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36 jours de grève au 9 janvier 2020

Le 9 janvier 2020, cela ferait 36 jours de grève de la part des cheminots, car dans l’Éducation nationale on est en vacances et qu’il n’y a pas vraiment autre chose en mouvement, si ce n’est la RATP. Alors, la chose est simple à comprendre. Soit les cheminots sont devenus des travailleurs assumant la lutte de classe de manière déterminée, donc politique, se montrant capables de mener la plus grande grève de l’histoire de la SNCF. Soit cela va être la défaite.

La grève a commencé le 5 décembre et en disant que la prochaine mobilisation aura lieu le 9, l’intersyndicale a visé haut… ou plutôt très bas. Car il faut être bien naïf pour croire que les syndicats veulent et peuvent mener une lutte politique. À un moment donné en effet, les choses tournent politique qu’on le veuille ou non. Et les syndicats français sont une fin en soi.

Il faut bien le dire tout de même ! C’est tout de même fou que les anarchistes, qui font n’importe quoi mais sont parfois des garde-fous, courent derrière les syndicats, alors qu’ils sont censés être contre l’État et que l’État en France ne se conçoit pas sans syndicat, et inversement.

Alors évidemment, il y a la fiction comme quoi les syndicats sont indépendants, que l’État ne fait qu’encadrer les rapports patronat-syndicat, etc. C’est toutefois une fiction bien pratique pour tout le monde, mais dans les faits c’est ridicule. Le vaste secteur public est un levier puissant de corruption des syndicats et d’arrimage à l’État, transformant les syndicats dans les entreprises – quand ils y existent, ce qui est rare – en un simple prolongement.

Tout le monde sait bien que les hauts responsables syndicaux sont des bureaucrates et des beaufs, des gens rêvant de cogérer l’État ou bien de gérer en bon bourgeois leur vie privée. La mentalité de ces gens-là est étriquée, ils s’imaginent que parce qu’ils servent un peu les gens tout leur est permis à côté.

Outrancier ? Il suffit pourtant de regarder : est-ce que les gens suivent les syndicats ? Non. Ils disent : la cause est juste. Ils ne bougent pas pour autant. Personne ne veut être à la remorque des syndicats, car tout le monde les connaît… ou bien personne ne veut les connaître. Le cœur des syndicats, ce sont donc les secteurs et les grosses entreprises où les syndicats jouent un rôle d’encadrement particulièrement avancé des travailleurs.

Quelques revendications sont satisfaites, cela s’arrête là. Est-il besoin de se rappeler de la position des syndicats en mai 1968 ? Ils étaient tous contre ! Cela veut tout de même tout dire. Les syndicalistes sont incrustés dans le capitalisme. Leur hargne actuelle tient surtout à leur peur de perdre une certaine présence aidée par les régimes spéciaux.

Donc les grévistes de la SNCF vont dans le mur à moins d’un électro-choc. La problématique est un paradoxe : si la grève de la SNCF tenait 36 jours, ce serait de la lutte de classe. Mais il faudrait que ce soit de la lutte de classe pour tenir 36 jours !

Dans l’état actuel, les grévistes sont donc partis pour se faire poignarder dans le dos et avec la date du 9 janvier, c’est un simple constat qui est déjà fait par certains. Parce que bon, 36 jours de grève, cela demande une combativité que les gens n’ont pas, tout simplement. 36 jours de grève, même sur une base discutable, c’est de toutes façons de la lutte des classes.

Cela demande une organisation énorme, une détermination politique. Que les grévistes n’ont pas pour l’instant, qui prétend le contraire ment, en cherchant à former un mythe mobilisateur, typique du syndicalisme français. Il y a d’ailleurs un article intéressant du Monde, dont le titre veut tout dire :

« Je soutiens la mobilisation contre la réforme des retraites, mais faire grève ne pénaliserait que moi »

L’une des personnes interrogées dit la chose suivante :

« En théorie, tout le monde a le droit de grève en France mais, en pratique, les gens qui ont la possibilité de faire grève sont de plus en plus rares »

Cette phrase, rigoureusement pathétique, est ridicule : comme si les innombrables grèves qui ont eu lieu en France, à la fin du 19e siècle et dans les années 1920-1930, auraient été évidentes, à une époque sans sécurité sociale, de répression brutale et de conditions de vie générales autrement bien plus ardues !

Et comme elle est ridicule, elle est criminelle, de par ses conséquences. Un peuple qui n’assume pas le combat pour ses droits, qui n’assume pas la Démocratie, est un peuple prêt à se livrer au fascisme. Un peuple qui n’est prêt à aucun sacrifice n’est qu’un assemblage d’individus repliés sur eux-mêmes, prêts à tout opportunisme.

Pour l’instant, la grève n’est qu’un assemblage de gens aux intérêts communs, de type corporatiste. Si le tout ne se transcende pas et ne parvient pas à la lutte des classes, ce sera le désenchantement.

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Qui est Pierre Ferracci?

Le Canard Enchaîné (18 décembre 2019) révèle des informations utiles pour connaître la nature de Pierre Ferracci, dont les villas construites en Corse en zone protégée ont été l’objet d’une tentative de destruction cette semaine.

 

Il est également parlé de lui dans un autre article :

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Un 9 janvier choisi par des Ponce Pilate

Jeudi 19 décembre 2019 avait lieu auprès du Premier ministre une réunion avec les principales organisations syndicales et patronales. À la sortie, le dirigeant de la CGT Philippe Martinez avait été particulièrement bref en conférence de presse, annonçant une mobilisation le 9 janvier. Quelles allaient être les réactions le lendemain, alors que la grève dure déjà depuis seize jours et que le 9 janvier, c’est dans trois semaines ? On a pu voir que la base affirme que la lutte continue, mais en reflétant pour beaucoup l’état d’esprit anti-politique des syndicalistes.

Ce qui se passe est très simple à comprendre : d’un côté, les syndicats font monter la pression dans les négociations avec le gouvernement. De l’autre, les syndicats ont toujours accepté les négociations avec le gouvernement. Ils ne se conçoivent jamais comme pouvant agir d’en-dehors du système bien rôdé des négociations, de la reconnaissance institutionnelle.

On voit donc ici très bien l’hypocrisie de la direction de la CGT et de la CGT-FO, qui participent à une réunion avec le Premier ministre, alors qu’ils sont censés représenter la ligne d’un « non » catégorique. Ils auraient dû dire : on ne vient pas, on est contre, cela ne se discute pas.

Les dirigeants de la CGT et de la CGT-FO ont donc été très malins en refilant la patate chaude à la base en grève, en disant : maintenant, on se mobilise le 9 janvier. Car, entre temps, que va-t-il se passer ? En ne disant rien, les dirigeants de la CGT et de la CGT-FO n’assument rien, ni le choix d’une éventuelle « trêve », ni l’échec vers lequel on va.

Ils remettent à la base les responsabilités concrètes, tout en faisant du 9 janvier une date mythique comme le syndicalisme sait en produire. Ils se lavent les mains. Et quand on dit « la base », il faudrait plutôt dire « les cadres syndicaux », car il n’existe aucun élan démocratique à la base. Il y a des assemblées de type syndicaliste, avec beaucoup d’entrain, mais aussi beaucoup de prétentions.

De plus, le front syndical est sérieusement fissuré avec les jeux en solitaires de l’UNSA et de la CFDT. Le syndicalisme est particulièrement faible et en plus émietté, comment espère-t-on alors la victoire ? Sans unité, la défaite est assurée et elle est mal partie pour passer par les syndicats : seules des assemblées générales à la base peuvent la réaliser.

Les syndicalistes vivent dans leur bulle. Ils sont incapables de s’adresser à la population, de par leur tradition de rejet de la politique. Ils ne cherchent pas à convaincre le peuple, ils ont des attitudes simplistes de négociateurs et des réflexes corporatistes, ils n’ont aucune analyse des enjeux sociaux, politiques, culturels.

Il suffit de voir un syndicaliste et de l’écouter parler pour se dire : cette personne serait incapable de devenir ministre. Or, le peuple ne va certainement pas se mettre en branle pour d’aussi mauvais chefs, dont les intérêts primordiaux, et ce de manière assumée, sont les secteurs avec des retraites au régime spécial.

Il faudrait clairement que les syndicalistes passent la main à la Gauche politique, mais il ne le veulent pas. D’un côté il s’adressent au gouvernement, de l’autre ils ne veulent pas de politique ! C’est la tradition syndicaliste française, d’origine syndicaliste révolutionnaire. On court donc à la catastrophe.

Ceux qui vont profiter de l’affaire, ce seront les populistes, surtout d’extrême-Droite, qui commencent déjà à accuser les fonds de pension américain d’être à la manœuvre. Les populistes « de gauche » sont évidemment de la partie. C’est inévitable : refusant de reconnaître la bourgeoisie, tous ces gens doivent trouver un ennemi imaginaire. C’est aujourd’hui le capital financier américain, demain ce sera le capital financier américano-juif.

Voilà ce que va amener ce qu’on doit appeler, en parallèle avec le crétinisme parlementaire des opportunistes, le crétinisme syndicaliste. Les Ponce Pilate ne torpillent pas que la grève actuelle, mais également les avancées de la Gauche politique. Leur crétinisme syndicaliste détruit la politique et appuie les populismes.

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Mouvement de décembre 2019: les Français ne veulent pas le changement

On l’avait déjà vu avec les gilets jaunes, un mouvement anti-politique exigeant que tout revienne comme avant. On a la même chose avec le mouvement contre la réforme des retraites : les Français sont tournés vers le passé. Leur désir d’utopie est absolument nul. Et on le voit bien : culturellement, les syndicalistes sont profondément réactionnaires. Non seulement, tout cela est improductif, mais cela va produire un romantisme d’extrême-Droite, un « conservatisme révolutionnaire ».

Du point de vue de la Gauche, tout le monde sait qu’il y a une grogne sociale extrêmement profonde en France. On sait que cela va exploser et il y avait une sacrée chance pour que le mouvement de décembre contre la réforme des retraites en soit le déclencheur.

On a tout de suite vu que ce ne serait pas le cas. Seuls les secteurs concernés par les retraites spéciales devant disparaître se sont mobilisés en tant que tels, appuyés par quelques îlots syndicaux ailleurs. Mais il n’y a pas eu l’étincelle et, surtout, encore moins la flamme.

Les anarchistes cherchent à forcer les choses comme d’habitude, avec de la casse et des « blocages », mais cela ne fait qu’un contraste très fort avec des cortèges syndicaux littéralement sans âme. D’ailleurs, pour la manifestation du 17 décembre la police a quadrillé le terrain et anéantit les possibilités de casse à Nantes et à Paris… montrant bien que, dans les autres cas, il y a une mansuétude complète.

