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L’article à charge du Monde contre « E-Z-B »

Les turbocapitalistes attaquent frontalement les conservateurs.

Source : WIkipédia

C’est un très long article du Monde, « Comment Vincent Bolloré mobilise son empire médiatique pour peser sur l’élection présidentielle », qui témoigne de la dimension du conflit qui existe au sein des capitalistes.

Loin d’être un monde uniforme, les capitalistes ont des centres d’intérêt très différents au-delà de leur intérêt justement commun. On a donc aussi l’affrontement entre les turbocapitalistes, partisans de la modernité, et les conservateurs nationalistes. Ici, Le Monde défend naturellement Emmanuel Macron, président ayant à faire face aux vilains projets d’un vilain PDG conservateur.

Il s’agit en l’occurrence du milliardaire Vincent Bolloré, dénoncé au point qu’à l’Élysée Eric Zemmour est apparemment, selon l’article, appelé E-Z-B, soit Eric Zemmour Bolloré. Dans cette perspective, l’article du Monde présente Eric Zemmour comme la créature de Vincent Bolloré, avec de nombreux détails.

On apprend ainsi que les deux personnages se parlent au téléphone tous les jours, qu’Emmanuel Macron tente de bloquer les investissements de Vincent Bolloré pour élargir son « empire », que Vincent Bolloré a placé à la tête de Paris Match et du Journal du Dimanche des proches :

« Vincent Bolloré n’ignore rien de leur parcours. A 20 ans, Patrick Mahé militait au sein d’Occident, mouvement d’extrême droite dissous en 1968 – comme Michel Calzaroni, le conseiller com’ de Bolloré, qui s’amuse aujourd’hui d’avoir commencé « à l’extrême droite de Vincent et de se retrouver à sa gauche ». Longtemps proche de Jean-Marie Le Pen, Mahé est aussi un ancien de Jeune Europe, groupuscule ultra-nationaliste et antiaméricain de « fafs », disait-on à l’époque, dont l’emblème était la croix celtique.

A Jeune Europe, « Patrig » côtoyait l’éditeur Jean Picollec, un autre Breton qui habitait à vingt kilomètres du fief familial des Bolloré et auquel Vincent et son oncle Gwenn-Aël Bolloré avaient confié en 1987 leur chère maison des Editions de La Table ronde – avant que Picollec ne publie lui-même dans sa propre maison des auteurs sulfureux, comme l’ancien combattant SS belge Léon Degrelle (…).

La seconde recrue, Jérôme Bellay, désormais à la tête du JDD, appelle Bolloré « le cousin ». Sa quatrième épouse, Isabelle Morizet, alias Karen Cheryl, serait, aime rire Bellay devant ses collaborateurs, une parente éloignée du premier actionnaire de Vivendi. Le couple partage d’ailleurs quelques cocktails sur le pont du Paloma, lorsque le yacht du milliardaire mouille l’été dans la baie de Cannes. »

Ce dernier passage sur les cocktails est révélateur. Car bien évidemment Le Monde dénonce CNews et son rôle pro-Eric Zemmour. Mais l’article prend alors un tournant assez unique. On sait qu’en France il est de règle de ne pas aborder la vie privée des personnalités. C’est mal vu. Il y a bien évidemment des médias people surfant là-dessus, mais c’est considéré comme un sous-genre proche du caniveau.

Or, l’article du Monde déroge à la règle, de manière outrancière, allant jusqu’à l’intime de la vie privée de Vincent Bolloré, jusqu’au détail, comme pour montrer que tout était su. Cet étalage sordide vise en apparence à dénoncer le rôle activiste de Vincent Bolloré le conservateur pro-catholique, mais dans le fond il y a quelque chose de rance, une sorte d’agression personnelle, comme pour en faire une cible.

Voici quelques passages qui reflètent ce mélange de dénonciation individuelle et d’accusation politique.

« Ils sont nombreux à observer la mue de Vincent Bolloré, mais rares sont ceux à avoir compris le raid politique et idéologique qu’il a lancé. Il faut dire que le capitaine d’industrie a toujours entretenu le flou sur ses convictions politiques. Personne n’ignore qu’il est un homme de droite. Ou que sa figure tutélaire reste son oncle, Gwenn-Aël Bolloré, débarqué à 19 ans, le 6 juin 1944, sur les plages de Normandie avec le commando Kieffer.

Plus que son propre père, Michel, le héros Gwenn-Aël est sa référence. Patron des éditions de La Table ronde, lecteur passionné et éditeur des « hussards » Antoine Blondin, Roger Nimier et cette petite bande d’écrivains désenchantés de l’après-seconde guerre mondiale, l’oncle était aussi partisan de l’Algérie française et de l’OAS, dont il a publié bon nombre de soutiens (de Jean Bastien-Thiry, l’organisateur de l’attentat contre de Gaulle au Petit-Clamart en 1962, à Jean-Louis Tixier-Vignancour, l’ancien compagnon de route de Jean-Marie Le Pen.) (…)

Plus fidèle à ses relations qu’à la politique, il avait renoncé à soutenir François Fillon en 2017, quoique le candidat prône l’union du libéralisme économique et du conservatisme sociétal (comme l’interdiction de la procréation médicale assistée) – l’idéal de Vincent Bolloré. C’est qu’il ne voulait pas déplaire à Nicolas Sarkozy, cet ami auquel il a prêté son yacht, au lendemain de son élection en 2007, et qui lui a remis la Légion d’honneur deux ans plus tard (…).

Mais il a chaque jour besoin de nouvelles distractions. Divorcé, plusieurs fois séparé, Vincent Bolloré s’est plusieurs fois affiché avec la volubile Valérie Hortefeux, l’ex-épouse de Brice Hortefeux, ancien ministre de l’immigration et de l’identité nationale. Il s’inquiète de la maladie et de la mort et semble gagné par un sentiment d’urgence.

« Lorsque l’homme est plus près du couchant que du levant, il lui vient insidieusement l’envie dérisoire de marquer son passage », écrivait l’oncle « Gwenn » dans ses mémoires. A mesure qu’approche son 70e anniversaire et la date fixée pour son départ, il veut peser sur l’avenir politique du pays. Cette passation des pouvoirs à ses fils aura lieu lors du bicentenaire du groupe, le 17 février 2022, lors d’un grand fest-noz dans le fief familial d’Ergué-Gabéric, près de Quimper (…).

La croisade pour l’Occident chrétien de Vincent Bolloré prospère sur un terreau favorable : une foi de charbonnier qui se décline en images pieuses dans son portefeuille, un syncrétisme « bretonnisant » qui balance entre tradition celte et piété mariale. La devise de la famille est la même depuis 1789 : « A genoux devant Dieu, debout devant les hommes ». Superstitieux, Vincent Bolloré garde à portée de main une statuette de la Vierge Marie et rapporte des bouteilles d’eau bénite de son pèlerinage annuel à Lourdes.

Il se vante de se rendre à la messe tous les dimanches « quel que soit l’endroit où [il se] trouve » (…).

On présente souvent l’abbé Grimaud comme le « confesseur » de Vincent Bolloré. Il ressemble surtout à un directeur de conscience politique. C’est Gabriel Grimaud qui a présenté au patron le journaliste Guillaume Zeller, ce petit-fils d’un des quatre généraux du putsch d’Alger (aujourd’hui « directeur de projet » au sein du groupe). L’industriel l’avait propulsé malgré son inexpérience à la tête d’i-Télé, avant de licencier 70 journalistes et de transformer la chaîne en CNews. Cette fois, Vincent Bolloré tient à présenter à Gabriel Grimaud un journaliste juif qui se dit aussi « chrétien » et veut comme lui contrer l’islam : Eric Zemmour. »

Cet article sordide restera dans l’histoire du journalisme français comme un exemple d’agression individuelle, qu’on devine clairement téléguidé par Emmanuel Macron. Il s’agit de présenter Vincent Bolloré comme une personne âgée pleine de préjugés et capricieuse comme un milliardaire, ayant décidé d’une lubie sans fond, qui n’existe que médiatiquement.

Ces « délires » d’un capitaine d’industrie censé être gâteux seraient utilisés par une poignée de réactionnaires – losers, mais tout cela serait déconnecté de la réalité.

C’est là insultant pour Vincent Bolloré et cela montre le niveau infect des contradictions inter-bourgeoises. Cependant, et là c’est réellement grave historiquement, cela individualise ou personnalise un phénomène de fond, rendant impossible son interprétation correcte.

On ne saurait en effet interpréter la montée d’Eric Zemmour comme le font les turbocapitalistes et Emmanuel Macron. Il faut voir les choses historiquement et comprendre qu’Eric Zemmour est une expression historique de la crise, et qui dit crise capitaliste dit aussi : nationalisme, protectionnisme, mise au pas intérieure, guerre.

Vincent Bolloré ne « choisit » rien du tout. Il est une figure historique du capitalisme français qui est poussé par la crise. On n’en a rien à faire que Vincent Bolloré jouait aux cartes, dans sa jeunesse, avec le président Georges Pompidou. L’Histoire n’est pas réalisée par des individus, mais par des classes agissant de manière inéluctable.

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Réflexions

Le « grand remplacement » d’Eric Zemmour : une mobilisation contre le lumpenproletariat

Il ne faut pas prendre son discours au pied de la lettre.

Eric Zemmour parle des « envahisseurs » et il explique qu’il y aurait un « grand remplacement ». Une population étrangère viendrait remplacer les Français et cela tournerait à la catastrophe. Mais il faut bien comprendre que les gens favorables, pour leur majorité, ne comprennent pas les choses de manière « occidentaliste ». Ils considèrent qu’Eric Zemmour dénonce les gens aux comportements anti-sociaux. C’est pour cela qu’Eric Zemmour a une si grande réussite. Et, même, en fait, la réelle nature du discours sur le « grand remplacement » est une mobilisation capitaliste contre le lumpenproletariat.

Il faut bien comprendre qu’il existe trois types de gens dans le capitalisme. Il y a les gens dont le travail est stable, et dont la vie est stable aussi. Il y a les gens dont la vie est instable, car le travail est instable. Dans le premier cas, on a un travail et une vie insérée, l’entreprise ou l’institution pour laquelle on travaille se perpétue, la perspective est toute tracée. Dans le second cas, notamment pour certaines professions intellectuels ou les intérimaires, on vit un peu au jour le jour, surtout dans la jeunesse, car il n’y a pas de perspective bien établie, même si on garde la tête hors de l’eau.

Au 19e siècle, les ouvriers avaient une vie instable, leur salaire était journalier. Au 20e siècle, les ouvriers, à partir des années 1950 surtout, ont une vie totalement stable, pour ainsi dire petite-bourgeoise, d’où leur dédain pour la Cause du Socialisme.

Mais le capitalisme produit également deux autres choses, formant une troisième catégorie. Ce sont les chômeurs et les marginaux. Les premiers forment une armée de réserve plus ou moins grande, les seconds sont des sous-produits du capitalisme. Et plus le capitalisme est en crise, plus il y a des marginaux, qui consomment sans salaires et donc doivent trouver des revenus, de manière criminelle. Cela forme un lumpenproletariat toujours plus grand.

Quiconque va à Paris voit que cette ville est ainsi composée de bourgeois – la majorité des gens diplômés en France est à Paris – et de lumpenprolétaires. Il n’y a plus de « gens normaux » pour ainsi dire, même s’ils y passent, depuis la périphérie de la ville.

