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Toulouse: la CGT critique Macron, mais ne critique pas les exercices militaires…

Emmanuel Macron s’est rendu à Toulouse le 12 mars 2021 à l’occasion de l’exercice militaire de guerre spatiale, AsterX. La CGT en a profité pour se mobiliser et a produit un communiqué. C’est très intéressant, car on retrouve le discours syndicaliste révolutionnaire traditionnel de la CGT, un discours d’autant plus libre qu’il y a une forte tradition anarchiste toulousaine. Et c’est d’autant plus frappant qu’il est parlé de « guerre anti-sociale » d’Emmanuel Macron, mais il n’est pas dénoncé une seule fois l’exercice militaire lui-même !

Cela en dit vraiment long sur le syndicalisme dans sa nature et sur le sens corporatiste de cette mobilisation. Aussi sensées soient les exigences sociales de la CGT, elles prennent bien soin de s’insérer dans une contestation ne remettant surtout rien en cause du capitalisme, malgré les apparences. Même la marche à la guerre est acceptée, puisqu’elle n’est même pas évoquée alors que c’était pourtant l’objet même de la visite !

Voici le communiqué :

 » Macron, le chef de guerre anti sociale à Toulouse vendredi

La CGT en première ligne pour relever le défi de la résistance et pour gagner la transformation sociale !!

« Nous sommes en guerre »,c’est bien la seule formule sincère de la part de Macron depuis le début de son mandat.

A condition bien sûr de décrypter le message : de qui parlait il ?

La Haute-Garonne comme toute l’Occitanie lèvent le voile. Macron parlait bien de son camp, celui des riches et de leur cible, les salariés et notre jeunesse à sacrifier sur l’autel des profits et de l’argent roi !!

Les suppressions massives d’emplois dans tous les secteurs et notamment notre industrie de pointe fortement présente dans notre région est un scandale d’Etat portant atteinte à la souveraineté nationale par le démantèlement de l’appareil productif. Il en est de même de nos services publics. Notre jeunesse qui fait la queue devant la banque alimentaire et les associations pour survivre, c’est un recul de l’humanité de plus d’un siècle, c’est criminel!

Ces derniers jours, après Bosch en Aveyron, la dernière en date est T Systems à Toulouse, une filiale du groupe Deutsche Telekom , elle laisse tous les salariés sur le carreau en ne renouvelant pas son contrat avec Airbus qui de son côté, va délocaliser cette sous traitance informatique en Inde ! Chaque jour, un article de presse relate les mauvais coups envers les salariés en Haute-Garonne et plus largement en Occitanie.

STOP, la résistance, la contre offensive et la gagne sont entre les mains des salariés, il n’y a pas d’alternative!

La CGT visible, convaincue et convaincante, qui leur parle haut et clair est leur force et leur outil commun. C’est et c’est vendredi à Toulouse!!

A la CGT 31, nous avons décidé de faire de l’année 2021, l’année de l’emploi et de tous les droits et combats qui s’y rattachent (salaires, 32 heures , droits sociaux….). Chaque jour, un secteur se mobilise sur cette question et bien d’autres. IL faut amplifier le mouvement en ancrant la lutte dans toutes les entreprises et services publics !

Ce vendredi Macron vient à Toulouse et doit se rendre au Centre national d’études spatiales sur la matinée.

APPEL, vendredi 12 Mars, rassemblement à partir de 10H
entrée de la Fac Paul Sabatier (métro université)

Le bureau de l’UD CGT 31″

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Militarisme: la France réalise le premier exercice militaire spatial européen

La France contribue à la tendance à la guerre, et en premier lieu dans l’espace.

La militarisation de l’espace est un aspect essentiel de la tendance à la guerre. Et la France est au premier rang ici avec un exercice militaire spatial, le premier d’un pays de l’Union européenne. L’exercice a été présenté comme suit :

« Piloté par le Commandement de l’espace (CDE) de l’armée de l’Air et de l’Espace (AAE), cet exercice tactique et opératif d’entraînement aux opérations spatiales militaires se déroule au Centre national d’études spatiales (CNES) à Toulouse.

AsterX rassemble une cinquantaine de participants dont les experts opérationnels des différentes unités du CDE : le Centre de commandement et de contrôle des opérations spatiales (C3OS) de Paris, le Centre militaire d’observation par satellite (CMOS) de Creil, et le Centre opérationnel de surveillance militaire des objets spatiaux (COSMOS) de Lyon. »

Le nom ridicule de l’exercice, qui vise à le rendre « sympathique » par la référence à la bande dessinée Astérix avec ses Gaulois beaufs, fait également référence au premier satellite français, Astérix, lancé en 1965. Ce nom choisi en 1965 fut choisi pour masquer le nom initial, A-1, pour Armée-1.

Le satellite Astérix n’avait en effet qu’une seule fonction : fournir des données sur son lanceur mis en place par le Centre interarmées d’essais d’engins spéciaux. On est ici dans le développement des missiles balistiques inter-continentaux, en parallèle avec la recherche spatiale, l’un n’allant pas sans l’autre.

Désormais les choses sont encore plus ouvertement assumées. Le colonel Christophe Michel, directeur de l’exercice « AsterX 2021 », a harangué ses troupes lors de l’inauguration de l’exercice, qui dure du 8 au 12 mars 2021, en concluant de la manière suivante :

« Vous êtes des combattants du spatial. »

C’est totalement fou : les militaires présentent ouvertement leur bellicisme et il n’existe strictement aucune opposition à ce niveau. Cet exercice est d’ailleurs un vrai wargame. Les quatre jours d’exercices résument quatre semaine de bataille spatiale, avec 10 000 objets spatiaux, 5 applicatifs opérationnels,18 événements spatiaux.

Il n’est nul besoin de préciser que la principale cible d’un tel wargame est la Russie. Officiellement, ce n’est pas dit tel quel :

« Le scénario spécialement imaginé va s’intensifier : sur un continent fictif, une crise géopolitique prend progressivement de l’ampleur entre deux régions. L’objectif : surveiller l’activité et répondre aux possibles attaques spatiales. »

Sauf que dans le scénario, la France n’est pas l’une de ces deux régions : elle a une alliance avec l’un des deux protagonistes et intervient pour l’épauler. D’où on l’aura compris la présence de représentants de l’armée américaine – de la Space Force mise en place par Donald Trump – pour assister au wargame, avec à l’arrière-plan la ligne du nouveau président américain Joe Biden de briser la Russie avant de s’attaquer à la Chine. Des représentants allemands sont également présents.

