Le gouvernement français a décidé, après l’attentat de l’Etat islamique à Moscou, d’élever le niveau du plan Vigipirate à « urgence attentat ». C’est le niveau le plus élevé. C’est surtout, en réalité, une démarche fictive, de nature militariste d’un côté, relevant de l’opération psychologique de l’autre.
Tous les Français pensent en effet immanquablement au parallèle avec l’attentat contre le Bataclan, et c’est de cela qu’abuse le gouvernement.
L’objectif est de militariser la société, de faire peur, de faire bloc, de masquer que l’attentat de Moscou s’inscrit impeccablement dans la démarche occidentale de dépecer la Russie.
Qu’il y ait des attentats islamistes est une réalité. Agiter Vigipirate avec un attentat imminent est par contre fictif. Rien que la ville de Paris est un chaos complet où Vigipirate ne sert strictement à rien en cas de drame assassin. On est dans la narration, dans une narration bien organisée.
Le président français Emmanuel Macron a d’ailleurs prétendu que le groupe de l’Etat islamique qui a frappé en Russie avait également auparavant cherché à agir en France. C’est irréaliste quand on sait que la section de l’Etat Islamique qui a agi en Russie vise à un califat dans une zone composée de l’Afghanistan, au Pakistan, du Turkménistan, du Tadjikistan, de l’Ouzbékistan et de l’Iran.
Et il a précisé naturellement que la France avait proposé une « coopération » à la Russie à ce sujet, que tout cela n’a rien à voir avec le régime ukrainien. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin est ensuite allé épauler ce discours au 20 heures à la télévision le 25 mars 2024.
Cela n’a aucun sens, à part celui de montrer que l’Etat agit, qu’il est incontournable. Il ne faut pas comprendre autrement la pseudo-opération anti-trafic de drogues « place nette XXL » lancée à Marseille à la mi-mars 2024. C’est de la fiction.
Ce qui se déroule, historiquement, c’est une initiative étatique à plusieurs niveaux, afin de former une tendance, une poussée, et de faire en sorte que tout s’engouffre dedans dans le cadre de l’escalade militaire visant à la guerre ouverte contre la Russie.
Agir contre cette poussée, exister dialectiquement par et contre elle, tel est le devoir de l’époque, sous le drapeau rouge !
Quand on est dans une situation de crise, les choses vont vite, et elles tournent mal autant qu’elles le peuvent. Le 26 février 2024 est ici une date fatidique, celle qu’on verra posteriori comme une date maudite, celle du commencement d’un tourbillon sanglant.
Les 15-17 mars 2024, il y avait donc l’élection présidentielle russe. C’était l’occasion pour le régime de prouver qu’il a une hégémonie à tous les niveaux sur la société russe. Avec 77,5% de participation et Vladimir Poutine réélu avec 88,5% des voix, on est dans la démonstration de force.
Naturellement, les pays occidentaux se sont empressés de dénoncer une manipulation des mentalités et des votes par le régime, comme si une telle chose n’existait pas en occident. Surtout en France où Emmanuel Macron a été tiré du jour au lendemain du chapeau de la haute bourgeoisie moderniste. Mais, dans tous les cas, ce qui compte est que le régime russe a prouvé sa stabilité.
D’où les propos, quelques jours après, de Dmitrï Peskov, porte-parole du Kremlin, tenus au média Argoumenty i Fakty :
« Nous nous trouvons en situation de guerre. Oui, cela a commencé comme une opération militaire spéciale. Mais dès que toute cette bande s’est formée, quand l’Occident dans son ensemble a participé à tout cela aux côtés de l’Ukraine, pour nous, c’est devenu une guerre. J’en suis convaincu et chacun doit le comprendre. »
Et voilà que se passe alors, le 22 mars 2024, un effroyable attentat en périphérie de Moscou. L’État islamique a envoyé ses sbires tirer à l’arme automatique sur la foule d’un concert, comme au Bataclan. Il y a eu 133 morts, une centaine de blessés, alors que la salle de concert, le Crocus City Hall, a été incendié.
De manière notable, le président russe a affirmé dans une allocution télévisée la chose suivante :
« C’est une tuerie de masse préméditée, ils étaient déterminés à fusiller nos citoyens comme les nazis à l’époque qui fusillaient les gens sur nos territoires occupés. »
C’est une référence directe à l’Allemagne nazie voulant tuer les Slaves ou les mettre en esclavage, et indirectement aux nationalistes ukrainiens historiquement qui lui était alliée. Et, à tort ou à raison, la Russie a accusé le régime ukrainien d’être lié à l’attaque, d’autant plus que les assaillants ont été arrêtés alors qu’ils cherchaient à passer en Ukraine depuis la Biélorussie.
Quand on dit à tort ou à raison, c’est plutôt à raison si on prend les apparences, car il n’est pas un secret que de nombreux islamistes sont actifs en Ukraine, comme composante du projet de dépecer la Russie. L’objectif ici, c’est un Caucase islamiste et la « cause » djihadiste en Syrie.
Pour renforcer encore plus la problématique, il y a eu l’avertissement fait début mars 2024 par l’ambassade américaine en Russie qui aurait eu « des informations selon lesquelles des extrémistes ont des plans imminents de cibler de grands rassemblements à Moscou, y compris des concerts ».
Peu importe, de toutes façons. Ce qui compte, c’est que l’État islamique s’est concrètement aligné sur la superpuissance américaine. En cela, l’État islamique agit comme tous les pays occidentaux qui cherchent à tirer profit de la situation.
Les islamistes agissent également comme tous les sites et blogs des gens fascinés par les guerres, les armées et les informations à ce sujet (comme le site opex360), ainsi que toute la scène activiste d’extrême-Droite. Tout un petit monde d’aventuriers s’imagine qu’il y a à vivre l’effondrement de la Russie, et à en profiter.
Et qui converge également avec ces aventuriers ? Toute une fausse Gauche occidentale qui s’empresse ne pas du tout parler de l’escalade militaire française. C’est un silence tout à fait révélateur d’une nature corrompue au sein d’une grande puissance capitaliste qui se permet d’avoir des rebelles ne franchissant surtout pas les lignes rouges (Lundi Matin, le NPA, la Jeune Garde, l’UCL, le PCRF, l’OCML-VP, l’UC, le PCOF, la CDP, etc.)
En bref, le monde brûle. Et il va continuer de brûler, il ne faut pas se leurrer. Pour sortir de la crise commencée en 2020, les puissances occidentales entendent découper la Russie en morceaux, et nous, nous devons nous opposer aux initiatives de notre capitalisme. C’est le défaitisme révolutionnaire de Rosa Luxembourg et de Lénine. C’est la voie juste, celle du drapeau rouge.
L’alternative est chaque jour plus évidente : Socialisme ou barbarie!
Le colonialisme n’a pas produit que des mouvements anticoloniaux de gauche ; il a également donné naissance à des fondamentalismes. On parle ici de gens idéalisant le passé, de manière religieuse surtout, et rejetant tout ce qui est « moderne ».
Lors de la colonisation de l’Algérie par la France par exemple, les religieux musulmans avaient ainsi réussi à faire en sorte que les paysans arabes rejettent les médecins et ne mettent pas les enfants à l’école. Le choix quasi absolu fut de conserver un « statut personnel » musulman, empêchant l’accès à la citoyenneté française en raison de la dépendance avec le droit coranique (pour le mariage, l’héritage, etc.). La population juive algérienne s’est au contraire précipitée dans la brèche, mettant de côté le droit religieux, ce qui lui a permis d’acquérir la nationalité française avec le décret Crémieux.
Le pays où le fondamentalisme islamique s’est développé initialement, c’est l’Inde ; cependant, le Hamas appartient à un courant fondamentaliste musulman né quant à lui en Egypte, en 1928, avec Hassan Al-Banna : ce sont les « Frères musulmans ». Le programme des Frères musulmans n’est pas original en soi : le monde moderne est totalement mauvais, il faut en revenir au passé et à ses traditions.
Le Hamas – harakat al-muqâwama al-‘islâmiya, mouvement de la résistance islamique – a été fondé en 1987 comme section palestinienne des Frères musulmans. Il établit, grâce à des moyens financiers extérieurs, des jardins d’enfant, des universités, des hôpitaux et des cliniques, des organisations caritatives, etc.
C’est un mouvement qui rejette dès le départ l’OLP et la Gauche palestinienne en général, au nom de la religion. Lors de la première intifada, il refuse par conséquent de soutenir l’unité des organisations palestiniennes, menant ses propres activités en parallèle, avec une bienveillance connue de l’État israélien heureux de voir les Palestiniens se diviser.
Pour la même raison, le Hamas n’a pas participé aux élections en Palestine en 1996, ni n’a reconnu la mise en place de l’Autorité palestinienne issue des Accords d’Oslo, signés en 1993 par le premier ministre israélien Yitzhak Rabin et le chef de l’OLP Yasser Arafat.
Une partie de la Gauche palestinienne refusa également de soutenir ces Accords, considérés comme nuisibles aux Palestiniens. Seulement, un événement majeur s’était produit. Lors de la guerre du Golfe au début des années 1990, tant la Gauche palestinienne, de type nationaliste laïc, avait soutenu l’Irak de Saddam Hussein… Les pays du Golfe cessèrent alors tout financement en leur faveur, privilégiant désormais le Hamas.
Le Hamas commença à mener des actions armées, et ce d’autant plus que les pays du pétrole et du gaz devenaient de plus en plus riches. Car, en 2023, c’est le Qatar qui paie l’intégralité des fonctionnaires et du budget du gouvernement du Hamas à Gaza. Et c’est l’Iran qui fournit l’argent et le matériel pour ses unités militaires.
La Turquie reste plus en retrait en apparence, mais son président Recep Tayyip Erdoğan appartient lui-même au courant des Frères musulmans. Il y a eu brièvement également comme pays convergents la Tunisie (avec le parti gouvernemental Ennahdha de 2011 à 2021) et l’Egypte (avec Mohammed Morsi en 2012-2013, avant son renversement par un coup d’État militaire anti-Frères musulmans). Autrement dit, le Hamas est indissociable du mouvement des Frères musulmans et de leur stratégie.
L’Iran, pourtant, n’a rien à voir avec les Frères musulmans : ces derniers sont sunnites, l’Iran est chiite. Ce n’est pas la seule différence. L’Iran veut que l’État soit théocratique. Les Frères musulmans veulent que l’État soit… comme il veut, du moment qu’il reconnaît les valeurs de l’Islam comme fondamentales. Il y a d’ailleurs une scission des Frères musulmans qui veut un Etat théocratique et dispose pour cette raison du soutien de l’Iran : le Djihad Islamique en Palestine.
