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Vie quotidienne

Même Noël est devenu moche

Dans l’imaginaire, Noël c’est encore l’image d’Épinal de la personne arpentant les boutiques et scrutant les vitrines à la recherche du cadeau idéal pour chacun de ses proches. Ce serait une ambiance, chaleureuse et réconfortante ; ce que d’aucun nomment la « magie » de Noël.

En pratique, cela est de moins en moins vrai. Le capitalisme n’en finit plus de tout lessiver et même Noël est devenu moche. Le problème n’est pas tant que Noël n’est plus une fête populaire et familiale, mais d’abord et surtout une orgie de consommation. Cela fait déjà longtemps que c’est comme ça, au moins 30 ou 40 ans.

Viggo Johansen, Glade jul (1891)

Le problème, c’est que même cette orgie de consommation n’a pratiquement plus de valeur, plus aucune « magie ». Le comble en effet, c’est que Noël consiste maintenant bien plus en une ruée vers les points relais pour retirer des objets commandés à la chaîne sur internet.

On ne choisit rien, on colle à des listes, comme pour les enfants gâtés. Une tireuse à bière pour lui, un sèche cheveux connecté pour elle. Une PlayStation 5 pour un autre qui s’identifie comme un gamer, un K-way horriblement cher pour une autre qui se rêve bobo.

Alors on part au plus pressé sur internet, en s’imaginant parfois faire une bonne affaire grâce aux prix agressifs de certaines plateformes sur certains produits d’appel. Plus de boutiques à faire donc, simplement du temps, beaucoup de temps sur internet, puis la queue dans des points relais bondés et débordant de colis jetés en vrac, sens dessus dessous.

Les cadeaux ne voyagent plus dans la hôte en osier du Père Noël (historiquement mis en avant par Coca Cola d’ailleurs), mais dans la hotte en tissu délavée et trouée du livreur pressé qui balance ça à la chaîne, de boutique point relais en boutique point relais.

Les commerçants se rendent alors compte alors qu’ils ne sont plus des commerçants, mais des supplétifs mal rémunérés des plateformes en ligne. Quelques centimes par colis ! Certains râlent un peu pour passer leurs nerfs et la presse locale ou nationale, papier ou internet, télé ou radio, est très contente de relayer ça. « Les points relais d’Avignon débordés », « Nancy : à l’approche de Noël, les relais colis saturent », « On ne sait plus où donner de la tête », etc.

Le Télégrame raconte très bien cette scène devenu typique :

« Des colis par terre, des colis sur le guichet, par dizaines. Il en arrive quasiment une centaine par jour au bar La Barrière à Saint-Martin-des-Champs (29) et une grande pièce leur est aménagée. En fin de matinée, ce mercredi, un flux incessant de clients va et vient. En cinq minutes, trois d’entre eux réclament un colis. Et malgré un large sourire affiché, les trois employés se marchent dessus et ne s’arrêtent jamais. »

Les prévisions de La Poste pour la période du Noël 2023, c’est 106 millions de Colissimo, en hausse de 6 % par rapport à 2022. Pour Chronopost (filiale de La Poste), c’est 50 millions (+12%) dont la moitié en point relais.

Du coté de Mondial relay, spécialiste de la livraison en point relais avec 12 000 commerçants affiliés en France, ainsi que 4000 armoires « Lockers », 1 500 intérimaires ont été recrutés pour la période. La plateforme flambant neuve de Harnes près de Lens (Pas-de-Calais), fleuron affiché du groupe, évoque jusqu’à 400 000 colis traités par jour contre 250 000 en temps normal.

Il y aussi DHL, UPS, Relais colis, Fedex, GLS. Et puis il y a Amazon qui gère directement une grande partie de ses acheminements. Ce sont des dizaines de millions de colis qui s’amoncèlent, dans une course effrénée et aliénée à la consommation.

Voilà à quoi ressemble le capitalisme absolument généralisé et systématisé à notre époque. Il n’y a plus aucune saveur, il n’y a même plus vraiment de Noël ; il est grand temps de renverser la vapeur, d’instaurer de nouvelles valeurs.

Là c’est vraiment flagrant : le capitalisme a gagné, et donc… il a perdu. Il n’a plus de contenu du tout, il tourne sur lui-même.

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Vie quotidienne

Les réseaux sociaux, entrave au changement

Il y a un paradoxe ou disons plutôt une contradiction : l’usage généralisé du smartphone s’inscrit dans un long mouvement de fond historique qui est la libération d’un temps socialement disponible. Le smartphone a considérablement réduit les aléas de la vie et fluidifié le quotidien.

On peut acheter immédiatement son ticket de transport, consulter rapidement les horaires et les pannes sur un réseau de transport urbain, se repérer grâce au guidage par satellite, payer directement les choses, savoir si l’on peut retrouver une personne qui est loin d’où l’on se trouve, planifier et harmoniser ses courses alimentaires, etc. Cela permet de libérer énormément de temps disponible. Il y a encore 30 ans il fallait anticiper, prévoir, voir être carrément pris au dépourvu sans moyens d’emprise pour beaucoup de choses de la vie quotidienne.

Ce temps socialement disponible relève d’un espace-temps désencastré des impératifs d’une vie quotidienne salariée et domestique caractérisée par un faible développement des moyens de communication. Communiquer exige un temps qui a été considérablement réduit tout comme cela l’a été pour travailler et se déplacer.

C’est donc l’expression d’une tendance de fond, un progrès historique du à l’élévation des forces productives qui est en continuité d’autres, tels que l’eau courante, la machine à laver le linge, les plaques de cuisson électriques, etc. Le smartphone apparaît ici comme le prolongement du processus de civilisation au sens où il favorise la stabilisation et l’efficience de la vie quotidienne.

Mais évidemment comme chacun le sait, l’élévation technologique d’une société ne tombe pas du ciel. Elle se matérialise dans le cadre de rapports sociaux déterminés, actuellement dominés et orientés par le capitalisme et sa logique marchande. Tout cet espace-temps socialement disponible pour favoriser le développement des personnalités se retrouve pris dans une logique de consommation et de marchandisation.