Et il s’avère que les chômeurs et les lumpenprolétaires proviennent notamment de l’immigration, parce qu’ils sont arrivés à chaque fois lors de nouveaux cycles d’accumulation, sans argent à la base, sans héritage, devant commencer à zéro. Le capitalisme en crise peut leur proposer toujours moins et voilà pourquoi on arrive à l’accumulation toujours plus grande d’un lumpenprolétariat qui s’avère surtout d’origine immigrée.

Eric Zemmour ne peut bien entendu pas dénoncer le lumpenprolétariat, car il faudrait expliquer d’où il vient : d’un capitalisme ayant perdu sa fonction intégratrice. Il parle donc des « étrangers », afin de les assimiler aux lumpenprolétaires. En fait, lui-même a une approche somme toute raciste et il assimile les étrangers aux lumpenprolétaires, mais la plupart des gens suivant Eric Zemmour ne sont pas racistes, même s’ils ont des préjugés plus ou moins importants. Ils sont révoltés contre les lumpenprolétaires et « relisent » à leur manière ce que dit Eric Zemmour.

Cette situation est d’autant plus logique que la Gauche gouvernementale et l’ultra-gauche ont accompagné la mise en place du turbocapitalisme, au nom des droits des migrants et des LGBTQ+, se prétendant favorables à la conquête des « droits » et servant en réalité d’aiguillons pour réimpulser le capitalisme. On est ici exactement comme aux Etats-Unis avec les démocrates et les républicains.

Les gens « normaux » se retrouvent ainsi sans issue, sans voix politique pour aborder la situation, ni même pour la comprendre. C’est pour cela qu’une approche comme celle d’Eric Zemmour, aussi absurde et raciste qu’elle puisse être, rencontre un certain succès. C’est un succès par défaut, mais réel, car touchant à la réalité de manière concrète, bien que déformée.

Et dans le capitalisme, tout est déformé, alors dans le capitalisme en crise c’est pire. Le capitalisme, pour s’en sortir, cherche à la fois à aller de l’avant (dans le turbocapitalisme) et à aller en arrière (dans le nationalisme protectionniste). C’est un mouvement dialectique et qui ne le voit pas tombe de Charybde en Scylla.

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Politique

Eric Zemmour candidat, la principale menace

Il représente l’aspect principal du problème et donc de la solution.

En l’espace de quelques semaines, Eric Zemmour a été propulsé sur le devant de la scène politique. Il dispose de cadres et de soutiens financiers, il a des appuis politiques et l’aval de la haute bourgeoisie. Son émergence est la même qu’Emmanuel Macron, mais cette fois pas au service du libéralisme moderniste : c’est cette fois du nationalisme et du militarisme qu’il s’agit.

C’est tout aussi artificiel. Mais ce ne sont pas les mêmes catégories sociales qui en sont la source. Et force est de constater qu’Eric Zemmour a réussi à largement affaiblir Marine Le Pen, ce qui est une nouveauté d’une haute signification, puisque c’est elle qui représentait l’extrême-Droite jusqu’à présent. C’est dire si tout a changé.

Avant, Marine Le Pen était un vecteur. Désormais, il y a Eric Zemmour, qui doit être un outil. Il ne s’agit plus de faire un contre-poids nationaliste et militariste. Il s’agit d’avancer en mode rouleau compresseur. Et cela marche.

En quelques semaines, on a assisté à une réorganisation générale de la Droite nationaliste, avec une recomposition générale, l’émergence de cadres et surtout – surtout – la mise en place d’une ligne. C’est toujours la ligne qui décide de tout. Et là, l’aspect principal de la crise, dans son expression politique du côté de la haute bourgeoisie, c’est Eric Zemmour.

Son « Z » est le symbole d’une nouvelle mythologie, d’une nouvelle rhétorique, d’une orientation nationaliste ouvertement tournée vers le militarisme.

Et dans une France glauque, avec des gens dépolitisés, aliénés par le travail, exploités par le capital, le capitalisme régnant en maître, Eric Zemmour est le nouveau panorama, l’actualité – événement, le moyen d’occuper les esprits, d’encore plus les réduire, les assécher, les éteindre… et même, par la suite, de les mobiliser.

Cela ne veut pas dire que Marine Le Pen ne soit plus une menace. Son influence dans le milieu ouvrier est énorme. Mais Marine Le Pen a justement eu un tel succès populaire que cela ne permettait plus à la Droite nationaliste proposer une stratégie. L’enfermement mental des ouvriers était si réussi qu’il était impossible d’en sortir sans remettre tout en cause.

Eric Zemmour est lui un levier pour aller de l’avant, avoir une démarche offensive. Les ouvriers endormis par Marine Le Pen, la haute bourgeoisie peut passer à l’offensive avec la crise, tandis que les libéraux modernistes espèrent maintenir leur place… si la crise ne s’exprime pas trop, si la tendance à la guerre ne s’impose pas trop rapidement.

Eric Zemmour est ainsi l’aspect principal de la question, il est le fil qui, une fois tiré, tire tout le reste. C’est vrai pour la haute bourgeoisie, cela doit être vrai pour la Gauche. Malheureusement, envoûté par le capitalisme, même à gauche les gens ont une mentalité petite-bourgeoise, ils ne sont pas en mesure de saisir la menace.

C’est donc un processus prolongé qui s’ouvre, de prise de conscience à travers de profondes remises en causes. L’Histoire se met en branle, les choses sérieuses commencent – comme avant 1914, comme avant 1939.

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Société

Pourquoi les gens de Gauche ne prennent-ils pas Eric Zemmour au sérieux?

C’est une constante qui risque de coûter très cher.

C’est un véritable phénomène de société : les gens de gauche sont horrifiés par Eric Zemmour mais, en même temps, ne le prennent pas au sérieux. Ils pensent que c’est quelqu’un de bruyant diffusant des valeurs rétrogrades, qu’il donne la nausée. En même temps, ils pensent que c’est juste un accident médiatique et qu’il n’est que passager.

Il y a deux problèmes majeurs qui découlent de cela. Tout d’abord, cela ne permet pas de comprendre l’immense impact qu’il a sur la société française. La Droite est galvanisée et même si Eric Zemmour disparaissait du paysage demain, de nombreuses autres figures le remplaceront. Ensuite, il n’y a pas de raison qu’il disparaisse. Et là la conséquence horrible s’il se maintient, c’est que les mêmes gens, n’ayant pas compris la menace qu’il représente, dise : Macron-Zemmour au second tour, je m’abstiens, car cela revient au même.

Le fondement même de tout ce raisonnement est apolitique, littéralement anarchiste. Cela reflète une incapacité à analyser la situation politiquement, c’est-à-dire en termes de classe et de besoins de ces classes. Peu importe en effet ici qu’Eric Zemmour soit seulement Eric Zemmour. Ce qui compte, c’est le rôle qu’il peut jouer pour une haute bourgeoisie prônant un virage nationaliste et militariste. Et là, non seulement il joue déjà un rôle significatif, mais même demain il peut jouer un rôle de premier plan, s’il s’adapte suffisamment à ce qu’on attend de lui.

Aurait-on oublier que l’Allemagne et l’Italie, deux pays de très haute culture, ont accueilli à bras ouverts Adolf Hitler et Benito Mussolini, deux insultes à la culture? Ces deux criminels s’étaient parfaitement insérés politiquement dans les attentes de la haute bourgeoisie et ils ont été portés au pouvoir.

Car Eric Zemmour n’avance pas seul. Ce n’est pas un phénomène individuel, mais historique. On voit bien d’ailleurs comment les médias l’ont littéralement mis en place comme figure politique. Alors pourquoi ne pas le prendre au sérieux? Pourquoi s’imaginer que ces mêmes médias ne peuvent pas aller plus loin, que la haute bourgeoisie ne peut pas le pousser?

Après tout, Emmanuel Macron a pareillement été une marionnette portée à bout de bras par la fraction la plus moderniste de la bourgeoisie. Du jour au lendemain, il a eu des fonds et un mouvement politique avec des cadres. Tout a été produit artificiellement en peu de temps. Pourquoi cela ne pourrait-il pas être pareil avec Eric Zemmour?

Ce qu’il faut voir aussi, c’est que les gens de gauche sont comme l’ensemble des Français, ils sont blasés, ils ne pensent pas vraiment que quelque chose puisse arriver. Ils ne considèrent pas qu’il y ait une crise ou du moins font-ils confiance au capitalisme pour la résorber, comme il l’aurait toujours fait. Ils ont en fait perdu le fil de l’Histoire, car qui regarde l’Histoire sait que la crise se résout par l’écrasement des travailleurs à l’intérieur du pays et l’expansion à l’extérieur.

Eric Zemmour, c’est la guerre. Qui ne le voit pas n’a pas saisi les principes à l’oeuvre dans l’Histoire. Eric Zemmour, c’est le fascisme. Et l’existence de Marine Le Pen n’affaiblit pas cette proposition, bien au contraire elle la renforce parallèlement, elle ajoute à l’entreprise de démolition anti-démocratique qui est en cours.

C’était bien la peine de se moquer des Américains avec Donald Trump si c’est pour agir avec la même passivité complice, avec le même dédain intellectuel, avec la même incompréhension de la gravité de la situation !

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Politique

Quand Eric Zemmour pose la question de la nature de l’antifascisme

Eric Zemmour pose des défis politiques et culturels.

Lors de son passage à Nantes le 30 octobre, Eric Zemmour a directement abordé la question du fascisme et de l’antifacisme. Il l’a fait de manière bien calculée, car Nantes est un bastion anarchiste et évidemment 450 personnes ont pratiqué une ligne substitutiste, cherchant à perturber le meeting d’Eric Zemmour en entrant dans l’enceinte du Zénith pour essayer de le bloquer, ainsi qu’en collant la veille des affiches avec une cible sur le visage d’Eric Zemmour. C’est inefficace et même contre-productif, puisque cela ne fait que renforcer le « buzz » d’Eric Zemmour.

Il est tout à fait logique qu’Eric Zemmour aborde, dans un même meeting, la question du fascisme et celle de la chasse, prenant pour la première fois position sur cette dernière. A rebours des anarchistes qui ne comprennent rien à rien, Eric Zemmour a compris que ce qui était en jeu, c’était la question du mode de vie fondé sur une certaine vision du monde. Il a a saisi que la question animale était fondamentale pour le camp du changement, et comme il ne veut pas le changement, et que de toutes façons le véganisme est trop « difficile » pour des Français fainéants et libéraux, il sait qu’il a un boulevard.

Quant à l’antifascisme défini comme « une colonisation intellectuelle de l’humanité, voulue par le cerveau malade de Staline », c’est une référence très précise à l’Histoire. L’antifascisme comme démarche a en effet été défini par le Bulgare Georgi Dimitrov et systématisé par le mouvement communiste dans le cadre du septième congrès de l’Internationale Communiste en 1935.