C’est qu’un régime cherchant à développer encore plus le libéralisme comprend bien que des ennemis comme les syndicalistes à la française et les anarchistes à la française, cela ne pèse pas lourd. Car les syndicats sont intégrés aux institutions et accepteront toujours finalement de négocier, alors que les anarchistes ne peuvent, par définition, rien proposer qui ait une dimension politique.

Si on ajoute à cela le côté fondamentalement ringard des Français – à part de la jeunesse qui connaît elle une véritable révolution sur le plan de la modernité, en décalage total donc – alors il ne peut rien se passer. En fait, on se demande même si c’est le même peuple qui a pu faire mai 1968 quand on voit le tableau actuel.

Il ne faut pas oublier ici que ces vingt dernières années, nombre de gens qu’on va dire « alternatifs » se sont exilés dans d’autres pays, ou ont mené un exil intérieur dans un isolement social prononcé. Des forces vives significatives ont été perdues, lassées du refus catégorique de la France de laisser émerger des démarches alternatives, en rupture avec le triptyque travail – famille – patrie.

Emmanuel Macron a pu, pour cette raison, apparaître comme un moderne, alors qu’il est simplement de la Droite libérale comme le fut Simone Veil. On a d’ailleurs toute une mouvance à l’américaine diffusant l’ultra-libéralisme en faisant passer cela pour du « progressisme » de gauche (PMA, GPA, LMGBTIQ+, légalisation du cannabis, droit au suicide, prostituées comme « travailleuses du sexe », écriture inclusive, théorie du genre, etc.)

Cette situation est puissamment corrosive et cela se lit dans les énormes succès de l’extrême-Droite dans les zones populaires. Ce phénomène est international par ailleurs, comme on le voit avec Donald Trump. Il y a une liquidation de toutes les valeurs du mouvement ouvrier sous les coups de boutoirs d’une petite-bourgeoisie universitaire « progressiste » – même les communiqués officiels centraux de la CGT utilisent en partie l’écriture inclusive, ce qui fait bien rire tellement les ouvriers sont, à juste titre, rétifs à une telle démarche idéaliste.

Ce qu’il faut craindre, si l’ennui syndicaliste et la vanité anarchiste se perpétuent à travers une situation de crise comme actuellement, c’est l’émergence structurée d’un romantisme « anticapitaliste » porté par l’extrême-Droite, qui profite de nombreux laboratoires d’idées pour échafauder des concepts, des styles, des « perspectives », etc.

Il faut le dire : on est dans le même cas de figure que l’Italie du début des années 1920, avec des libéraux, des syndicalistes sans utopie, une extrême-Droite « romantique » prête à se lancer. On va tout droit à la catastrophe.

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17 décembre 2019: une grève qui s’installe, mais qui ne s’élargit pas

La troisième journée du grève contre la réforme des retraites ce mardi 17 décembre a été similaire à celle du 5 décembre dans sa composition et son amplitude. Si la mobilisation est conséquente, la grève ne dépasse globalement pas le cadre restreints des syndicats de certaines grandes entreprises, entraînés par les secteurs les plus directement concernés par la réforme que sont les enseignants, la SNCF, la RATP et EDF.

La grève à la SNCF et à la RATP est le cœur du mouvement de contestation contre le projet gouvernemental concernant les retraites. Notamment à Paris, la grève y est importante depuis 12 jours, avec des assemblées de grévistes, des piquets des grève, des coordinations entre dépôts, gares, ateliers et, lors de la manifestation parisienne d’hier, un cortège de gréviste en tête de la manifestation, sans apparition syndicale.

Cela a permit d’entraîner du monde, avec un taux de gréviste annoncé hier pour la SNCF de 32,8 % (contre 11 %, lundi) et 75,8 % en ce qui concerne les conducteurs (contre 61% lundi). Il n’y a pas de chiffre pour la RATP, mais les constatations des grévistes et la situation quasiment à l’arrêt du réseau illustre une gréve très suivie.

Il faut ajouter à cela les 8 raffineries françaises, où la CGT est très présente et très puissante, avec des grèves au moins significatives (par exemple 90 % de grévistes à la raffinerie Total de La Mède), au point que le syndicat annonce une pénurie d’essence imminente.

Cela est néanmoins à peu près tout. La grève est sporadique ailleurs, ne concernant que la journée, et ne dépassant pas l’influence molle et bornée des syndicats. Dans un bastion CGT comme EDF, cela donne forcément une grève conséquente, mais pas massive. S’ils étaient le 5 décembre 41% de grévistes selon la direction (et 50% à 60% selon la CGT), ils n’étaient plus que 26% hier selon la direction. Les agents grévistes sont néanmoins déterminés, tant dans leur attitude en manifestation que par le mode d’action d’une partie d’entre eux qui a coupé le courant dans de nombreuses villes hier (quoi que l’on puisse penser de ce genre d’action par ailleurs).

On peut en dire de même chez les enseignants où les syndicats sont significatifs et les grèves habituelles : la grève a été importante pour la journée d’hier (50% dans le primaire et 60% dans le secondaire selon les syndicats, respectivement 25% et 23% selon le gouvernement).

À cela s’ajoute donc des effectifs de grévistes d’une journée, liés principalement à la CGT ou à FO, chez les dockers, dans beaucoup de grandes usines, dans les personnels de l’administration publique (17% selon le ministère), chez les agents municipaux, les pompiers, les aiguilleurs du ciel ou encore à la poste. La mobilisation a été importante également dans les hôpitaux, qui connaissent en fait déjà depuis plusieurs mois un mouvement de grande ampleur et très organisé, mais qui ne peut pas prendre la forme d’une véritable grève de par la nature du travail effectué.

Il y a donc eu, comme le 5 décembre dernier, de nombreuses manifestations très importantes partout en France, y compris dans des villes petites ou moyennes. Cette carte de la CGT recensant toutes les manifestations donne une idée de l’ampleur du mouvement : mobilisations-en-france.cgt.fr/news/map

En faisant l’addition, la CGT annonce un chiffre de 1,8 millions de manifestants, ce qui serait donc plus que les 1,5 millions annoncés le 5 décembre dernier. De son côté, le gouvernement, annonce des chiffres moindres, mais surtout en recul : 615 000 manifestants contre 806 000 le 5 décembre dernier.

Les différents titres de presse locaux font très souvent leurs propres estimations, avec des chiffres globalement équivalent au 5 décembre, souvent à mi-chemin entre ceux des syndicats et des préfectures (sauf à Paris où le « cabinet occurrence » annonce 72 500 manifestants contre 76 000 pour la préfecture). La CGT annonce de son côté pas moins que 350 000 personnes à Paris.

On a également à Marseille la traditionnelle extrapolation locale, avec une amplitude incroyable entres deux chiffres, qui ne semblent pas plus crédibles l’un que l’autre : seulement 20 000 manifestant selon la police, carrément 200 000 selon la CGT !

Dans tous les cas, cela donne des manifestations importantes, comparables à celles du 5 décembre, mais sans que l’on puisse voir apparaître l’essentiel : la généralisation de la grève en dehors des cercles syndicaux et la multiplication de véritables assemblées générales ouvrières.

L’intersyndicale CGT, FO, FSU et Solidaires réunit hier soir n’a d’ailleurs pas fixé de nouvelle date de mobilisation nationale, mais a annoncé des « actions locales le 19 et jusque fin décembre », en affirmant qu’il n’y aura « pas de trêve jusqu’au retrait ». Par ailleurs, l’Unsa, la CGT, la CFTC, la CFDT, FO et la CFE-CGC seront reçus demain par le Premier ministre.

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Le système universel de retraite d’Édouard Philippe en quatre points

Le projet de réforme du système des retraites a été présenté pour la première fois hier. Ce qui se joue, ce n’est pas qu’une remise en cause des régimes spéciaux, mais une mise en perspective du système des retraites, pour le mettre en adéquation avec l’individualisme forcené des Français qui acceptent leur atomisation dans le capitalisme.

Regardons quels sont les points essentiels présentés par le Premier ministre Édouard Philippe au « Conseil économique, social et environnemental » au sujet de son plan de réforme du système des retraites.

Le premier point, c’est que le système français des retraites est un puissant levier d’unification sociale et de stabilité. En effet, comme on dépend de ceux d’après pour remplir sa caisse de retraite, on a tout intérêt à prôner la stabilité, la reproduction de ce qui existe, etc. Il faut que la génération d’après soit conformistes, pour qu’elle paie ! Édouard Philippe utilise même une rhétorique anti-capitalisme financier littéralement démagogique.

« Ce système, beaucoup nous l’envient. Avec raison. Surtout dans un monde où le chacun pour soi et les logiques marchandes l’emportent souvent sur le reste. En France, on ne voit pas sa retraite partir en fumée à cause d’une crise financière ou parce qu’un fonds d’investissement a fait de mauvais choix. La retraite par répartition est un trésor national. »

Le second point, c’est que les individus sont atomisés et le capitalisme va à grande vitesse. Il y a de grands changements dans le type d’emploi, dans ce qui est produit et vendu, etc. Aucun corporatisme ne peut avoir de sens.

« Des filières disparaissent. De nouveaux métiers se créent. »

Pour bien comprendre cet aspect, lire également notre article : Le système universel de retraite d’Édouard Philippe et la transformation des institutions.

Troisième point, les individus atomisés circulent tels des marchandises dans toute la société capitaliste. Ils passent d’entreprises en entreprises comme une marchandise de main en main. Il faut donc assumer cette universalisation du capitalisme en accélération.

« Aujourd’hui, les travailleurs français changent plusieurs fois de carrière, voire de statuts durant leur vie active. Beaucoup d’actifs connaissent des périodes de chômage. Certains en sortent en devenant travailleur indépendant pendant un temps. Les parcours sont beaucoup plus fragmentés qu’il y a un demi-siècle. On peut le regretter, mais c’est la réalité et nous devons mieux protéger les Français contre ces aléas. »

Le quatrième point, essentiel, est que les mentalités sont totalement favorables à l’accumulation de richesses personnelles. Les Français ne sont en rien des hippies et ne voient pas de problème à « travailler plus pour gagner plus ».

« Depuis quelques années, l’idée de travailler plus longtemps n’est pourtant plus taboue. Ni pour la droite, ni pour la gauche. Et encore moins pour les Français, qui travaillent d’ores et déjà aujourd’hui plus longtemps que l’âge légal pour bénéficier d’une meilleure pension : au régime général, ils partent en moyenne à 63,5 ans ! En un sens, ils ont déjà un peu tranché le débat. »

Pour résumer :

– le système « la génération d’après paie pour celle d’avant » renforce le conformisme ;

– les métiers se modifient rapidement ;

– les gens changent rapidement d’entreprises ;

– tout le monde est capitaliste.

Il faut donc universaliser le travailleur atomisé et cesser tout corporatisme. Et il y a un levier pour faire travailler davantage, en élevant l’âge de la retraite au nom du fait qu’il faut bien de l’argent pour payer (si on ne fait pas payer la bourgeoisie). Les Français, individualistes, seront tout à fait d’accord s’ils en voient les effets sur le plan financier.