D’ailleurs, le Commandement de l’espace de l’armée de l’Air et de l’Espace – c’est le nom officiel depuis 2020 – centralise ses forces à Toulouse, lieu du wargame, et dans cette même ville va s’installer dans les deux ans le Centre d’excellence de l’OTAN pour le domaine spatial. C’est là une chose inacceptable et ce serait un suicide de la Gauche que de ne pas combattre la mise en place d’un tel centre.

Et il n’est guère difficile de deviner ce qui se trame : il y a la volonté d’affronter la Russie dans des domaines bien précis. Il faut également se rappeler de la récente provocation militaire française dans la région de la mer noire. Tout se tend de plus en plus et la France est en première ligne dans la militarisation, dans la mise en place des perspectives concrètes de guerre.

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1 830 milliards de dollars de dépenses en armement en 2020

La crise n’a pas freiné du tout la poursuite de la course aux armements, bien au contraire.

Les dépenses en armement avaient atteint 1,85 % du PIB mondial en 2019, en 2020 cela a consisté en 2,08 % du PIB mondial. Naturellement, le PIB mondial s’est contracté avec l’ouverture de la crise, alors il faut regarder les chiffres eux-mêmes. On voit alors qu’on a 1 830 milliards de dollars de dépenses militaires, soit… 3,9 % de plus que l’année précédente. La folie continue.

C’est il est vrai une croissance moindre qu’entre 2018 et 2019, avec 4,4 %, mais cela n’est qu’un très léger ralentissement de la croissance des dépenses militaires. Mais cela ne change rien au fond et même, l’explosion des tensions aboutit au même phénomène qu’avant les première et deuxième guerres mondiales. Chaque protagoniste cherche à ne pas présenter toutes ses cartes.

Concrètement, on doit en fait considérer qu’il y a une accélération de ces dépenses, en sachant qu’il est très difficile d’en cerner les contours. Si du côté américain, les 738 milliards de dollars de dépenses sont relativement clairs, bien qu’une partie soit clairement opaque, c’est encore plus vrai pour la Chine. Celle-ci dépenses officiellement 193,3 milliards de dollars en 2020 pour les affaires militaires, mais c’est en réalité davantage. Une bonne partie est maquillée.

Cela est vrai d’ailleurs pour tout le monde. Il ne s’agit pas seulement du fait que le complexe militaro-industriel concerne parfois des productions en apparence purement civiles, comme c’est flagrant en Chine. Il s’agit surtout du fait que la guerre du 21e siècle implique un haut degré de professionnalisation et un très haut niveau de technologie.

Ce qui fait que les entreprises travaillant sur l’intelligence artificielle ou les systèmes autonomes ne peuvent aujourd’hui pas travailler avec l’armée, tout en étant intégrées à long terme dans les stratégies militaires. La guerre au Nagorny-Karabagh, avec son emploi stratégique de drones, est un exemple de comment, à un moment donné, l’armée choisit de systématiser une nouvelle option.

Il y a également un autre aspect qui compte, celui de la disponibilité matérielle de ce dont a besoin le complexe militaro-industriel. En apparence, les dépenses militaires françaises (55 milliards de dollars), britanniques (61,5 milliards de dollars), allemandes (51,3 milliards de dollars) et russes (60,6 milliards de dollars) sont sensiblement les mêmes. En pratique, les dépenses russes sont dans leur nature proportionnellement supérieurs, de par l’écosystème monopoliste et les matières premières disponibles, ainsi que des salaires moins élevés.

Cela ne change rien au fait qu’on est sensiblement au même niveau ici et qu’on a d’un côté l’ogre américain, de l’autre la Chine cherchant à lui prendre sa place de superpuissance hégémonique, mais encore très loin derrière. Puis, on a une série de pays puissants, prêts à en découdre, mais obligés d’établir des alliances dans tous les cas. D’ailleurs, les pays européens de l’OTAN sont en moyenne passées de 1,25 % du PIB en 2014 pour les dépenses militaires à 1,64 % du PIB en 2020. L’objectif est de généraliser les 2%.

On a donc une généralisation du militarisme, un approfondissement, une systématisation. C’est la marche à la guerre.

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Vers la guerre contre la Russie

La Chine d’accord, la Russie d’abord : telle est la ligne américaine désormais et la France est de la partie.

Le grand problème des guerres entre grandes puissances, c’est la démagogie qui va avec. La France prétendait lutter en 1914 contre le « militarisme » allemand et après ce serait la paix pour tous, la guerre serait la dernière des guerres, puisqu’il n’y aurait plus de militarisme. L’Allemagne prétendait lutter contre la barbarie tsariste. Et ainsi de suite.

Les choses n’ont pas changé. La propagande est immense contre la Russie, la Chine et la Turquie. Il s’agit de pays dont les régimes sont critiquables, bien entendu, mais cela n’est ici que le prétexte pour la guerre. Si demain l’armée professionnalisée française rentrait dans un petit conflit avec la Turquie, l’appui nationaliste serait immense ! Si demain il y avait une mobilisation contre la Russie, cela serait présenté comme avec l’objectif de « pacifier » l’Europe !

Et la tension monte. Si Donald Trump représentait la ligne du cavalier seul américain contre la Chine, Joe Biden représente la ligne de l’alliance occidentale contre la Russie. Joe Biden vient ainsi d’affirmer que :

« Les États-Unis n’acceptent pas et n’accepteront jamais la prétendue annexion de la péninsule, et nous nous tiendrons aux côtés de l’Ukraine contre les actions agressives de la Russie »

L’annexion est effectivement illégale aux yeux du droit international, même si historiquement la Crimée n’a rien d’ukrainienne. Il est juste de demander le retrait russe. Mais il est évident que c’est là un prétexte. Depuis l’élection de Joe Biden à la présidence américaine, l’offensive propagandiste anti-russe ne cesse pas. Mi-février, l’État estonien a publié une longue analyse dénonçant la Russie, mais aussi la Chine ; il est dit que :

« Toute la population mondiale hors de la Russie est une cible potentielle [des opérations de guerre psychologique montées par la Russie]. »

Il est également dit que grosso modo c’est le moment : l’économie russe a profondément reculé avec la crise, le régime est instable ! D’où la présence de diplomates de l’Union européenne aux manifestations en faveur de l’opposant Alexeï Navalny à Moscou, au début février. Ceux-ci ont été expulsés.