Le siège central des communistes en Allemagne, en 1932, avec le symbole de l’Action antifasciste sur le bâtiment et le slogan « Dans les rangs de l’Action antifasciste contre la guerre, la faim et le fascisme! »

Cela est très peu connu en France, car les anarchistes ont pratiqué un lessivage sur le plan des idées afin de se présenter comme « antifas » alors qu’en réalité, ils ont toujours nié la nécessité du « front » antifasciste. Le « front » est historiquement l’alliance des socialistes et des communistes (principalement), les anarchistes et l’ultra-gauche dénonçant une trahison de la révolution. Cela dit ce n’est pas toujours exact : dans le front populaire espagnol, on trouvait la CNT au gouvernement, et seule une frange d’ultra-gauche s’y opposait.

En France c’est cette ligne d’ultra-gauche qui prévaut chez les « antifas », avec un soutien naturel de la part des libéraux, comme cet article du Monde du 26 octobre 2021, L’antifascisme, un renouveau par la jeunesse, qui fait leur éloge, notamment de la « Jeune Garde ». Le capitalisme libéral apprécie que l’antifascisme soit réduit à une défense des migrants et un rejet des bandes fascistes, à une critique de l’autoritarisme de l’État, etc. Des éditions anarchistes viennent même d’ailleurs de sortir un jeu de société « antifa » dans cet esprit.

Le souci, ce n’est pas simplement que ce soit faux, c’est que c’est suicidaire. Comme en témoignent les propos triomphalistes sur porte-parole de la Jeune Garde (à la suite du passage chez Hanouna ou de l’article du Monde).

On n’arrive à rien du tout, oui. CNews utilise les « antifas » pour montrer aux bourgeois qu’Eric Zemmour est efficace pour polariser. S’imaginer qu’un bourgeois puisse craindre quelque chose dans un contexte comme le nôtre, c’est littéralement délirer. L’offensive bourgeoise est gigantesque. C’est un rouleau compresseur qui déboule, parce que la situation est celle d’une crise.

Alors, oui les antifas forment une mouvance importance de plusieurs centaines de personnes, mais leur impact sur la société est à l’image de celui de la Gauche, pratiquement inexistant. La dernière manifestation « antifa » à Lyon a rassemblé 2 000 personnes le 23 octobre 2021 et c’est présenté comme une victoire. Lyon, c’est avec son environnement direct pratiquement deux millions de personnes. Dans les sondages, Eric Zemmour est à 17%, Marine Le Pen à 16%. Les meetings d’Eric Zemmour sont pleins et tout un pan de la bourgeoisie le soutient, avec à l’arrière-plan la haute bourgeoisie désireuse d’une sorte de Brexit à la française. La majorité des ouvriers est peu ou prou sous l’hégémonie de Marine Le Pen.

Voilà pourquoi les seules réponses antifascistes réelles peuvent et doivent être politiques. L’ultra-gauche a failli, comme le montrent d’ailleurs son soutien aux gilets jaunes et aux anti-pass sanitaire. C’est la Gauche historique qu’il faut réactiver.

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Politique

Eric Zemmour et l’antisémitisme de Jean-Luc Mélenchon

2021 devient toujours plus ignoble.

Jean-Luc Mélenchon a mené une sortie électorale antisémite tout à fait calculé, dans la perspective de la présidentielle de 2022. Il a dit deux choses très précises : tout d’abord il a dit qu’Eric Zemmour était juif, ce que tout le monde sait et ce dont tout le monde se moque parce qu’on est en France et que ce genre de choses ne compte pas. Il est le premier dans le cadre de la campagne présidentielle à affirmer cela, faisant tomber un tabou républicain.

Ensuite, il a dit qu’Eric Zemmour avait des positions politiques qui reflétaient le fait qu’il soit juif. Ce faisant, il lance une offensive antisémite, ou plus exactement anti-judaïque. Pratiquement personne ne sait en effet qu’Eric Zemmour a ou a eu du moins un positionnement personnel de juif profondément croyant et relativement orthodoxe dans sa pratique. Jean-Luc Mélenchon a dû le savoir et balance la chose.

Concrètement, il vise très clairement à une polarisation judéo-arabe pour un clivage religieux et/ou raciste, dont il profiterait électoralement. Il agit ainsi comme l’ultra-gauche française qui manie autant les drapeaux palestiniens qu’elle ne fait strictement rien, en pratique, pour les Palestiniens dont la situation est toujours plus dramatique.

Voici les propos de Jean-Luc Mélenchon, tenus sur BFMTV:

Le journaliste: Il est antisémite ou pas? C’est une vraie question que se pose la communauté juive notamment.

Jean-Luc Mélenchon: Ah bon (…). Après, qu’un juif soit antisémite est une nouvelle. Sur le moment cela m’a fait sourire, j’aime bien ce type de paradoxes. Je me suis dit comment c’est possible un truc pareil.

Mais, oui, parce qu’il me semble qu’il se trompe. Monsieur Zemmour ne doit pas être antisémite parce qu’il reproduit de nombreux scénarios culturels : “On ne change rien à la tradition, on ne bouge pas, la créolisation mon dieu quelle horreur”. 

Et tout ça, ce sont des traditions qui sont beaucoup liées au judaïsme. Ça a ses mérites, ça lui a permis de survivre dans l’histoire. Donc moi je ne crois pas qu’il soit antisémite.

Enfin je sais pas car à véritablement c’est pas mon problème. S’il est antisémite il sera condamné. Il est raciste, ça c’est sûr. Il a été condamné pour ça.

Jean-Luc Mélenchon ment. Il sait très bien que les propos d’Eric Zemmour sur Pétain ont provoqué un scandale chez les Juifs. Il ne peut pas ne pas le savoir.

Il sait sans doute aussi que la communauté juive religieuse a une démarche l’amenant à être hostile à tout ce qui pourrait la faire remarquer. C’est une tradition remontant au début du moyen-âge où il s’agissait de subsister comme minorité sans se faire remarquer et écraser par les autorités politique et religieuse.

Il sait par contre forcément que l’histoire regorge de juifs antisémites, de juifs ayant la haine de soi. C’est un phénomène très répandu historiquement. Eric Zemmour en est un exemple classique d’ailleurs. C’est typiquement le Juif ressemblant à un Arabe cherchant à fuir dans un imaginaire ce qu’il est lui-même.

Quant à l’interprétation du judaïsme que fait Jean-Luc Mélenchon, elle est digne de Dieudonné et de Soral. Car le judaïsme est une religion qui se prétend traditionnelle, mais ne l’est pas du tout. Ses traditions ont sans cesse été renouvelées par de multiples commentateurs et autorités religieuses, il existe une multitude de courants se tolérant mais d’approches fondamentalement différentes. Le judaïsme est ainsi un véritable kaléidoscope d’opinions et de conceptions différentes voire antagoniques, littéralement un chaos sans nom, même si les pratiques restent les mêmes pour tous, mais même là avec une tolérance maximale pour leur degré d’acceptation.

Autrement dit, le judaïsme c’est n’importe quoi niveau structure et considérations intellectuelles, tout comme l’Islam d’ailleurs : l’absence de centralisation induit des courants et des sous-courants sans fin, des conceptions et des points de vue différents innombrables, etc. Parler d’un judaïsme traditionnel ou d’un Islam traditionnel, c’est croire les mensonges des fondamentalistes apparues les deux derniers siècles et leurs fictions d’un « retour aux sources ».

Mais de toutes façons le but de Jean-Luc Mélenchon est de dire que l’antisémitisme, on s’en moque, que ce qui compte c’est le racisme, sous-entendu politiquement : opposons les Arabes aux Juifs en faisant en sorte de présenter les premiers comme les opprimés les seconds comme les valets ou les maîtres du pouvoir en place.

La preuve de tout cela est que Jean-Luc Mélenchon, devant le tollé, a publié sur son facebook un texte aussi intelligent et juste que ses propos sur BFMTV étaient ignobles. Une telle différence montre qu’il savait ce qu’il faisait.

Jean-Luc Mélenchon dit à l’oral qu’il ne sait pas si Eric Zemmour est antisémite et il écrit qu’en fait il serait le porte-parole de l’antisémitisme français. Il faudrait savoir ! Mais tel est le populisme de Jean-Luc Mélenchon que de chercher à construire une sorte de narration politique l’amenant à triompher à la présidentielle… à tout prix.

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Eric Zemmour, candidat des chauffards

Le chauffard sur la route est typiquement un petit salaud de droite, à la Eric Zemmour.

Être de droite est quelque chose de très concret. Cela se manifeste clairement sur certains thèmes comme celui de l’automobile, qui est un classique. Pour quelqu’un de droite, la voiture a un caractère sacré. Elle représente à elle seule toute la force d’une petite bulle autocentrée, lancée à vive allure contre la société et les normes sociales.

Autrement dit, pour quelqu’un de droite, la code de la route est vécu comme une entrave à l’étalement de sa petite individualité partout et tout le temps. D’ailleurs, un chauffard est forcément quelqu’un de droite, car son comportement conspue la société et le contrat social. De la même manière, un véritable homme politique de droite va forcément dans le sens des chauffards, car ils sont des alliés dans sa bataille anti-sociale.

C’est la raison pour laquelle le candidat non-officiel Eric Zemmour a lancé une pique contre le code de la route, en l’occurrence contre le permis à point qui serait soit-disant un « racket organisé par l’État ». Dire cela ne coûte pas grand-chose mais peut rapporter beaucoup politiquement. Cela place un homme de droite, et comme la France est pleine de ce genre de salopards détestant les normes et la collectivité, alors il y a un boulevard. Ou plutôt une autoroute.

Et en parlant d’autoroute, Eric Zemmour a aussi dit évidement en ce qui les concerne qu’il est contre les limitations de vitesse (sans s’engager pour autant à les supprimer…). Ces limitations n’auraient pas de sens, dit-il. Ses propos n’ont aucun fondement, mais il y a effectivement beaucoup de gens qui pensent comme lui, qui s’imaginent au dessus des autres et des lois de la physiques. Ces gens sont tellement intoxiqués par leur propre individualité, ils sont tellement centré unilatéralement sur eux-même, qu’ils n’envisagent pas que ce soit dangereux d’autoriser n’importe qui à rouler à 200 km/h ou plus au milieu des autres roulant entre 110 km/h et 130 km/h !

Il faut vraiment être délirant pour penser ça, comme il faut vraiment être délirant pour s’imaginer que l’État a mis en place le permis à point pour « racketter » les gens. Ce ne sont pas quelques stages de récupération de points à 300 euros, pour une minorité de chauffards, qui vont changer quoi que cela soit aux comptes publics.

Mais peu importe, Eric Zemmour est un polémiste, alors il met une pièce dans le machine à polémique. Il conspue donc le permis à point qui serait « inutile » et « infantilisant », en plus de servir à prendre l’argent d’honnêtes individus n’ayant rien fait de mal…

Pourtant, il faut y aller pour perdre ses 12 points. Déjà car les contrôles de police sont malheureusement très rares et seul un nombre infime d’infractions et de délits est effectivement constaté. Mais surtout, car 12 points c’est énorme, cela laisse beaucoup de marge aux chauffards.

Conduire 29 km/h au dessus de la vitesse autorisée ? Seulement 2 points de retirés, il en reste 10 pour continuer à rouler comme un chauffard.

Griller un feu rouge ? Seulement 4 points de retirés, il en reste 8 pour continuer à ne pas respecter les autres sur la route.

Conduire avec une alcoolémie supérieure à 0,8 g / litre de sang ou en état d’ivresse manifeste ? Seulement 6 points de retirés, il en reste 6 autres pour continuer à se comporter comme un criminel sur la route.

