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L’affrontement politique entre Philippe Martinez et Laurent Brun

En apparence, on a deux figures syndicalistes qui n’ont rien à voir avec la politique, qu’ils récusent au nom de la charte d’Amiens. Et pourtant, le mouvement contre la réforme des retraites a passé un cap et vient de rentrer dans une seconde phase. Ces deux dirigeants syndicaux en synthétisent la nature politique.

Ils sont issus de la même culture, celle du PCF. Il ne faut donc pas chercher d’éléments culturels relevant de la gauche alternative, cherchant à modifier la vie quotidienne, dénonçant le capitalisme dans sa dimension culturelle. On est dans une logique syndicale dure, dont le parti politique, en l’occurrence le PCF, ne peut être que le prolongement.

Il y a toutefois une profonde différence entre le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, et le secrétaire Général de la Fédération CGT des Cheminots, Laurent Brun. Cette différence est la grande actualité politique des derniers jours, comme conséquence de la persistance de la grève. Cette différence provoque même des soubresauts relançant la grève.

L’Histoire avance, mais passe donc par un drôle de chemin ! Ce qui se passe est toutefois assez simple. On a d’un côté une partie de la CGT qui dit que, désormais, tout a changé, qu’il ne peut au mieux y avoir qu’un PCF social et accompagnateur de la modernité. C’est la ligne de la nouvelle génération ayant pris le pouvoir et dont Ian Brossat est le meilleur représentant (la victoire de la ligne portée par André Chassaigne au dernier congrès n’ayant pas changé grand chose à l’affaire).

Philippe Martinez reste davantage ancré dans l’histoire ouvrière, mais il est d’accord avec cette tendance. Il veut une CGT de combat, mais dans une perspective constructive.

Laurent Brun a un profil tout à fait différent. C’est un nostalgique du style du PCF des années 1980, en mode dénonciation de la soumission du travail au capital, Cuba comme référence romantique, des références à Marx pour revendiquer une identité ouvrière historique.

Concrètement, qu’est-ce que cela veut dire par rapport à la grève contre la réforme des retraites ? Cela signifie que :

→ pour Philippe Martinez, c’est une lutte sociale, devant également aider à renforcer la CGT, d’où la mise en avant de sa signature de la fameuse pétition du Journal du Dimanche portée par la gauche institutionnelle.

→ pour Laurent Brun, c’est une lutte de classe par procuration où les cheminots sont le héraut de l’ensemble des couches populaires.

Comme on le voit, c’est bien différent et depuis quelques jours, l’antagonisme entre les deux tendances s’est cristallisée de manière historique. Philippe Martinez l’avait bien senti depuis le départ, d’où sa volonté de temporiser et sa fameuse absence d’annonce à part la mobilisation du 9 janvier, il y a deux semaines.

Inversement, la Fédération CGT des Mines et de l’Énergie (dont l’héritage direct est la puissante CGT de l’ancien bastion EDF-GDF) explique par exemple le 6 janvier que pour elle la lutte doit rester interprofessionnelle et qu’elle « refuse » – le terme est même inscrit en rouge dans cette phrase elle-même en gras – « toute rencontre avec les ministères et/ou employeurs ».

Philippe Martinez aimerait clairement en terminer avec tout ça, en mode « il faut trouver une solution le plus rapidement possible », alors que les tenants de la ligne de Laurent Brun se disent que c’est précisément maintenant que tout commence.

Cela peut inspirer plein de questions, de réflexions. Qu’est-ce qui va commencer ? Est-ce de la lutte de classes ou bien la lutte des classes utilisant indirectement les partisans du courant de Laurent Brun ? Tout ce discours de combat serait-il en réalité simplement du verbiage radical masquant les intérêts corporatistes des cheminots, voire de la CGT nostalgique d’une certaine prédominance dans le monde du travail dans le passé ?

Laurent Brun est-il le vecteur d’un esprit de lutte réelle ou bien un simple acteur « syndicaliste révolutionnaire » à la française ? Le monde du travail verra-t-il vraiment un moyen d’épauler sa propre lutte dans tout cela ?

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La pétition du 5 janvier 2019: le tournant politique de la grève

Le Journal du Dimanche a publié une tribune appelant le gouvernement à stopper la réforme des retraites et à négocier avec les syndicats. C’est que la grève se prolongeant, tout risque de commencer à être bousculé socialement et d’ouvrir la porte aux révoltes. C’est hors de question pour la direction de la CGT et la gauche institutionnelle, tous deux à l’origine de la tribune. C’est une opération de récupération et surtout d’évitement de la lutte des classes, qui cherche à torpiller la gauche du mouvement de grève.

La grève continuant, les choses deviennent politiques, comme prévues. Qu’on le veuille ou non, on est dans une opposition entre des syndicats et le gouvernement, ce qui pose la question de la légalité, de la légitimité, donc de l’État.

C’est là ouvrir une porte à ce que la société française soit ébranlée. Tant mieux ! dit-on si on est de Gauche et qu’on espère enfin qu’en France, il y ait un mouvement populaire. Hors de question ! dit-on si on considère que tout doit rester dans le cadre institutionnel.

La tribune publiée dans le Journal du Dimanche du 5 janvier 2019 est ainsi très brève. En quelques lignes, on a un « appel au calme » signé des principales figures politiques classées à gauche, tels Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise), Olivier Faure (PS), Fabien Roussel (PCF), Julien Bayou (EELV), à quoi s’ajoute Philippe Martinez, le dirigeant de la CGT.

On a également parmi les signataires Gérard Filoche de la Gauche démocratique et sociale, Guillaume Balas de Génération-S, Raphaël Glucksmann de Place publique, Marie-Noëlle Lienemann de la Gauche républicaine et socialiste, Olivier Besancenot et Philippe Poutou du Nouveau Parti anticapitaliste.

De plus, pour faire bien, la liste comprend des comédiens, des historiens, etc. et dispose d’un site où signer la tribune-pétition.

« Une majorité de citoyennes et de citoyens le demandent : retrait de la réforme Macron !

Depuis le 5 décembre, des millions d’hommes et de femmes se retrouvent dans les grèves, dont beaucoup en reconductible, et les manifestations à l’appel des organisations syndicales.

Ils et elles rejettent la réforme du système de retraites que veulent leur imposer le président de la République et son gouvernement.

Ce projet n’est pas acceptable, car il est porteur de régression des droits de chacune et chacun : toutes les hypothétiques avancées proposées par le gouvernement devraient être financées par des baisses de pensions ou par l’allongement de la durée de la vie au travail. D’autres choix sont pourtant possibles.

C’est pourquoi nous demandons le retrait du projet présenté par le Premier ministre, afin que soient ouvertes sans délai de vraies négociations avec les organisations syndicales, pour un système de retraites pleinement juste et solidaire, porteur de progrès pour toutes et tous, sans allongement de la durée de la vie au travail. »

Tout est ici très compréhensible, voire logique même si l’on veut, s’il n’y avait pas le dernier paragraphe. Car s’il y a retrait du projet de réforme des retraites, qu’y a-t-il à négocier ?

C’est là qu’on comprend que cette tribune-pétition a comme cible toute la gauche du mouvement de grève, pour qui cette grève porte sur bien plus que la question des retraites. La pétition-tribune, très largement diffusée dans les milieux syndicaux, est une manière de limiter la question aux retraites, d’exiger une porte de sortie rapide à la crise.

C’est doublement criminel.

Déjà, car il s’agit de demander à Emmanuel Macron de réactiver la gauche institutionnel et la CGT, sur le dos de la grève.

Ensuite, car c’est espérer quelque chose d’un gouvernement fer de lance du capitalisme sur le plan des privatisations, ce qui est absurde.

À l’arrière-plan, la chose s’explique comme suit : Philippe Martinez, le dirigeant de la CGT, veut couper l’herbe sous le pied du syndicalisme dur à la CGT, et empêcher à tout prix que s’ouvre une nouvelle séquence de lutte, bien plus dure et généralisée.

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Le clip des infirmières de l’unité médico-chirurgicale pédiatrique du CHRU Brest-Carhaix

Ce clip a été réalisé au sein de l’unité médico-chirurgicale pédiatrique du CHRU Brest-Carhaix. Cela fait un an que le personnel exprime sa grande détresse quand à la dégradation des conditions d’exercice du travail, pourtant tellement indispensable. La colère est grande dans les hôpitaux publics français depuis plusieurs mois.

