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Succès des quatre rassemblements d’AVA contre la chasse à courre

Pour la fin de la saison de chasse à courre, l’association AVA a réussi quatre rassemblements différent pour marquer le coup. C’est une réussite exemplaire, avec plus de mille participants en tout.

AVA avait organisé un rassemblement l’année dernière à Compiègne, qui avec mille personnes avait été un succès marquant. Un espace démocratique avait été ouvert ; pour la première fois, l’hégémonie réactionnaire particulièrement sévère qui régnait avait été ébranlée et ce profondément. Ce fut un épisode qui a compté.

Cette année, quatre rassemblements différents ont été mis en place, pour asseoir un mouvement qui dispose désormais de 19 antennes ; il s’agissait bien entendu de prouver qu’il y avait partout des gens pour qui tout cela comptait. Il y eut donc le 30 mars 2019 des mobilisations à Pont-Sainte-Maxence (Oise), Paimpont (Ille-et-Villaine), Castelnau-de-Montmiral (Tarn) et Rambouillet (Yvelines).

Il y a eu autant de gens que l’année dernière, ce qui est donc un bon ancrage, puisque le cadre d’une lutte locale a été dépassé, ce qui n’est jamais aisé, comme on s’en doute. Et c’est un succès populaire pas du tout inespéré pour qui a saisi les enjeux du refus de la chasse à courre et qui connaît le travail de fond qui a été mené par des gens courageux, mobilisés par un profond sentiment de justice.

Le tremblement de terre provoqué par ce combat a par ailleurs été bien compris également par les partisans de la chasse à courre, qui appelaient à des contre-rassemblements et ont cherché à mobiliser les bouchers, charcutiers, chasseurs, agriculteurs, éleveurs, etc. Ils étaient un millier à Paimpont et 400 à Rambouillet.

C’est beaucoup, car ces gens ont compris que le sol vacillait sous leurs pieds et que cela concernait tous les partisans d’un mode de vie rétrograde, passéiste, obscurantiste, fondamentalement hostile aux valeurs démocratiques et à l’ouverture à la question animale.

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D’où, justement, l’outrance ! À Rambouillet, la banderole tenue en première ligne disait ainsi : « Les veneurs mobilisés : halte à la dictature anti-chasse et anti-ruralité ». Ces gens ne sont pas complètement idiots : il n’y a rien d’anti-chasse en France, alors qu’il y a même quatre membres du gouvernement participant au congrès des chasseurs ! C’est donc de l’outrance, de la démagogie, dans ce qu’elle a de plus infâme.

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Et cela avec l’aide de la police, qui n’est pas stupide, elle non plus : alors pourquoi envoyer des policiers devant une boucherie à l’occasion du passage du cortège d’AVA, à Rambouillet, si ce n’est pour faire peur ?

Que dire aussi des propos de ces réactionnaires ? « Ça devient insupportable qu’on ait des groupes ‘anti-tout’ qui viennent tuer les racines françaises », raconte à l’AFP un dénommé Marc-Antoine D’Aymery, secrétaire de l’équipage de chasse à courre de Bonnelles-Rambouillet. Dire qu’on a fait la Révolution française, et qu’on a encore de telles choses !

Il faut rappeler ici que les militants anti-chasse à courre connaissent des pressions terribles, allant des intimidations aux pneus crevés, des menaces aux brutalités, voire aux agressions. Le site Tendance Ouest a interviewé deux personnes à l’occasion de l’un des quatre rassemblement d’AVA : le responsable d’AVA Normandie et celle du Collectif animaliste de l’Orne, co-organisateur. Les deux n’ont pas été en mesure de donner leur nom de famille, par peur de représailles. Et ils ont eu raison, car l’État laisse objectivement faire les agresseurs.

> Lire également : La journée du sympathisant d’AVA Bretagne dans le coma après plusieurs agressions

Il est fort dommageable que la Gauche n’ait pas mobilisé largement en soutien à AVA. Heureusement, certains ont défendu l’honneur, comme plusieurs membres d’EELV à Rambouillet dont Mounir Satouri, le Président du groupe Alternative Écologiste et Sociale au Conseil régional D’Île-de-France, David Cormand, secrétaire national du parti, ou encore Laurence Abeille.

Il y avait au rassemblement de Pont-Saint-Maxence dans l’Oise, l’ancien maire socialiste de la ville, Michel Delmas, aux côté de l’actuel maire (LR), Arnaud Dumontier, qui sont tout deux opposés à la chasse à courre. Le député France insoumise Bastien Lachaud, à l’origine d’une proposition de loi contre la vénerie, était également du rassemblement.

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Politique

Acte XX des gilets jaunes : peur sur la ville

Il y a un côté Tour de France avec les gilets jaunes, car outre que le mouvement est disséminé en divers endroits, il y en a toujours un qui ressort plus que les autres, selon les aléas de la colère des classes moyennes. En l’occurrence, c’est Bordeaux qui a tenu le haut du pavé, avec 5 000 personnes présentes. 

Des figures historiques comme Eric Drouet et Jérôme Rodrigues étaient à Bordeaux. Naturellement, il y a aussi quelques casseurs qui ont vandalisé une banque, cherché à faire une barricade au moyen de ce qui a été trouvé dans un chantier, etc.

On est cependant bien loin du drame annoncé par le premier comédien de la ville, le maire Nicolas Florian, qui annonçait « une journée apocalyptique ». Et pourquoi pas les zombies ou Fantomas ? On joue à se faire peur, encore et encore.

L’État, après l’avoir joué aux abonnés absents, étouffe le mouvement pour bien prouver qu’il est ce qu’il est. Il tape fort, à l’arrière-plan, pour faire passer le message, pour donner la leçon. Il fonctionne froidement, mécaniquement, efficacement.