Comme justement cette organisation est forte à Gaza, et que l’Iran contrôle le Hezbollah au Liban, un accord avec le Hamas était facile à trouver. Le fondamentalisme mêle ici à un jeu de grandes puissances. On a ainsi l’Iran qui soutient le Hamas, Hamas qui a soutenu la « révolution syrienne » contre l’État syrien de Bachar al-Assad (un chiite laïc), État syrien de Bachar al-Assad… qui est soutenu par l’Iran.
Tel est ce qu’on appelle en France « l’Orient compliqué ». Et on peut ajouter à cela que si comme on le sait la superpuissance américaine finance et soutient massivement l’État israélien… Ce dernier a désormais d’excellents rapports avec l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis (dont fait partie Dubaï). Et qui est un ennemi juré de l’Arabie Saoudite et des Emirats Arabes Unis ? Le Qatar.
Comme on le voit, il n’y a rien dans tout cela de démocratique et de populaire. On est dans les intérêts économiques, financiers, politiques ; on est clairement dans la bataille pour le repartage du monde. Le Hamas n’est qu’un pion pour les uns, tout comme Israël est un pion pour les autres, et en dernier ressort on retombe toujours sur l’affrontement par pièces interposées des superpuissances américaine et chinoise.
Toute alignement, même toute convergence avec l’un des protagonistes anti-démocratique et anti-populaire est plus qu’une erreur, c’est une faute politique. Cela dessert les peuples qui cherchent à frayer une voie démocratique dans une situation absolument horrible et sanglante. Le Hamas n’est en aucun cas une composante de l’affirmation historique du tiers-monde ! Seul le drapeau rouge a un sens, une signification historique !
La France était sous le choc à la suite des événement à Gaza, à la suite de l’offensive du Hamas contre Israël qui a tourné au massacre de civils (en filmant et en diffusant les vidéos sur les réseaux sociaux, y compris des assassinés). Et voilà que le 13 octobre 2023, un jeune d’origine tchétchène se rend dans son ancien lycée d’Arras pour poignarder des enseignants en criant « Allah Akbar », en tuant un, en blessant grièvement deux.
C’est un événement marquant de plus, qui est de la même ampleur que « Je suis Charlie » et que le massacre au Bataclan. La société française est touchée dans toute sa profondeur, en raison de son histoire. La lutte de 2023 contre la réforme des retraites n’avait par exemple qu’effleuré la surface de la société ; pour les gens, c’était important, et pourtant une anecdote historiquement.
Là, avec tout ce qui se passe, c’est très différent. C’est une question de civilisation et les masses savent très bien que ce n’est pas une question de religion. C’est une question d’effondrement des valeurs. Le capitalisme triomphant fait se dissoudre tout principe dans le relativisme et partout les monstres s’infiltrent, pratiquant le cannibalisme social. Monopoles d’un côté, éléments anti-sociaux de l’autre : le peuple subit les coups des uns et des autres.
L’arrière-plan du meurtrier est d’ailleurs sans ambiguïtés : on est typiquement dans l’effondrement moral, administratif, politique français. Voici comment Europe 1 présente la chose :
« Fiché S, âgé de 20 ans, d’origine tchétchène et arrivé en France en 2008… Plusieurs heures après l’attaque au couteau dans un lycée d’Arras, qui a tué un professeur et blessé trois autres personnes, le profil de l’assaillant et de son entourage se dessine. Et alors que son frère avait été interpellé à l’été 2019 dans le cadre d’un projet d’attentat déjoué, sa famille, alors assignée à résidence, aurait même pu être expulsée en 2014.
Selon un document qu’Europe 1 s’est procuré, le cabinet de Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur, avait décidé d’annuler la rétention de la famille Mogouchkov. Cette dernière, composée d’un couple et de cinq enfants, était assignée à résidence dans un foyer de La Guerche-de-Bretagne, au sud de Rennes. La police aux frontières s’y était rendue le 18 février 2014 à 6h du matin pour les conduire à l’aéroport de Saint-Jacques-de-la-Lande, près de Rennes, où un avion spécialement affrété attendait la famille, direction la Tchétchénie.
Mais la procédure avait suscité un tollé dans les rangs de plusieurs associations de défense des sans-papiers. Le parti communiste français (PCF) s’était également fendu d’un communiqué de soutien à la famille Mogouchkov. « Que de moyens gaspillés pour saboter la vie d’une famille ! »
Tout cela fournit des points à la Droite, mais la Droite n’est plus la Droite : la France est devenue un satellite américain et il n’y a même plus de bourgeoisie française à prétention gaulliste. La seule chose qui compte politiquement en France, c’est de savoir comment gérer une population occidentale cherchant à garder ses privilèges, y compris à travers le social-impérialisme. Tous les partis et dirigeants, de Marine Le Pen à Jean-Luc Mélenchon, soutiennent l’armée française dans son intégration à l’Otan, assument l’Union européenne comme vaste satellite américain, acceptent la guerre de conquête contre la Russie (et demain la Chine).
Il n’y a donc aucun espoir politique à attendre. La société française va continuer à péricliter. Le mélange LGBT cosmopolite et repli nationaliste-communautaire va perdurer, exactement comme aux États-Unis.
Et là n’est pas le vrai enjeu. La vraie alternative, c’est Socialisme ou barbarie. Ce dont on a besoin, c’est de porteurs de civilisation, de gens annonçant le futur inévitable qu’est le Socialisme. Il faut laisser le passé au passé. Ce passé est tellement passé qu’il s’entre-dévore, afin d’empêcher qu’on arrive au futur !
On ne peut pas comprendre autrement le Hamas qui massacre un festival techno. On aurait dû voir une offensive portée par la Gauche palestinienne, unifiant sur une base démocratique les masses travailleuses ; au lieu de cela, on a la fuite en avant dans le massacre et la folie fondamentaliste.
Telle est la division : entre le passé et le futur. Et il ne faut pas se faire piéger par ce passé qui s’entre-dévore ! C’est le seul moyen de se protéger de la spirale négative du capitalisme en crise !
L’offensive militaire du Hamas depuis la bande de Gaza a tellement provoqué une onde de choc qu’est passé inaperçu un massacre de grande ampleur. En effet, le Hamas n’a pas que visé des bases militaires frontalières et des kibboutz, il a lancé une opération d’envergure contre un festival de musique électronique. 260 personnes au moins y ont été massacrées et un nombre inconnu de gens ont été enlevés.
Sur les réseaux sociaux, on a pu voir des images terribles, dont celle d’une jeune femme allemande dans un pick-up, avec des militants du Hamas assis sur elle et lui crachant dessus, alors qu’une de ses jambes était désarticulée. Est-elle vivante ou morte ? Son compagnon latino-américain a-t-il lui aussi été tué ?
Cette folie furieuse rappelle immanquablement le Bataclan. Encore est-il bien sûr qu’on peut se demander comment un festival de musique électronique peut se tenir à moins de dix kilomètres de la bande de Gaza. La raison est toutefois assez « alternative ». Israël est avec le Brésil et l’Inde (plus précisément Goa) un bastion de la musique électronique appelée « Psytrance ».
Le festival israélien, appelé Supernova Sukkot Gathering, est d’ailleurs une version locale du festival brésilien Universo Paralello, et accueillait des gens appartenant à la scène psytrance du Japon, d’Espagne, du Brésil et du Mexique. Le groupe israélien « Astral Projection » est un classique du genre.
Le public psytrance est du type hippie techno, avec utilisation de drogues de variantes plutôt psychédéliques. L’esprit se veut nomade, entre cosmopolite et universaliste, le mot d’ordre du festival était d’ailleurs « Paix, Amour, Unité et Respect ». C’est du hippie technologique, du petit-bourgeois aventurier cherchant à éviter le pire du capitalisme. Après, il ne faut pas se leurrer, ce ne sont plus les années 1990 et depuis la scène trance de Goa / psytrance s’est franchement commercialisée.
Reste qu’un tel festival se veut sympathique, pacifique et il va de soi que l’attaque odieuse d’un tel festival ne sert en rien la cause palestinienne. C’est même un terrible repoussoir. Quand on voit cela, dans le monde, on se dit qu’on a affaire à des gens sans respect de rien ni personne, et que si on voudrait aider les Palestiniens, c’est pratiquement impossible. Qui a envie d’être relié à des massacres ?
En France, pourtant, il y a de gens pour se moquer d’un tel massacre. Il existe toute une tradition perverse qui va de Sade à la fascination pour le criminel Mesrine, en passant par le FLN algérien. Celui-ci, avec à sa tête des petits-bourgeois francophones fantasmant sur l’Islam, commettait des attentats horribles contre les civils. Le philosophe Jean-Paul Sartre avait justifié cela, avec à ses côtés Frantz Fanon qui a fait la théorie d’une violence aveugle comme une « révolte » anti-coloniale.
Une partie importante de la « seconde gauche » (celle hors socialiste et communiste, anti-Gauche historique) s’est alors alignée sur cette position. C’est ce qu’on retrouve aujourd’hui de manière hégémonique à gauche de la gauche, avec La France insoumise, le Nouveau Parti Anticapitaliste, l’Action antifasciste Paris-Banlieue, etc. Pour de tels gens, tout ce que fait la « résistance palestinienne », c’est bien, et puis c’est tout.
Les massacres ? On passe sous silence, du même silence qu’au moment des massacres de Merah à Toulouse en 2012. Il va de soi évidemment qu’une part d’antisémitisme est présente ici.
En plus de cela, ce qui est terrible, c’est le rôle ignoble de ces gens bien cachés en occident par rapport aux Palestiniens. Car lorsque les Palestiniens ont commencé à s’organiser dans les années 1960-1970, ils se sont lancés dans des attaques contre des civils, israéliens mais également occidentaux. Ils considéraient que c’était le seul moyen de faire entendre parler d’eux.
Là, on revient en arrière, de manière totale. Finie la perspective démocratique, populaire, de Palestiniens unifiés ébranlant l’État israélien (d’ailleurs en crise politique majeure depuis de nombreux mois). Désormais, on a le Hamas qui relève des jeux criminels des puissances grandes, moyennes et petites. L’objectif du Hamas, c’est un État islamique regroupant tous les pays arabes. C’est une expression de la féodalité, d’une féodalité palestinienne soutenue par les féodalités d’abord d’Arabie Saoudite, désormais du Qatar et d’Iran.
Soutenir donc les actions meurtrières du Hamas, ce n’est pas soutenir la « résistance palestinienne », mais l’agenda politique du Hamas, du Qatar, de l’Iran. C’est totalement évident.
Le Figaro a justement révélé des parts d’une lettre interne à La France insoumise ; le député de Paris LFI Rodrigo Arenas, ancien responsable de l’association des parents d’élèves FCPE, y dit plein de choses justes.
«La justesse des causes anticoloniales et du refus des oppressions perdent leur légitimité le jour où elles acceptent les massacres de civils et le terrorisme aveugle comme des stratégies militaires acceptables (…).