Une pétition de soutien est disponible : Soutien à l’unité médico-chirurgicale pédiatrique de Brest.

 

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«Serons-nous débarrassés de Macron ou de la CGT?»

Il est un article sans intérêt de la revue de droite Causeur dont le titre dit par contre beaucoup de choses. Si la grève contre la réforme des retraites échoue, la CGT va profondément reculer et c’est un coup symbolique contre le « communisme ». Si Emmanuel Macron recule, il part perdant aux prochaines élections présidentielles et c’est un boulevard pour l’alliance Droite/extrême-Droite.

L’article de Causeur, en date du 31 décembre, reflète parfaitement les espoirs de la Droite et de l’extrême-Droite. Une partie importante de la bourgeoisie s’est rangée derrière Emmanuel Macron le progressiste, le moderniste. S’il échoue dans ses réformes, il perd sa crédibilité et cela laisse de la place pour une nouvelle proposition stratégique, celle d’une remise à plat sous la forme d’un tournant à la fois militariste et nationaliste.

Cela est d’autant plus vrai qu’une large partie de la Gauche ayant soutenu Emmanuel Macron au second tour de la présidentielle, au nom du rejet de l’extrême-Droite, dit ouvertement aujourd’hui qu’elle ne le refera pas, que Marine Le Pen n’aurait pas fait pire, etc. C’est une position absurde, mais malheureusement de plus en plus partagée.

On retrouve ici l’illusion selon laquelle il faudrait la terre brûlée et tout reprendre à zéro. Comme si l’extrême-Droite allait attendre que la Gauche se reconstitue ! Il faut ici avoir conscience que le barrage à toute avancée de l’extrême-Droite est primordiale. Croire qu’un basculement dans une alliance Droite/extrême-Droite ne changerait rien, voire aiderait à reconstituer la Gauche, cela s’appelle une pensée suicidaire !

Il faut être réaliste et bien voir que l’échec de la grève contre la réforme des retraites implique un profond élan populiste. Inversement, la victoire de la grève implique un passage à la lutte de classes que les syndicats ne veulent pas. Les syndicats ne posent aucune question selon un agenda politique de gauche ; ce qui les intéresse, c’est leur insertion dans les rapports sociaux, comme leviers pour les négociations. Il n’en ressort donc rien.

L’incohérence est particulièrement marquée du côté de la CGT. Le 1er janvier, le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez était invité sur BFM TV et la radio RMC, et il a appelé à mener « des grèves partout, dans le public, dans le privé ». Cependant, cela ne se décrète pas et encore moins plusieurs semaines après le début du mouvement. Et jusqu’à présent, la CGT a toujours cherché à maintenir la chape de plomb syndicale, s’opposant de fait à l’affirmation du principe des assemblées générales au-delà des syndicats.

> Lire également : Assemblée générale et non intersyndicale ou gilets jaunes

La Gauche est donc coincée, car elle dépend d’une CGT qui refuse la politique, sans parler de Force Ouvrière qui est très violemment anti-politique et a toujours été opposé de la manière la plus farouche à l’hégémonie de la Gauche politique (ce qui n’est pas étonnant pour un syndicat ouvertement né avec l’appui de la CIA juste après la Seconde Guerre mondiale, afin de faire barrage à toute union de la Gauche en France).

Et la Gauche est aussi bloquée par l’immense faiblesse de ses forces, qui plus est éparpillée. Cela laisse peu de perspectives à part un intense travail de fond, qui accapare les énergies et qui est moqué par l’ultra-gauche s’imaginant la France au bord du grand soir, alors qu’on est bien plus proche de l’instauration d’un État autoritaire assumé, au nom de l’unité nationale.

Déjà Emmanuel Macron y est allé de sa petite phrase, lors de ses « vœux présidentiels » :

« 2020 doit ouvrir la décennie de l’unité retrouvée de la Nation.

Je vois trop de divisions au nom des origines, des religions, des intérêts. Je lutterai avec détermination contre les forces qui minent l’unité nationale et dans les prochaines semaines je prendrai de nouvelles décisions sur ce sujet. »

Emmanuel Macron a joué ici les mystérieux, mais l’on sait ce que cela signifie : la crispation militariste et nationaliste de l’État, parallèlement à celle du pays.

Seule la lutte de classes peut débloquer la situation. Et cela ne passe pas par la CGT, mais par son dépassement démocratique à la base, dans un élan populaire politique reconstituant la Gauche culturellement et politiquement.

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Grève à la fin décembre 2019: la fuite en avant de la CGT

Contrairement au discours entièrement triomphalistes des syndicats, la grève de décembre s’enlise en raison des comportements individualistes des grévistes eux-mêmes. Chassez le naturel d’une vie façonnée par le capitalisme, il revient au galop. La CGT a donc décidé de jouer le tout pour le tout avec le blocage des raffineries annoncé pour la semaine prochaine pour trois jours, avec possibilité de grève générale.

La CGT a publié une vidéo à l’occasion d’un petit message pour Noël, le 24. C’est une catastrophe mal ficelée avec un début beauf (le tintement provoqué par des « boules ») et en seconde partie l’insupportable rock festif tant affectionné en France du côté de la ringardise populiste « de gauche ».

Ce qui est révélateur, c’est le nombre de visionnages en une semaine, puisqu’on dépasse à peine les 2 000 vues. C’est une marginalisation typique de la Gauche actuelle dans notre pays malheureusement, mais pour un syndicat se voulant un mouvement de masse, c’est simplement terrible.

 

Cela reflète une situation culturelle catastrophique et, de manière typique du syndicalisme français, il y a une compensation par la fuite en avant. Au lieu de conquérir les mentalités, les esprits, il y a cette idée de forcer les choses.

C’est la raison des coupures d’électricité menées ponctuellement lors de la grève, comme lors des matchs de rugby Agen-Toulouse et Castres-Lyon le 21 décembre. C’est l’idée qu’une intervention volontariste peut apporter suffisamment de nuisance pour forcer le cours des choses.

C’est en ce sens qu’il faut comprendre la déclaration de Thierry Defresne, délégué central de la CGT chez Total, annonçant le blocage de toutes les raffineries de France du 7 au 10 janvier 2020. Jusqu’à présent, seule celle de Grandpuits (Seine-et-Marne) l’était depuis le départ, aux côtés de celle de La Mède et d’une troisième par moment.

Le délégué CGT, qui a fait l’annonce sur France info, a évidemment menacé du « grand soir » :

« Ce sera un blocage total. A l’issue de ces 96 heures de grève on se posera la question de savoir si l’on passe à l’étape de l’arrêt des installations. »

C’est évidemment là un bluff, car pour bloquer les carburants à l’échelle du pays, il faudrait une CGT aussi rude ou solide, selon ce qu’on voudra, que celle du début des années 1950. Qui peut croire que ce syndicat aux mains de bureaucrates au mode de vie relevant littéralement de l’aristocratie ouvrière vont chercher à soulever le pays ?

Mais la question fondamentale n’est en fait pas là. Car en annonçant une bataille du 7 au 9 janvier, alors que la prochaine manifestation a lieu le 9 justement, il y a l’idée d’apporter du sang frais à la grève actuelle – surtout voire seulement des cheminots et à la RATP – qui s’enlise de par le manque de solidité de la base, d’organisation.

Il y a la détermination d’une frange du mouvement, mais rien de galvanisé, rien de structuré, le volontarisme compensant tout pour l’instant, jusqu’au moment justement où cela ne suffira pas. La CGT espère compenser les manques… avec un autre volontarisme. C’est une fuite en avant.

Et à lire la folie furieuse de l’ultra-gauche parlant d’une grève victorieuse pour l’instant, se généralisant, etc. on comprend que concrètement il a toute une vielle Gauche syndicaliste d’un côté, l’ultra-gauche de l’autre, qui cherchent à sauver leur existence dans une France ayant profondément changé.

L’idée est de tenir coûte que coûte pour ne pas disparaître, jusqu’à ce qu’il y ait un mouvement populaire pour permettre de reprendre des forces. Sauf que les gens ne sont pas dupes et ne vont pas se lancer dans la bataille de leur vie pour la CGT et les cheminots.

