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Culture

Astérix le Gaulois: une flatterie réactionnaire

Le dernier album des aventures d’Astérix est un succès qui s’inscrit dans une offensive commerciale de grande ampleur. Ce succès et ce soutien public reflètent un cadre bien précis que toute personne de gauche ne peut pas manquer de voir : celui d’un renforcement sur le plan de la culture de la tendance au populisme voire même au néogaullisme sous une forme qui se voudrait ici populaire, anodine et consensuelle.

Le 38e album des aventures d’Astérix le Gaulois sorti le 24 octobre 2019 a donc été  un réussite commerciale. Le tirage initial a été de 2 millions d’albums en français (presque autant en allemand). En 4 jours il s’en est vendu plus de 550 000. Une réédition est d’ors et déjà amorcée. Une édition de luxe, dédicacée par les auteurs, à plus de 150 euros l’unité a aussi été diffusée.

Les derniers albums en regard de cela n’avaient pas connu un franc succès de par le caractère confus des intrigues, donnant souvent à juste titre l’impression d’un travail bâclé, sans esprit, sans lien même avec le style fondateur mis en place par le dessinateur Uderzo et le scénariste Goscinny. Cela cherchait simplement à surfer sur une franchise qu’il fallait entretenir coûte que coûte. Ce n’est pas, ou plus, le cas avec cet opus.

L’album vise à assumer de manière très affirmée ce que représente Astérix dans le dispositif « culturel » de la France d’aujourd’hui. On est bien obligé de mettre des guillemets en parlant ici de « culture », puisque, en fait il s’agit essentiellement d’une caricature de la culture française, d’une caricature de l’histoire française et d’une caricature de la société française.

Cela ne serait pas encore trop grave en soi si cela ne relevait pas d’un cadre politique bien précis. Car Astérix en général et cet album en particulier a une incontestable dimension politique : celle du bon mot, du bon sens, du « ni droite ni gauche », celle pour tout dire de l’esprit beauf pseudo-populaire alliant vulgarité et mélancolie comme un trait distinctif de la psychologie voire de l’identité du « Français ».

Les personnages d’Astérix ont ainsi une apparence populaire, ronde, colorée et lumineuse, franche, avec des caractères affirmés qui semblent authentiques. Ils évoluent dans un cadre rassurant, celui d’un petit village où les gens viennent d’un peu partout au fond, se chamaillent souvent mais qui sont tous néanmoins « d’ici ».

Un petit village animé par des activités de petits producteurs indépendants, sans présence significative d’échanges commerciaux, autogérés et suffisants, où tout le monde se connaît et où la vie politique est de fait inexistante, au point où le « chef » du village n’a en réalité aucun pouvoir ni même aucun relief particulier.

Bien sûr, le village est assiégé, par un ennemi militarisé et universel, qui occupe d’ailleurs la Gaule, vue comme une allégorie de la France. Mais si le petit village résiste, il ne fait pas non plus face toutefois à une agressivité particulièrement brutale des Romains, qui sont presque acceptés comme tels et qui sont de toute façon tenus à distance par la « potion magique » du druide du village.

Surtout, le village n’envisage à aucun moment d’élargir la lutte ou au moins une sorte de reconquête. Il accepte le monde, en le tenant simplement à distance de son sanctuaire, et le fréquente comme bon lui semble et selon les termes qui l’arrangent, de façon unilatérale et sur le mode de l’aventure. Chaque histoire se termine d’ailleurs traditionnellement par un banquet collectif, censé représenter les origines du «gueuleton à la française».

Inutile de dire à quel point ce tableau a une dimension réactionnaire. Mais c’est justement cela qui parle. Cet esprit néo-gaullien a l’ambition de proposer le reflet de ce que serait la France, son esprit et son peuple. C’est-à-dire la France de droite, il faut bien le dire.

Mais cette France de droite a un puissant dispositif culturel hérité du catholicisme : celui de la conciliation, de la concorde cocardière et franchouillarde. Cela n’est pas à négliger pour les personnes ayant une sensibilité de gauche. Et cet album joue typiquement de ce ressort.

Voyons rapidement l’histoire : un groupuscule de résistants nommé le FARC (Front Arverne de Résistance Checrète : les Arvernes étant dans l’univers d’Astérix des pseudo-auvergnats du début du XXe siècle, ils sont systématiquement caractérisés d’un accent chuintant) arrive au village avec l’intention de passer clandestinement à Londres pour y organiser leurs activités de résistance face aux Romains.

Ils sont poursuivis par des collaborateurs gaulois, dont le chef Adictosérix, (notons le nom qui sonne au passage comme un reproche anti-moderne), cherche à entraver leur projet et surtout à mettre la main sur leur signe de ralliement : un torque que Vercingétorix a confié à son héritier pour l’enjoindre à poursuivre la lutte. On apprend rapidement que l’héritier en question est une jeune fille : Adrénaline.

Le parallèle avec Jeanne d’Arc est évident, mais comme une jeune fille de notre époque, Adrénaline a toutes les caractéristiques d’une adolescente, ou pour le dire plus exactement de la caricature des adolescentes vues de la droite : d’abord « féministe », c’est-à-dire caractérielle et individualiste, au point finalement de renoncer à sa mission providentielle pour vivre une histoire d’amour sur une île exotique appelée Thulé.

Il est impossible que les auteurs ignorent ce que Thulé signifie dans la culture de la Droite réactionnaire. La société secrète Thulé est considéré comme une des sources du nazisme. Cette simple allusion au milieu d’un tel dispositif est au mieux un relativisme littéralement irresponsable, au pire une volonté de diffuser des thèmes d’extrême-droite au motif de la légèreté.

D’ailleurs, la Thulé en question s’avérera une sorte de paradis tropical métissé ou plutôt ethno-différencialiste où Adrénaline et son amoureux élèveront des enfants blancs, noirs et asiatiques dans une douce insouciance.

La lecture de cette soupe ne peut être qu’écoeurante pour une personne ayant une culture de gauche un tant soit peu développée. Les références sous-entendues, qui font précisément la marque de la série, croisent sans répit les allusions allant de l’extrême-gauche (les FARC par exemple) à l’extrême-droite (le mythe de Thulé), les clins d’oeil aux libéraux (Astérix et Obélix faisant quasiment figure de couple homoparental confronté à l’éducation d’une adolescente en pleine crise existentielle) et aux conservateurs (la mission providentielle de la jeune fille incarnant l’esprit national qu’Adrénaline avant de disparaître révèle qu’il s’incarne dans tout Gaulois résistant et notamment dans le village dans son ensemble).

Tout cela est littéralement du populisme. On sort de la lecture avec l’image d’un village et même d’une Gaule diverse mais unie au bout du compte derrière ses figures et par son esprit et sa certitude de ne pas être concerné par l’universalisme romain. Et si l’universalisme serait désirable, ce serait ce paradis exotique et individuel où Adrénaline se retranche. Le « monde réel » des Gaulois étant marqué par la concorde agitée du village tel qu’il est et tel qu’il reste face au reste du monde.

Un lecteur libéral pourra bien trouver quelques allusions trop « réac » tout comme un lecteur réactionnaire trouvera bien des références trop post-modernes à son goût. Mais les deux ne peuvent rater ici l’essentiel : au bout du compte, la concorde l’emporte et c’est le village qui encore une fois triomphe. C’est précisément en cela que la dimension culturelle de cet album en particulier, mais aussi de l’ensemble de la série Astérix en général, est politique.

À nier la lutte, à prêcher la concorde, le retranchement fataliste, le refus de l’universel, la mélancolie et le mysticisme, Astérix est une oeuvre incapacitante, une flatterie masquant l’individualisme le plus vil derrière un pseudo-panache identitaire. Il est littéralement et dans le mauvais sens du terme, une caricature de la France de sa culture et de son peuple.

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Politique

120 000 euros de capital pour chaque jeune de 25 ans: la proposition du bobo Thomas Piketty

Dans une vidéo Kombini, site plus connu pour raconter les dernières futilités concernant Drake ou Kim Kardashian que de contribuer à changer le monde, l’« économiste » Thomas Piketty présente sa dernière trouvaille, issue du dernier livre qu’il a à vendre : donner un « héritage » de 120 000 euros à chaque jeune à 25 ans. Voilà typiquement une idée de bobo n’ayant aucun sens des réalités.

Le capitalisme va mal ? Alors il faut le capitalisme pour tous ! Voilà la grandiose idée de Thomas Piketty, apprécié par les bobos du monde entier, à commencer par Barack Obama lui-même.

Le capitalisme serait donc tellement formidable qu’il faudrait que chacun puisse en profiter au début de sa carrière. C’est un peu comme au Monopoly : chacun la même mise de départ et c’est partie pour le grand jeu de la concurrence. Génial !

On a fait le calcul. D’après l’INSEE, les personnes ayant 25 ans durant l’année 2018 étaient 691 249. On multiplie par 120 000 et cela donne 82 949 880 000. Il faudrait donc 83 milliards d’euros par an.

Cela équivaut (d’après la loi de finance 2019) à l’addition de tout l’impôt sur le revenu (70,4 milliards nets) et de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (13,1 milliards nets).

Pour se donner une idée également, avec 83 milliards d’euros on a (toujours d’après la loi de finance 2019) quasiment les budgets consacrés à l’éducation et à l’Écologie/développement durable en France (85 milliards d’euros).

Plutôt que de doubler les budgets consacrés à l’écologie et à l’éducation (le plus gros budget), Thomas Piketty suggère donc que cela serait mieux d’en donner un bout à chaque jeune, pour qu’il fasse de son côté son petit bout de chemin capitaliste.


Comme par magie, cela résorberait les inégalités et le capitalisme deviendrait vertueux. Il faut vraiment être totalement imprégné de la pensée bourgeoise pour penser une telle chose… Mais cela n’est pas étonnant de la part d’un ancien de « Normal Sup’ » et de la London School of Economics.

Pour l’anecdote, il faut savoir qu’à l’époque où Dominique de Villepin voulait imposer à la jeunesse l’immonde Contrat Première Embauche, il mandatait Thomas Piketty pour faire une London School of Economics à la française à Paris.

Et dire que Benoît Hamon avait fait de Thomas Piketty son conseiller économique pour sa campagne en 2017… Tout cela parce qu’il a écrit un succès d’édition, Le Capital au XXIe siècle, qui en 2013 lui a accordé beaucoup d’estime dans les couches intellectuelles cherchant des réformes sociales mais à tout prix sans luttes des classes.

Quelle catastrophe pour la Gauche. Si Jean Jaurès, Léon Blum ou Maurice Thorez voyaient ça, ils n’en reviendraient pas.

Thomas Piketty se moque littéralement du monde ici avec ses 83 milliards d’euros par an tombés du ciel, comme s’il suffisait de le décréter pour faire apparaître tout cet argent, comme si la crise économique n’était qu’une invention de la Droite.

Une telle somme existe cependant, il n’a pas tord de ce point de vue là. Il faudrait la prendre aux riches, ou au « capital » comme il le dit pour se donner un genre « Karl Marx » (bien qu’il déteste Karl Marx, qui selon lui se serait trompé sur tout et n’aurait aucun contenu).

En l’occurrence, les riches, le capital, la bourgeoisie, ne se laisserait pas faire. Seul un pouvoir de gauche très fort, porté par les classes populaires menant une lutte de classe très intense, avec en tête la classe ouvrière massivement organisée dans des assemblées générales puissantes, pourrait arracher une telle somme, dans une situation quasi insurrectionnelle par ailleurs.

Il serait alors hors de question de disséminer tout cet argent individuellement à chaque jeune de 25 ans pour entretenir l’illusion du capitalisme ! La Gauche portée par les classes populaires aurait de biens meilleures idées pour ces moyens, en planifiant de manière rationnelle les dépenses dans un sens collectif et responsable.

Il paraît d’ailleurs que cela s’appelle le Socialisme. Et cela n’a rien à voir avec le populisme light et prétendument « de gauche » du vaniteux Thomas Piketty.

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Politique

Jean-Luc Mélenchon et le jeu nationaliste «franc-maçon»

Jean-Luc Mélenchon ne relève pas des traditions du mouvement ouvrier, mais du courant trotskiste dit lambertiste particulièrement lié au syndicat anti-politique Force Ouvrière et à la franc-maçonnerie. C’est la source intellectuelle de ses nouvelles sorties ultra-provocatrices au sujet des « progrès » de Marine Le Pen et des gouvernements qui plieraient devant les « communautaristes » « sionistes ».

Les propos de Jean-Luc Mélenchon, début décembre, avaient laissé perplexes beaucoup de monde. Il avait expliqué qu’il y aurait eu un changement « social » chez Marine Le Pen. Constatant qu’elle appelait à manifester contre le plan gouvernemental de réforme des retraites, il a expliqué devant les médias :

« Écoutez, c’est un grand progrès. D’habitude, elle passe son temps à chercher pouille aux arabes et aux musulmans, et aujourd’hui, elle a compris que quelle que soit sa religion ou sa couleur de peau, on a tous des intérêts communs et qu’on est semblable et qu’à partir de 60 ans et plus, tout le monde est fatigué, donc ça vaut la peine que les gens s’arrêtent. »

On ne comprend pas trop si Jean-Luc Mélenchon se moque de Marine Le Pen ou s’il considère qu’elle a réellement évolué. Cette ambiguïté est d’autant plus forte qu’il a ensuite expliqué :

« Elle est en train de faire un progrès en quelque sorte en direction de l’humanisme, je ne vais quand même pas me plaindre de ça et quant à ses adhérents sur le terrain, ils sont les bienvenus. Aujourd’hui, ils viennent dans la tenue des cheminots, de gaziers, d’électriciens, etc. Comme on dit à Marseille : profession vaut noblesse. »

En réalité, il se moque bien d’elle, mais il tente de jouer sur son terrain « national », « communautaire ». Il oppose à la lecture nationaliste de Marine Le Pen une lecture tout autant nationaliste, mais qu’il imagine sociale car nationale, et inversement. C’est l’idéologie « républicaine » qui est propre à la France et dont l’une des principales figures fut Jean Jaurès.