Les gilets jaunes passant en procès pour dégradations prennent ainsi très cher. Ils n’ont pas l’habitude des procès pour la plupart, ils ont mal ou pas préparé leur défense, psychologiquement ils ne comprennent pas ce qui leur arrive par faible conscience politique : les choses tournent mal, la prison ferme est récurrente. C’est qu’au-delà du contenu des gilets jaunes, l’État vise clairement à faire peur au peuple.

Il y a ainsi quelqu’un qui a participé aux dégradations contre la préfecture de Nancy. Il a participé à lancer des pavés et arraché la grille d’entrée du bâtiment, mais il était le seul non masqué. Résultat : il paie seul les pots cassés, avec quinze mois ferme en comparution immédiate. C’est là totalement anti-démocratique et réduit la justice à une farce répressive. La dimension sociale est effacée, le côté politique est nié, les droits de construire une défense sérieuse passés à la trappe !

L’État a décidé de cogner, voilà tout ; quant à l’indépendance de la justice, on voit bien qu’il n’en est rien. Qui condamne une telle personne pour un tel acte, sans se dire : il faut laisser au prévenu le temps d’avoir le droit à de bons conseils de son avocat, dans un contexte peut-être apaisé, se place en-dehors de tout véritable esprit de justice.

Pareillement, ce samedi, il y a eu seulement autour de 2 000 personnes à Paris, où certaines zones étaient interdites, comme les Champs-Élysées. Cela s’est accompagné de 32 interpellations, 21 verbalisations sur le périmètre interdit, et surtout de 11 945 contrôles préventifs. Un chiffre énorme, qui montre que la police mène une grande opération d’intimidation et de pression.

Dans le même registre, d’autres farceurs, à la tête de la préfecture du Vaucluse, avait annoncé l’irruption de « groupes activistes violents » à Avignon et donc interdit tout rassemblement intra-muros de 9h à minuit. On joue au convoi de cow-boys qui regroupe ses chariots pour faire face aux « Indiens ». Il y a eu tout de même des manifestants dans la zone interdite, et dispersion par la police à l’arrivée de 80 motards sympathisants.

Le même scénario de la peur sur la ville devenue zone interdite s’est déroulé à Saint-Étienne, Toulouse, Épinal, Rouen, ainsi que Lille en partie. L’effet est dévastateur : n’en doutons pas. Après le rôle néfaste des gilets jaunes sur le plan des idées et de la culture, voici qu’on a un contre-coup également négatif, avec le climat de peur exercé contre la société civile. On perd sur tous les points.

Surtout que les gilets jaunes continuent leur initiative, avec les principaux rassemblements s’étant tenus à Toulouse, Marseille, Rennes, Caen, Rouen, Montbéliard, Strasbourg… Pour un total d’environ 34 000 personnes seulement.

Non seulement les gilets jaunes ne servent à rien, mais en plus ils éduquent l’État pour savoir comment faire lorsqu’il y aura une véritable contestation populaire ! Heureusement que lorsque celle-ci s’affirmera, les choses n’auront rien à voir avec cette comédie. Lorsque les ouvriers, qui ont refusé dès le départ de s’embarquer dans cette histoire (et ils ont eu raison), les choses auront une autre substance !

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Écologie

Le front réactionnaire dans les campagnes pour défendre la chasse à courre

Nous publions quelques extraits d’interventions diffusés par l’Association de défense de la ruralité et de ses traditions (ADRT), qui se réunit aujourd’hui contre le rassemblement anti-chasse à courre à Paimpont, en Ille-et-Vilaine.

L’association a été créée pour l’occasion, tandis qu’un autre rassemblement « festif et solidaire des amis de la chasse et de la ruralité » est prévu en forêt de Rambouillet, dans la même optique de faire front contre AVA.

> Lire également : « Bye bye la chasse à courre », le samedi 30 mars 2019

Ces extraits sont très intéressants, car ils montrent comment la Droite se recompose, affine ses discours, ancre ses idées réactionnaires. À la Gauche d’être en première ligne sur le front culturel pour briser ce qui s’oppose aux causes démocratiques, comme ici le refus de la chasse à courre !

Un agriculteur, porte-parole de l’association :

« Depuis quelques temps l’agri-bashing est devenu le sport national pour une bande de bobos désœuvrés relayé par une presse en mal de scoop.

Il n’y a pas une semaine sans que moi ou un de mes voisins agriculteurs ne se fassent copieusement insulter par des ignares abreuvés de réseaux sociaux et qui viennent nous faire des leçons d’agronomie sans vergogne dès qu’il voit une vache dans une stabulation ou pire un pulvérisateur dans un champ. Par contre rassurez-vous, pas un ne viendra vous envahir le soir ou le WE pour désherber vos champs à la main ou veiller une vache prête à vêler aux milieux de la nuit !

Si j’ai rejoint l’ADRT ce n’est finalement pas vraiment pour combattre ces zozos mais pour avoir l’occasion d’affirmer ma fierté de faire mon métier. J’en ai marre du politiquement correct qui consiste à faire croire aux gens que c’est en mangeant du quinoa à tous les repas qu’on allait ralentir la fonte des glaces et préserver les ours blancs !

Tous les jours de la semaine, toutes les semaines de l’année je travaille, non pas contre la nature mais bien avec la nature pour participer à mon modeste niveau à nourrir les français et à entretenir nos campagnes. Cela me semble important de pouvoir enfin le redire.

Le 30 mars prochain se sera pour moi l’occasion de rappeler qu’à force de vouloir tolérer toutes les utopies marginales on finit par donner au bon sens et à l’opinion silencieuse majoritaire le rôle du paria ! Il est temps de réaffirmer comme le dit l’affiche de notre manifestation du 30 mars que le réel restera le réel, les utopies bobos, les délires antispécistes …. Basta ! ».

Un élagueur grimpeur, membre de l’association :

« Un élagueur, c’est un rural à qui l’on demande d’intervenir en ville. Si l’on considère que les arbres font partie de la ville c’est parce qu’on les maitrise. Mais à l’état naturel, sans aucune intervention humaine, un arbre en ville serait beaucoup trop dangereux.