On assiste donc à une séquence historiquement très importante, puisqu’il y a les élections municipales en mars. On risque donc d’avoir, comme en Italie au début des années 1920, un mouvement social économiste sans débouché politique ni perspective, une Droite aux aguets par peur de la lutte des classes et une extrême-Droite récupérant la déception.

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Collectif inter-urgences: «nous portons toujours les mêmes revendications»

Voici le dernier communiqué du collectif inter-urgences, qui fait le point sur la situation dans les services d’urgence où la situation ne change pas et la colère ne s’estompe pas.

« Communiqué de presse – 23 décembre 2019

Le 17 décembre, les hospitaliers se sont mobilisés, à Paris et en régions. La manifestation parisienne a débuté à Lariboisière. Hôpital dont le service d’urgence avait été le lieu d’un drame fortement médiatisé, un an auparavant au jour près : une patiente, enregistrée à 19h, avait été retrouvée décédée presque douze heures plus tard en salle d’attente. La commission d’experts
mandatée par l’AH-HP avait alors mis en lumière l’extrême saturation du service.

Depuis, le Collectif Inter-Urgences a montré que ces situations de crise étaient devenues la norme à l’hôpital. Un an plus tard, et malgré l’alerte donnée par les paramédicaux depuis neuf mois, nous continuons de dénombrer toujours autant de situations dégradées.

Alors que la période des fêtes de fin d’année permettent aux directions hospitalières de se cacher derrière les « congés des équipes et perspectives d’activité », la maladie ne prend pas de vacances.

Fermetures de lits de médecine et de chirurgie VS épidémie de grippe, chutes en tout genre, accidents de la voie publique… nos enfants, parents, amis, se retrouvent de nouveau à passer des heures voire des jours en « hospitalisations brancards ».

A Cochin ou à Dinan, ce sont des services entiers d’orthopédie qui sont actuellement fermés, entraînant un allongement des durées de prise en charge et des transferts vers les autres hôpitaux.

Les fractures du col du fémur de votre grand-mère douloureuse ou la double fracture de votre petit frère peuvent bien attendre !

A Aix en Provence, la moitié du service d’UHCD (unité d’hospitalisation courte durée des urgences) voit son nombre de lits diminué de moitié, sans que les équipes en connaissent la raison ni son devenir, mais doivent assurer les soins avec une diminution de leurs effectifs.

Encore à l’AP-HP, Bayonne, Bordeaux, Brest, Dinan, Epernay, Libourne, Mâcon, Mont de Marsan, Nantes, Remiremont, Seclin, Saint-Nazaire… se sont plusieurs milliers de lits d’hospitalisation de différentes spécialités qui sont fermés. Certains avec impossibilité de rouvrir début janvier faute de personnels soignants suffisants. Par ici, promesse d’ouverture de « lits tampons » mais sans effectif supplémentaire. Par là, on annonce que les hospitalisations brancards dérangent moins que les durées d’attente avant de voir un médecin à l’arrivée aux urgences. Le cercle vicieux est toujours en place.

La triste palme d’or revient à l’hôpital pilote dans la mise en place du « contrat zéro brancard » dont s’étaient félicités l’ARS Ile-de-France et l’AP-HP : aux urgences de l’hôpital du Kremlin-Bicêtre (94, AP-HP) où 34 patients restent ce matin hospitalisés sur des brancards dans un couloir faute de
place dans les étages, dont certains pour leur 3e journée.

Quelques jours plus tôt, le chef de service alertait déjà sur cette situation déplorable, et dénonçait : « Les personnels déjà malmenés par les conditions de travail habituelles risquent de s’arrêter d’avantage. Aujourd’hui, nous n’avons d’autre choix que de subir à moins de tous démissionner (hypothèse sérieuse) ; on ne ferme pas les urgences faute de personnels et ce quel que soit l’activité et le nombre de patients présents. Prévenez vos internes que les gardes vont être difficiles. Nos tutelles sont irresponsables de savoir et de fermer
les yeux. »

Alors que la semaine dernière, le député Thomas Mesnier et le Pr. Carli présentaient à la Ministre de la Santé la version définitive du « pacte de refondation des urgences » (dont presque aucune mesure ne
concerne directement les urgences!), et en attendant les arbitrages nécessaires, certains diront qu’il est normal que les réformes hospitalières prennent du temps et cette réflexion est tout à leur honneur.

Espérons qu’ils conservent le même flegme s’il arrive que ce soit leur enfant qui soit transféré 200km plus loin par manque de lits en réanimation pédiatrique, ou leur parent qui se troue la peau jusqu’à l’os sur des brancards trop durs par manque de lit et de personnel.

Pour de meilleures conditions de travail, au profit de meilleures conditions d’accueil, pour cette année comme pour la suivante : nous portons toujours les mêmes revendications d’augmentation des effectifs soignants, revalorisation des salaires et arrêts des fermetures de lits voire réouvertures de lits à hauteur des besoins remontés service par service. Nous serons toujours présents
en janvier, prêts à manifester et à nous mobiliser sous toutes les formes possibles.

Joyeuses fêtes de fin d’année à tous !
Le Collectif Inter-Urgences »

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36 jours de grève au 9 janvier 2020

Le 9 janvier 2020, cela ferait 36 jours de grève de la part des cheminots, car dans l’Éducation nationale on est en vacances et qu’il n’y a pas vraiment autre chose en mouvement, si ce n’est la RATP. Alors, la chose est simple à comprendre. Soit les cheminots sont devenus des travailleurs assumant la lutte de classe de manière déterminée, donc politique, se montrant capables de mener la plus grande grève de l’histoire de la SNCF. Soit cela va être la défaite.

La grève a commencé le 5 décembre et en disant que la prochaine mobilisation aura lieu le 9, l’intersyndicale a visé haut… ou plutôt très bas. Car il faut être bien naïf pour croire que les syndicats veulent et peuvent mener une lutte politique. À un moment donné en effet, les choses tournent politique qu’on le veuille ou non. Et les syndicats français sont une fin en soi.

Il faut bien le dire tout de même ! C’est tout de même fou que les anarchistes, qui font n’importe quoi mais sont parfois des garde-fous, courent derrière les syndicats, alors qu’ils sont censés être contre l’État et que l’État en France ne se conçoit pas sans syndicat, et inversement.

Alors évidemment, il y a la fiction comme quoi les syndicats sont indépendants, que l’État ne fait qu’encadrer les rapports patronat-syndicat, etc. C’est toutefois une fiction bien pratique pour tout le monde, mais dans les faits c’est ridicule. Le vaste secteur public est un levier puissant de corruption des syndicats et d’arrimage à l’État, transformant les syndicats dans les entreprises – quand ils y existent, ce qui est rare – en un simple prolongement.

Tout le monde sait bien que les hauts responsables syndicaux sont des bureaucrates et des beaufs, des gens rêvant de cogérer l’État ou bien de gérer en bon bourgeois leur vie privée. La mentalité de ces gens-là est étriquée, ils s’imaginent que parce qu’ils servent un peu les gens tout leur est permis à côté.

Outrancier ? Il suffit pourtant de regarder : est-ce que les gens suivent les syndicats ? Non. Ils disent : la cause est juste. Ils ne bougent pas pour autant. Personne ne veut être à la remorque des syndicats, car tout le monde les connaît… ou bien personne ne veut les connaître. Le cœur des syndicats, ce sont donc les secteurs et les grosses entreprises où les syndicats jouent un rôle d’encadrement particulièrement avancé des travailleurs.

Quelques revendications sont satisfaites, cela s’arrête là. Est-il besoin de se rappeler de la position des syndicats en mai 1968 ? Ils étaient tous contre ! Cela veut tout de même tout dire. Les syndicalistes sont incrustés dans le capitalisme. Leur hargne actuelle tient surtout à leur peur de perdre une certaine présence aidée par les régimes spéciaux.

Donc les grévistes de la SNCF vont dans le mur à moins d’un électro-choc. La problématique est un paradoxe : si la grève de la SNCF tenait 36 jours, ce serait de la lutte de classe. Mais il faudrait que ce soit de la lutte de classe pour tenir 36 jours !