> Lire également : Le sens historique de la réforme des retraites de décembre 2019

C’est une programmatique qui tient la route et qui est tout à fait réaliste quant aux mentalités. Malheureusement ! Ce qui pourrait bloquer cela, c’est de dire : rien du tout ! Lutte des classes, le capital payera les retraites. Mais aucun syndicat n’est en rien prêt à dire cela… Et les travailleurs non plus. Pour l’instant.

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Le système universel de retraite d’Édouard Philippe et la transformation des institutions

Le Premier ministre a présenté hier son projet de réforme du système des retraites, faisant l’unanimité syndicale contre lui. Les masques tombent en fait, car les syndicats redoutent plus que tout la remise en cause du compromis historique qui depuis 1945 fait d’eux une composante des institutions. Leurs bastions se font laminer par l’atomisation individualiste.

C’est devant le « Conseil économique, social et environnemental » que le Premier ministre Édouard Philippe a présenté, sous la forme d’une allocution, son projet de réforme du système des retraites. Le président de ce conseil, Patrick Bernasconi, l’a chaudement remercié :

« Je vous souhaite la bienvenue pour cette séance plénière exceptionnelle du Conseil économique, social et environnemental.

Votre choix de venir au CESE afin de nous présenter votre projet de refondation du système de retraite des Françaises et des Français est un signe de l’importance que vous portez, à l’instar du Président de la République, à cette 3ème assemblée constitutionnelle, consultative, représentant la société civile organisée. »

Ce Conseil est en effet un simple organe consultatif avec des représentants du patronat d’un côté, des syndicats et d’association de l’autre. C’est une des expressions de la tendance à la cogestion patronat-syndicat, de la participation des organisations de travailleurs aux institutions.

Le processus a commencé dans les années 1920 et s’est systématisé après 1945 à tous les pays occidentaux, sauf bien entendu les États-Unis. Y participent alors en première ligne les socialistes, qui abandonnent de fait leur perspective marxiste initiale au nom du « monde libre », puis les Partis Communistes dans le cadre de la coexistence pacifique soviétique des années 1960 (bien que le processus commença parfois même avant).

Il faut bien saisir, malgré son rôle consultatif seulement, le caractère essentiel de ce Conseil. Si De Gaulle a démissionné en 1969, c’est précisément à cause de lui. De Gaulle avait en effet organisé un référendum où il proposait de mettre en place une sorte de régime à la Charles Maurras, ce théoricien de la monarchie moderne, combinant corporatisme et décentralisation. Le référendum devait permettre :

– la mise en place de régions puissantes avec une partie des élus issus de votes du patronat et des syndicats, le préfet servant de dirigeant ;

– la fusion du Sénat et du « Conseil économique, social et environnemental », dans un super-organe consultatif représentant de manière fragmentée la « société civile ».

C’est pratiquement l’Italie de Mussolini et cela a failli être mis en place, le référendum se soldant heureusement par 52,41 % de « non ».

Et nous voilà donc en 2019 à une « séance plénière exceptionnelle » du « Conseil économique, social et environnemental », qui devait pour De Gaulle devenir pas moins que le Sénat. Quel est le rapport ?

C’est très simple. Édouard Philippe a affirmé la chose suivante au sujet du choix de présenter au Conseil, en premier, sa réforme ?

« J’ai souhaité le faire ici, au Conseil Économique, Social et Environnemental. Parce que c’est une transformation qui va concerner tous ceux que vous représentez, à un titre ou à un autre. »

Comment faut-il comprendre cela ? En fait, Emmanuel Macron veut modifier les institutions. Le grand compromis historique entre patronat et syndicat ne l’intéresse pas. Pour lui, c’est du passé, le capitalisme aurait définitivement gagné et l’idée même de classes a disparu au profit de la toute puissance des individus.

Il peut donc y avoir une bourse des valeurs avec des unions d’individus, des « lobbys » en quelque sorte – comme les « motards en colère », L214, les gens favorables aux tournois ultra-violents de MMA, le lobby pro-cannabis, celui pro PMA, celui pro GPA, etc. Emmanuel Macron assume d’ailleurs publiquement d’être de mèche avec le lobby des chasseurs.

Mais il ne peut pas y avoir de corporations. Il ne peut pas y avoir de regroupements de métiers. Or, comme on le sait, les régimes spéciaux s’appuient justement sur des groupements sociaux agissant tendanciellement comme des castes. Les enseignants sont un très bon exemple : historiquement ils ont une mentalité bien à eux depuis 1945, avec une grosse tendance à être des enfants d’enseignants, à se marier entre enseignants. Mais c’est pareil pour les avocats, les policiers, les médecins, etc., qui tous vivent dans leur bulle.

Ce n’est pas tout : le syndicalisme s’est propagé en France précisément sous la forme de syndicats de branches, avec une mentalité corporatiste. Si l’on dynamite les régimes spéciaux, on fait vaciller ces corporations et donc les syndicats avec. Les syndicats défendent donc leur raison d’être.

Ce n’est pas vrai seulement de la CGT, qui dispose de bastions comme EDF, véritable petit royaume indépendant. C’est encore plus vrai pour Force Ouvrière, dont le syndicalisme par métiers est littéralement le fondement. Pour Force Ouvrière, le vrai problème c’est l’universalisation du système des retraites… Ce qu’elle aimerait, c’est sa division par branches !

> Lire également : Le système universel de retraite d’Édouard Philippe en quatre points

Ce à quoi on assiste donc, c’est à un affrontement dont l’arrière-plan est la réorganisation des institutions elles-mêmes. Le capitalisme a atomisé les individus et exige une bourse aux idées, et non plus une structuration par métiers.

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10 décembre 2019: une mobilisation qui ne transcende pas le fatalisme

Les grèves de ce mardi 10 décembre 2019 ont été moins importantes que celles de la semaine dernière, avec principalement les agents RATP et une partie des agents SNCF, surtout les conducteurs, qui maintiennent la grève depuis le 5 décembre. Néanmoins, il a existé encore hier de nombreuses grèves d’une journée, plus ou moins minoritaires, plus ou ou moins entièrement encadrées par les syndicats.

À l’usine Bonduelle Rosporden en Bretagne, la moitié des CDI a débrayé hier, soit pour deux heures, soit toute la journée. Et l’ambiance est assez morose. Le discours du délégué syndical CGT est très pessimiste : il explique que « dans la durée, cela va être compliqué car nous n’avons pas la force de frappe suffisante ».

Et il précise :

« Nous avons une moyenne d’âge de 48/49 ans dans l’entreprise. Il y a beaucoup de gens cassés à force de porter des charges toute la journée. L’entreprise n’arrive plus à recaser les personnels qui ont un problème de santé car tous les postes administratifs sont pris. Il y a donc des licenciements. Il y a vingt ans, on pouvait rester quinze jours en grève, c’était plus facile. Aujourd’hui, on voit bien que les gens sont plus fragiles.

Si l’on veut parler d’équité, il faut tirer tout le monde vers le haut. Nous n’attendons pas grand-chose du Premier Ministre ce mercredi. Les gens sont parfois désabusés, fatalistes. Nous n’arriverons peut-être pas à gagner la bataille mais ne rien faire c’est être sûr de la perdre. Tant qu’il y a une lutte, il y a de l’espoir, mais ce n’est pas simple. »

Voilà qui correspond bien, on le sait, à l’état d’esprit qui règne malheureusement dans le prolétariat français. Le prolétaire français est fataliste. Il se dit que soit c’est foutu, soit qu’il doit regarder individuellement à se caser ailleurs. Il ne va pas plus loin.

La lutte contre le plan gouvernemental de réforme des retraites ne change pas la donne. D’où les discours triomphalistes ou bruyants des syndicalistes et des anarchistes pour faire semblant qu’il se passe quelque chose. N’y croira que celui voulant y croire.

> Lire également : La raison de l’échec du 10 décembre 2019: la malhonnêteté intellectuelle!

Car ce qui est retenu surtout de cette journée du 10 décembre c’est le nombre de manifestants. Ils ont été moitié moins nombreux partout en France que la semaine dernière. Le ministère parle de 339 000 manifestants et la CGT de 855 000 (d’après Le Parisien). Dans tous les cas, moitié moins.

Cela marque un essoufflement, alors que la grève du 5 décembre avait déjà déçu beaucoup de grévistes pour son manque d’impact, mis à part dans les transports franciliens et à la SNCF.

Selon la SNCF, 77,3% des conducteurs de trains étaient en grève hier, ainsi que 55,4% des contrôleurs et 23,9% des aiguilleurs, ce qui fait un taux officiellement de 24,7% de grévistes pour l’entreprise. À la RATP, le taux de gréviste n’est pas communiqué, mais il est évidement très important, car le trafic est très faible voire inexistant depuis jeudi dernier.

Bien qu’il n’y ait pas de chiffres, la grève était significative dans le transport aérien, ce qui a engendré des annulations de vols, plus ou moins importantes selon les compagnies et les aéroports.

Dans de nombreuses entreprises, et notamment dans l’industrie, les quelques personnes ayant fait grève la semaine dernière ont été encore moins nombreuses cette fois, se limitant encore plus que jeudi dernier aux syndiqués et à leur entourage immédiat.

On remarquera ainsi de nombreuses poches de grévistes, réelles mais très minoritaires, un peu partout dans le pays comme chez Michelin à Clermont-Ferrand ou chez PSA Hordain (Sevelnord), près de Valenciennes où une cinquante de syndicalistes, de l’usine et de l’union locale, ont mené un barrage filtrant qui a un tout petit peu retardé la production.

Les dockers du Grand port maritime de Marseille, où la grève d’hier était suivie et devrait l’être à nouveau demain jeudi 12 décembre, ont également fait un blocage en fin de journée. Il y a aussi des grèves dans la plupart des raffineries françaises, dont 7 sur 8 sont bloquées, avec des mouvements reconduits ou arrêtés à différents moments depuis la semaine dernière, de manière dispersée.

Il faut noter par ailleurs dans le nombreuses communes des grosses mobilisations des personnels de cantine scolaire, sans qu’il y ait de chiffre général. Chez les enseignants, la grève était moins importante que la semaine dernière, avec un taux de grévistes d’après le ministère de 12,41% dans le primaire et 19,41% dans le secondaire (contre respectivement 50 % et 40 % le 5 décembre).

Chez EDF, où la CGT est encore très implantée, la grève a été suivie, avec 21,8 % de grévistes (contre 36,5 % la semaine dernière) pour l’entreprise, mais beaucoup plus pour ce qui concerne les ouvriers, sans que l’on ait de chiffre. On sait cependant que dans certaines unités de production, par exemple la centrale de Cordemais en Loire-Atlantique, les grévistes étaient 92 % la semaine dernière et ont encore bloqué la production cette semaine.