Au centre de cette appropriation capitaliste du temps socialement disponible, il y a évidemment les réseaux sociaux qui sont devenus un moment central et incontournable des sociétés capitalistes. Une centralité apparue au cours des années 2010 et qui vue de 2023, soit un peu plus d’un an après deux années de confinement pour cause de pandémie de Covid-19, sonne comme une évidence.

Car au lieu d’user de cet espace-temps libéré pour approfondir ses connaissances universelles, pour développer son sens artistique, sa sensibilité, etc., le capitalisme en a fait un tremplin pour le déploiement tout à la fois de nouveaux espaces marchands et d’existences entrepreneuriales.

La contradiction est donc la suivante : il n’y a jamais eu autant de temps libre à disposition de la société par une élévation technologique ayant pénétré jusqu’à la vie immédiate des gens mais, dans le même temps, il n’y a jamais eu autant d’emprise des impératifs marchands dans le quotidien.

C’est que les smartphones, en fait surtout ses contenus algorithmiques, ne flottent pas en l’air mais s’inscrivent dans un ensemble social-historique qui est la société de consommation mature. Une société marquée par une fatigue psychique et une morosité collective qui ne tient que parce qu’elle génère des individus-égocentrés shootés à la dopamine, cette molécule du « bonheur » immédiat, générée par les réseaux sociaux.

L’absence de perspective collective est compensée par la satisfaction de « petits bonheurs » égocentrés réalisées heure par heure dans une journée généralement sans exaltation aucune. La perte de sens ou le triomphe du nihilisme « no futur » dans la société bourgeoise en décadence a comme pendant l’existence des réseaux sociaux comme sas de décompression psychique. Un sas qui peut également s’avérer être un espace de promotion d’un life style pour n’importe qui en quête d’un sens existentiel.

On peut être celui qui part faire « le tour du monde » tout comme le travailleur manuel qui valorise son expérience ou bien encore la femme moderne qui pense trouver un sens à sa vie en restant mère au foyer : tout est possible à partir du moment où l’on peut justifier son existence dans un espace valorisant et générateur d’un bonheur artificiel.

On peut donc affirmer sans peine que la généralisation de l’usage des réseaux sociaux est le prolongement de tout un ensemble culturel allant de la massification des drogues à l’idéologie du développement personnel.

Dans la société bourgeoise en décadence triomphent les Paradis artificiels de Charles Baudelaire avec une généralisation de subjectivités tout à la fois épuisées et hypnotisées par le temple de la valorisation marchande.

C’est dans ce contexte qu’on ne peut comprendre pourquoi toute perspective de changement d’envergure au XXIe siècle ne peut passer par la seule case de la « prise de conscience ». La « prise de conscience » exigeait un temps libre disponible pour réfléchir – au sens de refléter – sa propre vie individuelle dans un cadre plus large que son seul environnement immédiat mais dans la société toute entière.

L’élévation des forces productives dans son cadre capitaliste à la fin du XXe siècle a fini d’occuper un tel espace-temps pour le placer au seul service du capitalisme. À ce titre, le positionnement pratique par rapport aux réseaux sociaux marque l’ADN de tout mouvement ou organisation visant un changement des choses en profondeur.

Depuis la pandémie de Covid-19, un tournant a eu lieu et il est est dorénavant incontournable de passer par l’étape de la rupture. D’ailleurs la bourgeoisie cherche tant bien que mal à réguler le monstre qu’elle a elle-même enfanté sans en comprendre les tenants et les aboutissants.

En Chine mais aussi au parlement catalan en Espagne, des discussions ont eu lieu début novembre 2023 à propos d’un encadrement de l’usage du smartphone chez les adolescents. De la même manière un maire de Seine-et-Marne cherche à interdire l’usage du smartphone chez les enfants dans l’espace public de sa commune….

Dans une autre perspective a été fondé en 2021 « le Luddite Club », un regroupement de jeunes aux États-Unis qui souhaitent ce désintoxiquer du smartphone en revenant au téléphone basique sans connexion internet.

Le problème c’est que tout cela reste piloté par en haut dans le cadre d’institutions qui ne peuvent s’attaquer frontalement au problème, ou bien orienté en des termes petits-bourgeois unilatéraux qui ne dépassent finalement pas l’idée du développement personnel.

Lorsqu’on souhaite la révolution, la critique du smartphone doit s’orienter surtout sur les réseaux sociaux comme tremplin vers une remise en cause générale de la marchandisation capitaliste. On ne peut pas se séparer des réseaux sociaux sans viser un changement général de la société qui enfante une telle mutilation des personnalités.

Ce dont il s’agit, c’est de participer à la formation de subjectivités en rupture avec tout ce qui entrave la recomposition cognitive pour un changement collectif. L’objectif c’est de contribuer à former des brèches dans les interstices du quotidien pour redéployer une subjectivité émancipée de la marchandise.

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Réflexions

Dégonfler des pneus ou changer le monde ?

Tout est dans le paraître.

Les gens qui roulent en SUV sont des salauds. Des salauds de droite, parce qu’ils n’en n’ont rien à faire des autres, et encore moins de la planète. Leurs véhicules sont aussi dangereux pour les piétons que vulgaires esthétiquement. Ils sont autant consommateurs en énergie qu’inutiles en pratique. Les gens qui roulent en SUV vivent dans un spot publicitaire permanent, leur « vie » est un néant social et culturel, tuée par le fétichisme de la marchandise.

Les gens qui dégonflent les pneus des SUV et qui accolent un petit flyers sur le pare-prise reflètent exactement ce même fétichisme de la marchandise, en l’occurrence celui pour les SUV. Ils s’en prennent aux SUV, car ils savent très bien que cela les fera « exister », en miroir inversé. Ils sont tout autant victimes des publicités ventant la puissance des SUV, sauf qu’eux l’interprètent dans l’autre sens, en négatif.

