigou a écrit une tribune dans une publication ultra-libérale pour annoncer son soutien à la liste pro-Macron aux élections européennes. C’est toute sa vie politique qu’elle jette aux oubliettes, et la Gauche avec.

Incroyable, il n’y a pas d’autres mots. Qu’Élisabeth Guigou décide de soutenir la liste pro-Emmanuel Macron pour les élections européennes, c’est déjà agir tel un renégat quand on a été socialiste toute sa vie. Mais en plus le faire au moyen d’une tribune dans l’organe de presse ultra-libéral l’Opinion, là on est vraiment dans l’indignité la plus complète.

Vous vous imaginez ? On parle ici de quelqu’un au Parti socialiste depuis 1973 ! Qui auparavant était au PSU avec Michel Rocard… Qui a encore parrainé la candidature de Benoît Hamon pour la présidentielle de 2017… Quelqu’un qui est au bureau national du PS, qui a été secrétaire nationale du PS chargée des questions sociales de 1995 à 1997, secrétaire nationale du PS chargée de la réforme de l’État et des collectivités territoriales de décembre 2008 à 2012…

Quelqu’un qui, en tant que socialiste, a été entre autres député, député européen, ministre déléguée aux Affaires européennes du second gouvernement de Michel Rocard, ministre de la Justice puis ministre de l’Emploi et de la Solidarité du gouvernement de Lionel Jospin…

Quelqu’un qui, en mars encore, racontait avec fierté dans Libération avoir chanté l’Internationale et Le temps des cerises à la buvette de l’Assemblée nationale…

« Une nuit, en plein examen du projet de loi sur le pacs que je présentais, il devait être 2 heures du matin et on venait de subir quatre ou cinq heures de discours de Christine Boutin. J’étais sur le banc des ministres et je suis sortie faire un tour pour souffler. J’ai entendu des rires et j’ai alors vu une vingtaine de députés de tous bords à la buvette en train de boire et de chanter le Temps des cerises ou l’Internationale, sous la houlette de Louis Mexandeau [alors député PS du Calvados]. Je me suis jointe à eux quelques minutes qui m’ont fait oublier la fatigue. »

Comment Élisabeth Guigou peut-elle alors soutenir Emmanuel Macron ? Ce qu’elle explique dans la tribune qu’elle a écrit prend comme seul justificatif, comme seul indicateur, la construction de l’Union européenne, quelque chose « sans précédent et sans équivalent dans l’histoire du monde ». C’est là un peu vite oublier la formation des États-Unis d’Amérique, de l’Union Soviétique, de l’Union Indienne, etc.

Sans compter qu’elle précise immédiatement elle-même : « Il est vrai que ce fut avec le soutien des États-Unis dans un contexte de guerre froide », ou encore « l’ordre établi après 1945 sous l’égide des États-Unis cède la place à un monde imprévisible et dangereux ». C’est là ouvertement admettre que l’Union européenne n’est pas née sur une base de Gauche… et l’accepter. C’est là le drame d’Élisabeth Guigou. Elle est passée de la Gauche politique à la gauche des institutions, l’admettant elle-même en devenant la présidente de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale (2012-2017).

Elle a abandonné la Gauche et ses idéaux, pour se poser en pragmatique de gauche au sein des institutions. C’est le même parcours que François Hollande, Lionel Jospin et tant d’autres. Voici justement comme elle dresse le catalogue de ce que propose Emmanuel Macron, où on cherchera vainement quelque chose ayant un rapport avec le Parti socialiste des origines, dont elle a fait partie :

« Les propositions d’Emmanuel Macron ont le mérite de se concentrer sur quelques priorités : la souveraineté économique, technologique, monétaire, fiscale, sociale et écologique contre la concurrence déloyale des États dominants comme celle des géants du numérique et de l’intelligence artificielle ; la transition écologique financée par une banque du climat et la sécurité sanitaire, face à certains lobbies sans foi ni loi ; la cohésion sociale sans laquelle l’UE ne serait qu’un marché sans âme ; la protection et la promotion de l’Europe de la culture, qu’ont commencé d’incarner, bien insuffisamment, Erasmus et la protection des droits d’auteur ; la maîtrise des migrations par un meilleur contrôle partagé des frontières de l’Union et une solidarité accrue entre les États membres de Schengen ; la sécurité par la lutte contre les cyberattaques, et des règles européennes contre la diffusion par Internet des discours de haine et de violence ; de nouveaux progrès vers une défense réellement autonome, associant le Royaume-Uni en dépit du Brexit, dans un Conseil européen de sécurité intérieure. »

Dans Libération en mars, Élisabeth Guigou se plaignait du manque de reconnaissance des politiques, de « la violence, le mépris et l’antiparlementarisme ambiants… ». Mais ce sont des gens comme elle qui fabriquent cela. Quand on a défend toute sa vie des idées, et qu’on les jette par-dessus bord, on déboussole, on désoriente, on dégoûte. Et voilà ce que fait Élisabeth Guigou, et rien d’autre.

Et on ne sait même pas l’intérêt pour elle de le faire. Au lieu de chercher l’honneur de la loyauté et de s’inscrire dans la reconstruction de la Gauche, qui ne lui aurait pas coûté grand-chose, elle se vend pour strictement rien auprès de personne, car tout le monde s’en moque chez Emmanuel Macron, où elle va agir en simple anecdote pro-institutionnel. C’est idiot, et en plus c’est vide !

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De la FI au RN, Andréa Kotarac : l’inévitable convergence des populismes

De la France insoumise au Rassemblement national, il n’y a qu’un pas et on n’est pas étonné que celui-ci soit franchi par Andréa Kotarac. Le conseiller régional Auvergne-Rhône-Alpes a appelé hier soir à voter pour la liste conduite par Jordan Bardella pour les Européennes, alors qu’il a été membre de l’équipe de campagne de Jean-Luc Mélenchon en 2017 et qu’il était jusqu’à hier membre de la France insoumise.


Cela n’est pas une surprise, tellement l’orientation d’Andréa Kotarac était nationaliste. Celui-ci n’a pourtant pas été exclu de la France insoumise le mois dernier après sa petite escapade avec des fachos en Crimée, largement médiatisée. On imagine que le mouvement de Jean-Luc Mélenchon, malgré quelques divergences internes, voulait garder pour lui celui qui incarnait la ligne « pro-Russe », ouverte à la Russie, à une alliance entre la puissance française et la puissance russe, contre les États-Unis.

Ce « choix » de la Russie est partagé tant par Marine Le Pen que par Jean-Luc Mélenchon. On relèvera d’ailleurs qu’en fin de soirée hier, alors que le compte Twitter de Jean-Luc Mélenchon n’avait pas encore réagi à l’annonce d’Andréa Kotarac, il y était question de la Russie justement, avec une citation du meeting en cours à Besançon :

« Beaucoup de ceux qui sont dans cette salle ont voulu faire l’Europe pour la paix. Et aujourd’hui, on nous entraîne dans la guerre avec la Russie. Nous, nous parlons une langue universelle : plus d’écoles pour nos enfants, donc plus de professeurs ! »

Andréa Kotarac semble donc avoir fait le choix de l’orignal à la copie, en rejoignant le parti de Marine Le Pen . Il a présenté son ralliement, en direct à la télévision, par la volonté de faire « barrage » à Emmanuel Macron :

« J’appelle à voter pour la seule liste souverainiste, qui met en avant l’indépendance de la France, et qui est la mieux à même de faire barrage à Emmanuel Macron, de faire barrage à ce rouleau compresseur anti-social qu’est Emmanuel Macron : cette liste c’est celle de monsieur Bardella ».

Son propos nationaliste était accompagné de cette immonde verbiage populiste, anti-politique, faisant de la haine personnelle un argument :

« Ma mission personnelle c’est de faire en sorte que librement, en tant qu’homme libre, je fasse baisser le plus bas possible le score de LREM, mais vraiment le plus bas possible, c’est-à-dire au niveau du charisme de Nathalie Loiseau. »

Ce genre de propos à la « gilets jaunes », cette puanteur de l’esprit, est typique de l’extrême-droite et a en effet toute sa place au Rassemblement national de Marine Le Pen.

Le soutien d’Andréa Kotarac à la liste conduite par Jordan Bardella a d’ailleurs été préparé en amont pour que la convergence soit totale. En même temps que l’annonce à la télévision, il y en a eu une autre, en ligne, d’un entretien dans la revue Éléments à paraître en kiosques vendredi.

Cette revue représente une sorte d’avant-garde intellectuelle du fascisme en France. Son but a été durant ces dernières années de promouvoir et de définir un altermondialisme de droite, qui a été assumé tout autant par Marine Le Pen, de manière institutionnelle, que par les franges les plus radicales de l’extrême-droite, de manière plus virulente et culturelle.

Les quelques extraits trouvables en ligne sont sans ambiguïtés, montrant un positionnement farouchement contre la Gauche et l’esprit de la Gauche.

Personne n’imaginera qu’Andréa Kotarac se soit métamorphosé du jour au lendemain : ses considérations anti-Gauche ont largement cours à la France insoumise.

Cela commence d’ailleurs à faire beaucoup, après l’hostilité anti-allemande de Jean-Luc Mélenchon, le populisme assumé de François Ruffin, le rejet ouvert de la Gauche par Alexis Corbière – et son entretien à Valeurs actuelles, ou encore le départ de Djordje Kuzmanovic pour lancer un nouveau mouvement nationaliste.

De la France insoumise au Rassemblement national, les populismes convergent, car ils disent la même chose, ont le même style et surtout, la même finalité : rejeter la Gauche, la contourner, l’éliminer.

À la Gauche d’être à la hauteur, pour faire barrage donc, non pas simplement à Emmanuel Macron, mais à toute cette ambiance nauséabonde dans le pays, issue de la Droite. Il faut un Front populaire, une large unité de la Gauche sur les bases de son héritage historique, en assumant le Socialisme contre le fascisme.

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Le volontarisme du manifeste écologiste de Génération-s

Les efforts de Benoît Hamon sont sincères, volontaristes, mais très inégaux. L’appel à ce que l’écologie soit assumée à Gauche est une initiative excellente. Mais pas une seule fois il n’est parlé des animaux, ce qui expose un manque immense tout de même lorsqu’on parle d’écologie, et surtout le Manifeste récuse tant le Socialisme que le « système libéral-productiviste ».

« Ils sont dans une espèce de surenchère écologique à quelques jours des élections européennes » : c’est ce qu’a affirmé Jordan Bardella sur LCI au sujet de la LREM et de sa proposition que l’Union Européenne mette 1 000 milliards d’euros dans la transition écologique d’ici 2024. La critique est révélatrice : au lieu de dénoncer le populisme de LREM (car LREM ne peut rien proposer du tout au niveau de l’Europe, seulement participer), c’est l’écologie qui est dénoncée.

> Lire : Le Manifeste pour l’écologie du monde qui vient

L’écologie est source de panique chez les forces conservatrices et Jordan Bardella ne fait même pas semblant de faire de l’écologie différemment, ce qui était pourtant la ligne de Marine Le Pen pour le lancement de la campagne de ces élections européennes.

Elle est par contre source d’inspiration pour les gens comprenant le besoin de transformation. Génération-s a ainsi rendu public un Manifeste pour l’écologie du monde qui vient, sous-titré Engageons le cycle des « trente vertueuses ». Benoît Hamon, dans la préface, résume avec un grand lyrisme ce besoin de transformation :

« L’Europe a définitivement tout à voir avec l’écologie, car elles nourrissent l’une et l’autre le besoin viscéral de se projeter dans un avenir commun positif. Là où l’idéologie libérale a supprimé depuis trente ans tout repère collectif, l’Europe et l’écologie recréent du commun, du lien, une fraternité. »

Pourquoi l’Europe et pas le monde, l’idée d’un gouvernement mondial ? Après tout c’était déjà le rêve d’Emmanuel Kant, ce grand penseur des Lumières, et la chanson l’Internationale demande justement cela aussi. L’écologie n’a de toutes façons pas de sens si l’on ne se place pas dans une perspective mondiale. Les anti-écologistes le rappellent suffisamment en disant que tant que les États-Unis et la Chine ne changeront pas leur approche…

Mais gageons que Benoît Hamon propose simplement de faire de l’Europe un levier pour changer les choses dans le monde, une sorte de modèle. Et c’est ce qu’affirment justement les dernières lignes du Manifeste. Benoît Hamon parle de l’Europe, pour parler du monde, il veut trouver une voie positive dans le monde, et cela passe par l’Europe. Cela peut sembler naïf ou idiot, mais quand on lit cette perspective, on se dit : un type bien, ce Benoît !

L’idée proposée dans le Manifeste est que les prochaines années soient donc justement idéales, à l’opposé des années passées. Aux « trente honteuses » du passé sont opposées les « trente vertueuses » de l’avenir, en allusion aux « trente glorieuses », les années 1945-1975 d’importantes croissance dans les pays occidentaux.

L’idée a un vrai contenu, mais il est considéré que ce serait là quelque chose de naturel, que les « trente vertueuses » ont en fait même déjà commencé :

« La jeunesse mondiale qui manifeste dans la rue ouvre majestueusement le cycle des « trente vertueuses ». Avec l’intransigeance propre à son âge, une détermination proportionnelle à ses craintes et une indignation indexée sur son dégoût, la génération qui vient prend son destin en main et nous intime d’agir.

Comment ces jeunes ne seraient-ils pas « plus chauds que le climat » face à l’état ravagé de la planète dont ils héritent, la cupidité de leurs aînés, le cynisme des dirigeants, l’obséquiosité des politiques, l’hypocrisie du système ? La lâcheté et l’égoïsme qui ont caractérisé d’abord l’Occident puis l’ensemble du monde dans son sillage sont honnis. Le modèle productiviste est mort. La pression populaire pour engager la transition, maintenant, est considérable. »

Ces lignes sont incompréhensibles. La jeunesse mondiale ne manifeste pas du tout, la jeunesse française encore moins. Les quelques initiatives ont été téléguidées par les réseaux sociaux et ne sont nullement ancrées dans la réalité. Il n’y a aucune intransigeance non plus. Les jeunes sont très modernes, ils vont changer le monde, mais pour l’instant ils mangent des kebabs et vont au Mc Donald’s.

