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Meeting du Trocadéro: Eric Zemmour lance l’après pour la Droite

Une nouvelle droite dure et nationaliste va se former.

En annonçant 100 000 personnes au Trocadéro à Paris pour son meeting, Eric Zemmour a parfaitement réussi son coup médiatico-politique. Ce qui compte pour lui en effet est de montrer qu’il y a un élan autour de lui et de ce qu’il représente, avec une proposition incontournable pour l’avenir.

Il ne faut pas être dupe de l’enjeu électoral lui-même, qui ne débouchera très probablement pas sur un séisme politique. Eric Zemmour sait très bien qu’il ne sera probablement pas au second tour dans quinze jours, dimanche 10 avril 2022, mais peu importe.

Ce qu’il faut voir surtout, c’est comment, en si peu de temps, sans aucun parti politique structuré initialement derrière lui, il réussit à peser autant sur l’élection, à réunir 100 000 personnes adhérentes à sa formation électorale Reconquête avec un discours très clivant, et plusieurs dizaines de milliers de personnes à son grand meeting de campagne à Paris.

L’élan est clairement là, la dynamique politico-culturelle est évidente. Et si, comme cela se profile, Marine Le Pen échoue à nouveau face à Emmanuel Macron au second tour de l’élection, avec également une Valérie Pécresse humiliée par un score très faible au premier tour, alors il y aura un immense boulevard pour la recomposition de la Droite, dans une forme conforme aux tumultes de l’époque, à la crise.

D’ailleurs, Eric Zemmour n’est ici probablement qu’un simple outil, un passeur pour aller d’une époque à une autre, et il s’effacera très vite, en tous cas idéologiquement (déjà qu’il ne représente pas grand-chose, hormis son populisme anti-immigrés). Il faut plutôt regarder du côté des Nicolas Bay, Guillaume Pelletier ou Marion Maréchal pour voir les visages de la Droite dure et nationaliste de demain.

Eric Zemmour pour sa part, c’est avant tout la nostalgie de la France d’avant, de l’après-guerre, avec un capitalisme triomphant et modernisant la société à vitesse grand V, sans pour autant chambouler sa base paysanne et petite-bourgeoise. En s’adressant aux « anciens » lors de son meeting, il a parfaitement exprimé cela :

« Vous avez connu la vie dans le plus beau pays du monde, vous avez connu l’école de l’exigence, vous avez connu la courtoisie dans la rue, la galanterie. Vous avez connu la fierté d’être Français. Vous ne reconnaissez plus le pays dans lequel vous avez vécu ? Vous ne comprenez pas ce qui vous a échappé ? Vous ne vouliez pas créer ce chaos, je le sais. Vous avez le pouvoir de faire basculer cette élection, de choisir le candidat qui vous dit : ‘Oui, vous avez raison d’avoir peur’. Choisissez le candidat qui vous dit : ‘Je veux que la France redevienne la France’. Je vous propose de redevenir jeunes, de retrouver l’optimisme de vos 20 ans ».

Mais plus encore, c’est en dévoilant ses références politiques lors du meeting qu’il montre en quoi il est dépassé culturellement, appartenant strictement au passé (quand bien même est-ce sous une forme mystifiée) :

« Nous sommes les seuls à être de droite dans cette campagne. Nous sommes les seuls héritiers d’une Droite qui aime la France, le peuple, le travail, l’ordre et l’identité. C’est la Droite qui était au RPR, la Droite de Charles Pasqua, la Droite de Philippe Séguin. Oui je suis le seul candidat de droite à cette élection. »

Au sens strict, ce genre de références en 2022 n’a aucun sens et ne devraient même pas réunir plus d’une centaine de personnes ; si Eric Zemmour galvanise autant avec un tel discours franchement ringard, c’est simplement de par ce qu’il représente comme perspective de bousculement politique, de recomposition de la Droite.

Ce qui compte n’est pas tant ce qu’il raconte, sur l’immigration, l’économie, etc. ou ce qu’il ne raconte pas, sur l’écologie, sur la Russie, etc. Ce qui compte surtout c’est qu’il explique qu’il faut tout recommencer à droite, réunir tout le monde pour partir sur de nouvelles bases dépassant les formations politiques actuelles à droite.

Les propos suivants tenus lors du meeting du Trocadéro ont une portée politique immense, qui serviront de base pour les dix années à venir à droite, c’est une évidence :

« J’ai choisi le Trocadéro car nous n’en pouvons plus des divisions des patriotes qui est la cause de nos défaites. J’aurai besoin de tout le monde : des gaullistes, des souverainistes, de tous les patriotes de la droite.
J’aurai besoin de tout le monde. J’aurai besoin de toutes les familles de la droite et de tous les patriotes. J’ai des amis aux Républicains et je les accueillerai. J’ai des amis au Rassemblement national, ils auront toute leur place à mes côtés. Oui j’ai besoin d’Eric Ciotti, applaudissez-le ! Oui j’aurai besoin de François-Xavier Bellamy, de Laurent Wauquiez, de Nadine Morano, de Jordan Bardella, applaudissez-les ! Car c’est l’idée que je me fais de l’union des Droites ».

Eric Zemmour, c’est ni plus ni moins que la jonction entre la droite classique et traditionnelle, bourgeoise et urbaine, représentée surtout par le RPR, puis l’UMP, puis LR, avec une droite provocatrice et populiste, puis social-nationaliste, représentée surtout par le Front national puis le Rassemblement national.

Pour l’instant, Eric Zemmour n’apporte aucun contenu véritable à cette union et recomposition de la Droite à venir. Il ne fait que recracher vaguement l’idée d’un néo-gaullisme indispensable à la bourgeoisie française, qui a déjà été formulé en long en large et en travers partout à droite durant les années 2010. Depuis Henri Guaino, qui était le conseiller spécial de Nicolas Sarkozy, jusqu’à Marine Le Pen et toute la clique intellectuelle ayant formulé son programme depuis 2012.

Voilà donc la signification principale de la candidature Eric Zemmour : c’est d’en  » appeler  » à :

« ces électeurs des Républicains qui en ont assez de voir leurs idées trahies, à ces électeurs du Front national qui voient leurs idées végéter dans une opposition stérile depuis trop longtemps. »

Je vous tends la main, dit-il, et cette main tendue n’est autre que la possibilité d’une nouvelle formation à Droite en France, sur une ligne dure, nationaliste, néo-gaulliste évidemment, assumant la restructuration économique dans le cadre de la crise avec une bataille rude menée aux travailleurs, et assumant bientôt la question de la guerre dans le contexte mondial.

Eric Zemmour, en vérité, ne dit pas grand-chose dans le fond, car il n’a pas besoin de le faire. Ce qui compte par contre, c’est qu’il laisse la porte grande ouverte pour une nouvelle Droite prenant fermement le pouvoir en France.

C’est tellement vrai que Philippe de Villiers, ce nationaliste toujours apprécié à droite mais isolé, qui prône justement depuis des années et des années cette union des droites sur un mode dur, a confié avoir eu «les larmes aux yeux  » en écoutant le meeting d’Éric Zemmour. C’est clairement une page qui se tourne pour la Droite française, une nouvelle époque qui s’annonce.

La Gauche en face doit se reconstruire et vite, pour ne pas voir les acquis démocratiques et toutes les conquêtes sociales du mouvement ouvrier se faire littéralement broyer par cette nouvelle vague de droite dure et nationaliste, et qui assumera d’aller vers la guerre.

C’est tellement urgent qu’il suffit de penser ne serait-ce qu’à dans quelques semaines avec les élections législatives… Cela va être un jeu de massacre pour la Gauche, ou ce qu’il en reste, et une formidable séance de répétitions pour la nouvelle droite qui se profile.

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Marion Maréchal rallie Eric Zemmour

Un moment clef pour la reformation d’une Droite dure en France.

Depuis le meeting de Toulon du dimanche 6 mars 2022, l’ancienne députée Marion Maréchal a annoncé publiquement son soutien à Eric Zemmour pour l’élection Présidentielle. Cela n’a rien d’une surprise, tant ils sont sur la même ligne politique, à savoir l’union de la Droite dans une version dure, très libérale économiquement, appuyant à fond le catholicisme dans une variante traditionnelle, néo-gaulliste donc « non alignée » aux États-Unis sur le plan international, et assumant un « choc des civilisations » sur le plan culturel.

Cela n’a rien d’une surprise, mais c’est un tournant, une étape importante dans la construction d’une nouvelle Droite en France pour la période à venir. Ce ralliement ne changera probablement pas la donne pour l’élection Présidentielle, il ne faut pas imaginer qu’il y ait là un nouvel élan, une nouvelle « dynamique » électorale pouvant s’enclencher. Cela d’autant plus que la crise en Ukraine est extrêmement défavorable, pour l’instant, au camp nationaliste, alors qu’inversement elle profite totalement, sur le plan électoral, au camp « atlantiste » (aligné sur la superpuissance américaine), largement trusté par Emmanuel Macron.

Mais ce n’est pas ce qui compte. Ce qui compte, c’est la nouvelle période qui s’ouvre, avec la formation d’un nouveau pôle de droite, très offensif politiquement et extrêmement structuré idéologiquement et culturellement. Marion Maréchal, depuis plusieurs années, est un maillon essentiel de cette reformation de la Droite, comme nous l’avons analysé pas à pas, avec une étude systématique de son parcours depuis son premier « retour » dans la vie publique en 2018.

Rappelons qu’en mai 2017, elle avait publié un texte qualifié à l’époque de manière grandiloquente de « testament politique », où elle annonçait prendre du recul après son mandat de député Front national du Vaucluse, qui faisait d’elle au passage la plus jeune députée historiquement.

En rejoignant la candidature d’Eric Zemmour, Marion Maréchal fait ainsi un retour véritable dans la sphère électorale, après avoir orchestré sa distance de la vie politique, au profit de sa carrière « d’entrepreneuse », et surtout, de la « métapolitique ».

La métapolitique est un concept venu de franges radicales de l’extrême-droite française, consistant en l’affirmation d’une bataille politico-culturelle de fond, sur le plan surtout des valeurs, au-delà de la politique classique, de type électoral et débat d’opinion.

Marion Maréchal, depuis 2018, a joué à fond là-dessus, en se plaçant comme au-dessus du lot pour envisager les choses de manière large, avec une perspective civilisationnelle. Elle l’a fait au sein de toute une mouvance formée autour des magazines Valeurs Actuelles et L’incorrect. C’est d’ailleurs via une tribune dans Valeurs Actuelles, qu’elle avait fait son premier « retour » en 2018, pour annoncer un projet d’ouverture d’une école politique.

On se rappellera qu’à l’époque, elle était invitée à discourir à la Conservative political action conference, c’est-à-dire ni plus ni moins que la conférence politique annuel des conservateurs américains, structurés à ce moment-là autour de Donald Trump. Elle y avait vanté la ligne populiste « America first » de ce dernier, expliquant qu’elle voulait faire la même chose en France.

Un autre moment important fut son apparition comme invitée d’honneur d’une soirée-débat le 31 mai 2018 sur le thème de Mai 1968 (en raison du cinquantième anniversaire des événements de mai et juin 1968). L’intitulé était « Débranchons Mai-68 », et elle y avait expliqué en détail son hostilité à la Gauche, dans une version caricaturale et niant le mouvement ouvrier. La critique de « mai 68 » était surtout pour elle une occasion de critiquer les Lumières en faisant référence à la spiritualité chrétienne et la défense de valeurs « traditionnelles », et d’appeler à une révolution conservatrice, une sorte de « mai 68 » à l’envers.

Quelques jours après, le 22 juin 2018, elle annonçait la mise ne place son école d’étude supérieures, l’Institut Supérieur de Sciences Économiques et Politiques (ISSEP) à Lyon. C’est une sorte d’équivalent de droite dure des écoles « Science po », en général plutôt d’orientation libérale démocrate et pro-américaine sur un mode postmoderne.

Le but de son école est la formation de la « jeunesse conservatrice de France » pour produire les futurs cadre du régime. En effet, son école ne consiste pas en un simple cercle militant radical, mais en une véritable structure devant compter à l’avenir, avec en son sein des figures institutionnelles et universitaires reconnues. Elle y a d’ailleurs invité Eric Zemmour dès 2018.

Déjà à l’époque, il était concrètement question d’une reformation politique de la Droite. Fin 2018, Marion Maréchal intervenait au lancement du « Cercle AUDACE » sur le thème « Quel avenir pour les Droites ? ». Elle y expliquait que le souverainisme (en fait le nationalisme) n’est pas suffisant, mais qu’il fallait également développer du contenu sur le plan des valeurs, avoir une vision du monde pour mobiliser la société française.