Dans l’état actuel, les grévistes sont donc partis pour se faire poignarder dans le dos et avec la date du 9 janvier, c’est un simple constat qui est déjà fait par certains. Parce que bon, 36 jours de grève, cela demande une combativité que les gens n’ont pas, tout simplement. 36 jours de grève, même sur une base discutable, c’est de toutes façons de la lutte des classes.

Cela demande une organisation énorme, une détermination politique. Que les grévistes n’ont pas pour l’instant, qui prétend le contraire ment, en cherchant à former un mythe mobilisateur, typique du syndicalisme français. Il y a d’ailleurs un article intéressant du Monde, dont le titre veut tout dire :

« Je soutiens la mobilisation contre la réforme des retraites, mais faire grève ne pénaliserait que moi »

L’une des personnes interrogées dit la chose suivante :

« En théorie, tout le monde a le droit de grève en France mais, en pratique, les gens qui ont la possibilité de faire grève sont de plus en plus rares »

Cette phrase, rigoureusement pathétique, est ridicule : comme si les innombrables grèves qui ont eu lieu en France, à la fin du 19e siècle et dans les années 1920-1930, auraient été évidentes, à une époque sans sécurité sociale, de répression brutale et de conditions de vie générales autrement bien plus ardues !

Et comme elle est ridicule, elle est criminelle, de par ses conséquences. Un peuple qui n’assume pas le combat pour ses droits, qui n’assume pas la Démocratie, est un peuple prêt à se livrer au fascisme. Un peuple qui n’est prêt à aucun sacrifice n’est qu’un assemblage d’individus repliés sur eux-mêmes, prêts à tout opportunisme.

Pour l’instant, la grève n’est qu’un assemblage de gens aux intérêts communs, de type corporatiste. Si le tout ne se transcende pas et ne parvient pas à la lutte des classes, ce sera le désenchantement.

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Un 9 janvier choisi par des Ponce Pilate

Jeudi 19 décembre 2019 avait lieu auprès du Premier ministre une réunion avec les principales organisations syndicales et patronales. À la sortie, le dirigeant de la CGT Philippe Martinez avait été particulièrement bref en conférence de presse, annonçant une mobilisation le 9 janvier. Quelles allaient être les réactions le lendemain, alors que la grève dure déjà depuis seize jours et que le 9 janvier, c’est dans trois semaines ? On a pu voir que la base affirme que la lutte continue, mais en reflétant pour beaucoup l’état d’esprit anti-politique des syndicalistes.

Ce qui se passe est très simple à comprendre : d’un côté, les syndicats font monter la pression dans les négociations avec le gouvernement. De l’autre, les syndicats ont toujours accepté les négociations avec le gouvernement. Ils ne se conçoivent jamais comme pouvant agir d’en-dehors du système bien rôdé des négociations, de la reconnaissance institutionnelle.

On voit donc ici très bien l’hypocrisie de la direction de la CGT et de la CGT-FO, qui participent à une réunion avec le Premier ministre, alors qu’ils sont censés représenter la ligne d’un « non » catégorique. Ils auraient dû dire : on ne vient pas, on est contre, cela ne se discute pas.

Les dirigeants de la CGT et de la CGT-FO ont donc été très malins en refilant la patate chaude à la base en grève, en disant : maintenant, on se mobilise le 9 janvier. Car, entre temps, que va-t-il se passer ? En ne disant rien, les dirigeants de la CGT et de la CGT-FO n’assument rien, ni le choix d’une éventuelle « trêve », ni l’échec vers lequel on va.

Ils remettent à la base les responsabilités concrètes, tout en faisant du 9 janvier une date mythique comme le syndicalisme sait en produire. Ils se lavent les mains. Et quand on dit « la base », il faudrait plutôt dire « les cadres syndicaux », car il n’existe aucun élan démocratique à la base. Il y a des assemblées de type syndicaliste, avec beaucoup d’entrain, mais aussi beaucoup de prétentions.

De plus, le front syndical est sérieusement fissuré avec les jeux en solitaires de l’UNSA et de la CFDT. Le syndicalisme est particulièrement faible et en plus émietté, comment espère-t-on alors la victoire ? Sans unité, la défaite est assurée et elle est mal partie pour passer par les syndicats : seules des assemblées générales à la base peuvent la réaliser.

Les syndicalistes vivent dans leur bulle. Ils sont incapables de s’adresser à la population, de par leur tradition de rejet de la politique. Ils ne cherchent pas à convaincre le peuple, ils ont des attitudes simplistes de négociateurs et des réflexes corporatistes, ils n’ont aucune analyse des enjeux sociaux, politiques, culturels.

Il suffit de voir un syndicaliste et de l’écouter parler pour se dire : cette personne serait incapable de devenir ministre. Or, le peuple ne va certainement pas se mettre en branle pour d’aussi mauvais chefs, dont les intérêts primordiaux, et ce de manière assumée, sont les secteurs avec des retraites au régime spécial.

Il faudrait clairement que les syndicalistes passent la main à la Gauche politique, mais il ne le veulent pas. D’un côté il s’adressent au gouvernement, de l’autre ils ne veulent pas de politique ! C’est la tradition syndicaliste française, d’origine syndicaliste révolutionnaire. On court donc à la catastrophe.

Ceux qui vont profiter de l’affaire, ce seront les populistes, surtout d’extrême-Droite, qui commencent déjà à accuser les fonds de pension américain d’être à la manœuvre. Les populistes « de gauche » sont évidemment de la partie. C’est inévitable : refusant de reconnaître la bourgeoisie, tous ces gens doivent trouver un ennemi imaginaire. C’est aujourd’hui le capital financier américain, demain ce sera le capital financier américano-juif.

Voilà ce que va amener ce qu’on doit appeler, en parallèle avec le crétinisme parlementaire des opportunistes, le crétinisme syndicaliste. Les Ponce Pilate ne torpillent pas que la grève actuelle, mais également les avancées de la Gauche politique. Leur crétinisme syndicaliste détruit la politique et appuie les populismes.

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17 décembre 2019: une grève qui s’installe, mais qui ne s’élargit pas

La troisième journée du grève contre la réforme des retraites ce mardi 17 décembre a été similaire à celle du 5 décembre dans sa composition et son amplitude. Si la mobilisation est conséquente, la grève ne dépasse globalement pas le cadre restreints des syndicats de certaines grandes entreprises, entraînés par les secteurs les plus directement concernés par la réforme que sont les enseignants, la SNCF, la RATP et EDF.

La grève à la SNCF et à la RATP est le cœur du mouvement de contestation contre le projet gouvernemental concernant les retraites. Notamment à Paris, la grève y est importante depuis 12 jours, avec des assemblées de grévistes, des piquets des grève, des coordinations entre dépôts, gares, ateliers et, lors de la manifestation parisienne d’hier, un cortège de gréviste en tête de la manifestation, sans apparition syndicale.

Cela a permit d’entraîner du monde, avec un taux de gréviste annoncé hier pour la SNCF de 32,8 % (contre 11 %, lundi) et 75,8 % en ce qui concerne les conducteurs (contre 61% lundi). Il n’y a pas de chiffre pour la RATP, mais les constatations des grévistes et la situation quasiment à l’arrêt du réseau illustre une gréve très suivie.

Il faut ajouter à cela les 8 raffineries françaises, où la CGT est très présente et très puissante, avec des grèves au moins significatives (par exemple 90 % de grévistes à la raffinerie Total de La Mède), au point que le syndicat annonce une pénurie d’essence imminente.

Cela est néanmoins à peu près tout. La grève est sporadique ailleurs, ne concernant que la journée, et ne dépassant pas l’influence molle et bornée des syndicats. Dans un bastion CGT comme EDF, cela donne forcément une grève conséquente, mais pas massive. S’ils étaient le 5 décembre 41% de grévistes selon la direction (et 50% à 60% selon la CGT), ils n’étaient plus que 26% hier selon la direction. Les agents grévistes sont néanmoins déterminés, tant dans leur attitude en manifestation que par le mode d’action d’une partie d’entre eux qui a coupé le courant dans de nombreuses villes hier (quoi que l’on puisse penser de ce genre d’action par ailleurs).

On peut en dire de même chez les enseignants où les syndicats sont significatifs et les grèves habituelles : la grève a été importante pour la journée d’hier (50% dans le primaire et 60% dans le secondaire selon les syndicats, respectivement 25% et 23% selon le gouvernement).