Dans les deux cas, on a la même fascination pour un symbole, qui n’est en réalité que vanité. Les SUV sont pire que les voitures normales ? Certes, mais les voitures normales sont déjà pire que tout. Ainsi que les trottinettes électriques et les scooters qui pourrissent la vie dans les centre-villes, ainsi que les mobylettes trafiquées et les motos 50 cm³ qui pourrissent la vie dans les bourgs.

Les gens qui s’imaginent « agir » pour la planète parce qu’ils dégonflent quelques pneu de SUV sont typiques de cette époque de vanité, où tout est dans le paraître et surtout la communication compulsive sur les réseaux sociaux. Ils ont choisi les SUV pour s’assurer le buzz en mode racoleur ; cela fonctionne très bien.

Si ces gens avaient vraiment compris qui sont les gens qui roulent en SUV, ils ne prendraient certainement pas la peine de mettre un flyer pour justifier leur geste. Qui peut croire une seconde qu’un salaud de droite ayant acheté un SUV va changer d’avis car un enquiquineur est venu dépressuriser ses pneumatiques ? On ne discute pas avec les salauds de droite, on se confronte à eux.

Le flyer qui explique l’action effectuée dit d’ailleurs justement que les possesseurs de SUV ne doivent pas le prendre personnellement. Mais c’est tout le contraire justement : ce sont leurs personnalités le problème, car elles ont une dimension anti-sociale, anti-Nature !

Mais c’est beaucoup plus facile de dégonfler un pneu avec un flyer à mettre sur internet que de faire de la politique. C’est beaucoup moins fatiguant que de batailler pour une expression démocratique et populaire dans le pays afin de développer une opinion publique à la hauteur des enjeux écologiques de notre époque.

C’est beaucoup plus satisfaisant pour son égo que d’étudier Karl Marx et l’Histoire de France dans sa chambre. C’est beaucoup moins engageant personnellement que de se dévouer corps et âme pour des animaux dans un refuge.

Ce n’est pas avec des dégonfleurs de pneus de SUV qu’on changera le monde. Ils sont le produit d’un vieux monde qui cherche à ce que « tout change pour que rien ne change », car on en reste à la surface des choses. Les dégonfleurs de pneus de SUV veulent concrètement dégonfler un capitalisme qui est allé trop loin dans la gonflette et qui est à deux doigts d’exploser… Ils sont une cinquième colonne du capitalisme dans les rangs de la contestation.

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Société

L’éloge sinistre des sites de rencontre contre le romantisme de la part de « Regards »

Vive Tinder, à bas le romantisme… Mais quelle honte!

Historiquement, Regards est une revue née en 1932 dans le cadre du mouvement communiste, qui a disparu après la guerre pour renaître en 1995, sous l’égide du PCF, comme média d’opinion en phase avec sa propre conception des choses. Pour en dire l’esprit, on a eu Clémentine Autain comme tête de proue pendant plusieurs années.

L’article du 30 juillet 2021 Le jeu de l’amour et de l’algorithme est emblématique de cette démarche post-moderne où ce qui compterait ce serait de faire avancer les questions sociétales pour que l’individu ait plus de « droits ». Cet article, c’est ni plus ni moins que l’apologie du turbocapitalisme : le romantisme, ce serait niais et sans intérêt, alors que la consommation choisie et même éphémère ce serait la vie.

Les gens qui critiqueraient le marketing des entreprises, les manipulations par les algorithmes… n’auraient rien compris !

C’est là absolument exemplaire de comment des gens s’imaginant de gauche agissent en fait comme cinquième colonne du capitalisme dans sa version la plus poussée. Rien que les lignes suivants suffiront largement à faire vomir, il n’y a pas d’autres mots, quiconque a encore une conscience de gauche, qui n’a pas été aliéné par le capitalisme développé et sa société de l’ultra-consommation anti-sentimentale.

« On ne parle pas de Facebook comme d’un marché de l’amitié, ni de Linkedin comme d’un marché du piston.

Alors pourquoi Tinder serait-il une exception, sinon parce que nos sociétés continuent de sacraliser l’amour plus que tout autre lien humain, y compris l’amitié ?

Une chose est sûre, un parfum de fin du monde flotte sur les rencontres numériques. Un article de Vanity Fair titré « L’apocalypse de la rencontre », en 2015, a ainsi fait le tour de la Toile. Au fond, ce dont on ne se remet peut-être pas, c’est que la drague 2.0 porte un coup fatal au mythe romantique du coup de foudre au premier regard, de la loi du hasard et de l’intuition née d’un unique contact charnel parmi des milliers.

Et l’on imagine que les utilisatrices des applications de rencontre, tout à leurs rêves de paradis sur terre, vivraient un enfer. « On pointe régulièrement les dangers et les pièges de la sexualité en ligne [pour les femmes] : le caractère éphémère des relations est souvent décrit comme un nouveau lieu de domination masculine », souligne Marie Bergström.

C’est oublier que pour certaines, ces sites sont l’occasion de vivre des relations – pourquoi pas sans lendemain – au lieu d’attendre le prince charmant, d’exprimer leurs fantasmes les plus crus à l’abri des regards. Sans avoir à subir le jugement pesant de leur entourage. Ils « facilitent l’accès à la sexualité », soutient Marie Bergström, « en raison de la dissociation relative qu’ils permettent entre pratiques sexuelles et image sociale ».

La preuve que tout n’est pas noir ou blanc. »

Au lieu de défendre le romantisme, les grands sentiments… on a ici quelqu’un s’imaginant de gauche et défendant le cynisme, la consommation, la soumission aux initiatives capitalistes les plus avancées.

C’est très exactement ces gens qui font le triomphe de l’extrême-droite et des religions, qui ont beau jeu d’arriver après comme source de satisfaction pour qui a soif d’idéal, de respect, de pudeur.

C’est ce cela qu’il faut triompher pour faire vaincre la véritable Gauche… celle qui n’existe pas par Facebook, Tinder ou autre moyen capitaliste de faire basculer les gens dans la fuite en avant de la consommation.

Celle qui assume le romantisme, qui justement au contraire de l’article de Regards assume l’intuition, cette attirance naturelle, ces atomes crochus capables d’être vus et assumés justement seulement par qui n’a pas accepté de vendre ses sentiments au capitalisme !