En avril 2019, elle faisait une nouvelle intervention remarquée sur ce thème de la Droite, en critiquant frontalement sa tante Marine Le Pen sur cet aspect précis, dans un long entretien à Valeurs Actuelles. On pouvait y lire notamment :

« J’ai dit en revanche pourquoi le clivage entre populistes et mondialistes me semble être une impasse électorale. Je crois qu’on ne peut pas gagner en s’adressant seulement aux classes populaires. Ceux qui rêvent d’une grande alliance de partis entre La France insoumise et le Front national se trompent.

Cette alliance me semble d’autant moins possible que la souveraineté, dont se réclame timidement Jean-Luc Mélenchon, n’est pas une fin en soi. La souveraineté, c’est le contenant ; la vision de la société, c’est le contenu. Au service de quoi met-on la souveraineté ? Une République islamique souveraine, ça ne m’intéresse pas… »

C’est exactement la position d’Eric Zemmour aujourd’hui, qui le différencie de Marine Le Pen (qui de son côté prône désormais une sorte de nationalisme « social », ni de gauche ni de droite). Et c’est justement au côté de Marion Maréchal que se trouvait Eric Zemmour en septembre 2019 pour une « Convention de la Droite » où ils étaient les deux principales figures.

L’intervention de Marion Maréchal avait été particulièrement importante, précisant le fond de sa vision de la Droite. Il ne s’agit en effet pas pour elle de simplement conquérir le pouvoir électoral, mais bien d’opérer à une véritable purge de l’État pour en remplacer tous les cadres et refondre les institutions :

« N’attendons pas que l’État nous sauve, actuellement il est phagocyté par une idéologie et des intérêts contraires à l’intérêt national. »

L’optique est celle d’une révolution conservatrice, balayant l’ordre actuel et l’hégémonie libérale-démocrate pro-américaine dans l’appareil d’État. Dans cette perspective, elle avait formulé de manière assez précise sa position sur les questions internationales lors d’une grande conférence conservatrice à Rome, en février 2020. Elle soutenait l’idée d’une « alliance latine » (et catholique) :

« J’imagine une alliance latine entre la France, l’Espagne, l’Italie et le Portugal. Une alliance latine qui marcherait avec le groupe de Visegrad [Pologne, République Tchèque, Hongrie, Slovaquie – NDLR]. Une alliance qui garderait le lien avec la Grande-Bretagne et la Russie ».

On remarquera que le fasciste Charles Maurras prônait la même chose dans les années 1930, souhaitant unir le fascisme italien et son propre mouvement, l’Action française, dans une perspective différente et opposée au national-socialisme allemand.

Enfin, pour souligner la dimension « étatique » de Marion Maréchal, il faut rappeler sa prise de position en faveur de la tribune des militaires appelant à un éventuel coup d’État en avril 2021. Le contenu général et le choix précis des mots et des concepts était entièrement dans la lignée de Marion Maréchal. Nous soulignions alors :

« Il s’ouvre en France une période tout à fait nouvelle avec une Droite dure qui s’affirme, qui s’éloigne du centrisme et du libéralisme avec l’idée de cogner fort pour remettre de l’ordre et orienter le pays dans le sens du nationalisme et de l’expression militaire de la France. C’est conforme à la tendance mondiale à la guerre, à la grande bataille qui s’ouvre pour le repartage du monde. »

C’est exactement ce qui se passe actuellement, la situation est d’une très grande intensité sur le plan du contenu. C’est une modification du panorama politique, social, culturel, idéologique… qui a lieu. D’où les propos de Marion Maréchal le 6 mars 2022 à Toulon :

« La recomposition politique va advenir, je crois de nouveau la victoire possible ! »

L’union de la Droite dit-elle, « j’en ai rêvé et vous l’avez fait! ». Et elle a donné au public toulonnais ce qu’il était venu chercher, c’est-à-dire un discours nationaliste bien à droite, fustigeant l’idéologie « woke » et les postmodernes, assumant la théorie du « Grand remplacement » sans la nommer, mais en évoquant « la question culturelle et démographique ». Logiquement, elle a opposé son nationalisme à Emmanuel Macron, dont il est censé incarner l’antithèse :

« la macronie n’a manifestement pas compris une chose très importante. Elle n’a pas compris que la nation, par essence est une synthèse. Eric [Zemmour], c’est parce que tu mesures cette responsabilité, que derrière ta candidature il y a un grand mouvement populaire et national. Je vous regarde, et je vois des Français des villes et des Français des villages, des Français des usines et des Français des Start-Up, des Français de 18 ans et des Français de 78 ans. Bref, je vois le peuple de France. »

On remarquera enfin que Marion Marechal jubile d’avoir en face d’elle la Gauche dont elle rêve, c’est à dire une fausse gauche, libérale sur le plan des mœurs et postmoderne idéologiquement, et pas la Gauche historique :

« Alors oui bien sûr la fable marxiste a évoluée, parce que dorénavant le patron capitaliste prend les traits du mâle blanc hétérosexuel, tandis que le travailleur exploité prend celui de la minorité racisée, du musulman, du LGBTQI plus, plus, plus, vers l’infini et l’au-delà. »

Gageons que cette nouvelle étape majeure dans la recomposition de la Droite dure fasse office d’électro-choc, qu’elle favorise les germes de la formation d’une nouvelle Gauche historique en France, d’un retour du mouvement ouvrier et des Lumières, tournés vers la planète Terre et les animaux.

Il le faudra, absolument, pour faire face à ce rouleau compresseur de Droite dure porté par Eric Zemmour, et à l’avenir de manière évidente, de plus en plus par Marion Maréchal. Il le faudra pour faire face à la Crise et à la guerre qui sera justement bientôt portée de manière acharnée par la Droite dure et toutes les composantes du nationalisme.

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Eric Zemmour, candidat de l’impérialisme français « non aligné »

Eric Zemmour continue sur sa ligne militariste.

Eric Zemmour a tenu un meeting à Chambéry devant plus de 3000 participants sur le thème de la paix, le 25 février 2022. Le choix du thème en dit long sur le fait que le conflit en Ukraine rabat totalement les cartes, allant donc jusqu’à reconfigurer la campagne présidentielle elle-même.

Ainsi, Yannick Jadot a annulé son meeting prévu à Clermont-Ferrand le même jour, préférant se focaliser sur une présence parisienne pour soutenir ouvertement l’Union Européenne et l’OTAN. Eric Zemmour ne représente évidemment pas la même ligne.

À Chambéry, il a cherché à avoir un ton grave, il se voulait solennel, se présentant comme le meneur de la paix tout en maintenant sa ligne offensive d’un « gaullisme de la reconquête ».

À ce titre, Eric Zemmour a rappelé la venue du Général de Gaulle à Annecy en 1960 en mémoire du centenaire du rattachement de la Savoie à la France en 1860. Cela lui a permis de multiplier les références à la Résistance savoyarde pendant la Seconde Guerre mondiale, et notamment au maquis des Glières qui fut un temple de la Résistance d’obédience catholique, voire clairement d’extrême droite avec Jean Vallette d’Osia, chef militaire anticommuniste opposé à la guérilla antifasciste.

Cette ligne néo-gaulliste souligne qu’à l’heure de la bataille pour le repartage du monde, Eric Zemmour apparaît de plus en plus comme le porte-voix d’une frange de la bourgeoisie prise de panique devant les tumultes du monde.

Car malgré les apparences, malgré les pseudos discours en faveur de la paix en Ukraine, faits pour ne pas trop heurter, le candidat de Reconquête maintient sa ligne d’une France « non alignée », de la puissance devant s’assumer sur le mode du cavalier seul.

Il a ainsi été rappelé la volonté de sortir la France du commandement intégré de l’OTAN, tout en répétant à plusieurs reprises que la France avait « un devoir de puissance » car « dans l’Histoire, on ne négocie qu’entre seigneurs, jamais avec un vassal » :

« C’est ce que le général de Gaulle savait mieux que personne, lui qui a toute sa vie cherché à se rapprocher de la Russie, justement pour contrebalancer le poids de nos alliés américains. C’était justement le moyen pour nous protéger, pour n’être inféodé, ni à l’un, ni à l’autre car la France ne doit être soumise à personne. »

Et s’il ne peut faire autrement que de condamner l’invasion de l’Ukraine par la Russie, Eric Zemmour reste animé par une pensée typique d’un militaire emprunt d’un esprit aristocratique et « géopolitique ». Il a ainsi déclaré :

« Nous avions des raisons de penser que nous éviterions la guerre car la catastrophe qui couterait des milliers de vies ukrainiennes aurait pu être évité. Je le répète depuis des années, l’expansion ininterrompu de l’OTAN à l’est est un motif d’inquiétude pour les russes et ils sont prêts à se battre pour l’empêcher [applaudissement dans la salle]. »

Eric Zemmour reste le relais direct de la puissance russe, pensant par là que la France pourrait tirer son épingle du jeu en redevenant une puissance autonome. C’est pour cela qu’il insiste longuement sur l’extension de l’OTAN à l’Est de l’Europe comme motif légitime d’une riposte russe.

Si cela est en partie vraie, le fond du problème n’est pas tant là que dans le fait que Vladimir Poutine reflète le complexe militaro-industriel russe et son idéologie expansionniste eurasiatique. Dans cet état d’esprit, l’Ukraine n’existe pas, elle n’est qu’une annexe civilisationnelle de Moscou.

En masquant cette dimension expansionniste russe, Zemmour veut dissimuler qu’il est lui-même une force de proposition pour garantir une nouvelle optique idéologique pour la défense et si possible l’expansion, de l’impérialisme français.

Il propose simplement de jouer sur les contradictions entre puissances… pour que la France se place elle-même de meilleure manière en tant que puissance. Il ne dit d’ailleurs ici pas quelque chose de différent de Jean-Luc Mélenchon. Sauf qu’Eric Zemmour s’inscrit dans la tradition du militarisme français, que Jean-Luc Mélenchon avait vainement espéré déborder avec sa « république sociale ».

En ce sens, il représente une terrible menace, en tant qu’alternative de plus en plus crédible pour la haute bourgeoisie.

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Les positions du camp nationaliste (Marine Le Pen, Eric Zemmour, Jean-Luc Mélenchon) sur la reconnaissance du Donbass séparatiste par la Russie

Trois candidats à la présidentielle 2022 tournés aussi ou notamment vers la Russie.

Il existe en France deux bourgeoisies. Il y a celle soutenant la participation à l’OTAN et l’Union européenne, considérant qu’il faut s’aligner sur la superpuissance américaine, qu’il y a là une garantie de croissance. Représentée par Emmanuel Macron, mais également le Parti socialiste et la Droite classique (ainsi que l’ultra-gauche), elle est favorable à des modifications sociétales profondes (PMA, LGBT, cannabis légalisé, flexitarisme alimentaire, etc.) parce que cela permet d’ouvrir de nouveaux marchés, de réimpulser le capitalisme.

Il y a celle qui, par contre, considère que la France perd son rang en se plaçant dans le sillage américain, qu’elle se déclasse en tant que grande puissance et qu’elle ferait mieux de jouer sa propre partition. Il faut donc éviter de trop bousculer la société, voire appliquer une ligne conservatrice pour figer la société au maximum, pour qu’elle fasse bloc afin de la mobiliser de manière nationaliste. Dans cette optique, la Russie fait office d’allié incontournable, de par son idéologie conservatrice révolutionnaire, sa concurrence avec la superpuissance américaine, son absence de concurrence directe avec la France dans la plupart des cas.

C’était la ligne de François Fillon, avant qu’il se fasse descendre politiquement par le Canard enchaîné au moment des présidentielles de 2017, permettant au candidat tombé du ciel (car choisi par la haute bourgeoisie de la première faction), Emmanuel Macron, de triompher. François Fillon est désormais administrateur indépendant de Sibur, géant russe de la pétrochimie, et représentant de la Fédération de Russie au Conseil d’administration du groupe pétrolier public Zaroubejneft.

C’était également la ligne de Marine Le Pen, dont le parti avait obtenu un prêt de la Russie, ou encore de Jean-Luc Mélenchon voyant comme la gauche du PCF une dimension « anti-impérialiste » dans la Russie.

Or, c’est la première faction qui donne le ton depuis le début des années 1990, avec la chute de l’URSS et l’intégration de la Chine dans le capitalisme international, qui a permis une incroyable expansion. Voilà pourquoi Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ont été ainsi des représentants de la seconde faction, mais sans perspective de succès concret. Aussi ont-ils modifié leur positionnement, l’adoucissant… perdant ainsi toute leur spécificité, ce qui les amène à se voir remplacer par Eric Zemmour une fois la crise venue avec la pandémie.