D’ailleurs, notons au passage que sortir un tel Manifeste sans mentionner une seule fois le terme « animal » au moment où pareillement est sorti un rapport de l’ONU sur la biodiversité, c’est au mieux ballot, au pire criminel. Franchement, quoi !

De plus, contrairement à ce qui est dit, la pression populaire est inexistante, soit parce que les gens sont passifs, soit parce qu’ils veulent vivre comme avant, comme le montrent très bien les gilets jaunes (que le Manifeste attribue à une simple colère sociale, ce qui est réducteur et même faux).

Cet idéalisme n’étonnera pas qui connaît Benoît Hamon et ses partisans, qui s’imaginent que la « gauche » post-moderne répond à des exigences naturelles. Et comme souvent, cela va avec de véritables exigences, très justes, ou au moins très sympathiques. Il y a de l’envergure dans les propos suivants du Manifeste :

« Les 2,5 millions de signataires de la pétition pour le climat confirment la fin du déni humain et la force de l’attente. En France et partout dans le monde, nous disons que « l’Affaire du siècle » sera de sortir la Terre de son asservissement, de définir ses droits et d’ouvrir une nouvelle ère de partage de la vie. C’est une force immense qui exige de changer d’échelle et invente les moyens d’agir. En créant de nouveaux droits pour que la nature puisse se défendre et s’opposer à la violence d’un marché vorace et destructeur, elle engage un nouveau monde. »

La Manifeste, qui fait une vingtaine de pages, consiste alors à dire que l’écologie ne peut exister qu’avec la justice sociale, qu’elle ne peut pas être apolitique, qu’elle implique une rupture complète avec le « système libéral-productiviste ». D’un côté, on se dit : bravo, il faut soutenir Benoît Hamon, il y a une vraie affirmation d’une utopie de Gauche. Surtout qu’on lit ces lignes favorables à la Gauche historique, étonnantes car telle n’est pas du tout la ligne assumée par Génération-s :

« Notre première responsabilité est de changer radicalement de mode de production, de consommation, et de repenser notre rapport au temps et au travail.

Sous une forme renouvelée, ces sujets ne sont autres que ceux des mouvements ouvriers du XIXe siècle, du Front populaire de 1936, du Conseil national de la résistance de 1945. L’écologie est la réponse à la question sociale de notre siècle. »

Bravo, vive le mouvement ouvrier, vive le Front populaire, vive l’esprit de la Résistance ! Dommage d’avoir oublié mai-juin 1968, mais bon (on notera au passage que le programme commun de 1981 est également soigneusement oublié), il y a déjà les fondamentaux du point de vue de la Gauche historique.

De l’autre, il y a un souci, c’est un côté ni Capitalisme ni Socialisme qui sonne très années 1930, dans sa variante spiritualiste. Il ne faut pas oublier qu’à l’origine, Benoît Hamon est un rocardien, c’est-à-dire quelqu’un de la droite du Parti socialiste, un partisan d’une sorte de « troisième voie ». Pas bon ! Et les lignes suivantes, qu’on lit dans le Manifeste, sont précisément infestées des idéologies d’Emmanuel Mounier (et le personalisme), de Martin Heidegger (et l’existentialisme), de tous les discours des années 1930 sur une autre richesse que celle matérielle, sur le besoin spirituel dans le rapport à la réalité :

« Aveuglés par des mécanismes de marché qui n’ont jamais intégré la question de la finitude des ressources, les néolibéraux courent sans cesse après un nouveau modèle de croissance qui ne vient pas. Les productivistes sont, eux, terrifiés à l’idée de perdre tout ressort de redistribution des richesses – qu’importe si le système qui les produit est la cause même de la crise sociale et environnementale.

Les mêmes symptômes guettent les mouvements collectivistes, qui ne croient qu’en un système de production centralisé et planifié incompatible avec l’économie des ressources. Il ne s’agit plus de savoir comment produire à tout prix des richesses pour les redistribuer plus ou moins. Il s’agit de changer fondamentalement de logiciel, de s’interroger sur la notion même de richesse, qui n’est plus aujourd’hui l’accès illimité au « confort matériel » mais à un air respirable, une eau buvable, des aliments comestibles, une terre cultivable, une santé préservée, une vie possible. »

Ici, il faut dire : halte-là, Benoît Hamon ! Si tu bascules dans la métaphysique de la sobriété de la petite production, tu changes de camp ! Tes exigences néo-humanistes sont appréciables, mais si ton mouvement publie un Manifeste avec de telles lignes, c’est qu’il y a un problème. Et ce problème, c’est que le système de références n’est pas la Gauche historique, mais les discours intellectuels bobos à la Pierre Rabhi.

Alors, comment faut-il considérer le Manifeste : comme un texte pro-zadiste, pro-décroissance, très années 1930 ? Comme un appel à ce que la Gauche assume enfin l’écologie ? Le Manifeste lui-même dit tout et son contraire et assume de ne pas choisir :

« Il ne s’agit pas de refuser ou d’épouser les théories de la décroissance, mais d’inventer une nouvelle forme de prospérité collective qui tienne compte des limites de la biosphère. »

Et, assumant son incohérence, se conclut par un appel à la Yannick Jadot, avec un appel à un capitalisme décentralisé et vertueux :

« Dans la course contre la montre qui s’impose à nous, force est de constater que les États ne sont pas à la hauteur, pris dans l’inertie économique et technocratique qui les empêche d’agir vite. En revanche, les acteurs non étatiques, citoyens et ONG, entreprises et collectivités territoriales lucides, s’emploient à faire émerger un avenir désirable.

Les appels à la mobilisation se multiplient, la jeunesse donne l’alerte et prend les devants pour secouer la léthargie établie, les actions des associations et des lanceurs d’alerte font date et sont salvatrices. Notre responsabilité est de donner un débouché politique concret à cette énergie puissante.

Une bataille sans merci doit être menée face aux acteurs économiques qui exploitent les biens communs pour s’enrichir en épuisant les ressources et notre santé.

En revanche, toutes les forces économiques pleinement intégrées dans la dynamique de transition énergétique et écologique qui développent des modèles alternatifs de production et de gouvernance doivent être considérées et soutenues comme moteurs des politiques publiques qui produiront de nouvelles opportunités de développement raisonné et résilient. »

Il y aurait donc les bonnes entreprises et les mauvaises entreprises, la bonne consommation et la mauvaise consommation. Ce ne serait pas le peuple qui devrait décider, mais les acteurs conscients. Pas très démocratique, tout cela ! Et même pas démocratique du tout !

Pourquoi les ONG auraient-elles une légitimité ? Pourquoi les collectivités territoriales auraient-elles une nature particulière par rapport au reste ? Qui décide que le telle entreprise propose un avenir désirable, telle autre non ? Qu’est-ce qu’un modèle alternatif de gouvernance ? Qu’est-ce qu’un modèle alternatif de production ?

Le fait est que ni Génération-s, ni Benoît Hamon ne parviennent à se transcender. On a ici le programme de la CFDT des années 1970, du PSU ou d’Alternatives Rouge et Verte, des Alternatifs, bref des rocardiens liés aux « mouvements sociaux » (du type LIP, le Larzac, etc.). Si Benoît Hamon veut rééditer cela, qu’il le dise. S’il veut faire autre chose, qu’il l’assume.

C’est tout de même un garçon étonnant : il a clairement une très grande envergure, il a saisi les enjeux immenses du siècle… mais il ne dispose que de vieux outils, même pas fonctionnels. En ce sens, il reste une partie de la solution, et pas du problème. Et le Manifeste est un intéressant appel à réfléchir, se positionner, assumant par ailleurs de ne pas être un programme réponse à tout.

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Élections européennes : les dix points de la Fédération des Associations Familiales Catholiques

La famille est un thème essentiel pour l’Église catholique, au sens où pour elle c’est le point de départ et d’arrivée de l’individu et de la société. Sa lecture est, de fait, anti-historique et anti-culturelle, mais face au libéralisme économique et à la « déconstruction » promue par les libéraux culturels, elle trouve le moyen de maintenir ses positions et de repartie à l’offensive.

La Fédération des Associations Familiales Catholiques en Europe, présente dans 18 pays de l’Union Européenne, a rédigé un Manifeste proposant un engagement en dix points aux candidats aux élections européennes. Ce n’est pas rien : même si on refuse l’hypothèse d’un divinité omnisciente, omnipotente, etc., la religion est un phénomène social ayant de multiples caractères, qui porte historiquement également de nombreuses valeurs culturelles et civilisationnelles.

Ici, on sait comment on fait face à deux courants unilatéraux : celui qui fait de la religion une chose sacrée, le noyau de la civilisation, et celui qui, ne faisant confiance qu’à l’individu-roi, ne prend pas en compte en l’Histoire et donc la question religieuse. Ce second courant a largement travaillé la Gauche, malheureusement, et cela se lit très bien si l’on imagine les réponses possibles aux dix points de la Fédération des Associations Familiales Catholiques en Europe.

Surtout que l’Église catholique romaine est d’une intelligence rare. On ne le dira jamais assez. On comprend donc que tout est très subtil, très construit, résolument machiavélique. Prenons le point 7. La Gauche historique est bien entendu d’accord avec ce point en général, car il a une lecture biologique, naturelle. Les courants post-industriels, post-modernes, le rejettent par contre catégoriquement.

« 7. Reconnaître la complémentarité de l’homme et de la femme
La famille est le premier lieu d’ingénierie créative pour toute la société. Je reconnais la complémentarité de l’homme et de la femme, et m’opposerai à toute politique qui tenterait de gommer la différenciation sexuelle. »

Seulement voilà, à la dialectique homme-femme, il a été ajouté la famille comme « ingénierie créative pour toute la société ». C’est là un autre thème. Dire que l’humanité repose sur une opposition homme-femme productive, c’est une chose. Faire de la famille la base de la société, c’est autre chose. On voit comment, de manière subtile, l’Église profite des errements ou délires des courants post-industriel, post-moderne, pour réactiver le thème réactionnaire de la « famille » conservatrice, repliée sur elle-même, niant le reste de la société.

L’un des points proposés par la Fédération des Associations Familiales Catholiques en Europe est même explicite en ce sens :

« 2. Mettre en œuvre le « Family Mainstreaming »
La famille est la pierre angulaire de toute société. L’UE doit prendre en compte le développement des familles dans toutes ses décisions, dans le respect du principe de subsidiarité.

Je m’engage à promouvoir la mise en œuvre du « Family Mainstreaming », examen préalable des conséquences sur la famille, pour toutes les politiques publiques de l’UE. »

Le reste est du tout avenant : l’économie doit être au service de la famille (c’est dit tel quel, point 4), les associations familiales doivent se voir accorder un rôle significatif (point 3), il faut leur donner de l’argent pour relancer la démographie (point 1), la vie professionnelle doit s’adapter à la forme familiale (point 6).

Le point 5 est, quant à lui, un exemple pratiquement parfait d’anticapitalisme romantique, avec la « personne » avant l’économie et la finance, etc.

« 5. Un travail digne et productif, nécessaire pour chaque famille
La famille est un acteur premier et naturel dans la promotion de l’inclusion sociale. Je m’engage à travailler en faveur de politiques publiques n’abordant pas le marché du travail sous l’angle exclusif de l’économie et de la finance, mais d’abord en considérant la personne et ses talents, capable de contribuer au bien commun et de prévenir la pauvreté.

Je m’engage également à soutenir la reconnaissance du travail domestique accompli par les mères et pères de famille, et de la valeur du bénévolat comme contribution à la cohésion sociale. »

Le point 10 serait malheureusement accepté par toute une partie de la Gauche, devenue relativiste, communautariste. Il est considéré comme odieux, inacceptable, pour les partisans de l’universalisme, pour la Gauche historique.

« 10. Père et mère, premiers et principaux éducateurs de leurs enfants.
Les familles s’inscrivent toujours dans une perspective de long terme, et travaillent à un avenir durable. Je m’assurerai que les programmes de l’UE en faveur des jeunes respecteront et protégeront le droit des parents à diriger l’éducation de leurs enfants conformément à leurs traditions culturelles, morales et religieuses qui visent leur bien et leur dignité. »

Le point 9 est décevant et montre que l’Église n’est pas en mesure d’affronter les questions morales de notre époque. Il fait en effet seulement allusion à l’avortement et à l’euthanasie. Cela montre que l’Église est du passé, qu’elle n’est pas capable d’affronter l’ultra-individualisme et son utilitarisme.

Une partie de la Gauche non plus d’ailleurs, qui considère l’avortement comme une simple formalité administrative, alors que cela pose la question du rapport à un être vivant en partie formée. La question de l’euthanasie est pareillement très délicate : si on peut juger tout à fait logique de vouloir abréger les souffrances (ce que l’Église catholique refuse), il n’en est pas moins vrai que vue la société, les critères vont être très bas afin de se débarrasser des indésirables, des inutiles…

« 9. Respecter la dignité de l’être humain jusqu’à sa mort naturelle
La famille est le lieu naturel de l’accueil de toute vie nouvelle. Je soutiens le respect de la dignité inhérente à toute vie humaine, à toutes ses étapes, depuis sa conception jusqu’à sa mort naturelle. Je soutiendrai les politiques et les bonnes pratiques accordant un soin particulier aux enfants avant et après leur naissance et à leurs mères, ainsi qu’aux familles d’accueil et aux familles adoptantes. »

Le point 8 contourne quant à elle la question du droit au mariage homosexuel, en disant qu’il ne faut pas modifier les lois sur le mariage dans l’Union Européenne et que cette dernière ne doit pas donner pas de définition légale du mariage. C’est là rater ce qu’est le libéralisme, qui ne vise pas tant à élargir le mariage, qu’à supprimer la notion même de couple, en appelant à une infinité de formes familiales, d’alliances individuelles, etc.