La nation française serait « en soi » sociale, il suffirait qu’elle soit « elle-même ». D’où ses propos populistes le même jour faisant allusion, sans le dire, à la charte d’Amiens de 1905 :

« Dans les statuts de tous les syndicats, la CGT, SUD et le reste, il est dit qu’ils réunissent tous les travailleurs, compte non tenu de leurs opinions politiques, religieuses ou philosophiques. Par conséquent, quand vous êtes dans un mouvement social, depuis toujours il y a toujours eu tout le monde (…). Je ne suis pas étonné qu’un salarié du rang, quel que soit son vote politique, car c’est bien de ça dont on parle, défendre ses intérêts avec les autres et moi je trouve ça très bien. »

Le dirigeant de La France insoumise sait d’ailleurs être prudent et il assez malin pour ne pas mentionner Force Ouvrière, ce syndicat est né comme opposant farouche à la politique, en étant soutenu par la franc-maçonnerie (Jean-Luc Mélenchon est membre du « Grand Orient ») et les trotskistes du courant lambertiste (dont a fait partie Jean-Luc Mélenchon).

Il veut éviter que son style ne soit trop cerné intellectuellement, car sinon il perdrait son côté « au-dessus » de la mêlée qu’il emprunte aux « leaders » nationalistes latino-américains.

Il en va de même pour ses propos suivant la défaite des travaillistes au Royaume-Uni. Il a tenu sur son blog des propos anti- « communautaristes » relevant résolument de l’idéologie franc-maçonne.

« Corbyn a passé son temps à se faire insulter et tirer dans le dos par une poignée de députés blairistes. Au lieu de riposter, il a composé. Il a du subir sans secours la grossière accusation d’antisémitisme à travers le grand rabbin d’Angleterre et les divers réseaux d’influence du Likoud (parti d’extrême droite de Netanyahou en Israël). Au lieu de riposter, il a passé son temps à s’excuser et à donner des gages. Dans les deux cas il a affiché une faiblesse qui a inquiété les secteurs populaires (…).

Tel est le prix pour les « synthèses » sous toutes les latitudes. Ceux qui voudraient nous y ramener en France perdent leur temps. En tous cas je n’y céderai jamais pour ma part. Retraite à point, Europe allemande et néolibérale, capitalisme vert, génuflexion devant les ukases arrogante des communautaristes du CRIF : c’est non. Et non c’est non. »

Une ukase est un ordre sans appel donné en Russie par le Tzar et les dernières lignes citées sont les dernières de son article. En agissant ainsi, Jean-Luc Mélenchon savait très bien qu’il jouait la provocation et que cela ressemblerait, comme pour le pseudo appel du pied à Marine Le Pen, à un appel du pied aux franges petites-bourgeoises ayant basculé dans le camp antisémite de Dieudonné et d’Alain Soral.

Il agit ici de manière machiavélique, de manière parfaitement calculée. Il sait également très bien que les travaillistes britanniques, en s’ouvrant aux courants post-modernes « décoloniaux » et autres, ont fait face à une vague d’antisémitisme, comme « anticapitalisme romantique ». Mais il choisit de passer outre.

Car, étranger au mouvement ouvrier, en perte de vitesse, Jean-Luc Mélenchon est obligé d’accentuer la mise en avant de son « idéal » républicain – franc-maçon, cette fiction apolitique, anti-politique, d’une « république sociale » fondée sur la « fraternité ».

Ce qui revient, dans les faits, à prôner un État fort, apolitique, sur une ligne « sociale » et nationale. Bref, à servir de marchepied à l’extrême-Droite, tout en prétendant le contraire.

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Guerre

Vers la guerre: triomphe de Boris Johson et du Brexit

La catastrophe tant redoutée est arrivée : les élections au Royaume-Uni ont été marquées par un triomphe pour la Droite, la Gauche se faisant dévaster. La voie est libre pour une vague nationaliste et la mise en place d’un bloc assumant de batailler pour le repartage du monde.

Lors des élections de 1987, la Droite de Margaret Thatcher avait obtenu 376 sièges à la Chambre des Communes, la Gauche de Neil Kinnock 229. Aux élections de décembre 2019, la Droite de Boris Johnson a obtenu 365 sièges, la Gauche de Jeremy Corbyn 202 sièges. Cela veut dire que la défaite de la Gauche nous ramène directement à la période la plus sombre du Royaume-Uni, lorsque la Droite avait tellement le dessus qu’elle allait de victoire en victoire. En 1987, Margaret Thatcher obtenait même sa troisième victoire, et la plus grande.

La situation est d’ailleurs au sens strict encore pire et il faut remonter à 1935 pour un résultat aussi mauvais. Mais l’esprit correspond à celui des années 1980, où le libéralisme prédominait dans tous les secteurs culturels du pays, à part dans une toute petite Gauche activiste se confrontant au racisme sur le terrain et très influente dans le milieu des musiciens, ainsi que du côté de l’IRA.

Il est vrai que la raison fondamentale de tout cela, c’est que le mouvement ouvrier britanique ne s’est jamais élevé au Socialisme, formant un « travaillisme » sans envergure. Le Parti travailliste (Labour Party) était ainsi une construction des syndicats (en Allemagne ce fut l’inverse : la social-démocratie marxiste construisit les syndicats). Toute la Gauche pouvait et peut adhérer au Labour, critiquer comme il l’entend, le Parti étant une sorte de vaste fédération.

Pour cette raison, la tendance bascule dans un sens ou dans un autre. Les réformistes l’emportent à la direction, perdent à un moment les élections, sont remplacés par des activistes plus engagés qui échouent dans leur entreprise, ce qui amène un rebasculement, etc. En l’occurrence, le Labour était dirigé par Jeremy Corbyn, depuis 2015, très à gauche, avec un véritable engouement, le parti passant de 190 000 à 515 000 membres en raison de sa popularité.

La démarche était très proche de celle de Jean-Luc Mélenchon ; le populisme anticapitaliste a d’ailleurs permis l’émergence d’une vague antisémite violente dans le Labour. Pris au piège entre le travaillisme et les philosophies post-modernes à la mode (et si puissantes en Angleterre), Jeremy Corbyn refusa même de prendre position pour ou contre le Brexit. Tout ce qu’il proposa fut une meilleure négociation et surtout un nouveau référendum, lui-même ne donnant jamais son point de vue.

C’était là un suicide politique, laissant se déchaîner la Droite soutenue par toute la haute bourgeoisie afin de former un bloc britannique autonome. Donald Trump a évidemment été le premier à saluer Boris Johnson, alors que Morgan Ortagus, porte-parole de la diplomatie américaine, a rappelé la volonté américaine de former un bloc de libre-échange entre les deux pays.

On l’a compris : le bloc britannique se met dans l’orbite américaine, assumant de s’impliquer dans l’affrontement sino-américain, les pays du continent européen étant encore à l’écart à ce niveau. Cela ne se fera pas sans difficultés, car le Parti national écossais a obtenu 48 des 59 sièges d’Écosse, prônant l’indépendance. Mais il se fera inévitablement mettre au pas, car le Royaume-Uni rentre dans une période sombre, celle de l’élan nationaliste dans le militarisme.

Il suffit pour l’admettre de voir les chiffres de participation aux élections : ils sont de 67,3 %. Un tiers du pays est resté entièrement à l’écart d’une élection décisive pour l’avenir du Royaume-Uni ! Le capitalisme a littéralement broyé la société britannique, atomisé les individus, anéantit les esprits dans le nationalisme et mobilise dans un sens militariste.

Comme dans les années 1930, seule une poignée de pays-îlots vont se retrouver à résister à la montée et l’installation du Fascisme !

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Politique

Jean-Luc Mélenchon, grand ennemi de la Gauche historique

Jean-Luc Mélenchon lance une grande offensive, qui se résume à une thèse très simple : il n’y a pas de classes, mais le peuple et l’oligarchie. L’actualité mondiale, c’est selon lui le « dégagisme » non-violent menant à une « assemblée constituante », ce qui forme une « révolution citoyenne ».

Le point de vue de Jean-Luc Mélenchon relève du bonapartisme social, qui en bien des points est proche du fascisme de par son refus de la conscience, des classes, du programme politique et sa valorisation du nationalisme, du mythe mobilisateur.

Voici le noyau de la thèse de Jean-Luc Mélenchon :

Jean-Luc Mélenchon a également écrit un très long article, présenté par lui comme le plus long qu’il ait écrit. Il y résume notamment son point de vue populiste en présentant ce qu’il considère comme les caractéristiques communes d’un dégagisme se développant dans les différents pays du monde. En voici les traits marquants :

« Le peuple nouvel acteur, la gauche disqualifiée c’est le diagnostic que j’ai posé noir sur blanc il y a près de 15 ans. »

« La théorie de l’ère du peuple et de la révolution citoyenne nous définit ce « peuple » comme l’ensemble de ceux qui ont besoin d’accéder aux réseaux collectifs pour produire et reproduire leur existence matérielle. Évidemment, ces réseaux sont de natures différentes et le fait qu’ils soient publics ou privés impacte directement leur mode d’accès. »

« Dans le déroulé de l’action, des caractéristiques communes surgissent. Elles ont un sens. Elles définissent « qui est là » et « que voulons-nous ». Il faut donc scruter les cortèges dans la rue pour lire le message. Partout le drapeau national fleurit dans les cortèges. C’est l’emblème de ralliement. »

« Une autre caractéristique identifiante de chacun de ces mouvements est l’affichage de leur connexion avec les évènements similaires dans le monde. Il s’y donne à voir une forme de légitimité universelle qui conforte celle déjà donnée par le drapeau national. On retrouve donc partout des gilets jaunes sur le dos de certains manifestants.

Mais aussi de façon tout aussi significative des emblèmes de culture contestataire universelle comme ces masques de Dalí, sur le mode de « La Casa de papel ». C’est une référence parlante que celle à la série Netflix dont la première saison est emblématique d’un message politique anti capitaliste de type non violent.

Une évocation typique des aspirations de la classe moyenne qui peut se payer l’abonnement à Netflix et y puiser une référence politique conforme à ses manières d’être sociales. Le maquillage du clown sans foi ni loi de « Joker » fait lui aussi son apparition désormais et on l’a signalé à Hong-Kong ou Beyrouth.

Car la volonté de non-violence est partout présente aux premiers pas des révolutions citoyennes. Elle lui donne un formidable liant. »

Ainsi, Jean-Luc Mélenchon veut que les classes populaires soient à la remorque des « classes moyennes ». La Gauche historique affirme le contraire et pour cause : c’est la classe ouvrière qui fait l’histoire, pas une petite-bourgeoisie qui un jour est du côté du peuple, un autre jour du côté des puissants.

Jean-Luc Mélenchon vise par ce populisme à empêcher que la classe ouvrière ne retrouve ses fondamentaux. C’est totalement vain. L’Histoire ne s’arrêtera pas.

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Politique

Candace Owens à la convention de la Droite: le miroir inversé du «progressisme»

La jeune conservatrice américaine Candace Owens a été une invitée très appréciée lors de la Convention de la Droite. Elle est venue y prôner sa haine farouche du Socialisme et le nationalisme agressif de Donald Trump. Son populisme n’est qu’une réaction mécanique au « progressisme », comme un miroir inversé.

Candace Owens a été accueilli à la convention de la Droite sous un tonnerre d’applaudissements, présentée comme une « star américaine ». Elle est en effet une figure montante chez les conservateurs américains, de plus en plus mise en avant par Donald Trump lui-même.

Elle est surtout connue pour ses prises de position au sujet des afro-américains, qu’elle a évoquées lors de sa prise de parole à Paris. Son credo est le « Blexit », un jeu de mot en référence au Brexit signifiant « Black exit », pour « Black exit from the Democrat party » (sortie des noirs du Parti démocrate). C’est en fait, et surtout, un appel au nationalisme pour les afro-américains.

Son explication est toute simple, tout à fait populiste :

1/ le « progressisme » est une « prison mentale » pour les personnes noires, qui a pour but de « faire abandonner les droits individuels en faveurs du gouvernement » ;

2/ les oppressions sont « imaginaires » et fabriquées de toutes pièces, alors que le capitalisme est formidable pour tous les Américains, du moment qu’ils se replient sur eux-mêmes plutôt que de s’ouvrir au monde.

On ne rappellera jamais assez ici les dégâts immenses qu’ont causé les postmodernes, notamment aux États-Unis, en torpillant les questions démocratiques et les mouvements démocratiques de l’intérieur, avec des catalogues d’oppressions à la carte, extensibles à l’infinie de manière toujours plus irrationnelle.

Cela est insupportable et a favorisé l’expression populiste des conservateurs, qui n’ont plus qu’à dire l’inverse du « progressisme », afin de prétendre aller à l’encontre du « système ».

Voici le genre de propos qu’a tenu Candace Owens à la réunion de la Droite et de l’extrême-Droite française :

« « xénophobe » est maintenant le terme utilisé pour décrire les citoyens qui veulent savoir pourquoi nous priorisons les besoins des peuples étrangers à ceux des innombrables citoyens qui souffrent dans notre propre pays. »

« Et bien sûr, « raciste », (aujourd’hui l’injure préférée des journalistes), utilisée pour ceux qui, à juste titre, sont en colère contre le concept de frontières ouvertes, un concept qui aggraverait encore davantage le sort de nos minorités, déjà en difficulté, tout en punissant le contribuable américain.

Un concept que l’on développe au détriment des différences culturelles, au profit d’une idée imaginaire, utopique, relevant de la bien-pensance, selon laquelle nous serions tous les mêmes et pourrions parvenir à un accord planétaire magique sur la manière dont nous devrions être gouvernés. »

Elle a dit la même chose à propos du « sexisme » et on peut imaginer qu’elle a le même raisonnement pour toutes les questions démocratiques et sociales, conformément à ses idées de droite.

Quand elle critique un « accord planétaire magique », elle exprime exactement la même chose qu’Eric Zemmour à la même tribune, c’est-à-dire le refus de l’universalisme. Il ne faut pas être étonné d’ailleurs de voir que la campagne des conservateurs américains alignés derrière Donald Trump pour 2020, focalise déjà sur le spectre du Socialisme. C’est un thème historique pour la Droite américaine, tétanisée depuis toujours par l’idée même du Socialisme, ce totalitarisme universaliste.

C’est en fait une véritable obsession, à laquelle n’échappe pas Candace Owens. Elle a par exemple expliqué au sujet de la procédure de destitution contre Donald Trump :

« ils tentent de contester notre processus démocratique parce qu’ils sont des élitistes pourris qui se croient aptes à gouverner l’Amérique comme une oligarchie. Le rêve américain avait été compromis. Les états-unis étaient vendus, pièce par pièce, en faveur d’une vaste initiative mondialiste ».