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Société

Vitry-sur-Seine: la honte d’avoir accueilli le premier combat officiel de MMA en France

Le premier combat officiel de MMA de l’histoire en France a eu lieu jeudi 8 octobre 2020 à Vitry-sur-Seine, une ville censée être de gauche, dans une salle portant le nom de Maurice Thorez, une figure incontournable de la Gauche française. La honte est totale.

Le MMA est un « sport » indéfendable. Ce sont les jeux du cirque romains, version spectacle à l’américaine ultra moderne, calibrés pour la télévision avec derrière des entreprises pesant une fortune. La démarche, c’est de placer deux brutes hautement formées aux techniques de combat dans une arène (un octogone), avec le droit à quasiment tous les coups (y compris les étranglements et les frappes d’un adversaire au sol) pour se défigurer l’un l’autre.

La ville de Vitry-sur-Seine en banlieue parisienne se couvre de honte en accueillant un tel spectacle dans sa salle municipale, pour une première en France. Il faut bien voir ici que cela ne tombe pas du ciel, car il y a toute une scène locale du MMA à Vitry-sur-Seine et aux alentours, et ce sont là des villes gérées par le PCF depuis des années (malgré les récentes péripéties).

Il y a eu du MMA à la Fête de l’Humanité en 2019 et la FSGT, une fédération sportive liée culturellement au PCF, défend depuis longtemps la légalisation du MMA. D’ailleurs, la FSGT s’était portée candidate pour être la fédération de tutelle du MMA, légalisée par Emmanuel Macron et ce n’est pas pour rien, puisqu’on retrouve l’idée du marché roi, de la sortie par le haut des pauvres au moyen d’un investissement dans et pour le marché, etc.

C’est une illustration de la terrible décomposition du PCF et de la Gauche en général, qui ne pèse plus rien dans le pays mais ne survit que par un populisme racoleur. Car c’est bien de cela qu’il s’agit ici : le PCF, et tous les gens tournant autour, s’imaginent populaires en mettant en avant le MMA.

En fait, ils cèdent à toute une mentalité banlieusarde parisienne, quasi unilatéralement masculine, et extrêmement réactionnaire sur le plan culturel. Cela est d’autant plus terrible que la mouvance du PCF sert ici de fer de lance à une démarche ultra-capitaliste qui se lance et compte bien s’implanter par tous les moyens possibles.

Les combats de Vitry-sur-Seine du 8 octobre 2020 ne sont en effet qu’une mise en jambe, pour ensuite lancer véritablement tout le business du MMA en France. Il y a d’abord des petits combats, des petites organisations puis bientôt viendra le mastodonte commercial UFC qui raflera la mise de ce juteux business.

C’est d’ailleurs Cyril Gane qui l’explique le mieux, lui qui est l’un des seuls Français pratiquant le MMA en étant sous contrat avec l’UFC :

« L’UFC va arriver, elle laisse les organisations mineures faire connaître ce sport aux Français avant de débarquer. C’est une stratégie. Mais tout le monde attend l’UFC. »

Dès le samedi 10 octobre, un « gala » est d’ailleurs organisé à Paris Bercy et on a la ministre des sports elle-même qui s’investit directement dans ces organisations.

On a donc eu, en pleine crise sanitaire et alors que Paris dépasse le seuil d’alerte maximale, 600 personnes dans une salle « Maurice Thorez » qui viennent voir des gens s’écharper, sous les yeux de la ministre d’Emmanuel Macron acclamée.

Tout cela est terriblement décalé, hors sujet, en dehors du temps… ou plutôt totalement conforme à la décadence d’une époque, des mœurs, du capitalisme.

> Lire également : Du pain et des jeux: la Fédération de boxe organise la légalisation du MMA

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Société

«LGBTQPIA+»

Impossible de suivre l’inflation identitaire à la bourse aux idées délirantes. C’est un véritable empilement de fantasmagories.

Hier on avait la défense des droits des gays et des lesbiennes à mener tranquillement leur vie. C’est une chose, qui concerne des gens concrets, qui ont une certaine attirance et qui veulent la vivre sentimentalement parlant. Cela a sa dignité. Aujourd’hui on a quelque chose de très ressemblant en apparence, mais qui concerne des abstractions et qui est un vecteur du turbocapitalisme. Difficile de faire pire dans l’ultra-individualisme et l’idéalisme, avec la séparation complète du corps et de l’esprit.

Et cela s’accumule comme des richesses capitalistes. On a eu le « LGBTI+ » avec plein de variantes, maintenant on a « LGBTQPIA+ », comme le jeu Animal crossing vient de le mettre en avant. On voit le drapeau « LGBT » mais aussi celui « transgenre » (bleu clair, rose, blanc, cette couleur étant remplacé par du noir pour une version afro-américaine !).

C’est un acronyme pour Lesbiennes, Gays, Bi, Trans, Queer, Pansexuel, Intersexe, Asexuel, le « + » montrant qu’on peut ajouter encore toute une série de termes. Ce qui est d’autant plus marquant dans cette inflation, c’est qu’il est ouvertement assumé que toutes ces « orientations » relèvent à la fois d’un « choix » et d’une réalité concrète. Il serait « naturel » d’être « pansexuel », bien que, bien entendu, le terme de « naturel » soit totalement inadéquat, puisque la biologie est réfutée par l’approche postmoderne.

Il est très intéressant également de noter que toutes ces identités sont interchangeables et ce de manière permanente. C’est du prêt-à-porter identitaire. C’est en même temps communautaire, parce qu’on s’insère en même temps que son identité dans une (pseudo) communauté, ce qui est évidemment rassurant, fournissant une (pseudo) socialisation.

On a alors une communauté dans une communauté, puisque les « LGBTQPIA+ » sont censés avoir le caractère d’une communauté. Et avec le « + » cette communauté est sans limites. Ce qui est alors le rêve capitaliste, des consommateurs aux identités multiples, formant une consommation générale mais bien spécifique à chaque fois. Les « LGBTQPIA+ » c’est littéralement une utopie capitaliste.