Rappelons d’ailleurs qu’il existe une récupération automatique de point, au bout de 6 mois, 2 ans, 3 ans ou 10 ans suivant les cas. Mais il faudrait quand-même pleurer ces pauvres chauffards, qui malgré tout cela doivent quand-même passer un simple stage à 300 euros car la police a eu l’occasion de constater plusieurs de leurs infractions et délits ?

De toutes manières, l’argument économique ne tiens pas. Perdre ses points, c’est rouler vite et nerveusement, ce qui coûte très cher. En carburant bien sûr, car une conduite nerveuse peut consommer énormément plus qu’une conduite souple et intelligente respectant les limitations. Mais il y aussi l’usure des pneus et des disques de frein, de la pression exercée sur la courroie de transmission ou l’embrayage, les amortisseurs, etc.

Mais là encore, peu importe. Ce qui compte n’est pas d’avoir des arguments rationnels. Au contraire, plus c’est absurde, plus c’est délirant, plus cela est utile à un personnage comme Eric Zemmour, qui n’est pas là pour remettre la société dans l’ordre, mais qui n’est qu’un produit de la décomposition sociale et institutionnelle.

C’est à la Gauche d’être le parti de l’ordre justement et cela signifie entre autres de réprimer les chauffards sur la route. Ceux-là même qu’Eric Zemmour veut séduire. Être pour ou contre la société, il faut choisir. C’est là le cœur du clivage historique Gauche/Droite, qu’il faut réactiver sur ses justes fondements.

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Guerre Politique

L’appel ouvertement militariste et anti-américain d’Eric Zemmour

Les dés sont jetés.

C’était une grande question encore en suspens. Eric Zemmour n’avait pas encore pris position au niveau « géopolitique », se contentant de se positionner en « conservateur révolutionnaire ». Allait-il franchir le pas et assumer la ligne anti-américaine caractéristique des velléités expansionnistes à la française? On pouvait en douter, car il provient de la Droite du 16e arrondissement parisien, qui est traditionnellement totalement pro-américaine, par fascination pour le capitalisme triomphant.

Son parcours le poussait normalement à assumer la ligne du RPR, pro-américain mais gaulliste à la base. Cependant, la crise est passée par là et Eric Zemmour assume un néo-gaullisme forcené. Ce qui prouve deux choses :

– qu’il est poussé par toute une tendance historique;

– que cette tendance se cristallise déjà politiquement pour qu’il puisse tenir des propos militaristes et expansionnistes.

En clair, il y a une véritable opération de la haute bourgeoisie et elle a réussi. Jusqu’à quel point, cela reste à voir, mais en tout cas, en se positionnant de ce fait ouvertement en militariste acharné, il remplace Marine Le Pen à la tête de l’option nationaliste.

Car ce qu’il a dit à Rouen, lors d’un meeting le 22 octobre, est édifiant. Il faut que la France dispose de deux nouvelles frégates et deux nouveaux porte-avions. Pourquoi cela? Parce que:

« Soyons honnêtes : si la France est encore écoutée en Europe et dans le monde, elle le doit à son armée et à sa force de frappe nucléaire. Il n’y a pas de politique étrangère forte sans des armées fortes.

C’est l’assurance de pouvoir frapper n’importe qui, n’importe où, n’importe quand. Peu de pays ont cette capacité. Elle est à portée de main pour la France, arrêtons de tergiverser, saisissons-la! »

Ce timing militariste est évidemment parfaitement calculé, puisque le même jour Valeurs actuelles publiait une tribune signée « Les Militaires avec Zemmour ». De la même manière, Eric Zemmour a dénoncé le tandem franco-allemand de l’Union Européenne et c’est exactement ce qu’a fait Marion Maréchal dans une interview au média américain de type conservateur révolutionnaire IM-1776, publié le 23 octobre.

C’est là une véritable offensive politique et les propos suivants tenus par Eric Zemmour le 22 octobre en définissent bien la nature:

« Rassurez-vous : La France peut rester une grande puissance, à condition qu’elle aussi s’en donne les moyens économiques, diplomatiques et stratégiques. »

« Pour commencer, il faut sortir de cette chimère de la « diplomatie européenne ». Arrêtons d’adapter notre politique étrangère aux pudeurs de Bruxelles et aux intérêts de Berlin. »

« En vérité, Emmanuel Macron veut nous confiner dans une Europe trop petite pour la France. »

« Notre allié américain met nos dirigeants sur écoute et laisse la Turquie nous menacer. Ce même allié américain nous empêche d’établir une relation saine avec la Russie et nous fait perdre des milliards d’euros du contrat des sous-marins australiens. »

« Une grande partie du destin du monde se jouera dans la zone Asie-Pacifique, où la France joue déjà un rôle stratégique grâce à notre espace maritime, grâce à la Polynésie, mais aussi grâce à la Nouvelle-Calédonie, qui doit absolument rester française ! »

Abandon du tandem franco-allemand, la superpuissance américaine considérée comme hégémonique au point d’être néfaste, reprise du lien stratégique objectif « traditionnel » de la France avec la Russie, affirmation de l’expansionnisme impérialiste français au moyen du militarisme. C’est on ne peut plus clair.

Cela a été la ligne de Marine Le Pen, mais sans la cristallisation de la crise et pour cette raison avec une dynamique toujours plus sociale-populiste. C’est du passé et on a désormais une ligne fasciste se développant, portée par la haute bourgeoisie appelant à une grande « reprise en main ».

Quel dommage que cette mise en place se soit déroulée si facilement pour elle. Elle a réussi un grand coup, il faut en avoir conscience. Et cela passe aussi par une compréhension réelle du fascisme et par conséquent un rejet catégorique des courants liés au trotskisme pour qui le fascisme serait un « césarisme » avec un dictateur apparaissant pour « dépasser » les contradictions d’une société bloquée.

Le fascisme, c’est la militarisation et la guerre. Ce n’est pas une militarisation facultative, une guerre hypothétique. C’est une marche inexorable. Seul le socialisme peut s’y opposer, s’y confronter, briser ce processus en le renversant.

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Société

Le tournant national-populaire d’Eric Zemmour

L’orientation nationale-populaire s’affirme.

Dans une énième interview qu’il donne en ce moment, en l’occurrence à Thinkerview le 20 octobre 2020, Eric Zemmour a tenu des propos très importants pour comprendre son orientation. Il a dit en effet:

Ce n’est pas la colonisation qui a permis le développement économique de la France : ce sont les ouvriers français !

Cela est tout à fait juste, même si évidemment c’est unilatéral car le capitalisme français a, dans son exploitation des ouvriers, bien entendu profité d’un colonialisme lui procurant des matières premières à bas prix et des débouchés.

Ce qui compte ici c’est toutefois la thématique ouvrière et ces propos font écho à ceux tenus lors d’une conférence interview à Versailles devant le courant catholique conservateur. Eric Zemmour y a expliqué que la « Manif pour tous » a échoué pour avoir été trop « bourgeoise ». Voici ce qu’il a dit:

La Manif pour tous, en majorité bourgeoise, a échoué parce que les classes populaires y sont restées étrangères. 

Il faut trouver les axes qui rassemblent ces deux sociologies. Le sujet qui rassemble, c’est la question au sens large identitaire et de l’immigration. Les autres combats ne sont pas moins importants mais vont nous faire perdre. Il faut avancer avec le thème qui rassemble. Ensuite nous verrons bien.»

D’un côté, Eric Zemmour va à Milipol Paris, un grand salon du militarisme, de l’autre, il commence à parler des ouvriers, de la défense de leur niveau de vie. C’est là un grand écart typique du fascisme. Le fascisme c’est en effet une mobilisation de masse combinée à une révolution technocratique de l’appareil d’Etat.

Eric Zemmour travaille ainsi à ce que que l’occidentalisme qu’il professe se transforme en vague nationale-socialiste alliée à une révolution conservatrice, tout comme dans les années 1930 en Allemagne ou les années 1920 en Italie. Il veut des intellectuels technocratiques servant la haute bourgeoisie et un mouvement beauf élémentaire ayant une dimension de masse.

Il a un double discours, un pour chaque « sociologie », avec comme fil conducteur et moyen d’unifier ses propos un occidentalisme qui n’est en fait que le masque d’une France impérialiste agressive rejoignant de manière acharnée la grande bataille pour le repartage du monde.

Il veut concrètement ajouter à Marine Le Pen ce qui lui manquait, une « respectabilité » grande-bourgeoise, et tant qu’à faire remplacer Marine Le Pen elle-même en prenant la tête d’un mouvement « occidentaliste » populaire. C’est là une tâche malaisée, mais au moins Eric Zemmour parviendra-t-il à puissamment contribuer au bloc « conservateur révolutionnaire » et rien que cela, c’est un danger terrible.

Dans tous les cas, on est en train de connaître une période où la Droite avance tel un bulldozer.

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Société

Zemmour ou le prix à payer de la fainéantise intellectuelle française

Le type est nul intellectuellement, mais la France aussi.

La France a une longue tradition intellectuelle. Elle commence avec l’humanisme et se prolonge jusqu’aux années 1960-1980. Cela veut dire qu’il y a des gens qui lisent, qui comprennent ce qu’ils lisent, qui assimilent ce qu’ils lisent. Le niveau intellectuel des radicaux de gauche est très élevé à la fin du 19e siècle ; Jean Jaurès est un socialiste érudit maniant le verbe avec précision, tout comme la vague intellectuelle catholique spiritualiste des années 1920-1930 était de haute volée.

Autrement dit, pour être crédible il faut avoir un certain niveau et si l’on excepte le PCF des années 1950, jamais une Gauche contestataire (ou révolutionnaire ou ce qu’on voudra) n’a ne serait-ce qu’ébranlé l’immense dispositif intellectuel traditionnel français. D’où le fait de se rattacher d’une manière ou d’une autre à l’existentialiste Jean-Paul Sartre durant les années 1960-1970 (surtout pour les maoïstes) ou de confier les clefs de la Gauche à François Mitterrand, qui vient d’une tradition de centre-droit voire de droite.

C’est d’ailleurs pour cela que les Français, malgré leurs sympathies souvent pour la Gauche (et la gauche de la Gauche), restent « raisonnables ». Apprécier Olivier Besancenot, Arlette Laguiller ou Philippe Poutou, peut-être. En faire des ministres, ce n’est pas sérieux.

On dira que c’est pareil pour Eric Zemmour. C’est vrai, mais Eric Zemmour est dans la même lignée que les populistes, Donald Trump Hier, Mussolini hier. On leur demande de capitaliser sur l’irrationnel afin d’orienter la société en un certain sens. Les vrais clefs de la maison, ce ne sont pas eux qui les ont, mais tout un appareil bureaucratique militarisé en étroite liaison avec des factions organisées dans la haute bourgeoisie.

Ce qui fait que si les Français se sont moqués souvent des Américains assez idiots pour suivre Donald Trump, on est dans le même cas de figure. Car si Eric Zemmour peut raconter n’importe quoi n’importe comment, c’est parce qu’en France plus personne n’a de cohérence intellectuelle, de références sérieuses, de raisonnements approfondis. Il suffit de voir comment des gens de gauche se précipitent dans la valorisation de l’idéologie LGBT en provenance directe du capitalisme américain et diffusée sans relâche par ses grands groupes.