Il y a eu quelque actions de la part d’agents EDF, tantôt biens vues comme à Lyon où la CGT a revendiqué le basculement de 80 000 foyer en tarification heures creuses, tantôt plus discutables comme à Perpignan où le centre-ville a été privé d’électricité pendant une partie de la journée.

On notera également la continuation du mouvement dans les hôpitaux, et notamment les services d’urgence où le mouvement de grève/contestation en cours depuis plusieurs mois connaît un nouveau rebond.

En ce qui concerne la jeunesse, c’est le calme plat dans les lycées et les universités, malgré quelques jeunes radicalisés dans certains établissements qui tentent de forcer les choses avec les habituels « blocus » de lycées ou occupations d’amphithéâtres dans certaines facultés.

Soulignons pour finir la grande grève des éboueurs de Brest (90% de grévistes) depuis la semaine dernière à cause de la durée des tournées et pour réclamer une prime de pénibilité, ainsi que de meilleurs équipements de protection individuelle. Une grève des éboueurs à Martigues près de Marseille, qui dure depuis la semaine dernière, a elle été suspendue hier soir.

Il n’y a ainsi ni mouvement général, ni même une hypothétique agglomération de différentes luttes cloisonnées. On est dans la pente descendante à moins qu’un élément ne vienne s’ajouter dans la dynamique en cours.

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La raison de l’échec du 10 décembre 2019: la malhonnêteté intellectuelle!

La journée du 10 décembre 2019 contre le plan gouvernemental de réforme des retraites n’a pas amené le monde du travail à se mobiliser massivement. Comment peut-on alors prétendre le contraire ? Entre les « on lâche rien » syndicalistes et les fantasmes anarchistes du grand soir, on est dans un déni complet de la réalité. Il faut que ces gens s’effacent devant la Gauche politique.

Il faut vraiment nier la réalité pour raconter que le « monde du travail » et la « jeunesse » s’est massivement mobilisée le 10 décembre. Ce n’est tout simplement pas vrai. Le dire, c’est mentir. Et, à la suite de la mobilisation du 10 décembre, la CGT ment. Son communiqué intitulé « L’opposition à la réforme des retraites se confirme ! » relève de la malhonnêteté intellectuelle.

Comment peut-on écrire la chose suivante ?

« Avec 1 million de manifestants dans plus de 200 manifestations organisées ce mardi 10 décembre, c’est une nouvelle journée de mobilisation réussie alors même que cette date est apparue très récemment dans le calendrier après une première journée d’ampleur historique (…).

L’excès de communication déployé par le Gouvernement pour tenter de désamorcer la situation est un échec, force est de constater que le monde du travail, de la jeunesse et des retraité.e.s se sont de nouveau massivement mobilisés ce jour pour exprimer leur volonté de bénéficier d’un régime de retraite solidaire et intergénérationnel à l’opposé du projet présidentiel. Allant même jusqu’à entraîner la mobilisation de secteurs professionnels peu enclin à la manifestation à l’instar des syndicats de la Police Nationale. »

Comment peut-on parler de date « surprise » alors que c’est censé être un mouvement de grève commencé il y a plusieurs jours ? Rien qu’avec cela on comprend que la CGT cherche simplement à faire du bruit autour des cheminots, de EDF et de la RATP, au moyen des retraités et des jeunes, avec quelques bases ouvrières.

Sauf que les ouvriers en général restent tous à l’écart, que la jeunesse fait d’ailleurs pareil, sans parler des travailleurs du secteur privé en général.

Et les grèves, d’ailleurs, où en est-on ? Parce que tout le silence syndical à ce sujet en dit long. C’est un flop. Ce flop vient du fait que les gens n’ont pas fait confiance ni aux syndicats, ni aux anarchistes. Ni d’ailleurs aux cheminots, aux travailleurs de la RATP et à ceux de l’Éducation nationale, qui ne s’imaginaient tout de même pas que la France allait faire une grève générale rien que pour eux quand même !

Il serait peut-être temps que les travailleurs concernés assument de mener une lutte corporatiste, pour se remettre en cause et alors chercher à gagner la confiance de l’ensemble des travailleurs. Ce qui implique bien plus dure, on le devine… Et justement les cheminots, les travailleurs de la RATP, d’EDF et ceux de l’Éducation nationale ne le veulent pas. Leur raisonnement c’est : foutu pour foutu du côté des travailleurs, tirons notre épingle du jeu.

Qu’on ne s’étonne pas donc si tout plante et si les ouvriers restent à l’écart… comme ils sont restés à l’écart des gilets jaunes.

Et c’est pour cela que toute cette mobilisation actuelle n’a pas d’âme, comme bien d’autres ! Et c’est pour cela que la Gauche politique est totalement à plat, avec les syndicalistes et les anarchistes, devant qui tout le monde capitule pratiquement à gauche.

Ce qui revient à faire semblant d’apprécier les commerçants itinérant du XIXe siècle vendant leur camelote en prétendant que c’est un remède miracle. Alors que la classe ouvrière va réémerger sur la place historique… Et que tout va être alors fondamentalement différent.

Bien malin seront alors ceux qui auront valorisé le syndicalisme, l’anarchisme, les gilets jaunes, en pensant que la Gauche politique, la Gauche historique, c’était du passé !

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L’anarchisme, une catastrophe pour une CGT toujours plus à l’heure du choix

En utilisant les anarchistes pour ajouter de la tension à des mobilisations pas vraiment vivifiantes, la CGT a recréé depuis quelques années l’atmosphère du tout début du XXe siècle. Celle où anarchistes et syndicalistes empêchaient les travailleurs d’accéder à la culture de la Gauche et aux questions politiques.

Si encore les anarchistes étaient vraiment des anarchistes, on pourrait se dire qu’il y a quelque chose qui bouge. Mais les anarchistes français actuels sont des post-anarchistes ; ils ne retiennent de l’anarchisme qu’une sorte de spontanéité maladive se justifiant par une fascination pour une hypothétique « grève générale ». C’est le fameux mythe mobilisateur du grand soir.

C’est que les anarchistes actuels sont particulièrement imprégnés des importants succès du syndicat CNT tout au long des années 1990 et jusqu’au début des années 2000. La CNT a servi de grande lessiveuse détruisant les idées et les fondements de la culture anarchiste, au nom du « syndicalisme » et de sa croyance en la « grève générale », « illimitée », « insurrectionnelle », etc.

Résultat, alors que les anarchistes ont toujours soutenu depuis la fin des années 1940 Force Ouvrière, ils servent désormais surtout de troupes de chocs à la CGT. Les uns ont besoin des autres. La CGT mobilise ses troupes, mais l’esprit n’y est pas, pas plus que le nombre, bien souvent. Alors quand les anarchistes cassent, cela fait du bruit, c’est donnant donnant et tout le monde est content.

Les anarchistes se montent la tête et pensent que la grève générale arrive. La CGT fait passer sa démarche anti-politique pour un succès social exprimant une tension réelle.

Il faut voir ici le grand écart opéré. Depuis mai 1968, la gauche de la Gauche a une profonde aversion pour les directions syndicales, voire pour la forme syndicale elle-même. Depuis que la CGT a tout fait pour torpiller mai 1968, la cassure était nette.

Tout cela s’est évaporé et la CGT se voit désormais attribuée toutes les qualités d’un syndicat combatif, non institutionnel, mobilisateur, etc. Alors que tout le monde sait qu’il s’agit d’une gigantesque machinerie bureaucratique ne tenant que par l’abnégation de petites mains bien isolées.

Sa terrible perte de vitesse en témoigne et comme le syndicalisme français n’est déjà pas de masse, c’est pratiquement la survie qui est en jeu. D’où le besoin de faire du bruit pour occuper l’espace médiatique. De la même manière que les gilets jaunes ont voulu faire croire qu’ils représentaient quelque chose alors qu’il s’agit d’un mouvement numériquement marginal, les anarchistes servent de force d’appoint pour les besoins spectaculaires de la CGT.

Depuis quelques années, la convergence est évidente. Son caractère entièrement improductif aussi. La mobilisation du 5 décembre 2019 en a été d’ailleurs un exemple assez frappant. Le contraste était saisissant entre les défilés syndicaux particulièrement lisses et une casse esthétisée au maximum (habits en noirs, fumigènes, graffitis s’appuyant sur des jeux de mots, etc.)

Il va de soi qu’à un moment donné, même la base de la CGT va dire qu’il faut arrêter les frais, cesser de jouer au « syndicalisme révolutionnaire » et passer aux choses sérieuses. Et là il n’y a pas 36 solutions. Soit la CGT plie et se fond dans Force Ouvrière, soit elle assume de se subordonner à la Gauche politique pour ses grandes orientations. Il n’y a que ces deux choix possibles.

La CGT tente de refuser tant l’un que l’autre, depuis plusieurs années, mais la crise est désormais là et l’heure du choix approche toujours plus.

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Assemblée générale et non intersyndicale ou gilets jaunes

Dans une intersyndicale, les travailleurs n’ont pas la parole ; chez les gilets jaunes, ils sont subordonnés aux revendications délirantes des couches moyennes. Il n’y a que dans les assemblées générales que la démocratie est à l’œuvre et permet d’avancer.

Beaucoup de gens de la Gauche ont compris qu’il y avait un souci profond dans la mobilisation du 5 décembre 2019. Les directions syndicales cherchent en effet déjà à se placer pour des négociations avec le gouvernement, ce dernier abattant ses cartes très lentement pour le projet de réforme des retraites, afin d’imposer son propre calendrier.

Il y a tous les ingrédients pour un enlisement et l’espoir d’un mouvement populaire côtoie le scepticisme. Les assemblées générales forment alors un thème qui refait surface, de manière normale puisque c’est un principe d’organisation populaire par définition.

Il est toutefois un problème très simple à comprendre : on trouve des gens de gauche disant oui aux gilets jaunes, oui aux syndicats, oui aux assemblées générales. Or, cela n’a aucun sens. Ces formes d’organisation ne sont pas que différentes, elles sont même résolument antagoniques, car elles affirment des lieux différents pour l’expression.

Le syndicat dit que ce sont les syndiqués qui décident, ce qui signifie bien souvent : la direction syndicale. Les gilets jaunes disent que ce sont les gens impliqués qui décident, ce qui est un volontarisme plus proche du Fascisme italien que d’autre chose.

L’assemblée générale dit que tout le monde s’exprime, que les décisions sont prises de manière démocratique par elle, que tout dépend d’elle. L’assemblée générale n’est pas composée que des gens le plus volontaires (comme chez les gilets jaunes ou les pseudos assemblées générales étudiantes). Elle est composée de tous.

> Lire également : Grève: qu’est-ce qu’une assemblée générale ? Qu’est-ce qu’un «soviet» ?

Il ne s’agit pas d’une unification des syndiqués, comme dans l’intersyndicale, il s’agit de l’affirmation d’une unité de tous les travailleurs, à la base même. L’assemblée générale, ce n’est pas une « mobilisation » d’une partie des travailleurs, c’est le lieu d’existence sociale et donc politique de tous les travailleurs.