Ce qui fait qu’Eric Zemmour dit en fait la même chose aujourd’hui, au sujet de la Russie, que Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon hier, faisant aussi office de François Fillon II, en quelque sorte. C’est absolument flagrant. Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon prennent désormais une certaine distance avec la Russie, afin de ne pas « heurter » trop la première faction de la bourgeoisie, Eric Zemmour fait vaguement semblant pour ne pas heurter son public libéral ayant un fort tropisme pro-américain, afin toutefois, dans le fond, d’entièrement s’aligner sur la Russie.

Ainsi, Marine Le Pen veut une grande négociation y compris avec les Etats-Unis, à total rebours de son positionnement historique ; Eric Zemmour dit qu’au fond il faut un accord entre les pays européens et la Russie (sans les Etats-Unis) ; Jean-Luc Mélenchon dit qu’il n’y aura pas de guerre (!!), que la Russie a fait n’importe quoi et que l’OTAN va avancer, ce qui nuit aux intérêts français.

Communiqué de Marine Le Pen sur la situation en Ukraine

La décision de Vladimir Poutine est un acte éminemment regrettable qui ne participe pas à la nécessaire désescalade des tensions que j’appelle de mes vœux depuis le début de la crise.

Néanmoins, tout doit être fait pour retrouver la voie du dialogue afin d’assurer la paix en Europe.

Désormais, la solution passe probablement par l’organisation d’une conférence réunissant les Etats-Unis, la Russie, la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni ainsi que la Pologne, la Roumanie, la Hongrie et la Slovaquie, états frontaliers de l’Ukraine.

Cette conférence aurait pour objectif de négocier une solution sur la base de l’accord de Minsk, accord dans lequel la France avait joué un rôle déterminant et dont l’application assurerait la paix.

Communiqué de Jean-Luc Mélenchon sur la situation en Ukraine

Plus que jamais il faut se méfier des guerriers de plateau de télé qui s’échauffent dans l’invective et les mouvements de menton. Faire sérieusement le point demande qu’on parte du seul point de vue qui vaille en temps de crise : l’intérêt de notre pays.

Car le contexte est hors de notre portée.

En Ukraine et sur toutes les frontières à l’est du continent nous sommes en présence des rebondissements d’une de ces guerres sans fin qui, depuis Pierre le grand et Catherine II, tenaillent les peuples du secteur. L’implosion de l’URSS est le premier cas de l’ère moderne ou un Empire s’effondre sans négociation des frontières qui en résultent. Cela justifiait une prudence plus grande qu’ailleurs dans les décisions et les évolutions. La destruction de la Yougoslavie, la création de l’état artificiel du Kosovo ont vite montré que le rapport de force serait partout la règle. Le récent déploiement d’armes et de militaires de l’Otan dans tous les pays baltes l’ont confirmé.

Pour autant la reconnaissance des républiques russophones du Donbass par Poutine est une très mauvaise affaire pour les Français. Le respect des frontières, quelles qu’elles soient est une condition de base d’une vie internationale où la diplomatie et l’ONU tranchent plutôt que les armes et les coups de force. Si nous voulons nous-mêmes être indépendants, notre intérêt est que les frontières soient intangibles ou bien qu’elles ne bougent qu’après des procédures concertées, acceptées et contrôlées.

Il est à craindre qu’à la décision russe succède une décision américaine d’intégrer l’Ukraine dans l’OTAN. Autre mauvaise affaire pour nous Français qui n’avons aucun intérêt à l’extension de la domination militaire des USA et de leurs intérêts sur notre continent.

Poutine a dû comprendre que la décision était déjà prise et qu’il ne pourrait jamais obtenir de garantie sur ce sujet. Il a vu que les USA ne lui cédaient rien sur ce point depuis le début de la crise. La reconnaissance des républiques du Donbass est donc sa prise d’avantage dans le nouvel ordre qui s’installe dans cette région. Il l’a fait avant que la nouvelle frontière de l’OTAN ne lui interdise de le faire.

Comme tout cela se déduit très facilement de l’observation, on peut se demander si n’entre pas déjà en vigueur un nouvel ordre quasi convenu. Car qui ferait la guerre pour le Dombass ? Personne.

Et d’abord parce que la guerre sur place dure depuis huit ans et que les parties concernées (russophones et ukrainiennes) en sont rendu à un degré de haine mutuelle qui bloque toute vie commune. Et Comme Kiev n’a jamais mis en œuvre le moindre commencement d’application des accords de Minsk à propos du Donbass, on peut penser que les Russes se le tiennent pour dit. Mais la Russie de son côté ne fera pas non plus la guerre pour l’Ukraine. Elle attendra qu’elle tombe comme un fruit mur, le moment venu.

N’empêche que c’est une escalade, et que la Russie en porte la responsabilité et qu’il faut le condamner dans notre interêt bien compris.

Quoiqu’on pense des arrières pensées ou des logique de situation, il n’empêche que c’est bien la Russie qui a pris la responsabilité de cet épisode. L’annexion de l’Ukraine dans l’OTAN ne tardera plus. Peu importe qu’elle ait été déjà prévue avant cela. Peu importe, parce qu’on ne juge d’une situation que par les actes qui y sont posés.

Aussi longtemps qu’une ligne n’est pas franchie on peut penser que la suivante ne le sera pas et s’organiser pour cela. Une ligne est franchie. Sauf a capituler sans condition les USA sont dans l’obligation d’étendre l’OTAN et les Européens sont obligés de dire oui à tout et au reste. Le reste c’est le blocage provisoire de Northstream II et l’approvisionnement en gaz de schiste américain. Avec, cela va de soi, de nouveaux déploiements de troupes USA et l’extinction des bavardages sur l’autonomie de défense européens.

Je ne dis rien à cette étape du bilan navrant de Macron dans cette séquence. Il y aura joué des rôles sans contenu réel. Il est inutile d’espérer qu’il fasse mieux. Il peut faire pire. On doit lui laisser une possibilité de respecter au moins la démocratie de son pays. Le Premier ministre doit une explication au pays dans les heures qui viennent devant l’Assemblée nationale.

Cette situation me conforte dans ma proposition d’une conférence des frontières. Elle permettrait de fixer des règles et de gérer avant la crise les autres situations de tensions frontalières qui murissent sur notre continent.

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Eric Zemmour, c’est le candidat du parti de la guerre!

Eric Zemmour, c’est la guerre, avec une orientation favorable à la Russie !

L’été dernier, en juin 2021, Eric Zemmour le polémiste se désolait de la faiblesse de l’armée française en moquant une « armée d’échantillon ». Il affirmait :

« On a de tout pour tout. On peut faire une guerre à tout le monde… pour une journée, après il n’y a plus rien. Après il n’y a pas assez de munitions, d’hélicoptère, de sous-marins, etc. »

Maintenant qu’il est candidat, la question de l’armée est pour lui primordiale. Car il est le candidat de la haute bourgeoisie voulant faire basculer la France dans un militarisme généralisé pour se lancer dans la bataille pour le repartage du monde.

Il ne s’agirait plus d’accompagner l’ordre dominant ayant la superpuissance américaine comme force hégémonique, mais de vouloir tirer son épingle du jeu dans des combats impériaux pour le redécoupage du monde selon les intérêts des uns et des autres. C’est pour cela qu’Eric Zemmour propose de sortir de l’OTAN et se tourner vers la Russie.

Eric Zemmour explique pour cette raison qu’il mettra le paquet sur les militaires qui doivent voir leur solde augmenter de 20 % dès 2023, avec une amélioration des conditions de logement et d’hébergement, de pensions d’invalidité, etc. Cela s’associe à leur valorisation systématisée, pour ce qu’il appelle « l’immense reconnaissance de la nation » aux soldats, c’est-à-dire en vérité une mobilisation générale du camp de la guerre.

Samedi 19 février, Eric Zemmour tenait ainsi un meeting important au pied du Mont-saint-Michel, qu’il a choisi comme symbole nationaliste, mais aussi militaire, Saint-Michel étant présenté comme « ange supérieur et ange militaire » pour justifier un nationalisme offensif appelant à mener un « combat spirituel » pour défendre « âme », « identité », « indépendance ». Sa perspective est donc la « puissance » de l’armée française pour affirmer le pays dans le monde et contre le monde :

« Toute ma vie, je combattrai cette vision de la France vassale, de la France valet, de la France marionnette »

Concrètement Eric Zemmour entend donc augmenter de près de 30 milliards d’euros le budget de la Défense d’ici à 2030, avec au programme 3,6 milliards d’augmentation par an d’ici là. Le budget devant atteindre le montant de 70 milliards d’euros annuel pour financer :

  • une armée de terre de 100 000 hommes en 2027,
  • 300 avions de chasse en 2040,
  • un 2e porte-avion,
  • 20 frégates et 8 sous-marins nucléaires d’attaque.

Tout cela étant considéré par lui comme n’étant « pas un luxe mais un minimum vital », car il défend l’option d’une France puissante militairement par elle-même,

Dans sa conférence de presse du 17 février concernant le sujet de la « défense nationale », il a évoqué son orientation pro-Russie de la manière suivante :

« Tout en construisant de nouvelles alliances avec les pays qui partagent notre vision du monde et des menaces. »

Au sujet de l’Ukraine, il a visé « l’instrumentalisation américaine de la situation », en expliquant que pour sa part il veut :

« une relation normalisée et apaisée avec la Russie, sans complaisance ni provocation inutile. Pour moi les choses sont claires : l’extension de l’OTAN aux portes de la Russie n’a aucune justification pour la sécurité de l’Europe et j’y suis résolument hostile. Les Russes ne sont ni nos alliés ni nos ennemis »

Eric Zemmour est le candidat du parti de la guerre ! Il a pris la place de Marin Le Pen comme vecteur des exigences de la haute bourgeoisie, de la fraction la plus agressive de la bourgeoisie française ! Il représente l’aspect principal de la tendance à la guerre en France !

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Guerre

Eric Zemmour, c’est la France lancée dans la bataille pour le repartage du monde

Eric Zemmour développe une ligne néo-gaulliste au service du complexe militaro-industriel français.

Il est dorénavant clair qu’une partie de la classe dominante veut aller de l’avant, au dépend des travailleurs en France, au dépend du peuple et de la paix dans le monde. La proposition d’Eric Zemmour va clairement dans ce sens d’une restructuration anti-sociale pour mieux servir l’expansionnisme de la France, qui voit sa place dans le monde dégringolée.

Samedi 19 février, Eric Zemmour a tenu un meeting sur le thème des questions militaires et géopolitiques à Pontorson en Normandie dans un champ de maïs devant plus de 2 000 personnes avec en arrière-plan le Mont Saint-Michel. Le choix n’était pas fait au hasard car Saint-Michel y a été longuement présenté de manière lyrique comme la figure religieuse du Saint représentative d’un « combat éternel que se livrent le Bien et le Mal depuis des millénaires ».

Eric Zemmour continue ainsi à déployer un discours de type « civilisationnel » au service du renouveau de la « puissance » française, le mot « puissance » ayant été répété plusieurs fois lors de son discours sur un ton plus qu’offensif, plus qu’agressif.

Il ne faut pas oublier à ce propos que le directeur de campagne d’Eric Zemmour n’est autre qu’un ancien haut gradé de l’armée française, le général Bertrand de La Chesnais, également membre de l’association d’entraide de la noblesse française.

On retrouve ici toute une ligne historique des cadres dirigeants de l’armée française, littéralement subjugués par le courant national-catholique de l’Action française. Son expertise sur l’armée française est capitale pour le candidat Eric Zemmour, comme lorsqu’il affirme :

« Notre armée souffre. Elle souffre d’un manque d’hommes, d’un manque de moyens, de munitions, de chars, de drones, de frégates. Et surtout, elle souffre d’un manque de vision de la part du chef de l’État et d’un manque de considération de la part des politiciens professionnels. »

La haute bourgeoisie, ainsi que l’état-major de l’armée sait que l’on va vers des déflagrations entre grandes puissances, comme le montre déjà la crise ukrainienne. Et la grande question reste celle de la capacité de mobilisation des armées, d’une quantité de masse mobilisable, de la capacité logistique et industrielle, du lien de confiance entre la société et l’État.

Or, la France ce n’est plus les années 1910, ni même les années 1930 et il s’agit d’actualiser l’idéologie expansionniste aux conditions de l’époque. C’est pourquoi Eric Zemmour a affirmé être le représentant d’une « ligne stratégique », celle du « gaullisme de la Reconquête ». L’enjeu, ce n’est ni plus, ni moins que de trouver le moyen adéquat de mobiliser le peuple sur une base nationaliste-militariste, contre le « grand déclassement » de la puissance française.

Dans cette logique, il a été salué le repli nationaliste exercé par Donald Trump aux États-Unis, une voie à suivre que l’on comprend comme opposée à celle d’Emmanuel Macron qui propose le renforcement de l’Union Européenne avec notamment la construction d’une « armée de la défense européenne », en fait intégrée à la perspective de l’OTAN et de la superpuissance américaine.