À cela s’ajoute donc des effectifs de grévistes d’une journée, liés principalement à la CGT ou à FO, chez les dockers, dans beaucoup de grandes usines, dans les personnels de l’administration publique (17% selon le ministère), chez les agents municipaux, les pompiers, les aiguilleurs du ciel ou encore à la poste. La mobilisation a été importante également dans les hôpitaux, qui connaissent en fait déjà depuis plusieurs mois un mouvement de grande ampleur et très organisé, mais qui ne peut pas prendre la forme d’une véritable grève de par la nature du travail effectué.

Il y a donc eu, comme le 5 décembre dernier, de nombreuses manifestations très importantes partout en France, y compris dans des villes petites ou moyennes. Cette carte de la CGT recensant toutes les manifestations donne une idée de l’ampleur du mouvement : mobilisations-en-france.cgt.fr/news/map

En faisant l’addition, la CGT annonce un chiffre de 1,8 millions de manifestants, ce qui serait donc plus que les 1,5 millions annoncés le 5 décembre dernier. De son côté, le gouvernement, annonce des chiffres moindres, mais surtout en recul : 615 000 manifestants contre 806 000 le 5 décembre dernier.

Les différents titres de presse locaux font très souvent leurs propres estimations, avec des chiffres globalement équivalent au 5 décembre, souvent à mi-chemin entre ceux des syndicats et des préfectures (sauf à Paris où le « cabinet occurrence » annonce 72 500 manifestants contre 76 000 pour la préfecture). La CGT annonce de son côté pas moins que 350 000 personnes à Paris.

On a également à Marseille la traditionnelle extrapolation locale, avec une amplitude incroyable entres deux chiffres, qui ne semblent pas plus crédibles l’un que l’autre : seulement 20 000 manifestant selon la police, carrément 200 000 selon la CGT !

Dans tous les cas, cela donne des manifestations importantes, comparables à celles du 5 décembre, mais sans que l’on puisse voir apparaître l’essentiel : la généralisation de la grève en dehors des cercles syndicaux et la multiplication de véritables assemblées générales ouvrières.

L’intersyndicale CGT, FO, FSU et Solidaires réunit hier soir n’a d’ailleurs pas fixé de nouvelle date de mobilisation nationale, mais a annoncé des « actions locales le 19 et jusque fin décembre », en affirmant qu’il n’y aura « pas de trêve jusqu’au retrait ». Par ailleurs, l’Unsa, la CGT, la CFTC, la CFDT, FO et la CFE-CGC seront reçus demain par le Premier ministre.

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Politique

«La CGT appelle à participer massivement aux grèves du 17 décembre»

Voici le communiqué de la CGT appelant « l’ensemble des salarié-e-s, précaires, privés d’emploi, retraité-e-s » à participer massivement aux grèves de demain mardi 17 décembre 2019, contre la réforme du système des retraites.

« Le président et le gouvernement encouragent l’affrontement et la durée du conflit !

On nous avait promis les explications et la clarté après l’intervention du Premier ministre sur le projet de réforme des retraites. Mais, non seulement, il n’a pas levé les doutes, les inquiétudes ou la colère des grévistes et des citoyens en général mais il a élargi le front des mécontents.

Ceux qui accusaient les salarié-e-s et les syndicats d’agir avant de connaître le contenu du projet en sont pour leur frais. Le Premier ministre a bien confirmé que tout le monde allait travailler plus longtemps dans le secteur public et privé, que les inégalités allaient se creuser à la retraite et que les futures générations étaient sacrifiées au nom de la rigueur budgétaire et dans un souci d’économie sur le dos de celles et ceux qui possèdent le moins.
Le président de la République vient de le conforter en parlant de « réforme historique ».

L’ensemble des organisations syndicales de salariés, dans leur diversité, appellent à la mobilisation le mardi 17 décembre. Seul le patronat, notamment le Medef, approuve cette réforme avec un grand sourire. C’est un repère important pour le monde du travail quand le CAC 40 affiche un tel enthousiasme pour un projet de loi.

Stigmatiser les grévistes et les manifestants en les rendant responsables de la situation que connait le pays, c’est jeter de l’huile sur le feu et c’est attiser la haine et les colères.

Fort du soutien très majoritaire de l’opinion publique, la CGT appelle l’ensemble des salarié-e-s, précaires, privés d’emploi, retraité-e-s à participer massivement aux grèves du 17 décembre. Il s’agira de dire au président et au gouvernement :

  • écoutez et entendez les aspirations et les revendications des travailleurs et des travailleuses ;
  • retirez votre projet, reprenons les discussions et n’écartez, par dogmatisme, aucune proposition pour améliorer notre système de retraite qui est le meilleur au monde.

C’est le gouvernement qui, par son obstination, veut compromettre les congés et les fêtes de fin d’année.

Après la mobilisation exceptionnelle du 5 décembre qui a constitué un marqueur, il nous faut être plus nombreux et nombreuses en grève et dans les cortèges, le mardi 17 décembre prochain. Toutes et tous ensemble.

Montreuil, le 13 décembre 2019 »

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Société

Le système universel de retraite d’Édouard Philippe en quatre points

Le projet de réforme du système des retraites a été présenté pour la première fois hier. Ce qui se joue, ce n’est pas qu’une remise en cause des régimes spéciaux, mais une mise en perspective du système des retraites, pour le mettre en adéquation avec l’individualisme forcené des Français qui acceptent leur atomisation dans le capitalisme.

Regardons quels sont les points essentiels présentés par le Premier ministre Édouard Philippe au « Conseil économique, social et environnemental » au sujet de son plan de réforme du système des retraites.

Le premier point, c’est que le système français des retraites est un puissant levier d’unification sociale et de stabilité. En effet, comme on dépend de ceux d’après pour remplir sa caisse de retraite, on a tout intérêt à prôner la stabilité, la reproduction de ce qui existe, etc. Il faut que la génération d’après soit conformistes, pour qu’elle paie ! Édouard Philippe utilise même une rhétorique anti-capitalisme financier littéralement démagogique.

« Ce système, beaucoup nous l’envient. Avec raison. Surtout dans un monde où le chacun pour soi et les logiques marchandes l’emportent souvent sur le reste. En France, on ne voit pas sa retraite partir en fumée à cause d’une crise financière ou parce qu’un fonds d’investissement a fait de mauvais choix. La retraite par répartition est un trésor national. »

Le second point, c’est que les individus sont atomisés et le capitalisme va à grande vitesse. Il y a de grands changements dans le type d’emploi, dans ce qui est produit et vendu, etc. Aucun corporatisme ne peut avoir de sens.

« Des filières disparaissent. De nouveaux métiers se créent. »

Pour bien comprendre cet aspect, lire également notre article : Le système universel de retraite d’Édouard Philippe et la transformation des institutions.

Troisième point, les individus atomisés circulent tels des marchandises dans toute la société capitaliste. Ils passent d’entreprises en entreprises comme une marchandise de main en main. Il faut donc assumer cette universalisation du capitalisme en accélération.

« Aujourd’hui, les travailleurs français changent plusieurs fois de carrière, voire de statuts durant leur vie active. Beaucoup d’actifs connaissent des périodes de chômage. Certains en sortent en devenant travailleur indépendant pendant un temps. Les parcours sont beaucoup plus fragmentés qu’il y a un demi-siècle. On peut le regretter, mais c’est la réalité et nous devons mieux protéger les Français contre ces aléas. »

Le quatrième point, essentiel, est que les mentalités sont totalement favorables à l’accumulation de richesses personnelles. Les Français ne sont en rien des hippies et ne voient pas de problème à « travailler plus pour gagner plus ».

« Depuis quelques années, l’idée de travailler plus longtemps n’est pourtant plus taboue. Ni pour la droite, ni pour la gauche. Et encore moins pour les Français, qui travaillent d’ores et déjà aujourd’hui plus longtemps que l’âge légal pour bénéficier d’une meilleure pension : au régime général, ils partent en moyenne à 63,5 ans ! En un sens, ils ont déjà un peu tranché le débat. »

Pour résumer :

– le système « la génération d’après paie pour celle d’avant » renforce le conformisme ;

– les métiers se modifient rapidement ;

– les gens changent rapidement d’entreprises ;

– tout le monde est capitaliste.