D’où le survol le 17 février 2021 de la mer Noire par la France, au moyen d’un ravitailleur KC-135 et de deux Mirage 2000, une nacelle ASTAC déployée pour établir une cartographie des éléments électromagnétiques… Provoquant une interception russe pour faire repartir les avions concernés.

D’où, également, la présence d’une unité d’artillerie de l’armée américaine en mars en France pour des exercices au camp de Canjuers, dans le cadre d’un exercice avec le  93e régiment d’artillerie de montagne. Ce camp est le plus grand champ en tir d’Europe de l’Ouest, où l’obus BONUS Mk 2 va être présenté.

De tels événements sont extrêmement graves, naturellement. C’est l’expression de la tendance à la guerre, poussée par la crise. Et la France est en première ligne. Elle veut sa part du gâteau dans le repartage du monde. Seuls ceux qui croient en le capitalisme peuvent prétendre qu’on ne va pas inéluctablement à la guerre (à moins qu’un immense mouvement de masse l’en empêche).

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Le fonds européen de Défense (FED) 2021-2027

Le fonds européen de Défense (FED) vise à renforcer la cohésion militaire européenne, avec comme cible la Russie.

Il n’existe pas d’alliance européenne dans le domaine militaire, en raison des intérêts trop divers des différents pays. Cela fait qu’il y a 178 systèmes d’armes différents, 17 types de char différents, etc.

Mais il y a des rapprochements très nets, avec un bloc Allemagne – Espagne – France, par exemple, ce qui implique à l’arrière-plan les Pays-Bas et l’Autriche, voire la Suède.

L’Autriche est un satellite allemand devant se concentrer sur l’espionnage, il y a déjà un corps d’armée germano-hollandais, le consortium germano-néerlandais ARTEC, deux brigades néerlandaises sous commandement allemand, un bataillon de marine allemand sous commandement néerlandais, un projet de frégate de défense aérienne germano-néerlandais, alors qu’il y a déjà une brigade franco-allemande, un escadron de C-130J Hercules franco-allemand, le Système de combat aérien du futur franco-allemand, le char de combat Main Ground Combat System et la patrouille maritime Airborne Warfare Systems franco-allemand, etc.

Tout cela est cependant dépendant d’initiatives bilatérales, ou trilatérales. Mais désormais, en 2021, il y a pour la première fois un fonds européen de Défense (FED), dont le budget est prévu pour jusqu’à 2027.

Ce budget n’est guère élevé ; il est de huit milliards d’euros. Néanmoins, il a une fonction technique et idéologique. Les fonds visent en effet un tiers à la recherche, le reste à des projets concrets, avec comme but de rendre cohérent les activités industrielles militaires européennes d’une part, à renforcer l’interopérabilité des systèmes de défense d’autre part. Ce n’est donc pas rien, puisque cela vise à uniformiser les efforts militaires.

Il y a ainsi déjà le projet de « European Patrol Corvette », une corvette pour la Méditerranée, lancé par la France et l’Italie, rejoints par l’Espagne et la Grèce, qui est concerné par la FED. Il faut pourtant voir un arrière-plan plus marqué par l’hostilité, car il est également absolument clair que l’ennemi désigné par le FED est la Russie.

En effet, les critères pour disposer d’un soutien de la FED sont bien délimités. Il faut au moins trois États membres, mais également l’accord des 27 membres de l’Union européenne… et que cela se passe en particulier dans la coopération avec les pays membres de l’OTAN. On change ici de niveau et on est déjà dans une optique de coordination dans le sens de l’affrontement.

On saisit facilement l’idée : autant les pays européens ne sont guère motivés pour se confronter à la Chine, autant l’idée de faire tomber la Russie, dont ils sont proches géographiquement, est bien plus tentant. C’est d’ailleurs la ligne de Joe Biden que de faire tomber d’abord la Russie, ensuite la Chine.

On comprend que les commentateurs bourgeois des questions militaires parlent de la décennie de tous les dangers. La guerre pour le repartage du monde est une réalité à venir tout à fait claire.

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Warfighter 21-4 : début d’un wargame français, britannique et américain

« Warfighter 21-4 » sera un wargame commun aux forces militaires françaises, britanniques et américaines en avril 2021.

Le programme Warfighter – combattant de guerre – est américain à la base ; il vise à combiner les forces au niveau opérationnel. Il s’est élargi à des entraînements stratégiques au niveau dit interalliés.

La France, la Grande-Bretagne et les États-Unis vont ainsi mener en 2021, 2023 et 2025 des manœuvres militaires communes, qui seront en partie virtuelles. En fait, il y aura des forces impliquées, mais surtout un nombre important de forces virtuelles et l’équipe dirigeante va réaliser un wargame mêlant tout cela, pour s’entraîner à agir de manière coordonnée au niveau de la direction.

Il ne s’agit pas de quelques manœuvres où les troupes s’habituent à se connaître. Là, on est au plus haut niveau, celui du commandement.

Cela s’inscrit, du côté du haut commandement français, dans la perspective d’une guerre dite de haute intensité à l’horizon 2030, conceptualisée dans la « vision stratégique » intitulée « Supériorité opérationnelle 2030 », définie par le chef d’état-major de l’Armée de terre Thierry Burkhard.

Le général de brigade Michel Delion, directeur du centre de doctrine et d’enseignement du commandement, a rappelé le fondement de cette ligne lors d’un séminaire sur le web tenu par une entité liée à l’armée américaine, en cette fin d’année 2020 :

« l’émergence d’un conflit symétrique est désormais une hypothèse crédible »

Pour dire les choses plus directement, la France, la Grande-Bretagne et les États-Unis forment une alliance militaire, puisque ces pays œuvrent en perspective de 2030 à disposer d’une interopérabilité majeure.

