La liste électorale proposée par la maire de Nantes sortante Johanna Rolland, candidate à sa succession, est très marquante : les 69 candidats y sont quasiment tous des bourgeois. Le Parti socialiste, qui dirige la ville depuis 1977 avec seulement une interruption entre 1983 et 1989, ne fait même plus semblant d’apparaître populaire, mais assume totalement son orientation bourgeois-bohème. C’est une catastrophe pour la Gauche.
La candidature de Johanna Rolland à sa succession à la Mairie de Nantes est typique d’une frange du Parti socialiste qui préfère à la Gauche un vague « progressisme », en fait un social-libéralisme modernisateur. Dans son programme, le mot « Gauche » ne figure qu’une seule fois et en tout petit, à la fin d’une mini biographie. La Gauche n’est pas du tout mise en avant.
Le programme est lui-même d’un apolitisme total, élaboré à la manière d’une agence de communication et pas dans le cadre d’une bataille pour le socialisme. Il y a des éléments de langage soigneusement choisis, accompagnant un long catalogue de 189 mesures où chacun pourrait piocher ce qui l’intéresse, comme dans un catalogue Ikea.
Les propositions vont des plus marketing comme les transports en commun gratuits le week-end, aux plus ridicules comme la numéro 53 : « Créer un kit du nouvel arrivant nantais : une gourde et une tasse à chacune et à chacun »…
Cela n’a aucune dimension politico-culturelle, ne s’inscrit pas dans un enjeu politique national ni ne contribue à l’affirmation des valeurs de la Gauche. Il faudra, dans l’analyse faite à l’issue des élections municipales, se poser la question d’associer vraiment à la Gauche les victoires avec de tels programmes électoraux, autant portés par la bourgeoisie des métropoles « dynamiques » du capitalisme.
Il n’y a qu’à voir les professions des candidats (voir ci-dessous) pour que cela saute aux yeux : la liste de Johanna Rolland à Nantes n’a aucune dynamique populaire. On n’a pas la Gauche des caissières, des femmes de ménage, des infirmières, des éboueurs, des manutentionnaires, des magasiniers, de la classe ouvrière, mais un agrégat bourgeois et petit bourgeois associé à un opportunisme politique de quelques organisations de Gauche et d’identitaires bretons.
Le PCF notamment, qui en novembre 2019 produisait un document politique avec « 100 propositions pour une ville solidaire et populaire », se range ici totalement derrière une dynamique bourgeoise en l’échange du maintien de poste. Il ne fallait cependant pas attendre grand-chose du PCF local qui parlait dans son document d’une « pop’city », avec l’idée au fond d’associer dynamisme de grande métropole à l’illusion d’une culture populaire – le populaire consistant ici en général uniquement en les cités HLM liées à l’immigration.
Cela renvoie d’ailleurs à un second aspect, qui touche directement à la question démocratique. Dans les grandes villes comme Nantes, les classes populaires se trouvent pour la plupart en dehors de la commune centrale, mais dans les communes de l’agglomération, voire en périphérie de la périphérie ou carrément à la campagne.
C’est pourtant la maire de Nantes qui, quasi mécaniquement, obtient la présidence de la Métropole et la marque de son empreinte. Il y a donc ici un véritable problème démocratique avec une élection locale où les classes populaires n’ont en vérité pas de possibilité d’expression électorale commune, et se voient confisquer la Gauche par une bourgeoisie et petite-bourgeoisie de centre-ville.