Ne nous voilons pas la face, ajoute-t-il encore, le Hamas ne sert plus la cause palestinienne depuis longtemps. Pas plus que l’assassin de Rabin jadis ou les fanatiques religieux et B. Nentanyahou aujourd’hui ne servent la cause israélienne.
La seule cause que servent ces hommes corrompus, assoiffés de vengeance et de haine, c’est le cycle de la violence. Cette spirale infernale de douleurs et de colères qui broie les civils et l’espérance comme la mort fauche les âmes (…).
Quand des massacres, enlèvements et viols sont célébrés, justifiés par ceux qui prétendent lutter contre l’injustice, il y a de quoi désespérer. Si notre idée de la justice d’une cause nous conduit à fermer les yeux, voire pire, à absoudre ceux qui la déshonorent par leur inhumanité, il y a de quoi désespérer. »
Le député fait toutefois une erreur, car la valorisation des massacres, enlèvements et viols des « opprimés » correspond totalement à la conception de Jean-Paul Sartre. C’est censé être l’expression d’un arrachement au colonialisme. La pièce de théâtre Les justes d’Albert Camus, très connue, consiste justement en une dénonciation de cette conception folle de Sartre. Camus était lui-même d’Algérie française et a tenu des propos très connus :
« J’ai toujours condamné la terreur. Je dois condamner aussi le terrorisme qui s’exerce aveuglément dans les rues d’Alger. En ce moment, on lance des bombes dans les tramways d’Alger. Ma mère peut se trouver dans un de ces tramways. Si c’est cela la justice, je préfère ma mère. »
La guerre d’Algérie se termine en 1962. Nous sommes en 2023. Et là, nous avons des Palestiniens partant d’une prison à ciel ouvert, Gaza, pour massacrer des Israéliens – clairement les moins religieux et les moins sionistes de tout le pays – et des gens venant de différents pays, dont du tiers-monde, dans le cadre d’un festival originaire du Brésil.
C’est absurde. Cela ne correspond à rien de révolutionnaire, et encore moins alors qu’une partie énorme de la société israélienne était révoltée depuis plusieurs mois contre les projets de réforme étatique du premier ministre israélien Benyamin Netanyahou. Il y avait quelque chose à faire, tout à faire, sauf ça !
Le massacre du festival techno est en ce sens un exemple non pas de révolte, mais de nihilisme. C’est une expression d’effondrement. Cela correspond à la crise de civilisation qui est mondiale.
C’est une partie du problème, et non de la solution. Et les gens qui choisissent de s’aligner là-dessus correspondent eux-même à un tel nihilisme. C’est du Socialisme dont on a besoin, pas de cette barbarie !
Les islamistes ont réalisé un attentat avec des codes bien précis.
Nous sommes en 1980 et c’est la sortie du film New York 1997, de John Carpenter, un réalisateur se voulant assez alternatif. Au début du film, un groupe révolutionnaire détourne l’avion du président américain et choisit de le faire s’écraser sur Manhattan à New York, symbole de l’oppression impérialiste. Manhattan est en effet devenu une prison à ciel ouverte, où les prisonniers sont livrés à eux-mêmes.
C’est le premier parallèle avec les attentats du 11 septembre.
L’État américain envoie alors un soldat sauver le président et celui-ci utilise un planeur pour atterrir sur le toit… d’une des tours du World Trade Center. C’est le second parallèle avec les attentats du 11 septembre.
Pourquoi trouve-t-on une convergence? Parce qu’il y a une tendance, au cinéma, dans les années 1980, au spectaculaire, au marquant. Et le réalisateur John Carpenter s’est focalisé sur Manhattan, symbole de la réussite capitaliste américaine. Comme il était critique du régime, il a tout décrit en noir, avec un État militarisé, Manhattan comme prison, mais cela reste un détournement de symboles réels.
Ce type de détournement pseudo-anticapitaliste est typique des années 1980 et il va se systématiser dans les années 1990 sous la forme de l’altermondialisme. Al Qaïda va d’ailleurs initialement beaucoup jouer sur cette corde altermondialiste, se présentant comme le rempart face à l’injustice, etc.
On sait comment les altermondialistes ont cherché à « renverser » les logos et les codes, tels les « yes men », deux professeurs d’université américaine se faisant passer pour des représentants de l’Organisation Mondiale du Commerce ou des dirigeants d’entreprises, en faisant alors un éloge caricaturé au possible du capitalisme le plus barbare et oppresseur.
C’est en fait un esprit petit-bourgeois qui vient de l’art contemporain des années 1980, dans un grand esprit de récupération de tout et n’importe quoi, alors que c’est le début d’un capitalisme tellement généralisé que tout est éphémère, qu’il faut « marquer » les esprits coûte que coûte, que tout est consommation.
Ce qui fait que si on prend les attentats du 11 septembre 2001 et qu’on les confronte à une définition de l’art contemporain – même s’il n’y a pas de définition au sens strict – on retrouve les mêmes principes : éphémère, du jamais vu, spectaculaire, sans média du type peinture ou vidéo (sans objet matériel de « représentation »), occupation de tout un espace, « performance » en direct, œuvre comme fin en soi, absence de culture nécessaire pour comprendre, refus de tout héritage artistique, etc.
C’est parce que les gens ont baigné dans cette culture (ou plutôt cette idéologie capitaliste) qu’ils ont été profondément marqués plus qu’horrifiés, alors qu’il s’agit tout simplement d’une folie barbare contre des civils au nom de motifs religieux délirants. Le mot exact est cependant davantage « impressionnés » plus que marqués.
Al Qaïda a d’ailleurs conçu cela comme une sorte de publicité géante, ni plus ni moins. C’est très différent des attentats de l’État islamique comme au Bataclan à Paris, car Al Qaïda vient des années 1980 et a une démarche intellectualisée, avec une vision de l’opinion publique devant être gagnée à soi par des actions impressionnantes et représentatives, alors que l’État islamique date des années 2000 et a une démarche anti-intellectuelle, son but étant directement de monopoliser.
Dans les décennies futures, le rapport entre les attentats du 11 septembre 2001 et la publicité des années 1980 n’en apparaîtra que plus évidente, avec le recul sur une société de consommation généralisée prise au pied de la lettre par les islamistes d’Al Qaïda.
L’attentat de l’État islamique dans la capitale autrichienne reflète une fuite en avant commune à toute une civilisation, qui cherche à se survivre à elle-même, à se régénérer en forçant. C’est l’agonie d’un mode de vie, d’une civilisation, soulignant la nécessité de dépasser au plus vite ce nihilisme menant à l’abîme.
L’opération islamiste à Vienne, visant à réaliser un massacre dans les rues du centre où se trouvent les bars (dans le même esprit qu’à Paris en 2015), a blessé 23 personnes, dont plusieurs grièvement, et fait quatre morts. L’État islamique, parallèlement aux campagnes anti-françaises de type « anti-mondialistes » portées par la mouvance d’Al Qaïda, se rappelle à l’opinion publique avec sa vision apocalyptique du monde.
Avec la crise sanitaire, on a toujours plus l’impression de se retrouver dans un film, mais pas le bon. Il y a une pression dans l’atmosphère qui indique qu’on connaît vraiment une période historique, de grand changement. On n’a comme perspective pourtant pour l’instant que les tourments.
Un assassin islamiste encore une fois produit par la société
Naturellement, le pays se retrouve traumatisé et fait face à un fait très simple : l’assassin, tué par la police, est né à Vienne ; d’origine de Macédoine (du Nord), il avait voulu rejoindre l’État islamique et avait été condamné à 22 mois de prison, étant libéré au bout de quelques mois en raison de son jeune âge alors.
On a ce schéma, bien connu en France, d’une production de romantiques réactionnaires idéalisant un paradis perdu pour combiner nihilisme assassin et obscurantisme. Si la France tient d’ailleurs le premier rang dans les départs pour « l’État islamique », l’Autriche tient la quatrième place, avec une scène islamiste très active.
Elle repose sur l’immigration, mais une immigration récente, pas vraiment celle qui est turque et d’ailleurs deux jeunes Turcs sont intervenus pour amener un policier blessé à une ambulance, ainsi que mettre une autre personne à l’abri. L’un deux a été blessé et sur Instagram ils se sont empressés d’envoyer un message de solidarité et de fraternité.
« Un petit tir, mais pas d’inquiétude je vais bien, j’espère que la police [=le policier] s’en sortira bien, nous aimons notre pays l’Autriche, la terreur n’a pas de religion n’a pas de nation, peu importe si juif, chrétien, musulman nous nous serrons les coudes, pray for vienna »
L’esprit démocratique face à la réaction
La question est toujours de savoir si l’esprit démocratique peut faire face au populisme, au racisme, à la démagogie nationaliste… qui profitent de ce genre d’action. Il faut un peu de temps pour voir ce qu’il en est, mais l’Autriche est comme l’Allemagne : ces vingt dernières années, la société a radicalement changé, la jeunesse a connu des mélanges et l’ouverture vers le monde. C’est très important, car l’esprit démocratique a besoin qu’aucune digue ne saute.
Il semble qui plus est que l’assassin ait agi seul : on est a priori dans la situation d’un pèlerin du néant, qui par le nihilisme a voulu donner un prétendu sens à sa vie. Cela a ceci de rassurant qu’il n’est pas l’expression directe d’un réseau. En même temps, les islamistes représentent un monde révolu, comment pourraient-ils produire des gens fiables, organisés, rationnels ? S’ils en produisaient, ce ne sont pas des actions de ce type qui auraient lieu. On est vraiment dans le nihilisme, avec un fou furieux courant les rues d’une ville pour tuer, comme dans le jeu GTA.
Il faut ainsi savoir prendre de la hauteur et voir comment le capitalisme, qui n’a plus de perspectives, produit de la consommation nihiliste et du nihilisme consommateur, tout en détruisant la planète et nous précipitant dans la guerre. Si on veut un autre avenir… il faut savoir poter le nouveau !
La crise de civilisation s’impose partout. Alors qu’en France l’hommage à Samuel Paty s’est tenu sobrement mais avec dignité, une attaque coordonnée islamiste frappait Vienne. L’époque est prise de spasmes.
C’est une bien belle lettre de Jean Jaurès que le gouvernement a fait lire par les enseignants à leurs élèves, à l’occasion de l’hommage à Samuel Paty, l’enseignant assassiné par un fanatique islamiste. Cela souligne la force de la question de l’éducation dans notre pays, une véritable tradition nationale avec, surtout, la figure de l’enseignant visant à élever le niveau des élèves sur le plan moral. L’engagement du professeur qui veut bien faire, sans briser les esprits mais en les faisant avancer, est quelque chose de connu et d’apprécié dans notre pays.