Il n’est ainsi pas étonnant que le capitalisme valorise les « LGBTQPIA+ », que toutes les grandes entreprises américaines soient en première ligne pour les mettre en avant, que l’Union européenne en a fait une des valeurs les plus essentielles, au nom d’une société « ouverte ».

Quoi de meilleur pour un régime de se prétendre ouvert, démocratique, acceptant toutes les différentes formes d’expression et surtout de bien-être. Peu importe qu’il s’agisse d’abstractions, de fantasmes individualistes, de rejet de tout ce qui est matériel au nom de choix subjectivistes. Le capitalisme peut se présenter comme tolérant : on ne demande pas aux gens de trouver tout bien, on leur demande simplement d’accepter.

Après tout, s’il n’y a pas préjudice pour autrui, pourquoi irait-on trouver quelque chose de mauvais ? Le capitalisme réduit tout au niveau individuel et les « LGBTQPIA+ » sont pour lui un vecteur de libéralisme, absolument efficace. Et il a su utiliser pour cela les gens ouverts, et surtout une ultra-gauche prête à s’engager pour des opprimés qui n’existent que comme constructions subjectivistes. Cela donne d’autant plus de crédibilité aux poussées turbocapitalistes.

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Société

Du pain et des jeux: la Fédération de boxe organise la légalisation du MMA

L’importation du MMA, ce produit américain mêlant spectacle, technicité et ultra-violence dans un « octogone », va être organisée par une fédération existante déjà, pour faire passer la pilule de la barbarie. Téléréalité, ultralibéralisme dans les mœurs, atomisation individualiste… le modèle américain s’impose, avec l’assentiment d’une Gauche ayant capitulé culturellement.

L’impact sur la jeunesse va être énorme, et bien entendu on parle ici de la jeunesse masculine. Sont également visés en particulier les secteurs où le patriarcat est puissant, comme chez les jeunes hommes des cités.

L’idée est simple : tout comme les gladiateurs hier, il est possible de prostituer son corps en le mettant en jeu dans des affrontements alliant brutalité et spectaculaire. Il va de soi que comme on est plus chez les Romains, il faut par contre qu’il y ait tout un package culturel adéquat.

Sont donc mis en avant le côté technique, la dimension sportive, le fait qu’il y ait des règles, une assurance, un classement avec un titre, etc. Et la ministre des Sports Roxana Maracineanu a confié à la Fédération Française de Boxe la tâche de procéder à la légalisation du MMA, pour que l’ensemble passe d’autant mieux.

En un sens, tant mieux, comme cela la Gauche pourra condamner la boxe en soulignant son rôle dans la reconnaissance du MMA. La boxe professionnelle doit être interdite, comme d’ailleurs tout sport où l’objectif est d’obtenir le KO. Le fait de chercher à démolir quelqu’un doit être condamné culturellement, mieux encore : réprouvé.

Les Jeux du cirque version 21e siècle doivent être rejetés. Entendons-nous bien, ce n’est pas simplement une initiative de massacre culturel, c’est aussi des centaines de millions de dollars qui sont ici en jeu. L’entreprise Ultimate Fighting Championship a été vendue en 2016 pour… plus de quatre milliards de dollars. Mais il en existe de très nombreuses autres.

Pour cette raison, quand on parle du MMA on parle en fait simplement de la boîte de Pandore d’un massacre en règle dans un « octogone ». Inévitablement, de par le relativisme culturel et la décadence du capitalisme, cela ira plus loin. On ne peut que rire quand Cyrille Diabaté, ancien sportif de haut niveau dans les sports de combat et président de l’Alliance française du MMA, explique à Paris Match :

« Je me réjouis de cette nouvelle, notamment pour les jeunes qui vont pouvoir s’inspirer de la pratique et de ses valeurs fortes qui manquent dans notre société : la ponctualité, le respect, l’humilité, le courage, la volonté ou encore l’abnégation. »

La ponctualité aux réunions associatives ? Le respect des personnes âgées ? L’humilité face à la vie animale ? Le courage face à la brutalité patronale ? L’abnégation en faveur de l’environnement ? Car le problème du MMA, au fond, au-delà de la violence, c’est bien celui-là : prôner des valeurs abstraites, qui auraient une valeur en soi. C’est là précisément le contraire de tout art martial tel qu’il s’est développé historiquement : comme produit du peuple, lié à une société, avec un objectif qui est toujours la victoire sur soi-même. Car la plus grande victoire est sur soi-même.

> Lire également : La ministre des Sports va légaliser les combats de MMA

Le MMA n’a rien à voir avec tout cela, c’est le produit du capitalisme le plus vil, qui cherche des terrains toujours nouveaux pour asseoir sa soif de profit. Qui peut prétendre qu’il y a quelque chose de culturellement positif à passer à la télévision pour démolir quelqu’un en espérant ramener des milliers, des dizaines de milliers, des centaines de milliers de dollars ?

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Écologie

Un petit amendement contre la pollution des publicités lumineuses

L’Assemblée nationale a adopté un amendement concernant la publicité lumineuse, soumis par Delphine Batho. Il sera inscrit dans la loi la possibilité pour les municipalités d’interdire les panneaux publicitaires lumineux sur leur territoire. À quelques mois des élections municipales, les candidats soucieux de l’écologie doivent maintenant s’en saisir pour inscrire l’interdiction de cette insupportable pollution lumineuse dans leur programme de campagne.

[ image antipub.org ]
Les grandes villes et leurs banlieues tentaculaires sont des monstres qui ont tué la nuit et il va falloir y mettre fin. On peut se dire que cet amendement contre les publicités lumineuses n’est pas grand chose, tant les sources de pollutions urbaines sont nombreuses. Toutefois, il faut bien commencer par quelque chose pour avancer et ces panneaux qui se sont répandus absolument partout durant ces dix dernières années sont vraiment significatifs en terme de pollution et de gaspillage énergétique.