A ce point de vue, la division de la bourgeoisie devient toujours plus clair, plus limpide et témoigne des tensions entre grandes puissances et de la bataille pour le repartage du monde au cœur de la France.

Pour réaliser cette ligne, Eric Zemmour a notamment affirmé la nécessité d’un « ministère des armées et de l’industrie de la défense » avec à la clef une hausse de 3,6 milliards d’euros par an dans le budget dit de la défense pour le porter à 70 milliards d’euros en 2030 (il est d’environ 41 milliards actuellement).

C’est là une signal fort pour le complexe militaro-industriel français, tel Dassault, Nexter, Thalès, Safran, etc., et tout le système de la sous-traitance industrielle. C’est faire passer le message que la chaîne logistique et d’approvisionnement va être pleinement assurée et protégée par l’État lui-même, de la manière la plus autonome possible.

Le but est bien évidemment de se désengager au maximum de la coopération européenne, et notamment du partenariat avec l’Allemagne. Mais pour forger un tel ministère et y adjoindre cette hausse conséquente de son budget, il va bien falloir pressuriser les travailleurs alors que la France est endettée jusqu’au cou.

Mais surtout, c’est une tendance au renforcement de l’appareil militaire sur l’ensemble des décisions politiques, sur la politique industrielle elle-même et quiconque n’a pas abandonné les principes de la Gauche historique sait que cela signifie le fascisme.

Dans le cadre de la bataille pour le repartage du monde, les États doivent concentrer et centraliser les décisions, et cela s’exprime dans cette axe néo-gaulliste dit de « l’État-stratège ». Un État-stratège qui s’arme pour la bataille mondiale, et se muscle pour restructurer le capitalisme, pour engager la guerre anti-sociale. Car il faudrait bien embarquer le peuple et les travailleurs dans la marche vers la guerre mondiale de repartage.

A ce titre, il n’est pas étonnant qu’Eric Zemmour ne cesse de se déclarer de manière démagogique « contre la lutte des classes » en assumant la politique néo-corporatiste de la participation portée par le général de Gaulle dans les années 1960. Il s’agit d’unifier le peuple, de le « nationaliser » et d’éviter le moindre grippage social intérieur.

Dans le contexte politique et international actuel, Eric Zemmour apparaît toujours plus en phase avec les préoccupations d’une haute bourgeoisie qui cherche à se sauver par tous les moyens possibles d’un monde capitaliste qui s’effondre sur lui-même.

Jamais le mot d’ordre des antifascistes des années 1930 n’a semblé aussi juste qu’en notre époque, car oui le fascisme, c’est la guerre, c’est la misère. Contre le fascisme et son expansionnisme militaire, il nous faut mobiliser le peuple pour la paix, pour la prospérité, pour faire payer la crise aux riches. Il nous faut le Socialisme. C’est là tout l’enjeu de notre époque !

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Société

Les « Indigènes de la République » ont été remplacés par Eric Zemmour

Le côté pile a remplacé le côté face.

C’est quelque chose d’absolument flagrant : Eric Zemmour est arrivé sur la scène politique française au moment où les « Indigènes de la République » en sortait. Et c’est d’autant plus marquant que le discours d’Eric Zemmour est exactement l’inverse de celui des « Indigènes de la République ». Voilà qui est lourd de sens !

Eric Zemmour dit que la France est par « essence » une bonne chose, tout comme les « Indigènes de la République » expliquait qu’elle était par « essence » une mauvaise chose. Eric Zemmour veut « refranciser » tout comme les « Indigènes de la République » voulaient « décoloniser ». Eric Zemmour pare de toutes les vertus le « Français de souche » abhorré par les « Indigènes de la République », tout comme Eric Zemmour a une obsession en mal des « Arabo-africains » que les « Indigènes de la République » voyaient comme la lumière du monde.

Le parallélisme est indéniable et c’est au fond le même communautarisme, le même rejet de la lutte des classes, la même haine de la Gauche historique. Cela va même encore plus loin, car l’un a remplacé l’autre. Les « Indigènes de la République » sont un mouvement né dans les années 2000 et qui ont connu un énorme succès dans les milieux anarchistes et trotskistes, obtenant une reconnaissance complète au point de contribuer à la naissance d’un nouveau milieu militant, une sorte d’étrange milieu mêlant anarchisme, théorie du genre, « décolonialisme » communautariste, fascination pour l’Islam comme religion des opprimés, haine de la police, culte du virilisme « militant ».

C’est la raison pour laquelle Houria Bouteldja, figure de proue du mouvement, a quitté le mouvement en octobre 2020 pour annoncer un an plus tard… son soutien à Jean-Luc Mélenchon pour la présidentielle 2022, alors qu’effectivement La France Insoumise a été largement touchée par l’irruption de ce nouveau milieu activiste. C’est une convergence logique puisque La France Insoumise ne se revendique plus de la Gauche mais du « populisme », opposant abstraitement un haut et un bas de la société.

Les « Indigènes de la République » avaient jusque-là souvent défrayé la chronique avec leurs thèses post-modernes provocatrices et communautaristes. Et une fois disparu, ils sont remplacés par quelqu’un tenant le même discours qu’eux, mais inversé, Eric Zemmour ! Nul hasard à cela. Leur conception du monde a essaimé, leurs idées anti-universalistes, anti-métissage, anti-collectiviste se sont répandues.

C’est qu’elles sont dans l’air du temps. Les « Indigènes de la République » ont été l’expression petite-bourgeoise d’immigrés cherchant à s’élever socialement en France, Eric Zemmour est l’expression de la bourgeoisie française cherchent à s’élever socialement dans le monde. C’est « moi d’abord », et comme il n’y a aucun mérite, il faut en inventer un, et c’est là qu’on trouve comme dans les années 1920-1930 le thème de la nation, de la « race », de la nation « prolétaire », de la « race » supérieure de parce qu’elle véhicule.

Tout cela est évident pour qui regarde les choses du point de vue de la Gauche historique – à rebours des anarchistes, des trotskistes et de leurs variantes désormais « post-modernes » hantant les universités et le « militantisme » dans les grandes villes.

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Politique

La prétention sociale des discours d’Eric Zemmour et Marine Le Pen

Les meetings d’Éric Zemmour et de Marine Le Pen ont insisté sur la question sociale.

Éric Zemmour a réuni près de 8 000 partisans samedi 5 février 2022 à Lille, pour un meeting centré autour du thème du « pouvoir d’achat ». De son côté, Marine Le Pen a rassemblé près de 4 000 personnes à Reims pour le lancement de la dernière ligne droite de sa campagne présidentielle, où elle s’est présentée comme étant proche du peuple et de ses préoccupations.

Les deux candidats nationalistes représentent des intérêts qui ne sont pas les mêmes, leur ligne politique est différente. Le premier, Eric Zemmour, assume une ligne de droite dure, ouvertement bourgeoise et tournée vers l’affirmation d’une certaine tradition bourgeoise hostile à la classe ouvrière. La seconde, Marine Le Pen, a développé depuis 2012 un discours nationaliste destiné aux classes populaires et à la petite-bourgeoisie (celle-ci étant extrêmement nombreuse en France), en leur expliquant que le problème serait surtout (voire uniquement) la mondialisation, le « mondialisme », et qu’il faut se rallier au nationalisme.

Autant l’un que l’autre, pour être élu ou en tous cas exister politiquement, doivent porter un discours à destination des classes populaires et aborder les questions sociales. Pour Marine Le Pen cela n’a rien de nouveau et ce qu’elle a dit pour lancer sa campagne est dans la continuité des dix dernières années. Eric Zemmour a par contre besoin d’appuyer sur cette question, pour élargir sa base électorale, son influence dans la société française.

Son principal argument est celui de la lutte contre l’immigration, comme s’il s’agissait là d’un remède magique pour dégager partout de nouveaux budgets. C’est un populisme racoleur, faisant fi de la réalité : l’immigration n’existe pas en dépit du capitalisme et de la bonne marche de la France capitaliste, mais précisément à son service. Si les dépenses de l’État à destination des personnes dans différentes situations d’immigration sont grandes et multiples et bien souvent illégitimes en tant que tel, les personnes immigrées (clandestines ou non) sont largement intégrées à l’économie française et sa marche. Ce sont surtout les chefs d’entreprises qui veulent de l’immigration, mais cela, Eric Zemmour n’en parle jamais.

Ce qui l’intéresse par contre, c’est que les ouvriers ne s’en prennent surtout pas à leur patron, et encore moins à la bourgeoisie en général. Ses propos ont été très clairs à ce sujet, dans la plus pure tradition nationaliste du 20e siècle :

« Face à la folle lutte des classes et l’injuste loi de la jungle, je serai le Président de la réconciliation des classes, le Président qui réunira l’entrepreneur et le travailleur »

Dans le Nord, terre historique du Socialisme en France, il a prétendu s’adresser aux ouvriers en faisant du Donald Trump :

« Ici plus qu’ailleurs, l’assistanat est une insulte. Je sais combien ici dans les classes populaires aux classes moyennes, on déteste l’assistanat. »

C’est vrai, mais tout à fait secondaire. Le problème des ouvriers est d’abord le mode de vie de la bourgeoisie qui détourne les richesses à son profit et dessine le monde à son image. Mais Eric Zemmour ne veut surtout pas s’en prendre à la bourgeoisie et aux entrepreneurs capitalistes.

Sa principale mesure annoncé lors du meeting, sur la question du « pouvoir d’achat » donc, consiste précisément en un cadeau à leur égard en abandonnant les cotisations sociales (servant à la protection sociale) pour des primes allant de 3000 euros à 5000 euros, ce qui est gigantesque. Il a parlé d’une « une prime 0 charge pour 0 URSSAF » en expliquant :

« À vous chefs d’entreprise, voilà comment vous augmenterez les salaires. À vous salariés, voilà comment votre pouvoir d’achat augmentera. »

C’est une mesure de droite dure, classiquement ultra-libérale et anti-sociale, malgré sa prétention sociale. Tel n’est pas le cas de Marine Le Pen, pour qui le nationalisme passe au-dessus de la considération bourgeoise traditionnelle de droite, ou comme l’a dit en introduction du meeting Jordan Bardella le président du Rassemblement national, en visant Eric Zemmour :

« Notre projet à nous n’est pas de sauver la Droite mais de sauver la France.»

C’est pourquoi Marine Le Pen a déroulé tout un tas de propositions à caractère social, la plupart inacceptables pour la Droite :

– revalorisation significative du salaire des enseignants ;
– réindexation des retraites sur l’inflation ;
– prime pour l’emploi spécifique pour les étudiants ;
– augmentation de 200 euros de salaires pour les jeunes en en alternance et en apprentissage ;
– augmentation de 1000 euros l’allocation enfant handicapé ;
– augmentation des salaires de 200 euros « à tous les ménages français ».

Marine Le Pen n’est pas pour autant de gauche évidemment, et assume aussi des mesures libérales :

– baisse de la TVA à 5% sur le fioul, le gaz, le carburant ;
– suppression des frais de successions sur les maisons de famille ;
– suppression de l’impôt sur le revenu pour tous les moins de 30 ans ;
– allègements « significatifs » de charges pour les très petites, petites et moyennes entreprises.

L’aspect principal de son discours et de ses propositions restent bien sûr le nationalisme (qu’elle nomme localisme et patriotisme), avec pour cela un romantisme pseudo-historique visant à mobiliser les classes populaires derrière le drapeau national.

Profitant d’être à Reims, où Clovis a été baptisé et où les rois de France ont été sacrés, elle a raconté :

« Mes chers compatriotes, la France doit se souvenir des promesses de son baptême. Ce serment sacré, ce pacte millénaire, voilà le rêve français qui doit nous animer. Faites confiance à cet idéal, à vos idéaux. Ensemble nous allons rendre aux Français la France qu’ils aiment. »

Peu importe que cela ait du sens ou non, car la France n’existait pas ni n’était en germe à l’époque de Clovis, car là n’est pas la question pour Marine Le Pen. Ce qui compte n’est pas la réalité, mais de prétendre à résoudre les questions sociales par le nationalisme.

Nous voilà donc revenus avec Eric Zemmour et Marine Le Pen aux nationalismes des années 1930, qui ont trusté la vie politique européenne à l’époque, en concurrence avec le Socialisme (social-démocrate ou communiste).

La caractéristique fondamentale du nationalisme au 20e siècle a été l’assimilation de la question sociale à la question nationale. C’est, au sens strict, la définition du fascisme pour qui le national, c’est le social, et inversement. On pensera au « national-socialisme » d’Hitler, mais cela est vrai pour toutes les variantes du fascisme, qui très souvent puisent leur origine à gauche, ou plus précisément dans les déviations de la Gauche.