L’idée, c’est d’être en mesure de faire une guerre « ensemble » en 2030. Pour cela, il y a les wargames et puis les échanges concrets pour mettre en place des dispositifs communs efficaces.

Il y a ainsi un échange de personnel mis en place, avec le général de brigade américain Todd Wasmund nommé début 2020 général adjoint opérations de la 3e division française, basée à Marseille (avec 25 régiments, 4 états-majors et une école), alors que son équivalent français Hubert Cottereau est aux États-Unis avec le même poste pour une division américaine, en Géorgie.

Cette 3e division française sera au côté d’un autre division française, la première (il n’y en a pas de seconde division!), pour participer aux manœuvres dans le cadre du wargame, avec la 1ère division blindée américaine et de la 3e division britannique. En 2021 les Américains superviseront le tout depuis Fort Hood au Texas ; en 2023 ce seront les Britanniques aux commandes et en 2025 les Français.

Les ennemis, qui ne sont pas nommés, ce sont bien entendu la Russie et la Chine.

Il y a notamment déjà eu un Warfighter américano-lituanien et on voit déjà le scénario se profiler : des heurts dans les pays baltes et la Russie se voit accuser d’interférence et le tour est joué. La Suède vient d’ailleurs d’augmenter son budget militaire de… 40%. Quant à la Pologne, elle a repris sa position fanatiquement anti-russe des années 1920-1930 (dans une reprise du 17e siècle, les Polonais prenant Moscou en 1610 et tentant de placer un Tsar qui leur soit soumis).

En ce qui concerne la Chine, les États-Unis viennent également de formuler un papier stratégique concernant l’US Navy, les Marines et les garde-côtes, où il est dit que face à la Chine désormais il fallait «accepter des risques tactiques calculés et adopter une posture plus affirmée lors des opérations quotidiennes».

On marche à la guerre de manière littéralement ouverte. Et la France s’embarque avec la superpuissance américaine.

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Une partie de l’opinion publique française valide d’aller à la guerre

Une partie des gens en France assume de manière cynique de vivre dans un pays qui est une grande puissance. La guerre leur semble un moindre mal pour conserver leurs privilèges.

« La France dispose avec son système de forces de présence et de souveraineté d’un outil militaire global unique au monde participant à son influence mondiale. Le prépositionnement de ces forces est un atout pour la France dans la mesure où il permet une réaction rapide en cas de menace pour les intérêts de la France. »

La France est une grande puissance, avec des entreprises qui font partie des géants du capitalisme à l’échelle mondiale. Ses forces armées sont importantes et surtout s’appuient sur une technologie extrêmement avancée. C’est un outil pour maintenir la position française dans le monde, aux dépens d’autres pays, notamment avec des bases militaires à travers le monde. Cela est connu de tous dans notre pays et c’est accepté, même sans le dire. D’ailleurs, la citation ci-dessus faisant l’éloge de l’armée française est de Bastien Lachaud, un député La France Insoumise. Il est membre de la commission de la défense nationale et des forces armées et exprimait son inquiétude devant les capacités militaires de la France à intervenir si nécessaire.

C’est un excellent exemple de social-chauvinisme, parce que le nationalisme et le militarisme sont largement partagés dans la population française. Les Français détestent le nationalisme et le militarisme, au quotidien. Mais si jamais les intérêts sont menacés, le nationalisme et le militarisme sont tout de suite acceptés. Il suffit de penser à 1914, où du jour au lendemain tous les opposants à la guerre se sont précipités dans le soutien à la guerre. Naturellement, cela dépend ce qu’on appelle intérêts. Comme l’a expliqué Anatole France dans une lettre écrite au quotidien l’Humanité en 1922, on croit mourir pour la patrie ; on meurt pour des industriels.

Il y a également ce bon mot de Paul Valéry :

« La guerre, c’est le massacre de gens qui ne se connaissent pas, au profit de gens qui se connaissent et ne se massacrent pas. » 

Avec la crise et le ralentissement de l’économie, les propos se lâchent comme jamais en faveur de l’interventionnisme français. Il faudrait être offensif pour maintenir son rang. Il faudrait aller donner une leçon aux Turcs. Il faudrait soutenir les Américains dans leur volonté de mettre les Chinois au pas. Il faudrait mettre les Russes hors d’état de nuire. Pour cela, il faut plus de moyens pour l’armée, il faut davantage de reconnaissance pour les soldats. Il faut surtout plus de vulgarité, plus de haine, plus d’agressivité, plus de dénonciations.

Une partie de l’opinion publique française valide d’aller à la guerre. Si on ajoute la partie qui n’est pas contre, celle qui n’a conscience de rien, on peut terriblement s’inquiéter. Il suffit de voir comment la Gauche gouvernementale, au Sénat, a voté avec la Droite au sujet du Karabagh pour voir que l’interventionnisme français est très largement accepté, qu’il a l’hégémonie dans le pays. Il suffirait de quelques tensions et d’un front de plusieurs pays pour rétablir un pseudo ordre pour que l’opinion publique accepte la situation. Et encore ce n’est-il même pas vrai en ce qui concerne la Turquie. Le chauvinisme a été si bien mis en avant ces derniers mois que s’il y a une guerre franco-turque, l’opinion publique soutiendrait l’armée sous prétexte de rejeter le sultan Erdoğan.

La guerre franco-turque est d’ailleurs peut-être la menace la plus directe qui pèse sur la paix en ce qui concerne la France. Il y a une montée en puissance du militarisme et la Turquie est un adversaire de taille comparable mais largement en retard dans le domaine technique. Une victoire française serait utile pour gagner l’opinion publique, pour pousser au militarisme, pour donner un élan. On ne saurait sous-estimer de tels calculs cyniques qui existent forcément chez les militaires.

La menace est réelle, la situation gagne chaque jour en tension. La France va à la guerre… il faut la stopper!

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Dénonçons les dix auteurs de science-fiction rejoignant la « Red Team » de l’armée française

L’armée française cherche à s’améliorer pour écraser la révolte et mener ses guerres en engageant dix auteurs de science-fiction.