C’est pour cela que seule la Gauche politique peut appeler à l’assemblée générale. La nature d’agora ou de forum (ou de soviet) de l’assemblée générale témoigne de sa nature démocratique et seule la Gauche politique peut affirmer cette démocratie.

C’est d’autant plus vrai en France où le syndicalisme est toujours resté un odieux volontarisme dans la perspective du syndicalisme révolutionnaire. Cela est tellement vrai qu’aujourd’hui anarchistes et CGT convergent ensemble, depuis plusieurs années déjà.

Si l’on valorise les syndicats ou les gilets jaunes, on est dans le volontarisme, dans le substitutisme. On ne peut pas dire qu’il faut forcer le cours des choses et vouloir la démocratie à la base. Si l’on prend l’exemple italien, on ne peut d’ailleurs que craindre les effets d’une valorisation du volontarisme dans un esprit syndical ou à la mode des gilets jaunes… Le Fascisme en tant qu’idéologie ne peut ici connaître qu’un profond regain.

La Gauche politique doit d’autant plus soutenir la démocratie à la base. Seules des assemblées générales peuvent par ailleurs sauver le principe même de démocratie, à une époque de consommation de masse supervisée par un capitalisme envahissant tous les aspects de la vie.

Même le régime républicain en place, déjà très peu démocratique avec sa démarche présidentielle, avec les préfets… parvient de moins en moins à donner l’illusion d’impliquer les gens dans les choix. Avec l’individualisme triomphant, on court donc à la catastrophe.

Il faut un formidable élan démocratique de la part du peuple. Sans cela, ce sera la mise en place d’un régime autoritaire « réglant les problèmes » par en haut, dans le sens du militarisme et de la guerre afin de satisfaire les besoins de conquête du capitalisme.

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5 décembre 2019: une grève à l’esprit irréaliste

Allons donc ! Au lieu de travailleurs dans une lutte des classes, on a des gens revendiquant leurs acquis sur un mode corporatiste, avec quelques anarchistes perdus dans la masse. À croire que le capitalisme ne changera pas dans les 10, 20, 30 ans, qu’une guerre mondiale est impossible, que le réchauffement climatique n’existe pas. L’irréalisme est complet.

La grève du 5 décembre 2019 a été marquée d’une forte mobilisation et n’est qu’un début. Espérons qu’elle se transforme, qu’elle se dépasse. L’esprit qui y prédomine est en effet odieusement oiseux, faiblard et, pire encore, vague. Le flou prédomine pour une ligne de conduite dont la seule orientation est de se raccrocher à 1995.

Faisons comme en 1995 et nous conserverons nos acquis particuliers, tel est ce qui est ressort. Après tout, quel est le sens de la vie ? Avoir un bon salaire, une bonne carrière, une bonne retraite… Acquérir une petite propriété, former un patrimoine, normal quoi ! L’horreur !

Seulement, 2019 n’est pas 1995 et inversement. Qu’en 1995, on pense le capitalisme éternel, la société française entièrement stable, c’est ce que faisait 99 % des gens. Seule une infime minorité, même à l’extrême-Gauche, maintenait la théorie de l’effondrement.

En 2019, par contre, tout est instable. Le réchauffement climatique est désormais une donnée parfaitement intégrée par tout le monde. Rien qu’avec cela rien ne sera plus comme avant. Et de toutes manières, la crise est générale. Le militarisme prend une ampleur toujours plus grande avec en toile de fond l’affrontement sino-américain. Un million de personnes ont manifesté il y a peu au Chili et en Colombie, alors que l’Équateur vient de connaître un changement de régime, que l’Algérie, l’Irak et l’Iran vacillent sous les protestations. Plus d’un tiers des Argentins vit sous le seuil de pauvreté.

Et voilà donc des gens qui disent : ah mais nous ne sommes pas des travailleurs, nous sommes des individus qui travaillons et chacun, ensemble mais séparément, réclame la défense de « ses » acquis comme si le reste du monde n’existait pas. Au point de dire : ah ben il y a les cadres aussi, c’est très bien ! Les cadres ! Cette entité intelligente, mais beauf, cette source de nivellement par les bas !

Si encore, cela a été demandé aux riches, ou à la bourgeoisie, bon… mais non, c’est à l’État que cela est demandé. Et avec un discours misérabiliste servant à masquer qu’on vit en France dans l’un des pays les plus riches du monde. À un moment donné, tout cela devient ignoble. Encore une semaine comme cela et la grève va dans le mur.

La palme de tout cette médiocrité petit-bourgeoise va en tout cas indubitablement à la CGT Ingés Cadres Techs – UGICT, avec des affiches réussies sur la forme, mais d’un contenu même pas navrant, mais pathétique. Étudier, c’est travailler ? Ben non, travailler c’est travailler. Cette prétention de la petite-bourgeoisie diplômée est affolante : c’est à peine s’ils ne disent pas ouvertement que les ouvriers doivent leur payer leurs études. Car ils ne vont pas demander cela aux bourgeois : ils veulent le devenir !

Tout cela est lamentable et on sait à qui on le doit. À l’hégémonie des cadres, d’entreprises comme syndicaux, à une mentalité de beauf, à une fainéantise complète des travailleurs français qui préfèrent voter Le Pen en masse plutôt que d’assumer la transformation de la société.

Que cela soit la faute historique de la Gauche, c’est indéniable. Il n’en reste pas moins que cette médiocrité dominante est une obscénité historique. Il faut les ouvriers pour faire sauter les verrous du conformisme corporatiste !

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Grève du 5 décembre 2019: une mobilisation massive mais loin d’être inédite

Le premier jour de la grève de ce mois de décembre commence fort, mais pas du tout avec l’ampleur escomptée. De fait, on est dans la norme pour une grande mobilisation, tant pour les chiffres que pour la part des secteurs économiques impliqués.

Lors du mouvement contre la réforme des retraites en France en 2010, il y a eu quatorze journées de manifestations. La première fois, le 23 mars, la CGT a revendiqué 800 000 personnes présentes, puis notamment un million le 27 mai, 2,7 million le 7 septembre, 3 millions le 23 septembre et autant le 16 octobre, 3,5 millions le 19 octobre.

Pour le 5 décembre 2019, la CGT parle de 1,5 million de manifestants. On ne comprend donc pas vraiment pourquoi le communiqué de la CGT dit que :

« Ce haut niveau de mobilisation est historique, tant au regard du taux de mobilisation dans chaque grande ville que du niveau de grève dans les entreprises. Il démontre le refus d’une grande majorité des travailleurs, des retraités et des jeunes, de voir notre système de protection sociale sacrifié sur l’autel du libéralisme économique. »

Ce n’est tout simplement pas vrai. On a juste un peu plus de monde que pour les manifestation de mars et juin 2016 pour la loi travail. Il est vrai que le communiqué explique le pourquoi de tout cela, un peu plus loin :

« Si le président de la République refuse d’entendre les aspirations sociales, il démontrera de nouveau son dogmatisme et sa recherche de confrontation sociale. Il exposera le pays à un conflit social majeur et en portera l’unique responsabilité. »

Il y a surtout la grande trouille que tout cela se transforme en luttes de classes, ce qui amènerait la CGT à être débordée et surtout dépassée. Il s’agit donc de prétendre être arrivé déjà à quelque chose, pour conserver l’image de combatif et raisonnable, etc.

Après, il y a l’aspect principal : la grève. Là encore, la mobilisation n’a rien d’inédite. Pour l’éducation nationale, on a eu 51,15 % d’enseignants grévistes dans le primaire et 42,32 % dans le secondaire (collèges et lycées).

Du côté de la SNCF, 55,6% à la SNCF de grévistes, dont 85,7% chez les conducteurs et 73,3% chez les contrôleurs. Pour EDF, 43,9 %, chez Renault, 5 %.

Dans la fonction publique hospitalière, le chiffre est de 15,9 % de grévistes, pour la fonction publique territoriale de 10 %.

Bien entendu ces chiffres officiels sont minorés par les directions des entreprises concernées. Ce sont des chiffres importants, mais rien d’exceptionnels pour la France.

La seule chose vraiment nouvelle, ce sont sept des huit raffineries françaises en grève. Voilà qui est intéressant, tout comme ce dont on ne sait pas à moins d’y être impliqué. Car il y a eu de nombreux débrayages dans les usines. Pas forcément aussi important que chez Williams Saurin à Pouilly-sur-Serre en Picardie, Ysco à Argentan en Normandie, etc. Mais il y a eu du mouvement.

Or, c’est le blackout. Les syndicats n’en parlent pas à part localement et encore, à cela s’ajoute le problème bien entendu de ne pas placer les grévistes dans la situation inconfortables de devenir des cibles des ennemis (y compris intérieurs) du monde du travail.

C’est là que tout se joue. Si la classe ouvrière parvient à s’élancer, alors tout changera radicalement. Sans cela, on a un mouvement social tout ce qu’il y a de traditionnel dans notre pays et ce ne sont pas les quelques heurts avec la police menés par des franges anarchistes, surtout à Paris, qui modifient quoi que soit.

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Le 86e congrès de l’UNEF du 6 au 8 décembre 2019

Le syndicat étudiant UNEF, historiquement une véritable usine à cadres pour la Gauche, va tenir son 86e congrès alors qu’elle est à un tournant. Elle a perdu en effet son approche historique d’organisation de masse pour devenir pratiquement une structure politique de la « Gauche » postmoderne, avec une démarche très sectaire.

Le 86e congrès de l’UNEF a lieu du 6 au 8 décembre 2019 à Lille, alors que l’organisation est en perte de vitesse dans la jeunesse depuis plusieurs années et est même passée au second plan dans les institutions étudiantes derrière la FAGE.

L’UNEF a rompu en effet avec la tradition de la Gauche historique – avec ses innombrables débats de tendance et ses liaisons avec les partis politiques – et ses militants agissent littéralement comme ceux d’une organisation politique avec des revendications ultra-minoritaires et sectaires.

Si les éléments les plus radicaux allant en ce sens sont parties – formant en mai 2019 la Fédération syndicale étudiante l’orientation de ce type reste hégémonique et l’organisation risque pas moins que l’auto-destruction.

Les seules réponses à la crise qui sont proposées par les quatre tendances en prévision du congrès sont en effet la fuite en avant dans les thématiques « minoritaires » propres à la « Gauche » postmoderne ainsi qu’une puissante décentralisation.

La Tendance Action Syndicale (TAS), la Tendance Action Collective et Luttes Étudiantes (TACLE) et la Tendance Réformiste pour une Alternative Démocratique et Écologiste (TRADE) ne parviennent de toutes façons pas à peser sur la Tendance Majorité Nationale. Celle-ci dispose de la majorité depuis 2001 et provient même de la fraction majoritaire dans l’UNEF-ID, lié au Parti socialiste, depuis 1994.