Et pour concilier la ville et ce morceau de campagne que l’on y plante, il faut un connaisseur, un spécialiste. Et on ne forme pas un spécialiste en arbres dans un bureau.

Si je suis ici aujourd’hui, c’est parce trop souvent, j’ai affaire à des demandes complètement délirantes de citadins qui n’y connaissent rien. Je ne leur en veux pas tant qu’ils font appel à un spécialiste pour les sujets qu’ils ne maitrisent pas.

Je suis ici pour qu’on n’oublie pas que c’est à la campagne que doivent naître les steaks qui se retrouvent dans les supermarchés, que c’est à la campagne que doivent murir les tomates qui deviendront votre ketchup, et que c’est aussi à la campagne que l’on apprend à travailler avec la nature pour pouvoir vivre. Et s’il n’y a plus de campagnard, de ruraux, il n’y a plus de vie en ville, c’est aussi simple que cela !

[…] Ces activistes « écolo » sont avant tout des ignares. C’est l’ignorance des choses de la nature qui fonde leur comportement et leur délire. La nature ça ne s’apprend pas sur Wikipedia, ça se ressent, ça s’apprivoise, ça s’observe, il faut avant tout beaucoup d’humilité au contact de la nature. Leur arrogance est à la mesure de leur ignorance. Ce sont des groupuscules de marginaux, antispécistes, la plupart du temps végans, et anti-tout finalement.

[…] Je pense que ce qui réuni tous ces groupes c’est l’irrationnel de leurs convictions, leur déconnection du réel, ils sont sans doute porteurs de traumatismes cognitifs et psychologiques. Ces groupes très opaques dans leur organisation et dans leur financement ne sont mus que par la seule ambition de détruire une tradition sempiternelle de bonne gestion de la terre.

Je plains le monde qui verrait s’accomplir leur desseins et l’anarchie chaotique générale qu’impliquerai la mise en place du moindre chapitre de leurs volonté utopiste de Licence soi-disant salutaire. Aucun crédit ne doit être accordé à ce sabir d’organisation qui ne tient réellement que sur les élucubrations calomnieuses, délétères et nauséabondes de manipulateurs égocentriques. »

Un « éleveur breton » :

« Nous les éleveurs et les agriculteurs sommes constamment harcelés par des associations en rupture avec le monde agricole et rural. Bien souvent, ces ONG militantes ont le soutien médiatique de personnalités qui leur permettent de relayer leurs opinions, par exemple Elise LUCET (Cash investigation), Remi GAILLARD, une espèce de comique qui oublie qu’il se moque de pauvres paysans ou d’autres personnalités qui parlent du véganisme à la télévision et l’effet est immédiat sur le grand public.

Dans ces associations, les plus dangereux sont les abolitionnistes : nous avons l’exemple avec les antispécistes qui attaquent des boucheries traditionnelles mais surtout pas des HALLAL sous peine de passer pour des islamophobes ! et le paysanphobe alors ? Ainsi que les L 214 qui pénètrent dans les élevages sans autorisation et font des montages videos truqués et détruisent la réputation d’éleveurs sans défense et sans savoir faire médiatique.

C’est pour cela que nous devons réagir en montrant que le monde rural a besoin de sérénité et je pourrais reprendre ce titre du PAYSAN BRETON : « un besoin de contre-leader d’opinion courageux ». Je pense que l’Association pour la Défense de la Ruralité et de ses Traditions répond justement à cette nécessité de réaffirmer notre fierté, de reprendre enfin l’initiative.

Nous, les agriculteurs, les amoureux de la nature, chasseurs, pêcheurs, tous les passionnés du monde rural, reprenons notre droit d’y vivre sereinement ! »

Une « maman, « inquiète mais déterminée » :

« Leur unique objectif est de détruire tout ce que nous avons appris, tout ce que nous aimons, tout ce qui nous a été transmis. Ils sont sectaires, loin du réel, loin des lois de la nature, de ses équilibres fragiles, de son exigence. Ils ne sont ni tolérants ni à l’écoute, ils cherchent juste à imposer leur idéologie. Pour eux, vous êtes soit un ennemi à abattre, soit un esclave soumis à la cause. La personne doit s’effacer au profit du collectif ; les slogans et la haine ont remplacé la réflexion et le doute.

Nous ne pensons pas être meilleurs, nous avons nos faiblesses et nous devons en effet nous améliorer. Mais nous ne cherchons pas à endoctriner les autres. Chacun est LIBRE. LIBRE de pratiquer le loisirs de son choix dès lors qu’il est légal. Libre d’avoir le métier de son choix dès lorsqu’il est légal. LIBRE de manger ce qu’il veut dès lors que cela est légal.

C’est dans ce contexte de défense et de survie que je souhaite me joindre à votre rassemblement. Nous ne pouvons plus subir toutes ces attaques sans réaction. NON, nous ne sommes pas morts ! OUI, nous sommes affectés. Si nous sommes conscients que l’union fait la force et que seuls, nous ne pourrons rien, nous sommes aussi conscients de nos limites face à cette déferlante de haine et d’ignorance. Nous avons un DEVOIR auprès de notre jeunesse. Quel monde lui laisser ? Unis, ensemble, nous pouvons sauvegarder notre patrimoine, nos traditions, notre culture.

Il faut nous défendre contre cette pensée unique et déconnectée du réel et bien rappeler que ces groupuscules extrémistes qui s’en prennent à nos traditions et notre mode de vie ne se préoccupent ni de notre environnement, ni de la nature, ni des animaux… Ils instrumentalisent la cause animale et environnementale comme vecteur de leur idéologie délirante.

Qui habite à la campagne ? Qui se lève le matin pour nourrir ses animaux, pour s’en occuper ? Qui entretien les terres, les cultures, les potagers… ?