Non pas que tous les professeurs soient ainsi, très loin de là, ni que l’Ecole telle qu’elle existe soit agréable et épanouissante. Mais justement il y a quelques figures émergeant toujours, ici et là, faisant qu’on se souvient avec émotion de tel ou tel enseignant, qui s’est donné pour les élèves. La lettre de Jean Jaurès est donc bien choisie et on sait d’ailleurs à quel point Jean Jaurès fut un ardent républicain et un orateur extraordinaire. La finesse de ses propos, le choix méticuleux des termes et du ton, la vivacité dans la répartie… font qu’il était pratiquement un représentant de l’esprit français.
Jean Jaurès était, également et évidemment, un socialiste, de l’aile droite historiquement, ce qui ne change rien au fond car les socialistes sont en France en général des républicains de Gauche, éloignés des traditions pro-marxistes social-démocrates allemande, russe, autrichienne, bulgare, etc. On ne peut donc guère parler de récupération par le gouvernement et de toutes façons la question n’est pas du tout là. Ce qui compte, c’est de voir l’honneur du professeur, du passeur de savoir face au fanatisme.
On doit ici qualifier d’abject les diverses critiques anti-gouvernementales cherchant la petite faille pour un populisme vraiment déplacé. Profiter d’un tel événement pour accuser le ministre de l’Éducation de prôner une réforme du baccalauréat que Jean Jaurès aurait réfuté, comment dire… C’est absurde. Les terribles attentats dans la capitale autrichienne montrent d’ailleurs où est le problème.
Les attaques coordonnées dans le centre de Vienne en Autriche, en différents endroits, visant à tuer, à blesser, à terroriser, montrent que le mal est profond, qu’à côté de la machinerie capitaliste détruisant la planète on a des crises de folies réactionnaires meurtrières.
Le fanatisme islamiste est le produit d’une époque sans cœur ni esprit, où tout esprit constructif, démocratique, s’efface devant un marché capitaliste tout puissant accompagné de poches de romantismes ultra-réactionnaires idéalisant un passé romancé. Comment affirmer la Culture, la Connaissance, la Démocratie dans un tel cadre historique ? Là est le défi de notre époque et évidemment, seul le Socialisme peut porter cela.
Le drapeau de la Démocratie, du peuple organisé au niveau de la société, de l’État, est la condition impérative pour sortir d’une crise de civilisation toujours plus folle. La peur et la réflexion se combinent dans des situations nouvelles, inquiétantes et d’envergure. Il faut contribuer à être à la hauteur des questions, il faut savoir souligner les bonnes réponses. Il faut être là. Qui se met de côté dans une telle époque n’a pas saisi ce qui se passe – mais comment ne peut-on pas le saisir ?
Le média qatari Al Jazeera a interviewé Emmanuel Macron, qui s’est évertué à reculer face au fanatisme islamiste dans une interview aux questions agressives et ultra-provocatrices.
Les journalistes d’Al Jazeera se sont fait littéralement la voix des Frères musulmans, dont le Qatar et la Turquie sont les principaux représentants. L’Islam serait uni, les musulmans les premières victimes d’on ne sait trop quoi et les Juifs seraient des privilégiés… Sans parler du débat sur des faits historiques qui seraient fermé, allusion bien entendu au négationnisme ! Rien qu’avec cette remarque, Emmanuel Macron aurait dû quitter l’interview.
Voici l’extrait :
« Journaliste
Souvent quand on parle de l’islam en France, les musulmans citent l’antisémitisme. Pourquoi il y a des lois qui pénalisent l’antisémitisme ? Pourquoi il y a des lois qui ferment le débat sur certains faits historiques ?
Par exemple le révisionnisme, des trucs comme ça, qu’on ne peut pas, qui sont protégés par la loi française.
Le Président de la République
Oui, je vous confirme.
Journaliste
Est-ce qu’il n’y a pas une possibilité d’avoir des lois pour protéger leurs symboles sacrés ? »
Emmanuel Macron a évidemment modifié toute la perspective laïque, disant qu’il s’agit d’une manière de faire cohabiter croyants et non croyants, alors qu’en réalité il s’agissait de repousser la religion dans la sphère privée. Le président de la république a ainsi expliqué que « la transcendance » avait toute sa place dans la société !
Les islamistes déformeraient d’ailleurs l’Islam, le détourneraient : Emmanuel Macron a fait absolument tout son possible pour nier que les terroristes islamistes soient musulmans, voire même des religieux. Ce serait… on ne sait pas trop quoi. En même temps, il s’adresse à un média qatari, un État absolument clef, avec l’Arabie Saoudite, dans la diffusion du fanatisme religieux.
D’où la proposition d’accord : pleine reconnaissance de l’Islam, mais la fin de la violence, car le pays doit être apaisé. Emmanuel Macron se situe ici dans le prolongement des liens privilégiés de la France avec le Qatar et il est évident qu’il aimerait proposer de mettre l’Islam sauce qatarie au niveau du catholicisme et du judaïsme pour la reconnaissance institutionnelle. Cela colle tout à fait avec son programme de société libérale divisée en communautés. Le souci c’est que le frère musulman du Qatar, c’est la Turquie et que celle-ci est désormais en concurrence avec la France.
De plus, les Français sont en bonne partie anti-religieux et entendent bien dénoncer les religions ; Emmanuel Macron peut bien raconter que « la liberté d’expression en France » n’est pas fait pour atteindre les musulmans, c’est inexact : la bataille d’une large partie des Français vise à faire reculer ou disparaître les religions, et cette bataille va connaître un regain formidable et juste.
D’ailleurs, sur France Bleu Occitanie, l’archevêque de Toulouse Robert Le Gall a expliqué :
« On ne se moque pas impunément des religions. On ne peut pas se permettre de se moquer des religions, on voit les résultats que cela donne. »
Le combat contre les religions est essentiel et il est trop sérieux pour être laissé à Emmanuel Macron ou Charlie Hebdo.
Marginalisé et en échec, Al Qaidah tente d’exister au moyen de scénarios hollywoodiens d’horreur médiatique, de terreur esthétisée.
L’attentat de Nice le 29 octobre 2020 représente quelque chose de très particulier ; ce n’est pas du tout un fait-divers assassin islamiste, mais tout un état d’esprit aux contours parfaitement définis. Ce qui n’est pas rassurant pour autant.
En effet, le meurtrier islamiste était venu très tôt le matin à Nice en train, retournant son blouson, changeant de chaussures pour aller à la basilique Notre-Dame de Nice, afin de brouiller les pistes avant d’arriver sur place. Puis, il est allé poignarder trois personnes dans la plus grande église de la ville, en décapitant pratiquement une.
L’État français assurait pourtant déjà depuis trois jours la sécurité des lieux de culte, du moins avait-il essayé car de par leur nombre, c’est pratiquement impossible. C’est ce qui a permis l’attentat, d’où la mobilisation générale de l’État français par la suite.
Derrière cela, il y a un fait très précis. Le média Thabat, qui sert de vecteur à Al-Qaidah, avait en effet diffusé quelques jours auparavant « une invitation à l’appel aux armes en France pour se confronter à la campagne croisée », à la suite du soutien d’Emmanuel Macron au principe des caricatures à la Charlie Hebdo.
Al Qaidah cherche en effet à revenir sur la scène, après sa marginalisation par l’État islamique, avec lequel elle s’affronte de manière sanglante ces derniers mois au Mali d’ailleurs. Mais Al Qaidah n’a plus ni dirigeants, ni idéologie, ni cadres ; ne reste plus que la démarche au sens strict : une vision apocalyptico-esthétique, dont le 11 septembre est le grand symbole.
Car si l’État islamique se veut contemporain de l’apocalypse, affirme que c’est la fin des temps à court terme, Al Qaidah entend provoquer l’apocalypse. Les Frères musulmans, avec la Turquie et le Qatar, affirment eux accompagner la tendance à l’apocalypse, tandis que les Wahabites saoudiens ne prétendent rien et exigent un conservatisme pur et simple, même si « moderne », pétro-dollars oblige.
D’où le timing parfait pour Al Qaidah, de son point de vue, puisque l’action a eu lieu le lendemain de l’intervention d’Emmanuel Macron sur le second confinement et le même jour que l’intervention du premier ministre Jean Castex pour préciser les modalités de celui-ci. Le but est de donner une image de fin des temps aux événements, d’apocalypse s’installant ; on est là dans un scénario de film, dans une fantasmagorie complète.
C’est totalement post-moderne, d’un idéalisme généralisé ; si on ne voit pas en quoi pour Al Qaidah le 11 septembre a été un équivalent islamiste de l’art contemporain, on passe à côté de la substance de son approche.
Al Qaidah correspond ici à la décadence de toute une époque, d’une époque qui croit en ses propres mensonges, où la « conscience » s’arroge la prétention de choisir et « modifier » les choses comme bon lui semble. Al Qaidah, dans son approche, c’est le consommateur élevé à la toute puissance de sa fantasmagorie. Cela ne rend la folie que plus meurtrière, mais en même temps sans envergure. Il suffit de voir la différence entre le 11 septembre 2001 et le 29 octobre 2020.
Les attentats islamistes reflètent la fin d’une civilisation ; les islamistes dénoncent l’ultra-consumérisme capitaliste, mais ils ne sont qu’un aspect « romantico-passéiste » de celle-ci. Ils s’imaginent le contraire du monde moderne, ils sont leur inverse tout aussi caricatural, creux, sans contenu ni perspective. Ils s’imaginent les protagonistes de temps nouveaux, alors qu’ils ne sont que les sous-produits d’une époque révolue.
L’attentat de Nice révèle la substance même de la religion, sa nature en décalage avec la réalité, son auto-intoxication jusqu’au fanatisme, son mépris de la vie, de la démocratie, du sens même des réalités. Les religions sont le contraire du matérialisme et donc du réalisme, il n’est donc aucune surprise à ce que leur démarche soit en-dehors même de la réalité elle-même. Elles sont, à ce titre, condamnées… et pourvu qu’elles disparaissent le plus vite possible !
Le président turc Recep Tayyip Erdoğan poursuit un agenda bien précis au sein de la Droite turque et il a eu dans ce cadre des propos provocateurs désignant entre autres Emmanuel Macron. Ce dernier pourrait tout à fait ignorer ces déclarations qui ne volent franchement pas haut et ne mènent pas très loin, mais il est trop content de cette porte ouverte menant à une escalade guerrière contre un ennemi stratégique.