Il faut donc universaliser le travailleur atomisé et cesser tout corporatisme. Et il y a un levier pour faire travailler davantage, en élevant l’âge de la retraite au nom du fait qu’il faut bien de l’argent pour payer (si on ne fait pas payer la bourgeoisie). Les Français, individualistes, seront tout à fait d’accord s’ils en voient les effets sur le plan financier.

> Lire également : Le sens historique de la réforme des retraites de décembre 2019

C’est une programmatique qui tient la route et qui est tout à fait réaliste quant aux mentalités. Malheureusement ! Ce qui pourrait bloquer cela, c’est de dire : rien du tout ! Lutte des classes, le capital payera les retraites. Mais aucun syndicat n’est en rien prêt à dire cela… Et les travailleurs non plus. Pour l’instant.

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Politique

10 décembre 2019: une mobilisation qui ne transcende pas le fatalisme

Les grèves de ce mardi 10 décembre 2019 ont été moins importantes que celles de la semaine dernière, avec principalement les agents RATP et une partie des agents SNCF, surtout les conducteurs, qui maintiennent la grève depuis le 5 décembre. Néanmoins, il a existé encore hier de nombreuses grèves d’une journée, plus ou moins minoritaires, plus ou ou moins entièrement encadrées par les syndicats.

À l’usine Bonduelle Rosporden en Bretagne, la moitié des CDI a débrayé hier, soit pour deux heures, soit toute la journée. Et l’ambiance est assez morose. Le discours du délégué syndical CGT est très pessimiste : il explique que « dans la durée, cela va être compliqué car nous n’avons pas la force de frappe suffisante ».

Et il précise :

« Nous avons une moyenne d’âge de 48/49 ans dans l’entreprise. Il y a beaucoup de gens cassés à force de porter des charges toute la journée. L’entreprise n’arrive plus à recaser les personnels qui ont un problème de santé car tous les postes administratifs sont pris. Il y a donc des licenciements. Il y a vingt ans, on pouvait rester quinze jours en grève, c’était plus facile. Aujourd’hui, on voit bien que les gens sont plus fragiles.

Si l’on veut parler d’équité, il faut tirer tout le monde vers le haut. Nous n’attendons pas grand-chose du Premier Ministre ce mercredi. Les gens sont parfois désabusés, fatalistes. Nous n’arriverons peut-être pas à gagner la bataille mais ne rien faire c’est être sûr de la perdre. Tant qu’il y a une lutte, il y a de l’espoir, mais ce n’est pas simple. »

Voilà qui correspond bien, on le sait, à l’état d’esprit qui règne malheureusement dans le prolétariat français. Le prolétaire français est fataliste. Il se dit que soit c’est foutu, soit qu’il doit regarder individuellement à se caser ailleurs. Il ne va pas plus loin.

La lutte contre le plan gouvernemental de réforme des retraites ne change pas la donne. D’où les discours triomphalistes ou bruyants des syndicalistes et des anarchistes pour faire semblant qu’il se passe quelque chose. N’y croira que celui voulant y croire.

> Lire également : La raison de l’échec du 10 décembre 2019: la malhonnêteté intellectuelle!

Car ce qui est retenu surtout de cette journée du 10 décembre c’est le nombre de manifestants. Ils ont été moitié moins nombreux partout en France que la semaine dernière. Le ministère parle de 339 000 manifestants et la CGT de 855 000 (d’après Le Parisien). Dans tous les cas, moitié moins.

Cela marque un essoufflement, alors que la grève du 5 décembre avait déjà déçu beaucoup de grévistes pour son manque d’impact, mis à part dans les transports franciliens et à la SNCF.

Selon la SNCF, 77,3% des conducteurs de trains étaient en grève hier, ainsi que 55,4% des contrôleurs et 23,9% des aiguilleurs, ce qui fait un taux officiellement de 24,7% de grévistes pour l’entreprise. À la RATP, le taux de gréviste n’est pas communiqué, mais il est évidement très important, car le trafic est très faible voire inexistant depuis jeudi dernier.

Bien qu’il n’y ait pas de chiffres, la grève était significative dans le transport aérien, ce qui a engendré des annulations de vols, plus ou moins importantes selon les compagnies et les aéroports.

Dans de nombreuses entreprises, et notamment dans l’industrie, les quelques personnes ayant fait grève la semaine dernière ont été encore moins nombreuses cette fois, se limitant encore plus que jeudi dernier aux syndiqués et à leur entourage immédiat.

On remarquera ainsi de nombreuses poches de grévistes, réelles mais très minoritaires, un peu partout dans le pays comme chez Michelin à Clermont-Ferrand ou chez PSA Hordain (Sevelnord), près de Valenciennes où une cinquante de syndicalistes, de l’usine et de l’union locale, ont mené un barrage filtrant qui a un tout petit peu retardé la production.

Les dockers du Grand port maritime de Marseille, où la grève d’hier était suivie et devrait l’être à nouveau demain jeudi 12 décembre, ont également fait un blocage en fin de journée. Il y a aussi des grèves dans la plupart des raffineries françaises, dont 7 sur 8 sont bloquées, avec des mouvements reconduits ou arrêtés à différents moments depuis la semaine dernière, de manière dispersée.

Il faut noter par ailleurs dans le nombreuses communes des grosses mobilisations des personnels de cantine scolaire, sans qu’il y ait de chiffre général. Chez les enseignants, la grève était moins importante que la semaine dernière, avec un taux de grévistes d’après le ministère de 12,41% dans le primaire et 19,41% dans le secondaire (contre respectivement 50 % et 40 % le 5 décembre).

Chez EDF, où la CGT est encore très implantée, la grève a été suivie, avec 21,8 % de grévistes (contre 36,5 % la semaine dernière) pour l’entreprise, mais beaucoup plus pour ce qui concerne les ouvriers, sans que l’on ait de chiffre. On sait cependant que dans certaines unités de production, par exemple la centrale de Cordemais en Loire-Atlantique, les grévistes étaient 92 % la semaine dernière et ont encore bloqué la production cette semaine.

Il y a eu quelque actions de la part d’agents EDF, tantôt biens vues comme à Lyon où la CGT a revendiqué le basculement de 80 000 foyer en tarification heures creuses, tantôt plus discutables comme à Perpignan où le centre-ville a été privé d’électricité pendant une partie de la journée.

On notera également la continuation du mouvement dans les hôpitaux, et notamment les services d’urgence où le mouvement de grève/contestation en cours depuis plusieurs mois connaît un nouveau rebond.

En ce qui concerne la jeunesse, c’est le calme plat dans les lycées et les universités, malgré quelques jeunes radicalisés dans certains établissements qui tentent de forcer les choses avec les habituels « blocus » de lycées ou occupations d’amphithéâtres dans certaines facultés.

Soulignons pour finir la grande grève des éboueurs de Brest (90% de grévistes) depuis la semaine dernière à cause de la durée des tournées et pour réclamer une prime de pénibilité, ainsi que de meilleurs équipements de protection individuelle. Une grève des éboueurs à Martigues près de Marseille, qui dure depuis la semaine dernière, a elle été suspendue hier soir.

Il n’y a ainsi ni mouvement général, ni même une hypothétique agglomération de différentes luttes cloisonnées. On est dans la pente descendante à moins qu’un élément ne vienne s’ajouter dans la dynamique en cours.

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Politique

La raison de l’échec du 10 décembre 2019: la malhonnêteté intellectuelle!

La journée du 10 décembre 2019 contre le plan gouvernemental de réforme des retraites n’a pas amené le monde du travail à se mobiliser massivement. Comment peut-on alors prétendre le contraire ? Entre les « on lâche rien » syndicalistes et les fantasmes anarchistes du grand soir, on est dans un déni complet de la réalité. Il faut que ces gens s’effacent devant la Gauche politique.

Il faut vraiment nier la réalité pour raconter que le « monde du travail » et la « jeunesse » s’est massivement mobilisée le 10 décembre. Ce n’est tout simplement pas vrai. Le dire, c’est mentir. Et, à la suite de la mobilisation du 10 décembre, la CGT ment. Son communiqué intitulé « L’opposition à la réforme des retraites se confirme ! » relève de la malhonnêteté intellectuelle.

Comment peut-on écrire la chose suivante ?