Ce dernier exemple est parlant parce qu’il permet justement à Eric Zemmour de disqualifier la Gauche et d’embarquer les gens dans ses aventures intellectuelles farfelues idéalisant la France du passé. C’est du bricolage, cela se voit, mais au lieu qu’on dise : le type est farfelu, on lui accorde de l’attention. Pendant ce temps-là, qui raisonne vraiment est mis de côté car pas assez spectaculaire, pas assez vendeur, pas assez outil pour le narcissisme et les rodomontades.

Eric Zemmour attire ainsi la curiosité et, malgré qu’il soit une coquille vide, il fascine et il est apprécié. C’est ridicule et peut-être demain la France s’en lassera. Il le sait, d’où qu’il ne se soit pas encore présenté. Il sait qu’il représente une imposture. Mais il sait aussi que la France aime les impostures si elles renvoient une image idéalisée d’elle-même, surtout quand elles sont bien empaquetées par des forces capitalistes y voyant un intérêt pratique (qu’on pense à Napoléon Ier, Napoléon III, Pétain en 1940, de Gaulle en 1958).

Dans tous les cas, si la France n’avait pas laissé s’effondrer son niveau intellectuel, Eric Zemmour ne tiendrait pas une seconde. Rien qu’un débat avec Georges Pompidou ou François Mitterrand et il aurait été balayé. Seulement le capitalisme est décadent et le meilleur de ce que produit la bourgeoisie version Le Figaro, c’est lui. C’est lamentable.

Quel dommage de ne pas avoir une Gauche au niveau en face face à une telle médiocrité, une Gauche historique, porteuse d’intelligence et de culture, de morale et de principes!

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Société

Zemmour ou l’avancée vers le fascisme

Le fascisme c’est la négation de la société civile.

Les Français n’ont pas connu le fascisme et par conséquent ils ne comprennent pas ce qui est l’essence du fascisme. Pour eux, le fascisme, ce sont des gens défilant au pas de l’oie en uniforme. Le régime fasciste serait un État policier, avec un policier à chaque coin de rue. La propagande tournerait de manière ininterrompue pour matraquer intellectuellement les gens.

C’est là une grossière erreur. Le fascisme, ce n’est pas l’affirmation de la politique, serait-ce une politique précise, d’un parti d’extrême-Droite. Le fascisme, c’est la négation de la politique. Ce n’est pas un mouvement extérieur à la société qui vient s’imposer à celle-ci par la force, mais la société qui se replie sur elle-même dans un mouvement intérieur.

Le fascisme n’est pas non plus un État policier, c’est une militarisation de la société, avec les gens participant eux-mêmes de manière volontaire au régime. Il suffit de regarder deux faits le montrant aisément. En 1945, les Allemands considèrent que la victoire sur le nazisme est leur défaite, car le régime était leur régime. De la même manière, il suffit de voir le nombre d’opposants au régime fasciste italien: il est historiquement extrêmement faible.

Dans les deux cas, la raison de cela est que le fascisme est le triomphe de la médiocrité dans la société, où dans un grand élan de négation de la politique, les gens délèguent les décisions à un appareil bureaucratique et eux-mêmes soutiennent cet appareil en militarisant la négation de la politique.

Cela n’a strictement rien à voir, par exemple, avec l’URSS de Staline ou la Chine de la révolution culturelle, qui sont au contraire des régimes alors ultra-politisés, exigeant la politisation au maximum de la part de la société.

Et c’est très exactement par contre ce que fait Eric Zemmour. Le discours d’Eric Zemmour se fonde sur des thèmes qui sont des prétextes. Ces prétextes servent le discours du repli, du refus de la politisation, de l’étouffement de la société civile. Le but c’est de permettre à un appareil bureaucratique-militaire de prendre les choses en main et d’organiser le repli nationaliste du pays sur lui-même.

C’est la France contre le monde.

On ne comprend souvent pas d’ailleurs le rôle de Donald Trump. Il n’a pas échoué dans sa mission, comme le montre le prolongement de sa ligne anti-chinoise chez son successeur Joe Biden. Il a joué un rôle historique à un moment donné, il a servi à orienter la société américaine, à la chiffonner, la faire avancer dans un certain sens.

C’est le rôle d’Eric Zemmour. Aussi faut-il le bloquer. Tout comme il faut bloquer Marine Le Pen. Et cela passe par le rejet complet de l’ultra-gauche, qui joue le rôle de cinquième colonne d’Eric Zemmour et de Marine Le Pen en disant qu’Emmanuel Macron est déjà d’extrême-Droite, qu’il ne faut pas faire barrage à l’extrême-Droite à la présidentielle et autres discours « ultras » en apparence mais de trahison dans les faits.

C’est un grand tournant historique qui se joue là et qui va être décisif pour la suite.

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Politique

Olivier Faure au Conseil national du Parti socialiste: Éric Zemmour est un fasciste

L’explication est limpide.

La définition du fascisme donné par Olivier Faure est, grosso modo, celle d’Albert Camus bien plus que celle de la Gauche historique, mais elle converge tout de même avec elle. C’est une prise de position résolue et absolument nette, faisant la preuve que même réformiste et composé d’élus, le Parti socialiste porte en lui des choses positives, à l’opposé des populistes post-gauche de La France Insoumise et autres ultras.

Olivier Faure contribue ici positivement à poser le curseur, il indique une tendance politique par un apport en termes de position. Il souligne bien que l’actualité, ce sont les crises.

C’est de la politique et cela montre le sens politique du Parti socialiste (le discours parle même de lutter contre ceux « qui placent l’Etat au service du capital », s’appuie de manière fondamentale aux Francs-Tireurs Partisans Main d’Oeuvre Immigrée pourtant communiste, fait référence au roman Aden Arabie de Paul Nizan alors communiste où est dit le fameux « J’avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie »…).

Le Parti socialiste voit bien qu’il y a une barre à Gauche qui est nécessaire, qui est possible, qui a besoin d’être posé rationnellement pour se mettre en place. C’est bien qu’il porte quelque chose!

Voici la vidéo, puis le texte du discours, fait en clôture du Conseil national du Parti socialiste, avec en gras la partie particulièrement marquante.

« Chers camarades,

Nous venons aujourd’hui de clore notre congrès. Je vous remercie toutes et tous de votre implication pour mener à bien ce long processus qui s’achève avec la désignation de l’équipe de direction.

Sa vocation, son ambition, sont d’accompagner les prochains mois, les campagnes présidentielle et législatives et, au- delà, de continuer la renaissance de notre formation politique.

Dans quelques jours, nous désignerons celle ou celui qui nous représentera lors de la prochaine élection présidentielle.

Comme Pierre vient de le rappeler, nous avons, conformément au vote unanime du congrès, veillé à ce que chacun puisse communiquer la semaine prochaine en direction de l’ensemble des militants, par écrit sous la forme d’une profession de foi détaillée, et sous la forme d’un long échange vidéo.

Et à partir du 15 octobre au matin, dès que les résultats seront connus, nous entrons en campagne !

Dans la nuit, nous ferons partir à l’impression un premier tract de campagne et les premières affiches avec l’identité de celle ou celui que nous aurons élu·e.

Les camarades du Secrétariat national se mettront immédiatement en mouvement. En lien avec l’équipe de campagne du candidat, nous mettrons en place une équipe opérationnelle qui fera le lien avec l’ensemble des fédérations.

Dès réception des premiers outils de campagne, physiques et numériques, nous organiserons une première semaine de mobilisation. Sur les marchés, dans les gares, sous les préaux, nous montrerons que nous entrons dans le débat avec la ferme volonté de défendre des positions claires dans un moment de confusion.

Le 23 octobre, nous organiserons la convention d’investiture à Lille où nous serons accueillis par Martine Aubry et la fédération du Nord.

La période exige beaucoup de nous. Sans doute plus encore qu’au cours du demi-siècle passé.

Nous enchaînons les crises. Les Français en font l’expérience douloureuse sur le plan social, économique, démocratique, écologique, sanitaire.

Dans cette France qui se cherche un destin, la question identitaire est venue remplir un vide de sens et s’est imposée dans les médias.

Le polémiste Éric Zemmour est sur toutes les antennes. Et c’est par lui que je voudrais entamer mon propos. Non pas pour contribuer, à mon tour, à en faire le centre de toutes les attentions, mais pour dénoncer avec force la place qui lui est faite. Dans la compétition que se livrent les médias, la course à l’audience a remplacé le devoir d’informer, le buzz s’est substitué aux idées. Les jeux du cirque ont leur règle : sans outrance, pas d’existence.

Alors désormais, on fait salon avec monsieur Zemmour, on discute volontiers de ses saillies racistes comme s’il s’agissait d’opinions défendables puisqu’elles sont enveloppées dans la soie de l’érudition.

Alors je le dis, puisque personne ne le dit. Éric Zemmour est un fasciste.

Je sais qu’en prononçant ces mots, certains me répondront qu’il ne faut pas exagérer. Après tout, Zemmour n’a quand même pas proposé d’ouvrir des camps de concentration.

Ces réflexions font écho à ces phrases d’Umberto Eco prononcées à l’occasion du cinquantième anniversaire de la libération de l’Europe : « le fascisme est toujours autour de nous, parfois en civil. Ce serait tellement plus confortable si quelqu’un s’avançait sur la scène du monde pour dire : je veux rouvrir Auschwitz.

Hélas la vie n’est pas aussi simple. Le fascisme est susceptible de revenir sous les apparences les plus innocentes. Notre devoir est de le démasquer, de montrer du doigt chacune de ses nouvelles formes, chaque jour dans chaque partie du monde ».

S’il n’y eut qu’un seul nazisme, il est possible de jouer au fascisme de mille façons. Et c’est à ce travail de reconnaissance que nous invitait ce grand humaniste il y a déjà trente ans. Il fixait ainsi les caractéristiques du fascisme primitif :

– Le culte de la tradition : la vérité a été annoncée une fois pour toutes. On ne peut que continuer à interpréter son obscur message,

– Le refus du modernisme, c’est-à-dire le rejet de l’esprit de 1789, du siècle des Lumières, conçu comme le début de la dépravation,

– La suspicion envers le monde intellectuel,

– Le désaccord présenté comme une trahison,

– L’exacerbation de la peur de la différence,

– L’instrumentalisation des frustrations individuelles et l’appel aux classes moyennes épouvantées par la pression de groupes sociaux inférieurs,

– La nationalité comme privilège de gens à qui on signifie qu’ils sont assiégés,

– La dénonciation d’un complot qui vient de l’intérieur,

– La vie présentée comme une guerre permanente,

– Le culte de l’héroïsme étroitement lié à celui de la mort,

– Puisque la guerre permanente et l’héroïsme sont des jeux difficiles à jouer, le transfert de la volonté depuissance sur les questions sexuelles. Avec à la clé le mépris des femmes et la condamnation des mœurs non conformistes,

– Un leader, interprète du peuple et de la volonté commune, en lieu et place d’un parlement présenté comme corrompu.

Voilà la définition du fascisme.

Que nous manque-t-il pour comprendre ce qui s’installe sous nos yeux, au grand jour ?

Ses nouveaux admirateurs me rétorqueront que ces caractéristiques s’appliquent aussi bien à l’islamisme radical. Oui, l’islamisme radical est un fascisme. Mais on ne combat pas une forme de fascisme par une autre forme de fascisme !