Samedi 24 octobre, à l’occasion du 7e congrès de son parti, Recep Tayyip Erdoğan tenait un discours ultra populiste visant l’électorat musulman, y compris (et de manière spécifique) les Turcs vivants en France ou en Allemagne qui ont le droit de vote. Il a à cette occasion, parmi tout un tas de déclarations et de provocations, visé Emmanuel Macron en agitant la prétendue « islamophobie » :
« Mais quel est son problème avec les musulmans? Ce Macron a besoin de faire examiner sa santé mentale. Que préconiser d’autre face à un président qui ne comprend rien à la liberté religieuse et qui se comporte de manière discriminatoire vis-à-vis de millions de citoyens qui ne partagent pas sa foi ? »
Cela a tellement bien marché, puisqu’il y a eu du répondant en France, qu’il a réitéré ses propos dimanche 25 octobre :
« La personne qui est à la tête de la France en ce moment s’en prend sans cesse à ma personne. Qu’il se regarde d’abord lui-même. C’est vraiment un cas ! Il faut sérieusement qu’il se fasse contrôler. »
Recep Tayyip Erdoğan est en totale roue libre, en mode Donald Trump, cherchant par tous les moyens à créer de l’agitation pour faire parler de lui et mobiliser par le biais de l’islam. Il a par exemple aussi désigné « un soi-disant député aux Pays-Bas » (Geert Wilders), lui assénant de ne pas dépasser les bornes, avant de s’adresser virtuellement à lui tel un caïd : « Sais-tu seulement à qui tu as affaire ? » La veille, il critiquait l’Allemagne pour une descente de police dans une mosquée, allant jusqu’à parler de « fascisme européen » en prétendant qu’il y aurait des « attaques contre les droits des citoyens musulmans ».
C’est que l’État turc est en pleine décadence, faisant face à d’extrêmes difficultés sur le plan économique et il faut donc pour ses dirigeants attirer l’attention ailleurs, c’est-à-dire « noyer le poisson » comme le dit l’expression, ainsi qu’ouvrir des espaces pour l’agression militaire. Recep Tayyip Erdoğan joue ainsi à fond la carte de l’agitation populiste, sur le mode identitaire-religieux.
Plutôt que d’ignorer cette lamentable campagne électorale, la France répond pleinement à cela, faisant monter la sauce à son tour. Les services de l’Élysée ont répondu de manière officielle :
« Les propos du président Erdogan sont inacceptables. L’outrance et la grossièreté ne sont pas une méthode. Nous exigeons d’Erdogan qu’il change le cours de sa politique car elle est dangereuse à tous points de vue. Nous n’entrons pas dans des polémiques inutiles et n’acceptons pas les insultes.»
Le chef de la diplomatie Jean-Yves Le Drian y est allé lui aussi de sa dénonciation, fustigeant « un comportement inadmissible, à fortiori de la part d’un pays allié» et allant jusqu’à rapatrier l’ambassadeur français en Turquie « pour consultation », ce qui diplomatiquement est une signe de très importante tension, plus précisément une marque d’hostilité.
On est ici strictement dans ce l’Histoire n’a que trop connue : l’escalade guerrière, de la part de dirigeants cherchant à tout prix la tension comme réponse à la crise. Comme la Turquie, la France est elle aussi en crise, de plus en plus, et elle tient à maintenir son rang, ce qui la rend également agressive… Le conflit franco-turc est une sorte de petit parallèle à l’affrontement sino-américain. Le 21e siècle se précipite vers la guerre.
La Droite est en pleine offensive et forcément, Marion Maréchal est là pour donner son avis et tracer des lignes. C’est dans Le Figaro qu’elle publie une longue tribune dans laquelle elle appelle à cogner fort contre l’islam, pour jouer enfin la carte du « choc des civilisations » dont rêve l’extrême-Droite depuis des années et des années.
Marion Maréchal n’y va pas de main morte dans sa tribune publiée par Le Figaro le 22 octobre 2020. Pour elle, il faut viser l’islam en général et pas seulement l’islamisme, la laïcité n’est pas la réponse et les personnes musulmanes issues de l’immigration sont ouvertement désignées.
Quand elle dénonce l’islam, elle ne le fait évidemment pas au nom de la Raison et des Lumières, avec comme référence l’Humanisme averroïste et l’universalisme. Marion Maréchal relève elle-même du romantisme religieux, dans sa version catholique française, et elle considère en fait l’islam comme un concurrent de son propre modèle. C’est la ligne qu’on peut qualifier d’occidentaliste.
Cela est exprimé de manière très claire dans ce passage de sa tribune, qui est absolument fondamental pour comprendre la dynamique actuelle de la Droite française dont elle est devenue une figure très importante :
« Quelle image leur renvoyons-nous? Pour eux nous sommes des mécréants, des jouisseurs, des consuméristes, des athées qui méprisons le sacré ; nous sommes la société du vide, de l’individualisme et du relativisme. Pour eux nous avons tué Dieu, la patrie, la famille. Ils voient une société sans courage, juste bonne à faire des marches blanches, à allumer des bougies et à crier «vous n’aurez pas ma haine». Contrairement à eux, nous avons oublié qu’islam et Europe n’ont cessé de s’affronter depuis 13 siècles. »
Les mots sont choisis avec une très grande précision, de manière très subtile. La description qu’elle fait de l’image renvoyée par la société actuelle aux musulmans n’est aucunement une dénonciation. Marion Maréchal a tout à fait compris que l’islam en France relève d’un romantisme contre la société moderne, d’une fausse révolte puisant de manière romantique dans le passé… Et justement, ce romantisme est exactement du même type que le sien !
La vision de la société qu’elle décrit s’applique mot pour mot tout aussi bien pour la Droite de type catholique, identitaire, etc. Ce qu’elle pense donc, et c’est extrêmement clair dans ce passage, ce n’est pas que l’islam est erroné, que les islamistes ont tort au sens strict, mais qu’il s’agit d’une « civilisation » concurrente avec laquelle il s’agit de s’affronter.
Toute sa tribune relève de cette pensée, qui d’ailleurs n’a rien de nouvelle à l’extrême-Droite française, mais qui est maintenant formulée à grande échelle si l’on peut dire, en parfaite concordance avec l’actualité. Voici plusieurs extraits, afin de bien saisir la dimension offensive de son propos, qui ne souffre d’aucune ambiguïté :
« C’est une œuvre de subversion organisée de l’intérieur et souvent alimentée par l’extérieur. Cette influence extérieure trouve prise dans les allégeances multiples des individus ; en l’occurrence, pour une grande partie des musulmans, dans l’attache à leur pays d’origine, à l’Oumma (l’assemblée des croyants), au sunnisme, etc. »
« Leurs armes: le nombre, la jeunesse, des alliés objectifs islamo-gauchistes qui cultivent la repentance occidentale, l’injonction au vivre-ensemble, les droits de l’Homme dévoyés, un islam en expansion au niveau mondial.
Les nôtres? La laïcité et pas grand-chose de plus. »
« Nous invoquons comme une évidence un concept parfaitement assimilé en Europe mais inconnu de l’islam et des civilisations islamiques: la séparation du public et du privé, du spirituel et du temporel, du politique et du religieux, de Dieu et de César.
La rhétorique est inopérante en particulier auprès d’une grande partie de la jeunesse française musulmane dont je rappelle que 74 % font passer leurs convictions religieuses avant les «valeurs de la Républiques» et 26 % ne condamnent pas les djihadistes (sondage Ifop réalisé en 2020 sur les 15-24 ans). »
« En appeler uniquement à la laïcité pour traiter la question de l’islamisme, c’est une manière de réduire le débat à la question religieuse et d’ignorer le fait social qu’est l’Islam. C’est détourner le regard du sujet de la politique d’immigration, de la délinquance endémique qui est le terreau de la radicalité, du communautarisme islamique lié au nombre, de l’échec de l’assimilation ; bref de la dimension civilisationnelle du problème. »
« Le combat ne peut pas être gagné uniquement par du légalisme. C’est un combat global historique, spirituel, culturel, intellectuel, éducatif. C’est un combat moral qui passera d’abord par l’affirmation et la fierté de ce que nous sommes. C’est un combat de civilisation et quiconque refusera de voir cette dimension a déjà perdu. »
Ces propos sont très violents et relèvent quasiment d’un appel à la guerre civile en France contre l’islam. C’est une tentative de régénération nationale par une sorte de néo-croisade à l’intérieur même du pays.
Il ne faudrait surtout pas croire ici qu’il s’agit d’un simple racisme anti-arabe et qu’on aurait à faire en 2020 à une Droite et une extrême-Droite en mode ratonnade populiste contre les « bougnoules ». Marion Maréchal ne parle jamais d’origines dans le sens ethnique et son propos n’a aucune dimension raciale au sens strict ; ce qu’elle joue, c’est le « choc de civilisation », avec la France catholique et anti-moderne comme place forte de l’« Occident » contre l’« Orient ».
Face à cela, la Gauche doit brandir haut et fort le drapeau de l’universalisme, assumer la Raison contre la haine et les arriérations religieuses, mettre en avant l’Histoire contre les romantismes pillant le passé de manière fantasmée, et assumer le Socialisme comme la seule perspective possible pour l’humanité.
Tel est pris qui croyait prendre ! Le populiste d’extrême-Droite Robert Ménard s’est senti pousser des ailes avec l’actualité et a cru qu’il pourrait s’accaparer l’esprit « Charlie » avec une campagne d’affichage municipale reprenant une couverture de Charlie Hebdo.
Cela était très présomptueux de sa part, car il s’est logiquement fait détruire par Charlie Hebdo, dans un communiqué aussi simple qu’efficace !
Forcément, l’attentat islamiste contre le professeur d’Histoire-Géographie Samuel Paty a créé une onde de choc chez les enseignants. Il y a, au fond, le sentiment que la situation est devenue intenable, que les choses doivent changer en profondeur. Cela s’exprime de différentes manières et on trouvera ici une contribution intéressante, s’inscrivant ouvertement dans le champ de la Gauche, avec cette tribune d’un professeur affirmant l’éducation comme réponse démocratique aux attentats.
On pourra éventuellement trouver son propos idéaliste, ou même naïf par rapport à la réalité de l’Éducation nationale aujourd’hui en France, mais cela a en tous cas le mérite d’être une affirmation démocratique franche, s’appuyant sur la raison et la conviction profonde que l’on puisse trouver le meilleur en chacun, pourvu que l’on fasse confiance à la société.
« Face à l’horreur, toujours affirmer le primat de l’éducation
Comme après chaque attentat, est interrogé ce que l’école a fait. Et c’est souvent en portant l’accusation d’une inconscience, d’un déni, voire d’une lâcheté.
Nul ne peut nier que les écoles, les collèges et les lycées soient confrontés, dans leurs vies scolaires quotidiennes, à une difficulté réelle, parfois éprouvante, quand des actes ou des propos d’élèves se révèlent incompatibles avec les principes de neutralité et de laïcité qui fondent l’école. Mais cela ne peut être confondu avec l’affirmation d’une incapacité de l’école. Elle exerce sa mission éducative en construisant avec la patience nécessaire les savoirs et la culture commune qui permettront à chaque citoyenne, chaque citoyen d’exercer sa liberté avec raison. Rien qui ne puisse se résoudre autrement que dans le lent travail qui exerce la pensée, fonde l’esprit critique sur la raison et apprend à soumettre les choix et les actes à l’exigence de la réflexion.