Ils sont dans les gares, sur tous les murs du métro parisien, sur les grandes avenues urbaines, aux grands rond-points des périphéries, sur les pompes à essence, mais aussi dans des petites rues quasiment infréquentés la nuit. Le capitalisme a en effet besoin du moindre espace, de la moindre opportunité y compris en pleine nuit pour exposer les marchandises par ses publicités agressives. Il faut que la grande machinerie capitaliste tourne en permanence, 24h sur 24.

Ne rêvons pas toutefois avec cet amendement qui en pratique ne change pas grand chose. Déjà parce qu’il faudrait une interdiction dans tout le pays, ainsi que dans tous les pays ! Mais aussi car les municipalités sont en générale elles-mêmes à l’origine de ces panneaux, sur les arrêts de bus notamment, qu’elles concèdent à de grands groupes pour des raisons financières.

C’est cependant un marqueur important en cette période électorale, car cela a le mérite de mettre la question sur la table : les candidats ne pourront pas dire « ce n’est pas de mon ressort », mais peuvent s’engager dès maintenant à mettre fin à ces pollutions sur leur commune s’ils sont élus.

Voici l’intervention de Delphine Batho, députée « Génération écologie », défendant son amendement le 13 décembre 2019 lors de l’examen du projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire :

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Société Vie quotidienne

Caisse automatique, capitalisme et vie quotidienne

Avec les progrès technologiques de ces dernières décennies, tout particulièrement l’évolution des dernières années, le capitalisme fait participer de plus en plus chaque personne à sa marche générale. Caisses automatiques, communautés liées à des produits, etc. : le mode de production capitaliste s’introduit toujours plus dans la vie quotidienne en faisant activement participer chacun.

L’exemple le plus frappant est celui des caisses automatiques : non seulement l’entreprise détruit des emplois mais elle les remplace en partie par celui, non rémunéré, de ses clients. L’emploi de caissier ne disparaît pas parce qu’une machine perfectionnée est capable de réaliser le même travail avec une plus grande productivité, mais parce qu’une partie du travail a tout simplement été déportée sur le client. Ce dernier travaille gratuitement pour l’entreprise à chaque fois qu’il utilise une caisse automatique.

L’intrusion du capitalisme dans tous les aspects de la vie est toujours plus grande. Après avoir parcouru des rayons remplis de produits industriels nocifs vendus à des prix agressifs, d’animaux morts, et de rayons poisons (la taille des rayons d’alcool dans certains supermarché fait froid dans le dos), le client va aider l’entreprise à réaliser sa marge.

Tous les sens sont de plus en plus corrompus et attaqués par une vie quotidienne toujours plus aliénante. Il faudrait maintenant donner de son temps et de son énergie pour que la machine continue de fonctionner ?

Les avis en ligne prennent de plus en plus d’ampleur ces dernières années. Au-delà de grandes entreprises sur lesquelles ceux-ci sont déposés (Google, Tripadvisor, etc.), beaucoup d’acteurs de plus petite taille proposent des services pour mieux les gérer (vision d’ensemble, réponses sur les différentes plateformes, etc.)

Les sommes générées directement et indirectement par ces avis sont importantes : beaucoup de personnes en vivent professionnellement. Et tout ça grâce… à d’autres qui ont gratuitement déposés des avis sur ces plateformes.

Les grands groupes emploient des personnes à temps plein pour répondre aux avis déposés par des internautes. Ces mêmes personnes vont souvent utiliser une solution pour avoir des statistiques et une vue d’ensemble. Ces solutions, souvent bancales bien entendu, dépendent des géants qui acceptent de rendre ces données accessibles facilement.

Tout un système absurde fonctionne, fait vivre toujours plus de personnes et permet aux grosses plateformes d’asseoir leur position et d’éliminer les concurrents trop faibles. Tout cela au final, pour gérer des avis d’utilisateurs plus ou moins de mauvaise foi, sans parler de toute l’économie de la production de faux avis.

Ainsi, plus une plateforme devient incontournable, plus les gens vont y consulter les avis de telle ou telle enseigne et plus ils auront tendance à déposer des avis sur celle-ci. Et tout cela pour quoi ? Pour de simples avis, peut-être vrais, peut-être faux, peut-être déposés par la concurrence, peut-être créés par une personne à des milliers de kilomètres de là.

Le tout est vendu comme un progrès : les entreprises sont obligées d’être plus transparentes, les gens savent et se partagent l’information. Mais il n’en est rien. La réalité est que tout ce système ne fait qu’accroître la position d’entreprises toujours plus fortes. Tout cela formate et tend à faire en sorte que toujours plus d’aspects de la vie quotidienne prennent part à la marche forcée d’un mode de production en perdition.

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Réflexions

Le consommateur du 21e siècle, déboussolé entre être et avoir

Un slogan des précédentes décennies disait : « être plutôt qu’avoir ». C’était un appel existentiel ou existentialiste contre la société de consommation. Au-dela de la question de la pertinence d’une telle affirmation critique, il est facile de voir qu’au 21e siècle, un tel mot d’ordre correspond parfaitement au gigantesque foisonnement identitaire auquel on peut observer.

Aujourd’hui, on n’a plus une moto, on est motard. On n’a pas une religion, on est cette religion. On n’a pas une orientation sexuelle homosexuelle, on est cette orientation. On avait hier un compte Facebook, on est désormais son compte Instagram.

La conception identitaire du monde est un produit somme toute cohérent du capitalisme. Le capitalisme dit qu’on existe en consommant. Par le fait d’avoir, on s’affirme. Mais plus il y a des biens de consommation, plus on vit avec. Plus on vit avec, plus on est cette chose elle-même.

L’exemple le plus connu est la voiture. Une personne de sexe masculin qui conduit est aspiré par la voiture, son esprit se transforme. Qu’on touche à sa voiture et c’est un drame, comme si on l’avait touché lui-même. Le motard est pareil, mais dans le style motard : la moto fonce en ligne droite et il faut lui céder la place pour qu’elle puisse rouler sans interruption et le motard voit sa psychologie se mouler en conformité avec cette « nécessité ».