Il est vrai que l’Église catholique romaine cherche simplement à maintenir ses positions, pas à supprimer le libéralisme culturel ni le libéralisme économique, car elle a accepté le capitalisme. Cela n’était pas vrai encore dans les années 1930-1940, où elle cherchait une troisième voie, national-catholique et corporatiste (notamment avec l’Espagne et l’Autriche, ses deux bastions). D’un côté, tant mieux qu’elle cesse de diffuser un romantisme fasciste. De l’autre, ses prétentions à s’opposer à l’individu-roi sont devenues bien légères sans la charge de ce romantisme. Il n’y a même pas un semblant d’idéalisme à la Bernanos… L’Église est bien dépassée !

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Des élus locaux de la Gauche républicaine et socialiste appellent à soutenir la liste de la France insoumise aux élections européennes

La Gauche républicaine et socialiste a lancé un appel d’élus locaux à voter pour la liste de la France insoumise conduite par Manon Aubry aux élections européennes.

La Gauche républicaine et socialiste (GRS) est le parti fondé en début d’année par Marie-Noël Lienmann et Emmanuel Maurel, après avoir quitté le Parti socialiste. Dès le début, il a été expliqué que cette structure serait une force d’appui à Jean-Luc Mélenchon, afin d’attirer des personnes de la Gauche vers le populisme de la France insoumise.

> Lire également : Fondation du nouveau parti « Gauche républicaine et socialiste »

Il est donc logique qu’elle soutienne et participe à la liste de La France insoumise pour les prochaines élections. Un appel a donc été lancé et il est fait comme s’il s’agissait d’une dynamique avec des élus de gauche rejoignant l’initiative. Il est proposé de signer l’appel en précisant son nom et son mandat.

Dans les faits, les dix premiers signataires mis en avant sont tous déjà liés à GRS, ou directement membre de l’organisation. C’est donc un soutien à sa propre alliance qui est fait, mais présenté comme quelque-chose venant de l’extérieur.

Le contenu de ce court appel consiste en un keynésianisme classique, avec l’idée qu’il faudrait de la dette pour soutenir les secteurs d’État, ce qui serait forcément bon pour la population. Il n’y a pas une critique du capitalisme ni une perspective de Socialisme mais un rejet des logiques « austéritaire » et du « capitalisme financier ». C’est le discours typique de la « gauche » souverainiste et antilibérale.

« Européennes 2019 : Appel des élus locaux à voter pour la liste de la France Insoumise conduite par Manon Aubry.

Les traités européens qui se sont empilés depuis plus de 30 ans fonctionnent exclusivement selon une logique libérale et austéritaire. Cette orientation impacte lourdement nos collectivités et leurs habitants.

Le carcan des 3% de déficit a entraîné des baisses drastiques de dotations de l’Etat pour les collectivités (moins 10 milliards entre 2012 et 2017 !), réduisant considérablement leurs budgets au détriment des habitants, des investissements d’avenir et de l’entretien des équipements et infrastructures de proximité.

La « concurrence libre et non faussée » a affaibli les services publics et rompu l’égalité républicaine dans de nombreux territoires. Partout la compétition accroît les inégalités, particulièrement dans les banlieues et les territoires ruraux.

Le dumping fiscal et social a favorisé les délocalisations qui privent nos concitoyens de leurs emplois et contribuent à désindustrialiser et dévitaliser notre pays.

L’injonction des institutions européennes à la constitution des grandes régions et des métropoles a éloigné les habitants de leurs élus et affaibli leurs capacités à agir dans les territoires ruraux et périurbains.

Alors que nous aurions pu attendre des politiques fortes pour la transition écologique et un nouveau mode de développement, l’Union européenne maintient une politique agricole productiviste et chimique. Elle reste inféodée au capitalisme financier qui mène l’humanité à la catastrophe écologique et sociale.

Il est désormais clair que nous ne répondrons pas aux attentes de nos concitoyens sans rompre avec

les traités de l’Union Européenne.

Face aux lobbies, aux multinationales et à la technostructure euro-libérale, nous avons besoin d’eurodéputés de combat au Parlement européen, pour défendre l’intérêt général, la souveraineté populaire, le progrès social et la transition écologique.

C’est pourquoi nous, élus locaux, appelons à voter aux élections européennes du 26 mai 2019 pour une Europe enfin au service des peuples !

Les 10 premiers signataires

  • Marc Vuillemot, Maire de la Seyne-sur-Mer (83), Vice-Président de la métropole de Toulon, président de l’Association des maires Ville & Banlieue
  • Monique Bonnet, Maire-adjointe de Clermont-Ferrand (63)
  • Pascal Noury, Maire de Morangis (91)
  • Hadhoum Belaredj-Tunc, conseillère départementale de Reims-2 (51)
  • Bastien Faudot, Conseiller départemental du Territoire de Belfort (90)
  • Marie-Noëlle Lienemann, Sénatrice de Paris, Ancienne Ministre
  • Jean-Luc laurent, Ancien Député, Vice-président chargé de la culture de l’Etablissement Public Territorial Grand-Orly-Seine-Bièvre, Conseiller municipal du Kremlin Bicêtre (94)
  • Dominique Subra, Adjointe au Maire de Foix (09)
  • Philippe Bonnin, Maire de Chartres-de-Bretagne et Conseiller départemental (35)
  • Thierry Cotelle, Conseiller régional, conseiller municipal de Toulouse (31) »
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L’Union européenne est-elle l’un des plus grands espaces de démocratie, comme le disent les jeunes socialistes ?

Le Mouvement des jeunes socialistes a relayé et signé une tribune appelant la jeunesse à voter pour les élections européennes, parce que l’Union européenne serait l’un des plus grands espaces de démocratie. Qu’en est-il réellement ?

Deux associations destinées à la jeunesse, mais organisées par des adultes, ont commandé un sondage qui confirme ce que tout le monde sait. Les jeunes se désintéressent des élections et la plupart d’entre eux n’envisagent pas de se rendre aux urnes le dimanche 26 mai 2019.

L’enquête d’opinion réalisée par l’IFOP pour l’Anacej et les Jeunes Européens – France estime que seuls 23 % des jeunes de 18 à 25 ans pensent aller voter. Cela serait un record.

Le Mouvement des jeunes socialistes (MJS) s’en est désolé et a signé la tribune publiée par ces deux associations pro-européennes (que nous reproduisons à la fin de l’article), afin d’appeler au vote.

Dans une publication Facebook, le MJS a partagé cette tribune en expliquant :

« L’Union Européenne est l’un des plus grands espaces de démocratie. Pourtant une part de sa population s’abstiendra en trop grand nombre : la jeunesse.

Si son doute est compréhensible, nous ne nous résignons pas à cette abstention qui consiste à laisser aux autres le choix de faire changer les choses.

Même dans des formes différentes, la jeunesse s’engage ; le 26 mai elle doit voter. »

Ce message est très problématique. On peut très bien déplorer le fait que la jeunesse ne s’intéresse pas aux élections et penser que l’abstention n’est pas une solution. C’est d’ailleurs l’une des grandes bataille de la Gauche que de politiser la jeunesse, au contraire de la Droite dont l’essence est de confisquer la politique au profit de notables.

Cependant, il faut savoir de quoi l’on parle, et ne pas lancer de grands phrases abstraitement, sans se soucier de la réalité. Appeler au vote pour défendre des idées, c’est une chose, et c’est le rôle de la Gauche ; c’est en tous cas le choix qu’elle a quasiment toujours fait historiquement. Cela n’a toutefois rien à voir avec le fait de défendre le vote pour le vote, en faisant la promotion des institutions elles-mêmes.

N’est-il pas problématique d’ailleurs de la part de Julien Lesince, le « responsable des relations avec les partenaires aux Jeunes Socialistes », de signer cette tribune aux côtés du délégué général des Jeunes avec Macron ?

Cela ne revient-il pas à vouloir dépolitiser la jeunesse, en faisant comme si tout se valait, comme si la Droite et la Gauche étaient deux options tout autant acceptables, relavant d’une sensibilité personnelle ? C’est d’ailleurs le discours des populistes que de dire que la Gauche et la Droite se valent et on connaît les ravages que font de tels propos.

Le point de vue de la Gauche, c’est au contraire de considérer que cette société ne fonctionne pas comme elle le devrait, qu’il faut la changer en profondeur. Les modalités du changement différent suivant les courants de la Gauche, mais l’idée est toujours de proposer un accès égalitaire et massif aux richesses par un fonctionnement démocratique général.

La Droite ou les libéraux-centristes tels Emmanuel Macron disent l’inverse. Ils pensent que cela est très bien qu’il y ait des riches et des pauvres, que ce sont des personnes riches et bien établies qui doivent diriger, etc.

D’ailleurs, n’a-t-on pas appris récemment qu’Emmanuel Macron a largement fait financer sa campagne présidentielle par des personnes riches, contournant toute pratique démocratique réelle pour se faire élire avec de grands moyens ?

Quel sens cela a-t-il alors pour la Gauche, de surcroît pour la jeunesse de gauche, d’appeler les jeunes au vote pour le vote, aux côtés d’un soutien d’Emmanuel Macron ? Cela revient à soutenir le fonctionnement des institutions, précisément ce que rejette la jeunesse, à juste titre. C’est une grande erreur.

Et c’est là qu’on en vient à la question de l’Union européenne. Est-ce un des plus grands espaces démocratiques, comme le disent les jeunes socialistes ? Est-ce même un espace démocratique ? On pourra toujours discuter des nuances, mais il est indéniable que l’Union européenne n’est pas une instance démocratique. N’importe quel constitutionnaliste sérieux le reconnaît sans problème – elle n’a d’ailleurs pas de Constitution.

Son Parlement n’est pas un réel parlement. Il n’a qu’une valeur de témoignage quand il s’oppose et n’est efficace que quand il va dans le sens du Conseil et de la Commission. Autrement dit, ce sont les gouvernements nationaux qui font l’« Europe », avec principalement le moteur franco-allemand qui la dirige.

L’Union européenne n’est pas pour autant cette sorte de « dictature » que décrivent les populistes et les nationalistes, évidemment. Elle n’est que la déclinaison des gouvernements nationaux et des rapports de force politiques en son sein ; ses institutions n’ont d’ailleurs bien souvent pas d’autre choix que de passer outre leurs propres règles ou les traités – rien n’empêche par exemple la France qui ces dernières années ne respectaient pas la règle des 3 % de déficit ou ne respecte pas un certain nombre de réglementations environnementales.

L’important est donc la politique, en tant que rapport de force général dans la société et rapports de forces particuliers s’exprimant dans des situations particulières.

De ce point de vue, on aurait tort de penser que la jeunesse ne s’intéresse pas à la politique. Il n’y a qu’à voir ce qui se passe dans les collèges par exemple, où les jeunes sont très organisés et très malins pour s’opposer aux professeurs et aux règles qui les agacent, presque tout le temps à juste titre d’ailleurs. Si ce n’est pas de la politique, ça !

Le MJS en a certainement conscience ceci-dit, quand il écrit que « même dans des formes différentes, la jeunesse s’engage ». Par contre, il se trompe en disant que la jeunesse a forcément tort de ne pas voter.

Il est faux de prétendre ici que l’abstention aux élections européennes « consiste à laisser aux autres le choix de faire changer les choses. » Les députés européens ne changeront rien eux-mêmes, en tant que députés européens. Ils ne pourront qu’aller dans le sens du Conseil et de la Commission, car les institutions européennes ne sont pas démocratiques et sont par ailleurs travaillées au corps par des lobbies industriels ultra organisés.

C’est donc causer un grand tord à la Gauche et aux principes de la Gauche que de vouloir faire croire à la jeunesse qu’elle devrait embrasser les institutions de l’Union européenne, qui serait un des plus grands espaces démocratiques. Cela revient à faire de la Gauche un truc de « vieux », dépassé, en dehors du mouvement réel des choses existantes.

Le Mouvement des jeunes socialistes français est ici complètement « à la ramasse », hors-jeu, à des années lumières de son équivalent en Allemagne dont le dirigeant provoque au même moment un coup de tonnerre politique dans le pays en parlant de collectivisation et de Socialisme.

Le MJS se fourvoie en signant cette tribune intitulée « Nous irons voter pour refonder l’Europe ! », alors qu’on sait très bien que les députés européens n’ont aucun pouvoir pour faire cela.

Un tel discours mensonger n’est pas étonnant de la part d’une association comme l’Anacej, dont le rôle consiste à faire croire à des jeunes (non démocratiquement élus), qu’ils ont un pouvoir auprès des institutions par le biais de pseudo-conseils municipaux « enfants ».

Un tel discours de la part d’une organisation de jeunesse de la Gauche est par contre inacceptable. Il ne s’agit pas ici de défendre l’abstention, en tant qu’acte relevant d’un certain nihilisme. Il ne faut par contre pas accepter cette idée qu’il faudrait voter, pour voter. S’il faut voter, alors c’est pour des idées, pour une vision du monde, pour renforcer la Gauche et changer vraiment la vie !

Voici pour information cette tribune initiée par l’Anacej et les Jeunes Européens – France et signée par le MJS :

« Nous irons voter pour refonder l’Europe !

Le 26 mai, les citoyens sont appelés aux urnes pour élire leurs députés européens. Si l’abstention des Français pour les élections européennes est importante dans les sondages (60 % en mars 2019), elle est massive et atteint le chiffre de 77 % chez les jeunes de 18 à 25 ans (avril 2019). De plus, 69 % des jeunes estiment être mal informés sur l’Union européenne et ses actions.
Nous, jeunes engagés, ne pouvons nous résoudre à une participation si faible de notre génération à un scrutin aussi déterminant pour l’avenir de notre continent et de ses citoyens.