Cela s’oppose bien sûr à l’internationalisme prolétarien qui définit le Socialisme. La Gauche historique dit que la nation n’est qu’un cadre dans lequel s’exprime la question sociale, car l’aspect principal des rapports sociaux est la lutte des classes, principalement entre la bourgeoisie et la classe ouvrière.

Au 21e siècle, rien n’a changé. La Gauche authentique, ou ce qu’il en reste, dit que le capitalisme en tant que mode production est dépassé, que la bourgeoisie mène le monde à sa perte, que cela soit socialement, mais aussi en ce qui concerne la civilisation elle-même, avec comme aspects principaux les questions de la culture et de l’écologie, et en toile de fond la question de la guerre.

De fait, le nationalisme mène à la guerre. C’est une lutte des classes, non pas entre pays, mais entre bourgeoisies de différents pays qui sont en concurrence et luttent pour leur hégémonie ou leur survie, et qui font payer cela aux peuples ; partout et toujours, ce sont les peuples qui sont les victimes de ces guerres, et c’est pourquoi ils ne doivent jamais tomber dans le piège du nationalisme.

Les prétentions sociales des nationalistes Eric Zemmour et Marine Le Pen sont un piège tendu aux classes populaires. Seule une Gauche forte et assumant ses fondamentaux historiques permettra de s’y confronter… Et cela implique la politique.

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Politique

La reformation de la Droite s’accélère autour d’Eric Zemmour

Conformément à l’époque, la Droite se durcit.

Eric Zemmour sera-t-il au second tour de l’élection présidentielle au printemps prochain ? Probablement pas, mais ce n’est pas une certitude. Et surtout, ce n’est pas tant la question. Ce qu’il faut voir, c’est qu’Eric Zemmour n’est que le produit d’une situation en particulier, et que sa signification politique ne consiste en rien d’autre que la recomposition de la Droite, reflétant un changement d’époque. C’est de toute la période à venir dont il est question.

Plutôt que de recomposition, il faut d’ailleurs parler de reformation d’une Droite véritable avec une ligne dure, assumant la confrontation et les grands clivages socio-culturels. Eric Zemmour est en train de réussir ici ce que Marine Le Pen n’a pas été en mesure de faire, de par sa position à la fois trop isolée sur le plan culturel (étant considérée comme « extrémiste ») et trop sociale sur le plan économique (ce que, en raison de la crise, la bourgeoisie n’est pas en mesure d’assumer).

Eric Zemmour représente lui une droite capable de cogner fort, tant culturellement pour mobiliser derrière le drapeau national, que socialement pour porter la restructuration économique contre les ouvriers. C’est cela qu’illustre sa position à mi-chemin entre la droite classique et la droite « nationale », c’est-à-dire nationaliste.

Les derniers ralliements à Eric Zemmour en provenance du camp de Marine Le Pen sont donc des marqueurs très forts, qui assoient sa position de réformateur de la Droite. On parle ici de cadres et de personnalités majeures de l’entourage de Marine Le Pen, qui la plantent en plein vol à quelques semaines de l’échéance électorale.

Il y a eu Damien Rieu, figure de Génération Identitaire, une structure qui fut dans les années 2010 une sorte de centre de formation de la jeunesse pour le Rassemblement national. Il avait rejoint le RN et en fut un cadre important. Il a claqué la porte jeudi 20 janvier avec un communiqué expliquant que le RN est en recul, que la dynamique est maintenant du côté d’Eric Zemmour. Dans une interview du dimanche 23 janvier, il explique que son objectif est en quelque sorte d’obtenir le ralliement de Marine Le Pen (en tous cas de son électorat) à Eric Zemmour pour le second tour de l’élection présidentielle.

La veille, il y avait eu le ralliement de l’eurodéputé Jérôme Rivière, qui n’était pas moins que le patron de la délégation RN au Parlement européen. Celui-ci considère de la même manière que Marine Le Pen n’est plus en mesure de gagner les élections, alors que le positionnement Droite dure d’Eric Zemmour est par contre considéré comme satisfaisant à « l’urgence » de la situation. C’est un ralliement très important politiquement, et Eric Zemmour considère lui-même qu’il «symbolise [l’] union des droites» (ou plutôt, donc, la reformation de la Droite).

Mais la principale figure « lepeniste » ayant rejoint Eric Zemmour est bien sûr Gilbert Collard, avec une annonce faite en grande pompe pendant un meeting à Cannes. Sur le plan idéologique, Gilberd Collard ne représente pas grand-chose, lui qui n’a jamais été encarté au RN et qui est surtout une sorte d’opportuniste qui s’imagine être une « grande gueule », être dans le vrai, au dessus du lot, etc.

Sur le plan symbolique, c’est une perte énorme pour Marine Le Pen, car il représentait l’un de ses seuls « gages » venu de la société civile comme il est d’usage de le dire pour nommé des gens considérés comme non-strictement politique ou idéologique. Gilbert Collard, pour les personnes qui ont plus de 30 ans, est une figure médiatique incontournable, représentant une notoriété indéniable. C’est une sacré « prise de guerre » pour Eric Zemmour, qui en dit long sur la dynamique qu’il incarne.

A côté de cela, il y a eu également, venant de la droite classique, Guillaume Peltier, dont le ralliement dit contribuer à pousser Valérie Pécresse et les républicains vers le centre, pour aider justement Eric Zemmour à occuper le plus d’espace possible à Droite.

Tout cela est récent, en formation, mais il y a une dynamique énorme autour de cette droite dure. Il s’agit de l’actualité politique majeure, montrant la tendance à venir pour les prochaines années, bien au-delà des échéances électorales du printemps 2022. À la Gauche d’être à la hauteur pour y faire face, mais pour cela il faudra puiser dans les fondamentaux historiques en levant le drapeau rouge de la classe ouvrière et de l’internationalisme anti-guerre.

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Guerre

Eric Zemmour en visite de Noël sur une base militaire

Nationalisme et militarisme vont de pair.

La veille du réveillon de Noël, Eric Zemmour s’est rendu sur une base militaire, en Côte d’Ivoire. Surtout, il l’a fait savoir. Contrairement à l’usage, qui est que les candidats à la présidentielle (et les personnalités politiques en général) peuvent visiter les armées, mais doivent le faire en toute discrétion, Eric Zemour lui a publié des photos et a saisi cette occasion pour diffuser un message destiné aux militaires.

Le message, d’un lyrisme guerrier ridicule pour quelqu’un de gauche, mais faisant mouche pour les gens de droite à qui il est adressé, est évidemment une ode à l’armée française et un appel à la renforcer. Son positionnement est ainsi clairement celui des fractions les plus agressives de la bourgeoisie française, appelant à un renforcement de l’impérialisme français sur le mode du cavalier seul, avec justement son armée comme moyen de peser internationalement.

Eric Zemmour et son directeur de campagne le général Bertrand de la Chesnais

Ses propos phares vont dans le sens du bellicisme, pour lancer la France encore plus en avant dans la bataille pour le repartage du monde :

« J’accorderai une attention particulière aux moyens qui seront alloués à notre défense et à nos armées, ainsi qu’à leur déploiement, afin de porter avec force notre indépendance qui redeviendra notre fierté. »

« La France « fut faite à coup d’épée », disait le général De Gaulle [sic, car Eric Zemmour fait une faute, il ne sait apparemment pas que c’est « de Gaulle » et pas « De Gaulle » ]. La France prendra soin de son épée ! »

Eric Zemmour a donc choisi une base militaire à l’étranger, d’abord pour se donner une posture de chef d’État allant sur un « théâtre d’opération », mais aussi pour bien marquer sa politique d’appui à la France en verve impérialiste, avec la diffusion de son armée dans le monde parallèlement à la superpuissance américaine.

Remarquons toutefois ici qu’en pratique, Eric Zemmour n’était pas du tout sur un théâtre d’opération, mais dans une base bien tranquille d’Abidjan, une grande métropole africaine très stable. Il ment ainsi éhontément en prétendant être « auprès des soldats engagés dans l’opération BARKHANE », alors que les forces françaises de Côte d’Ivoire du camp de Port-Bouët ne font pas partie de l’opération Barkhane, mais lui servent éventuellement d’appui logistique, voire de renfort en cas exceptionnel, mais au même titre que n’importe quelle autre base.

Ce n’est toutefois pas là l’essentiel. Ce qui compte, c’est qu’Eric Zemmour a été accueilli et pris en photos avec des militaires, et qu’il leur a rendu visite avec son directeur de campagne Bertrand de la Chesnais, qui est ancien général de l’Armée de Terre, lui-même considéré comme étant proche du nationaliste-conservateur Philippe de Villiers.

De son côté, l’Armée, comme institution, n’a pas condamné la petite opération d’Eric Zemmour de se montrer auprès de militaires et de communiquer là-dessus. Il n’y a que du côté du gouvernement, c’est-à-dire des civils, et en l’occurrence du porte-parole du ministère des Armées, qu’il y a eu une réaction. Ce dernier a bien sûr condamné le « coup » politique d’Eric Zemmour, rompant avec l’usage de la discrétion et de la « neutralité ».

C’est qu’Eric Zemmour assume tout à fait une ligne de Droite dure, agressive, qui n’hésitera pas à s’appuyer sur l’armée, à la déployer, dans le cadre d’un nationalisme français excité par le contexte de crise internationale.

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Politique

Reconquête ! d’Eric Zemmour: la naissance d’un grand mouvement de droite «dure»

L’UNI a son parti…

En lançant son nouveau parti nommé Reconquête !, Eric Zemmour réactive la militance de Droite. Autour de lui, il y a en fait tout ce que la Droite compte de cogneurs, de « fachos » adeptes du coup de force et de l’action directe, bref, de militants.

Il faut penser ici bien sûr à l’organisation étudiante UNI, typique de cette démarche militante dure de la Droite… Et donc avec Reconquête !, ces gens ont maintenant une organisation ayant une envergure nationale et une audience massive.

C’est justement cette mouvance qui est à l’origine de la candidature d’Eric Zemmour, et donc de son nouveau mouvement. On retrouve comme personnage principal (en tant que première conseillère politique) la jeune Sarah Knafo (née en 1993), qui est une des principales organisatrices de la fameuse « Convention de la droite » en 2019. Nous avions bien insisté dessus à l’époque : cette convention était un moment clef pour cette Droite militante, autour de la figure politico-idéologique de Marion Maréchal. C’était l’affirmation d’un néogaullisme conquérant, en mode « dur », dans le sens de rentre-dedans, assumant franchement la confrontation.

Il faut ajouter à cela évidemment tout l’apport politique et surtout culturel de la mouvance des identitaires. Ces gens, pendant les années 2010, ont eu en quelque sorte le rôle de mouvement de jeunesse militante parallèle au Front national (devenu Rassemblement national), mais sur une base bien plus à droite que ce que faisait Marine Le Pen. Tous ces apports, des identitaires à Marion Maréchal en passant par l’UNI, de la Droite militante dure donc, synthétise maintenant quelque chose autour d’Eric Zemmour. Et cela se fait maintenant avec des relais haut-placés, en l’occurrence le Général de la Chesnais qui est maintenant directeur de campagne d’Eric Zemmour. On parle ici de quelqu’un ayant été major général de l’armée de terre de 2014 à 2017 (soit le « numéro 2 » de ce corps). Sans surprise, ce général quatre étoiles est un proche du général Pierre de Villiers, dont nous avons régulièrement parlé ici.

Il y a comme organe de presse surtout le magazine Valeurs Actuelles, qui assume, diffuse et génère cette ligne de droite dure, en mode militant. On y lit beaucoup de choses allant dans le sens de la candidature d’Eric Zemmour, mais surtout d’une nouvelle droite dure et militante.

C’est, dit autrement, tout l’inverse de la Droite libérale et technocratique représentée par Valérie Pécresse (vainqueur de l’investiture de la Droite au congrès Les Républicains) ou encore du quotidien Le Figaro. La droite dure de Reconquête ! vise bien sûr Les Républicains également, avec des « noms » comme Guillaume Pelletier ou Eric Ciotti (second du congrès Les Républicains pour l’investiture de la Droite à la présidentielle), qui assument ouvertement leur proximité avec Eric Zemmour.

Il y a là tout un magma, quelque chose de nouveau et de très dangereux qui prend forme. Cela change considérablement la donne politique en France pour la Gauche. Il va falloir être à la hauteur, avec tout le sérieux idéologique et la dimension culturelle qu’il faut pour faire face à cette nouvelle vague de droite dure. Marion Maréchal avait prédit et milité pour un « mai 68 » de Droite… C’est clairement ce qui est en train de se passer avec Eric Zemmour et son mouvement Reconquête ! attirant une génération de militants radicaux qui n’hésitent pas à user de la force, politique certes, mais aussi physique, pour peser et exister.