Il serait cependant réducteur de voir en les attitudes brutalement patriarcales le seul point d’appui des formes d’expression identitaire, même si cela joue fortement. Le voile islamique est un exemple typique de fétichisme, ici féminin, envers un objet avec laquelle la personne s’assimile. On voit bien ici d’ailleurs à quel point la grande campagne médiatique et politique pour l’interdiction du voile à l’école a été contre-productive : elle a renforcé la fusion identitaire avec cet objet de consommation religieuse.

Avoir un voile, le porter, est devenu être ce voile et donc la religion elle-même, comme un porte-étendard. C’est le principe du vecteur identitaire. D’autres aux États-Unis portent le cow-boy aux côtés de Donald Trump parce qu’ils représentent les grands propriétaires de ranchs, d’autres encore portent des chaussures à 500 euros pour témoigner qu’ils appartiennent à une caste riche et branchée, les exemples sont de toutes façons innombrables.

On remarquera ici de manière utile que le capitalisme, jouant sur les identités, fait justement tout pour récupérer toutes les expressions alternatives. Le capitalisme recycle y compris les vecteurs d’identité, car il sait qu’il y a collusion entre consommation et identité. D’où la récupération des chaussures Creepers, apanage des gens écoutant de la musique psycho, psychobilly… des chaussures Doc Martens des punks et des skins… du sweat-shirt Trasher des skaters… La liste étant sans fin.

Dès en effet qu’un mouvement devient identitaire, perdant sa nature rebelle en termes culturels, sociaux, il intègre le capitalisme. Cela avait un sens – quoi qu’on en pense – d’écouter du punk dans la fin des années 1970 ou de la house au début des années 1990. Mais rester prisonnier d’une telle identité, c’est du fétichisme.
Le capitalisme déboussole ainsi le consommateur du 21e siècle, l’emprisonnant dans un faux conflit entre consommation et identité. Certains basculent dans l’identitaire. Ils deviennent religieux, ou bien punk comme en 1982, motard comme en 1970 ou en 1980, etc. etc. : on connaît tous et toutes des exemples de gens bloqués dans un style, qui font un fétiche d’un moment très précis, très particulier, qu’ils n’ont le plus souvent même pas vécu.

D’autres consomment de manière effrénée, refusant de rechercher une profondeur à quoi que ce soit, considérant qu’il faut suivre les flots pour toujours disposer d’un sens adéquat à sa vie. Il n’y a ici pas de fétiche, mais une terrible superficialité. La confrontation des deux blocs renforcent les postures également.

Le mépris de telle personne ayant bien vu l’importance, disons de la musique electro-industrielle du tout début des années 1980, remarquera bien la fausseté de la musique commerciale electro jouant sur des sons un peu rudes. De l’autre côté, il a le fétichisme de quelque chose du passé et un décrochage par rapport au présent.

Le consommateur du 21e siècle se retrouve alors prisonnier de ce dilemme : faut-il un certain type de culture, liée à une époque passée, même imaginaire, ou bien faut-il se noyer dans la masse superficielle mais, au moins, être ainsi reconnu et dans la tendance ?

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Culture

Les blockbusters dénoncent la collectivité et les machines

Les ennemis dans les films blockbusters sont régulièrement une force collectiviste, alliée aux machines, cherchant à provoquer un bouleversement dans le sens d’une remise en ordre. Depuis Star Wars jusqu’à la série des Terminator ou encore les Avengers, l’ennemi est bien sûr l’allégorie du Socialisme.

Comment faire avancer les idées de Gauche alors que les superproductions de Hollywood diffusent sans interruption une propagande forcenée contre le collectivisme et les idées de collectivité ? Dès qu’il y a une dimension sociale recherchée, Hollywood bastonne littéralement le même principe : il y a des forces obscures, indéfinies, cherchant à imposer le collectivisme.

Ce dernier consisterait en des choses simples : forcer les gens à être tous pareils, à imposer un bonheur qui serait le même pour tout le monde, tuant toute différence, diversité, etc. Le collectivisme serait également impitoyable, fondamentalement arbitraire. La mort d’une partie de la population fait partie de sa stratégie.

Le modèle absolu, c’est bien entendu Star Wars, mais il est très facile de trouver une liste de films relevant du même procédé de propagande. Rien que les derniers Avengers, en guerre contre Thanos, sont tout à fait représentatifs. Thanos veut en effet tuer la moitié de la population de l’univers pour rétablir un équilibre social, écologiste, etc.

À cela s’ajoute les films relevant davantage de la dystopie, comme Hunger games, Divergente, La cinquième vague, etc. Ceux-là ont une approche un peu différente puisque, dans ces cas-là, on a systématiquement des adolescents faisant face à un complot, une manipulation à grande échelle visant à les empêcher d’être eux-mêmes. Les ressorts sont les mêmes que pour l’autre catégorie : le collectivisme est une horreur.

Tout cela est de la propagande et relève directement de la lutte des classes. Le divertissement spectaculaire vide de sens se voit ajouter un message en filigrane : il ne faut pas faire confiance à ce qui est collectif. Ce qui est collectif dénature l’individu, le brime, l’empêche d’être lui-même. C’est la continuité directe des horreurs propagandistes que sont les romans 1984, Le meilleur des mondes ou encore Fahrenheit 451, Rhinocéros.

Si jamais il y a un doute à ce sujet, il suffit de regarder et de voir que la présence des machines est systématique. Pourquoi les machines ? Parce que les machines sont l’allégorie du travail, des travailleurs. C’est en fait le détournement des Temps modernes de Charlie Chaplin. Sa dénonciation de l’aliénation dans l’usine a été transformée par le capitalisme en dénonciation du travail à l’usine en général, et des ouvriers en particulier.

Il y a bien sûr une part de vérité et les ouvriers savent que l’usine est en endroit de souffrance, et que si on peut l’éviter… Mais l’usine représente également le travail, la transformation. Tout cela est gommé, effacé, oublié. Cela participe à l’idée qu’il n’y aurait plus d’ouvriers en France. Et les films qui présentent les machines renforcent cette conception, bien entendu à l’échelle mondiale.