La figure Candace Owens n’a donc rien de nouveau. Cela ne date pas d’aujourd’hui qu’il y a des afro-américains conservateurs, faisant partie de la bourgeoisie américaine ou aspirant à en faire partie. La série Le Prince de Bel-Air avec Will Smith traitait avec humour dans les années 1990 de cette question des bourgeois noirs niant la situation des noirs appartenant aux classes populaires.

Ce qui a changé par rapport aux années 1990 par contre, c’est que le capitalisme exige maintenant un repris national fort, pour tirer son épingle du jeu dans un contexte de crise mondiale menant tout droit à la guerre. La jeune conservatrice américaine, tout comme Marion Maréchal, ne représente que la nouvelle génération de ces gens pour qui le repli nationaliste est une bonne chose et qui demain assumeront ouvertement la guerre.

Elle est venue à Paris pour « favoriser la synergie » entre le « Make america great again » de Donald Trump et son équivalent français, exactement de la même manière que Marion Maréchal l’avait fait l’an dernier à la conférence des conservateurs américains (dont on a compris que la Conférence de la Droite devait être un équivalent français).

Ces jeunes femmes se considèrent fortes et portées par l’avenir, car elles ont en face d’elles des « leaders faibles », comme Justin Trudeau ou Emmanuel Macron, qui sont des « mondialistes ». Elles ne sont fortes que parce qu’en face le « progressisme » n’est qu’une pâle caricature bourgeoise des questions démocratiques initialement portées par la Gauche, dont elles n’ont qu’à dire l’inverse pour avoir un discours.

Elles ne feront par contre jamais le poids face à une véritable Gauche, emmenée par les classes populaires arborant de drapeau rouge de l’universalisme socialiste.

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Politique

La responsable de l’école de formation de La France insoumise Manon Le Bretton annonce son départ

Le mouvement populiste de Jean-Luc Mélenchon n’en finit plus de s’éroder dans la foulée de la déception produite par le score aux Européennes. C’est maintenant la responsable de l’école de formation de La France insoumise Manon Le Bretton qui annonce son départ.

Manon Le Bretton était déjà signataire la semaine dernière de la tribune « Face à la crise démocratique, c’est au peuple de tracer un chemin » aux côtés d’anciens « insoumis », ce qui annonçait la couleur. Voilà qu’elle saisit l’opportunité de la première prise de parole depuis les élections de Jean-Luc Mélenchon lors d’une assemblée à Vincennes ce week-end pour annoncer son départ.

Ce qu’on y lit montre à quel point le populisme est un poison, tellement il a poussé des gens à accepter pendant si longtemps un tel fonctionnement anti-démocratique au nom du pragmatisme. Le rejet de la Gauche ne mène décidément à rien de bon.

Dans le même registre, si on peut tout à fait trouver insupportable la partition de Clémentine Autain qui ne vient pas à l’assemblée de son mouvement pour le critiquer depuis les médias, on comprend tout à fait le sens de son propos quand elle explique qu’elle ne sait pas par quel procédé Adrien Quatennens a été nommé coordinateur du mouvement. La France insoumise est quelque-chose d’inacceptable, constituée uniquement autour de la figure de Jean-Luc Mélenchon et de sa perspective populiste.

À force de tirer à boulet rouge sur tous ceux qui émettent des doutes à son encontre et de tout décider par en haut, Jean-Luc Mélenchon se retrouve maintenant de plus en plus isolé et loin de la Gauche. Il n’a d’ailleurs pas hésité ce week-end à fustiger la « vieille gauche », assumant toujours plus son refus d’un nouveau Front populaire.

À la Gauche d’être à la hauteur face à ce populisme, en assumant au contraire les traditions démocratiques du mouvement ouvrier, en assumant l’unité populaire autour d’un projet socialiste clair et assumé contre le nationalisme et son corollaire le libéralisme.

Voici le message de départ publié sur Facebook  par Manon Le Bretton :

« Conclusion

Je me rendais à cette assemblée avec appréhension. Je ne doutais pas qu’elle serait à bien des égards un moment de vérité, à l’issue d’une séquence qui fut à la fois la plus épuisante et la plus éprouvante de mon expérience militante. Celle des bannissements infamants, celle des incompréhensions, celle des murs de silence et du doute qui ronge. Peut être la découverte de l’absurde camusien au cœur de mon engagement politique. Au bout, le désaveu des électeurs. Et, ultime alerte, le départ de Charlotte Girard, figure tutélaire de l’Avenir en Commun.

J’ai pensé pourtant que tout cela n’avait pas été vain, en constatant samedi que des réponses étaient proposées. Bon gré mal gré, la question de la structuration du mouvement était sur la table, et quelque chose comme des débats contradictoires commençait à poindre dans cette assemblée.
Certes, il y avait bien des choses à en dire. Nous, candidats aux européennes, avions appris la veille qu’en réalité nous n’étions pas « participants » mais « invités » à cette assemblée qui allait faire un bilan des européennes : nous n’avions donc pas le droit de participer aux débats en plénière. D’autre part je ne savais toujours pas si l’Ecole de Formation Insoumise était encore nichée dans les cases de cet organigramme, toute activité ayant été suspendue depuis le départ précipité de Thomas Guénolé sans que l’on ait jugé utile de me dire ce que cela impliquait pour la co-responsable de l’eFI que j’étais. Mais les demandes insistantes de construire des cadres collectifs autour du tribun de notre mouvement semblaient avoir été entendues.

Force est de constater que la conclusion de cette assemblée par Jean-Luc Mélenchon contredit frontalement ce qui pouvait se dessiner. Après ses attaques ouvertes sur les réseaux sociaux, la virulence avec laquelle celles et ceux qui ont formulé des critiques ont été taxés dans ce discours de nombrilisme – terme qu’il ne rechigne pas à employer bien qu’il l’ait si souvent subi – en a glacé plus d’un. Nous voilà sommés d’aller voir ailleurs. Etonnante façon de conclure les travaux d’une assemblée qui planchait en particulier sur la nécessité d’intégrer la contradiction aux processus de décision. Et le plus stupéfiant sans doute : dans tout ça, pas un mot pour saluer le travail titanesque de Charlotte Girard, dont le départ n’aura été évoqué à la tribune par aucun de ses camarades de lutte tout au long de ce week-end. Je ne sais pas avancer ainsi sans me retourner sur ceux qui nous quittent.

Bref. Je prends acte de ce qui s’impose à moi et je l’endosse. Quel que soit mon attachement à l’Avenir en Commun, il m’est devenu impossible de le défendre au sein de la France Insoumise dans de telles conditions. Cela ne m’empêchera pas de le porter de mille autres manières, et de continuer à retrouver les insoumis.es qui le souhaitent dans les rudes combats que nous avons à mener. Contrairement à Sisyphe, je n’abandonne pas l’espoir que notre chemin escarpé soit autre chose qu’un éternel recommencement. Nous trouverons un Avenir en commun.

NB : Peut-on quitter la France Insoumise ? Il est vrai que c’est un acte dont on ne sait pas bien quelle forme il doit prendre. Mais je me suis trop battue contre les bannissements pour feindre de croire qu’il n’y aurait pas un dedans et un dehors. »

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Tribune : « Face à la crise démocratique, c’est au peuple de tracer un chemin »

Cette tribune a été publiée ce mardi 18 juin sur le site du JDD et est signée par des personnes membres et anciennement membres ou proches de la France insoumise.

On y retrouve une position populiste très différente de celle que nous soutenons ici, c’est-à-dire la reconstruction de la Gauche sur ses bases historiques liées au mouvement ouvrier. Cette tribune rejette au contraire ouvertement le rassemblement de la Gauche en faisant des gilets jaunes le centre des préoccupations démocratiques et politico-culturelles.

Il y a parmi les signataires Manon Le Bretton qui est co-responsable de l’école de formation insoumise ou encore Djordje Kuzmanovic, qui a fondé l’organisation nationaliste République souveraine après avoir quitté l’organisation de Jean-Luc Mélenchon.

Voici la tribune :

« Face à la crise démocratique, c’est au peuple de tracer un chemin

De samedi en samedi, le mouvement des Gilets jaunes se donne à voir. Mais faute d’arriver à se renouveler, il perd, au moins en apparence, sa capacité à bousculer l’ordre établi. Car entre-temps, les élections européennes ont joué le rôle d’anesthésiant démocratique. Elles ont démontré l’incapacité institutionnelle à proposer un débouché politique à l’aspiration populaire exprimée depuis le 17 novembre dernier. L’impératif démocratique reste sans réponse.

Les européennes ont en revanche confirmé que se prolonge le temps destituant qui jette à terre les intermédiations et formes représentatives perçues comme la captation du pouvoir souverain. Les principales forces peuvent se prévaloir du vote de tout au mieux 11 % du corps électoral, la moitié des électeurs s’étant abstenus. Le président, qui s’est engagé personnellement dans la bataille, voit 90% des françaises et des français se détourner de sa politique. Avec l’absorption de la moitié de l’électorat LR par LREM, l’affaissement du PS au minimum irréductible, l’effondrement de l’espoir porté par LFI en 2017 et la transformation d’EELV en une valeur refuge de circonstance, le reste du champ politique est parcellisé, sans capacité d’agrégation. L’émiettement du vote est devenu la règle, ultime pied de nez citoyen à toute forme de délégation de souveraineté.

Après six mois où, en famille, entre amis, sur les ronds-points, le débat public était pourtant redevenu un objet du quotidien, le temps électoral s’est imposé comme une bulle de l’entre-soi

Les lendemains d’élection déjà déchantent. L’incapacité à penser un débouché politique par-delà le piège du cadre institutionnel et politique actuel de la Ve République prépare une séquence binaire entre LREM et le RN pour 2022 qui vise à permettre à une minorité d’imposer ses vues. Face à cette fausse et mortifère alternative, tout ce qui s’apparente de près ou de loin à la gauche va être sommé de se rassembler pour s’enfermer dans une impasse électorale qui, si tant est que cette addition ait un sens, totalise désormais de scrutin en scrutin moins de 30% des voix. Chercher de manière artificielle une majorité électorale impossible, c’est renoncer à l’ambition de constituer une majorité populaire.

Les européennes auront aussi eu pour effet, si nous n’y prenons garde, de stériliser le champ politique. Après six mois où, en famille, entre amis, sur les ronds-points, le débat public était pourtant redevenu un objet du quotidien, le temps électoral s’est imposé comme une bulle de l’entre-soi, incapable à ce stade d’offrir un débouché au souffle citoyen. L’impasse apparaît à tous les niveaux.

Ce trou noir politique doit être laissé derrière nous. Il est grand temps de nourrir durablement l’appétit démocratique qui s’est manifesté avec le mouvement des Gilets jaunes. Sans doute celui-ci sera-t-il amené à s’exprimer à terme dans le champ électoral ; mais il doit aujourd’hui puiser sa force dans le substrat populaire non institutionnel où il est le plus vivace. Ce qu’il faut rechercher, c’est l’élévation du niveau de conscience populaire acquise non seulement à l’identification claire d’une oligarchie qui est dangereuse pour soi socialement et écologiquement ; mais aussi à l’idée qu’un rôle politique légitime incombe souverainement à soi en tant que peuple.

L’instrument et la perspective capables de produire ce niveau de conscience menant à la révolution citoyenne doivent être interrogés. Face à la crise écologique déjà enclenchée, face à la crise démocratique qui frappe, face à la crise financière qui vient, nous considérons que, comme à chaque fois que la République a été appelée à la barre par les affres de l’Histoire, seul un processus populaire et constituant permettra de répondre à la crise systémique qui s’avance. Cela en fait aussi l’idée centrale et structurante pour qui veut renverser la table en 2022.

Le processus constituant ne saurait être un mouvement en soi et pour soi. Passerelle citoyenne, il vise à créer les conditions pour répondre ensemble au projet originel de creuset républicain du retour à l’ordre des droits. La multiplication des initiatives doit servir à remettre la société en mouvement, à rediscuter les règles du jeu, à redéfinir les communs, à repenser le contrat social, à approfondir l’universalisme émancipateur pour refonder le corps politique, afin de reconstruire une légitimité et un consentement collectifs.

Partout, nous invitons dans leur diversité les cadres collectifs déjà organisés à mettre à l’ordre du jour ces questions sous la forme qu’ils jugent la plus adaptée. La mobilisation citoyenne pour préserver l’outil d’intérêt général qu’est Aéroport de Paris et obtenir un référendum populaire est ainsi un axe concret et nécessaire d’action. Ailleurs, vous préfèrerez saisir d’autres opportunités qui, partant du quotidien ou de réalités locales, amènent à penser collectivement le bien commun. Les premiers cercles populaires et constituants qui déjà se réunissent dans de nombreux départements pourront servir de réceptacles à cette infusion citoyenne.

Refusant la concurrence entre différentes initiatives existantes, nous en appelons à établir un ample mouvement citoyen mû par une même idée fédératrice : rendre au peuple et à la Nation la souveraineté de sa décision pour retrouver sa liberté républicaine, celle qui fait du bonheur commun l’essence de toute association politique.

Les signataires :

Robin ALBERT, syndicaliste
Paul ALLIES, professeur en sciences politiques à l’université de Montpellier
Damian BASTIAN, rédacteur à Le vent se lève
Farid BENLAGHA, producteur et animateur du collectif national pour un référendum contre la privatisation d’ADP
François BOULO, avocat et Gilet jaune
Céline BOUSSIE, lanceuse d’alerte
François COCQ, auteur de L’impératif démocratique
Flavien CHAILLEUX, Gilet jaune
Catherine DAVID, confédération paysanne
Enguerrand DELLION, politiste
Romain DUREAU, agroéconomiste
Hélène FRANCO, magistrate, syndicaliste
Christophe GACHE, secrétaire départemental du Mouvement des citoyens
Jean GATEL, ancien secrétaire d’Etat à l’économie sociale et solidaire
Charlotte GIRARD, universitaire
Nicolas GUILLET, juriste
Mickaël IDRAC, doctorant en sociologie des migrations à l’université Paris-Descartes
Eric JAMET, éditeur
Djordje KUZMANOVIC, président de République souveraine
Manon LE BRETTON, responsable de l’école de formation insoumise (eFI)
Jeannick LE LAGADEC, conseillère départementale
Walter MANCEBON, militant pour une 6e République
Michel PHILIPPO, lanceur d’alerte
Alphée ROCHE-NOËL, auteur de Géographie de l’histoire de France
Jean-François SAUVAGET, Association Pour une constituante et Anticor
Frédéric VIALE, coauteur de La gauche à l’épreuve de l’Union européenne »

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La liste La France insoumise aux élections européennes n’est pas de gauche

En campagne depuis plusieurs mois, la liste La France insoumise conduite par Manon Aubry a un projet qui s’inscrit dans la continuité populiste du programme national de l’organisation de Jean-Luc Mélenchon. Cette liste ne peut pas être qualifiée de gauche.