Rappelons ici les nombreuses arrestations de militants d’extrême-Droite, présentés par l’État comme d’ultra-Droite et retrouvés en possession d’armes, d’explosifs, etc. C’est une expression de la crise, une polarisation violente caractérisant la lutte des classes.

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Eric Zemmour: la « Reconquista » national-populiste

Le mythe de la « reconquête » contre le « grand remplacement ».

Le candidat à la présidentielle 2022 Eric Zemmour a tenu dimanche 5 décembre 2021 son premier grand meeting de campagne à Villepinte, en région parisienne. Devant une foule d’au moins 12 000 personnes qu’il a sans-cesse harangué à la manière d’un tribun, le nom de son nouveau parti a été dévoilé : Reconquête!

Le terme a été répété à de nombreuses reprises, comme un fil conducteur marquant une idée forte et incontournable. C’est évidemment une référence à la « Reconquista », terme castillan désignant la reconquête de l’Espagne par les chrétiens face aux différents peuples musulmans. Débuté en 722 et aboutissant en 1492 par la prise de Grenade, la « Reconquista » fait désormais figure de mythe mobilisateur identitaire.

Ce genre de lutte d’influence territoriale du Moyen Âge n’a évidemment rien à voir avec la modernité des nations au XXIe siècle, mais c’est justement cela qui est utile et efficace pour un Eric Zemmour. Ce dont il a besoin, ce dont il est l’expression, ce n’est pas la rationalité, ni l’Histoire avec un grand « H », bien au contraire.

Eric Zemmour est un dangereux populiste, car il galvanise les foules avec des raccourcis faciles, de fausses grandes idées clefs en mains empêchant toute réflexion et prise de conscience politique sérieuse et constructive. Ce qu’il vise, c’est maintenir la France petite-bourgeoise et pantouflarde dans son fantasme d’un âge d’or des années 1950-1960 avec d’une prétendue vie paisible et harmonieuse. La base de son audience, c’est typiquement les gilets-jaunes, la France des petits entrepreneurs qui veulent un État fort et puissant, mais ne surtout pas payer d’impôts ni ne respecter de normes sociales et collectives.

Ce qu’il y a en réalité, c’est que le capitalisme est en crise, et qu’il a besoin d’un Eric Zemmour pour abrutir les consciences et détourner les regards des vraies questions. Le nationalisme est ici la substance parfaite, le poison terriblement efficace pour ne pas assumer la réalité. Alors Eric Zemmour est là pour parler de « reconquête » (sous entendu, de la France), face à ce qu’il nomme le grand remplacement. S’il gagne dit-il, « ce ne sera pas une alternance de plus, mais le début de la reconquête du plus beau pays du monde ».

La cible de la reconquête est évidemment, et sans aucune ambiguïté, l’immigration musulmane, dont il a parlé à de nombreuses reprises durant son meeting. Il n’a presque parlé que de ça d’ailleurs, ciblant ici l’islam, là « l’immigration venue de l’autre côté de la méditerranée ».

Voici un petit extrait qui résume quasiment à lui seul ses 1h30 de meeting national-populiste à la Donald Trump :

« Depuis des mois, je sillonne la France, je rencontre les Français. Deux craintes les hante : celle du grand déclassement, avec l’appauvrissement des Français, le déclin de notre puissance et l’effondrement de notre école, et celle du grand remplacement, avec l’islamisation de la France, l’immigration de masse, l’insécurité permanente ».

Il ne s’agit pas là de racisme à proprement parler, et d’ailleurs Eric Zemmour se défend d’avoir une vision nationaliste fondée sur une pureté racialiste de type national-socialiste : « Comment pourrais-je penser cela, moi, petit juif berbère venu de l’autre côté de la méditerranée ? ».

Non, le cœur de sa démarche, le fondement de son existence, c’est simplement de galvaniser la foule et la diriger vers le nationalisme ; le ciblage de l’immigration musulmane n’est ici qu’un moyen, un outil servant à raccourcir les choses et empêcher la réflexion sociale. Cela sert le racisme bien sûr, le racisme lui est utile, évidemment, mais c’est bien pire que cela.

Il veut faire croire aux gens qu’on pourrait faire disparaître la crise du capitalisme, et qu’il suffirait pour cela de rejeter les musulmans trop musulmans, d’avoir une immigration zéro, de restreindre le droit d’asile à quelques vraies demandes depuis les consulats, d’en finir avec le regroupement familial, de supprimer l’aide médicale d’État et le droit du sol, de durcir les conditions de naturalisation, de renvoyer les clandestins, d’expulser les délinquants étrangers, de déchoir de leur nationalité les criminels bi-nationaux ou encore d’expulser les chômeurs étrangers au bout de six mois…

C’est un formalisme typiquement bourgeois, très RPR (le parti de la Droite conservatrice-populaire avec Jacques Chirac) des années 1980. D’ailleurs, à la fin de son discours, Eric Zemmour a largement insisté sur sa filiation avec cette Droite de la fin du XXe siècle.

Et en effet, c’est un homme de droite, mais d’une Droite en temps de crise, ayant besoin de gens furieusement aveuglés par le nationalisme et prêts à tout pour défendre le capitalisme français dans la grande bataille pour le repartage du monde engendré par la crise.

Eric Zemmour est en ce sens très dangereux, car il simplifie tout et ratisse large. Ses simplifications et ses tirades populistes sont très efficaces dans un pays aussi riche que feignant intellectuellement qu’est la France (à l’image de la plupart des autres grands pays capitalistes). Il assume donc sans ambage de marcher sur les plates bandes de la Droite et de l’extrême-Droite :

« je veux rendre le droit de vote aux électeurs du front national et je veux rendre la droite aux électeurs de LR »

L’opposition à Eric Zemmour est l’actualité politique principale et incontournable de la Gauche actuellement. Cette opposition ne pourra gagner que si elle est massive et populaire, que si elle est fondée sur l’intelligence et la foi en la société. Si donc elle se fonde sur la Gauche historique.

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5 décembre 2021 : Éric Zemmour du Zénith au Parc des expositions de Villepinte

Comment interpréter ce changement de lieu ?

Le meeting du 5 décembre 2021 est très important pour Eric Zemmour. C’est le premier depuis qu’il s’est déclaré candidat et il va falloir qu’il abatte ses cartes, qu’il présente des soutiens ayant un certain poids. Et il va falloir qu’il fonde un mouvement politique, ce qui est bien entendu une terrible menace d’extrême-Droite de plus. C’est d’ailleurs l’aspect principal de la question.

Cela va en effet jouer sur tous les mois qui suivent, avec le risque d’être un mouvement de masse. D’ailleurs, Eric Zemmour a modifié le lieu du meeting. Initialement, cela devait être au Zénith de Paris, qui a 6 000 places. Mais devant l’affluence de demandes, le meeting est déplacé au parc des expositions de Villepinte, non loin de l’aéroport Charles-de-Gaulle.

Est loué le hall 6, d’environ 45 000 m2 et accueillant 20 000 personnes. C’est là quelque chose de terrible, bien entendu. Car même si Eric Zemmour ne gagne pas la présidentielle, il joue un très grand rôle dans la réorganisation de la Droite, avec l’établissement de troupes de choc prêts à la confrontation.

On notera ici que ce déplacement est interprété différemment par le porte-parole de la Jeune Garde, structure qui appelle à une manifestation de protestation contre le meeting, avec deux structures syndicales : la CGT Paris et Solidaires.

Il va de soi que s’il y a plus de 6 000 personnes à Villepinte, cette argumentation tombe à l’eau. Mais là n’est pas la question : ce qui compte, c’est de voir quelle est la nature d’Eric Zemmour. Faut-il le considérer comme une fin en soi ou comme un outil pour le Fascisme comme tendance historique?

Eric Zemmour fait-il des choix lui-même? Ou bien est-il porté par une tendance historique?

C’est le grand problème de la personnalisation. Il est vrai qu’Eric Zemmour en rajoute à ce niveau. Comme avant lui Donald Trump, ou comme toutes les figures populistes, nationalistes, en appelant à l’irrationnel. Seulement, c’est un piège dans lequel il ne faut justement pas tomber.

Car le fascisme est une tendance, qui transcende les individus qui sont à son service. Il suffit de se rappeler du parcours originel d’Adolf Hitler, un simple soldat, de Benito Mussolini, un cadre socialiste, ou bien d’Oswald Mosley, un député. Eric Zemmour était quant à lui initialement un journaliste besogneux, qui encore il y a quelques années n’aurait même pas imaginé son parcours actuel. Tous ces gens n’ont pas choisi. Ils sont devenus des outils.

Dans quelle mesure sont-ils des outils, c’est là la vraie question. Et en fondant un mouvement organisé de « droite dure », sur une base nationaliste, Eric Zemmour joue ici un rôle éminent. C’est cela qu’il faut bien voir, en portant un regard profond, allant au-delà des apparences trompeuses.

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Présidentielle 2022 : le gaulliste-pétainiste Eric Zemmour officialise sa candidature

C’est une tentative de synthèse fasciste.

Mardi 30 novembre, le polémiste d’extrême-droite Eric Zemmour a officialisé sa candidature à l’élection présidentielle 2022 dans une courte vidéo publiée sur YouTube. La mise en scène fait ouvertement référence à l’appel du 18 juin du général de Gaulle, avec pareillement un micro imposant, des notes papiers lues en direct, jusqu’à la disposition de l’homme par rapport au micro.

Cette référence à de Gaulle est incontournable pour toute démarche nationaliste française se voulant conséquente. C’est exactement ce qu’a compris et mis en place Marine Le Pen depuis 2012 justement, avec une ligne néo-gaulliste représentant directement les intérêts du grand capital français.

Toutefois, et c’est flagrant pour n’importe qui ayant les bases de la culture politique française, Eric Zemmour a tout autant un discours pétainiste qu’il se veut gaulliste, et inversement. Ou, comme l’a dit Olivier Faure le premier secrétaire du Parti socialiste avec un bon mot (et une faute) :

« Le micro de De Gaulle [sic] mais le discours de Pétain. »

Il y a en effet dans cette vidéo de 10 minutes du néo-candidat tout ce que la Gauche qualifie (et conspue) de pétainiste : le fantasme d’un pays « éternel » à défendre comme sa propre chair, le rejet romantique du monde moderne, une tendance évidente à la xénophobie et au repli culturel, les raccourcis haineux plutôt que la compréhension sociale des choses.

D’ailleurs, Eric Zemmour s’était fait remarquer ces derniers temps pour des propos on ne peut plus polémique réhabilitant la figure du Maréchal Pétain, pourtant honnie (formellement, mais pas forcément en pratique) par tout le spectre politique français. Il doit donc forcer les choses pour appuyer sur son côté « gaulliste » avec une mise en scène grotesque. Cela jusqu’à évoquer directement, dans sa liste-inventaire de figures françaises, le général de Gaulle et le chef de la Résistance (bourgeoise) Jean Moulin.

Il ne faudrait pas faire l’erreur de penser qu’il ne s’agit ici que d’opportunisme ou de communication de surface. Ce qu’il y a en jeu est ni plus ni moins que la tentative de la formulation d’un fascisme français du XXIe siècle.

Marine Le Pen est allée très loin en ce sens, en travaillant au corps la société française de manière minutieuse pendant des années. Mais elle a un gros problème, c’est qu’elle apparaît bien trop « gaulliste », c’est-à-dire pas assez « pétainiste », donc pas assez à droite, aux yeux de la bourgeoisie.

Eric Zemmour représente une proposition similaire, mais inversée. Il a lui aussi longuement travaillé au corps la société française ces dix dernières années, mais franchement par la droite, de manière très « pétainiste » et probablement pas assez « gaulliste » pour la grande bourgeoisie qui a des vues impériales et qui a besoin d’une adhésion populaire aux projets nationalistes. Alors Eric Zemmour tente sa chance avec la mise en scène du micro « gaulliste », pour dérouler le discours « pétainiste » expliquant qu’on ne reconnaîtrait plus le pays, que l’idéal serait la France des années 1950 avec des garçons en culotte courte jouant dans la rue comme dans un film en noir et blanc.

C’est très caricatural bien sûr, c’est exactement le pendant des discours post-modernes (ou « woke ») voulant tout déconstruire de manière aussi agressive qu’unilatérale, au nom du turbocapitalisme. C’est donc du niveau du café du commerce, c’est-à-dire bas de plafond et rageux.

C’est, pour le dire autrement, tout l’opposé de l’esprit Charlie, typiquement français, voulant la synthèse culturelle, et rejetant le conflit.