Les véritables auteurs de science-fiction ont toujours été opposés aux guerres ; leurs œuvres établissaient un chemin vers l’utopie, vers la fusion de l’humanité en une seule communauté mondiale, pacifiée, se tournant vers l’exploration spatiale dans des buts scientifiques. Avec la corruption et la décadence propre au capitalisme, il y a eu au fur et à mesure des gens qui se sont vendus et ont cherché à refléter la vision du monde dominante.

L’exemple le plus connu est Star Wars, un space opéra s’appuyant non seulement sur des chevaliers et non plus sur l’histoire de l’humanité en général, mais reflétant qui plus est directement la vision du monde américaine : d’un côté une société composée de gens très différents, fonctionnant par intuition, de l’autre une société organisée et planifiée. C’était l’allégorie du monde libre, États-Unis en tête, face au Communisme.

Et au même moment, les États-Unis avaient avec Ronald Reagan utilisés certains auteurs de science-fiction opportunistes pour des travaux d’anticipation, dont le très prolixe paléoconservateur Jerry Pournelle, au cœur de la démarche et théoricien de la guerre des étoiles pour l’armée américaine, mais également Robert A. Henlein (Starship Troopers), Poul Anderson (La Patrouille du temps), Larry Niven (L’Anneau-Monde).

Dix auteurs ont décidé de faire encore pareils et de travailler directement pour l’armée française. Ce faisant, ils se comportent comme des renégats, des traîtres à la Culture et à la tradition de la science-fiction, de l’anticipation, tournée vers l’Utopie. Cela étant ils montrent au moins qu’en agissant ainsi ils sont dans l’esprit réactionnaire de la littérature de Fantasy et tout ce qu’ils apporteront sera vain, car délirant, subjectiviste, fantasmagorique.

On ne peut pas écrire Star Trek et contribuer à la guerre, on peut écrire Dune ou encore Conan le barbare et le faire mais cela sera délirant. Le directeur de l’Agence de l’Innovation de Défense Emmanuel Chiva a demandé aux auteurs de «percer le mur de l’imagination», il ne sera pas déçu : seuls des décadents tournés vers la Fantasy peuvent aider l’armée à faire la guerre et écraser des révoltes. On ne peut pas être un auteur de science-fiction – au sens d’anticipation et non pas de Fantasy – et ne pas être de gauche ! L’avenir, c’est la Gauche, la réaction, c’est la Droite !

Le symbole d’auteurs se revendiquant de la science-fiction et aidant l’armée française est en tout cas écœurant. Il y a même eu 600 candidatures. 600 personnes prêtes à aider l’armée pour les guerres… mais aussi pour préparer à la liquidation des futures rébellions en France. 600 personnes dont on sait déjà dans quel camp ils seront à la prochaine révolte… Que les auteurs choisis doivent d’ailleurs anticiper.

Pour la première saison, ils doivent par exemple déjà imaginer comment des « pirates » anti-occidentaux et une nation-pirate avec comme devise « Fraternité Liberté Biodiversité » pourraient opérer – c’est-à-dire comment des gens n’ayant rien matériellement peuvent concrètement chercher à affronter une armée classique. C’est là dans la grande tradition contre-insurrectionnelle française ou encore celle de la contre-guérilla de la School of Americas.

Il s’agit d’aider l’armée – par définition avec des décideurs bornés, réactionnaires, traditionalistes – à s’adapter plus facilement à une rébellion par définition pleine d’initiatives, au moyen de scénarios préparatoires. Voici la présentation officielle de la Red Team :

« Conception et restitution de scénarios de disruption opérationnelle, technologique ou organisationnelle au profit de l’innovation de Défense (Red Team)

Le projet de marché ‘Red Team’ vise à concevoir et restituer des scénarios d’adversité et de menaces à l’horizon 2030 à 2060, dans les domaines opérationnel, technologique ou organisationnel au profit de l’innovation de Défense. Il permet dans ce cadre de réunir et animer un collège de prospectivistes sous l’égide de l’Agence de l’Innovation de Défense, l’État-Major des Armées, la Direction Générale de l’Armement et la Direction Générale des Relations Internationales et de la Stratégie dans le but d’imaginer et d’éclairer les conflits futurs.

À ce titre le marché Red Team nécessite :

– la composition et l’organisation d’une équipe projet (auteur(e)s et scénaristes de science-fiction) ;

– la conception spécifique de travaux prospectifs ;

– la restitution de travaux prospectifs. Les prestations et fournitures du marché se répartissent par  » saisons  » couvrant chacune une période de 12 mois. La première saison, appelée  » saison 0 « , ne couvrira qu’une période pouvant aller jusqu’à 8 mois. Il est prévu 4 saisons au marché (saison 0, 1, 2 et 3).

Voici la liste des auteurs payés par l’armée pour participer à cette « Red Team », notons au passage que c’est un nom ridicule de par son côté anglophone et que l’utilisation de la couleur rouge de la révolution est une sorte de provocation :

  • le scénariste Xavier Dorison (Les brigades du tigre, Undertaker, Long John Silver) ; 
  • l’écrivain Laurent Genefort (Omale) ; 
  • l’écrivain et directrice de recherche au CNRS en science-politique et en sociologie de l’innovation Virginie Tournay (Civilisation 0.0) ; 
  • l’écrivain Xavier Mauméjean (Les Mémoires de l’Homme-ÉléphantLa Vénus anatomique) ; 
  • l’écrivain Romain Lucazeau (Latium) qui travaille également pour le think tank patronal L’Institut de l’entreprise ;
  • l’écrivain Hervé Albertazzi dit DOA (Pukhtu, Citoyens clandestins) ;
  • le dessinateur et scénographe François Schuiten (Les cités obscures, Terres creuses) ;
  • l’étudiante en design d’interaction Jeanne Bregeon ;
  • les écrivains Capitaine Numericus et Hermes, qui ont préféré l’anonymat car ils ont compris qu’ils allaient tous être dénoncés pour leurs activités.

Laurent Genefort et Romain Lucazeau ont accordé une interview à la revue Le Point, qu’on sait très marqué à Droite ; ils expliquent que les militaires sont ouverts, que le milieu de la Science-Fiction n’existe pas, que faire des choses différentes c’est sympa, qu’ils œuvrent à l’intérêt général. On est là au degré zéro de l’intelligence ou au maximum de l’hypocrisie. Et, en tout cas, dans un positionnement totalement pro-guerre et anti-populaire. Voici deux heures de présentation très détaillée du travail de la Red Team, de la nature des scénarios (par exemple à 42:45, 1:20:20 et 1:27:30), et on voit très bien le soutien fait à la modernisation de la guerre.