La méfiance croissante des jeunes envers les institutions politiques traditionnelles, la méconnaissance des enjeux européens et du fonctionnement de l’Union européenne, et leur déception face à l’incapacité de ces instances à répondre à leurs préoccupations premières sont autant de facteurs qui expliquent l’abstentionnisme des jeunes. Notre génération a tendance à se reporter sur d’autres modes d’engagement, ne trouvant pas sa place dans la démocratie représentative que nous partageons avec 500 millions d’Européens.

Pourtant, l’Union européenne a un impact direct sur notre vie quotidienne par les lois qu’elle adopte. Et ces mesures sont votées par nos députés européens.
L’Union européenne est aussi la seule à même de pouvoir répondre aux grands défis de notre génération, parmi lesquels la lutte contre le réchauffement climatique et la préservation de la biodiversité, une gouvernance mondiale pacifique, et enfin les migrations et la lutte contre les inégalités dans le monde.

Les jeunes placent ces sujets au cœur de leurs préoccupations et attendent des engagements forts dans ces domaines de la part des candidats et des responsables politiques.

Il est donc temps que des propositions concrètes, répondant aux attentes des jeunes, émergent dans cette campagne. Candidates et candidats, arrêtez la bagarre politico-politicienne relevant d’enjeux nationaux, et engagez-vous dans un débat d’idées sur les grands défis européens ! L’avenir de notre génération et des suivantes en dépend.

Nous formulons donc trois propositions pour tenter d’infléchir à court et moyen terme cette situation désolante de désintérêt massif des jeunes pour la démocratie européenne :

• Que les candidats en lice publient enfin leurs principales propositions à destination des jeunes en vue du scrutin du 26 mai ;
• Que les candidats et les responsables politiques s’engagent sur la multiplication par dix du budget consacré à Erasmus + pour faire de la mobilité une opportunité pour toutes et tous ;
• Que l’éducation à la citoyenneté européenne devienne une priorité nationale dans la politique éducative du Gouvernement français
Nous ne ferons pas l’Europe sans ses citoyens, nous ne ferons pas l’Europe sans la mobilisation générale des jeunes du continent. Relevons le défi de raviver la démocratie européenne, soyons la génération de refondateurs de l’Europe !
Liste des signataires :
• Hervé Moritz, président des Jeunes Européens – France
• Léanna Vandewalle, vice-présidente de l’Anacej et membre du Comité jeunes
• Thomas Khabou, coresponsable du Forum français de la jeunesse
• Orlane François, président de la FAGE
• Martin Bohmert, délégué général des Jeunes avec Macron
• Théo Garcia-Badin et Nina Cormier, co-secrétaires des Jeunes Écologistes
• Mathilde Karceles, vice-présidente Europe des Jeunes Démocrates
• Henry Dupas, président des Jeunes Radicaux
• Rabi Bakkali, président du Syndicat Général des Lycéens
• Benjamin Flohic, représentant de Place Publique Jeunes
• Maylis Lavau Malfroy, référente Nouvelle Donne Campus
• Laure Gombert, présidente de l’UNEAP
• Julien Lesince, responsable des relations avec les partenaires aux Jeunes Socialistes »

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Politique

Les slogans très différents du PCF et de Die Linke pour les élections européennes

L’excellent discours anti-militarisme de Fabien Roussel du PCF que nous avons publiée hier ne masque pas un aspect essentiel : la Gauche allemande est bien plus avancée sur le plan des idées, plus volontaire, plus profonde aussi. La Gauche française a en comparaison l’air d’un mouvement « catho de gauche ».

Le discours à l’occasion du 8 mai de Français Fabien Roussel ( pour le PCF ), accompagné de l’Allemand Bernd Riexinger ( pour Die Linke ), au sujet des élections européennes, est un vrai appel contre le militarisme. Il y a même une référence ouverte à la crise des années 1930 ! On devine aisément que ce n’est pas le PCF qui est à l’origine de la majorité du texte, mais bien Die Linke.

Le PCF a en effet malheureusement une approche qui n’est pas du tout « années 1930 ». Il n’y a pas la bataille pour la base populaire. En Allemagne, on l’a par contre bien compris, comme en témoigne l’activité de Sahra Wagenknecht, notamment. Et cela se lit très bien dans les slogans utilisés pour les Européennes.

Le slogan du PCF est le suivant :

Pour l‘Europe des gens, contre l’Europe de l’argent

C’est un slogan apolitique, avec même une référence à l’argent qui, dans un pays marqué par Proudhon et le catholicisme, est toujours douteux. En France, l’argent est mal vu, même dans les classes dominantes. On ne parle pas de combien on gagne, cela ne se fait pas. L’esprit catholique de gauche prédomine et on a l’habitude partout de dénoncer les « nouveaux riches » qui eux étalent leurs richesses.

Le slogan utilisé en Allemagne par Die Linke est par contre bien différent :

Für ein solidarisches Europa der Millionen, gegen eine Europäische Union der Millionäre!

( Pour une Europe solidaire des millions, contre une Union européenne des millionnaires ! )

Die Linke oppose les millions ( de gens ) qui n’ont pas grand-chose aux quelques uns qui ont des millions. Le contraste entre les deux aspects est saisissant et relève nettement d’une lecture en termes de classes. Ce n’est pas « l’argent » comme abstraction qui est dénoncé, mais ceux qui se l’accaparent. Cela peut paraître une nuance infime, mais cela change tout. Le Vatican peut ouvertement dire la même chose que le PCF… mais ne peut pas du tout dire la même chose que Die Linke.

Une autre différence très importante est la question des institutions. Die Linke oppose une Europe solidaire des millions de personnes à l’Union européenne des millionnaires, c’est-à-dire qu’un autre projet européen est sous-jacent. Le PCF lui oppose l’Europe à l’Europe, comme si la même chose pouvait indifféremment avoir deux formes. On a ici quelque chose de totalement différent de ce que dit Die Linke.

Cette différence entre le PCF et Die Linke repose bien entendu sur des visions du monde fondamentalement différentes. Tous deux sont très marqués par l’expérience des pays de l’Est européen. Seulement, le PCF entend faire autre chose, considérant que l’expérience a totalement failli à la base, alors que Die Linke est davantage dans l’optique de faire pareil, mais totalement différemment. La République démocratique allemande est considérée comme une tentative sur un vaste chemin, en quelque sorte globalement positive.

On n’est pas obligé d’être d’accord. On ne peut que voir toutefois qu’il existe dans la Gauche allemande autour de Die Linke une valorisation du patrimoine du mouvement ouvrier, un prolongement dans l’identité. Ce n’est pas du tout le cas dans le PCF, à part pour quelques épisodes symboliques, vidés de leur sens.

Il ne s’agit pas ici de considérer positivement ou non l’expérience dans les pays de l’Est, soulignons le bien. Il s’agit simplement de voir que le PCF se veut quelque chose de totalement nouveau et que cela ne donne pas grand-chose sur le plan du contenu. Il y a beaucoup de promesses pour une dynamique future, mais cela tarde, cela ne ressort pas. Die Linke puise par contre dans le passé et cela lui insuffle une dynamique. On pourrait en préférer une autre, bien entendu, cependant cela ne change pas le fond de la question : on en revient à l’opposition entre la Gauche historique et celle de nature post-industrielle, post-moderne, post-historique, post-nationale.

Ce qui va se passer pour ces élections européennes est donc très important. Il faudra bien évaluer quel type de Gauche parvient à s’affirmer, lequel ne donne rien ou pas grand-chose. Lequel parvient à s’ancrer dans la population, lequel lui reste extérieur. La situation est différente selon les pays évidemment, mais il y aura forcément des enseignements, parce qu’au-delà des résultats électoraux ( qui sont bien secondaires par rapport à l’essentiel ), il y a le contenu, la perspective, la dynamique.

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Guerre

Le PCF et Die Linke rendent hommage à Jean-Pierre Timbaud en plaidant en faveur d’une Europe de la paix

Le secrétaire national du PCF Fabien Roussel et le secrétaire général du parti allemand de gauche Die Linke, Jörg Schindler, étaient réunis ce mardi 7 mai 2019 à Paris pour rendre hommage à Jean-Pierre Timbaud. C’était l’occasion de dénoncer l’Europe guidée par « la coopération militaire et l’armement », et de plaider en faveur de la paix.

Jean-Pierre Timbaud est une grande figure communiste de la Résistance, fusillé par les nazis en octobre 1941. Il est connu pour avoir crié « Vive le Parti communiste allemand » au moment de sa mort, ce qui fut un acte d’internationalisme prolétarien d’une grande valeur.

Le discours de Fabien Roussel publié ci-dessous va pleinement dans ce sens, en rappelant « le combat commun des classes ouvrières française et allemande » contre le nationalisme et le fascisme, cette « bête immonde ».

Les deux partis siègent ensemble au Parlement européen et ont eu plusieurs initiatives communes dans le cadres des élections européennes. Il est question ici de leur combat en faveur d’une «Europe de la paix », alors que la course à l’armement est de plus en plus folle et grande.

Il est critiqué, conformément aux valeurs historique de la Gauche, l’« Europe de la défense que Macron et Merkel appellent de leurs vœux » et « l’industrie de l’armement, à l’affût de toutes les bonnes affaires, toutes les bonnes guerres ».

Voici le discours de Fabien Roussel du PCF :

« Initiative PCF – Die Linke
Hommage à Jean-Pierre Timbaud :
Pour une Europe de la paix, contre l’Europe du surarmement

Chère Maryse Veny petite fille de Jean-Pierre Timbaud,
Chère Michèle Gauthier, fille d’Henri Gauthier,
Chère Carine Picard Niles, petite fille d’Odette Niles, représentant  ici l’Amicale Châteaubriant Voves Rouillé Aincourt
Cher Claude Ven représentant la Fédération CGT Métallurgie ainsi que son Institut Histoire Sociale qui est installée ici même dans leur Maison des Metallo
Mesdames et messieurs les représentants des organisations et associations militant pour la paix
Mesdames et messieurs les parlementaires
Mesdames et messieurs les élu·es de Paris
Cher·es ami·es, cher·es camarades

Je suis heureux de nous voir réunis ici en cette veille du 8 mai et des célébrations de la Victoire contre le nazisme, avec notre camarade Jörg Schindler, secrétaire général de Die Linke.

C’est une initiative à laquelle je tenais particulièrement et dont nous avons convenu fin avril avec Berndt Riexinger, le co-président de Die Linke que j’ai eu le plaisir de recevoir à Paris, au siège du Parti.

Il est pour nous très important  à la fois de faire vivre la mémoire de la Grande Victoire de 1945 contre le fascisme, de rendre hommage aux héros morts en déportation et exterminés, Juifs, Tsiganes, homosexuels, communistes, progressistes.  Mais aussi de rendre hommage aux héros de la Résistance tombés dans toute l’Europe, du maquis des Glières aux actions de la résistance allemande.

Ce n’est pas uniquement une question de mémoire. La lutte continue aujourd’hui contre le fascisme, contre la montée des idéologies nauséabondes, racistes et des idéologies de guerre en Europe. Les appels à la haine s’entendent aujourd’hui à nouveau partout en Europe.

Comme l’a écrit Berthold Brecht, « Le ventre est encore fécond d’où est sorti la bête immonde ».

Nous sommes ici pour dire ensemble que le seul projet européen qui vaille, c’est celui qui renforce véritablement la fraternité et la solidarité entre les peuples dans le respect de leur souveraineté – et non leur mise en concurrence exacerbée ; le seul projet européen qui vaille, c’est celui qui défend les intérêts des classes populaires et des travailleurs –et non ceux des banquiers et des multinationales ; le seul projet européen qui vaille, c’est celui qui fait de la construction de la paix et d’une culture de paix son axe essentiel et sa priorité absolue.

C’est cette ambition-là que nous voulons porter, à rebours du modèle ultra-libéral dont Emmanuel Macron et Angela Merkel veulent intensifier la marque, au nom d’un« couple franco-allemand » autoproclamé moteur de l’Union européenne.

Un couple tellement centré sur la domination qu’il passe son temps à s’affronter pour savoir qui est le plus fort des deux !

Nous, les communistes, nous formons avec Die Linke un autre couple franco-allemand ! Un vrai couple, dont les relations sont fondées sur les principes d’égalité, de solidarité et d’épanouissement respectif.

Notre « couple franco-allemand », c’est celui qu’incarnait le syndicaliste et dirigeant politique communiste, Jean-Pierre Timbaud, auquel nous voulons rendre un hommage fraternel ce soir.  Bien d’autres avec lui ont porté ce combat pendant la guerre, le combat commun des classes ouvrières française et allemande, le combat commun des communistes français et allemands ; le combat commun des démocrates, femmes et hommes, militant-es de l’émancipation humaine et sociale – français et allemands- qui s’engagèrent dans la Résistance et ont abattu nazisme et fascisme il y a 75 ans.

Notre couple franco-allemand, c’est celui qui se lève pour s’opposer à l’augmentation indécente des budgets de Défense, sur ordre de l’OTAN, pour atteindre 2 % du PIB d’ici 2024. L’OTAN exige en outre que 20% de ces budgets faramineux soient consacrés à l’achat d’armement neuf.

La France va dépenser 295 milliards d’euros au total pour sa défense entre 2019 et 2025 alors que toutes les politiques publiques sont privées de l’argent indispensable pour rénover et développer nos infrastructures et nos services publics de santé, d’éducation, de transport, de culture. Sur le nucléaire, pour la même période, le budget de la modernisation est en hausse de 60% par rapport à la période précédente ! Il passera de 23 milliards à 37 milliards d’euros. 14,5 millions d’euros par jour !