Pour comprendre à quel point c’est l’échec, il suffit de regarder le programme de la Tendance Action Syndicale (TAS). Rien que la première page dispose d’une demi-page de notes en petits caractères pour expliquer des concepts comme crise du capitalisme, matérialisme dialectique, fascisme, capitalistes, État, crise politique/économique.

Tout cela est indéniablement important, intéressant, on ne peut pas en disconvenir. Mais s’imaginer que c’est le lieu pour cela ou que des notes en petits caractères vont élever le niveau idéologique, politique, c’est de l’ultra-gauchisme, purement et simplement.

Il en va de même pour la Tendance Action Collective et Luttes Étudiantes (TACLE), liée au NPA, qui nie totalement que la poignée d’activistes étudiants est totalement marginalisée chez les étudiants et s’imagine représenter une minorité politique à deux doigts de la prise du pouvoir :

« Nous avons donc une responsabilité, celle d’être une génération forgée à la chaleur de l’affrontement à ces attaques et à ce gouvernement capitaliste. Une génération militante formée, forgée et construite dans les Assemblées Générales massives contre la loi ORE, dans les grèves, dans les blocages, dans les manifestations massives, dans les actions coups de poing. »

La Tendance Majorité Nationale n’échappe à cette lecture fantasmée et décalée ; voici les premières lignes de son document :

« «La plus grande gloire n’est pas de ne jamais tomber, mais de se relever à chaque chute»

Nelson Mandela

Introduction: Etats-Unis, Brésil, Grande-Bretagne, Inde, Italie… Les forces réactionnaires et d’extrême-droite n’ont cessées de gagner du terrain ces dernières années aussi bien par la voie 8électorale que sur le plan des idées.

Pendant que le Brésil de Bolsonaro se referme sur lui-même, sacrifie l’Amazonie au nom de sa politique, coupe drastiquement sur le financement de l’enseignement supérieur et impose des lois homophobes, l’Inde persécute les personnes musulmanes de la région du Cashemir.

Néanmoins les populations mondiales ne restent pas silencieuses, et s’élèvent pour exiger démocratie et justice sociale: Algérie,Soudan, Hong Kong, Turquie etc. ici aussi la liste est longue. »

La Tendance Réformiste pour une Alternative Démocratique et Écologiste (TRADE) propose quant à elle l’abandon de tout projet global et un fédéralisme permettant une autonomie complète.

« Adopter une approche Bottom-Up : décentraliser

Notre organisation se doit d’être plus humble et de revenir à une structure décisionnelle locale, avec le développement de tracts locaux, de chartes graphiques locales. L’Unef se réalisera pleinement lorsqu’elle fera la somme de ses racines en un tronc commun et non pas en imposant à une multitude de branchages une seul voie. C’est l’appauvrissement des idées et des moyens d’actions qui nous touche par l’incapacité à renouveler nos méthodes militantes.Il faut accorder un poids plus important aux sections locales en leur accordant une autonomie accrue. »

On l’a compris : la majorité veut faire comme avant, les autres tendances exigent l’autonomie des sections, alors que dans tous les cas les seules valeurs communes sont un activisme estudiantin avec des thématiques telles l’écriture inclusive, les revendications « LGBT+ », etc.

Alors que la seule solution, pour que l’UNEF se maintienne et se reconstruise, est un retour aux fondamentaux, aux enseignements de l’UNEF-ID et de l’UNEF (dite « SE ») des années 1980, avec une cessation de la prétention à être ce qu’elle n’est pas : une organisation politique.

L’UNEF ne peut exister que comme mouvement de masse ; qu’il y soit parlé politique et que la politique décide, tant mieux, car le syndicalisme en soi n’aboutit à rien. Mais la négation du syndicalisme, sa transformation en un jeu « hyper-révolutionnaire » ultra-minoritaire se mettant sur le même plan que le monde du travail, c’est de la simple vanité et surtout un suicide.

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Est-ce le «soviet» qui manque à la Gauche française?

La soumission de la Gauche politique aux syndicats lors des luttes sociales est une tradition en France. Cela va pourtant à l’encontre de l’expérience en Europe, où ce sont les syndicats qui reflètent normalement sur le plan économique les perspectives tracées de manière politique. Le Parti socialiste se place ici dans cette expérience européenne en appelant à la grève du 5 décembre 2019 sans se placer dans la perspective syndicale.

Y a-t-il un problème d’organisation démocratique des travailleurs en France ? À la fin de la Première Guerre mondiale, la forme du « soviet », du conseil des travailleurs, a été assimilée dans une large partie de l’Europe, mais justement pas en France. C’est pourtant une forme qui permet la politique, alors que le syndicalisme à la française l’interdit.

Toute la Gauche a soutenu le principe des « soviets » lorsqu’il est apparu. Seule une partie de la Gauche – Lénine et les bolcheviks – considéraient que c’était la forme du « nouveau pouvoir » propre au socialisme. L’autre partie considérait que c’était la République, avec une représentation nationale « à l’ancienne ».

Mais tout le monde considérait que dans une période de troubles, la formation de « conseils » de travailleurs dans les entreprises était une chose cohérente, une mobilisation tout à fait dans l’ordre des choses. Les élections au sein des soviets en Russie montraient que l’ensemble de la Gauche y participaient (anarchistes, bolcheviks, menchéviks, socialistes révolutionnaires, etc.)

Et la crise ouverte en 1917 a provoqué la naissance de soviets dans de nombreux pays, souvent de manière massive, comme en Allemagne, en Italie, en Hongrie, en Autriche, en Finlande, bien sûr en Russie, etc.

Les pays les plus stables n’ont pas été touchés ; il n’y a donc pas eu de soviets en France, ni en Grande-Bretagne, deux pays où le syndicalisme était également puissant. Si cette question du syndicalisme est importante, c’est qu’on peut également voir que, par la suite, la forme « soviétique » n’est jamais apparue ni en France, ni en Grande-Bretagne.

Il y a bien sûr eu des assemblées générales de travailleurs dans une entreprise en lutte. Mais il n’y a jamais eu de prolongement de cette assemblée jusqu’à former une structure compacte prenant les décisions. Dans ces assemblées d’ailleurs, ce n’était pas les partis politiques de la Gauche qui formaient des tendances, mais seulement les syndicats.

Or, le problème est simple à comprendre : comment la Gauche peut-elle exister chez les travailleurs s’il n’existe aucun espace où ceux-ci peuvent se confronter à la politique de la Gauche ? La déclaration commune de novembre 2019 de la quasi totalité de la Gauche (hors PS) dit en définitive : nous serons la caisse de résonance politique des luttes syndicales.

Mais une telle chose ne peut pas exister. C’est pourquoi le Parti socialiste s’est montré bien plus intelligent, conséquent, logique, en ne signant pas la déclaration commune et en faisant son propre texte affirmant que la question n’était pas que syndicale, qu’elle touchait toute une vision du monde.

La déclaration commune dénonce évidemment le libéralisme économique également, mais en se plaçant dans l’orbite des syndicats. Le communiqué du Parti socialiste prend bien soin de terminer sur une note indéniablement politique. Il n’y a d’ailleurs pas le mot « syndicat », le flou étant savamment entretenu dans la première phrase, et dans la première phrase seulement :

« À l’appel de plusieurs fédérations et confédérations syndicales… »

Aucune référence aux syndicats n’est alors plus faite de tout le long communiqué ! On peut reprocher au Parti socialiste de faire de la mauvaise politique – mais en attendant, il en fait, contrairement aux signataires de la déclaration commune.

Tant que les travailleurs en France ne sauront pas en mesure de mettre en place une assemblée générale, de lui conférer un statut organisé, tant qu’ils maintiendront la fiction de la « lutte syndicale », on sera ainsi toujours à la traîne, dans une impasse avec d’un côté les réformistes électoralistes, de l’autre les syndicalistes « ultras ».

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[Tribune] Retraites : contre l’individualisme, nous choisissons la solidarité

Voici une tribune initiée par Ensemble ! et signée par Europe Ecologie-les Verts (EELV), Gauche démocratique et sociale (GDS), Génération·s, Mouvement pour la démocratie en Europe (Diem 25), Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), Nouvelle Donne (ND), Parti communiste français (PCF), Parti communiste des ouvriers de France (PCOF), Parti de Gauche (PG),Pour une écologie populaire et sociale (PEPS), République et socialisme (RS) ainsi que François Ruffin de la France insoumise.

On y retrouve donc toute la Gauche électoraliste qui est hors du Parti socialiste :

« Retraites : contre l’individualisme, nous choisissons la solidarité

Les forces politiques et les personnes soussignées s’opposent totalement au projet de retraites d’Emmanuel Macron et soutiennent les mobilisations syndicales annoncées pour le mettre en échec le 5 décembre, ainsi que les appels à la grève reconductible.

E. Macron parle de droits «universels» ? Ils seraient en réalité «individualisés» et réduits.

C’est au Parlement de Versailles en juillet 2018 que E. Macron a proclamé son projet. Il veut «un Etat providence du XXIe siècle, émancipateur, universel…» et «protéger nos concitoyens non selon leur statut et leur secteur d’activité, mais de manière plus juste».

Plus «juste» ? Pour l’assurance-chômage, le Président avait déjà promis «l’universalité». Or avec sa «réforme», plus d’un million de personnes verront leurs droits amputés et paieront de leurs poches les 3,8 milliards d’économies imposées par l’Etat jupitérien. Très belle «émancipation» !

Dans le monde selon E. Macron, les statuts collectifs disparaissent. Il ne reste que l’individu face à son destin, évoluant sur le marché, traversant la rue pour obtenir un emploi, surveillant son compte de retraite à points pour arbitrer entre la prolongation de son travail et son niveau de pension. A condition bien sûr de ne pas être au chômage, en maladie, ou en invalidité, comme beaucoup de salarié·es après 60 ans.

E. Macron oublie que le projet du Conseil national de la résistance (CNR) visait une Sécurité sociale universelle, mais avec des droits en progrès. Il veut qu’on oublie que ces conquêtes résultent d’une mobilisation populaire obtenant qu’une part plus élevée de la richesse soit attribuée aux retraites et à la santé, donc au bien vivre. Il a fallu pour cela augmenter la part du PIB accordée aux retraites, de 4% jusqu’à 14% d’aujourd’hui, pour améliorer le taux de remplacement entre la pension versée et les meilleurs salaires. Ce taux atteignait 75%, avant les contre-réformes accumulées depuis 1993. Ainsi la retraite a représenté une prolongation de son revenu pour des activités nouvelles et libres. Cette répartition de la richesse a permis d’universaliser des droits pour des retraités plus nombreux et un progrès de l’espérance de vie.