Non nous ne sommes pas ces « méchants » que dépeignent nos détracteurs, nous revendiquons juste ce « bon sens paysan », enraciné sur des territoires que nous chérissons, dans lesquels nous vivons et que nous aimons depuis toujours. Comment nous défendre dans cette société d’où la mort est bannie, où le poisson est carré et pané et où la viande est hachée !

Redonnons des valeurs simples à des moments simples et sauvegardons les traditions de nos campagnes comme l’unique héritage à transmettre à nos enfants ».

Une jeune « chasseresse » :

« Comme un agriculteur passionné qui offre sa force à la terre,
Comme un artisan qui façonne et perfectionne son œuvre,
Comme un chasseur et son limer qui remonte la voie de l’animal,
Comme le vent prit dans les voiles d’un bateau,
Comme la patience aux aguets du pêcheur du matin,
L’adrénaline
La culture ancestrale,
La force de la tradition,
Transmettre l’art du savoir et le geste aux plus jeunes
Partager ses racines et donner de ses tripes,
Un devoir, une devise sans censure, sans rancœur,
Défendre, maintenir et garder c’est le plus important,
La liberté du cœur, le réel comme univers, la passion de la transmission, le sens de l’amitié et l’amour de la terre…

Jeanne »

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Rapport entre les classes Société

La France périurbaine, une faillite morale, culturelle et sociale

Dans la France des lotissements, on s’ennuie et on travaille loin de chez soi. Mais on ne veut surtout pas du Socialisme. Les gilets jaunes ont exprimé à l’origine cette forme sociale profondément réactionnaire mise en place par le capitalisme.

La France périurbaine, c’est le plus souvent cette horreur architecturale de maisons individuelles en série, correspondant au rêve de petite propriété de pans entiers de la société française aliénée par le capitalisme, y compris dans la classe ouvrière. Même quand il n’est pas réalisé, le rêve est considéré comme à mettre en œuvre dès que possible.

Cette fascination pour la zone pavillonnaire comme refuge face au reste du monde exprime à la fois un besoin de s’arracher à la brutalité des villes qu’un repli individualiste forcené. L’égoïsme prime toutefois comme aspect principal, car avoir des enfants dans de tels endroits, c’est les condamner à une souffrance psychique et physique très importante.

Il n’y a rien pour eux. Pas de transports, pas de lieux culturels, pas de centres sportifs, juste de longs boulevards, avec des habitations individuelles à l’infini, entre les ronds points. C’est l’anéantissement de toute perspective de civilisation comme première prise de conscience de l’adolescence. Un véritable cauchemar, qui de par les faiblesses structurelles de la vie culturelle française, ne produit ni Nirvana, ni Minor Threat, deux groupes de musique d’une intensité sans pareil nés précisément d’un tel terreau aux États-Unis.

Ici en France, la seule révolte contre cet enfermement connu par plus de 15 millions de Français, c’est le Front National, désormais le Rassemblement National. Les instituts de sondages appellent cela « le vote des haies de thuyas », en référence à cet esprit petit propriétaire d’enfermement sur sa parcelle.

Avec les gilets jaunes, on a bien vu comment cette France de petits propriétaires ne peut pas supporter de faire face à l’effondrement économique. Elle sait bien que le Socialisme n’a qu’une chose à lui proposer : sa destruction. Il faut détruire ces zones, tout refaire. Elles ne sont ni des villes, ni des campagnes. Alors qu’il faut combiner les deux, avec les zones pavillonnaires on n’a justement ni la ville, ni la campagne.

La France périurbaine ne peut que le constater : elle n’a ni culture de la ville, ni sa densité en termes d’infrastructures médicales, scolaires, universitaires, administratives. Elle n’a pas non plus d’accès à la nature, d’environnement non bétonné. Aller plus loin ne servirait pas à grand-chose non plus : les représentants des chasseurs n’ont-ils pas expliqué que les forêts sont à eux et que si on n’aimait pas la chasse, il ne fallait pas habiter la campagne ?

Le souci fondamental dans toute cette histoire de toutes façons, c’est que la France périurbaine ne peut exprimer qu’un terrible ressentiment qui va renforcer le fascisme.

Parce qu’à la base, on a la même histoire que la Grenouille voulant se faire aussi grosse que le bœuf. Pleins de petit-bourgeois ou de bourgeois petits ont voulu mener la vie de château à peu de frais, achetant une grande maison et un terrain, pour s’apercevoir que finalement il n’y avait rien dans le coin, que les crédits s’éternisaient, que le terrain ne sert à rien en soi et demande de l’entretien, que la maison consommait beaucoup d’énergie et que sa qualité laissait à désirer.

On a également des prolétaires qui les ont imités, faisant la même-chose en moins grand et moins cher, dans des quartiers encore moins intéressants.

Ces gens-là sont tellement déçus de ne pas être devenus des sortes de petits châtelains qu’ils sont aigris, alors que leur vie privée a subi les contrecoups de cet isolement, que ce soit avec la perte de vue d’amis, le divorce, etc. Les prolétaires, de par leur rôle dans la production, expriment moins cette aigreur car ils ont plus facilement conscience de la nature sociale du problème. Mais dans sa substance, cette aigreur n’en est pas moins présente chez eux également.

Ce schéma est reproductible dans pleins de variantes, que l’investissement à l’origine ait été important ou pas. Dans tous les cas, la déception prédomine et désormais il y a la hantise de ne pas basculer socialement dans le prolétariat, ou de se voir assumer sa condition prolétaire de manière franche. Cette inquiétude est un grand moteur du fascisme, alors qu’elle devrait se transformer en une volonté de changement, pour le Socialisme.