Si, pour les besoins des élections européennes, la France insoumise s’est alliée à des partis s’inscrivant encore dans le cadre de la Gauche, la dimension populiste de leur ligne demeure très présente. Ni le vocabulaire employé, ni la ligne générale suive par cette organisation, n’appartient à la Gauche. Il s’agit d’une sorte de version « gauchisante » de l’Union populaire républicaine de François Asselineau ou une variante du Rassemblement national de Marine Le Pen qui est pour l’immigration.

La logique plébiscitaire est clairement revendiquée. Il est dit – et cette phrase symbolise très bien l’orientation populiste de La France insoumise – que :

« 2019 sera un référendum contre Macron, contre son Europe, celle du fric, de l’austérité, de Merkel. Mais également un plébiscite pour une réelle alternative. »

Plébiscite, critique de la gestion du capitalisme (« l’austérité ») mais pas du capitalisme, dénonciation des dirigeants précis, de l’emprise allemande… On n’est pas loin de Paul Déroulède et on retrouve l’esprit chauvin, populiste et germanophobe du livre Hareng de Bismarck, de Jean-Luc Mélenchon.

Il est dit, de manière particulièrement fascisante, que « L’Union actuelle se résume à un marché unique où les peuples sont soumis à la dictature des banques et de la finance. »

On retrouve la même focalisation que les fascistes sur l’ « argent » (ici, le « fric »), la « finance », les « banques », plutôt que la dénonciation du capitalisme. D’ailleurs, Jean-Luc Mélenchon l’a martelé : il n’est pas contre le capitalisme, il veut « remplir le carnet de commande des entreprises » et construire une « économie mixte », à gestion « keynésienne ».

Dans la logique de soutien aux « bonnes affaires » de Dassault qu’avait professé Mélenchon par le passé, ou de son intérêt pour Martin Bouygues professé plus récemment, ce sont les intérêts de la puissance française qui sont ici défendus. Pour faire simple : la France serait sous tutelle, et il lui faudrait s’affirmer de manière agressive pour pouvoir assurer une gestion sociale du capitalisme.

Comme chez un Asselineau, on nous explique que les privatisations, les destructions des services publics (dont Jean-Luc Mélenchon est également responsable, lui qui fut sénateur puis sous-ministre socialiste au temps des privatisations et qui permit, comme sous-ministre de l’enseignement professionnel, à des entreprises comme Dassault de mettre davantage le pied dans les lycées techniques et professionnels), seraient uniquement le fait de l’« Europe », dédouanant ainsi le capitalisme français.

Emmanuel Macron ne serait pas le représentant d’intérêts capitalistes français mais le « fils aîné » de cette « Europe supranationale », soumis « aux ordres de la Commission », de la « droite allemande », de l’ « oligarchie et des lobbys ».

On retrouve des attaques à tonalité très nationaliste contre les dirigeants « vendus à l’étranger », soumis à la « caste » de la « finance mondiale ». On n’est pas loin, à bien y regarder, des thèses complotistes, antisémites ou anti-maçonniques, sur le petit groupe de malfaisants qui contrôle le « capitalisme apatride » et vend le pays à l’étranger. En exagérant à peine, et sans faire non plus des efforts surhumains d’imagination, on retrouverait presque les thèmes anti-dreyfusards.

Le projet est très simple : il faut « dégager » (ce terme populiste est revendiqué) les mauvais gestionnaires corrompus pour prendre leur place, la France doit montrer les dents, s’imposer comme grande puissance combattant l’Allemagne, pour imposer ses vues.

Dans sa guerre contre les États-Unis et l’Allemagne (les « yankees » et les « boches », comme dirait Jean-Luc Mélenchon, dans toute sa délicatesse chauvine et xénophobe), la France insoumise s’oppose aux accords de libre-échange… pour mieux proposer une alliance stratégique avec la Russie, la Chine (et les autres États des « BRICS »), afin de former un « nouvel ordre monétaire international » s’opposant aux États-Unis et favorisant les intérêts capitalistes français.

On voit toute l’hypocrisie du projet, qui prétend « soutenir les pays en développement souhaitant défendre leur souveraineté économique » mais qui évoque, quelques lignes plus bas l’importation de produits issus du commerce équitable venant de ces pays. C’est-à-dire, en termes moins hypocrites, de renforcer les liens de types impérialistes entre la France et ces pays qui sont, pour l’heure, soumis à un « impérialisme » concurrent, et faire d’eux des importateurs de produits agricoles.

Il n’y a aucune différence avec la domination que subissent déjà ces pays (africains ou latino-américains, par exemple) de la part de la Chine, des États-Unis ou de la Russie, si ce n’est qu’il s’agirait pour la France – et également une Union européenne dominée par elle – de réserver le créneau du commerce « équitable ».

En fait de soutenir la « souveraineté économique » de ces pays, cela reviendrait à maintenir la spécialisation de leur économie et, donc, la soumission de ces petits pays « gardes-manger » aux grandes puissances. Un impérialisme « écolo », en quelque sorte.

La France insoumise veut sortir de l’OTAN (ce qui est aussi une revendication traditionnelle de la Gauche) et affirme par ailleurs la nécessité de l’indépendance de la France (pauvre cinquième puissance mondiale opprimée…) On jugera du caractère européen d’un programme qui veut «  Défendre l’indépendance de la France, le principe d’une action de police et non militaire, et le renforcement des moyens de l’État pour lutter contre le terrorisme. »

C’est sous-entendre que l’Union européenne empêcherait la France d’avoir une politique anti-terroriste autonome… Cela est d’autant plus étrange qu’il s’agit juste après dans le programme de défendre l’indépendance de l’Union européenne par rapport aux États-Unis.

C’est d’ailleurs la base de la position de la France insoumise : on ne quitte pas directement l’Union européenne, mais on fait comme on veut, que cela plaise ou non. Là où un Benoît Hamon dit qu’on peut commencer à agir dans le cadre de l’Union européenne ou qu’un François Asselineau dit qu’on ne le peut pas, la FI tente un entre-deux très opportuniste basé sur l’idée, martelée depuis des années par Jean-Luc Mélenchon, selon laquelle « quand la France parle, on l’écoute ».

Pour le reste, la France insoumise défend quelques positions écologiques mais ne propose pas grand-chose de concret pour lutter contre l’exploitation animale : la vivisection est condamnée, mais seulement en partie, on propose un « élevage en faveur du bien-être animal », etc. Le petit exploitant « biologique et paysan » est idéalisé, et présenté comme respectant le « bien-être animal ».

Quel bien-être est celui qui consiste à être exécuté au bout d’un cinquième de son espérance de vie pour être consommé ? Quant au culte du petit producteur indépendant, il s’oppose à la nécessité de notre temps : une production biologique à large échelle, pour nourrir la population planétaire sans détruire l’environnement. De ça, la France insoumise ne peut vouloir, puisqu’il faut toujours relancer le capitalisme, même bio. Les poissons sont considérés comme des « ressources », ce qui est logique puisque la France insoumise veut développer la pisciculture.

Certes, cette organisation défend des mesures sociales, de protection des travailleurs (sans aller non plus jusqu’à affronter les « droits des entreprises », évidemment), des mesures écologiques (notamment concernant l’interdiction des pesticides, la lutte contre la pollution, etc.) ou démocratiques (plus de contrôle sur l’action de la Commission européenne), mais tout apparaît comme soumis à la volonté de renforcer la France, et de « mieux gérer » le capitalisme français et européen que la « caste » précédente.

C’est sur la base d’une mobilisation social-chauvine et particulièrement populiste que la France insoumise mène campagne, excusant d’une certaine manière son nationalisme derrière une prétention altermondialiste et poussant des cris d’orfraie chaque fois que l’on en pointe les travers, dénonçant la « calomnie », la « félonie », la « censure », etc.

Si on devait résumer le projet de la France insoumise en quelques points, on pourrait dire qu’il s’agit :

• de renforcer l’influence française et d’affronter l’Allemagne et les États-Unis en s’alliant avec la Chine et la Russie ;

• de modeler une Union européenne au service des intérêts de la France ;

• de moderniser la France et l’Union européenne dans le sens d’un « capitalisme vert », l’idée étant d’investir dans le « capitalisme vert », et de renforcer la puissance capitaliste pour pouvoir proposer une politique plus sociale, plus écologique.

Les mesures écologiques et sociales apparaissent ainsi comme soumises à la perspective de gestion efficace et de modernisation du capitalisme, avec le renforcement de l’agressivité capitaliste française en arrière-plan et l’affrontement avec les concurrents de la puissance française.

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Les réactions à la proposition de fédération populaire par Jean-Luc Mélenchon

Plusieurs personnalités liées à la Gauche ont réagit à la proposition faite par Jean-Luc Mélenchon de créer une fédération populaire. Les réactions sont dans l’ensemble mitigées, car tout le monde ou presque a compris qu’il s’agirait surtout d’un « rassemblement » autour de sa propre personne.

Le Premier secrétaire du Parti socialiste a bien résumé le sentiment général à Gauche sur la proposition du leader de la France insoumise :

« C’est « Je veux bien rassembler mais sur mes bases et derrière moi ». Et c’est comme ça qu’on n’y arrive jamais ».

Olivier Faure a également considéré que c’était d’abord « un aveu d’échec » de la part de  celui qui avait initialement refusé « l’idée même de rassembler la Gauche ».

Selon lui, le député insoumis considérait auparavant « qu’il n’était pas de la Gauche mais du peuple », ce à quoi il a répondu :

« la Gauche, ça n’est pas le populisme, ça ne le sera jamais. Jamais. Cela suppose de sa part qu’il fasse ce pas-là et qu’il abandonne cette idée folle du populisme de gauche ».

Olivier Faure considère par ailleurs que le Parti socialiste fait la démarche de l’unité pour les élections européennes en présentant Raphaël Gluksman et que cela fonctionne, tout en regrettant qu’il y ait actuellement une « offre divisée ». C’est un raisonnement qui peu paraître absurde, car cela revient à se féliciter d’une situation tout en regrettant qu’elle n’existe pas.

Il faut cependant comprendre que le Parti socialiste considère être toujours la force centrifuge de la Gauche. Il imagine pouvoir rassembler à nouveau après ces élections, ce qui couperait de fait l’herbe sous le pied de Jean-Luc Mélenchon :

« Il y a déjà une progression, qui n’est pas suffisante, et nous devons viser un score qui nous mettent dans une situation où nous puissions, demain, être à nouveau en mesure de rassembler et d’être un pôle de stabilité à gauche. »

Le sénateur et secrétaire national en charge des relations extérieures du Parti socialiste Rachid Temal est allé dans le même sens qu’Olivier Faure, en critiquant l’exclusion de fait du PS par la France insoumise :

« Mélenchon dit « Je veux discuter avec la Gauche », mais ne veut pas des partis et met des oukases sur le PS  ! »

Le candidat Raphaël Glucksmann a pour sa part considéré qu’effectivement, « la gauche ne pourra être une offre crédible que si elle se réunit », mais qu’il faut d’abord avoir des discussions de fond, en assumant les divergences de chacun. On comprendra que cela revient là aussi à critiquer le populisme de Jean-Luc Mélenchon, qu’il avait d’ailleurs qualifié quelques jours avant de « Thatcher de gauche ».

De son côté, le tête de liste du PCF aux Européennes Ian Brossat a eu une position plus mesurée, mais néanmoins sceptique. Il a considéré qu’il était d’accord sur l’idée de se reparler à Gauche après les Européennes, mais que pour autant « personne ne peut jouer les gros bras ».

Le secrétaire national du PCF Fabien Roussel n’a pas réagit publiquement, ou alors très discrètement et cela est passé inaperçu. Rappelons qu’il expliquait au mois de février dernier discuter toutes les semaines avec Jean-Luc Mélenchon « pour lui demander de se détendre un petit peu, qu’on puisse trouver les contours d’un rassemblement ensemble », précisant que cela ne « veut pas dire forcément fusionner dans des listes ».

Benoît Hamon a pour sa part répondu longuement à la proposition de fédération populaire, dans un entretien également à Libération dès le lendemain. Il a considéré cela comme un « geste d’unité » pris très « au sérieux ».

Sa position est néanmoins compliquée à comprendre. Il explique qu’il faut une unité face au danger que représente l’extrême-droite, sans parler du fait que justement Jean-Luc Mélenchon n’aborde jamais le sujet de l’extrême-droite dans son long entretien.

> Lire également : Jean-Luc Mélenchon rejette le principe de Front populaire et appelle la Gauche à suivre sa démarche

Les propos de Benoît Hamon sont de gauche, avec un héritage évident de la tradition du Front populaire :

« Je vois la colère partout. L’alternance la plus naturelle aujourd’hui, c’est Marine Le Pen. Je me refuse d’user de cette situation avec cynisme comme le fait Emmanuel Macron en polarisant le débat entre lui et le Rassemblement National. Je préfère apporter des réponses positives aux inquiétudes des Français. Pour ce faire, il nous faut une gauche forte. Le drapeau est aujourd’hui à terre, relevons-le. »

Il semble cependant céder à la panique, en oubliant l’analyse de fond en raison d’un danger imminent, ce qui est forcément un grave erreur. Il dit en effet :

« Alors à tout prendre entre le désastre annoncé et un geste d’unité je préfère prendre acte de ce geste d’unité et le prendre au sérieux. Après tout, le fair-play, c’est peut-être contagieux. »

Il ne semble pas avoir vu que Jean-Luc Mélenchon n’était pas du tout dans une optique de Front populaire face à l’extrême-droite.