Les machines sont en effet toujours effectives, appliquant leurs méthodes efficacement, n’ayant pas d’individualité et s’impliquant collectivement, et entièrement collectivement… Par le travail. Ils n’ont à ce titre pas de crise existentielle, comme les « vrais » individus.

Pourquoi y a-t-il eu Batman contre Superman ? Car Superman était trop mécanique, trop parfait, aussi a-t-il fallu le précipiter dans une crise existentielle, tout comme d’ailleurs Captain America. Il faut des individus, certainement pas de vrais héros capables d’être stricts, faisant passer leurs principes avant tout le reste. La série des Civil War a été nécessaire exactement pour cette même raison : les super-héros doivent-ils obéir au gouvernement ou non ?

> Lire également : “Civil War” : une bande dessinée comme fuite intellectuelle et morale

C’est évidemment aussi que les super-héros sont une aberration complète, le produit d’une époque qui cherche à tout prix des gens uniques, aux caractéristiques tellement différentes que personne d’autre ne peut les avoir. Ils sont le pendant de la « guerre aux machines » des blockbusters.

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Réflexions

Vivre sa vie ou vivre la vie

Le capitalisme prétend que vivre, c’est vivre sa vie, selon sa propre individualité. C’est là une abstraction visant à satisfaire concrètement l’esprit de consommation. La vie est un processus universel et c’est à ce processus qu’on appartient.

Le poète pauvre, 1839, Carl Spitzweg

Tous les grands philosophes ou les grands artistes qui ont abordé la question du sens de la vie ont souligné qu’ils ont découvert l’immensité, la multiplicité de la vie, sa richesse. Les ressources de la vie sont infinies, ses aspects indénombrables.

Le capitalisme prétend proposer une manière de vraiment vivre en disant que, justement, chaque aspect de la vie consiste en un individu. Être soi-même, ce serait vivre sa vie. On poursuit son bonheur à soi, chacun ayant des valeurs, des sensibilités différentes. Rien ne serait pareil pour personne, on ne peut pas juger le bonheur d’un autre.

Il faudrait accepter que certains aiment les voitures puissantes et bien polluantes, d’autres se faire fouetter. De vieux hommes veulent des jeunes femmes, certains aiment la fourrure. Tous les goûts sont permis et le capitalisme fournit pour cela la consommation disponible. C’est pour cela qu’il n’y a pas de réelle répression de là où l’argent circule, comme pour les call-girls, les drogues dans les milieux chics.

Le libéralisme ne peut qu’aller dans le sens d’ouvrir toutes les possibilités : celle d’acheter des drogues… si on le veut, de se faire mutiler… si on le veut, etc. Le passage du football en pay per view suit le même principe : on peut regarder le football… si on le veut. Et donc si on paye.

Vivre, c’est vivre sa vie, et donc payer. Parce que sa propre vie n’est pas celle du voisin, et que la distinction ne peut se faire que par la consommation. Dis moi ce que tu consommes, je te dirais qui tu es. Le capitalisme sous-tend une démarche ostentatoire qui prend d’ailleurs des proportions toujours plus immenses. Le triomphe d’Apple et des marques de vêtement Supreme et off-white témoigne de l’élargissement du luxe à la vie quotidienne, alors qu’avant l’ostentatoire concernait surtout des moments de la vie sociale.

Fini la robe de soirée issue de la haute couture, gage d’un moment bien travaillé et prouvant un statut social, ou les beaux habits qu’on a choisi pour aller en « boîte de nuit ». Désormais, c’est tout le temps qu’il faut montrer qu’on vit sa vie à soi. La pression est immense, et cherche tous les détails. Comment est-on habillé ? Quelle est sa posture ? Avec qui est-on ? Le couple lui-même s’efface devant le principe de l’alliance entre partenaire, dans la perspective d’une mise en valeur réciproque.

Vivre sa vie, c’est comme une sorte de grande Bourse des individus, où l’on cherche à placer des actions concernant sa propre vie. On n’existe pas en soi, mais par rapport à certains rapports, à certaines relations. On est une entreprise établissant des liens, et plus une personne avec une personnalité. On est uniquement un individu.

Ce n’est pas là vivre la vie. On ne peut réellement vivre qu’en voyant comment la vie est un processus universel, une réalité sensible qui concerne tout le monde, chaque être vivant. Ce n’est que de cette manière qu’on en saisit la densité, la subtilité, qu’on cherche soi-même à développer ses facultés pour davantage vivre.

Le sentiment amoureux est en ce sens un véritable obstacle au capitalisme, parce qu’il amène deux personnes à se rencontrer en tant que personnes, en faisant sauter tous les rapports consuméristes qui priment sinon. Quand on accepte d’être amoureux – nombreux et nombreuses sont les opportunistes, les carriéristes qui refusent – alors on est soi-même et que soi-même. On découvre l’amour comme réalité de la vie, non pas simplement de sa vie à soi, mais de la vie en général, représentée par la personne aimée.

C’est d’ailleurs parce qu’on voit la vie dans l’amour qu’on espère avoir des enfants, comme expression de la vie. Quel dommage ici que les enfants qu’on devrait aimer comme à la fois ses enfants et les enfants de l’amour, donc de la vie, soient uniquement vus, bien souvent, comme « ses » enfants au sens d’une propriété, d’une possession, d’un lien consumériste.

Est-ce cela qui fait que, bien souvent, l’amour disparaisse du côté de l’homme, un fois l’enfant arrivé, la femme perdant son statut d’une relation ostentatoire, pour ne plus avoir qu’une fonction utilitaire ? Car les tendances du capitalisme cherchent à revenir à la moindre occasion, pour reconquérir des espaces, ouvrir un marché.

Qui échappe une fois à l’aliénation n’en a pas fini avec la bataille pour être réellement soi-même. Tant qu’il n’y a aura pas eu de révolution, on n’est jamais à l’abri d’une rechute. Seul le fait d’être en phase avec le processus révolutionnaire permet de maintenir le cap de sa propre personnalité.