Cependant, une forte injustice persiste en raison de la scandaleuse inégalité salariale entre femmes et hommes, réduisant en moyenne leurs pensions de 40% sur celles des hommes. Or l’application effective de l’égalité salariale permettrait un afflux de ressources : 6 milliards d’euros au moins. Il est donc tout à fait possible d’améliorer ce qui existe. Et aussi de réduire les inégalités inacceptables dues à la pénibilité du travail. Même Edouard Phillipe a reconnu qu’il n’y a pas vraiment de «déficit» et que le système actuel est «encore bon».

Alors pourquoi s’acharner à le démanteler ? Parce que ce gouvernement veut à tout prix obliger les travailleurs, femmes et hommes, y compris les indépendants, à s’adapter aux règles du libéralisme : les droits coûteraient trop chers parce qu’ils sont socialisés et incluent une solidarité collective (carrières incomplètes, années de chômage, enfants). Au lieu d’une retraite où la prestation est d’avance garantie, ce pouvoir cherche à imposer un système où seule la cotisation est définie. Chacun sait ce qu’il cotise pour acquérir des points, mais personne ne sait quelles prestations seront versées. La conversion des points en pension pourra évoluer en fonction de la marche générale de l’économie. Le gouvernement aura la haute main sur ce choix à chaque budget annuel de la Sécurité sociale. La «caisse des retraites» où siègeront les syndicats ne pourra donner qu’un avis.

La propagande du gouvernement sonne bien, mais elle est une tromperie.

«Un euro cotisé donnera les mêmes droits pour tous» ? Peut-être, mais appauvris. En effet le calcul des droits à pension s’effectuerait sur toute la carrière, alors qu’aujourd’hui il se fait sur les 25 meilleurs salaires dans le privé, et les derniers mois dans le public. Conséquence : la moyenne des salaires baissera en incluant les mauvaises années. La pension baissera en proportion. Le recul de l’âge de la retraite est aberrant alors qu’à 62 ans, 40% des seniors sont inscrits à Pôle Emploi.

Un «Etat providence du XXIe siècle» ? Appauvri encore ! La part des retraites dans la richesse nationale serait plafonnée (14% du PIB), alors que depuis 1945 elle a progressé. Les cotisations ont augmenté : les actifs et les retraités sont solidaires pour déterminer la part de valeur qui va au bien commun. Ce n’est pas aux propriétaires financiers et de dividendes de décider. Alors qu’ils s’approprient toujours plus de richesses sans aucun effet sur le chômage.

Des droits «dès le premier euro» ? On promet que les jeunes auraient des droits au premier euro cotisé. Mais si la part totale des retraites est gelée, toute avancée des uns sera prise sur les autres. On aura une division accrue au lieu de droits égaux ! Ainsi, les pensions de réversion vont diminuer, ce qui pénalisera encore les femmes. Macron veut en réalité rendre «naturelle» la précarité des temps partiels et des CDD au lieu de les combattre.

«Un système plus juste» ? Faux ! E. Macron veut rayer le mot «pénibilité du travail» du vocabulaire alors même que celle-ci participe largement à réduire l’espérance de vie en bonne santé. Que de retraites volées à celles et ceux qui en auraient le plus besoin !

La retraite par points ? Le secteur privé la connaît déjà, avec les «complémentaires» par points qui ne cessent de se dégrader. Les «complémentaires» sont le cheval de Troie introduit pour habituer à un système individualiste. Comme c’est le cas aussi en Suède souvent portée en exemple. En France, sous la pression du Medef, les pensions «complémentaires» ont été gelées de 2016 à 2018, et une baisse de 10% est prévue à partir de 2019. Ni Macron ni les patrons ne veulent plus parler de hausse de cotisations.

Etat «providence» ? Plutôt un tremplin vers la capitalisation pour les plus riches ! En effet, la baisse programmée du montant des retraites incitera ceux qui en ont les moyens à se tourner vers les fonds de pension. Les salaires au-dessus de 120 000 euros annuels ne cotiseraient plus au régime à points mais pourraient souscrire une épargne privée. Le ver serait dans le fruit.

Au total, la contre-réforme des retraites participe d’un plan de destruction des systèmes de solidarité : suppression des services publics, réforme punitive de l’assurance chômage, privatisations (ADP), attaques contre tous les statuts salariés.

Contre ce bouleversement de société, notre alternative repose sur un socle de droits universels : une retraite à 60 ans avec un taux de remplacement à 75% indexé sur les meilleurs salaires, garanti pour tous et toutes. Mais aussi un droit collectif à un départ anticipé en fonction de la pénibilité du travail, pour une retraite en bonne santé. Cela exige une augmentation des cotisations socialisées incluant les profits financiers. Et une baisse du chômage par la réduction du temps de travail apporterait aussi des ressources.

Les mobilisations syndicales unitaires seront décisives à partir du 5 décembre ! Nous appelons la population à leur apporter un soutien massif !

Signatures :

Europe Ecologie-les Verts (EELV) : Sandra Regol, porte-parole ; Alain Coulombel, secrétaire national adjoint

Ensemble ! : Clémentine Autain, députée de La France insoumise (FI), Myriam Martin, porte-parole, conseillère régionale LFI Occitanie; Jean-François Pellissier, porte-parole

Gauche démocratique et sociale (GDS) : Gérard Filoche, porte-parole ; Anne de Haro, GDS Ile de France

Génération·s : Guillaume Balas et Claire Monod, coordinateurs nationaux

Mouvement pour la démocratie en Europe (Diem 25) : Emma Justum, coordination nationale

Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) : Olivier Besancenot, Christine Poupin, Philippe Poutou, porte-parole

Nouvelle Donne (ND) : Aline Mouquet, co-présidente, Gilles Pontlevoy : co-président

Parti communiste français (PCF) : Cathy Apourceau-Poly, membre de la direction du PCF, sénatrice du Pas-de-Calais ; Pierre Dharreville, membre de la direction du PCF, député des Bouches-du-Rhône

Parti communiste des ouvriers de France (PCOF) : Véronique Lamy et Christian Pierrel, coporte-parole

Parti de Gauche (PG) : Eric Coquerel, député FI, co-coordinateur du PG; Danielle Simonnet, conseillère de Paris, co-coordinatrice du PG

Pour une écologie populaire et sociale (PEPS) : Sergio Coronado, Jean Lafont, Elise Lowy, Bénédicte Monville

République et socialisme (RS) : Marinette Bache, conseillère de Paris ; Lucien Jallamion, secrétaire national ; Mariane Journiac, secrétaire nationale

François Ruffin, député La France insoumise de la Somme.

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Une déclaration commune sans âme, une soumission aux syndicats

Toute la Gauche liées aux élections d’une manière ou d’une autre mais hors du Parti socialiste, a signé une déclaration commune défendant la solidarité contre l’individualisme dans la grande bataille des retraites qui va se dérouler en décembre 2019. Cette déclaration commune est toutefois sans âme, avec une approche réductrice à quelques mesures économiques, assumant une soumission complète aux syndicats. Or, c’est précisément cette soumission du politique au syndicalisme qui est la cause de la faillite de la Gauche française.

On retrouve dans la déclaration la plupart des mouvements de l’ancien « Front de Gauche » (Parti de gauche, Parti communiste français, République et socialisme, Ensemble !, Parti communiste des ouvriers de France).

On a également les anciennes structures de la gauche du Parti Socialiste : la Gauche démocratique et sociale et Génération-s.

À cela s’ajoute Europe Écologie-Les Verts, le Nouveau parti anticapitaliste, Nouvelle Donne, Mouvement pour la démocratie en Europe (Diem 25), Pour une écologie populaire et sociale, ainsi que la France Insoumise.

La liste des signataires de la déclaration commune témoigne donc de l’unanimité générale, à part de Lutte Ouvrière, qui pose cependant la même problématique. Sa propre déclaration dit ainsi :

« Quoi que l’on pense des confédérations syndicales et de leurs calculs divers et variés, il faut y aller. Nous n’avons que trop attendu pour réagir et nous opposer aux reculs imposés par le gouvernement ou le grand patronat. Le 5 décembre nous offre la possibilité de dire « ça suffit ». Profitons-en ! »

Le début et la fin de la déclaration commune générale sont exprimés de la manière suivante :

« Les forces politiques et les personnes soussignées s’opposent totalement au projet de retraites d’Emmanuel Macron et soutiennent les mobilisations syndicales annoncées pour le mettre en échec le 5 décembre, ainsi que les appels à la grève reconductible (…).

Les mobilisations syndicales unitaires seront décisives à partir du 5 décembre ! Nous appelons la population à leur apporter un soutien massif ! »

Le souci n’est bien entendu pas d’appeler à se mobiliser. Le souci est de soumettre la Gauche politique aux syndicats, c’est-à-dire de niveler par le bas les nécessaires besoins théoriques, culturels, programmatiques de la Gauche.

De plus, c’est un piège, car le front syndical n’est pas du tout unifié. L’idéal serait d’ailleurs normalement pour la Gauche d’appeler à la mobilisation générale sous un seul drapeau, pas de former une « alliance ». Tout le monde sait très bien qu’une union de la CFDT – désormais le premier syndicat en France -, de la CGT et de la CGT-Force Ouvrière ne peut être que fragile, temporaire, vouée à l’échec à moyen terme.

Cependant, cette erreur de la Gauche liée aux élections est malheureusement très simple à comprendre. La réforme des retraites est présentée comme un « bouleversement de société ». Cela signifie qu’il est fait une séparation entre le libéralisme politique, culturel, et le libéralisme économique.

Or, le triomphe dans l’opinion publique du libéralisme politique, culturel, implique immanquablement le triomphe du libéralisme dans le domaine économique. La bataille des idées a déjà été perdu, car elle n’a pas été menée, en raison de la liquidation de la Gauche historique.

La déclaration commune a donc tout faux et cela va se lire de deux manières : soit parce que, fort heureusement, le mouvement populaire va avoir une telle charge relevant de la lutte des classes que cette déclaration paraîtra ridicule. Soit parce que, malheureusement, il n’y aura aucun débouché politique à Gauche et que l’extrême-Droite s’imposera au moyen de la démagogie anticapitaliste.

Les temps sont tourmentés, les défis immenses ; la déclaration commune contourne cela, c’est un suicide politique consistant à attendre que les syndicats réussissent. Mais réussir à quoi ? Jamais dans l’Histoire les syndicats n’ont amené une modification dans une société. On paie ici encore et toujours le prix de la soumission de la Gauche politique à la Charte d’Amiens de la CGT de 1906.

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Les communiqués syndicaux appelant à la grève du 5 décembre contre la réforme des retraites

La grève du 5 décembre prochain contre le projet de réforme du système des retraites s’annonce massive. Les syndicats et notamment la CGT prévoient dore et déjà une forte mobilisation, ainsi qu’un grand soutien de l’opinion publique.

Rappelons que les préavis déposés concernent tous les secteurs : ce sont l’ensemble des salariés qui sont appelés à se mobiliser. Si une paralysie complète des transports est envisagée, le succès de la grève dépendra évidemment de sa généralisation.