Qui oserait confondre cette lutte contre l’intolérance et l’extrémisme par l’éducation avec une lâcheté laxiste ? Dans les difficultés de leur travail quotidien, les enseignants savent à la fois user de la fermeté du propos et de la patience nécessaire à ses effets. Ils savent combien c’est difficile, épuisant parfois décourageant mais notre société entière leur doit de ne pas avoir renoncé.
De quoi nous parlent ceux qui invectivent une prétendue démission, une soi-disante cécité ? Regrettent-ils que face à l’expression inacceptable d’un élève, l’école fasse le choix de l’éducation plutôt que celui de l’exclusion ou de la répression ? Mais qui pourrait raisonnablement croire qu’un adolescent tenté par les folies de l’extrémisme y renoncerait plus facilement par la contrainte répressive que par l’éducation ?
Non l’horreur de ce crime ne signifie en rien que l’école ait failli. Sans doute la peur, le découragement, la sidération, la colère nous habiteront un temps… Parfois l’émotion nous submerge mais au-delà nous savons toutes et tous que l’école continuera à faire œuvre de ténacité pour construire l’esprit critique, la tolérance, l’acceptation de la différence qui restent les nécessités absolues de la démocratie.
La condamnation du crime abject et révoltant dont vient d’être victime notre collègue ne peut souffrir d’aucune relativisation. Mais contre l’horreur de la violence inacceptable, nous devons plus que jamais affirmer le primat absolu de l’éducation.
Aucune société d’égalité et de liberté ne peut faire un autre choix que celui d’une confiance absolue dans l’éducation. Cette confiance doit s’exercer autant par le respect des enseignants que dans l’exigence de politiques éducatives ambitieuses dans les finalités comme dans les moyens. Car qui pourrait feindre de ne pas percevoir l’évidence d’une difficulté majorée par la dégradation d’un service public toujours davantage privé des ressources nécessaires à l’activité quotidienne de ceux qui y travaillent?
Dans deux semaines, après les vacances scolaires, les enseignantes et les enseignants et toutes celles et ceux qui travaillent avec eux retrouveront le chemin de leur classe. Nul doute qu’ils auront à l’esprit le deuil de celui d’entre eux dont il aura été mis fin à la vie de manière si ignoble mais leur volonté de construire une société de liberté par l’instruction et l’éducation n’en sera pas affaiblie.
C’est dans le même engagement quotidien qu’ils porteront la lourde mais vitale volonté de faire de leurs élèves des citoyens libres et éclairés par les lumières de la raison et de la culture commune. Personne ne doit jamais oublier que la société entière leur doit de conduire les enfants, les adolescents et les jeunes vers les valeurs démocratiques. Cela mérite le respect et la reconnaissance de chacun comme cela mérite un investissement déterminé dans le service public d’éducation.
Paul Devin
Ce texte a été publié sur le Club de Médiapart, le 17 octobre 2020 »
La lutte contre les islamistes devrait être une lutte contre l’islamisme sur une base universaliste. Au lieu de cela on a des mesures policières-administratives parallèlement à une vaste offensive idéologique d’une Droite décomplexée.
Il est toujours difficile de lire les tournants dans l’opinion et le meurtre odieux d’un enseignant d’histoire-géographie par un fanatique islamiste a provoqué une onde de choc d’autant plus forte qu’elle passe sous les radars. En tout cas, impossible de ne pas voir que l’ultra-gauche est tétanisée, au point souvent de ne même pas parler de cette actualité (ou avec un retard très opportuniste), que la Gauche ne sait souvent parler que de la Marseillaise…
Alors que la Droite mène une campagne de fond énorme, s’alignant directement pratiquement sur les idées de Jean-Marie Le Pen des années 1980. On peut même dire que CNews fait passer BFMTV pour un média de centre-droit au rythme où vont les choses.
Pourquoi est-ce aussi simple ? Car il y a eu des marqueurs et il y en a qui assassine la Gauche depuis l’intérieur. Il s’agit bien entendu du rassemblement du 10 novembre 2019 contre « l’islamophobie ». En réfutant la lutte des classes, les « post-modernes » et les populistes s’étaient alors retrouvés sur la même ligne que le « Collectif contre l’islamophobie en France » et de toute une frange de l’activisme musulman.
C’était une convergence naturelle de mouvements populistes, qu’on a connu d’ailleurs dans d’autres pays (le SWP en Angleterre, le PTB en Belgique, etc.), avec à l’arrière-plan un fantasme sur l’Islam comme religion des opprimés, l’idée de faire dans le communautaire pour faire populaire, etc. Cela a évidemment immédiatement senti le roussi, amenant les carriéristes à vite se retirer sur la pointe des pieds avant même la tenue de la manifestation, à l’instar de Yannick Jadot d’EELV et de François Ruffin de La France Insoumise.
Yannick Jadot avait dit qu’il ne validait finalement pas tout le texte ni le terme d’islamophobie… Même si rien ne vaudra les propos de Ruffin, véritable contorsionniste : « Moi, j’étais à Bruxelles en train de manger des frites et des gaufres avec mes enfants [au moment de signer], ce n’est pas mon truc. Je n’irai pas dimanche, je joue au foot. »
François Ruffin s’était ici montré plus fin politique que La France Insoumise, le NPA, l’UNEF, l’Union communiste libertaire, la députée PCF Elsa Faucillon, le secrétaire de la CGT Philippe Martinez, Benoît Hamon de Génération-s, etc., car maintenant ils en paient le prix fort. Jean-Luc Mélenchon et l’UNEF sont la visée d’un profond mépris en général et leur positionnement est en particulier l’un des moyens de la Droite pour se positionner comme la seule en mesure de défendre les valeurs d’unité sociale.
Les gens très ancrés à Gauche l’ont bien compris et sont très remontés contre eux. Reste à savoir maintenant si c’est un combat de lignes qui se profile ou si c’est un avatar de plus d’une implosion de la Gauche en général, pour ne pas dire les restes de la Gauche tellement le panorama est catastrophique.
Plus en amont, c’est d’ailleurs la question de « Je suis Charlie » qui est la clef du problème (et de la solution). Non pas qu’il faille considérer « Je suis Charlie » comme un mouvement positif en soi, mais en étant incapable de l’étudier, de le saisir, d’en développer les traits les meilleurs, la Gauche a failli.
Quand on pense à la tonne de littérature qui a été écrite sur un phénomène aussi marginal numériquement et culturellement que les gilets jaunes, et qu’on voit que « Je suis Charlie » n’a rien amené malgré son ampleur nationale, le décalage saute aux yeux. Cela ne fait que souligner la nécessité de moyens d’élever le niveau, de fournir des éléments faisant progresser les consciences.
Et si la Gauche n’y parvient pas volontairement, la terrible violence qui se profile dans ce contexte de crise va la forcer, au moyen d’une Droite promettant la brutalité la plus complète.
Le général Pierre de Villiers est ancien chef d’État-Major des armées et s’est fait connaître en démissionnant avec fracas en 2017, accompagnant cela d’un discours nationaliste faisant de la figure du chef militaire autoritaire un recours pour la France.
Depuis, il intervient régulièrement pour mettre en avant ce discours et se placer lui-même comme la figure potentiellement à même de « redresser » le pays. La Droite adore, notamment celle qui est proche de l’extrême-Droite, et c’est tout naturellement que Le Figaro lui a offert une tribune après l’attentat contre le professeur d’Histoire-Géographie à Conflans-Sainte-Honorine.
Il faut noter que cette tribune est accessible gratuitement en ligne, ce qui est rare pour les articles de ce genre sur le site du Figaro ; il s’agit là de diffuser au maximum la figure du général Pierre de Villiers, qui profite naturellement de la situation pour se placer. Se placer pour quoi ? Pour apparaître comme le sauveur, apolitique et désintéressé bien sûr, dans la grande tradition française des anciens militaires faisant prétendument don de leur personne.
Ce qu’il a à dire est très simple, et extrêmement bien formulé. Il ne faut pas « céder à cette intimidation barbare » et ne pas avoir « peur », il y a trop de « paroles » et pas assez « d’actes », il faut donc une politique nationale forte assumant l’autorité.
Il est donc fait appel à la mobilisation nationaliste, en expliquant que le problème de l’islamisme serait principalement celui de l’agression de la France, comme il le dit en introduction de son propos :
« c’est une attaque à l’existence même de notre nation, de notre civilisation. »
Cela est faux, car ce qui est en jeu est la Raison, l’Humanisme, la culture en général, de manière universelle, et pas la nation française en tant que telle. Mais cela n’intéresse pas Pierre de Villiers, qui relève lui-même de l’arriération religieuse ; c’est un catholique, il le revendique, il a contribué à une formation du très droitier ICHTUS (Centre de formation à l’action civique et culturelle selon le droit naturel et chrétien).
Selon lui, de manière démagogique, il suffirait de renvoyer les imams qui posent problème, tout en ayant une politique militaire française forte. C’est d’ailleurs avec cela qu’il conclut, car le militarisme est sa proposition stratégique, c’est le contenu de son nationalisme, avec l’idée de la France comme grande puissance pesant grâce à son armée, et se régénérant grâce à l’autorité militaire :
« Pendant mes dix dernières années dans les armées, j’ai, à ma place, participer au combat contre le terrorisme islamiste, cette idéologie qui prône la barbarie, car cette dernière n’est pas un moyen mais une fin. Nos soldats, marins et aviateurs contribuent à cette défense de l’avant, notamment en Afrique et au Moyen-Orient. Ils méritent aussi d’en être remerciés. Cette guerre est mondiale. Elle vise la France prioritairement. Plus que jamais, nous devons retrouver notre unité et nous réconcilier, au-delà de nos diversités. L’amour de la France est notre espérance. »
Pour le reste, Pierre de Villiers formule les choses très habilement et avec beaucoup de mesure, dans une perspective politique évidente. Il explique qu’il serait temps « d’aider la communauté musulmane de France à former les imams » et qu’il faut aller chercher les islamistes dans les « cités », où « [les] populations [sont] dans leur grande majorité de bonne volonté. »
On apprend étrangement au passage que la Mauritanie serait « un exemple », qui aurait « réussi à contenir le terrorisme »… On se demande alors pourquoi le Ministère des Affaires étrangères considère encore la Mauritanie comme à risque à propos du terrorisme, avec plus de la moitié du pays où il ne faut surtout pas se rendre, et une vigilance renforcée à avoir pour le reste du territoire !