« Avec 1 million de manifestants dans plus de 200 manifestations organisées ce mardi 10 décembre, c’est une nouvelle journée de mobilisation réussie alors même que cette date est apparue très récemment dans le calendrier après une première journée d’ampleur historique (…).

L’excès de communication déployé par le Gouvernement pour tenter de désamorcer la situation est un échec, force est de constater que le monde du travail, de la jeunesse et des retraité.e.s se sont de nouveau massivement mobilisés ce jour pour exprimer leur volonté de bénéficier d’un régime de retraite solidaire et intergénérationnel à l’opposé du projet présidentiel. Allant même jusqu’à entraîner la mobilisation de secteurs professionnels peu enclin à la manifestation à l’instar des syndicats de la Police Nationale. »

Comment peut-on parler de date « surprise » alors que c’est censé être un mouvement de grève commencé il y a plusieurs jours ? Rien qu’avec cela on comprend que la CGT cherche simplement à faire du bruit autour des cheminots, de EDF et de la RATP, au moyen des retraités et des jeunes, avec quelques bases ouvrières.

Sauf que les ouvriers en général restent tous à l’écart, que la jeunesse fait d’ailleurs pareil, sans parler des travailleurs du secteur privé en général.

Et les grèves, d’ailleurs, où en est-on ? Parce que tout le silence syndical à ce sujet en dit long. C’est un flop. Ce flop vient du fait que les gens n’ont pas fait confiance ni aux syndicats, ni aux anarchistes. Ni d’ailleurs aux cheminots, aux travailleurs de la RATP et à ceux de l’Éducation nationale, qui ne s’imaginaient tout de même pas que la France allait faire une grève générale rien que pour eux quand même !

Il serait peut-être temps que les travailleurs concernés assument de mener une lutte corporatiste, pour se remettre en cause et alors chercher à gagner la confiance de l’ensemble des travailleurs. Ce qui implique bien plus dure, on le devine… Et justement les cheminots, les travailleurs de la RATP, d’EDF et ceux de l’Éducation nationale ne le veulent pas. Leur raisonnement c’est : foutu pour foutu du côté des travailleurs, tirons notre épingle du jeu.

Qu’on ne s’étonne pas donc si tout plante et si les ouvriers restent à l’écart… comme ils sont restés à l’écart des gilets jaunes.

Et c’est pour cela que toute cette mobilisation actuelle n’a pas d’âme, comme bien d’autres ! Et c’est pour cela que la Gauche politique est totalement à plat, avec les syndicalistes et les anarchistes, devant qui tout le monde capitule pratiquement à gauche.

Ce qui revient à faire semblant d’apprécier les commerçants itinérant du XIXe siècle vendant leur camelote en prétendant que c’est un remède miracle. Alors que la classe ouvrière va réémerger sur la place historique… Et que tout va être alors fondamentalement différent.

Bien malin seront alors ceux qui auront valorisé le syndicalisme, l’anarchisme, les gilets jaunes, en pensant que la Gauche politique, la Gauche historique, c’était du passé !

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Retraites: l’appel à la grève pour mardi 10 décembre 2019

Voici l’appel à la grève pour mardi 10 décembre 2019 par les syndicats CGT, CGT-FO, FSU et Solidaires ainsi que les organisations étudiantes-lycéennes MNL, UNL et UNEF.

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Politique

Grève du 5 décembre 2019: une mobilisation massive mais loin d’être inédite

Le premier jour de la grève de ce mois de décembre commence fort, mais pas du tout avec l’ampleur escomptée. De fait, on est dans la norme pour une grande mobilisation, tant pour les chiffres que pour la part des secteurs économiques impliqués.

Lors du mouvement contre la réforme des retraites en France en 2010, il y a eu quatorze journées de manifestations. La première fois, le 23 mars, la CGT a revendiqué 800 000 personnes présentes, puis notamment un million le 27 mai, 2,7 million le 7 septembre, 3 millions le 23 septembre et autant le 16 octobre, 3,5 millions le 19 octobre.

Pour le 5 décembre 2019, la CGT parle de 1,5 million de manifestants. On ne comprend donc pas vraiment pourquoi le communiqué de la CGT dit que :

« Ce haut niveau de mobilisation est historique, tant au regard du taux de mobilisation dans chaque grande ville que du niveau de grève dans les entreprises. Il démontre le refus d’une grande majorité des travailleurs, des retraités et des jeunes, de voir notre système de protection sociale sacrifié sur l’autel du libéralisme économique. »

Ce n’est tout simplement pas vrai. On a juste un peu plus de monde que pour les manifestation de mars et juin 2016 pour la loi travail. Il est vrai que le communiqué explique le pourquoi de tout cela, un peu plus loin :

« Si le président de la République refuse d’entendre les aspirations sociales, il démontrera de nouveau son dogmatisme et sa recherche de confrontation sociale. Il exposera le pays à un conflit social majeur et en portera l’unique responsabilité. »

Il y a surtout la grande trouille que tout cela se transforme en luttes de classes, ce qui amènerait la CGT à être débordée et surtout dépassée. Il s’agit donc de prétendre être arrivé déjà à quelque chose, pour conserver l’image de combatif et raisonnable, etc.

Après, il y a l’aspect principal : la grève. Là encore, la mobilisation n’a rien d’inédite. Pour l’éducation nationale, on a eu 51,15 % d’enseignants grévistes dans le primaire et 42,32 % dans le secondaire (collèges et lycées).

Du côté de la SNCF, 55,6% à la SNCF de grévistes, dont 85,7% chez les conducteurs et 73,3% chez les contrôleurs. Pour EDF, 43,9 %, chez Renault, 5 %.

Dans la fonction publique hospitalière, le chiffre est de 15,9 % de grévistes, pour la fonction publique territoriale de 10 %.

Bien entendu ces chiffres officiels sont minorés par les directions des entreprises concernées. Ce sont des chiffres importants, mais rien d’exceptionnels pour la France.

La seule chose vraiment nouvelle, ce sont sept des huit raffineries françaises en grève. Voilà qui est intéressant, tout comme ce dont on ne sait pas à moins d’y être impliqué. Car il y a eu de nombreux débrayages dans les usines. Pas forcément aussi important que chez Williams Saurin à Pouilly-sur-Serre en Picardie, Ysco à Argentan en Normandie, etc. Mais il y a eu du mouvement.

Or, c’est le blackout. Les syndicats n’en parlent pas à part localement et encore, à cela s’ajoute le problème bien entendu de ne pas placer les grévistes dans la situation inconfortables de devenir des cibles des ennemis (y compris intérieurs) du monde du travail.

C’est là que tout se joue. Si la classe ouvrière parvient à s’élancer, alors tout changera radicalement. Sans cela, on a un mouvement social tout ce qu’il y a de traditionnel dans notre pays et ce ne sont pas les quelques heurts avec la police menés par des franges anarchistes, surtout à Paris, qui modifient quoi que soit.

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Grève: qu’est-ce qu’une assemblée générale ? Qu’est-ce qu’un «soviet» ?

La pratique de l’assemblée générale n’a jamais réellement pris en France : soit parce qu’elle est étouffée par les syndicats, soit parce qu’on la confond avec une sorte de meeting activiste. Dans les universités, la caricature est extrême, avec les présents qui se réduisent à une simple petite minorité se voulant agissante. Une assemblée générale est en réalité une structure qui englobe l’ensemble des travailleurs, existe de manière organisée et prolongée.

La pire erreur, c’est de considérer qu’une assemblée générale ne concerne que les grévistes ou les partisans de la grève. C’est là une erreur complète nuisant fondamentalement à l’unité des travailleurs. L’assemblée générale est un lieu démocratique rassemblant tous les travailleurs. Bien sûr tous ne veulent pas forcément y venir, par dédain, esprit de défaite ou opposition à la grève. Or dans tous les cas il faut chercher à les convaincre de venir, d’exposer leurs points de vue.

Une assemblée générale dans une entreprise, à l’occasion d’une grève, est en effet un lieu démocratique pour les travailleurs et par conséquent en soi un lieu de rupture avec l’idéologie dominante. C’est un saut dans l’organisation et c’est précisément la base nécessaire à quoi qu’il se passe.

Une grève qui n’est portée que par une minorité agissant est une grève qui échoue ; lorsqu’elle n’est portée que par les syndicats, elle s’enlise dans des tractations qui peuvent apporter quelque chose, mais produisent dans tous les cas à la base la passivité, l’absence d’organisation, une non-dénonciation du niveau de conscience.