Alors, est-ce la vidéo de trop pour Eric Zemmour, qui marquerait la fin d’un phénomène et d’une expérience ? On peut l’imaginer, par exemple quand on voit la violence avec laquelle le quotidien traditionnel de la Droite, Le Figaro, tacle le néo-candidat dans son éditorial du premier décembre :

« Pourquoi un journaliste, sans parti, sans mandat, sans aucune expérience politique, est-il venu percuter cet automne de campagne?

Certes, la société liquide, celle de la compulsion numérique qui permet les roulades de MacFly et Carlito à l’Élysée et envisage Cyril Hanouna comme animateur du débat d’entre-deux-tours, rend tout, même l’impensable, possible.

Il serait pourtant paresseux de s’arrêter à cette écume pour comprendre le phénomène. »

La bourgeoisie française a besoin de sérieux et d’une figure ayant les épaules solides pour mener ses desseins. C’est probablement pourquoi le présentateur du 20H de TF1 a osé, de manière incroyablement irrévérencieuse, demander à Eric Zemmour s’il ferait par exemple un doigt d’honneurs aux autorités britanniques en négociant avec eux sur l’épineuse question de l’île Jersey… (c’est une référence au fait qu’Eric Zemmour a fait un doigt d’honneur à une passante lui en faisant un).

Cependant, l’Histoire est ce qu’elle est et personne ne peut la prédire dans le détail. Eric Zemmour a un rôle historique, il est une contribution majeure à la tentative de formulation d’un fascisme français du XXIe siècle. Sa candidature à la présidentielle reste à considérer de manière sérieuse, pour s’y opposer fermement et profondément.

Cette contradiction « pétainiste »/« gaulliste », tant qu’elle n’est pas résolue dans une nouvelle synthèse politique, est certainement autant de temps de gagner pour la gauche et les forces démocratiques en France, repoussant la victoire du fascisme.

On peut très bien se dire que les voix allant à Eric Zemmour n’iront pas à Marine Le Pen, et inversement, et que cela pourra suffire à les disqualifier. On peut se réjouir du fait que Marine Le Pen voit rouge en ce moment justement pour cette raison, et qu’elle est très agressive à l’encontre du néo-candidat dont elle qualifie la déclaration vidéo de « passéiste et crépusculaire ».

Mais cela ne change rien au fait que le fascisme avance à grands pas en France en raison de la crise, qu’il synthétise justement ses positions de manière toujours plus précise, à mesure que la crise s’intensifie et qu’il se généralise à tous les aspects de la vie. Eric Zemmour n’est ni plus ni moins qu’un produit de cette crise, il représente une des tentatives de la bourgeoisie de sauver les meubles du capitalisme par le nationalisme.

Car ce qui se joue derrière, c’est la bataille pour le repartage du monde. En fait, qui ne voit pas la guerre arriver ne peut pas voir le fascisme et l’analyser adéquatement : c’est cela qu’il faut bien comprendre.

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L’erreur d’appréciation à propos du fascisme en France

Éric Zemmour, Marine Le Pen relèvent du fascisme, mais faut-il encore saisir ce que signifie le fascisme en France.

Il y a un problème terrible en France : le fascisme n’est pas compris dans sa substance. Il est toujours analysé comme un décalque d’un modèle extérieur au pays, comme les modèles italiens et allemands. Et de fait, le décalque n’est jamais parfait, et il est donc proclamé que le fascisme français n’existe pas vraiment.

Quand Éric Zemmour parle d’unir la bourgeoisie patriotique et les classes populaires pour « sauver la France », c’est un élément capital du fascisme. Un même état d’esprit qui se retrouve chez Marine Le Pen écrivant une tribune dans « Les Echos » pour « augmenter les salaires et préserver la capacité des entreprises françaises à rester profitables et compétitives ».

Quand on a un minimum étudié l’Histoire, il apparait que le fascisme est un mouvement de masse qui cherche à unir les classes sociales dans un projet de grandeur nationale. La division du peuple sur une base ethnique n’est qu’un moyen, non pas la finalité du projet fasciste. La finalité, c’est la sauvegarde d’une puissance en perte de vitesse, et pour cela il faut couper court à la lutte des classes.

Mais le problème en France, c’est que le fascisme est opposé formellement à la République. Cela est lié à l’opposition De Gaulle / Pétain qui forme un obstacle idéologique de taille pour l’analyse. Car avant 1940, il y a deux lignes dans l’extrême-droite française : celle, historique, pro-monarchiste, liée aux réseaux de l’armée, arc-boutée sur l’idée d’un putsch minoritaire, et celle portée par le colonel de la Rocque avec son Parti Social Français.

En juillet 1940, avec Pétain, c’est la victoire du courant monarchiste et minoritaire des officiers et des ultras de la collaboration, sur le mouvement du Colonel de La Rocque, qui avait proposé un fascisme authentiquement français. C’est lui qui a été à la base d’une véritable révolution intellectuelle. Son apport est capital, et pourtant si simple : en France, la République est trop installée, trop enracinée pour être contestée.

Les ligues d’extrême-droite, celles de l’Affaire Dreyfus, du 6 février 1934, sont nées sur le terrain politique du catholicisme social et sur la base d’une défense de la Monarchie. Pour de la Rocque, elles ne peuvent qu’échouer dans leur entreprise de mobilisation. Et s’il y a une caractéristique fondamentale du fascisme, c’est bien celle de mobiliser socialement les gens dans un sens nationaliste.

Les réseaux des Ligues, c’était surtout la petite caste de militaires, d’officiers qui surent sauvegarder l’héritage catholique- monarchiste après la victoire de la IIIe République à la fin du XIXe siècle. Il suffit de lire n’importe quelle autobiographie de hauts gradés du début du XXe siècle pour voir à quel point Charles Maurras ou Charles Péguy forment des cadres idéologiques pour cette couche sociale.

Lorsque le Colonel de la Rocque forme son « Parti Social Français » en 1936, il va très vite atteindre plus d’un million d’adhérents. Il fait vivre des clubs de sports, tient des jardins ouvriers, animent des réunions de femmes, tout en générant des sections paramilitaires, entrainées et relativement bien armées.

Voici par exemple un extrait du programme du PSF, une base véritable à la pensée de De Gaulle plus tard :

« Nous voulons un État dégagé des influences anonymes et irresponsables : coalitions de partis, de clientèles, d’industries, de banques, de journaux, d’agence, etc. […] Le Président de la République, chef effectif de l’État cessera d’être le personnage effacé qu’il est devenu par l’effet d’une lingue coutume, contraire à l’esprit de la Constitution elle-même. »

Tout cela sur une base claire : la République ne doit pas être heurtée de plein fouet, mis investie pour en transformer le contenu dans un sens nationaliste afin de dépolitiser la société et ainsi barrer la route à la Gauche socialiste et communiste.

Ce que de la Rocque n’a pas pu faire à cause de l’occupation de la France par le régime nazi, c’est le général De Gaulle qui s’en réclamera dans le discours de Bayeux en 1946, puis l’appliquera en 1958 avec la Ve République, cette « monarchie républicaine » vantant la collaboration de classe et un chef au-dessus des partis politiques. Le RPF sera l’héritier du PSF :

« Le salut vint d’abord d’une élite, spontanément jaillie des profondeurs de la nation et qui, bien au-dessus de toute préoccupation de parti ou de classe, se dévoua au combat pour la libération, la grandeur et la rénovation de la France. (Bayeux, 1946) »

Quand Éric Zemmour ou Marine Le Pen se présentent comme des défenseurs de la République, ils le font sur cette base fasciste française où il est sauvegardé la forme institutionnelle pour mieux modifier le fond politique et idéologique. Cela est d’autant plus aisé que le régime n’est plus parlementaire, mais justement une République présidentielle…

Le fonds du fascisme dans ce pays, c’est une sorte de néo-gaullisme, c’est-à-dire une synthèse dans les années 1950-1960 des deux courants de l’extrême-droite. Vouloir combattre le fascisme en ne ciblant seulement les quelques groupuscules de l’extrême droite anti-républicaine serait une grave erreur d’appréciation historique. Plus que l’extrême-droite, c’est le fascisme qui doit être combattu dans la période.

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Eric Zemmour à Marseille : fiasco ou succès politique ?

La visite marseillaise d’Eric Zemmour est révélatrice.

Faites vos jeux ! Parier, c’est moralement erroné, mais la politique rend cela inévitable, parce qu’il faut analyser les tendances et choisir ce qu’on considère juste, repoussant ce qu’on imagine faux, et qu’on mise tout dessus. Et là on a un exemple très parlant.

Le 27 novembre 2021, Eric Zemmour était de passage à Marseille, alors voilà différentes considérations à ce sujet, en provenance de ce dépotoir-défouloir qu’est Twitter, tout un symbole de notre époque. D’un côté, Eric Zemmour tentant d’inventer un mythe mobilisateur, avec le fameux parcours de l’homme providentiel à la rencontre de son peuple. De l’autre l’ultra-gauche qui n’en invente pas un puisqu’elle l’a déjà, avec son substitutisme et son « action directe ».

Qui est le gagnant de cette séquence ? Marseille s’est-elle vraiment soulevée contre Eric Zemmour ? Ce dernier a-t-il vraiment pris un pied au derrière dans la construction de sa figure politique ?

Bien entendu, on peut être horrifié et penser qu’il faut un antifascisme politique, parce que là…

Laetitia Avia est Députée de Paris, vice-présidente du bureau exécutif & Porte-parole LREM.

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Le premier pari réussi d’Eric Zemmour

La Droite est réactivée.

Eric Zemmour sera au Zénith de Paris le 5 décembre 2021 et l’entrée sera libre. Cela explique aussi pourquoi il n’a pas intérêt à se déclarer candidat jusque-là. Les frais de campagne et le temps de parole médiatique ne sont pas comptabilisés. De plus, peut-être qu’il cédera la place à quelqu’un comme le général de Villiers.

Car Eric Zemmour a déjà réussi son pari. Il a joué son rôle historique : propulser les idées de Droite sur le devant de la scène, de telle manière à passer en force pour remettre en place une offensive politique. C’est une grande réussite, qui a triomphé sans réelle opposition. Les bourgeois modernistes d’Emmanuel Macron n’y ont pas cru et se sont fait débordés, quant à la Gauche elle n’a pas compris le phénomène.

Eric Zemmour a bien perdu de l’élan à la mi-novembre, car un semblant d’opposition à son nationalisme s’est mis en place, mais enfin il est dans la place, il a des partisans, il est intégré au paysage et, surtout, il se fout de savoir que l’opinion publique hégémonique est contre lui. Il est une expression de la crise et il sait que tout peut changer très rapidement, que tout va changer très rapidement. Il compte être là à ce moment-là, avec une proposition stratégique lisible et des partisans.

C’est le contraire d’Anne Hidalgo qui n’a pas saisi les enjeux du temps, elle qui arrive avec le droit de vote à seize ans. Il y a une pandémie, des dettes monstrueuses des États, des ménages et des entreprises, des tensions militaristes en accentuation, une crise climatique, et elle débarque avec cela. C’est un suicide politique, par inadéquation avec les exigences du temps.

On arguera que les exigences du temps ne sont pas vues par grand monde. C’est vrai. On dira que l’extrême-Droite étant populiste, c’est plus facile pour elle de proposer quelque chose de fantasmatique semblant répondre aux défis de notre époque. C’est vrai aussi.

Cependant, avec des efforts on peut triompher de ces obstacles. Encore faut-il faire des efforts prolongés. Or, comme on le sait, le capitalisme a corrompu tout le monde. Seule la haute bourgeoisie fait de réels efforts, car il en va de ses intérêts immédiats dans un paysage nouveau produit par la pandémie et le ralentissement du capitalisme.

Pour prendre un exemple, sur le twitter d’une féministe et syndicaliste, qui se veut donc très radical, on trouve au milieu des dénonciations des fachos des commentaires personnels de l’émission « Danse avec les stars ». Cela veut tout dire. Le capitalisme permet de vivre sur le tas, sans recul, sans exigence de valeurs développées. Il nivelle par le bas. Et même les gens engagés tombent dans une consommation passive, par refus d’avoir une vision historique, de se mettre au niveau culturellement.

Les gens, y compris de gauche, se contentent de consommer, en ayant des positions de gauche ou qu’ils imaginent être de gauche (car bien souvent c’est simplement du turbocapitalisme, comme avec les LGBT). Être à gauche ne les intéresse pas plus que cela : cela implique de se positionner, d’aller à une certaine confrontation, d’établir quelque chose de concret. Le capitalisme propose trop un confort feutré, malgré une certaine précarité (sociale, sentimentale, au niveau du logement…), pour que se produise un tel dépassement de soi.

Il y a donc au mieux des dénonciations bruyantes de l’extrême-Droite, mais dans un grand mélange où le gouvernement est associé au fascisme, voire identité à lui. C’est de l’ultra-gauche et il y a donc toujours du triomphalisme, un grand aveuglement quant à la dimension populaire historique du fascisme, comme lorsque le porte-parole de la « Jeune Garde » dit que « l’extrême-droite n’est audible que dans les zones bourgeoises ou sur les chaînes du milliardaire Vincent Bolloré ».