Mais ce qui intéresse surtout Pierre de Villiers le militaire, c’est que la Mauritanie (une « république islamique ») est aux mains des militaires, avec le président Mohammed Ould Ghazouani qui est un général ayant succédé à un général ayant pris le pouvoir par la force en 2008, avec des groupes spéciaux d’intervention quadrillant littéralement le pays et un État orientant massivement le budget vers l’armée plutôt que l’éducation ou la santé.
Voilà donc son modèle, qu’il veut transposer en mode catholique pour la France, avec cette prétention, caractéristique de la Droite, à constituer une élite « protectrice » pour le peuple, par l’autorité du chef :
« Il est temps aussi de comprendre que le premier devoir d’un Etat est de protéger ses concitoyens, en donnant à celles et ceux qui en ont la charge les moyens de leur mission. Je pense en particulier aux services de renseignements, aux forces de sécurité, à tous ceux qui de près ou de loin participent à l’éducation de notre jeunesse. »
Tout cela n’amène pas à grand chose… pour l’instant. C’est une manière de s’installer dans le paysage, d’assembler des éléments pour légitimer le recours à un moment donné. Le général dira que depuis longtemps il cherche à contribuer, sans prendre parti, qu’il est inquiet pour la France, etc. Le fait que cela ne soit pas dénoncé dès le départ par la Gauche est une très mauvaise chose, c’est une grosse erreur de par la tradition politique de notre pays où le général, le maréchal, sort souvent de sa boîte pour jouer au sauveur.
Un crime odieux tétanise la France, mais l’obscurantisme est plus que religieux, il est lié à la fin d’une époque.
Un meurtre barbare d’un professeur d’histoire-géographie du collège du bois d’Aulne de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), le 16 octobre 2020, et quelques mots sur Twitter comme revendication, avec la photo d’une tête coupée :
« De Abdullah, le serviteur d’Allah, à Macron, le dirigeant des infidèles, j’ai exécuté un de tes chiens de l’enfer qui a osé rabaisser Muhammad, calme ses semblables avant qu’on ne vous inflige un dur châtiment… »
C’est totalement glaçant. Le professeur avait montré une caricature de Mahomet lors d’un cours, en précisant auparavant que cela pouvait choquer et qu’il était possible de ne pas regarder si on était musulman et qu’on ne voulait pas. Son initiative prévoyante avait été prétexte d’une dénonciation par des parents d’élèves voyant à la fois une discrimination et une insulte à la religion.
En ayant une démarche laïque et non universaliste, le professeur a ouvert la boîte de Pandore. Ce fut l’engrenage d’une affaire donnant libre cours au communautarisme, puis aboutissant à un crime frappant l’opinion publique.
Les impressions sont troublées, l’émotion paralysée par la violence du crime, et dans la soirée, le président Emmanuel Macron publiait un message significatif sur Twitter, alors qu’il l’a aussi dit dans un intervention directement sur place :
« Ils ne passeront pas. »
C’est bien entendu une allusion au ¡No pasarán! des antifascistes durant la guerre d’Espagne, le mot d’ordre venant du côté communiste. Le rapprochement n’est à ce titre pas juste, car l’islamisme n’est pas un mouvement historique porté par la société, comme l’a été le fascisme, mais une aventure romantico-nihiliste à la fois cosmopolite et post-moderne.
L’Islam tel qu’on le connaît au 21e siècle est en effet, comme le judaïsme, le produit de perpétuelles reconstructions fictives d’intellectuels, de féodaux, de pétro-monarchies. Le moteur intellectuel de ces reconstructions pour l’Islam, c’est la question du califat, car sans califat, il n’y a pas de terre d’Islam, et sans terre d’Islam, pas d’Islam.
Il n’y a alors que trois options possibles. Soit on fait semblant que ce ne soit pas le cas, tout en se disant musulmans. Vient alors le risque que certains prennent au sérieux et veulent un califat. C’est le drame historique de l’Algérie, avec un FLN se voulant laïc étatiquement mais ouvertement musulman, qui a produit une société se reconnaissant dans le FIS. C’est également ce qui arrive avec la génération des islamistes français des années 1990, qui se détache d’un Islam « inconséquent ».
Soit on l’assume, mais on dit que c’est trop tôt : c’est le salafisme, le quiétisme, le repli sur une vie communautaire fermée. C’est le fameux « séparatisme » dénoncé début octobre 2020 par le gouvernement.
Soit on l’assume et on part, afin de pouvoir devenir un « véritable » être humain, dans une perspective de retour aux sources totalement romantique et esthétisée, comme les images de la vidéo de propagande « Réputation » de fin septembre 2020 le montrent.
Ce « romantisme » est cependant carbonisé depuis l’effondrement de l’État islamique, qui a littéralement grillé cette proposition délirante de « retour » en terre « pure ». Ne restent d’ailleurs concrètement plus que « l’Émirat islamique d’Afghanistan », qui relève à l’arrière-plan du nationalisme pachtoune, ou encore le Hayat Tahrir al-Sham (Organisation de Libération du Levant) qui relève d’une problématique entièrement syrienne et se place dans l’orbite turque.
Les théologiens islamistes puristes sont d’ailleurs horrifiés par ce qu’ils qualifient de « fusionnisme », même si concrètement les reliquats des groupes de l’État islamique s’appuient également sur différentes questions locales, surtout en Afrique, avec par exemple justement une première action en Tanzanie à la mi-octobre 2020.
Tout cela pour dire que l’islamisme est dans un cul-de-sac et que l’Islam est coincé dans sa proposition universaliste. De toutes façons quand on voit les joueurs du Paris Saint-Germain faire des publicités pour les paris sportifs alors que le club appartient au Qatar, l’un des deux grands financiers de l’islamisme (l’autre étant l’Arabie Saoudite), on voit bien que plus rien ne tient.
Le meurtre d’un professeur de Conflans-Sainte-Honorine a d’ailleurs été revendiqué par un jeune né à Moscou et se définissant comme « Tchétchène ». On est ici dans une sorte de nationalisme mêlé d’islamisme, tout comme d’ailleurs l’Islam turc. L’horizon universel / universaliste (pseudo universel / pseudo universaliste) a clairement disparu à la suite de l’effondrement du califat, alors qu’Al-Qaïda avec sa ligne de guérilla islamique alter-mondialiste ne s’est par ailleurs jamais remis de cette concurrence pro-califat.
L’islamisme n’est qu’un débris de l’Islam qui n’est lui-même qu’un débris d’une époque dépassée et s’effondrant sur elle-même. L’humanité n’a plus besoin des religions, de la spiritualité et de tous ces déplacement dans un ciel imaginaire des réalités terrestres, naturelles. Ceux qui s’obstinent à vouloir parler de Dieu ne visent plus qu’à nier le besoin de collectivisme, la réalité naturelle et notamment celle des animaux, la compassion pour toute vie.
C’est la fin d’une civilisation, qui s’enfonce dans l’obscurité, tout simplement, alors que s’ouvre une nouvelle époque : universelle, athée, naturelle, collectiviste.
C’est un procès historique, qui en même temps a été vidé de son sens au préalable.
Le mercredi 2 septembre 2020 s’ouvre le procès des attentats contre Charlie hebdo et contre un magasin cacher ; il sera filmé pour les archives accessibles au public dans 50 ans. Il faut bien saisir le sens même de la question ; l’objectif des terroristes était de contribuer à la formation d’une guerre de religion en France. Ce plan a totalement échoué, il a été mis en pièce par un immense mouvement de masse comme jamais vu en France, et ce à travers absolument tout le pays.
Il y aurait pu y avoir tant un soutien des musulmans aux attentats qu’une contre-réaction catholique (et juive), avec une extrême-Droite grimpant comme jamais dans les sondages. Il n’y a rien eu de tout cela et la France a montré, exactement comme en février 1934 avec la tentative de coup d’État fasciste, qu’elle ne se laissait pas embarquer aussi facilement que cela dans des projets destructeurs.
Il est ainsi fort dommage que, à la veille du procès, Charlie Hebdo republie les caricatures de Mahomet qui avaient été la raison des attentats. Charlie Hebdo passe ici totalement à côté de l’esprit « Je suis Charlie » qui a suivi les attentats. L’hebdomadaire satirique fait exactement ce que les manifestants avaient alors réfuté : le fait d’avoir une obsession, de ressasser, de perdre le fil de la culture et de la démocratie.
En ce sens, les propos de veille du procès du directeur de Charlie Hebdo, Riss, sont bien étranges, décalés, sans aucun sens :
« Nous ne nous coucherons jamais. Nous ne renoncerons jamais »
Se coucher devant qui, renoncer à quoi ? Surtout qu’il n’y a pas eu de caricature de Mahomet depuis 2015. Il aurait été bien plus intelligent d’en profiter pour mettre en avant quelque chose de populaire, de solidaire, de constructif, plutôt que de s’imaginer en guerre avec un islamisme qui, avec l’échec de l’État islamique, a stratégiquement perdu.
C’est une question de culture et de développement de la civilisation. On se souvient par exemple de la loi sur l’interdiction du voile à l’école : c’était d’une stupidité complète, car c’était un micro-problème qui devait se régler de manière intelligente au cas par cas. Une simple affaire montée en épingle, qui plus est par des professeurs d’ultra-gauche (de Lutte Ouvrière en l’occurrence), a contribué à l’ouverture de la boîte de Pandore de l’islamisme.
L’affaire des caricatures de Mahomet est tout aussi incohérente. Dans l’Islam (sunnite), on n’a pas le droit ni de représenter des êtres vivants, ni d’écouter de la musique non religieuse monophonique. N’est-ce pas suffisant pour démonter cette religion ? Ce n’est pas des caricatures qu’il faut, mais des cours de dessin et des cours de musique dans tout le pays, tant pour la dimension pratique que pour la dimension historique. À ce moment-là la religion tombera d’elle-même et la civilisation aura avancé.
N’y a-t-il d’ailleurs pas d’autres défis comme le réchauffement climatique, la crise sanitaire, la situation des animaux, la crise économique, sans parler d’un insupportable capitalisme ? L’islamisme n’est-il pas le produit d’ailleurs de cette société ?
Voilà pourquoi il faut dire que le procès des attentats de Charlie Hebdo et du magasin cacher est incomplet, qu’il manque un coupable : la société elle-même.
On se souvient de 1995, lors de la vague meurtrière d’attentats islamistes : Khaled Kelkal avait pareillement été liquidé. Tout cela pour ne pas avoir de procès où l’on se retrouve face à des Français qui ont déraillé et qui sont partis dans le nihilisme, ce qui aurait abouti au procès d’une société elle-même basculant dans le nihilisme et produisant des romantiques se transformant en monstres.