L’assemblée générale impulse par contre la conscience, l’organisation, l’action, parce que dans tous les cas elle implique les travailleurs. En ce sens, même une assemblée générale décidant de ne pas faire grève est une réussite par rapport à l’absence d’assemblée générale. Elle aura au moins été un lieu de décision, donc une expérience favorable.

Et plus l’assemblée générale est capable de se structurer, plus elle reflète la prise de conscience des travailleurs, et inversement.

Quels sont les besoins d’une assemblée générale en termes d’organisation ?

D’un bureau s’occupant de noter les présents et les absents, de prévoir l’intendance telles les boissons non alcoolisés, le papier et les crayons ou l’ordinateur portable pour noter les points, pour compter les votes, etc.

D’un secrétaire de l’assemblée pour gérer les discussions en accordant la parole.

D’un secrétaire pour noter les points abordés et les résumer.

Ceci n’est qu’un minimum, puisque selon le nombre de travailleurs, l’ampleur de la grève, ses objectifs, d’autres besoins surgissent, auxquels il doit être répondu de manière démocratique et collective. Quelqu’un qui agit pour les autres ici ne les sert pas : il les dessert, en les maintenant dans la passivité. La moindre expérience pratique dans une grève a des conséquences fondamentales pour quiconque y participe : à chacun de faire son expérience.

Et, donc, l’assemblée générale continue. C’est elle qui mène les négociations, pas les syndicats. C’est elle qui choisit qui va négocier, avec un mandat bien déterminé. C’est l’assemblée qui décide d’accepter ou pas ce que les responsables de l’entreprise proposent.

Toutes les actions sont décidées par l’assemblée, rien n’est décidé dans l’assemblée.

L’assemblée ne doit jamais être le rassemblement d’une simple petite minorité – comme les étudiants le font jusqu’à la caricature – ni le lieu où une petite minorité agit avec une majorité qui suit passivement.

L’assemblée est ainsi générale car elle est démocratique et engage tout le monde. Si jamais l’assemblée cesse la grève, seule une minorité aura bien entendu assez de conscience pour en tracer le bilan, pour en conserver la mémoire, pour travailler dessus. Il s’agira là des éléments les plus conscients, qui le plus souvent seront politisés à Gauche. Inversement d’ailleurs, ces éléments n’existent pas dans la classe ouvrière s’il n’y a pas d’expérience de masse à la base… d’où leur nombre si restreint voire inexistant actuellement.

D’aucuns diront que l’assemblée générale, se prolongeant, doit se prolonger jusqu’au bout, jusqu’à former le fameux « soviet », le conseil décidant que le pouvoir revenait à tous les conseils partout. Cette hypothèse n’est pour l’instant simplement qu’une hypothèse, car il n’existe pour l’instant même pas de démocratie chez les travailleurs, qui sont isolés, passifs, sceptiques, quand ils ne sont pas corrompus par le capitalisme.

C’est pour cela que tout dépend de l’existence des assemblées générales, de leur organisation, de leur prolongement concret jusqu’à assumer la direction des luttes. Sans ces assemblées générales, il y a un « mouvement social » – pas une lutte des classes.

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Grève du 13 septembre 2019: les travailleurs de la RATP ne font pas rêver

Le trafic RATP a été pratiquement entièrement plombé par la grève, le 13 septembre 2019, avec pratiquement 90% de grévistes pour le personnel roulant, 60 % pour l’encadrement. Un succès pour les travailleurs de la RATP et les syndicats participants. Mais cela ne fait pas rêver, parce que c’est une simple défense sur un mode corporatiste.

Les conséquences de la grève ont un impact littéralement insupportable sur le quotidien de millions de personnes. Par conséquent les travailleurs de la RATP et les syndicats s’accordent des plaisirs symboliques, mais sortent de toute lutte des classes, et vont donc à la défaite.

La défense des acquis est juste. La conquête de nouveaux acquis aussi. Mais le repli corporatiste est erroné. Il est culturellement erroné, car c’est une logique de caste. Il est moralement erroné, car il est une trahison des autres travailleurs. Il est erroné dans les faits, car il amène la défaite. Seule l’unité populaire triomphe de l’État. Rien d’autre.

La grève de la RATP est donc ici un mauvais exemple et il faut vraiment vivre dans le fantasme permanent de la grève générale et autres balivernes anarcho-syndicaliste pour dire, comme Manon Aubry, députée européenne LFI :

« Total soutien à la grève RATP, qui lance la mobilisation générale pour la défense de nos retraites. »

La grève de la RATP ne lance rien du tout. Il peut y avoir une mobilisation, espérons la, mais ce ne sera pas cette grève qui sera le déclencheur. D’ailleurs voici le communiqué de presse, commun aux syndicats UNSA / CGT/ CFE-CGC de la RATP.

Il est d’une faiblesse terrible, il n’a aucune envergure. Il est même déjà l’expression de la défaite, parce qu’il pose le problème comme étant celui d’un affrontement travailleurs de la RATP / gouvernement. La dernière phrase prétend le contraire, symboliquement, mais la méthode, l’approche, la conception, tout montre qu’il tourne purement et simplement, uniquement, autour de la question de la RATP.

COMMUNIQUE DE PRESSE
13 septembre 2019

Nos trois organisations syndicales représentatives de la RATP ont été reçues ce jour par la direction de l’entreprise au sujet du projet de réforme des retraites.

Sans surprise, la direction de la RATP n’a aucune proposition à faire pour répondre à la forte mobilisation des salariés dans toutes les catégories professionnelles.

Nous avons insisté auprès de la direction qu’elle remonte auprès des pouvoirs de tutelle nos analyses de la situation. Nous réclamons de véritables négociations, le maintien des compensations au regard des contraintes et des garanties concrètes rapidement

En réponse à cette mobilisation d’un très haut niveau, notre engagement est total et nous sommes déterminés à défendre l’intérêt de tous les salariés qu’ils soient ou non sous statut RATP.

Paris, le 13/09/2019 – 15H30

Sud Ratp a un communiqué plus long, mais en substance similaire. C’est extrêmement mauvais. En effet, cette démarche particulariste, qui refuse de se placer das l’optique de tous les travailleurs du pays, était déjà fausse hier. Elle l’est encore davantage aujourd’hui. Parce que Paris, et même la région parisienne en partie, connaît désormais Uber et Jump, Blablalines, Klaxit, Lime, Smovengo, etc.

Le capitalisme a encore plus investi les modes de vie et les fuites dans les démarches individuelles sont une règle. L’esprit vivifiant qu’on trouvait en 1995 en région parisienne, avec la sympathie pour la grève à l’arrière-plan malgré les galères insupportables, ne peut plus être de règle.

La grève a essayé de contourner ce problème en réactivant certaines lignes en fin d’après-midi pour trois heures, et encore de manière très partielle. Mais c’est trop ou pas assez. Et de toutes façons le problème de fond n’est pas que technique, il est culturel. Les travailleurs de la RATP ne veulent pas aller vers les usagers, qui sont d’ailleurs désormais en fait des clients. Ils veulent s’en sortir tout seul.

Comme tout le monde. Chacun raisonne en termes d’intérêts individuels, parfois collectivement, mais toujours pour soi en fin de compte. Il n’y a aucune envergure, aucune lecture de classe, encore moins une volonté d’utopie.

On peut même dire, et c’est encore pire, que les travailleurs de la RATP font du chantage émotionnel en disant : protégez nos acquis sinon le gouvernement ira encore plus loin. Très franchement, on n’est pas loin de la vérité en disant cela.

Cela montre la nature de tout un syndicalisme et de tout son cinéma. Car après tout les cheminots de la CGT, l’année dernière, annonçaient bien qu’ils allaient faire tomber le gouvernement…

Tel est le syndicalisme français : bavard, bruyant, entièrement minoritaire chez les travailleurs, totalement intégré aux institutions. Un sacré paradoxe qui a mené de défaite en défaite, et cela va continuer.

Car non, les acquis n’ont pas été apportés par le syndicalisme. Ils l’ont été par la lutte de classes, la politique, la culture… dont le syndicalisme n’est qu’une méthode annexe.

Les travailleurs qui n’assument pas une telle vision vont à la défaite.