Le secrétaire national d’Europe Écologie-Les Verts David Cormand a lui très bien vu que la question se posait par rapport à l’extrême-droite et que le « peuple de gauche » ne considérait pas le leader de la France insoumise comme étant un opposant à l’extrême-droite :

« Mélenchon le fait maintenant parce qu’il est en difficulté politique, interne, et dans les sondages. Il voit bien que le peuple de gauche qui lui avait accordé sa confiance à la présidentielle considère moins que c’est lui qui peut offrir une alternative aux libéraux et aux fachos ».

Finissons par Yannick Jadot, tête de la liste Europe Écologie-Les Verts, qui pour le coup assume totalement de ne plus être de gauche. Il a répondu qu’il fallait totalement rejeter la question de l’unité de la Gauche :

« J’ai noté qu’après m’avoir tapé dessus, il était favorable à l’économie de marché, finalement. Il est vrai que l’économie chez Maduro, l’économie des sovkhozes, ça ne fait pas rêver. Le problème de Mélenchon, Faure, Hamon, Glucksmann est que le pôle socialiste a explosé. Ils utilisent l’écologie pour essayer de masquer leur rupture. Ils disent tous : il faut recomposer la gauche derrière moi.

Moi, mon sujet, c’est qu’un projet écologique et solidaire gagne en Europe et dans ce pays. Je n’ai jamais été socialiste, trotskiste ou communiste, je n’ai toujours été qu’écologiste. J’ouvre portes et fenêtres aux citoyens qui ont compris que la lutte contre le dérèglement climatique était la mère de toutes les batailles et qu’elle pouvait être un formidable levier de justice sociale. »

Il rejette de ce fait totalement la proposition Jean-Luc Mélenchon, le considérant presque ouvertement comme un équivalent de Marine Le Pen (alors que lui-même est un équivalent d’Emmanuel Macron) :

« Non, ça ne m’intéresse pas. Jean-Luc Mélenchon a des convictions, une colère, une indignation par rapport à l’injustice sociale que je peux partager. Mais il a une conception de la démocratie qui n’est pas la mienne. Il passe son temps à brutaliser le débat politique, moi je veux apaiser notre pays. Il se place dans une logique national-étatiste, moi je veux une France beaucoup plus décentralisée, régionalisée.

Je crois fondamentalement que l’Europe, malgré ses défauts, est une formidable aventure, qu’elle est notre horizon civilisationnel. Il a quelques ambiguïtés avec Maduro et Poutine. Nous les écologistes, combattons toutes les dictatures, de droite, de gauche, où qu’elles soient. Nous devons à nos enfants une Europe des libertés, qui reconnaît à chacune et chacun sa dignité, ses identités multiples. Nous leur devons un avenir bienveillant dans lequel ils se projetteront avec confiance. »

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Polémique Edwy Plenel-Henri Weber sur les gilets jaunes

Henri Weber, une figure historique de la Gauche depuis cinquante ans, critique de manière développée l’ouvrage d’Edwy Plenel faisant une sorte d’éloge des gilets jaunes sans dimension critique ni même réellement politique. C’est un bon marqueur.

Edwy Plenel, le responsable de Mediapart (une sorte de presse alternative payante), a publié un ouvrage aux éditions La Découverte (anciennement les Éditions sociales liées au PCF). Il est consacré aux gilets jaunes et est intitulé La victoire des vaincus – À propos des gilets jaunes.

Henri Weber a publié un long article sur le site Slate.fr pour critiquer cet ouvrage, avec une perspective assez intéressante. Henri Weber a été l’une des figures dirigeantes des Jeunesses Communistes Révolutionnaires en 1968, puis de la Ligue Communiste (dont Edwy Plenel faisait également partie). Il a fini par rejoindre le Parti socialiste en 1986.

Henri Weber dit, grosso modo, qu’Edwy Plenel est de mauvaise foi, parce qu’il affirme que les gilets jaunes convergent vers la Gauche. Or, en réalité, souligne Henri Weber, tout est bien plus compliqué que cela. Et c’est de la manipulation intellectuelle que de prétendre le contraire. Voici un long extrait représentatif de la critique faite par Henri Weber :

« Dans son courant principal, assure Plenel, ce mouvement est égalitaire et démocratique. Il s’inscrit dans la lignée des révolutions françaises des siècles passés. C’est une sorte de Mai 68 rampant, dont les forces motrices ne seraient pas les étudiants et les ouvriers d’industrie, mais les perdants de la mondialisation et de la révolution numérique: les classes populaires et moyennes précarisées de la «France périphérique» (…).

Cette interprétation optimiste et unilatérale occulte soigneusement les singularités du mouvement des «gilets jaunes».

La première d’entre elles est le refus farouche de désigner des représentants. Curieux mouvement démocratique que celui qui rejette le principe même de la représentation, sans lequel il n’y a pas d’auto-organisation possible, et menace de mort celles et ceux, issus de ses rangs, qui cherchent à structurer le mouvement et à lui trouver un débouché politique. Sans représentants élus, mandatés, contrôlés, la place est nette pour des chefaillons non élus, incontrôlés, n’ayant de compte à rendre à personne. Il n’existe pas de démocratie sans représentation. Même la démocratie directe la plus radicale, celle des conseils d’ouvriers, de paysans, et de soldats de la révolution russe, était fondée sur l’élection de délégués, à tous les niveaux: depuis l’atelier et le quartier… jusqu’au conseil central des conseils –le Soviet suprême de 1917–, désignant le gouvernement. Le fait que ces délégués étaient révocables à tout moment, ce qui a rendu –soit dit en passant– cette démocratie directe impraticable et éphémère, n’empêche pas qu’ils étaient élus et ré-élus.

En réalité, les «gilets jaunes» ont des leaders de fait: les principaux s’appellent Éric Drouet, Maxime Nicolle, Étienne Chouard, Priscillia Ludosky… Ils ont été choisis par les médias en fonction de leur aptitude à «faire le buzz», mais aussi en raison de l’audience de leur page Facebook sur les réseaux sociaux (…).

N’en déplaise à Plenel, les enquêtes d’opinion et les études sociologiques qui s’accumulent depuis quatre mois montrent que ces composantes populistes de droite et d’extrême droite pèsent d’un bon poids parmi les «gilets jaunes» (…).

La crise des démocraties occidentales a malheureusement des causes beaucoup plus variées et profondes que la nature de leur Constitution, même si en France celle-ci mérite d’être substantiellement réformée.

Edwy Plenel ne décrit pas le mouvement des «gilets jaunes» tel qu’il est, dans sa diversité, mais tel que, selon lui, il devrait être, pour prolonger le sillon creusé par les révolutions françaises. Il idéalise ce mouvement à des fins de prescription politique. Cette idéalisation ne favorise pas, quoiqu’il en pense, la lutte contre les populismes d’extrême droite et d’extrême gauche, qui mènent le mouvement des «gilets jaunes» dans l’impasse, et mettent en péril notre État de droit et notre République. »

La position de Henri Weber est très intéressante, car elle est vraiment socialiste réformiste et ne cède pas au populisme. Il est étrange, évidemment, de le voir parler d’État de droit, alors que n’importe qui en France sait qu’il y de véritables problèmes de démocratie, pour ne pas dire plus. En fait, Henri Weber idéalise l’État pour contrer l’idéalisation des gilets jaunes.

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Cependant, au moins il y a ici une critique de gauche des gilets jaunes, chose très partagée, mais très rarement exprimée. En ce sens, c’est une bonne chose, et une bonne contribution à l’appui d’une identité de gauche, ancrée dans la rationalité et la Politique.

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Jean-Luc Mélenchon rejette le principe de Front populaire et appelle la Gauche à suivre sa démarche

Jean-Luc Mélenchon a fait le choix de s’adresser à la Gauche ce mardi 23 avril en lançant « un appel à la création d’une fédération populaire » dans le journal Libération, qui consiste en un rassemblement autour de sa démarche. C’est contraire au principe de Front populaire qui consiste en une unité politique des forces de la Gauche contre le danger du fascisme.

Dans un long entretien à Libération, Jean-Luc Mélenchon a parlé de la Gauche, ce qui a pu être considéré comme un appel à l’unité. Il a surtout expliqué que le rassemblement devrait se faire autour de sa démarche, qui aurait la légitimité populaire, qui serait forcément la bonne formule alors que la « vieille gauche » est méprisante à son égard.

Il considère avoir acquis une légitimité avec son score au premier tour de la Présidentielle en 2017 (19,58 %, soit 7 059 951 voix). Les élections Européennes doivent être une continuité de cela :

« notre force doit recevoir l’aval populaire. Comme je l’ai reçu pendant la présidentielle. Là sera le centre de gravité pour la suite contre le macronisme. »

Jean-Luc Mélenchon s’estime farouchement mis à l’écart par les formations politiques de gauche elle-mêmes, et les rejette. Ce qui semble l’intéresser, c’est surtout de capter la base électorale de la Gauche, mais pas de participer à une unité. Ses réponses à ce propos sont très claires :

« – Avez-vous abandonné tout espoir d’unité ?
– Je suis réaliste.
– Donc vous espérez toujours rassembler.
– Le peuple, oui. Mais chaque fois que je l’ai proposé, la vieille gauche m’a envoyé balader. Elle n’accepte pas la réalité, c’est-à-dire notre centralité et celle du programme «l’Avenir en commun». Mais si l’élection nous en donne la force, nous assumerons de nouveau notre responsabilité. Nous proposerons de nouveau une fédération populaire à construire dans les élections suivantes et dans les mouvements écologiques et sociaux. »

Quand il lui est posé la question de savoir s’il est capable de faire des compromis avec des gens ne pensant pas comme lui, il répond qu’à l’Assemblée son groupe « vote même des fois avec la droite » et que ce n’est « l’étiquette » qui compte.

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Il assume ainsi son orientation populiste, en mettant de côté le débat idéologique et politique à Gauche, qui devrait s’incliner par rapport à sa démarche :

« Je me répète : tout le monde doit se mettre au service de la fédération du peuple. »

La « base de départ pour discuter partout » devrait donc être le programme de La France insoumise. Jean-Luc Mélenchon est d’accord avec la proposition du journal Libération d’avoir un débat avec la Gauche, mais il précise :

« Il ne faut jamais oublier le but, la fédération populaire entre les classes populaires et les classes moyennes plus favorisées qui n’appartiennent pas à l’oligarchie. C’est la grande question. Elle ne sera pas réglée par la guirlande des sigles de partis. Nous ne sommes plus dans les années 70. Le champ politique s’est effondré. Pas de mon fait. Ce sont les électeurs qui ont dissous le PS et nous ont portés en avant. Nous assumons notre situation. Pas les autres. »

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Quand Jean-Luc Mélenchon a lancé La France insoumise, il s’agissait en effet de se libérer de la Gauche, considérée comme un carcan, en préférant une sorte de populisme social, très poreux au nationalisme.

Pour lui, la société a changé et la modèle de la Gauche est d’une « autre époque » :

« La société était assez stable et les liens de représentation politique fonctionnaient. Le PCF représentait une grande partie de la classe ouvrière. Les socialistes, plutôt les classes moyennes. Tout cela a volé en éclats. Un acteur nouveau est né. C’est ce peuple urbanisé qui s’oppose à l’oligarchie. Voir les gilets jaunes ou l’Algérie. Son existence quotidienne dépend de l’accès aux réseaux collectifs. Cet accès est l’enjeu social central. »

Il précise plus loin que :

« l’évolution du capitalisme a atomisé la société, les formes habituelles de représentation ont explosé. Voyez où en sont les partis politiques traditionnels. »

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Cela justifie son écartement de la Gauche, et donc du Socialisme. Il propose donc autre chose, qui y ressemble vaguement, mais sans que cela soit très précis :

« il y a une conscience nouvelle qui rétablit l’idée de changement global, c’est la conscience écologique. Beaucoup ont compris que l’économie productiviste conduit à la catastrophe. Mais c’est un constat qui ne porte pas sa solution en lui-même. Car quels sont les moyens de remédier à la mise en danger de l’écosystème ? Certains pensent que c’est possible dans le cadre de l’économie de marché actuelle, que le système va finalement se réguler. Nous ne le croyons pas. Quand Jadot [le candidat d’Europe Ecologie-les Verts] fait l’éloge de l’écologie de marché, nous sommes en désaccord. Il y faut une intervention collective volontaire et énergique, une planification écologique de la transition. »

Cependant, il n’envisage pas de supprimer l’économie de marché mais est partisan d’une « économie mixte », c’est-à-dire donc pas du Socialisme, qui est le fondement historique de la Gauche (largement abandonné par celle-ci, il est vrai).

Sa vision consiste en une proposition très vague, classiquement réformiste, mais bien en deçà de la radicalité et de l’envergure que pouvait proposer un François Mitterrand en 1981, qui n’était pourtant pas un « révolutionnaire » :

« Nous dénonçons la marchandisation généralisée voulue par les traités européens. Nous préférons revendiquer l’intérêt général, l’action collective. Nous ne pourrons pas relever le défi écologique dans le cadre de la concurrence libre et non faussée, dans le cadre du libre-échange généralisé. La planification est de toute nécessité pour appliquer la règle verte : on ne prend plus à la nature davantage que ce qu’elle peut reconstituer. »

Sur le plan politique, Jean-Luc Mélenchon considère donc que le rassemblement de la Gauche est à la fois possible et pas possible, car « certains sont restés productivistes, nucléaristes, d’autres continuent de faire l’éloge du marché partout. »

La Gauche dans sa forme et sa proposition historique ayant donc échoué selon lui, il n’y aurait pas d’autre choix que de rejoindre sa démarche :

« au demeurant, je ne crois plus à l’ancien modèle de rassemblement des organisations. Nous devons certes nous rassembler, mais au service d’une tâche en commun : fédérer le peuple, réunir ses revendications, en faire un programme compatible avec l’impératif écologique et social. »

Il faut pour cela :

« aller idéologiquement au bout de la mutation écologique et populaire qui est nécessaire. Il faut qu’on soit tous clairs. Pas de tambouille sur la question européenne, sur le nucléaire, sur la question décisive de la paix, de la sortie de l’Otan. »

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Jean-Luc Mélenchon ne propose donc pas un Front populaire, qui est la proposition historique de la Gauche face à la menace du fascisme. Le nationalisme ne représente pas un danger pour lui puisqu’il n’en parle pas. Il ne parle d’ailleurs à aucun moment du danger que représente Marine Le Pen. Son nom n’est cité qu’une seule fois dans ce long entretien, pour se comparer à elle, comme s’il se considérait en concurrence avec elle sur le terrain du populisme (« quand Marine Le Pen dit «vous êtes des Blancs chrétiens», je réponds «vous êtes des enfants des Lumières». »)

Précisons pour finir, à propos de sa formation La France insoumise, puisqu’il considère que sa démarche est la bonne et qu’il faut la suivre, qu’elle n’a pas un fonctionnement démocratique.