L’État français a fait pareil en 2015. Lorsque les frères Kouachi qui avaient attaqué Charlie Hebdo se sont barricadés dans une imprimerie de Dammartin-en-Goële en Seine-et-Marne, ils n’ont pas été « abattus dans l’après-midi après un assaut du GIGN » comme le prétend France TV infos. En réalité, ils sont à un moment sortis de l’imprimerie en tirant pour mourir « en martyr » et ils ont été alors tués par les coups de feu du GIGN, sans tentative aucune de les maîtriser.
Les monstres ne sont alors plus que des fantômes et la société qui les a engendrés se voit lavée de tout crime. Ne manque alors plus qu’un procès qui individualisera les parcours en niant la dimension avant tout sociale de tous ces événements.
Dans une tribune publiée dimanche 10 novembre 2019, des dirigeants de la plupart des « organisations de jeunesse » liées à la Gauche appelaient à se joindre à la marche du jour contre « l’islamophobie ». La dirigeante de l’UNEF Mélanie Luce était d’ailleurs au premier rang du cortège derrière la banderole, au milieu de militants politique de l’islam.
Le panorama qu’elles dressent décrit un pays qui serait complètement arriéré sur le plan des mentalités, avec un racisme omniprésent et une guerre quasiment officielle menée contre les musulmans. On serait à les croire à l’aube d’un nouveau massacre de la Saint-Barthélemy.
C’est grandiloquent, mais tellement typique d’une partie des « organisations de jeunesse » liées à la Gauche, totalement petite-bourgeoises dans leur style, qui ont pour habitude de jouer la sur-enchère sur tout un tas de sujet, en espérant peser ainsi.
Il est donc affirmé qu’il y aurait une montée sans précédent de « l’islamophobie » et que leurs organisations exprimeraient la colère de leur génération disant « STOP » à cela. La « laïcité » serait instrumentalisée avec pour « simple objectif d’exclure petit à petit les femmes voilées de l’espace public. »
Les Jeunes Socialistes, les Jeunes Génération-s, les Jeunes Ecologistes, les Jeunes insoumis.es ou encore l’UNEF donc, ont un discours tellement auto-intoxiqué, pour ne pas dire saboté, ôté de toute substance de gauche, qu’ils en arrivent à écrire dans cette tribune une énormité populiste comme :
« Nous, organisations de jeunesse, rassemblons l’ensemble des jeunes quelles que soient leurs convictions et refusons les amalgames. »
Cela n’a aucun sens de dire que des organisations censées être de gauche rassemblent l’ensemble des jeunes. C’est une négation complète de la politique, de la bataille politico-culturelle de la Gauche contre la Droite d’une part et du grand travail de fond de la Gauche vis-à-vis des conceptions erronées au sein du peuple d’autre part.
Cette fausse Gauche, totalement convertie au post-modernisme, n’a plus aucun repère, car sa seule boussole est la quête unilatérale de l’extension infinie des « droits » individuels. Le voile, particulièrement mis en avant comme symbole de « l’islamophobie », est considéré dans cette optique comme une option parmi les autres à laquelle il faudrait avoir libre accès dans le grand supermarché des identités.
Voici la tribune :
« Notre génération ne sera pas celle de votre islamophobie!
A nos gouvernant·e·s, à tou·te·s ceux·elles qui alimentent l’islamophobie ambiante.
Notre génération est le témoin d’une montée sans précédent de l’islamophobie à laquelle nous disons STOP ensemble! Violence, discours islamophobe, stigmatisation, amalgame sont devenus progressivement notre quotidien. Nous avons grandi dans cette violence morale, physique et symbolique qui n’a cessé de croître ces dernières années et les quatre semaines qui viennent de s’écouler auront marqué un tournant.
Quatre semaines durant lesquels Emmanuel Macron a appelé à la construction d’une “société de vigilance” pour combattre l’“hydre islamiste”, quatre semaines durant lesquels Christophe Castaner et l’Université de Cergy ont établi le port de la barbe, le fait de ne pas faire la bise ou encore tout simplement certaines pratiques spécifiques à la religion musulmane (comme une pratique rigoriste durant le ramadan) comme des “signes de radicalisation”. Quatre semaines d’émissions titrant “Réformer l’islam ou le combattre?”, “Faut-il interdire le voile dans l’espace public?” etc. Quatre semaines pendant lesquelles une mère accompagnatrice de sortie scolaire a été humiliée et enjointe à sortir d’un conseil municipal simplement parce qu’elle porte le voile. Quatre semaines durant lequel Jean-Michel Blanquer a annoncé le besoin de signaler les “petits garçons” musulmans qui ne souhaiteraient pas tenir la main à des filles… Quatre semaines ayant abouti non seulement à l’adoption d’une loi par le Sénat interdisant le port de signes religieux par les parents accompagnateur·rice·s de sorties scolaires mais aussi à un attentat islamophobe à la mosquée de Bayonne blessant deux personnes.
Alors que certain·e·s disent défendre la fraternité de la société française, dans le même temps, il·elle·s stigmatisent les personnes musulman·e·s ou perçues comme telles. La situation que nous vivons est d’une gravité extrême.
Nous, organisations de jeunesse, rassemblons l’ensemble des jeunes quelles que soient leurs convictions et refusons les amalgames. Nous exprimons la colère de notre génération. Une colère contre l’instrumentalisation de la laïcité à des fins islamophobes. Une colère de voir certaines d’entre nous stigmatisées, humiliées, enjointes à se dévêtir au nom du féminisme. Être féministe c’est défendre le libre choix des femmes de leurs convictions, de leurs habits, de leur vie. Être féministe c’est défendre l’émancipation des femmes et revendiquer une égalité réelle. Être féministe c’est un combat à plein temps et pas uniquement quand cela vous arrange.
Nous refusons de nous voir divisé.e.s entre les bon·ne·s et les mauvais·e·s citoyen·ne·s, nous refusons l’exclusion d’une partie d’entre nous de l’espace public, nous refusons d’être pris à parti pour participer à l’amplification de la haine que subissent les musulman·e·s, nous refusons de vivre dans une “société de vigilance”.
À l’inverse de la société qui nous est promise, les jeunes aspirent à une société inclusive, où chacun·e a sa place et où l’on ne dicte pas aux femmes comment s’habiller, où on ne les oblige ni à se couvrir ni à se découvrir. Nous défendons une société laïque au sens de la loi de 1905 reposant sur deux principes: la neutralité de l’état et la liberté de culte des individus. Nous nous opposons donc à l’instrumentalisation en cours de la laïcité à des fins islamophobes ayant pour simple objectif d’exclure petit à petit les femmes voilées de l’espace public. Nous refusons toutes modifications législatives visant à restreindre la liberté de culte. Nous lutterons par tous les moyens à notre disposition pour rejeter l’islamophobie.
L’islamophobie n’est pas un débat de société, c’est une discrimination qui doit cesser.
Nous appelons à participer à la marche du 10 novembre à Paris et aux actions menées partout en France afin de dire, ensemble, STOP à l’islamophobie et aux messages de haine.
Les signataires:
Nathan Abou, Jeunes Socialistes
Alice Bosler, Jeunes Génération-s
Maxime Carpentier & Claire Lejeune, Jeunes Ecologistes
Aline Coutarel, Mouvement Rural de la Jeunesse Chrétienne (MRJC)
Aurélien Le Coq, Jeunes insoumis.es
Mélanie Luce, Union Nationale des étudiants de France (UNEF)
Héloïse Moreau, Union National Lycéenne (UNL)
Taylan Tuzlu, Didf-jeunes
Damien Chartes, Solidaires étudiant-e-s
Radia Bakkouch, Coexister »
La manifestation « contre l’islamophobie » du 10 novembre 2019 a provoqué une fracture complète à Gauche. Ceux qui ont soutenu la manifestation voient l’autre camp comme composé d’arriérés n’ayant pas saisi la nature coloniale, raciste de l’État français. Les autres sont à juste titre horrifiés de comment ce qu’on doit appeler la « Gauche » post-moderne est populiste, clientéliste et n’hésite pas à balancer par-dessus bord le moindre acquis de l’héritage historique de la Gauche.
Il y a d’un côté le mépris, de l’autre un sentiment d’horreur. La « Gauche » qui a manifesté le 10 novembre a un mépris profond pour la Gauche qui a refusé de venir : elle considère qu’il fallait être là, que sinon on est déconnecté du réel, que ceux qui ne viennent pas sont méprisables, car finalement racistes au fond d’eux-mêmes.
L’autre Gauche – la vraie – est horrifiée de voir des gens manifester aux côtés de représentants de l’Islam politique, dont l’agenda est de former une ligne communautariste pour établir une contre-société parallèle. Son haut-le-cœur est immense, son rejet total.
La cassure est là et elle est partie pour rester. On ne peut pas avoir deux histoires et il n’y a pas de place pour deux parcours radicalement différents, deux sensibilités aux antipodes. La Gauche s’est cassée en deux, littéralement.
Il y a désormais deux camps indissociables et on aurait d’ailleurs tort de penser que l’un est plus fort que l’autre. Il est vrai que, à l’appel de la manifestation du 10 novembre, on trouve l’ultra-gauche (Lutte Ouvrière, le NPA, etc.), la CGT, La France Insoumise, le syndicat étudiant UNEF.
Mais il y a déjà eu des défections avant le rassemblement : Yannick Jadot d’EELV (qui n’est finalement pas d’accord sur tout), Adrien Quatennens de LFI (étant certainement la future tête du mouvement, il cherche en fait à ne pas se « griller »), François Ruffin (qui explique qu’il était en vacances à Bruxelles mangeant des frites et des gaufres avec ses enfants quand il a signé et que de toutes façons dimanche il joue au football).
Et plus sérieusement, le Parti socialiste n’a pas appelé à la manifestation, ni la Gauche républicaine et socialiste. Une partie du PCF n’a pas été de la partie et on peut se douter que c’est valable même pour une partie de la CGT. Une partie de l’extrême-Gauche a rejeté la manifestation du 10 novembre également.
Quant aux gens de gauche, ils ont refusé cette mascarade et ne se sont pas mobilisés. Très peu de monde s’est d’ailleurs mobilisé, à part une sorte de bulle intellectuelle et militante que l’extrême-Droite définit aisément comme islamo-gauchiste, tellement c’est une alliance caricaturale autour de thèmes sociaux et identitaires, dans l’esprit de la Gauche anglo-saxonne.
Politiquement, la Gauche est carbonisée, mais ses traditions existent et la manifestation du 10 novembre s’y oppose frontalement. C’était une agression caractérisée. La réponse est donc naturelle, c’est celle d’une défense des valeurs, d’une protection d’une histoire. La Gauche n’a pas fait tout cela pour se retrouver dans cette situation, pour tomber aussi bas.
La « Gauche » post-moderne a pensé enterrer la Gauche historique le 10 novembre. En réalité, elle n’a fait que contribuer indirectement à son retour, à sa maturation pour la période prochaine.