Une telle Red Team n’aurait pas pu exister il y a encore quelques années. Il a fallu tout un lessivage de la société pour qu’une telle chose existe, pour que des auteurs de science-fiction osent se positionner en faveur de l’armée, de sa modernisation, de ses scénarios de guerre et de contre-rébellion ! Cela en dit long sur le changement d’époque… et sur ce qu’il y a à mener comme travail dans la bataille des idées, la bataille pour la Culture !

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Les États-Unis parlent ouvertement de leur prochain conflit avec la Chine

Deux des plus hauts responsables américains, chef d’État-major et celui du Renseignement, ont affirmé le caractère central de l’affrontement avec la Chine.

Même si Donald Trump n’a pas été réélu, ce qu’il a mis en place quant à la question chinoise reste en place, parce que c’est une tendance de fond. La superpuissance américaine veut maintenir son hégémonie, la Chine veut prendre sa place à moyen terme. Les États-Unis n’attendront pas la situation d’équilibre, la Chine n’attendra pas d’être bousculée par les États-Unis. La rivalité pousse à la guerre et entraîne avec elle le reste du monde, de toutes façons également travaillée par une sortie de crise par le militarisme.

Le directeur du Renseignement national américain John Ratcliffe vient de publier une tribune dans le Wall Street Journal où il explique que :

 « La République populaire de Chine représente la plus grande menace pour l’Amérique aujourd’hui, et la plus grande menace pour la démocratie et la liberté dans le monde depuis la Seconde Guerre mondiale » 

« Pékin entend dominer les États-Unis et le reste de la planète sur les plans économique, militaire et technologique. Beaucoup des initiatives publiques majeures et les entreprises les plus en avant de la Chine n’offrent qu’une couche de camouflage au activités du Parti Communiste Chinois. »

« Pour faire face à ces menaces [d’espionnage chinois et de tentatives d’influence], j’ai dispatché des ressources à l’intérieur du budget annuel de 85 milliards de dollars du Renseignement afin d’augmenter l’orientation sur la Chine. Ce déplacement doit continuer pour assurer que le Renseignement américain a les ressources dont il a besoin pour fournir aux décideurs un aperçu non manipulé des intentions et des activités de la Chine. »

Et dans un timing convergent, le chef d’état-major de l’armée américaine Mark Milley vient de profiter d’un forum sur la Défense à l’institut naval américain pour raconter que :

 « Le défi existentiel va être la Chine. »

« Je pense que la Chine est le défi principal à la sécurité nationale américaine pour les prochaines 50-100 années. Je pense qu’un historien en 2119 se retournera vers ce siècle et écrira un livre et que le thème central de ce qu’il racontera sera le rapport entre les États-Unis et la Chine. »

 « La Chine améliore son armée très, très rapidement – dans l’espace, dans l’air, dans le cyber, sur la mer et sur la terre. »

« Ils nous dépassent dans la recherche et le développement et la mise en place. »

« Nous, les États-Unis, devons faire en sorte de ne pas perdre les avantages dont nous disposons comparé aux autres pays, en particulier en ce qui concerne la Chine. »

Il a alors expliqué qu’il fallait faire deux choses : augmenter de manière significative le budget de la marine, ce qui est déjà prévu, ainsi que généraliser la modernisation militaire en structurant des petites unités technologiquement avancées :

« On peut localiser, suivre, identifier et si on peut voir, maintenant que l’on a des armements de précision de longue portée, on peut frapper. C’est fondamental et ça a un énorme effet sur l’avenir du combat »

« Des troupes plus petites, réparties largement dans le monde et très difficile à détecter seront la clé de l’avenir militaire »

« Si vous mettez l’intelligence artificielle et si vous réalisez le travail en équipe homme-machine, si vous ajoutez cela à la robotique, placez des munitions précises et la capacités à percevoir et voir, lancez quelques armes hypersoniques et alors vous avez un glissement fondamental. »

Ce général américain est en fait un spécialiste des modalités de la guerre ; il a obtenu son premier diplôme pour une thèse de quasiment deux cent pages sur la théorie et la pratique des guérillas des organisations révolutionnaires. Il a mis en place des tests de condition physique, insiste sur la disponibilité concrète des troupes, a créé des brigades d’assistance aux forces de sécurité, joue un rôle clef dans la structuration de l’United States Army Futures Command qui s’occupe d’une vaste modernisation de l’armée américaine à tous les niveaux dans le cadre du complexe militaro-industriel américain.

L’intégration des différents niveaux d’opération est l’obsession américaine pour la prochaine guerre

La Chambre des représentants vient également de rendre plus difficile les cotations d’entreprises étrangères aux États-Unis ; officiellement c’est pour forcer les entreprises chinoises à être transparentes, mais en réalité c’est pour accélérer le découplage sino-américain. Donald Trump a également fait passer une loi pour qu’à partir de début janvier les Américains ne puissent plus investir dans des entreprises considérées comme soutenant la modernisation de l’armée chinoise. Et la Chine vient de passer premier partenaire de l’Union européenne, dépassant les États-Unis. L’Union européenne était déjà le premier partenaire commercial de la Chine depuis 2004.

Le contexte est très clairement celui d’une marche à la guerre. Même la radio France Culture peut réaliser, comme début novembre 2020, une émission pour présenter les choses ainsi. On va à la catastrophe et les peuples du monde doivent s’unir pour affirmer la paix ! S’opposer à la guerre est un défi terrible qui se pose devant nous comme responsabilité immense !

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Le chef d’état-major de la Marine parle au Japon du «comportement conquérant» de la Chine

En visite au Japon, l’amiral Pierre Vandier a contribué à la montée en puissance du militarisme en expliquant ouvertement que l’ennemi, c’est la Chine.