Il explique en effet, de manière assez obscure, qu’il n’y a « pas de dirigeants » à la France insoumise et qu’il n’y a donc pas de problème au fait qu’aucune direction ne soit élue… C’est pour le moins nébuleux, et effectivement contraire aux pratiques des formations de gauche.

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Il considère ainsi comme de bonnes choses les « 4 000 comités qui fonctionnent en autonomie » et les « 60 % des candidats n’ont pas de carte du parti ». Cela est inacceptable du point de vue de la Gauche traditionnelle car cela empêche toute démarche politique démocratique, en laissant libre cours à des individus et à l’émergence de tribuns ou petits chefs.

Ce n’est pas ainsi que le mouvement démocratique et populaire avancera. Seul un retour aux fondamentaux de la Gauche historique peut permettre de progresser, et certainement pas une liquidation totale de ses principes dans une fuite en avant populiste.

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Le référendum et le positivisme bourgeois

La critique du RIC (référendum d’initiative citoyenne) doit être comprise depuis le cadre même de ce que sont les institutions de la bourgeoisie dans notre pays.

De l’expérience de la Première République jusqu’aux juristes positivistes de la IIIe République, la bourgeoisie a fortement marqué la culture politique française en cherchant à affirmer une dimension faussement démocratique, bornée et restreinte, aux différents régimes républicains, jusqu’à notre propre époque. Loin d’être une mesure subversive ou même avant-gardiste, la question du référendum est précisément et ni plus ni moins qu’un des éléments de ce dispositif.

Une fois élancé le mouvement révolutionnaire de 1789, les différentes factions de la bourgeoisie ont passé l’essentiel de leur histoire à affronter d’une part la réaction et d’autre part à s’affronter les unes les autres pour le contrôle de l’État bourgeois en réprimant, souvent dans le sang de la classe ouvrière, les revendications démocratiques trop poussées qui les mettent dangereusement face à leurs contradictions. Cette lutte se poursuit jusqu’à nos jours, mais elle s’est organisée et institutionnalisée dans les formes que nous lui connaissons à partir de la IIIe République.

La volonté et la nécessité de maintenir l’élan populaire qui avait initialement appuyé la bourgeoisie dans ce cadre a donc poussé celle-ci à tenter de trouver des formes institutionnelles permettant d’aller vers la démocratie sans pouvoir en être capable au bout du compte. C’est en ce sens que les différents projets de Constitution suivant la déclaration de la République en 1792 prévoient tous en quelque sorte un prolongement du régime parlementaire de l’Assemblée (appelée dans un premier temps « Convention ») par différentes solutions permettant plus ou moins l’expression politique et la participation populaire : censure des actes législatifs de l’Assemblée par les citoyens, droit de pétition, ébauche de référendum… L’idée commune est de refuser les organisations collectives et durables du peuple en-dehors de l’Assemblée nationale. Les autres assemblées instituées à l’échelle des départements et des communes sont étroitement contrôlées et fortement limitées dans leurs prérogatives et leur composition. L’expérience des cahiers de doléances est donc purement et simplement balayée, l’engagement politique est renvoyé à la capacité individuelle de s’organiser dans une logique d’entreprise et de mobiliser un réseau plus ou moins volatile autour de quelque chose.

Ainsi s’est formée la double perception du peuple que la bourgeoisie entend mettre en avant et qui est aujourd’hui même, celle des populistes : un agrégats de citoyens reflétant la diversité de la nation en tant qu’individus d’une part. Et de l’autre, une entité politique collective mais abstraite unie par un sentiment national tel que défini par le régime qui ne peut se rassembler comme force qu’autour d’un « projet » précis et borné.

C’est précisément cette conception du peuple qu’il faut bien comprendre pour saisir concrètement en quoi le populisme n’est pas la démocratie : à l’idée d’un peuple abstrait et réduit à une somme d’individus particuliers tenus par la seule capacité de l’État bourgeois à incarner la nation, il faut opposer celle où le peuple en lui-même est la nation hors de toute incarnation institutionnelle.

A l’idée que la participation politique est pilotée par les fractions de la bourgeoisie et de ses agents, de ses figures, que le peuple par sa force collective doit appuyer à la demande, il faut opposer celle que c’est le peuple lui-même qui fait l’histoire et que celle-ci s’inscrit pleinement dans le cadre de la lutte des classes, dont la bourgeoisie est désormais la cible, le problème.

A l’idée d’une participation collective additionnant des individus « libres » et divers autour d’une question avant de s’évaporer, il faut opposer la nécessité de se rassembler collectivement et durablement, d’organiser des Assemblées populaires à la base pour mettre sur le tapis les contradictions et affirmer le bien commun, chercher des solutions.

Ce cadre étant posé, il est évident que ce que l’on appelle « référendum » relève entièrement de la conception historiquement bourgeoise de la démocratie. Dans notre pays, la bourgeoisie a notamment produit tout un arsenal juridique et idéologique poussé ayant particulièrement marqué notre culture politique. De la Première République de 1792 et ses tentatives jusqu’au triomphe de la domination bourgeoise avec la IIIe République notamment, la bourgeoisie libérale a imprimé fortement toute la conception de l’État et de la souveraineté, notamment par son positivisme.

Au bout du compte, il a été produit une distinction entre d’une part « souveraineté nationale » qui relève de la légitimité de l’Assemblée Nationale et du parlementarisme, ce que la bourgeoisie considère comme la « démocratie représentative ». Et d’autre part, la « souveraineté populaire » qui produirait donc une « démocratie directe » s’appuyant sur les citoyens sous la forme d’une participation pétitionnaire à la vie politique. L’une comme l’autre néanmoins relevant entièrement de l’État bourgeois et de son cadre.

Cette distinction et la question de leur articulation constitue pour la bourgeoisie française un débat prolongé sur ce qu’elle pense être la « démocratie », qui précisément représente pour la Gauche une borne culturelle à dépasser. Depuis la IIIe République (1870-1940), toute la question se résume à savoir comment tempérer le régime parlementaire, considéré comme un acquis indépassable et irrécusable par la bourgeoisie, en y admettant une forme de participation collective et populaire sans aller « trop loin » vers la démocratie, considérée au mieux comme impossible techniquement et au pire comme une menace anarchique.

Ce débat est en soi un des éléments constituants la vie politique de la « démocratie » libérale de notre pays de manière fondamentale et permanente. D’où son éternel retour à chaque contestation populaire, sous la forme d’une soupape de sécurité en quelque sorte qui permet de proposer faussement une perspective populaire et démocratique en réactivant la question de la « souveraineté populaire » et de toute sa cohorte de référendums et autres pétitions.

La figure essentielle à connaître ici est celle de Raymond Carré de Malberg (1861-1935), un juriste positiviste strasbourgeois ayant contribué à établir cette distinction des souverainetés dans le cadre de l’État bourgeois. Par « positivisme », il est question ici d’une conception du droit qui considère de manière libérale qu’il n’est pas un héritage figé pour toujours mais qu’il est le reflet du « contrat social » à un moment donné entre tous les individus composant l’État, qui en tant que personnalité juridique suprême est à la fois le garant et l’expression politique de toute la société.

Raymond Carré de Malberg n’est pas une figure populaire en France, mais il est un juriste de grande envergure à connaître pour saisir la nature de l’État bourgeois en France et la culture politique qu’il a produit. Raymond Carré de Malberg en particulier a réfléchi au seuil des années 1930 aux insuffisances du parlementarisme de la IIIe République. On lui doit une longue affirmation de l’État comme un genre d’arbitre au-dessus de la société en dehors duquel le droit ne peut être énoncé.

Cette idée d’un État au-dessus de la lutte des classes est en soi un marqueur justement du populisme actuel. Plus concrètement, il a formulé l’idée que le parlementarisme affaiblit l’État et donc par conséquence, endommage l’ordre social. Face à cela, il prône un renforcement de l’exécutif sur le pouvoir législatif qui sera précisément à la base des réformes de Vichy puis plus tard de la Ve République, renforçant cette idée d’un État fort incarnant la « souveraineté nationale » et son bon fonctionnement.

Enfin, Raymond Carré de Malberg réfléchit aussi sur la question de la participation populaire. Depuis les travaux de Maurice Hauriou (1856-1929), la bourgeoisie voit au mieux la « souveraineté populaire » comme accomplie dans la simple expression du suffrage universel acquis depuis 1848 pour les hommes en France. En particulier s’il permet d’élire le président de la République, qui incarne l’institution par excellence qu’est l’État, donc en pratique le « peuple » lui-même.

La bourgeoisie dispose donc dès lors de tout un arsenal idéologique et juridique en mesure d’imposer une définition bornée de la démocratie. Raymond Carré de Malberg vient le compléter en 1931 en proposant d’y ménager une place pour le référendum susceptible d’affirmer une dimension plus « démocratique » au parlementarisme républicain dans son ouvrage : Considérations théoriques sur la question de la combinaison du référendum avec le parlementarisme.

De l’expérience de la Révolution bourgeoise de 1789 jusqu’aux juristes de la IIIe République, on peut donc mesurer toute la profondeur de ce cadre républicain constitué progressivement autour de l’État bourgeois pour tenter de le faire incarner la « souveraineté nationale » ou dans une moindre mesure la « souveraineté populaire », c’est-à-dire de lui donner une dimension faussement démocratique.

Dans ce dispositif, le référendum ne peut donc pas rationnellement être saisi comme un moyen « neutre » ou pire comme une sorte de mesure en capacité d’imposer une évolution démocratique. Ce serait méconnaître la profondeur historique de la réflexion et des capacités de la bourgeoisie sur ce sujet et de toute façon s’inscrire d’emblée dans le cadre maîtrisé des institutions.

En raison d’une absence de conscience développée sur ce qu’est concrètement la lutte des classes dans notre pays, la revendication du RIC aujourd’hui illustre toutes ces illusions, toute la complète servitude à la culture bourgeoise, de ceux qui s’en réclament en imaginant proposer là une chose quasiment révolutionnaire.

La tâche culturelle de la Gauche est justement de replacer cette question dans sa juste dimension historique afin de pousser à chercher des solutions en réelle rupture avec les institutions et avec la culture politique de la bourgeoisie.

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Gilets jaunes : la France coincée entre Emmanuel Macron et les populistes

Le huitième samedi des gilets jaunes a mobilisé 50 000 personnes et souligne bien une chose : la France va se retrouver coincée entre des pro-Européens regroupés autour d’Emmanuel Macron et une vague populiste portée par l’extrême-droite et soutenue par l’ultra-gauche.

La raison s’évapore, la rationalité disparaît ; le nihilisme triomphe, la confusion nationale et sociale s’impose et Emmanuel Macron cherche à se placer comme seul recours.

La « gauche » qui a soutenu les gilets jaunes s’est d’ailleurs littéralement suicidée : c’était prévisible, désormais c’est acté. Il est désormais flagrant que les gilets jaunes véhiculent un style, une démarche, une perspective, pour ne pas dire une idéologie, totalement opposé aux valeurs de la Gauche.

Le huitième samedi des gilets jaunes a d’ailleurs connu quelques épisodes assez typiques du genre, dans une sorte de mélange de révolte brouillonne et de radicalité diffuse, propre à la panique face au déclassement. On a pu voir un boxeur professionnel, ancien champion de France, boxer des policiers à visage découvert, un acte d’une naïveté terrible amenant directement à la case prison.

On a pu également voir des gilets jaunes détournent un engin de chantier à Paris pour aller défoncer l’entrée des locaux du porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux. C’est là pour le coup tellement énorme qu’on a du mal à y croire : aucun État moderne ne peut avoir de tels problèmes de maintien de l’ordre, surtout avec quelques milliers de personnes seulement défilant à Paris.

Il en va de même pour l’attaque par 30 personnes d’une caserne à Dijon. Trente personnes dégradant soixante mètres de grillage, pénétrant dans la caserne, lançant des panneaux de signalisation et des barres de fer, avec un gendarme blessé à la tête de manière grave, perdant plusieurs dents… cela serait impossible si l’État avait décidé une répression réelle.

On devine ainsi qu’en réalité, le régime laisse faire et table sur un pourrissement du mouvement, il compte sur la lassitude des gens, et il sait très bien que les classes populaires ne participent pas, regardant cela de loin. Le but d’Emmanuel Macron est de se présenter comme recours pro-européen face aux populistes, il joue donc ouvertement avec le feu en laissant ceux-ci s’agiter.

Ce n’est là pas sans ressemblance avec l’Italie des années 1920 et l’Allemagne des années 1930, avec les forces libérales, s’imaginant incontournables face au populisme, laissant celui-ci se développer par opportunisme, pour apparaître comme incontournable. Cela ne veut pas dire qu’il ne faille pas préférer le libéralisme au fascisme, et les vrais gens de Gauche ont voté Emmanuel Macron pour barrer la route à Marine Le Pen. C’était autant de temps de gagné.

Mais il faut bien prendre conscience du caractère terrible de la situation. Les gilets jaunes expriment une hantise du déclassement, de la part de gens ne voulant surtout pas du socialisme, de la révolution ou de quoi que ce soit de Gauche. Ils veulent vivre comme avant, ils veulent la France du passé.

Ils ne veulent ni politique, ni rationalité ; ils ne portent que l’antiparlementarisme, le populisme comme solution aux problèmes. Ils refusent catégoriquement de viser les riches, les bourgeois, ils font comme si ceux-ci n’existaient pas. Il y aurait une sorte d’oligarchie, et l’État serait le seul souci. On a là un confusionnisme malsain et totalement idéaliste, qui ne sait que retrouver dans le bleu-blanc-rouge une identité.

C’est là une catastrophe intellectuelle et morale, tant sur le plan des exigences de l’Histoire en ce qui concerne le dépassement du capitalisme que sur celui de l’écologie, avec la lutte nécessaire contre le réchauffement climatique.