A-t-on besoin d’investir 14,5 millions d’euros par jour dans la modernisation nucléaire quand notre pays a tant besoin d’hôpitaux, d’écoles, de services publics ?

Savez-vous ce que cet argent représente ?

Nos amis du Mouvement de la paix ont fait le calcul, c’est simple : 1 missile M51 c’est l’équivalent de 100 scanners médicaux mais des départements entiers du pays se transforment en déserts médicaux ; 1 Mirage, c’est l’équivalent de deux collèges en milieu rural mais nos campagnes, notre ruralité se meurt un peu plus chaque jour

Tout le monde appelle à la paix mais les dépenses mondiales d’armement explosent à nouveau : 1 700 milliards de dollars pour 2017 dont la moitié pour les seuls pays membres de l’OTAN.

Non seulement nous nous emprisonnons dans la stratégie belliciste de l’OTAN mais nous en « rajoutons » quand Macron et Merkel cherchent, à relancer le projet d’« une Europe de la Défense » .

Cette « Europe de la défense » qu’ils appellent de leurs vœux en agitant toutes les peurs, les haines possibles, ces 13 milliards d’euros de dotation, prévu pour 2021-2027, pour le « Fonds européen de la Défense », c’est le « cadeau » qu’ils réservent à l’industrie d’armement, à l’affût de toutes les bonnes affaires, les bonnes guerres…

« Qui veut la paix, prépare la paix » et c’est pour cela que nous appelons l’Europe, la France et l’Allemagne à ne pas vendre d’armes aux pays en guerre, aux dictatures, aux pays qui entretiennent des conflits coloniaux, expansionnistes, soutiennent le terrorisme international ; la France ne doit pas vendre des armes à l’Arabie saoudite, 11 milliards d’euros en 9 ans, et prétendre que ces armes ne sont pas utilisées au Yemen !

Nous appelons à interdire toutes les opérations militaires extérieures en dehors des résolutions de l’ONU ; nous appelons à redonner tout son rôle à cette organisation internationale au lieu de promouvoir le devoir d’ingérence.

Et nous appelons à signer et à ratifier le traité international d’interdiction des armes nucléaires ;

Nous disons NON à l’« Europe de La Défense » et  oui à la dissolution de l’OTAN. Et sans attendre, la France doit quitter l’OTAN.

L’ « Europe de la défense » et l’OTAN doivent être remplacés  en Europe par un traité de coopération et de sécurité collective qui implique tous les pays du continent en mettant un terme aux stratégies de tensions et de surarmement ; nous opposons à l’idée de militarisation sans fin du continent l’idée de sécurité collective, principe qui est un des fondements de la charte des Nations Unies selon lequel les mesures de défense prises par un État ne doivent pas compromettre la sécurité d’un autre état.

La tenue, sous l’égide de l’ONU, d’une conférence pan-européenne de paix et de sécurité collective est urgente et nécessaire pour faire baisser les tensions entre l’UE et ses voisins. Ce qui a été possible en pleine guerre froide, avec la conférence d’Helsinki, l’est d’autant plus aujourd’hui.

Nous appelons à abroger les accords de libre-échange pour les remplacer par des accords de maîtrise des échanges avec les pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique…

Nous appelons à réinvestir l’ONU et ses agences pour qu’elles soient de véritables outils au service de la prévention des conflits et du développement humain.

Nous appelons à bannir les racismes, les discriminations, et à restaurer la justice et l’égalité des droits, à conquérir de grandes avancées sociales pour les travailleuses et travailleurs du monde entier.

L’Europe de la paix, chers amis, chers camarades, c’est celle qu’a portée Jean-Pierre Timbaud au moment mourir.

C’est notre vision à nous aujourd’hui, c’est celle d’une union de peuples et de nations libres, souverains et associés.

« C’est le plus grand des combats », nous exhortait Jaurès et nous ne cesserons jamais d’en faire notre priorité car elle donne tout son sens à une Europe des gens, une Europe qui n’a d’autre visée que l’humain d’abord.

C’est dans cet esprit que nous nous battons pour faire élire au parlement européen, le 26 mai, le plus de députés communistes, de Die Linke et de la gauche européenne. »

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Politique

Le Royaume-Uni participera aux élections européennes

Le chaos politique du Brexit ne s’arrête pas. Sa source est il est vrai intarissable : c’est l’accroissement de la compétition internationale pour le repartage du monde. Les alliances se font et se défont, alors que les dépenses d’armement explosent. Avoir un pied dedans et un pied dehors est le plus grand luxe qu’on puisse se fournir.

Personne ne peut comprendre pourquoi le Royaume-Uni va participer aux élections européennes, alors que son gouvernement est très clair sur sa sortie prochaine. Si encore il y avait un doute, un nouveau référendum, mais non, ce n’est pas le cas. Le pays va sortir, c’est une certitude. Mais qu’est-ce qui est sûr alors que ces derniers jours, Donald Trump a relancé la guerre commerciale avec la Chine et que son armée aurait un plan d’invasion de l’Iran assez précis ? La tendance n’est-elle pas également à une production d’armement toujours plus grande, toujours plus sophistiquée ?

Si l’on prend les critères de la Gauche historique, la chose est très claire : on va à la guerre. La question n’est pas de savoir si elle aura lieu, mais sous quelle forme. Il est cependant clair pour tout le monde que les deux principaux protagonistes seront les États-Unis, à l’immense potentiel militaire, et la Chine, qui a comme horizon de devenir la plus grande puissance mondiale d’ici 30 ans. Les tensions entre les deux pays ne peuvent qu’augmenter, jusqu’à la confrontation.

La France n’est pas en reste. On accuse souvent et avec raison la Russie de se militariser, mais la France la dépasse en ce domaine. Plus personne ne s’arrête dans la militarisation, en fait. Un jour, l’un est plus puissant, un autre jour, c’est l’autre. C’est ce contexte instable par définition qui fait que le Royaume-Uni tergiverse. Dans le fond, il n’en a rien à faire de l’Union européenne et de son inévitable moteur franco-allemand. Il dispose de son « Commonwealth » et il est bien connu que stratégiquement, c’est pratiquement un État américain.

Mais qu’y a-t-il de mieux que de faire en sorte que la manière de sortir de l’Union européenne se déroule de la manière la plus adéquate pour ses intérêts ? Et pour cela, il faut gagner du temps. Et comment gagner du temps, si ce n’est en ayant des élus européens fraîchement élus ? Il faut voir le chaos provoqué par la participation du Royaume-Uni. Normalement, les postes pour ses députés auraient dû être dispatchés à d’autres. Là, ce ne sera pas le cas. Il faudra le faire par la suite, mais à quoi va ressembler la suite ?

On voit également comment la Gauche est ici coincée. D’un côté, pour renforcer l’Union européenne, si on a l’espoir de la tourner dans un sens démocratique ( ce qui est discutable bien entendu ), il faudrait dire que le Royaume-Unis fait du sabotage. De l’autre, pour refuser l’esprit international de division, il faudrait saluer le fait que le Royaume-Uni soit resté jusque-là, et l’encourager à continuer…

Dans tous les cas, la Gauche est perdante. La raison en est que l’agenda est à la fois national et international, et que la Gauche est très différente selon les pays, notamment en France où elle est majoritairement post-industrielle, post-moderne, post-historique, post-nationale. Il n’y a pas le poids international qu’il y avait de par le passé, lorsque le mouvement ouvrier réussissait, au moins en partie, à exercer une pression à l’échelle de plusieurs pays. Si demain, il y avait une tension menant ouvertement à la guerre, il n’y aurait même pas les moyens d’une protestation internationale, si ce n’est symbolique.

> Lire également : nos articles sur le Brexit

Le Royaume-Uni est conscient de cela, tout comme il sait qu’au sein de l’Union européenne, il y a de nombreuses divisions. Il a donc les coudées franches. Il ne fait pas face à une opposition anti-guerre, anti-nationaliste, ni à l’extérieur, ni en son sein. Il ne fait pas non plus face à un front uni des pays de l’Union européenne. Il peut donc se balader, prolonger la bataille pour ses propres intérêts. Ce faisant, il renforce d’ailleurs ses contradictions internes, mais il s’en moque. On voit bien que le Brexit a été décidé par en haut et que l’avis des gens ne compte pas.

Tout cela est très mauvais et la situation va bien finir par être intenable à un moment. L’esprit anti-guerre doit absolument se renforcer, se généraliser à Gauche, sans quoi les vents mauvais qui arrivent seront meurtriers.

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Le programme de la liste « envie d’Europe écologique et sociale » menée par Raphaël Glucksmann et soutenue par le Parti socialiste

Le programme de la liste conduite par Raphaël Glucksmann pour les élections européennes a été publié ce lundi 6 mai et a été présenté comme « l’embryon de ce qui va reconstituer la Gauche dans les années qui viennent ». On n’y trouvera cependant pas beaucoup de rapport avec la Gauche historique et ses fondamentaux liés aux classes populaires.


Le cœur du projet présenté par Raphaël Glucksmann et soutenu par le Parti socialiste est défini comme « la rencontre du social et de l’écologie », ce qui serait « un projet de rupture » avec « l’idéologie du libre-échange » et « le dogme de l’austérité ».

Il est considéré que les institutions européennes sont indispensables pour cela, afin de lutter contre le réchauffement climatique et régler les questions d’ordre économique et social. L’Union européenne étant cependant « dénaturée par les intérêts privés et les forces de l’argent des lobbies », il faudrait changer radicalement les politiques qu’elle mène.

C’est le sens donné au programme de cette liste « envie d’Europe écologique et sociale », qui s’intitule : « Nos 10 combats écologiques et sociaux pour changer la vie des Européennes et des Européens. »

Les mots « changer la vie » sont une référence évidente aux grandes années du Parti socialiste. C’était le nom de l’hymne du parti adopté en 1977, dans la lignée du Programme commun de gouvernement avec le PCF en 1972, dans lequel figuraient aussi ces mots. La victoire de François Mitterrand en 1981 fut ensuite directement associée à cette idée de « changer la vie ».

On remarquera également une similarité avec les « 110 propositions pour la France » de François Mitterrand en 1981, puisque le programme de la liste européenne est constitué de 119 propositions.

Ces propositions visent donc à séduire les gens de gauche, d’autant plus qu’il y est aussi parlé de justice sociale, d’imposition des grandes entreprises ou encore de droits des travailleurs. Ces derniers sont cependant considérés comme relevant des droits humains en général, et pas d’une question centrale. On ne peut pas dire qu’il s’agisse d’un programme écrit en priorité pour les classes populaires, sans même parler de la classe ouvrière, ce qui est pourtant l’ADN de la Gauche historiquement.

Lors de la présentation du programme, il a clairement été question de s’adresser aux « orphelins de la Gauche », avec dans l’idée de préparer l’après, l’indispensable reconstruction à venir. La liste est donc présentée comme une liste d’unité, mais le premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure a eu la drôle d’idée d’affirmer qu’elle est la seule « à promouvoir l’Europe, le social, l’écologie ».

Cela est faux bien entendu, puisqu’il y a au moins les listes dirigées par Benoit Hamon et Ian Brossat qui disent exactement la même chose à ce sujet. On peut même considérer qu’une partie importante des personnes potentiellement convaincues par ce discours européen, social et écologiste choisiront plutôt la liste des Verts menée par Yannick Jadot, voir même celle de la majorité présidentielle d’Emmanuel Macron, qui ne disent pas forcément grand-chose de différent.

Il faut ajouter ici une remarque très importante sur le fond, à propos de ce programme. Il est fait à travers ces 119 propositions comme s’il s’agissait d’un programme de gouvernement, qui pourrait être appliqué.

Cela n’est pas vrai du tout, pour deux raisons essentielles. Il y a d’abord le fait que l’élection est européenne, donc la France n’élit qu’une petite partie ( 79 ) des 750 députés européens. Le travail parlementaire s’effectue ensuite en groupes, constitués obligatoirement de députés de plusieurs pays : il faut donc raisonner par rapport à un groupe parlementaire européen, ce que ce programme ne fait pas du tout, et ce dont il ne parle pas du tout.

L’autre point important est que les députés européens n’ont pas l’initiative législative, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent rien proposer. Leur rôle n’est que d’approuver ou rejeter les propositions législatives, ou alors de les amender, mais c’est là un processus très complexe nécessitant une multitude de compromis et d’alliances électorales.

Il est donc entièrement mensonger de dire « nous ferons ceci, nous ferons cela » si nous sommes élus comme cela est écrit dans ce programme de la liste « envie d’Europe écologique et sociale ». Même si elle raflait l’ensemble des 79 sièges qui lui sont accessibles, elle ne pourrait pas faire ce qu’elle prétend, par définition.

On ne peut pas dire ici que ce n’est qu’une question de forme et que la liste présente des orientations générales, ce qu’elle pourrait voter ou non lors des sessions parlementaires. Les 119 propositions de son programme sont très précises, et formulées pour la plupart de manière affirmative.

En voici quelques-unes :

11. […] Nous favoriserons en particulier le retour de la nature en ville,
d’espaces verts dans les zones carencées, et la restauration écologique des rivières et des espaces bétonnés superflus. […]

13. Nous sortirons les dépenses liées à la transition écologique du calcul des « 3 % » de déficit public.

52. Nous interdirons les emballages plastiques et polystyrènes sur tout le territoire de l’Union européenne d’ici 2025.

56. Nous renforcerons les pouvoirs du Parlement face au Conseil et à la
Commission, en lui donnant un réel pouvoir législatif et en élargissant le champ de la codécision avec le Conseil à des domaines comme le budget, la fiscalité et la protection sociale.