L’Amiral Pierre Vandier, chef d’état-major de la marine depuis septembre 2020, avait immédiatement déjà prévenu les futurs officiers de l’École navale :

« Aujourd’hui, vous entrez dans une marine qui va probablement connaître le feu à la mer, vous devez vous y préparer ! »

Quant à savoir contre qui, c’est facile de le savoir, puisqu’il mentionne toute une série de pays lors de son audition parlementaire quant au projet de loi de finances pour 2021 : la Turquie, la Russie, la Chine.

« Depuis le début des années 2010, on voit clairement apparaître une nouvelle donne caractérisée par plusieurs phénomènes. Tout d’abord, un blocage institutionnel du multilatéralisme. Au moins trois des cinq pays qui siègent au Conseil de sécurité comme membres permanents bloquent de fait régulièrement le fonctionnement de l’ONU. Actuellement, il n’est plus possible d’espérer une résolution commune pour régler un conflit. C’est le temps des politiques du fait accompli et la crise de la Crimée en 2014 en est une illustration flagrante.

C’est aussi le temps de la remise en cause des traités internationaux, comme celui relatif aux forces nucléaires intermédiaires ou la pause dans le traité relatif aux forces conventionnelles en Europe – traité très important de sécurité collective. On observe aussi, de façon rampante, une contestation de la convention de Montego Bay sur le droit de la mer un peu partout dans le monde.

Le code de bonne conduite entre nations n’est plus toujours respecté : on fortifie des îlots à peine émergés pour en faire des bases militaires, on prospecte sans vergogne dans la ZEE du pays voisin, on pille les ressources halieutiques partout où les espaces ne sont pas défendus.

Dans ce paysage géopolitique, le fait marquant est la remilitarisation massive de la mer. La Chine a passé quatre siècles isolée derrière sa muraille. En 2015, son livre blanc annonçait déjà le grand retour du domaine maritime dans son développement futur. Le retour de la Chine dans le monde maritime est d’abord économique. Ce sont, par exemple, les nouvelles routes de la soie qui vont jusqu’en Europe, jusqu’au port du Pirée.

Du point de vue militaire, la Chine s’est réarmée à cadence élevée à partir des années 2010. Certains classements placent désormais la marine chinoise en tête, devant l’US Navy, si l’on considère le nombre de plateformes de l’une et l’autre. La Marine chinoise dispose dorénavant d’une dissuasion nucléaire océanique, elle lancera son troisième porte-avions d’ici la fin de l’année, et annonce le développement d’une version navalisée de son avion de chasse de dernière génération J-20. Il ne se passe pas une semaine sans qu’on apprenne le développement de nouvelles armes chinoises dans tous les secteurs du combat naval.

Quant à la Russie, elle opère également un grand retour avec une nouvelle génération de sous-marins nucléaires d’attaque très performants, le développement du missile hypersonique Zirkon et la diffusion des missiles de croisière de la famille Kalibr. Elle procède à des démonstrations de force très régulières, notamment en Méditerranée orientale et à des investissements lourds sur la base militaire de Tartous en Syrie et dans des bases arctiques à partir desquelles les navires russes se déploient.

Plus proche de nous, la marine turque compte douze sous-marins diesel de construction allemande de très bon niveau, discrets, dont le rayon d’action est relativement faible mais suffisant pour protéger efficacement les intérêts turcs dans la région. C’est aussi une marine de surface efficace, avec une trentaine de bâtiments dont douze frégates de premier rang – le format de la France est de quinze frégates – et une trentaine de patrouilleurs lance-missiles. »

Il va de soi que la France participera à une alliance militaire dans son intervention, même si contre la Turquie ce ne sera pas forcément le cas. Voilà pourquoi il faut donner des gages et c’est ce qu’a fait l’Amiral Pierre Vandier lors de sa visite au Japon où il a rencontré le ministre de la Défense Nobuo Kishi, ainsi que les responsables de la marine japonaise.

Le chef d’état-major de la marine française a parlé du «comportement conquérant» de la Chine, il a dit que la pression chinoise inquiétait, que le rapport de forces était bouleversé, que «la Chine a un comportement très affirmatif, très conquérant en termes d’eaux territoriales», qu’à ses yeux « il y a une grande communauté de vues entre les autorités japonaises et nous sur la politique indo-pacifique », etc.

Il a en ce sens souligné l’importance du multilatéralisme, allusion au bloc anti-chinois de l’Inde, du Vietnam, de l’Indonésie, de l’Australie, des Phillipines, du Japon. Il faut savoir ici que Pierre Vandier a publié La Dissuasion au troisième âge nucléaire où il affirme que :

«Peu à peu, la mer de Chine devient une mare nostrum chinois qu’il sera de plus en plus difficile de contester.»

On est ici pleinement dans la tendance à la guerre et l’amiral ne s’en cache même pas. On est ici dans l’installation des alliances, dans la préparation de l’opinion publique, dans la mise en place d’un engrenage qu’il sera toujours plus impossible de stopper. La marche à la guerre a été lancée pour sortir de la crise : seule les masses mondiales levant le drapeau rouge de la démocratie pour et par le peuple peut empêcher la conflagration, la stopper si elle se produit.

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Le Sénat reconnaît la «République d’Artsakh» avec la complicité de la Gauche gouvernementale

Mercredi 25 novembre, l’État français, par la voie du Sénat, a pris une position dans la question caucasienne du Nagorno-Karabagh arménien : celle de prendre fait et cause pour le nationalisme arménien et de le soutenir dans sa fuite en avant suicidaire, en votant à la quasi-unanimité pour la reconnaissance d’une « République d’Artsakh » hors de toute réalité.

Maintenant donc que les combats ont cessé, maintenant que l’armée russe occupe le terrain et que la situation est verrouillée, gelée, les parlementaires français sortent de leur torpeur pour s’exprimer. Les sénateurs ont adopté à une écrasante majorité une résolution proposant la reconnaissance de l’indépendance de la dite « République d’Artsakh », soit ce qu’il reste du Karabagh arménien : sur 306 suffrages exprimés (pour un total de 336 sénateurs), il y a eu 305 pour, 1 contre, 30 abstentions.

Les abstentions relèvent du parti gouvernemental, LREM ; la résolution a été mise en place par la Droite et appuyée… par la Gauche ! Lancée par Bruno Retailleau (LR), la résolution a été signé par Hervé Marseille (centriste), Patrick Kanner (PS), Eliane Assassi (CRCE à majorité communiste) et Guillaume Gontard (écologiste).