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La Déclaration de l’OMM sur l’état du climat mondial en 2018

L’Organisation météorologique mondiale (OMM) est une institution de l’ONU qui publie chaque année depuis 25 ans un rapport sur l’état du climat de la planète. Ces informations sont d’une importance capitale : c’est le regard le plus précis dont l’humanité dispose pour évaluer la situation climatique de la Terre, ainsi que sa propre situation par rapport au climat.

Les données sont collectées par des organismes nationaux et régionaux et la Déclaration bénéficie de la contribution des Services météorologiques et hydrologiques nationaux. C’est une sorte de document de référence, avec un caractère exausthif.

L’édition actuelle, portant sur l’année 2018, vient de paraître et est disponible ici :

Déclaration de l’OMM sur l’état du climat mondial en 2018 (WMO Statement on the state of the global climate in 2018)

Le document est en anglais, mais sera disponible prochainement en français – nous mettrons le lien à jour. [ Contactez-nous pour en être tenu informé. ]

Il n’y a aucune surprise dans ce qui y est dit. La situation est dramatique, notamment en ce qui concerne les océans et les phénomènes climatiques qui leurs sont liés.

L’Organisation météorologique mondiale résume ainsi ce rapport, dans un communiqué de presse publié ce jeudi 28 mars 2019 :

« Les manifestations physiques du changement climatique se multiplient et son impact socio‑économique s’accroît. Les concentrations record de gaz à effet de serre entraînent en effet à la hausse les températures mondiales qui atteignent des niveaux inquiétants […].

La Déclaration de l’OMM sur l’état du climat mondial, dont c’est la 25e édition, met en exergue la hausse record du niveau de la mer et les températures exceptionnellement élevées observées ces quatre dernières années à la surface des terres et des océans.

Cette tendance au réchauffement ne s’est pas démentie depuis le début de ce siècle et devrait se poursuivre. »

Le Secrétaire général de l’organisation, Petteri Taalas, a ainsi expliqué que :

« Depuis qu’a été publiée la première Déclaration sur le climat, le savoir climatologique a atteint une rigueur sans précédent. On a pu mettre ainsi en évidence de manière irréfutable la hausse de la température moyenne et ses corollaires que sont, entre autres, l’élévation du niveau de la mer à un rythme accéléré, le recul de la banquise et des glaciers et des phénomènes extrêmes tels que les vagues de chaleur ».

Il ajoute ensuite que :

« Les phénomènes météorologiques extrêmes se sont poursuivis au début de 2019, comme en témoigne le cyclone tropical Idai qui a provoqué tout récemment des inondations dévastatrices et fait de très nombreuses victimes au Mozambique, au Zimbabwe et au Malawi. Ce pourrait bien être une des catastrophes d’origine météorologique les plus meurtrières qu’ait connues l’hémisphère austral. Idai a commencé par frapper la ville portuaire de Beira, au Mozambique, ville en pleine expansion située à faible altitude sur un littoral exposé aux ondes de tempête et subissant déjà les conséquences de la hausse du niveau de la mer. L’ampleur de la catastrophe démontre la nécessité d’agir à l’échelle internationale en faveur du développement durable, de l’adaptation au changement climatique et de la prévention des catastrophes. »

Voici les « Points saillants » de la Déclaration, tels que résumés dans le communiqué de l’OMM :

Incidences du climat

( d’après les informations fournies par les organisations partenaires du système des Nations Unies )

Dangers naturels :

En 2018, la plupart des dangers naturels, dont ont été victimes près de 62 millions de personnes, étaient liés à des extrêmes météorologiques et climatiques. Comme par le passé, ce sont les inondations qui ont touché le plus de personnes – plus de 35 millions – selon une analyse portant sur 281 phénomènes répertoriés par le Centre de recherche sur l’épidémiologie des désastres (CRED) et le Bureau des Nations Unies pour la prévention des catastrophes.

Les ouragans Florence et Michael font partie des 14 catastrophes ayant entraîné des milliards de dollars de pertes aux États-Unis d’Amérique en 2018. Ils ont causé des dégâts qui se chiffrent à 49 milliards de dollars de dégâts et entraîné la mort de plus de 100 personnes. Quant au super typhon Mangkhut, il a touché plus de 2,4 millions de personnes et fait au moins 134 victimes, surtout aux Philippines.

Plus de 1600 décès ont été liés aux vagues de chaleur intense et aux incendies de forêt qui ont frappé l’Europe, le Japon et les États-Unis, les dommages matériels avoisinant le chiffre record de 24 milliards de dollars dans ce dernier pays. En Inde, l’État du Kerala n’avait pas connu de pluies aussi abondantes et d’inondations aussi dévastatrices depuis presque un siècle.

Sécurité alimentaire :

L’exposition du secteur agricole aux extrêmes climatiques menace de compromettre les progrès réalisés dans la lutte contre la malnutrition. Il s’avère que la faim dans le monde, qui avait reculé durablement, est repartie à la hausse, selon les données récentes recueillies par plusieurs organismes des Nations Unies, dont l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et le Programme alimentaire mondial (PAM).

En 2017, selon les estimations, le nombre de personnes sous-alimentées avait augmenté, atteignant 821 millions, notamment à cause des graves sécheresses liées au puissant Niño de 2015/16.

Déplacements de populations :

Sur les 17,7 millions de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays recensées par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), plus de 2 millions l’étaient en raison de catastrophes liées à des phénomènes météorologiques et climatiques (situation en septembre 2018). La sécheresse, les inondations et les tempêtes (y compris les ouragans et les cyclones) sont les phénomènes qui ont entraîné le plus grand nombre de déplacements liés à des catastrophes en 2018. Dans tous les cas, les populations déplacées ont besoin de protection et sont vulnérables.

Selon le Réseau pour la surveillance des retours et des dispositifs de protection du Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), quelque 883 000 nouveaux déplacements internes ont été enregistrés entre janvier et décembre 2018, dont 32 % étaient causés par des inondations et 29 % par la sécheresse.