Eric Zemmour intervient donc dans une telle situation avec d’autant plus de facilité. Il s’est installé, simplement, sans confrontation réelle, à part quelques petits accrochages. La prochaine étape sera par contre évidemment bien plus rude, bien plus politique, bien plus agressive, bien plus violente.

Pour avancer, Eric Zemmour doit polariser. Ce sera l’alliance d’une vague électorale et de coups de force par les petits groupes d’extrême-Droite. Et peu importe si cela tourne mal, car l’idée c’est au pire de tellement tout déstabiliser que l’armée intervienne rétablir l’ordre, ou en tout cas une figure tombée du ciel comme le général de Villiers.

C’est typiquement français historiquement. Qui ne le voit pas a été lessivé par l’américanisation de la société.

Les choses vont commencer à tanguer : il faut être prudent et intelligent politiquement, tout étant ici une bataille de positions qui exige des raisonnements tactiques et stratégiques qui ne peuvent être que ceux de la Gauche historique.

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Eric Zemmour, défenseur de la chasse à courre

Qui se ressemble s’assemble.

Le magazine Chassons.com publiait en novembre 2021 une interview vidéo d’Eric Zemmour qui lui permet de poser quelques marqueurs pour son projet. Dans un lieu bien choisi, la forêt de Marly, où Louis XIV aimait chasser, Zemmour commence par comparer les écologistes d’aujourd’hui aux gauchistes des années 1970. Il en vient ensuite tout naturellement à la chasse à courre et à sa dimension symbolique socialement, pour ses opposants comme pour ses défenseurs :


« On voit bien ce qu’il y a derrière, on voit bien le fantasme, on va à Marly c’est le fantasme de Louis XIV, de l’aristocratie, des beaux costumes, etc. »

Il se lance ensuite dans une récitation somme toute banale des éléments de langage des veneurs, distribués régulièrement par prospectus à tous le personnel politique du régime depuis que cette pratique est dans le collimateur d’un fort mouvement d’opposition populaire.

Dans tout ce fatras de lieux communs, peu lui importe ce qui est vrai ou faux, il s’agit pour lui de se présenter comme au service des gens qui pratiquent cette chasse. Par cette intervention, Zemmour assume donc la défense de la chasse mais pas seulement : il invoque tout spécialement la chasse à courre comme totem de ce que sa candidature représente socialement. C’est le seul qui aille aussi loin, là où un Macron cherche seulement à désamorcer une possible opposition « rurale » à son modernisme et où un Xavier Bertrand n’assume la chasse que comme un bloc de beaufitude patriarcale.

Pour Zemmour, c’est précisément la chasse à courre qui est intéressante. Car il faut le savoir, cette chasse particulière est ouvertement revendiquée comme un bastion par l’aristocratie (à travers le site de l’Association de l’Entraide de la Noblesse Française, en même temps que l’Église, l’Académie Française et un certain surnombre parmi les officiers de l’Armée). En ce sens, elle possède toutes les clefs idéologiques dont un fasciste a besoin pour mobiliser les esprits dans le sens du nationalisme et de la marche à la guerre.

L’aristocratie (ou ce qu’il en reste) est une force sociale à laquelle Zemmour s’adresse ici directement, pas pour sa force numérique dans le cadre d’une élection, mais parce qu’elle porte quelque chose qui culturellement sert son projet politique : le code de l’Honneur chevaleresque, l’héroïsme individuel, le sens de la Famille et de l’héritage, la charité envers les classes populaires, la Piété, l’abnégation en faveur de la Patrie…

A travers ce vecteur qu’est pour lui la chasse à courre, il peut très bien se permettre de combiner une vision fantasmée de Louis XIV avec une revendication des acquis de la Révolution Française :

« dans les cahiers de doléances, les gens disent on veut chasser comme les aristocrates. La première revendication de 1789, c’est le droit de chasse pour tous, c’est profondément révolutionnaire et républicain ».

Zemmour n’a pas à s’embarrasser des détails. Peu importe si la Révolution, en ouvrant le droit de chasse aux citoyens, a aboli la chasse à courre dans le même temps, et qu’elle est donc tout l’inverse d’un « acquis révolutionnaire ». Ce qui compte, c’est la mise en place de symboles, d’un imaginaire national favorable au projet de la haute bourgeoisie hyper agressive, à l’impérialisme conquérant.

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Eric Zemmour se prononce contre le pass sanitaire

Ce qui est cohérent avec sa posture.

Si l’on regarde la vaccination, on voit qu’elle était une norme, au sens d’une obligation, dans les pays se revendiquant du communisme dans les années 1940 et 1950, alors qu’inversement le nazisme avait supprimé l’obligation, au nom à la fois d’un esprit individuel libéral et d’une valorisation du mysticisme quant aux guérisons (au nom d’une biologie « aryenne », etc.).

On ne sera guère étonné qu’étant placé à l’extrême-Droite, Eric Zemmour soit contre la vaccination obligatoire concernant la pandémie actuelle. Le nationalisme et le militarisme se posent comme expression du capitalisme, par conséquent il n’y a pas de remise en cause de la base individualiste, même dans des projets capitalistes collectifs comme les grandes entreprises ou… la guerre.

D’où son affirmation sans ambiguïtés comme quoi le pass sanitaire mis en place en France est « excessif », qu’il n’en « voit pas l’intérêt », et d’ailleurs :

« Depuis un an et demi, on a beaucoup joué avec la peur des gens, c’est très excessif, on en fait trop et on en fait trop depuis le début. Lors du premier confinement, on avait l’impression que c’était le blitz, qu’on était bombardé à Londres par l’armée allemande tous les jours, et cela rend service au gouvernement« 

Et de surenchérir :

« Si j’étais président, la dose de rappel, c’est uniquement pour les gens de plus de 65 ans. »

Eric Zemmour joue d’ailleurs sur l’irrationalisme en disant que la pandémie n’est pas « prioritaire », que la question actuelle de la pandémie ne serait finalement qu’un plan machiavélique ; ce serait :

« une habileté tactique d’Emmanuel Macron, de la gauche et des médias que de vouloir en reparler et de vouloir remettre cette question sur le tapis, pour pouvoir changer de sujet. »

Ce sujet étant bien entendu l’immigration ou plus exactement le « grand remplacement », annoncé comme thème monomaniaque et mobilisateur. Seule cette conception permet en effet une modification très prononcée de l’appareil d’État, de la vie intérieure du pays et des stratégies françaises.

Eric Zemmour sait – subjectivement ou du moins objectivement – que plus la pandémie dure, plus c’est la fragilité du capitalisme qui est flagrante. La destruction de la Nature, qui continue d’ailleurs, bouleverse la vie humaine, à cela s’ajoute le réchauffement climatique, la condition animale, la crise économique avec la pandémie, la tendance au militarisme et même les conflits… La pandémie a été la boîte de Pandore de tous les maux capitalistes.

Alors, forcément, comme Eric Zemmour veut réformer la France dans un sens nationaliste et militariste, il doit être monomaniaque, comme l’extrême-Droite l’est toujours. Il s’agit de casser les esprits, de les dresser de manière unilatérale dans une seule direction, adéquate pour faire de la France un pays agressif dans la bataille pour le repartage du monde.

Et en cela il est aidé par une ultra-gauche qui, en ayant combatte le pass sanitaire (tout comme en ayant soutenu les gilets jaunes), a contribué à renforcer l’irrationnel, le refus de la collectivité et donc de l’option socialiste, jouant le rôle de 5e colonne pour Eric Zemmour.

Après tout, Eric Zemmour n’est-il pas un zadiste ayant poussé son raisonnement jusqu’au bout ?

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Bolloré et Zemmour veulent-ils rejouer La Rocque et le PSF en rachetant Le Figaro ?

L’extrême-droite a besoin d’élargir sa base et de gagner en crédibilité.

L’information est sortie dans le milieu des journalistes comme quoi Vincent Bolloré veut racheter Le Figaro. Vrai ou non, c’est en tous cas plausible, car ce journal serait une pièce de choix dans le dispositif Bolloré d’appui au populisme nationaliste.

Vincent Bolloré dispose déjà de la radio Europe 1, du magazine Paris Match et du Journal du dimanche. Il a surtout la chaîne Cnews, devenue un laboratoire pour l’hystérie populiste et les déchaînements réactionnaires. Cnews a servi de catapulte politique pour Eric Zemour qui y a eu une tribune quotidienne dans laquelle il pouvait longuement s’étaler, se poser comme un rationnel au-dessus du lot et disant vraiment les choses, etc.

En fait, il y a eu convergence entre les intérêts de Vincent Bolloré, représentant une fraction bien précise de la bourgeoisie française, et la personnalité Eric Zemour qui s’est retrouvée propulsée historiquement comme figure présidentiable. D’ailleurs, il ne s’agit même pas d’imaginer une opération organisée de longue date (encore que cela est possible), mais surtout un déroulement naturel des choses entre gens allant dans le même sens à une époque qui leur est favorable !

Toujours est-il que cela serait on ne peut plus logique pour Vincent Bolloré, pour appuyer sa dynamique politique, d’avoir également le Figaro (où Eric Zemour a d’ailleurs beaucoup écrit jusqu’à très récemment). Ce serait là beaucoup plus crédible politiquement aux yeux de la bourgeoisie traditionnelle française, que les étalements type « comptoir de bistro » sur Cnews.

Le Figaro est en effet une institution en France, à droite certes, mais pas seulement. C’est avec Le Monde l’un des deux journaux nationaux majeurs, disposant tous deux, suivant les milieux, d’une image de rigueur et ayant une autorité politico-culturelle incontournable en termes d’information et de traitement de l’information.

La Figaro, qui appartient au Groupe Dassault, dispose de beaucoup de moyens pour apporter à la partie de la bourgeoisie française à laquelle il s’adresse une information considérée comme étant de qualité, fiable, utile, constructive. Vincent Bolloré pourrait très bien vouloir en faire quelque-chose de plus, en élargissant l’audience non plus seulement à la bourgeoisie cultivée et urbaine (voire surtout parisienne), mais à une large partie de la population française droitisée.

Ce ne serait pas une première historiquement. Dans les années 1930, le Figaro a justement été le journal de La Rocque et du PSF, servant directement l’extrême-droite en tant qu’outil politico-culturel. Rappelons qu’il s’agissait alors d’un gigantesque mouvement en France, à la fois de masse et militaire, incontournable pour qui s’intéresse vraiment à l’Histoire de France au 20e siècle.

Cela serait tout à fait conforme à la dynamique enclenchée par Eric Zemour d’un mouvement de droite « populaire », et surtout opposé à la bourgeoisie moderniste (représentée en l’occurrence par Le Monde, France inter, etc.).

De toutes façons, Le Figaro, malgré une ligne générale allant dans le sens de la rationalité libérale bourgeoise (avec par exemple de nombreux articles reconnus sur les questions médicales, des analyses précises et ultra-synthétiques sur l’actualité internationale, etc.), n’est pas en reste quant au populisme délirant dans la veine d’Eric Zemour.

On a par exemple l’édition du site internet dans la soirée du dimanche 21 novembre 2021 où un article grotesque « Ces contraintes qui dégoûtent les Français de la voiture » était mis en avant, accompagné d’un sondage proposant de répondre à la ridicule question « Limitation de la vitesse, prix du stationnement… Approuvez-vous les politiques anti-voitures ? » En fin de soirée, avec 65 000 votants, il y avait une écrasante majorité (80%) de « non ». L’article pour sa part était un modèle du genre d’individualisme de droite malhonnête :

« Aux prises avec une circulation urbaine de plus en plus compliquée pour eux, en raison du règne du vélo et de la trottinette décrété par les municipalités, [les automobilistes] sont chaque année rattrapés par de nouvelles contraintes […] »

Eric Zemour, le candidat des chauffards, ne dirait pas mieux. Et ce genre de considération justement, haineuse dans leur base, étriquée dans l’état d’esprit et surtout profondément opposée à la société et au collectivisme, c’est exactement ce dont à besoin un Vincent Bolloré, figure des milieux les plus agressifs de la bourgeoisie française.

L’actualité de l’extrême-Droite en France, ce n’est pas des groupuscules ultra jouant la provocation dans les manifestations parisiennes libérales-démocratiques, pour faire parler d’eux grâce aux « antifa » tombant dans le panneau…

L’actualité, c’est la mise en place d’un dispositif politique et culturel massif, visant les masses, visant à encercler mentalement les masses. C’est exactement la raison d’être d’un Eric Zemour, dans l’intérêt direct d’un Vincent Bolloré !