C’est là une capitulation idéologique de la Gauche gouvernementale devant l’occidentalisme de la Droite. Rappelons d’ailleurs que la « République d’Artsakh » n’est officiellement reconnue par personne, même pas par l’Arménie qui pourtant la contrôle, ou plus exactement la contrôlait.

Cela signifie que cette reconnaissance symbolique s’insère dans l’interventionnisme français en Orient, sur un mode occidentaliste.

Toute la séance a été l’occasion pour de nombreux sénateurs de prononcer un discours, le plus souvent sur une ligne totalement romantique, flattant l’orientalisme français et sa vision d’une Arménie chrétienne, martyre et rempart de l’Occident face à l’Empire ottoman, etc.

On est là dans la posture, dans le délire romantique le plus absolu, d’autant que tous ces discours ne mènent littéralement à rien dans les faits pour le Karabagh et les Arméniens. Ils ont toutefois deux fonctions. La première, c’est de chercher à légitimer une guerre franco-turque.

Ensuite, ils flattent la communauté arménienne de France, en la piégeant dans son propre chauvinisme, et en la poussant toujours plus à tourner le dos aux nombreux Turcs de notre pays et à imaginer qu’ils servent, ou sauvent, ce qui reste du Karabagh arménien, alors qu’en fait pas du tout.

Le Karabagh est utilisé par l’occidentalisme, il est un prétexte. Dans les faits, ces discours accompagnent simplement l’occupation russe et le séparatisme arménien au Karabagh, en rejetant toute possibilité de vie commune entre Arméniens et Turcs et en installant les forces expansionnistes de la Russie, tout en appelant à les compléter avec une intervention européenne, surtout française.

Seul le sénateur Alain Richard – ex PSU, ex PS, désormais LREM – a eu l’intelligence de souligner l’importance du droit et la nécessité absolue de chercher une solution avec l’Azerbaïdjan, et avec la Turquie, et de s’abstenir sur cette base de voter pour cette résolution. Les sénateurs liés au PCF, au PS ou à EELV ont donc quant à eux voté en faveur de cette résolution. Quelle honte !

Il y a bien sûr la nécessité de protéger les populations civiles arméniennes du Karabagh et de garantir un cessez-le-feu effectif sur le terrain, comme le demande la résolution. Mais cela ne justifie pas tout et n’importe quoi. Cette proposition a largement été portée par la Droite, qui vise à quelque chose de politiquement très clair. Par la voix de Bruno Retailleau et de Valérie Boyer, la ligne a été fixé comme suit : considérer les Arméniens comme des « chrétiens d’Orient » pour lesquels la France aurait une obligation particulière, avec en arrière-plan toute une mythologie remontant aux traités dits des Capitulations conclues entre Soliman le Magnifique et François Ier au XVIe siècle.

En quoi est-il rationnel que la Gauche s’associe à cela ? Sauf à avouer qu’elle a en fait rien à proposer concernant l’Orient, voire l’international, ou plutôt rien de fondamentalement différent de ce que la Droite propose.

On voit là d’ailleurs à quel point l’ethno-différencialisme a contaminé la Gauche sur le plan idéologique, puisqu’on a ici une unanimité totale sur la validation de la ségrégation identitaire comme solution politique au conflit entre Arméniens du Karabagh et Azéris.

Bakkal Karabet’in ısıkları
yanms Affetmedi bu Ermeni vatanda
Kürt daǧlaranda babasının kesilmesini. 
Fakat seviyor seni, çünkü sen de affetmedin 
Bu karayı sürenleri Türk halkının alnına.

Les lampes de l’épicerie de Karapet brillent,
Le citoyen arménien n’a jamais pardonné
qu’on ait égorgé son père sur la montagne kurde.
Mais il t’aime, car toi non plus tu n’as pas pardonné
Ceux qui ont marqué cette infamie sur le front du peuple turc.

Nazim Hikmet (1901-1963)

À aucun moment il n’est fait mention dans la résolution de l’importance historique des Arméniens en Azerbaïdjan comme composante nationale, ce qui soit dit en passant valide complètement la propagande de guerre du régime raciste de Bakou. À aucun moment il n’est fait mention de la vie commune des peuples caucasiens et seul ici Alain Richard à nouveau, a pensé à rappeler que la Géorgie restait l’exemple d’un État multi-national, avec des Azéris et des Arméniens en son sein, et que cela pourrait être a minima un exemple à suivre…

Aucun mot aussi sur les contradictions que traversent l’Azerbaïdjan, qui n’a pas encore osé publier le bilan officiel de ses pertes humaines, et qui n’est d’ailleurs pas parvenu à atteindre fondamentalement son objectif de reconquête. Pire encore, ce pays voit sa position internationale se dégrader, alors que déclinent ses capacités d’exportations en hydrocarbures à mesure que la crise s’approfondit. Aucun mot aussi sur les contradictions en Turquie, où la position du président Recep Tayyib Erdogan est loin de faire l’unanimité au sein de la société turque.

Aucun mot non plus sur l’exode de masse que connaît l’Arménie, d’ailleurs depuis 1991, et que cette guerre va encore dramatiquement accentuer. Il y avait 3,6 millions d’habitants en Arménie, il y en a désormais moins de trois millions ; il y a même entre 10 000 et 100 000 Arméniens vivant illégalement à Istanbul comme immigrés économiques.

Le sens profond de cette campagne est de contribuer à légitimer une guerre franco-turque ! Telle est la triste réalité, avec une Droite au service des thèses géopolitiques françaises et qu’accepte la Gauche gouvernementale qui crache littéralement sur l’internationalisme, l’amitié des peuples du monde.

Rappelons les bases : le mot d’ordre historique de la Gauche, c’est de porter la paix et de rassembler les peuples… d’accompagner leur mélange. Ce n’est pas de pratiquer l’ethno-différentialisme et de célébrer les nationalismes et d’accompagner le militarisme. Il faut tracer une ligne rouge, nette et précise, affirmant la Démocratie, appuyée par l’élan de la culture et portée par le peuple… Contre le nationalisme et la guerre !