Les gens de Gauche peuvent le voir maintenant aisément et l’angoisse les saisit. L’ombre du fascisme s’agrandit désormais chaque samedi et pétrifie les espoirs d’un monde nouveau. Nous sommes censés apprécier l’ordre présent ou bien lui préférer l’ordre du passé, d’il y a quelques années… Un choix inacceptable !

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Le populiste Alexis Corbière dans Valeurs Actuelles

L’interview du député Alexis Corbière dans le journal d’extrême-droite Valeurs Actuelles montre une nouvelle fois à quel point La France Insoumise n’a rien à voir avec la Gauche. Elle n’est qu’une variante de la réaction, du populisme.

À Gauche, les gens sont choqués de voir Alexis Corbière dans Valeurs Actuels. Cela ne se fait pas car c’est un journal d’extrême-droite, un journal d’opinion qui assume totalement ses positions réactionnaires, très liées à Marion Maréchal (elle y avait d’ailleurs signé son « retour »).

En fait, il n’y a pas vraiment besoin d’argumenter sur le sujet, c’est une ligne de démarcation en soi. Quelqu’un qui ne comprend pas où est le problème au fait d’accorder un entretien à Valeurs Actuels s’écarte de fait de la Gauche. Il est intéressant d’apprendre au passage que Ian Brossat ou Pierre Laurent l’ont fait par le passé ( pour ce dernier, en recevant carrément Valeurs Actuels dans son bureau au siège du PCF), ce qui les discrédite largement en termes d’antifascisme.

Alexis Corbière traite de « trolls » ceux qui pensent cela, tellement cette conception lui est étrangère. Plus ridicules encore sont les propos de sa compagne Raquel Garrido, qui qualifie les gens qui n’ont pas lu l’interview de « feignants », alors que celle-ci est réservée aux abonnés du site d’extrême-droite.

Il faudrait donc donner de l’argent à un site d’extrême-droite pour lire les propos de son compagnon, qui serait une « réponse à l’extrême-droite ». Ben voyons.

Des images de cette interview ont toutefois été diffusées, on peut donc en connaître le contenu sans donner un sous à des réactionnaires.

On se demande bien où cette personne à vu un discours à Gauche dans ces pages.

En guise de « 4 vérités », Alexis Corbière y explique seulement qu’il n’est pas d’accord sur la question de l’immigration, comme si d’ailleurs cela était un critère de gauche. Son propos n’est en fait qu’une variante de populisme. Il y a celui qui est contre l’immigration, avec Marine Le Pen, Marion Maréchal, Valeurs Actuels, et celui de La France Insoumise, qui est pour l’immigration.

La situation est d’ailleurs ridicule car sur ce terrain-là, l’extrême-droite traditionnelle est très habile et rodée, ce qui oblige le député « insoumis » à des circonvolutions pour justifier sa position.

Ces derniers propos au sujet des polonais, destinés à « taquiner » les lecteurs d’extrême-droite, sont d’ailleurs vraiment odieux, racistes. Cela ne vaut pas mieux que l’extrême-droite qui n’aime pas les arabes.

On comprend tout de suite, ce qui n’est pas une surprise quand on connaît la France Insoumise, qu’il s’agit en quelque sorte de proposer un FN compatible pour les arabes de France, alors que l’original serait lui plus pour les « blancs ».

Dans tous les cas, c’est le même populisme, le même style racoleur, les mêmes raccourcis, le même verbiage hostile à la Gauche. C’est d’ailleurs tout à fait assumé, et il répond « oui » quand on lui demande si son mouvement est populiste au même titre que le Rassemblement National.

Le mouvement des gilets jaunes, à l’origine des cette interview parce qu’il y a une convergence de point de vue à ce sujet entre Valeurs Actuels et Alexis Corbière, aura été un grand déclencheur en France pour le populisme et la convergence des populismes.

C’est un moment dont la Gauche doit se saisir pour affirmer ses valeurs et ses principes historiques, liés à la classe ouvrière. Il en va de la constitution d’un Front Populaire, indispensable rempart contre la montée du fascisme dont le populisme est un aspect de plus en plus évident et menaçant.

> Lire également : Les propos grandiloquents de Jean-Luc Mélenchon sur Eric Drouet

 

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Les propos grandiloquents de Jean-Luc Mélenchon sur Eric Drouet

Jean-Luc Mélenchon a présenté hier ses « remerciements » de manière grandiloquente en l’honneur de la figure des gilets jaunes Eric Drouet. Il valorise la posture contestataire des gilets jaunes, les présentant comme des figures historiques alors qu’ils ne sont qu’une manifestation hystérique et improductive de la crise du capitalisme.

Jean-Luc Mélenchon aime s’imaginer important et adopter la posture de celui qui commente l’Histoire avec un grand H. C’est ainsi qu’il a déterminé hier dans un petit texte sur son blog, pour finir l’année 2018, que « l’histoire de France a pris un tournant » avec les gilets jaunes. Rien de moins ! Comme si un petit message au soir du 31 décembre suffisait à déterminer ce qui est historique pour la France.

Lui et son mouvement La France Insoumise considèrent en fait depuis le début ce mouvement comme étant de grande valeur. Dans un autre commentaire publié la veille le 30 décembre, il expliquait que les gilets jaunes justifient l’ orientation populiste, à rebours de la Gauche historique :

« Car le fait est que bien des organisations politiques de la gauche traditionnelle en France finirent aussi leur naufrage intellectuel dans cette circonstance. En effet, l’évènement confirma l’obsolescence de leurs logiciels d’analyse. L’obsession anti-populiste et l’hostilité de principe aux choix stratégiques des insoumis ont été de bien piètres boussoles. »

Il s’agirait donc avec les gilets jaunes d’une « révolution citoyenne », dont Eric Drouet serait une figure. De manière totalement délirante, il met ce dernier en parallèle avec un homonyme acteur de la Révolution française à qui Napoléon aurait dit « sans vous l’histoire de France aurait été toute différente ».

Cette comparaison est très intéressante car elle permet à Jean-Luc Mélenchon d’expliciter sa conception des choses, de la politique. Ce qui est flagrant, c’est qu’il n’est pas quelqu’un prônant la rationalité et la culture, mais plutôt le coup de force comme expression populaire.

Pour lui, ce ne sont pas les Lumières, en tant qu’expression idéologique et culturelle de la lutte des classes entre la noblesse et la bourgeoisie soutenue par les masses populaires qui ont permis la Révolution. Ce sont simplement des individus qui auraient osé s’opposer, dans un grand élan spontané.

Il est ainsi incroyablement parlant de voir une explication comme celle-ci de la part de Jean-Luc Mélenchon :

« Ce Drouet-là est un vrai modèle dans ce qu’est une révolution populaire : on n’attend pas les consignes pour agir ! Le peuple qui accourut pour ramener le roi à Paris, les soldats qui refusèrent de passer en force sur le pont, tous ont pour point de départ la situation créée par Drouet. »

Un tel propos propos n’a rien de Gauche, ni de près ni de loin. Il a d’ailleurs traditionnellement bien plus à voir avec le fascisme qui a toujours valorisé le spontanéisme, à l’image d’un George Sorel.

Parce que justement, sans organisation, sans la rationalité ouvrière, sans une grande remise en cause et de grands bouleversements sur le plan culturel, aucun réel mouvement populaire n’est possible.

Sauf que le fascisme ne veut pas d’un mouvement populaire, il n’en est que l’illusion, ou plutôt le détournement.

Et c’est précisément pour cela que les gilets jaunes ne représentent en définitive rien de bon ; ils ne se sont pas organisés de manière démocratique et populaire. Leur attitude diffuse et vindicative est tout à fait conforme au fascisme.

Jean-Luc Mélenchon explique être fasciné par Eric Drouet, par sa « sage et totale détermination », alors qu’il est en fait précisément une expression de la vacuité des gilets jaunes.

Il avait marqué les esprits au mois de décembre pour avoir refusé de se rendre à une convocation du Premier Ministre à Matignon, précisément pour cette raison du caractère disparate, nébuleux, du mouvement. Rien n’y a fait pour autant, les gilets jaunes n’ont à aucun moment permis une organisation démocratique, il n’y a jamais eu de structuration ni d’expression élaborée.

Ils sont restés figés dans la posture hystérique historiquement insignifiante de gens se contentant de dire « non », « Macron démission ».

Il est nécessaire ici d’aller voir en détail la nature des nombreuses vidéos « selfie » diffusées en « live » sur Facebook par cet Eric Drouet. Disons-le franchement, le niveau est lamentable, il y est raconté tout et n’importe quoi, avec des commentaires à l’emporte pièce sur différents sujets qui ne sont pas étudiés, avec beaucoup de choses imprécises qui sont dites, voir même des contre-vérités.

Il s’agit là de gens qui débarquent, ne connaissent rien à la politique, en tant qu’actualité économique, culturelle et sociale du pays, refusent même tout étude de la politique, et s’imaginant pouvoir peser, juste parce qu’ils donnent leur avis et qu’à un moment donné il y a des milliers de personnes qui les écoutent.

Que Jean-Luc Mélenchon trouve cela fascinant, qu’il s’agisse pour lui de « la fin d’année politique la plus motivante de [sa] longue vie d’engagements » en dit long sur ce qu’il représente, sur son populisme.

Ce populisme qui est d’ailleurs tout à fait en phase avec la rhétorique nationaliste antisémite critiquant « l’argent roi » emprisonnant le pays :

« J’ai donc le cœur plein de gratitude pour ces gilets jaunes qui mènent avec tant de bon sens, tant de sang-froid, tant de constance, le combat pour libérer notre pays des chaînes de l’argent roi. »

Les gilets jaunes ne représentent rien d’historique en eux-mêmes, ils ne sont qu’un sous-produit, un soubresaut populiste annonçant l’avancée terrible du fascisme dans la France en crise du XXIe siècle.

Et Jean-Luc Mélenchon converge avec ce phénomène.

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Le mouvement des gilets jaunes est-il un néo-poujadisme ?

Le gouvernement d’Emmanuel Macron a fait émerger hier des pseudos porte-paroles des gilets jaunes afin de créer ses propres interlocuteurs. Le mouvement s’est en fait poursuivi de manière éparse depuis le 17 novembre avec une expression générale confuse, faible politiquement, mais dominée par une sorte de néo-poujadisme.

Les porte-paroles mis en avant hier sont au nombre de huit et reflètent assez bien la sociologie des gilets jaunes avec surtout des petits entrepreneurs mais aussi une serveuse, un chauffeur routier et un « intérimaire » (sans qu’on puisse savoir dans quel domaine).

Le mouvement rejetant quasiment par définition l’organisation politique, étant éclaté dans sa forme et son organisation, cette formalisation de leur représentation ne peut que déplaire.

La base des gilets jaunes les critiques d’ors et déjà comme non-légitimes, sortant de nulle part et surtout désignés par en haut selon la volonté du gouvernement. Peu de personnes connaissaient la page Facebook permettant de « voter » pour ces pseudos porte-paroles.

Mais quelle est, finalement, l’expression des gilets jaunes dans leur ensemble, que disent-ils, que veulent-ils ? L’opposition aux taxes est vraiment le cœur du mouvement, c’est un dénominateur commun indiscutable. Cet échantillon de tracts et messages illustre parfaitement cela :

Des automobilistes dépendants

Ce qui est contesté en plus du prix du gasoil, c’est par exemple la hausse de la CSG sur les pensions, les taxes sur les successions, la TVA, la taxe foncière, etc. Il n’est pas question de hausse de salaires ou des pensions.

Les personnes qui se mobilisent au travers des gilets jaunes ont en commun d’être des automobilistes dépendants. Ce sont des gens qui vivent franchement à la campagne ou dans les zones qui ne sont ni vraiment des villes ni vraiment la campagne. Ces personnes n’ont pas d’autre choix que d’utiliser l’automobile pour leurs activités quotidiennes.

Les alternatives au moteur diesel comme les véhicules électriques, les transports en commun ou le vélo sont rejetées par eux comme autant d’utopies. Des « trucs de bobo de centre-ville » déconnectés des contraintes réelles subies par la « vraie France ».

L’argument écologique avancé par le gouvernement pour justifier la hausse des taxes sur le gasoil est vécu comme une provocation de la part des gilets jaunes. La question de l’écocide est tout simplement niée par ce mouvement qui pense pouvoir figer le monde dans un aujourd’hui permanent.

Un « ras-le-bol fiscal »

Cette « vraie France » est toute à la fois celle décrite dans la chanson de Kamini eul’ vraie France, dans la sociologie de La France périphérique de Christophe Guilluy et dans « la France qui se lève tôt » du discours du candidat Nicolas Sarkozy aux halles de Rungis en 2006.

Plus encore que le phénomène « vraie France », c’est un phénomène de « ras-le-bol fiscal » qui est mis en parallèle avec le train de vie du couple Macron, les dépenses de fonctionnement du parlement et de l’État en général. Une des figures du mouvement dans le Vaucluse clame par exemple qu’il « vomit la classe politique » et en appelle à renverser le Parlement. On a systématiquement cette amertume insistante envers la classe politique, considéré comme n’ayant pas de valeur, corrompue, déconnectée.

S’il fallait faire une synthèse des revendications, ce serait la baisse des « charges ». On est bien face à une vision comptable de la société : « si je paie plus cher mon gasoil, alors je réaliserai moins de bénéfice ».

Un refus de la socialisation des richesses

Pierre Poujade employait dans les années 1950 l’expression d’« État vampire » selon le même point de vue. Le mouvement est, dans son orientation, au service des intérêts des « petits » : entrepreneurs d’auto-école, infirmiers libéraux, transporteurs routiers, entrepreneurs du BTP, bref, de la petite bourgeoisie. Ce n’est pas un hasard si l’on a pu voir des commerçants apporter de la nourriture et des boissons sur les points de blocage.

Bien sûr, les gilets jaunes ne sont pas exclusivement composés de petits-bourgeois. Il y a aussi des employés, des ouvriers qui adhèrent au mouvement parce que la hausse du prix du gasoil accentue leur paupérisation, la rend encore plus visible, fracassante.

Pour ces personnes, ce n’est pas le « pouvoir d’achat » dont parlent les syndicats et les enseignes de supermarché, mais le « reste à vivre en fin de mois » qui est menacé. Une hausse des dépenses de 30 euros peut condamner des ménages à la précarité. Alors on s’oppose au gouvernement, pour défendre « son bifteck » face à cet État tout puissant qui rend service aux autres, mais pas à soi.