Voici le communiqué intersyndical. Rappelons que s’il est parlé d’une « première journée de grève » avec l’idée de mobiliser ensuite, les préavis déposés sont reconductibles et de nombreuses assemblées générales de grévistes sont déjà prévues.

« Les organisations syndicales et de jeunesse s’engagent à construire un plan d’action contre le projet de réforme de retraites par points et pour gagner un renforcement, une amélioration du système actuel de retraites solidaire et intergénérationnel.

L’émergence et la construction de luttes dans les différents secteurs professionnels, montrent la nécessité d’apporter des réponses aux salarié-es en termes d’emploi, de salaires, d’égalité entre les femmes et les hommes, de conditions de travail… Autant de sujets qui sont étroitement liés aux questions de la retraite et que l’actuel projet de réforme gouvernemental aggravera.

Les organisations vont initier et impulser des assemblées générales sur les lieux de travail et d’études, des débats publics sur tout le territoire, des interpellations des élu-es locaux et nationaux, des initiatives de sensibilisation de toute la population pour échanger sur la réforme et sur les modalités d’actions et de riposte collective.

Les organisations syndicales et de jeunesse (CGT, FO, FSU, Solidaires, FIDL, MNL, UNL, UNEF) appellent l’ensemble des salarié-es du secteur privé comme du secteur public, des retraité-es, des privé-es d’emploi, des jeunes, a une 1ère journée de grève interprofessionnelle le jeudi 5 décembre 2019. »

Voici également l’appel du Comité confédéral national de la CGT :

« Retraites, Emplois, Salaires, Conditions de travail… En grève dès le 5 décembre, agissons pour le progrès social !

Partout en France, les luttes en cours contestent les choix politiques du gouvernement, des directions d’entreprises et du patronat. Augmentations salariales, amélioration des conditions de travail, diminution du temps de travail, maintien et développement de l’emploi, défense des services publics, égalité femmes/hommes, reconquête de l’industrie et de notre protection sociale constituent les principales revendications.

Le gouvernement mène une politique au service exclusif des riches et de la finance. Sa politique vise la remise en cause des conquis sociaux et des solidarités. Il met en opposition travailleurs/travailleuses et privé-e-s d’emploi, actifs/actives et retraitée-s, ouvriers/ouvrières ou employé-e-s et cadres, salarié-e-s du public et du privé, celles et ceux qui sont aujourd’hui dans le monde du travail et celles et ceux qui y seront demain…

Le gouvernement tente aussi de faire diversion en instrumentalisant la question de l’immigration, envisageant l’instauration d’une « immigration choisie » et de « quotas d’immigration »… Des thèmes qu’il empreinte sans retenue à l’extrême-droite en pleine polémique lancée sur la question du port du voile et de l’Islam.

Malgré un rapport du défenseur des droits qui révèle l’ampleur de la discrimination dans les entreprises et administrations, le pouvoir politique conjugue répression syndicale et atteinte au droit de manifester. Il rend possible, voir incite à des situations de discrimination et de répression syndicale dans les entreprises et les administrations. Il porte atteinte à la démocratie sociale et refuse de répondre aux aspirations exprimées par le monde du travail.

Le CCN de la CGT appelle l’ensemble des travailleurs/travailleuses, des privé-e-s d’emplois, des retraité-e-s et la jeunesse à se mobiliser partout en France, par la grève, la mobilisation et la participation aux manifestations, le 5 décembre prochain.

D’ici le 5 décembre, le CCN de la CGT appelle à poursuivre la construction de l’action par la tenue d’Assemblées Générales dans les entreprises, les services publics et les administrations, pour que les salarié-e-s et agent-e-s décident, sur la base de leurs revendications et dans l’unité, des modalités des actions, de la grève, de sa reconduction pour un mouvement qui s’inscrit dans la durée afin de gagner le progrès social.

Le 6 décembre, une intersyndicale nationale se tiendra, les syndicats sont invités à organiser des Assemblées Générales unitaires afin de décider collectivement des suites de la mobilisation.

Le 7 décembre, le CCN invite à participer massivement à la manifestation nationale contre le chômage, la précarité et pour une reconquête de la sécurité sociale protégeant des risques de la vie. Il invite aussi aux initiatives locales qui seront organisées sur le territoire.

La convergence des mobilisations sociales est une nécessité pour gagner sur les revendications. Elle doit se faire avec toutes les organisations syndicales qui portent cette même aspiration ainsi qu’avec l’ensemble des forces politiques de progrès, le monde associatif et les mouvements citoyens, à l’instar de l’appel à la convergence des Gilets Jaunes dans leur déclaration du 3 novembre dernier.

Les ingrédients sont réunis pour réussir un grand 5 décembre, ce qui donnera le ton des suites de la mobilisation.

Les mobilisations et grèves du 5 décembre porteront l’exigence du rejet « en bloc » du projet gouvernemental de réforme des retraites qui impactera fortement, durablement et négativement le niveau des pensions de toutes et tous, que l’on soit issu du secteur public ou du secteur privé.

La CGT se bat pour une autre réforme des retraites et porte un ensemble de revendications, notamment : un départ à taux plein à 60 ans, une prise en compte des pénibilités, des années d’études et de précarité, une augmentation générale des pensions…

Si la loi contraint le secteur public et les services publics à la pose de préavis de grèves et/ou de déclarations préalables, il n’en est rien pour les salarié-e-s du secteur privé qui peuvent librement cesser le travail, s’organiser et participer aux manifestations.

Ce combat est celui de toutes et tous, car ce projet de réforme est l’incarnation d’un choix de société où les solidarités laissent la place au « chacun pour soi », où l’insécurité sociale l’emporterait sur notre sécurité sociale.

Montreuil, les 5 et 6 novembre 2019 »

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La médiocrité petite-bourgeoise a contaminé la Gauche

La Gauche a toujours assumé la grandeur d’esprit, un regard historique plein d’ampleur, l’exigence de la raison, ainsi que le besoin d’un haut niveau de connaissances. L’ancrage social de la petite-bourgeoisie en France a amené celle-ci à faire une irruption dans la Gauche qui a anéanti tout cela, au nom d’un pragmatisme censé amener des résultats, mais ne provoquant que défaites et populisme.

Il a toujours existé en France une tradition populiste, dont l’expression la plus développée fut le syndicalisme révolutionnaire. La politique, cela ne servirait à rien, il faudrait faire simple, le plus simple possible, se mettre au niveau le plus bas, pour toucher le plus de monde possible. Vouloir une organisation avec des positions très développées serait contre-productif et même carrément nocif, car faisant triompher les intellectuels.

Malgré cette prétention syndicaliste révolutionnaire – ou syndicaliste tout court puisque le syndicalisme français vient de là – il n’a jamais existé en France de structure populaire atteignant une ampleur massive. Les syndicats actuels se veulent ainsi représentatifs de tous les travailleurs, mais leurs adhérents ne forment qu’un nombre limité. Et cela a toujours été le cas.

Qui plus est, au nom d’être en mesure de s’adresser à tous les travailleurs, cette approche réduit toute la réflexion à sa portion congrue, évitant tout « intellectualisme », mais permettant alors en réalité le succès de la médiocrité petite-bourgeoise.

Le style pastis-merguez de la CGT n’est en effet nullement populaire. Quand on s’organise en tant qu’ouvrier on fait les choses sérieusement – ou bien on ne les fait pas. Se comporter de manière dilettante est un luxe qu’aucun ouvrier ne s’accordera, ou alors il le fera dans son temps libre, et pas pour s’occuper de politique ou d’économie ou quoi que ce soit encore. C’est d’ailleurs pour cela que les ouvriers restent à l’écart de tout cela, que depuis les années 1950-1960 ils évitent la politique.

La seule grande politique ouvrière qui restait, c’était la CGT, mais dans un grand compromis avec le vécu petit-bourgeois, faisant du petit-bourgeois pavillonnaire le grand objectif d’élévation sociale des ouvriers. Seule une poignée de mouvements « gauchistes » ont essayé, avant et surtout à partir de mai 1968, de provoquer des électro-chocs, pour aller de l’avant du côté ouvrier. Comme on le sait, ce fut un échec.

Et on se retrouve maintenant avec une Gauche lessivée sur le plan des idées, avec une tradition ouvrière de cinquante années à ne rien faire, avec une petite-bourgeoisie disposant de décennies de vécu, mais n’ayant toujours pas de constance, de caractère. Ce qu’elle est vaniteuse, pourtant ! La Gauche aurait dû démolir directement les gilets jaunes, en disant : quoi, vous prétendez du jour au lendemain et sans efforts faire mieux que Léon Blum et Maurice Thorez, que Jean Jaurès et François Mitterrand, que Georges Marchais et Henri Krasucki ?

Cela ne fait pas forcément rêver, dirons certains. Peut-être, mais dans tous les cas la classe ouvrière a les dirigeants qu’elle mérite. Ceux-ci sont forcément à son image et ce n’est pas en visant un socialisme par l’intermédiaire des municipalités et des départements qu’on s’ancre dans l’Histoire.

Voilà pourquoi, alors que des défis historiques se posent en France, on va au désastre ! À moins de reconstituer la Gauche historique sur une base solide, avec des exigences de haut niveau, en imposant à la petite-bourgeoisie qu’elle soit soumise, qu’elle cesse de contaminer sa médiocrité.

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Neuf syndicalistes de l’usine PSA de Poissy condamnés à de la prison avec sursis

La cour d’appel de Versailles a condamnés à trois mois de prison avec sursis neuf militants CGT de l’usine PSA de Poissy ce vendredi 28 juin 2019. Le tribunal a reconnu des faits de « violence en réunion » à l’encontre d’un chef de l’usine.

Dès le début de l’affaire, la CGT avait dénoncé une manœuvre d’intimidation à l’encontre des syndicalistes. Dans un communiqué de 2017 après le procès en première instance, la CGT PSA avait dénoncé « une Justice aux ordre de Peugeot », considérant une politique générale de répression.

Il est reproché aux syndicalistes d’avoir violenté un responsables, alors qu’ils venaient simplement défendre les droits d’un des leurs, en retour d’arrêt de travail. Une quinzaine de minutes de discussion dans le bureau d’un manager par des gens en colère est donc considéré comme une violence telle qu’elle mérite la prison…

C’est que du point de vue de la bourgeoisie, des ouvriers qui s’organisent pour affirmer leurs intérêts, c’est forcément quelque-chose de violent. La bourgeoisie est terrorisée à l’idée que la classe ouvrière se soulève et s’organise. C’est pour cela qu’elle doit frapper fort, en isolant, en faisant peur, en tentant d’enrayer toutes tentative d’expression consciente et organisée de la classe ouvrière.

Quand on sait avec quelle violence le management broie les salariés dans les entreprises et particulièrement en ce qui concerne les opérateurs dans les usines, on ne peut qu’être révolté d’une telle situation.

Les neufs syndicalistes ont décidé en concertation avec leur avocat de se pourvoir en cassation.