On l’affronte avec les valeurs de ceux qui sont morts pour la France. Morts pour que l’on puisse continuer à vivre ensemble quelles que soient nos convictions religieuses ou civiques, nos origines, ou nos prénoms.

Il n’y a pas plus français que ces prénoms : Missak, Spartaco, Szlama, Celestino… Ils le sont par le sang versé. Ils étaient la France quand le maréchal Pétain collaborait dans la honte, livrait des juifs, hommes, femmes et enfants, français ou étrangers.

Alors je sais que d’autres vont lever les yeux au ciel et, bardés de leur impuissance, me diront : à quoi bon employer les grands mots, ressortir l’affiche rouge et les visages hirsutes du groupe Manouchian ? De toute façon, la dénonciation, ça ne marche plus.

Mais je ne suis pas venu vous parler de dénoncer, mais de combattre !
Et le combat, ça commence par mettre des mots sur des idées, sur des faits, « pour ne pas ajouter aux malheurs du monde » pour reprendre Camus.

Le combat, ça commence par le refus de la banalisation. Le refus de céder à ce que l’on croit être l’esprit du temps. Le refus de débattre poliment des propos d’un raciste récidiviste. Le refus de suivre une pente que l’on croit facile.

Oui, je sonne l’alerte.

Je sonne l’alerte parce que je ne veux pas que les plus jeunes puissent mettre un signe d’équivalence entre ce que nous disons et ce que disent les fascistes. Je ne veux pas que le travail de mémoire, l’éducation des générations après- guerre, tout ce travail pour que le pire ne soit plus notre avenir, soit réduit à néant.

Je sonne l’alerte parce que je vois la droite – canal historique – emboiter le pas de l’extrême droite.

Parce qu’elle est incapable de se distinguer d’Emmanuel Macron qui applique son programme économique et social, elle se lance dans une surenchère folle. Au lieu de bâtir des digues, elle n’ose déjà plus dire comme monsieur Jacob, qu’Éric Zemmour est raciste.

Madame Pécresse veut réviser la Constitution, monsieur Bertrand a pour priorité d’abaisser la majorité pénale, et même le placide monsieur Barnier en vient à contester les institutions européennes et à réclamer un « électrochoc de sécurité ».

Avant, on avait les « chocs », choc de simplification, choc de compétitivité, choc de confiance, etc. Visiblement, c’était trop peu.

Pas plus tard qu’hier, c’est le vice-président des mal nommés Républicains qui évoquait une « épuration ethnique » en cours dans les banlieues !

Voilà, je m’agace et m’indigne de voir cette droite qui se dit républicaine s’oublier par peur d’être siphonnée. Oui, la République est en danger quand ses défenses immunitaires faiblissent par lâcheté ou par calcul.

C’est à ce moment de la discussion que d’autres encore me diront, « tu as raison. L’heure est grave et le péril est grand. Il faut donc se protéger derrière un rempart. Et le seul rempart connu, c’est Emmanuel Macron ».

Mais non !

mmanuel Macron n’est pas un rempart, il est le pont-levis qui s’abaisse, année après année.

Oh ! je ne dis pas qu’il a décidé de faire entrer le loup dans la bergerie. Mais il a décidé depuis l’origine d’utiliser la peur du loup pour mieux maîtriser le troupeau. Au lieu de discuter des propositions alternatives que nous présentions, il a sans cesse cherché à valoriser l’affrontement avec les forces les plus extrêmes pour jouer le rôle du rempart.

Quel rempart contre l’obscurantisme, le nationalisme et le populisme est-il, lui qui a valorisé Bigard, Raoult, Villiers, Zemmour… ?

Tous ont eu droit aux attentions complices du chef de l’État. Mais ce n’est pas avec Bigard que l’on comprend le peuple, avec Raoult que l’on vainc la pandémie, avec Villiers que l’on évoque le destin de la France, et à Éric Zemmour que l’on demande une note sur l’immigration !

Il n’a cessé de donner des gages à la droite de la droite, en restreignant le droit d’asile, en refusant l’Aquarius, en produisant une loi sensée nous protéger du séparatisme, en passant de « la colonisation est un crime contre l’humanité » à un discours sur la « rente victimaire » des ex-colonisés.

La campagne ne fait que commencer et je suis déjà excédé.

Je n’en peux plus de ces débats rances. L’époque mérite tellement mieux que ça. Elle est formidablement enthousiasmante ! En tous cas, elle pourrait, elle devrait l’être.

Nous faisons face à des défis majeurs qui nous imposent de penser le monde qui vient.

Partout en France naissent des initiatives citoyennes, associatives. La solidarité se réinvente dans des tiers lieux. L’économie sociale et solidaire n’est plus regardée avec condescendance. Les nouvelles technologies réinventent nos manières de travailler. Le monde de l’entreprise lui-même s’interroge sur son modèle économique et, même si c’est trop lent, s’interroge sur son empreinte carbone.

L’agro-écologie, c’est-à-dire la conception de nos systèmes de production en s’appuyant sur les fonctionnalités de l’écosystème, gagne du terrain. Le monde de la culture ne s’est jamais autant démocratisé. Le rapport à la nature et au vivant fait évoluer notre conception de l’universel. Les tabous sur les violences sautent. Les victimes sortent du silence. Les femmes revendiquent leur place.

Et le débat politique devrait tourner autour d’un supposé « grand remplacement » des chrétiens par des musulmans fanatiques ? Sur la responsabilité de Vichy, débat déjà tranché par les historiens.

J’ai écouté hier la voix grave de Robert Badinter, s’interrogeant au soir de sa vie. Après avoir évoqué l’arrestation de sa grand-mère en novembre 1942 par la Milice française, il prononce ces mots « Ça me paraissait un orage emporté par les vents de l’Histoire, je n’en suis plus si sûr, aux jeunes générations d’y veiller ».

Nous ne laisserons pas Robert Badinter partir en ayant le sentiment que tout recommence. C’est à nous de veiller, de transmettre, et pour cela d’engager la France sur un projet qui fédère. La société française bouge. Elle veut du mouvement. Elle aspire à la justice.
Elle demande des comptes aux puissants.

Elle demande des comptes, y compris cette semaine à l’Église catholique. Quelques cas de viols sur mineurs, c’est une honte. Des centaines de milliers de cas, couverts par une hiérarchie soucieuse de sa réputation, cela relève du crime organisé. Aucune autorité n’est incontestable. Le silence n’est plus une option.

Oui, la société bouge.

Elle réclame l’égalité, à commencer par l’égalité entre les femmes et les hommes.

À cette génération #MeToo, je dis que nous voulons en finir avec l’omerta qui a trop longtemps couvert les violences faites aux femmes. Nous ferons tomber les tabous qui pèsent sur la prise en charge de leur santé, sur leur parentalité, sur leur sexualité. Parce que oui, le privé est politique.

Nous voulons augmenter le pouvoir d’achat des Français parce qu’il est temps de leur rendre la part qui leur revient. Mais je le dis aussi, nous commencerons par les Françaises, et dans le prochain quinquennat, l’objectif doit être l’égalité salariale entre les femmes et les hommes.

Ce sont ces femmes dont on a loué les vertus de premières de corvée qui en seront les premières bénéficiaires : caissières, femmes de ménage, aides soignantes, infirmières, aides à domicile. Sans oublier ces sages-femmes qui, hier encore, n’ont eu d’autre choix que de manifester pour être payées dignement pour l’exercice de l’un des plus beaux métiers du monde…

Ouvrons les yeux ! Une société qui dévalorise les métiers de l’attention aux autres et qui, « en même temps », tolère l’évasion fiscale, diminue l’imposition des plus riches quand tous les autres s’appauvrissent, est une société en sursis.

Cette semaine, la presse d’investigation a révélé le nouveau scandale des Pandora Papers. Après les « offshore Leaks, Luxleaks, Panama Papers, Paradise Papers »…

Et qu’apprend-t-on le lendemain ? Bruno Le Maire et les ministres des finances de l’Union européenne trouvent le moyen de réduire la liste noire des paradis fiscaux !

C’est la nausée. C’est ce que j’ai dit dans l’hémicycle et que je redis devant vous.

Chaque année, la France et l’Union européenne voient ainsi s’évader 20 % de leurs recettes au titre de l’impôt sur les sociétés. Ce que ne paient pas ces individus ou ces entreprises, ce sont tous les autres qui le paient ! Il est là le vrai ras- le-bol fiscal des Français !

La frontière entre fraude et optimisation fiscale agressive est bien mince. Toutes ces opérations ne sont pas illégales, mais elles sont immorales parce qu’elles laissent à tous les autres le soin de payer la contribution aux biens communs : hôpitaux, écoles, police, services publics…

Quand à la fraude s’ajoutent les cadeaux fiscaux sur l’ISF, la flat tax ou l’exit tax, pour ne citer que les plus célèbres, il y a de quoi bouillir.

Sur ce quinquennat, 220 milliards de cadeaux aux plus riches et d’aides aux plus grandes entreprises sans contreparties.

Les solutions existent. Nous les avons défendues. Elles ont été jusqu’ici systématiquement repoussées par le gouvernement. Nous les défendrons à nouveau dans cette élection présidentielle parce qu’il n’est pas de cohésion sociale sans justice fiscale.

Nous voulons la transition écologique. Cette transition n’est plus seulement un objectif, elle est devenue un impératif. Elle va supposer de changer nos façons de consommer, de nous déplacer, de nous loger.

Mais la transition écologique suppose aussi la justice sociale ! Sans la justice sociale, la transition n’aura pas lieu. Elle sera contestée sur les ronds-points et dans les rues.

Le prix de l’énergie augmente de façon vertigineuse. Cet hiver, il y a des familles qui vont devoir arbitrer entre se chauffer et manger. D’autres devront emprunter, non plus pour investir, mais simplement faire face à ces dépenses de la vie courante.

Le gouvernement a inventé le blocage des prix après la hausse, le parapluie après la pluie. Il concède un chèque de 100 euros quand l’augmentation représente, pour un couple avec deux enfants, 800 euros par an. Et ce chèque n’est accordé qu’aux foyers cumulant un revenu de moins de 1 800 euros par mois…

Trop peu et trop tard ! Par comparaison, le gouvernement espagnol de Pedro Sanchez a baissé de 50 % la TVA sur le gaz et l’électricité !

Les plus précaires dont le gouvernement se soucie si peu, ce sont encore ceux qui vont payer sa réforme de l’assurance chômage. Et parmi eux, d’abord les plus jeunes qui se verront priver de l’accès à l’indemnisation. Qu’il ne vienne pas ensuite nous dire que « 20 ans reste le plus bel âge de la vie ».

L’entrée dans l’âge adulte ne peut pas ressembler à un parcours du combattant, un bizutage cruel qui oblige à passer par les files des soupes populaires. C’est pourquoi nous portons l’idée d’un « minimum jeunesse ».

Ce débat sur l’assurance chômage n’est que la préfiguration d’un autre : qui va payer la facture du « quoi qu’il en coûte » ? Aujourd’hui, ce sont les chômeurs qui paient l’acompte. Demain, les retraités. Et ensuite tous les autres, les classes moyennes, les classes populaires qui règlent pour tous ceux que le gouvernement épargne.Ils sont là les débats de la présidentielle.