69. Nous ferons de l’Europe un leader dans la défense des droits des personnes LGBTI+. […]

72. Nous mettrons fin au règlement de Dublin qui renvoie les demandeurs d’asile vers les pays de première entrée qui se retrouvent seuls en Europe à assurer le premier accueil. […]

77. Nous créerons une garantie européenne pour l’enfance, visant à assurer à tout enfant vivant sur le sol de l’Union européenne un accès à un logement, un système de garde, une éducation, une alimentation et aux soins de santé.

79. Nous mettrons en place un « Erasmus pour tous » qui permettra à chaque jeune européen de 16 à 25 ans de bénéficier d’une bourse à la mobilité allant jusqu’à 5 000 euros pour mener un projet éducatif, professionnel ou associatif dans un autre pays européen que le sien. […]

Notons également que, de manière très étrange, certaines propositions ne sont pas affirmatives, mais formulées comme des propositions justement :

14. Nous proposerons de taxer le kérosène sur tous les vols intra-européens.

54. Nous défendrons une reconnaissance internationale de l’écocide en tant que crime contre la nature et la biodiversité.

113. Nous plaiderons pour une Union européenne mieux représentée au Conseil de sécurité des Nations unies, avec un soutien clair à l’obtention d’un siège de membre permanent pour l’Allemagne, en plus du siège de la France.

Cela est encore plus faux ! Les députés européens ne peuvent rien proposer, cela n’a aucun sens d’écrire cela dans un programme pour les Européennes. Tout cela consiste donc surtout en un catalogue de mesures « idéales », pour prétendre avoir une identité « européenne », mais sans rapport réel et concret avec ce qu’est en pratique l’Union européenne.

C’est, sur le plan strictement politique, d’une grande faiblesse, et aura de la peine à convaincre. Cela n’a pas grand-chose à voir avec les fondamentaux de la Gauche historique, des grands partis de gauche en Europe qui ont à l’origine porté le point de vue de classe ouvrière et des classes populaires en général, qui ont su élaborer dans les années 1930 des fronts populaires solides contre aux nationalismes – ce dont nous avons à nouveau besoin aujourd’hui.

> Le programme de la liste « envie d’Europe écologique et sociale » : Nos 10 combats écologiques et sociaux pour changer la vie des Européennes et des Européens.

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La Gauche pourrait n’avoir aucun député au Parlement européen

Un sondage publié ce dimanche 5 mai 2019 donne la liste menée par Raphaël Glucksmann et soutenue par le Parti socialiste en dessous des 5 % requis pour avoir des élus aux Européennes. Cela serait un grand échec politique pour la Gauche française si aucune de ses listes ne parvenait à obtenir des députés européens.

Les sondages valent ce qu’ils valent et on peut même penser qu’ils sont très critiquables dans la mesure où ils influencent injustement les campagnes électorales. En attendant, ils existent et ils participent de la réalité, tout en la reflétant au moins dans les grandes lignes.

La grande information politique d’hier était donc ce sondage donnant la liste emmenée par Raphaël Glucksmann ( ENVIE D’EUROPE ÉCOLOGIQUE ET SOCIALE ) sous la barre des 5 %, soit le seuil minimum pour avoir des élus.

L’enquête réalisée par l’institut Harris Interactive-Epoka pour les médias RTL, Le Figaro, et LCI-TF1 donne la liste à 4,5 %, en recul de 0,5 point par rapport à l’enquête précédente. C’est border-line comme ont dit, et si on peut penser que cela se situe dans la marge d’erreur, que c’est rattrapable avec une bonne dynamique de campagne pendant trois semaines, le signal est néanmoins très clair.

Force est de constater que la Gauche est tombée très bas en France. Son principal parti, le PS, ne présente même pas de tête de liste, et se retrouve maintenant menacé par un sondage de soutenir une liste qui fera chou blanc.

C’est que la Gauche est dispersée, elle n’a pas été en mesure de s’entendre. Ni Ian Brossat, tête de la liste liée au PCF ( POUR L’EUROPE DES GENS CONTRE L’EUROPE DE L’ARGENT ), ni Benoît Hamon, tête de la liste liée à Génération-s ( LISTE CITOYENNE DU PRINTEMPS EUROPEEN AVEC BENOÎT HAMON SOUTENUE PAR GÉNÉRATION.S ET DÈME-DIEM 25 ), n’ont su aller dans le sens de l’unité.

À elles trois, ces listes cumulent pourtant aux alentours de 10 %, en fonction des sondages. Ce n’est pas énorme, mais au moins cela serait significatif, marquant un pôle de la Gauche, établissant une dynamique nécessaire pour faire face à l’extrême-droite.

C’est malheureusement tout l’inverse qui se passe. En plus d’être rongée de l’intérieur, la Gauche est attaquée par les flancs, surtout par son flanc droite en fait. Yannick Jadot, qui conduit la liste EUROPE ÉCOLOGIE, explique partout qu’il n’est surtout pas de gauche, mais un sorte d’équivalent d’Emmanuel Macron en un peu moins libéral. Il entraîne cependant avec lui beaucoup de gens de gauche, notamment des personnes qui sont ou étaient liées aux Verts.

> Lire également : Yannick Jadot fait en sorte qu’EELV tourne le dos à la Gauche

C’est d’ailleurs exactement la même chose pour l’ancienne socialiste Delphine Batho, présente sur la liste URGENCE ÉCOLOGIE, qui avait expliqué récemment qu’elle n’est plus de gauche.

Il se passe bien-sûr la même chose avec la formation de Jean-Luc Mélenchon, la France insoumise, qui assume ouvertement le populisme plutôt que la gauche, mais attire à elle une partie de l’électorat de la gauche. La tête de la liste LA FRANCE INSOUMISE, Manon Aubry, n’est pas de gauche mais entend bien s’accaparer des voix pour faire un score important et mettre la Gauche dans les cordes.

> Lire également : Alexis Corbière assume de rejeter la Gauche

À gauche de la Gauche, si l’on peut dire les choses ainsi, il y a les listes LUTTE OUVRIERE – CONTRE LE GRAND CAPITAL, LE CAMP DES TRAVAILLEURS menée par Nathalie Arthaud de Lutte ouvrière et PARTI RÉVOLUTIONNAIRE COMMUNISTES menée par
Antonio Sanchez, issu du PCF. Cela ne représente toutefois a priori pas grand-chose et ces personnes n’ont de toutes manières, traditionnellement jamais fait le choix de l’unité à Gauche, à part pour des visées électoralistes.

Cela n’est pas tout. La Gauche, en étant incapable de se positionner comme un pôle clair et dynamique aux yeux de la société française, favorise de surcroît un éparpillement des initiatives. Il y a parmi les 33 listes déposées officiellement pour les élections du 26 mai prochain, beaucoup de petites listes que l’on pourrait qualifier de « thématiques » et qui pourraient séduire des gens de gauche.

C’est le cas par exemple de la liste « animaliste », de la liste « décroissance », de la liste censée représenter les jeunes ( ALLONS ENFANTS ) ou encore les questions liées au numérique ( PARTI PIRATE ), et même d’une certaine manière des « listes gilets jaunes ».

Tout cela relève de problématiques qui devraient être largement assumées par la Gauche, qui attirerait alors à elle les initiatives, pour former un grand élan démocratique et populaire dans la société française. Il en est de même évidemment de l’écologie, qui n’a pas de raison d’être considérée de manière autonome, mais doit faire partie de la proposition d’ensemble de la Gauche.

C’est d’ailleurs ce que disent tant Raphaël Glucksmann que Benoît Hamon et Ian Brossat, sauf que la dynamique de gauche n’est pas suffisamment puissante pour que cela se traduise concrètement, ici dans les votes, et autrement dans les pratiques quotidiennes et les préoccupations politiques concrètes.

La Gauche donc, risque de se retrouver bien mal dans trois semaines, avec un score très faible et une incapacité à faire front face au grand succès d’extrême-Droite qui se profile. Si, de son côté, l’extrême-Droite connaît aussi de nombreuses listes, celles-ci sont bien plus l’illustration d’une dynamique générale que d’un éparpillement. La liste PRENEZ LE POUVOIR, LISTE SOUTENUE PAR MARINE LE PEN de Jordan Bardella du Rassemblement national est promise à un très gros score et pourrait même obtenir le meilleur score en France, devant la liste représentant la majorité présidentielle.

La Gauche ne sera en mesure d’y faire face qu’en faisant front, en assumant ses valeurs historiques liées au mouvement ouvrier, en assumant le Socialisme, en assumant de vouloir réellement changer la vie pour emmener avec elle les classes populaires vers de meilleurs lendemains.

N’avoir aucun député européen à l’issue de ces élections ne changerait pas grand-chose à la donne politique et à la possibilité de construire un Front populaire dans les années à venir. Cela serait toutefois un échec symbolique retentissant pour la Gauche, qu’il vaudrait probablement mieux éviter.

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Le parti animaliste aux élections européennes

Mouvement apolitique défendant une noble cause, le parti animaliste a mis en place une liste comportant exclusivement, à très peu de choses près, des gens relevant de la bourgeoisie, des entrepreneurs, des cadres. C’est là ne pas être capable de relier la question animale aux enjeux d’une époque attendant des changements profonds et populaires.

Pour ces élections européennes, il y a un « parti animaliste » qui se présente. Si l’on est sincèrement de gauche, alors on entrevoit quelque chose de positif. La question animale se pose enfin et cela devient un thème incontournable. Cela manquait véritablement et il est indéniable que le véganisme est depuis longtemps une valeur sûre de la Gauche dans de nombreux pays déjà, tels l’Allemagne ou l’Autriche.

Le thème était en fait déjà présent dans le mouvement ouvrier dès le début, avant de disparaître une fois qu’il a été récupéré par l’anarchisme, qui lui-même l’a abandonné. Il revient et c’est une bonne chose… À condition que le regard qu’on porte sur lui soit cohérent. À moins en effet de considérer que le rapport aux animaux, à la nature, ou encore celui des hommes sur les femme, soit un phénomène qui se balade au-dessus de l’économie et de la société, on ne peut pas échapper à la nécessité d’une analyse liée au capitalisme.

Quand on dit cela, cela ne veut pas dire qu’il suffit de penser qu’une fois le capitalisme critiqué, on est dans le bon camp. Il faut analyser la société et voir les valeurs qui vont avec. Le fait de manger de la viande de manière massive est une conséquence d’une démarche du capitalisme lui-même, qui cherche des moyens de se renforcer et qui voit une possibilité pour cela avec des gens toujours plus gros.

Le capitalisme exige également l’individualisme, l’indifférence aux autres, des choix purement individuels, en toute « conscience ». L’empathie et la compassion sont donc rejetés, tout comme l’exigence de la sensibilité par rapport aux vivants. Être véritablement à Gauche, c’est ici saisir cela et assumer une démarche personnelle ouverte à la nature, aux animaux, à la végétation. C’est ni plus ni moins quelque chose qui relève du Socialisme, ou du Communisme, comme on le voudra. En tout cas, c’est le sens de la socialisation la plus large, du partage le plus grand.

Or, le Parti animaliste ne se situe pas du tout dans une telle perspective. Et pour cause ! On trouve sur son site la liste des candidats. Qu’y trouve-t-on ? Plusieurs responsables des Ressources Humaines, un chef d’entreprise, une avocate, une ancienne conseillère en communication, un commercial, un ingénieur consultant, une maître de conférences, une analyste recherche, une professeure en marketing, des juristes, une gestionnaire marchés publics, une indépendante en conseil en stratégie, un directeur commercial, plusieurs professeurs, une responsable Administratif et Financier, etc.

Humainement, ces gens ont très certainement un rapport positif aux animaux, ils sont dans le bon camp. Mais de par leur nature sociale, ils contribuent inéluctablement à appuyer le capitalisme. Ils sont étrangers à la classe ouvrière, voire même ils sont eux mêmes des capitalistes. On sait bien ce qu’est notamment quelqu’un s’occupant des Ressources Humaines aujourd’hui dans notre pays… C’est une fonction qui, par définition même, s’oppose fondamentalement aux intérêts des salariés, c’est une arme de l’entreprise contre eux…

Pourtant, n’est-ce pas le système tel qu’il existe qui amène un rapport néfaste pour les animaux ? Et ne faut-il pas être cohérent ? Car des gens qui ont une position sociale très favorable dans un système ne remettent pas en cause le système. Des gens qui font partie d’un système ne peuvent pas aller au bout d’une logique prônant son renversement, son dépassement. Immanquablement, il y aura une capitulation, car ces gens vivent par le système lui-même. Seul le mouvement ouvrier peut porter quelque chose qui aille jusqu’au bout.

Et, pire encore, l’idée de faire de la défense des animaux un thème indépendant de tout le reste, est une attaque directe à l’idée d’un projet révolutionnaire bouleversant tous les aspects de la vie quotidienne telle qu’on la connaît. D’ailleurs, le système appuie lui-même le Parti animaliste, qui existe en participant aux élections et en touchant des fonds par conséquent de l’État, après avoir récolté des voix avec des affiches présentant des animaux, histoire de s’attirer les sympathies. Il se revendique haut et fort comme au-delà des classes sociales :

« La question animale est transversale, elle concerne toutes les familles politiques, toutes les catégories sociales, les ruraux comme les urbains, les jeunes comme les personnes âgées, … »

Rien n’est pourtant au-dessus des classes sociales. La question animale d’ailleurs moins qu’une autre peut-être. La défense des animaux est portée en très grande majorité par des femmes, et en grande majorité par des personnes d’un certain âge, et en grande majorité par des gens d’origine populaire. Cette vérité est très lourde de sens. Elle a toute sa dignité et est un appel à transformer la réalité, car ici des valeurs s’expriment qui exigent la compassion.

Cela n’a rien à voir avec des gens des hautes couches sociales qui, par en haut, veulent un changement, même s’il apparaît comme positif. Aucun changement n’est possible par en haut. C’est le peuple seul qui transforme la réalité. Qui veut défendre les animaux agit pour mobiliser le peuple et ne réduit pas en le véganisme un phénomène bobo, mais en saisit la portée historique, en liaison avec le Socialisme.