Seulement, cette focalisation sur le refus des impôts n’est pas une critique sociale de l’appareil d’État au main de la bourgeoisie. C’est surtout un refus de la socialisation des richesses, un refus des choix collectifs au profit de l’affirmation individuelle plutôt que du Socialisme.

C’est tout à fait conforme au poujadisme des années 1950, mouvement à l’origine du Front National devenu Rassemblement National.

 

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La convergence syndicale avec les gilets jaunes

Les syndicats ont décidé de converger avec le mouvement des gilets jaunes. C’est un cheminement inévitable, l’apolitisme appelant l’apolitisme, le populisme appelant le populisme, le corporatisme appelant le corporatisme.

Mardi 20 novembre, le syndicat FO-UNCP (transport) appelait ses adhérents et sympathisants à rejoindre le mouvement. Le secrétaire général de la branche transports de FO Patrice Clos, qui est candidat pour la direction de FO suite au récent scandale, appelle à venir renforcer les mouvements existants en se posant comme indispensable, menaçant d’un appel à la grève présentée comme une étape supérieure éventuelle.

De son côté, la CGT a lancé un mot d’ordre de manifestation dans ce cadre pour samedi 1er décembre. Elle a changée son fusil d’épaule sous la pression d’une grande partie de sa base, alors que son secrétaire général Philippe Martinez avait refusé de participer aux blocages organisés samedi dernier.

Dans les deux cas, la question est celle du « pouvoir d’achat », avec pour la CGT la revendication d’un SMIC à 1 800 €.

Laurent Berger de la CFDT propose pour sa part une position intermédiaire, s’imaginant là aussi constructif, allant dans le sens de la continuité du capitalisme avec « un pacte social de la conversion écologique » censé être la solution « aux attentes en termes d’aide à la mobilité, au transport, à l’énergie ».

On est là dans une logique qui correspond tout à fait à celle de la Charte d’Amiens, qui au début du XXe siècle faisait de la CGT un syndicat récusant la politique. Le fait que les syndicats se développent non seulement à côté du Parti socialiste, mais même contre lui, a été d’un impact dévastateur sur les mentalités et le niveau de conscience des travailleurs à l’époque, et cela se prolonge jusqu’à aujourd’hui.

Les syndicats prétendent mieux gérer, vraiment représenter ; minoritaires de manière patente dans le monde du travail, ils n’en sont pas moins d’une prétention sans bornes. Et leur esprit est aussi étroit que celui des gilets jaunes, dans la mesure où de la même manière, ils ne voient qu’à court terme, ils ne raisonnent qu’avec des chiffres et selon des critères de la vie quotidienne tout à fait conformes au mode de vie dominant.

C’est d’autant plus grave que si les gilets jaunes se sont formés sur le tas, les syndicats ont une tradition centenaire, des cadres qui réfléchissent, des avantages matériels et institutionnels extrêmement importants. Leur convergence est d’autant plus significative, d’autant plus grave.

Elles montrent qu’une fraction de la population française est d’accord non pas pour discuter de politique, pour faire de la politique, pour choisir politiquement, mais pour justement ne rien faire de tout cela.

Il faudrait non pas transformer la société, mais la régénérer, la remettre sur son socle. Il faudrait en revenir à ce qui serait réel, par opposition à ce qui ne serait qu’une boursouflure provoquant un déséquilibre social.

Il y a un mot pour une telle approche : le fascisme. Le fascisme est la mort de la société civile, la fin de la politique, la réduction de la vie sociale à un conglomérat d’individus s’unifiant sur une seule base : l’hégémonie de leur regroupement national, afin de mieux profiter de tout et ce aux dépens des autres.

Cela ne veut pas dire que les revendications sociales des gilets jaunes ou des syndicats soient erronées, mais justement que celles-ci sont déviées de leur cours naturel comme lutte des classes. Elles sont précipitées dans le gouffre de l’absence de conscience sociale, de l’affirmation de l’apolitisme, du refus de la lutte des classes, de l’absence de confrontation avec la bourgeoisie.

La preuve de cela est bien sûr qu’une partie du patronat a soutenu le mouvement dès le début, que les enseignes de supermarché se sont empressées de communiquer dans le sens du mouvement avec notamment de l’essence à prix coûtant, étant donné que le « pouvoir d’achat » est leur préoccupation.

Tout n’est pas joué encore, évidemment. Cependant, il ne faut pas sous-estimer ce qui commence à se lancer comme processus, par en bas, comme populisme, comme dépolitisation, et surtout comme refus d’aller dans le sens du socialisme.

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Les « gilets jaunes », colère populaire ou réaction populiste ?

Il est difficile de savoir si les blocages de samedi 17 novembre auront un véritable impact tellement les « gilets jaunes » semblent être un mouvement divers et diffus. Bien qu’il y ait une exaspération certaine dans les classes populaires contre le prix des carburants, qui relèvent de la vie chère en général, il y a aussi une méfiance envers ce qui semble être un mouvement d’automobilistes défendant des intérêts d’automobilistes ne voulant pas changer leurs habitudes.

Gilets jaunes

Le diesel doit augmenter de 6,5 centimes par litre et l’essence de 2,9 centimes par litre à partir du 1er janvier prochain, ce qui s’ajoute aux multiples augmentations, fiscales ou marchandes, de ces dernières années.

Cela est un bouleversement car en France jusqu’à très récemment, prendre sa voiture était un acte tout à fait banal, sans qu’il y ait vraiment l’impression que cela coûte quelque-chose. Mise à part les trajets domicile-travail qui sont plus facilement identifiables, on peut dire que la plupart des gens n’avaient pas l’impression de spécialement dépenser de l’argent quand ils prenaient la voiture pour aller se promener, se rendre au sport, faire les courses, visiter de la famille à une heure de route, etc.

Tel est de moins en moins le cas pour la plupart des familles qui ont de plus en plus conscience du prix de chaque kilomètre parcouru. C’est un changement profond qui concerne la vie quotidienne, ou plus précisément le mode de vie.

C’est précisément sur ce point que s’est exprimé le chef du gouvernement Édouard Philippe en justifiant les prix :

« J’entends parfaitement la grogne, le mécontentement parfois, la colère aussi qui peut s’exprimer, mais je dis aujourd’hui comme je l’ai toujours dit qu’il n’y a pas de solution magique au problème du dérèglement climatique. »

Ajoutant que :

« Il faut pouvoir inciter nos concitoyens à changer un certain nombre de comportements qui sont problématiques du point de vue des équilibres environnementaux. »

Nous sommes en effet confrontés à ce problème majeur que d’un côté le capitalisme a tellement façonné le territoire et les habitudes selon ses intérêts que la population est très dépendante de l’automobile et de l’autre on ne sait que trop bien l’insoutenabilité que cela représente pour la planète.

Il y a donc deux aspects.

L’aspect le plus important est que ce modèle de société organisé autour de l’automobile n’est pas acceptable et devra disparaître le plus tôt possible.

Partant de là, il apparaît compliqué de soutenir la revendication de consommer plus de carburant, ou du moins plus facilement. C’est d’autant plus vrai que « les gilets jaunes » ne représentent pas des gens pauvres au sens strict du terme, qui par exemple se rendent aux « Restaurants du cœur » ou font appel à l’assistance sociale pour payer la cantine des enfants, car dans ce cas les préoccupations sont toutes autres.

On peut même dire que ce mouvement porte en lui en grande partie le point de vue de gens pas forcément très riches, mais n’en ayant pas grande chose à faire de la planète, roulant en SUV ou en grosse cylindrée, faisant de leur automobile un fétiche.

Quel sens cela a-t-il en effet de réclamer une baisse du prix des carburants pour des personnes qui ne sont pas capables de marcher dix minutes ou faire cinq minutes de vélo pour aller chercher leur pain ?

On peut en dire de même des artisans, peut-être pas tous mais une majorité d’entre eux qui râlent contre ce coût incompressible mais ont en fait une conduite très consommatrice, ne respectent pas les limitations de vitesses ni les autres usagers de la route avec leurs camions ou camionnettes.

Il faut bien voir qu’il y a à l’arrière-plan de ce mouvement des « gilets jaunes » une grande frustration depuis la limitation de la vitesse à 80 km/h sur le réseau secondaire en juillet dernier. C’était une « colère » erronée, soutenue par les populistes, acceptable d’aucune façon quand on est à Gauche.

On ne peut pas négliger cependant ce second aspect qui est que les classes populaires n’ont pas vraiment le choix que de prendre leur automobile et subissent négativement la hausse du prix du carburant.

Cela est d’autant plus insupportable qu’on sait bien que malgré les discours, Édouard Philippe et son gouvernement ne font rien pour améliorer la situation, qui est de pire en pire.

Les premières mesures d’un gouvernement ne serait-ce qu’un minimum soucieux de l’environnement devraient être au moins de sur-taxée le carburant au-dessus d’une certaine cylindrée, d’interdire la publicité pour les SUV et les grosses voitures, d’abaisser la limitation de vitesse sur les autoroutes en renforçant les contrôles, de pénaliser les constructeurs ayants fraudés sur le diesel, de renforcer le réseau de chemin de fer et le fret ferroviaire, de réduire drastiquement le trafic aérien en taxant beaucoup le kérosène et en interdisant les compagnies « lowcoast », de nationaliser Total pour ne plus que ce soit une compagnie motivée par le bénéfice.

Dans ce cas, Édouard Philippe pourrait éventuellement augmenter les taxes et tenir ce discours de « c’est compliqué mais il n’y a pas le choix », puisqu’il y aurait des mesures générales visant à réduire la consommation de carburant autrement qu’en faisant payer les classes populaires autant (donc proportionnellement plus) que les plus riches.

Au lieu de cela, le Président Emmanuel Macron est une personne dont la première action politique connue avait été d’autoriser des compagnies de bus privées sur les routes pour concurrencer le monopole public de la SNCF. Le gouvernement d’Édouard Philippe a quant à lui, entre autre, autorisé Total à raffiner de l’huile de palme sur son site de La Mède.

Les classes populaires n’ont donc aucune confiance en eux pour avancer sur le plan écologique et sont naturellement exaspérées par le prix des carburants.

Les augmentations sont critiquables parce qu’elles ne s’inscrivent pas dans une politique de planification écologique des transports ni ne sont portées par une dynamique de fond dans la société pour un changement de modèle.

Les décisions sont prises par en haut, de manière unilatérale, avec ce sentiment légitime qu’il n’y a pas de considération pour la vie quotidienne et le mode de vie.

La question se posera samedi de voir dans quelle mesure la contestation aurait été populaire, ou simplement une réaction populiste à la marge de la société française.

Dans tous les cas cependant, cela n’aboutira à rien de positif sans une Gauche assumant le socialisme et la planification de l’économie, proposant des mesures drastiques, à la fois démocratiques et populaires mais aussi réellement efficaces pour inverser la tendance dans notre rapport à la nature.

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Jean-Luc Mélenchon et « l’Empire »

Jean-Luc Mélenchon a lors de son meeting à Lille expliqué que « l’Empire » dominait désormais par la « judiciarisation de la vie politique ». Un exemple de plus de populisme outrancier, particulièrement chauvin.

Jean-Luc Mélenchon Lille 2018

Jean-Luc Mélenchon a de nouveau fait preuve de son populisme outrancier, avant-hier, lors d’un meeting à Lille. Lui-même empêtré dans des affaires judiciaires en raison du mode de gestion de La France Insoumise, il s’est appuyé sur le résultat des élections brésiliennes pour se poser en martyr des États-Unis, développant une rhétorique ultra-nationaliste.

Il n’a d’ailleurs pas hésité à employer le terme d’Empire, un concept propagé en 2000 par Michael Hardt et Toni Negri, figures de la gauche postindustrielle, mais surtout connu en France ces derniers temps par Alain Soral, l’une des principales figures de l’extrême-droite.

C’est pratiquement dès le départ du meeting qu’il a ainsi expliqué :

« Eh bien oui ce sont les Brésiliens qui, après la chute du communisme d’État, et qu’on nous ai dit que c’était la fin de l’Histoire, et que le libéralisme désormais triompherait, c’est eux [sic] qui nous avait ramené sur le sentier du renouveau, du social, de l’écologique, se donnant l’option préférentielle pour les pauvres comme ligne d’action gouvernementale et nous proposant de cette manière un modèle sur lequel construire notre pensée et rénover tous nos programmes.

Hier, l’extrême-droite a triomphé. Mais vous autres, vous avez réfléchi, vous avez regardé. Comment une chose pareille a-t-elle été possible ?

Il y a six mois à peine, après que la présidence du Parti des Travailleurs ait été expulsé de la présidence de la république, et qu’un gouvernement de coup d’État judiciaire se soit mis en place, de droite, pendant deux ans, on annonçait que dans ces élections présidentielles qui arrivaient, notre candidat, notre ami, Inácio Lula, était à 60 % d’intentions de vote.

Alors, l’ennemi a frappé. Cet ennemi, il a une adresse. C’est les États-Unis d’Amérique [sic], qui savent que le Brésil était avec les autres puissances qui se constituent dans ce groupe qu’on appelle les BRICS, pour désigner le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, qui sont en quelque sorte en opposition, en alternative à la domination des États-Unis d’Amérique sur le reste du monde […].

Alors cet adversaire s’est dit on ne peut pas laisser le Brésil retourner dans les mains du peuple avec l’option préférentielle pour les pauvres […]. Alors ils ont choisi une méthode politique, la judiciarisation de la vie politique. On a alors accusé Lula, l’homme de la gauche, d’être corrompu […].

Vous autres, quoi qu’il arrive, souvenez-vous en, parce que dans tous les pays, c’est la méthode qu’ils utilisent […]. La judiciarisation de la vie politique est dorénavant la stratégie de l’Empire partout, dans tous les pays du monde. »

Jean-Luc Mélenchon, on le voit bien ainsi, n’a pas d’autres explications que les complots et les coups bas d’un ennemi flou, qui consiste en la finance, l’Empire. Il oppose à cela une notion tout à fait flou également, le peuple.

C’est une manière de gommer les luttes de classes, d’éviter de reconnaître qu’il existe en France une bourgeoisie, une classe ouvrière. Jean-Luc Mélenchon fait de la France une sorte de pays du tiers-monde, où dominerait une petite oligarchie. Il y a pourtant en France 579 000 personnes qui disposent de 850.000 euros, hors résidence principale, objets d’art et de collection et biens courant…