La justice, c’est la seule boussole possible. C’est la nôtre. Je pourrais multiplier les exemples hors de l’actualité immédiate, mais ce n’est pas le jour.

Vous l’avez compris, chers camarades, j’ai simplement hâte d’entrer en campagne. Hâte de rendre les coups. Hâte de démonter avec vous tous les discours déclinistes, défaitistes, fatalistes. Hâte de combattre les discours populistes, complotistes, nationalistes. Hâte de faire face aux néolibéraux, globalisés, qui placent l’État au service du capital, détruisent nos biens communs, refusent le partage équitable de la valeur ajoutée et ne respectent ni les hommes ni la nature.

Oui, j’ai hâte de parler aux côtés de notre candidate, ou candidat, de cette République sociale, écologique, féministe, démocratique à laquelle j’aspire. Hâte de dire avec vous toutes et tous, ce que les socialistes portent.

Tenez-vous prêts.
Le 14, tout commence.
Vive les socialistes, vive la gauche, vive la République et vive la France !

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Politique

Convention de la Droite : identitaires et Gauche post-moderne contre l’universalisme

Eric Zemmour, le polémiste aussi précis à l’oral qu’extrêmement mauvais à l’écrit, a assumé la position identitaire lors de la convention de la Droite hier. L’ennemi, c’est l’universalisme : « l’universalisme marchand » et « l’universalisme islamique ».

Maintenant, si on est à Gauche et qu’on a de la culture, alors on comprend une chose très simple : « l’universalisme marchand » + « l’universalisme islamique » = le Socialisme. Car le Socialisme, c’est d’un côté une économie si riche qu’elle a universalisé les rapports entre les gens et de l’autre un régime politique hyper normé et réglé.

L’Islam n’est ainsi qu’une caricature communautaire et spiritualiste du Socialisme. Son succès n’est qu’une déviation temporaire, un accident historique de l’affirmation du seul universalisme possible : le Socialisme à l’échelle planétaire.

C’est de cela dont a peur Eric Zemmour, qui prône par conséquent les identités contre l’universalisme. La Gauche post-moderne fait de même, en prônant non pas les identités, mais les individus. Les deux discours se nourrissent l’un de l’autre, en cherchant à mettre le Socialisme sur la touche. Et ils y sont parvenus. Mais plus pour longtemps.

En effet, le capitalisme se mange lui-même et les tendances militaristes se renforcent comme jamais. Les gens vont être de plus en plus mécontents de toutes façons d’une société toujours plus dérégulée et aux salaires toujours plus bas pour la grande majorité. Il va donc y avoir un basculement.

Un tel basculement ne se fera jamais dans le camp du libéralisme, tant économique que culturel. Les gens ne comptent nullement « déconstruire » la civilisation, seule une infime minorité, avant-garde de l’ultra-capitalisme, est favorable à cela. Il se fera donc vers la Droite, d’où d’ailleurs la Convention de la Droite, qui vise à préparer les modalités de ce basculement.

> Lire également : «Convention de la Droite» le 28 septembre : l’affirmation d’un néogaullisme conquérant avec Marion Maréchal comme figure de proue

La Gauche, pour faire face à ce défi, doit écraser les variantes post-modernes, post-industrielles, post-nationales, pour qui le capitalisme n’existe pas et pour qui la conquête des « droits individuels » est l’alpha et l’oméga de l’intervention sociale. Tant qu’il y aura les bobos et des gens niant l’existence des hommes et des femmes pour pourrir la Gauche aux yeux du peuple, tout sera plombé.

Ce vaste ménage à faire n’est pas gagné du tout : le libéralisme culturel, depuis la promotion de l’art contemporain totalement méprisé par le peuple jusqu’à la PMA pour toutes, voire la GPA, a corrompu à un tel point qu’il est pratiquement entièrement hégémonique. Il faudrait les ouvriers pour balayer cela. Seulement voilà, les ouvriers, quand ils s’expriment, sont souvent happés par la démagogie nationaliste.

Tout cela demande donc du temps, sauf que le temps on ne l’a pas. Dans tous les pays, le curseur est à la bataille pour le repartage du monde et sur le ring on a déjà les Trump, Xi Ping, Bolsonaro, Duterte, Poutine, etc. Tout va donc se jouer dans les prochaines années, en comptant qui plus est qu’une fois les délires post-industriels écrasés, il faudra faire face à un ennemi historique d’une autre envergure : le nationalisme, le militarisme, le Fascisme, dont la convention de la Droite hier était une étape importante de la structuration en France.

C’est un sacré défi propre à paralyser les esprits lâches, les âmes endormies par leur confort matériel. Mais il a de quoi galvaniser ceux qui savent que l’Histoire a un sens.

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Société

« Vénissieux fut le Diên Biên Phu de la ceinture rouge »

Reprenant la thèse d’Alain Soral du « grand remplacement » de la banlieue rouge sous l’effet de l’immigration, Eric Zemmour considère que le PCF est mort sous l’effet de l’effondrement de sa contre-culture. Une thèse à la fois totalement farfelue, avec une vérité fondamentale sur le rôle de la culture, que son anticommunisme lui fait remarquer.

Eric Zemmour publiait en 2014 Le suicide français. Étant une figure de la Droite, la question communiste est pour lui fondamentale. Voici ce qu’il pense observer sur la fin de la banlieue rouge encerclant Paris :

« Dans les banlieues françaises de ces années 1970, le pouvoir appartient encore au Parti. Crèches, écoles, dispensaires, stades, gymnases, bibliothèques, colonies de vacances, maisons de retraite, conservatoires de musique, naissances, mariages et funérailles : le parti communiste prend en main l’existence de chacun de 7 à 77 ans.

C’est une contre-société prolétarienne, collective et solidaire, qui n’a pas eu trop de mal à se lover dans une France forgée depuis mille ans par le catholicisme ; le marxisme a remplacé les Évangiles (…).

En 1945, à la Libération, le général De Gaulle avait d’abord pour objectif d’éviter la guerre civile ; les FTP communistes étaient armés et menaçaient de poursuivre le combat. De Gaulle négocia avec Staline leur reddition.

En échange de la paix civile, il livra aux communistes français des citadelles – comme Henri IV avait offert avec l’édit de Nantes des places fortes aux protestants. Parmi celles-ci, outre EDF et Renault, il y eut le ministère de l’Équipement. Ce fut une alliance rénovée du sabre et du goupillon entre les gaullistes qui voulaient restaurer l’État et le PCF qui rêvait d’être la nouvelle Église (…).

La jeunesse issue du regroupement familial refusa elle aussi [c’est-à-dire comme celle de mai 1968] de ployer le genou devant le Parti. Certains de ces adolescents, peu de temps après leur arrivée, goûtèrent vite aux premiers trafics, premiers vols, premières violences ; ils commençaient à vitupérer, insulter, frapper, faire des rodéos de mobylettes en pleine nuit, voler des voitures, de préférence des limousines allemandes, briser des vitrines, jeter des bouteilles par terre, pour rien, pour s’amuser, pour terroriser ; casser, voler, violer, pour mieux marquer leur territoire ; et menacer de représailles tout ce qui ose se révolter.

Ils débarquaient en bandes de garçons bruyants devant les boîtes de nuit ; harcelaient les filles dès qu’ils étaient entrés ; s’offusquaient d’être « discriminés » quand ils étaient refoulés. On n’avait pas encore inventé le mot « incivilités » pour euphémiser cette violence intolérable, et diaboliser par réaction la moindre résistance.

Certains s’armaient et tiraient ; ils étaient bientôt arrêtés, condamnés, et cloués au double pilori judiciaire et médiatique du « facho raciste ». Dupont Lajoie. Les autres, les plus nombreux, préféraient partir dès qu’ils le pouvaient. Ce fut un exode qui ne dit pas son nom (…).

Le ghetto idéologique et social que le Parti avait édifié devint peu à peu un ghetto ethnico-religieux qui leur échappait. Les communistes furent les premiers et les derniers à résister. Ils lancèrent une campagne contre la drogue qui éloignait les jeunes du militantisme politique. En vain. Le trafic de stupéfiants permit à ces bandes de jeunes de s’enrichir et de devenir les patrons de leur quartier, aidant les uns, terrorisant les autres.

Au contraire de ce que l’on crut et dit, les émeutes des Minguettes à Vénissieux ne furent pas un commencement, mais une fin. La fin du combat mené par les communistes pour tenir leur territoire. Vénissieux fut le Diên Biên Phu de la ceinture rouge. »

Il y a plusieurs idées, très intéressantes, qu’elles soient vraies ou fausses. La première, c’est que le PCF avait formé une contre-société autour de Paris. Cela est vrai et pas qu’à Paris. Être un militant de Gauche, jusque la fin des années 1980, c’est agir forcément à l’ombre du PCF, même pour les socialistes, car sur le terrain, il était omniprésent et puissant, disposant de relais solides avec des choses concrètes à proposer.

La seconde idée, c’est que l’immigration a fait de la banlieue rouge une zone de non-droit, avec des jeunes immigrés criminels. C’est là une lecture odieuse de par son racisme, en plus de sa fausseté. Eric Zemmour nie ici que jusque le milieu des années 1980, les immigrés sont puissamment ostracisés dans la société. Ils sont ghettoisés. Il caricature ici de manière sinistre la révolte des ghettos.

S’il fait cela, c’est pour prétendre que la criminalité forcenée des cités – qu’on ne saurait assimiler à la « banlieue » en général, sauf à l’extrême-Droite et l’ultra-Gauche – n’auraient pas une origine sociale, mais ethnique. Il y a une opération idéologique en ce sens très puissante à Droite et à l’extrême-Droite.

La troisième idée est la combinaison du constat juste (la contre-société) et de la thèse fausse (l’origine ethnique du crime qui est un phénomène purement social). C’est que le PCF, selon Eric Zemmour, aurait combattu la drogue, mais aurait échoué et donc aurait disparu. Comme Eric Zemmour est un anticommuniste, il fait ici une analyse juste, mais puissamment déformée.

Le PCF n’a pas mené de réelle campagne contre la drogue, à part de manière épisodique. Eric Zemmour généralise ici, parce qu’il sait très bien que les militants du PCF s’opposaient concrètement à l’alcool et aux drogues, proposant une lecture ouvrière de la réalité, c’est-à-dire posée, rationnelle, stricte, pleine de principes.

Et s’il a raison, c’est justement parce qu’il affirme que le PCF n’a pas été à sa propre hauteur et qu’il a échoué culturellement à combattre les comportements et attitudes criminelles – qu’Eric Zemmour attribue à l’immigration, qui sont en réalité un produit social.

L’immigration est un phénomène systématique du capitalisme, qui a besoin d’une armée de réserve pour les emplois, pour peser sur les salaires, profiter de salariés venant de la paysannerie et coupée des traditions ouvrières, etc. Mais les immigrés peuvent parfaitement rejoindre la lutte également, apportant un nouveau souffle. Le PCF a échoué à faire cela, car il n’a pas assumé le grand combat culturel contre le crime.

Et, si l’on voit une chose au 21e siècle, c’est que ce travail reste à mener. Sans cela, les démagogues ethno-différentialistes auront de leviers pour tromper les gens.