Chaleur, qualité de l’air et santé :

Il existe de nombreuses interconnexions entre le climat et la qualité de l’air qui sont exacerbées par le changement climatique. On estime que le nombre de personnes exposées aux vagues de chaleur a augmenté d’environ 125 millions entre 2000 et 2016, la durée moyenne des vagues de chaleur s’étant allongée de 0,37 jour par rapport à la période 1986–2008, d’après l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).

Ces tendances sont autant de signaux d’alerte pour le secteur de la santé publique, dans la mesure où l’intensité, la fréquence et la durée des épisodes de chaleur extrême devraient continuer d’augmenter.

Conséquences pour l’environnement :

On mentionnera le blanchissement des coraux et la diminution de la teneur en oxygène de l’océan, la disparition du «carbone bleu» associé aux écosystèmes côtiers comme les mangroves, les herbiers et les marais salés, et la perturbation d’écosystèmes très divers. Le réchauffement du climat devrait contribuer à la diminution de l’oxygène qui est observée en haute mer et dans les eaux côtières, y compris dans les estuaires et les mers semi-fermées.

Depuis le milieu du siècle dernier, la teneur en oxygène de l’océan à l’échelle du globe aurait baissé de 1 à 2 % d’après les estimations de la Commission océanographique intergouvernementale (COI) de l’UNESCO.

Le changement climatique est devenu une grave menace pour les écosystèmes des tourbières, car il exacerbe les effets du drainage et accroît le risque d’incendie, d’après le Programme des Nations Unies pour l’environnement. Les tourbières sont importantes pour les sociétés humaines du monde entier. Elles contribuent considérablement à l’atténuation du changement climatique et au processus d’adaptation grâce à la fixation et au stockage du carbone, au maintien de la biodiversité, à la régulation du flux hydrologique et de la qualité de l’eau, et à la fourniture d’autres services écosystémiques offrant des moyens de subsistance.

Indicateurs climatiques

Contenu thermique de l’océan :

Ce dernier a atteint de nouveaux pics en 2018 entre 0 et 700 m de profondeur (relevés remontant à 1955) et entre 0 et 2 000 m (relevés remontant à 2005), pulvérisant les records de 2017. Les océans absorbent plus de 90 % de l’énergie piégée par les gaz à effet de serre, et leur contenu thermique traduit directement cette accumulation d’énergie dans les couches marines supérieures.

Niveau de la mer :

La hausse du niveau de la mer s’est poursuivie à un rythme accéléré. En 2018, le niveau moyen de la mer dépassait de quelque 3,7 mm celui de 2017 et c’était le plus haut jamais constaté. Entre janvier 1993 et décembre 2018, le rythme annuel moyen d’élévation du niveau de la mer était de 3,15 ± 0,3 mm, l’accélération étant estimée à 0,1 mm/an2. Le rythme accru de perte de masse glaciaire des inlandsis est la cause principale de l’accélération de la hausse du niveau moyen de la mer ainsi qu’il ressort des données altimétriques transmises par satellite, d’après le Groupe sur le bilan du niveau de la mer relevant du Programme mondial de recherche sur le climat.

Acidification des océans :

Ces dix dernières années, les océans ont absorbé environ 30 % des émissions anthropiques de CO2. Le CO2 absorbé réagit avec l’eau de mer et modifie le pH de l’océan. Ce processus d’acidification peut influer sur l’aptitude des organismes marins, comme les mollusques et les coraux constructeurs de récifs, à fabriquer et maintenir de la coquille et du squelette. Les observations faites en haute mer ces 30 dernières années ont clairement mis en évidence la diminution du pH. Comme l’annonçaient déjà un certain nombre de rapports et de projections, le processus d’acidification des océans se poursuit, le pH de l’océan mondial continuant de baisser, d’après la COI de l’UNESCO.

Glaces de mer :

L’étendue de la banquise arctique a été bien inférieure à la normale tout au long de 2018, affichant des records à la baisse en janvier et février. Le maximum annuel a été observé à la mi-mars et la superficie moyenne pour ce mois figure au troisième rang des plus faibles qui aient été constatées pour un mois de mars depuis 1979, lorsqu’ont débuté les observations par satellite. L’étendue moyenne de la banquise arctique en septembre se classe au sixième rang des plus faibles jamais observées pour un mois de septembre, et les 12 moyennes de septembre les plus faibles sont toutes postérieures à 2006. À la fin de 2018 l’étendue des glaces de mer, en moyenne journalière, était proche des plus faibles jamais observées.

L’étendue de la banquise antarctique a atteint son maximum saisonnier à la fin du mois de septembre et au début du mois d’octobre. Après son pic du début du printemps, l’étendue de la banquise antarctique a diminué rapidement, chaque valeur mensuelle, jusqu’à la fin de l’année, se classant parmi les cinq plus faibles jamais constatées.

L’inlandsis groenlandais accuse une perte de masse glaciaire presque chaque année depuis 20 ans. Le bilan de masse en surface a enregistré une hausse en raison de chutes de neige plus abondantes que la normale, en particulier sur la partie orientale du Groenland, et d’une saison de fonte proche de la normale. Cette situation s’est traduite par une augmentation globale du bilan de masse en surface mais n’a eu guère d’incidence sur la tendance générale constatée depuis deux décennies, l’inlandsis du Groenland ayant perdu environ 3 600 gigatonnes de glace depuis 2002. Une étude récente a porté sur des carottes de glace prélevées au Groenland, qui nous renseignent sur les épisodes de fonte survenus entre aujourd’hui et le milieu du XVIe siècle. Il s’avère que la nappe glaciaire du Groenland n’avait pas connu d’épisodes de fonte d’une telle intensité depuis au moins 500 ans.

Recul des glaciers :

Le Service mondial de surveillance des glaciers suit de près le bilan de masse de ces derniers en s’appuyant sur un ensemble de glaciers de référence, répartis dans 19 régions montagneuses du monde, pour lesquels on dispose de plus de 30 ans de données d’observation sur la période 1950–2018. D’après les résultats préliminaires disponibles pour 2018, qui concernent une partie de ces glaciers de référence, l’année hydrologique 2017/18 est la 31e année consécutive affichant un bilan de masse négatif.

