Elīna Garanča est une très célèbre mezzo-soprano lettonne. Elle est une figure incontournable du monde de l’opéra. Dans une interview récente, elle a expliqué la chose suivante :
« Les gens sont submergés d’informations, alors s’asseoir sans son téléphone et se concentrer pendant une heure et demie constitue un effort énorme, sur le plan émotionnel et intellectuel. »
C’est là une affirmation tout à fait juste. Aller en profondeur devient de plus en plus difficile pour les gens, souvent c’est même impossible. Se concentrer apparaît comme un effort, une souffrance.

Elle a raison : ce n’est pas qu’intellectuel, c’est également émotionnel. C’est la panique devant l’effort et, de là, on passe au rejet de l’effort, au mépris de l’effort.
C’est d’autant plus vrai que le téléphone est devenu omniprésent dans la vie quotidienne. Le smartphone permet d’être constamment en liaison avec d’autres personnes, de faire défiler des vidéos, des images, d’être présent en permanence sur les réseaux sociaux, etc.
Cela fait partie d’un véritable mode de vie, à la fois urbain et nerveux, extrêmement nerveux d’ailleurs et même pas forcément urbain. Car le monde proposé par les réseaux sociaux est, comme on le sait, fictif.
On invente sa vie, on imagine la vie des autres, tout est alimenté en permanence de manière artificielle, encore plus désormais avec l’intelligence artificielle.
Le smartphone est, en ce sens, un profond outil d’aliénation. Il représente (dans cette perspective, car l’objet pourrait en soi être bien utile) une catastrophe sur le plan de la civilisation.

Il est donc critiquable, mais le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il n’est pas critiqué. Si certains scientifiques s’inquiètent enfin pour les enfants, on devrait avoir toute la Gauche – la vraie Gauche – qui dénonce le smartphone comme un objet utilisé sans conscience et qui n’est que ruine de l’âme.
Au lieu de ça, on peut voir comment la gauche (surtout la gauche de la gauche) sombre dans le culte des réseaux sociaux, l’utilisation de ses codes.
Cela signifie capituler devant la perte d’attention, les troubles de l’esprit, le culte de l’individualisme, le racolage permanent, l’escalade dans le spectaculaire…
C’est le contraire des valeurs de la Gauche historique.
Et cela concerne bien plus que les réseaux sociaux. Dans tous les domaines, il y a la même logique de gagner des parts de marché, de frapper les esprits, de conserver son public par divers scandales ou approches particulières.
Rammstein ou Marilyn Manson sont emblématiques de musiciens dont la musique est directement placée dans cette perspective spectaculaire, racoleuse, vulgaire.

Mais on a la même chose dans tous les genres musicaux. C’est la course pour chercher à se faire remarquer.
Et, tout comme au théâtre ou pour l’art (qui est pourri par l’art contemporain), l’opéra est une grande victime de la fuite en avant dans le pittoresque, où tout devient un prétexte à la vulgarité.
C’est la catastrophe. Comment va-t-on faire pour changer le monde avec des gens pour qui une heure et demie d’attention représente un effort énorme, sur le plan émotionnel et intellectuel ?
Il faut déjà le constater pour pouvoir vaincre cette tendance historique qui abrutit les masses. Et promouvoir la culture adéquate, révolutionnaire, historique, qui assume l’héritage culturel de la civilisation !