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Les réactions à la proposition de fédération populaire par Jean-Luc Mélenchon

Plusieurs personnalités liées à la Gauche ont réagit à la proposition faite par Jean-Luc Mélenchon de créer une fédération populaire. Les réactions sont dans l’ensemble mitigées, car tout le monde ou presque a compris qu’il s’agirait surtout d’un « rassemblement » autour de sa propre personne.

Le Premier secrétaire du Parti socialiste a bien résumé le sentiment général à Gauche sur la proposition du leader de la France insoumise :

« C’est « Je veux bien rassembler mais sur mes bases et derrière moi ». Et c’est comme ça qu’on n’y arrive jamais ».

Olivier Faure a également considéré que c’était d’abord « un aveu d’échec » de la part de  celui qui avait initialement refusé « l’idée même de rassembler la Gauche ».

Selon lui, le député insoumis considérait auparavant « qu’il n’était pas de la Gauche mais du peuple », ce à quoi il a répondu :

« la Gauche, ça n’est pas le populisme, ça ne le sera jamais. Jamais. Cela suppose de sa part qu’il fasse ce pas-là et qu’il abandonne cette idée folle du populisme de gauche ».

Olivier Faure considère par ailleurs que le Parti socialiste fait la démarche de l’unité pour les élections européennes en présentant Raphaël Gluksman et que cela fonctionne, tout en regrettant qu’il y ait actuellement une « offre divisée ». C’est un raisonnement qui peu paraître absurde, car cela revient à se féliciter d’une situation tout en regrettant qu’elle n’existe pas.

Il faut cependant comprendre que le Parti socialiste considère être toujours la force centrifuge de la Gauche. Il imagine pouvoir rassembler à nouveau après ces élections, ce qui couperait de fait l’herbe sous le pied de Jean-Luc Mélenchon :

« Il y a déjà une progression, qui n’est pas suffisante, et nous devons viser un score qui nous mettent dans une situation où nous puissions, demain, être à nouveau en mesure de rassembler et d’être un pôle de stabilité à gauche. »

Le sénateur et secrétaire national en charge des relations extérieures du Parti socialiste Rachid Temal est allé dans le même sens qu’Olivier Faure, en critiquant l’exclusion de fait du PS par la France insoumise :

« Mélenchon dit « Je veux discuter avec la Gauche », mais ne veut pas des partis et met des oukases sur le PS  ! »

Le candidat Raphaël Glucksmann a pour sa part considéré qu’effectivement, « la gauche ne pourra être une offre crédible que si elle se réunit », mais qu’il faut d’abord avoir des discussions de fond, en assumant les divergences de chacun. On comprendra que cela revient là aussi à critiquer le populisme de Jean-Luc Mélenchon, qu’il avait d’ailleurs qualifié quelques jours avant de « Thatcher de gauche ».

De son côté, le tête de liste du PCF aux Européennes Ian Brossat a eu une position plus mesurée, mais néanmoins sceptique. Il a considéré qu’il était d’accord sur l’idée de se reparler à Gauche après les Européennes, mais que pour autant « personne ne peut jouer les gros bras ».

Le secrétaire national du PCF Fabien Roussel n’a pas réagit publiquement, ou alors très discrètement et cela est passé inaperçu. Rappelons qu’il expliquait au mois de février dernier discuter toutes les semaines avec Jean-Luc Mélenchon « pour lui demander de se détendre un petit peu, qu’on puisse trouver les contours d’un rassemblement ensemble », précisant que cela ne « veut pas dire forcément fusionner dans des listes ».

Benoît Hamon a pour sa part répondu longuement à la proposition de fédération populaire, dans un entretien également à Libération dès le lendemain. Il a considéré cela comme un « geste d’unité » pris très « au sérieux ».

Sa position est néanmoins compliquée à comprendre. Il explique qu’il faut une unité face au danger que représente l’extrême-droite, sans parler du fait que justement Jean-Luc Mélenchon n’aborde jamais le sujet de l’extrême-droite dans son long entretien.

> Lire également : Jean-Luc Mélenchon rejette le principe de Front populaire et appelle la Gauche à suivre sa démarche

Les propos de Benoît Hamon sont de gauche, avec un héritage évident de la tradition du Front populaire :

« Je vois la colère partout. L’alternance la plus naturelle aujourd’hui, c’est Marine Le Pen. Je me refuse d’user de cette situation avec cynisme comme le fait Emmanuel Macron en polarisant le débat entre lui et le Rassemblement National. Je préfère apporter des réponses positives aux inquiétudes des Français. Pour ce faire, il nous faut une gauche forte. Le drapeau est aujourd’hui à terre, relevons-le. »

Il semble cependant céder à la panique, en oubliant l’analyse de fond en raison d’un danger imminent, ce qui est forcément un grave erreur. Il dit en effet :

« Alors à tout prendre entre le désastre annoncé et un geste d’unité je préfère prendre acte de ce geste d’unité et le prendre au sérieux. Après tout, le fair-play, c’est peut-être contagieux. »

Il ne semble pas avoir vu que Jean-Luc Mélenchon n’était pas du tout dans une optique de Front populaire face à l’extrême-droite.

Le secrétaire national d’Europe Écologie-Les Verts David Cormand a lui très bien vu que la question se posait par rapport à l’extrême-droite et que le « peuple de gauche » ne considérait pas le leader de la France insoumise comme étant un opposant à l’extrême-droite :

« Mélenchon le fait maintenant parce qu’il est en difficulté politique, interne, et dans les sondages. Il voit bien que le peuple de gauche qui lui avait accordé sa confiance à la présidentielle considère moins que c’est lui qui peut offrir une alternative aux libéraux et aux fachos ».

Finissons par Yannick Jadot, tête de la liste Europe Écologie-Les Verts, qui pour le coup assume totalement de ne plus être de gauche. Il a répondu qu’il fallait totalement rejeter la question de l’unité de la Gauche :

« J’ai noté qu’après m’avoir tapé dessus, il était favorable à l’économie de marché, finalement. Il est vrai que l’économie chez Maduro, l’économie des sovkhozes, ça ne fait pas rêver. Le problème de Mélenchon, Faure, Hamon, Glucksmann est que le pôle socialiste a explosé. Ils utilisent l’écologie pour essayer de masquer leur rupture. Ils disent tous : il faut recomposer la gauche derrière moi.

Moi, mon sujet, c’est qu’un projet écologique et solidaire gagne en Europe et dans ce pays. Je n’ai jamais été socialiste, trotskiste ou communiste, je n’ai toujours été qu’écologiste. J’ouvre portes et fenêtres aux citoyens qui ont compris que la lutte contre le dérèglement climatique était la mère de toutes les batailles et qu’elle pouvait être un formidable levier de justice sociale. »

Il rejette de ce fait totalement la proposition Jean-Luc Mélenchon, le considérant presque ouvertement comme un équivalent de Marine Le Pen (alors que lui-même est un équivalent d’Emmanuel Macron) :

« Non, ça ne m’intéresse pas. Jean-Luc Mélenchon a des convictions, une colère, une indignation par rapport à l’injustice sociale que je peux partager. Mais il a une conception de la démocratie qui n’est pas la mienne. Il passe son temps à brutaliser le débat politique, moi je veux apaiser notre pays. Il se place dans une logique national-étatiste, moi je veux une France beaucoup plus décentralisée, régionalisée.

Je crois fondamentalement que l’Europe, malgré ses défauts, est une formidable aventure, qu’elle est notre horizon civilisationnel. Il a quelques ambiguïtés avec Maduro et Poutine. Nous les écologistes, combattons toutes les dictatures, de droite, de gauche, où qu’elles soient. Nous devons à nos enfants une Europe des libertés, qui reconnaît à chacune et chacun sa dignité, ses identités multiples. Nous leur devons un avenir bienveillant dans lequel ils se projetteront avec confiance. »

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Jean-Luc Mélenchon rejette le principe de Front populaire et appelle la Gauche à suivre sa démarche

Jean-Luc Mélenchon a fait le choix de s’adresser à la Gauche ce mardi 23 avril en lançant « un appel à la création d’une fédération populaire » dans le journal Libération, qui consiste en un rassemblement autour de sa démarche. C’est contraire au principe de Front populaire qui consiste en une unité politique des forces de la Gauche contre le danger du fascisme.

Dans un long entretien à Libération, Jean-Luc Mélenchon a parlé de la Gauche, ce qui a pu être considéré comme un appel à l’unité. Il a surtout expliqué que le rassemblement devrait se faire autour de sa démarche, qui aurait la légitimité populaire, qui serait forcément la bonne formule alors que la « vieille gauche » est méprisante à son égard.

Il considère avoir acquis une légitimité avec son score au premier tour de la Présidentielle en 2017 (19,58 %, soit 7 059 951 voix). Les élections Européennes doivent être une continuité de cela :

« notre force doit recevoir l’aval populaire. Comme je l’ai reçu pendant la présidentielle. Là sera le centre de gravité pour la suite contre le macronisme. »

Jean-Luc Mélenchon s’estime farouchement mis à l’écart par les formations politiques de gauche elle-mêmes, et les rejette. Ce qui semble l’intéresser, c’est surtout de capter la base électorale de la Gauche, mais pas de participer à une unité. Ses réponses à ce propos sont très claires :

« – Avez-vous abandonné tout espoir d’unité ?
– Je suis réaliste.
– Donc vous espérez toujours rassembler.
– Le peuple, oui. Mais chaque fois que je l’ai proposé, la vieille gauche m’a envoyé balader. Elle n’accepte pas la réalité, c’est-à-dire notre centralité et celle du programme «l’Avenir en commun». Mais si l’élection nous en donne la force, nous assumerons de nouveau notre responsabilité. Nous proposerons de nouveau une fédération populaire à construire dans les élections suivantes et dans les mouvements écologiques et sociaux. »

Quand il lui est posé la question de savoir s’il est capable de faire des compromis avec des gens ne pensant pas comme lui, il répond qu’à l’Assemblée son groupe « vote même des fois avec la droite » et que ce n’est « l’étiquette » qui compte.

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Il assume ainsi son orientation populiste, en mettant de côté le débat idéologique et politique à Gauche, qui devrait s’incliner par rapport à sa démarche :

« Je me répète : tout le monde doit se mettre au service de la fédération du peuple. »

La « base de départ pour discuter partout » devrait donc être le programme de La France insoumise. Jean-Luc Mélenchon est d’accord avec la proposition du journal Libération d’avoir un débat avec la Gauche, mais il précise :

« Il ne faut jamais oublier le but, la fédération populaire entre les classes populaires et les classes moyennes plus favorisées qui n’appartiennent pas à l’oligarchie. C’est la grande question. Elle ne sera pas réglée par la guirlande des sigles de partis. Nous ne sommes plus dans les années 70. Le champ politique s’est effondré. Pas de mon fait. Ce sont les électeurs qui ont dissous le PS et nous ont portés en avant. Nous assumons notre situation. Pas les autres. »

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Quand Jean-Luc Mélenchon a lancé La France insoumise, il s’agissait en effet de se libérer de la Gauche, considérée comme un carcan, en préférant une sorte de populisme social, très poreux au nationalisme.

Pour lui, la société a changé et la modèle de la Gauche est d’une « autre époque » :

« La société était assez stable et les liens de représentation politique fonctionnaient. Le PCF représentait une grande partie de la classe ouvrière. Les socialistes, plutôt les classes moyennes. Tout cela a volé en éclats. Un acteur nouveau est né. C’est ce peuple urbanisé qui s’oppose à l’oligarchie. Voir les gilets jaunes ou l’Algérie. Son existence quotidienne dépend de l’accès aux réseaux collectifs. Cet accès est l’enjeu social central. »

Il précise plus loin que :

« l’évolution du capitalisme a atomisé la société, les formes habituelles de représentation ont explosé. Voyez où en sont les partis politiques traditionnels. »

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Cela justifie son écartement de la Gauche, et donc du Socialisme. Il propose donc autre chose, qui y ressemble vaguement, mais sans que cela soit très précis :

« il y a une conscience nouvelle qui rétablit l’idée de changement global, c’est la conscience écologique. Beaucoup ont compris que l’économie productiviste conduit à la catastrophe. Mais c’est un constat qui ne porte pas sa solution en lui-même. Car quels sont les moyens de remédier à la mise en danger de l’écosystème ? Certains pensent que c’est possible dans le cadre de l’économie de marché actuelle, que le système va finalement se réguler. Nous ne le croyons pas. Quand Jadot [le candidat d’Europe Ecologie-les Verts] fait l’éloge de l’écologie de marché, nous sommes en désaccord. Il y faut une intervention collective volontaire et énergique, une planification écologique de la transition. »

Cependant, il n’envisage pas de supprimer l’économie de marché mais est partisan d’une « économie mixte », c’est-à-dire donc pas du Socialisme, qui est le fondement historique de la Gauche (largement abandonné par celle-ci, il est vrai).