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Réflexions

« Les gens sont des cons »

On est tous d’accord : les gens sont des cons. Le seul souci, c’est que c’est nous, les gens.

Diogenes, Jean-Léon Gérôme, 1860

C’est inévitable et à un moment on n’en peut plus. Ce n’est vraiment plus possible, ça va toujours plus loin. Alors cela apparaît comme une évidence, et de toute façon on le savait : les gens sont des cons. Parce que pour se comporter de telle manière, pour ne même pas s’en apercevoir, ou pire pour le savoir et s’en moquer, il n’y a pas d’autres explications.

Le grand problème, dont on a conscience évidemment, est que tout le monde a pu effectuer un tel raisonnement. On est obligé, tout un chacun, de se dire cela. En fait, la société nous amène insidieusement à cette constatation, parce que les choses sont ce qu’elles sont et que rien ne fonctionne comme il le devrait. On se marche dessus, on se concurrence, on se confronte, alors que rien de tout cela n’est nécessaire.

« assumer un vrai esprit de rupture »

On a alors le choix entre devenir de droite ou de gauche. Si on pense comme Hobbes que « l’homme est un loup pour l’homme », alors on devient de droite et on pense : l’homme est mauvais, la religion a raison, on n’y peut rien, il n’y a pas grand-chose à sauver et seul un bon conservatisme bien policé peut maintenir tout cela dans un certain cadre. Ou bien on pense avec Rousseau que la société a corrompu l’humanité et qu’il faut une réorganisation de fond en comble.

C’est le bon choix. Mais comment fait-on pour vivre en attendant ? Parce que c’est un vrai problème. Bien sûr on peut faire semblant et vivre comme un beauf, et même un beauf « de gauche ». C’est quelque chose de courant. Les récentes affreuses histoires touchant les jeunesses du PCF ou du PS en disent long sur le style de vie décadent adopté par de nombreuses personnes incapables d’assumer un vrai esprit de rupture afin de chercher à produire une culture nouvelle.

Ce n’est cependant pas une option évidemment. Il reste le repli, mais c’est un isolement social qui ne mène qu’à la misanthropie. Cela n’aboutit à rien et on termine alors dans le solipsisme, l’ultra-égocentrisme, ou bien on capitule entièrement pour redevenir comme tout le monde. Combien d’adolescents se rebellant ont eu ce parcours, basculant dans les drogues pour se couper du monde ou bien devenant précisément ce qu’ils haïssaient, pour se fondre dans le décor !

Vouloir que les gens redeviennent eux-mêmes

Que faire alors ? Il n’y a pas 36 solutions, il faut participer à la vie de la Gauche, à sa culture, à son développement, son approfondissement. Sans cela, on est forcément contaminé par des valeurs libérales ou décadentes, sans cela on ne se repère pas comme il se doit et on se retrouve désorienté dans une société capitaliste dure, très dure. Et il ne suffit pas de se mettre en couple pour éviter de prendre des coups ; c’est simplement que les coups on les prend alors à deux et si l’un des deux n’est pas au niveau, cela aboutit à un entre-déchirement d’autant plus difficile.

On comprend que l’objectif véritable, c’est de produire une culture où les gens s’arrachent, où les gens se transcendent, pour basculer du bon côté et assumer une rupture collective avec une société les enracinant dans l’égoïsme, l’étroitesse d’esprit, les mentalités manipulatrices, la soif du gai. Il faut produire de la culture, des choses belles qui parlent à tous, des choses complexes et jolies mais qui soient accessibles à tous. Des choses qui rendent heureux, qui égayent la vie, qui soulignent ce qui est à souligner : le joie, le bonheur, le partage, l’amour, l’amitié, la franchise, la générosité.

Comme ces mots apparaissent comme ridicules, vains, enfantins voire infantiles dans une société cynique comme la nôtre ! N’est-ce pas terrible ? N’est-il pas terrifiant de voir comment notre société est une machine de démolition où l’on reproche aux gens biens de faire du sentimentalisme, d’être trop faibles, d’avoir encore à grandir ?

Diogenes, John William Waterhouse

Il faut un vrai courage pour accepter que les gens soient des cons, mais pour en même temps vouloir qu’ils redeviennent eux-mêmes. Mais c’est le seul chemin. Il ne faut pas devenir cynique comme les gens de droite qui pensent que les gens sont des cons, ni un démocrate-chrétien ou un catho de gauche qui pensent simplement que les gens ne sont pas des cons et qui refusent de voir toutes les horreurs qu’ils véhiculent en raison de la société où l’on vit.

Il faut devenir, il faut être de gauche et à Gauche ; il faut s’ancrer culturellement dans les bonnes valeurs. Sans cela, on est balayé, nos valeurs intérieures sont balayées, et on devient comme tout le monde : lessivé, épuisé, abandonné de tous et surtout de soi-même.

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Politique

L’insignifiante « attaque » de l’École de Marion Maréchal par les anarchistes

La devanture de l’ISSEP, l’École de science politique de Droite de Marion Maréchal à Lyon, a été abîmée et recouverte de peinture noire. L’action a été revendiquée par un communiqué au style « antifa » anarchiste.

C’est un excellent exemple de la différence de substance entre la Gauche et les anarchistes. Ces derniers contournent les exigences démocratiques, ils en restent à des actions directes symboliques, qui n’interfèrent pas réellement avec le sens des choses.

De quoi s’agit-il en l’occurrence ? Comme on le sait, Marion Maréchal a ouvert une École supérieure privée, l’ISSEP, dont l’importance est très grande. Elle-même se profile comme la future grande dirigeante de la Droite, son école va servir de formation à de nouveaux cadres. On a vu également comment la première lettre interne a été un prétexte pour elle à faire un véritable manifeste stratégique pour le triomphe de la Droite.