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Politique

Eric Zemmour et le « nationalisme des imbéciles »

Le dernier livre d’Eric Zemmour, Destin français, prolonge la proposition nationaliste qui est la sienne, tentant de contourner la question de l’antisémitisme propre au nationalisme de notre pays. Il s’agit pour lui de reformuler ce nationalisme, sa base, son histoire, pour la dériver de sa tendance à l’antisémitisme vers la lutte contre un « mondialisme nomade » auquel précisément il ne parvient pas à donner une forme alternative.

Eric Zemmour a beau contourner le problème, il en revient au même point : la centralité de la question antisémite pour le nationalisme français. Sa vaine tentative n’est donc qu’un appui à un élan qui le dépasse et qui l’emportera inévitablement en tant que Juif. Il n’aura somme toute formulé qu’un « nationalisme des imbéciles » ne voulant pas voir l’antisémitisme comme tel, tout symétriquement comme la « gauche » antimatérialiste formule inlassablement un « anticapitalisme » antisémite, comme « socialisme des imbéciles ».

Eric Zemmour est un intellectuel français issu de la minorité nationale juive algérienne, qui se présente comme relevant de la Droite conservatrice la plus réactionnaire. Il a saisi partiellement ce qu’est le nationalisme et partiellement ce qu’est l’antisémitisme. Il est même parvenu à saisir comment la Gauche se tort dans ses contradictions lorsqu’elle rejette le matérialisme qui la constitue, et sombre d’une part dans les démarches post-modernes et d’autre part dans l’antisémitisme.

Mais Eric Zemmour ne fait pas confiance à la Gauche pour dépasser cette contradiction. Il cherche une solution, un remède politique et intellectuel, depuis la Droite et pire même depuis le nationalisme. C’est à ce titre qu’il a produit dans son dernier livre un exposé sous la forme d’une autobiographie et d’une galerie de portraits l’ayant « construit »  (par opposition à ceux qu’il présente comme les « déconstructeurs » de la gauche post-moderne) comme français, au sens politique et même clairement nationaliste.

La base que pose Eric Zemmour pour sa proposition nationaliste est sans surprise celle de la France des années 1960, complètement idéalisée sous la forme d’une société moderne mais qui serait encore marquée significativement du sceau de la « tradition », de « l’identité » française juste avant le basculement dans la post-modernité du capitalisme des années 1970, suite à la « rupture » de Mai 1968. Il entend ici donner une densité, une « incarnation » à cette base en la présentant sous une forme autobiographique, « vécue », comme un témoignage, dans une démarche toute romantique, mais suintant l’esprit de la réaction la plus brutale.

Cet aspect globalement réactionnaire, voire ultra-réactionnaire de son livre, poussant au nationalisme le plus décomplexé, n’a bien sûr pas échappé aux journalistes de la petite-bourgeoisie intellectuelle. Mais comme ceux-ci ne saisissent pas correctement ce qu’est l’antisémitisme, ils ont pensé qu’il suffirait de mettre à jour ce que Eric Zemmour affirme du Maréchal Pétain, pour le présenter comme un dangereux nationaliste poussant à l’antisémitisme et à la haine raciale.

Or, précisément, Eric Zemmour rejette ces critiques comme superficielles. Ce n’est pas son sujet, il ne voit ni l’une ni l’autre de ces questions comme centrale à son analyse. Avant d’en arriver au Maréchal Pétain, Eric Zemmour pose en effet le cadre de l’État français, qui est le principal personnage de son livre, le sujet même de sa réflexion. Pour Eric Zemmour, l’État est ce qui donne corps à la nation française, ce qui « matérialise » en quelque sorte son « génie » identitaire dont il propose justement de suivre le « destin ». Le choix même de ce terme traduisant toute la perspective qu’il met en avant.

Là où la Gauche dit que ce sont les masses qui font l’Histoire, pour Eric Zemmour, ce sont des élites, en mesure de contrôler l’État qui la font, le peuple se bornant à n’appuyer que ses élites « naturelles » ou à se faire dévoyer par des saboteurs plus ou moins conscients. Là où Eric Zemmour voit de la permanence « naturelle » dans l’affirmation identitaire de la Nation par l’État, la Gauche voit des ruptures historiques en fonction des cadres successifs de l’économie politique par lesquels notre pays est passé.

Là où Eric Zemmour voit le mouvement historique comme un affrontement à mort entre « nomades » et « sédentaires » dans un pays de « guerre civile », aboutissant à la victoire du « réel », à la « revanche de l’Histoire », c’est-à-dire soit au triomphe de la réaction soit à celui de « l’invasion », la Gauche voit la lutte des classes et le mouvement général et contradictoire de la matière vers toujours plus de science, toujours plus de symbiose.

L’Histoire de France selon Eric Zemour se voit donc ratatinée par ce prisme étroit de la « destinée » de la Nation, par la trajectoire unilatérale de l’État qui l’incarnerait. La répression des Protestants, l’élaboration de l’administration centralisée, la formulation de l’absolutisme monarchique, le tout aboutissant à l’épopée napoléonienne, constituent ainsi autant de jalons de la « longue durée », de la supposée permanence d’un « esprit » français, politique mais néanmoins quasiment providentiel, remontant à « Rome ».

L’influence maurrasienne sur la pensée d’Eric Zemmour est donc manifeste. A ceci près qu’il se montre d’un monarchisme moins anti-républicain, dans le sens où la « substance » de la France comme il la définit, a selon lui été incorporée par la République qui, sous son meilleur jour, la prolonge.

C’est ainsi qu’il peut mettre en avant certaines figures qu’il tente d’annexer au nationalisme de manière définitive : Robespierre, Napoléon bien sûr, et plus particulièrement, Pétain et De Gaulle. Ce qu’il avance à ce sujet est correct sur le fond : Pétain et De Gaulle, ce sont tous les deux des figures de ce qu’est la France, au plan historique, en tant que Nation.

Là où il commet deux erreurs gigantesques et impardonnables c’est d’abord en nuançant de manière outrancière le caractère non exterminateur du régime de Vichy à l’égard des Juifs, en tout cas des Français juifs. Le régime de Vichy ne fut certes pas un régime unifié. Plus précisément, seules ses fractions catholiques traditionalistes et planistes dans une moindre mesure, n’adhéraient pas à la perspective ouvertement génocidaire. Mais c’était pour prôner un antisémitisme assimilateur ou éducateur, sur la même base de l’anticapitalisme romantique réactionnaire que les mouvements plus authentiquement fasciste.

Eric Zemmour tente de contourner cela, en rejetant totalement les milieux les plus collaborationnistes et génocidaires comme hors de Vichy, et donc de sa perspective « française », et surtout en éludant la question de l’antisémitisme en tant que tel au sein des nationalistes, à partir du moment où elle se pose comme seulement pour ainsi dire « éducatrice », « assimilationniste » sur la base d’une contre-révolution nationale-conservatrice.

Celle-ci serait acceptable en ce qu’elle manifesterait finalement une dimension « post-juive » de la France, qui s’appuyant sur la tradition catholique depuis la monarchie capétienne, se vit comme un « nouvel Israël ». Cela n’est ni plus ni moins que la tradition même du christianisme romain depuis ses origines, qui fonde d’ailleurs son anti-judaïsme, mais Eric Zemmour semble découvrir dans cela une sorte de clef qui relierait sa propre judaïté à la ligne réactionnaire qu’incarne aujourd’hui cette tradition.

La seconde erreur, consiste à penser la Gauche comme anti-française.

Fondamentalement, la Gauche ne peut être « française » selon Zemmour qu’en cédant au nationalisme, à « l’esprit » national qu’il tente de décrire. Par conséquent, certaines figures de gauche peuvent être incorporées. Mais pas toutes. A la base de la rupture, dans le prolongement de la Révolution française, heureusement cadrée par Napoléon en fin de compte, il y a Victor Hugo. Eric Zemmour en fait une sorte d’ancêtre des post-modernes selon une logique très forcée. Mais le grand renversement, la « victoire » de la Gauche sur le « destin » national c’est bien sûr l’élan post-moderne poursuivant Mai 1968.

C’est là toute l’insuffisance par laquelle il tente vainement de saisir ce que représenta une figure comme celle du Général De Gaulle, qu’il oppose de manière erronée à ce post-modernisme.  Cette erreur de perspective s’explique essentiellement en raison du fait qu’Eric Zemmour ne voit la figure de De Gaulle qu’à travers la question actuelle du néo-gaullisme pour la Droite. Pour lui, cette proposition néo-gaulliste permettrait le développement d’un nationalisme à la fois traditionnel dans sa forme, moderne sur le contenu, permettant aussi de constituer sinon un rempart, du moins une alternative au fascisme, ce qui est partiellement vrai, et surtout à l’antisémitisme, et ce qui est relativement faux.

Ce que tente en réalité de formuler Eric Zemmour, c’est un nationalisme ultra-conservateur, dans la droite ligne de Charles Maurras, prolongé par une démarche populiste et réactionnaire, mais qui ne serait pas antisémite. Un « nationalisme des imbéciles » en somme qui ne peut tout simplement pas exister comme tel, réplique symétrique et vaine, par la réaction et par la Droite, au « socialisme des imbéciles » de la Gauche égarée.

C’est là toute sa tentative : « noyer » l’antisémitisme dans sa critique des déconstructeurs, en particulier de la Gauche, et dans le rejet du « nomadisme » de la mondialisation, qu’illustre de manière sensible les circulations de capitaux, de marchandises et des migrants.

En quelque sorte, l’antisémitisme nationaliste serait une expression faussée, dévoyée, de cette lutte contre le « nomadisme » de la haute bourgeoisie capitaliste, réduite à une oligarchie « financière » et à quelques grandes firmes, à ses soutiens ou idiots utiles libéraux, de la Gauche post-moderne et des grands médias.

Face à ces « nomades », c’est l’intangibilité de l’État, souverain et autoritaire, qu’il convient de restaurer, quitte à aller à la « guerre civile » et la répression contre les libéraux et la Gauche.

Eric Zemmour prétend donc faire de l’Histoire mais il ne saisit ni ce qu’est le nationalisme, ni ce qu’est l’antisémitisme, ni même ce qu’est finalement l’Histoire de France. Il bricole simplement une sorte de théorie « néo-maurrasienne » qui tente de reformuler l’antisémitisme des nationalistes en rejet du « nomadisme mondialiste » et de pousser à la réaction par le néo-gaullisme propre à la Droite conservatrice de notre époque. Ceci alors même que l’antisémitisme l’a déjà devancé sur ces deux terrains.

> Lire également : « Egalité & Réconciliation » et le capitalisme des « nomades »

En outre, Eric Zemmour tente de proposer un style, un populisme « cultivé » en mesure de flatter l’esprit « populaire » propre à la petite bourgeoisie réactionnaire qui constitue son public. Celle-ci se flatte de ses images relevant de la France d’Audiard, de Johnny, de celle de Nicolas Dupond-Aignan, de Laurent Wauquiez, de Marine Le Pen, de Marion Maréchal, mais aussi de Michéa ou de Soral.

C’est-à-dire de toute la clique réactionnaire et populiste à laquelle la Gauche doit faire face, avec sa culture, ses valeurs et la seule analyse claire et nette sur ce qu’est l’antisémitisme, ce qu’est le fascisme, ce qu’est le nationalisme français, et l’Histoire de France.