Sa vision consiste en une proposition très vague, classiquement réformiste, mais bien en deçà de la radicalité et de l’envergure que pouvait proposer un François Mitterrand en 1981, qui n’était pourtant pas un « révolutionnaire » :

« Nous dénonçons la marchandisation généralisée voulue par les traités européens. Nous préférons revendiquer l’intérêt général, l’action collective. Nous ne pourrons pas relever le défi écologique dans le cadre de la concurrence libre et non faussée, dans le cadre du libre-échange généralisé. La planification est de toute nécessité pour appliquer la règle verte : on ne prend plus à la nature davantage que ce qu’elle peut reconstituer. »

Sur le plan politique, Jean-Luc Mélenchon considère donc que le rassemblement de la Gauche est à la fois possible et pas possible, car « certains sont restés productivistes, nucléaristes, d’autres continuent de faire l’éloge du marché partout. »

La Gauche dans sa forme et sa proposition historique ayant donc échoué selon lui, il n’y aurait pas d’autre choix que de rejoindre sa démarche :

« au demeurant, je ne crois plus à l’ancien modèle de rassemblement des organisations. Nous devons certes nous rassembler, mais au service d’une tâche en commun : fédérer le peuple, réunir ses revendications, en faire un programme compatible avec l’impératif écologique et social. »

Il faut pour cela :

« aller idéologiquement au bout de la mutation écologique et populaire qui est nécessaire. Il faut qu’on soit tous clairs. Pas de tambouille sur la question européenne, sur le nucléaire, sur la question décisive de la paix, de la sortie de l’Otan. »

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Jean-Luc Mélenchon ne propose donc pas un Front populaire, qui est la proposition historique de la Gauche face à la menace du fascisme. Le nationalisme ne représente pas un danger pour lui puisqu’il n’en parle pas. Il ne parle d’ailleurs à aucun moment du danger que représente Marine Le Pen. Son nom n’est cité qu’une seule fois dans ce long entretien, pour se comparer à elle, comme s’il se considérait en concurrence avec elle sur le terrain du populisme (« quand Marine Le Pen dit «vous êtes des Blancs chrétiens», je réponds «vous êtes des enfants des Lumières». »)

Précisons pour finir, à propos de sa formation La France insoumise, puisqu’il considère que sa démarche est la bonne et qu’il faut la suivre, qu’elle n’a pas un fonctionnement démocratique.

Il explique en effet, de manière assez obscure, qu’il n’y a « pas de dirigeants » à la France insoumise et qu’il n’y a donc pas de problème au fait qu’aucune direction ne soit élue… C’est pour le moins nébuleux, et effectivement contraire aux pratiques des formations de gauche.

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Il considère ainsi comme de bonnes choses les « 4 000 comités qui fonctionnent en autonomie » et les « 60 % des candidats n’ont pas de carte du parti ». Cela est inacceptable du point de vue de la Gauche traditionnelle car cela empêche toute démarche politique démocratique, en laissant libre cours à des individus et à l’émergence de tribuns ou petits chefs.

Ce n’est pas ainsi que le mouvement démocratique et populaire avancera. Seul un retour aux fondamentaux de la Gauche historique peut permettre de progresser, et certainement pas une liquidation totale de ses principes dans une fuite en avant populiste.

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Marion Maréchal prépare un après Marine Le Pen

Dans un entretien à Valeurs Actuelles, Marion Maréchal rappelle sa présence, comme elle le fait régulièrement maintenant. Son positionnement est subtil : elle n’intervient pas formellement dans le débat politique, tout en donnant son avis pour être celle « qui l’avait dit ». Cela lui permet de laisser les autres faire, probablement se tromper, et de se présenter plus tard comme un recours.

L’entretien à Valeurs Actuelles est précédé d’une présentation élogieuse de Marion Maréchal, où l’on apprend des choses sur elles, sur sa vie, ses ambitions. Cela permet d’exprimer ce que Marion Maréchal ne peut dire elle-même. C’est savamment orchestré, et on a compris depuis longtemps à quel point la revue de la Droite traditionnelle a fait le choix de l’ancienne député Front national.

Le moment a donc été bien choisi. L’entretient est publié alors que la campagne pour les élections européennes est lancée, mais qu’elle ne bât pas encore son plein. On nous explique qu’elle vient parler « d’Europe », mais que le sujet « Les européennes » serait « trop politicien » pour elle.

C’est qu’il s’agit surtout de préparer l’après, tout en travaillant au passage sa posture de femme d’État, cultivée, minutieuse et, surtout, stratège. Les fondamentaux sont rappelés, rabâchés : ce qui compte est le conservatisme, c’est-à-dire une expression de Droite, dans sa version traditionnelle, viscéralement opposée à la Gauche.

« Je me suis moi-même toujours définie comme une femme de droite. Le clivage droite-gauche continue d’irriguer la vie politique française, mais il n’épuise pas tous les autres clivages présents »

Cette question des « autres clivages » est très importante, c’est le cœur de sa divergence stratégique avec Marine Le Pen. Cette dernière, lorsqu’elle a pris les commande du Front national, a élaboré une stratégie d’écartement opportuniste du clivage Gauche-Droite.

C’est un choix populiste, « facile » d’une certaine manière car correspondant au niveau de dépolitisation de la société française. Cela est considéré comme insuffisant par Marion Maréchal :

« J’ai dit en revanche pourquoi le clivage entre populistes et mondialistes me semble être une impasse électorale. Je crois qu’on ne peut pas gagner en s’adressant seulement aux classes populaires. Ceux qui rêvent d’une grande alliance de partis entre La France insoumise et le Front national se trompent.

Cette alliance me semble d’autant moins possible que la souveraineté, dont se réclame timidement Jean-Luc Mélenchon, n’est pas une fin en soi. La souveraineté, c’est le contenant ; la vision de la société, c’est le contenu. Au service de quoi met-on la souveraineté ? Une République islamique souveraine, ça ne m’intéresse pas… »

Si Jean-Luc Mélenchon est cité, c’est évidemment de Marine Le Pen qu’il s’agit, puisqu’ils ont une stratégie et une expression quasiment identique. Leur seul différence est de dire l’inverse l’un par rapport à l’autre sur la question de l’immigration.

Marion Maréchal a bien compris que cela revenait au même sur le plan idéologique, qu’il s’agissait dans les deux cas d’aller au nationalisme. Ce qui l’intéresse cependant est d’ordre politique, c’est-à-dire la façon de prendre le pouvoir. Elle explique ainsi :

« Deux gros blocs ont depuis émergé : celui du centre droit et gauche d’Emmanuel Macron, ainsi que le bloc populiste (je ne partage pas la diabolisation de ce mot, qui a des relents d’anathème dans la bouche de certains) de droite et de gauche. Deux blocs inadaptés à notre système électoral qui entraînent une situation de blocage. »

La question de fond est bien-sûr la question culturelle, celle des valeurs. C’est pour cela qu’elle parle de « République islamique » au sujet de Jean-Luc Mélenchon, pour discréditer son nationalisme, lui ôter toute substance. Elle dit ni plus ni moins qu’il faut en revenir aux fondamentaux de la Droite, des valeurs conservatrices de la Droite, car ce sont les sujets culturels, suffisamment clivants, qui mobilisent et devraient permettre de prendre le pouvoir.

Ce qu’elle suggère est une position intermédiaire, non pas entre les populistes, mais entre le populisme issu de la Droite, celui de Marine Le Pen, et la Droite conservatrice elle-même :

« C’est à la France de se faire une place dans le dispositif [de l’Union européenne, NDLR]. De marquer sa différence. D’être capable d’engager un rapport de force. Je ne crois pas que Marine dise autre chose. François-Xavier Bellamy non plus d’ailleurs. À la seule différence que Bellamy est plus difficile à suivre, car enfermé dans une forme d’« en même temps ».

Pour résumer simplement, il a du mal à dire que l’Union européenne est un échec dans sa forme actuelle. De mon côté, le postulat de ma réflexion repose sur l’affirmation qu’il s’agit d’un mauvais système, inopérant, mal pensé, mal conçu et philosophiquement délétère pour les nations européennes. »

Elle dit aussi, de manière encore plus politique :

« Le populisme est moins un programme qu’un style : il existe des populistes de gauche et de droite. C’est un mouvement polymorphe. Ses caractéristiques pourraient être un chef charismatique, le rejet des élites et du système de manière générale, la défense d’une démocratie idéale contre une démocratie représentative qui serait dévoyée, l’appui exclusif sur les classes populaires.

Le positionnement populiste semble être une impasse électorale. Si l’on doit bien sûr défendre les classes populaires, on ne peut pas faire l’économie de s’adresser à la classe moyenne et haute. Il faut rassembler autour d’une vision commune et non faire de la politique catégorielle. »

Ce qu’elle reproche à Marine Le Pen, c’est-à-dire de proposer un populisme qui manquerait de substance culturelle et de profondeur civilisationnelle (d’où, de son point de vue, l’importance de la classe « moyenne et haute »), elle le reproche inversement à François-Xavier Bellamy :

« J’ai également conscience qu’en France le conservatisme, en tant que courant politique, est mort et enterré depuis la IIIe République. Il s’était largement construit dans la contre-révolution, intrinsèquement liée au catholicisme français. Aujourd’hui, un conservatisme français émergeant de nouveau après de telles décennies de silence ne pourrait pas se contenter de ressusciter ce courant-là.

François-Xavier Bellamy dit en substance la même chose, quand il affirme que, s’il y avait quelque chose à conserver, il serait pour, mais qu’il faut tout changer.
Je suis d’accord avec lui sur ce point : conserver quoi ? Il faut s’entendre. Mais entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron, lui affirme préférer conserver Macron. »

Ce dernier aurait donc raison sur le plan culturel, mais il ne serait pas suffisamment enclin à accepter le nationalisme de Marine Le Pen, ce qui serait son erreur, qu’elle entend corriger.

> Lire également : nos articles sur Marion Maréchal

Marion Maréchal fait donc de la politique, de manière très sérieuse, très impliquée, très stratégique, en visant le long terme. Son ennemi est bien évidemment la Gauche, l’idée même de socialisme, d’une société pacifique aux valeurs universelles. Il est donc impératif pour la Gauche de la prendre très au sérieux, et de se mettre au niveau, en travaillant ses fondamentaux pour avoir une vision du monde conséquente à lui opposer.

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Gérard Filoche : « Lettre ouverte aux formations de gauche et de l’écologie »

Voici un appel à l’unité de la Gauche lancé par Gérard Floche du mouvement Gauche démocratique et sociale. Ce qu’il dit est un point de vue très répandu chez les personnes de gauche, qui redoutent une déroute pour les prochaines élections européennes.

On peut douter de l’évaluation de Gérard Filoche qui affirme qu’il existe une très grande mobilisation sociale dans le pays et il est malheureusement obligé, par principe, de rappeler par ailleurs sa faute en diffusant une image ouvertement antisémite, ce qu’il a considéré comme une erreur.

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Raphaël Glucksmann falsifie Jean Jaurès pour son premier meeting

Cherchant à faire les yeux doux aux socialistes pour son premier meeting des Européennes, Raphaël Glucksmann a cité Jean Jaurès. Mais, évidemment, il a été obligé de falsifier la citation, qui parlait effectivement bien de réforme, mais de réforme pour abolir le salariat, supprimer tout le capitalisme ainsi que la propriété bourgeoise…

Ce samedi se tenait à Toulouse un petit meeting du Parti socialiste, de Place publique et de Nouvelle donne. C’est évidemment Raphaël Glucksmann qui était attendu au tournant, après sa prestation considérée comme très faible et sans orientation lors du premier débat télévisé des élections européennes de mai 2019.

Cherchant à convaincre, il s’est lancé notamment dans une longue citation de Jean Jaurès, qu’il a bien entendu dû totalement modifier pour que cela passe. Jean Jaurès était un effet un réformiste, mais un réformiste membre du Parti socialiste SFIO et donc visant tout de même le socialisme, c’est-à-dire la socialisation des moyens de production.

Voici la citation telle que Raphaël Glucksmann l’a lue lors du meeting de Toulouse :

« Parce que le Parti socialiste est un parti de révolution, précisément parce qu’il ne se borne pas à réformer et à pallier les pires abus du régime actuel, mais veut réformer en son principe et en son fond ce régime même, il est le parti le plus activement et le plus réellement réformateur.

Il est le seul parti qui puisse donner à toute tentative partielle d’affranchissement et d’amélioration, la plénitude d’une force que rien n’arrête et que rien n’effraie. »

Raphaël Glucksmann a ensuite parlé de radicalisme et de réformisme comme étant ce qui caractérise le Parti socialiste, à l’opposé des tentatives « autoritaires » comme celle des bolcheviks. En apparence, c’est de l’anticommunisme, en réalité c’est de l’antisocialisme.

Ce n’est pas pour rien qu’au meeting, il a par ailleurs souligné que les socialistes, c’était Jaurès et Blum, mais aussi Mendès-France et Rocard. Car ces deux dernières figures n’étaient que des figures de centre-gauche, n’ayant justement rien à voir avec le Jaurès et Blum, avec les valeurs du socialisme.

Et Jaurès donc, bien qu’il n’ait jamais agi dans l’esprit de la social-démocratie allemande – avec son marxisme orthodoxe porté par Karl Kautsky – appartenait bien à un parti voulant le socialisme. Pour cette raison, Raphaël Glucksmann a été obligé de falsifier la citation de Jean Jaurès.

Voici les propos réels de Jean Jaurès, au congrès de Toulouse du Parti socialiste SFIO, en 1908 :

« Nous vous disons, précisément parce que le Parti socialiste est un parti de révolution, précisément parce qu’il ne se borne pas à réformer et à pallier les pires abus du régime actuel, mais veut réformer en son principe et en son fond ce régime même, précisément parce qu’il veut abolir le salariat, résorber et supprimer tout le capitalisme, précisément parce qu’il est un parti essentiellement révolutionnaire, il est le parti le plus activement et le plus réellement réformateur.

Précisément parce qu’il n’est pas arrêté, dans sa revendication incessante, par le droit, périmé à ses yeux, de la propriété bourgeoise et capitaliste, il est le seul parti qui puisse pousser toutes les réformes jusqu’à la réforme totale et il est le seul parti qui puisse donner à chaque réforme, à chaque tentative partielle d’affranchissement et d’amélioration, la plénitude d’une force que rien n’arrête et que rien n’effraie. »

« Abolir le salariat, résorber et supprimer tout le capitalisme », « la propriété bourgeoise et capitaliste » comme un droit périmé… Cela est bien loin de Raphaël Glucksmann et de son style grand-bourgeois Paris-New-York. C’est à l’opposé les valeurs de la Gauche historique, dont nous avons besoin aujourd’hui.