> Lire également : Les mots de Marion Maréchal contre l’« hanounacratie »

Il est donc tout à fait juste de parler de cette École, de mener une intense propagande contre elle, de s’y opposer par un nombre très important de moyens. Mais cela doit toujours être politique, et jamais sombrer dans une sorte de gratuité dont le seul sens est de jouer aux chevaliers blancs qui se substituent au peuple.

Telle est précisément la démarche des anarchistes « antifa »,  qui revendiquent une « attaque » contre l’ISSEP dans la nuit du 26 au 27 mars 2019. Cela consiste surtout en une tentative d’effraction, une vitrine fissurée, une serrure forcée et la devanture recouverte de peinture noire, c’est à dire en fait pas grand-chose.

Cela a été jugé suffisant important par les protagonistes pour qu’il en fasse un communiqué, relayé par le « Groupe antifasciste Lyon et Environ », de culture anarchiste.

Cette « attaque » est présentée comme une « réponse à tous les actes racistes, sexistes, homophobes, transphobes, ainsi qu’aux politiques meurtrières anti-migratoires et à l’attentat de ChristChurch perpétré dernièrement.»

La presse de Droite, dont le Figaro, s’est bien sûr empressée de relayer l’information à son tour, en donnant la parole à Marion Maréchal qui « ne cache pas son exaspération » :

«Nous userons de toutes les voix légales pour faire respecter la liberté d’enseignement en France, manifestement bafouée par des milices d’extrême gauche violentes et dont les membres sont connus des services de police. Ceux-ci se croient suffisamment libres pour revendiquer leurs actes sur leur page Facebook. C’est dire leur sentiment d’impunité. En plus de porter plainte, je vais demander un rendez-vous au préfet, au rectorat comme au maire de Lyon pour que des dispositions soient prises contre ce genre de menaces pour la sécurité de mon établissement.»

Vu comment on va dans le mur, il est évident que ce genre d’actions est de la poudre aux yeux. Il s’agit même d’une banalisation de la très grande force de l’extrême-droite. Et ce n’est pas pour rien que le communiqué utilise l’écriture inclusive et reprend toutes les valeurs de la gauche post-moderne, post-historique, parlant notamment des trans.

> Lire également : Marion Maréchal, la réaffirmation politico-culturelle du conservatisme de Droite

On est là dans la négation de la bataille démocratique, la négation de la lutte pour la mobilisation populaire. On est dans une démarche individuelle, qui revendique haut et fort que tout est une question d’individus. C’est la négation de la lutte de classes, alors qu’il y a malheureusement d’énormes tâches à effecteur dans le peuple pour l’éduquer, lui faire passer des valeurs, pour transmettre des messages importants.

Malheureusement, Marion Maréchal a ici une très grande longueur d’avance sur le plan de la compréhension de la bataille pour conquérir les esprits du peuple. Il est vrai que pour la Droite, le travail est plus facile, car se fondant sur la démagogie, appuyant les conservatismes.

Cela n’empêche, il faut être à la hauteur et savoir véhiculer dans la population les valeurs de la Gauche, en considérant que le peuple lui-même doit les assumer, les porter. On ne peut pas contourner cela avec des « recettes » traditionnellement « substitutistes ». L’idée qu’on démolirait l’extrême-droite avec un petit groupe de gens ayant rassemblé leurs volontés est pour cette raison tout à fait étrangère à la Gauche historique.

> Lire également : Que représente l’ISSEP, l’école inauguré par Marion Maréchal ?

Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de travail d’avant-garde à mener – un concept de la Gauche historique par excellence – c’est-à-dire un travail de conscientisation, d’ouverture des espaces où le peuple peut s’engouffrer pour agir. Mais si ce travail est déconnecté du peuple, si son orientation n’est pas en dynamique avec lui, cela ne sert à rien et c’est même contre productif, car cela donne l’impression qu’il y a quelque chose, alors qu’il n’y a rien.

De la même manière que la valorisation idéalisée de l’Union Européenne ne sauvera pas la Gauche, l’action directe ne le fera pas non plus. Ce dont la Gauche a besoin, c’est de reprendre ses valeurs historiques et d’assumer le travail politique dans la population.

Voici le communiqué :

« Dans la nuit du 26 au 27 Mars 2019, nous avons attaqué l’ISSEP, Institut des sciences sociales, économiques et politiques.

Cette école créée par Marion Marechal Le Pen a ouvert en cette rentrée 2018, au sein du quartier de la confluence, dans le but de former la future élite de l’extrême droite identitaire.

Considérez cette attaque comme une réponse à tous les actes racistes, sexistes, homophobes, transphobes, ainsi qu’aux politiques meurtrières anti-migratoires et à l’attentat de ChristChurch perpétré dernièrement.

Nous attaquons la montée en puissance dans le monde entier de l’extrême droite et du populisme.
Nous attaquons les laboratoires institutionnels des théories qui influencent ce climat nauséabond et mortifère.
Nous attaquons le renforcement sécuritaire dans nos villes, nos quartiers, nos mouvement sociaux, aux frontières de leur monde.
Nous attaquons tout ce qui sert et alimente le maintien du capitalisme par des moyens totalitaires et répressifs.
Nous attaquons cette pensée bourgeoise qui maintient et alimente les oppressions tout en développant leurs privilèges.
Nous attaquons ce qui neutralise toute perspective d’une émancipation commune, nous retranche dans nos individualités, nous pousse à la concurrence entre peuples et au sein de nos classes.

Nous ne cesserons jamais d’attaquer toutes les faces du fascisme que ce soit dans le centre historique du vieux Lyon ou dans la smart city de Confluence, nous continuerons de combattre les groupuscules violents qui usent de traditionalisme à des fins communautaires et identitaires ainsi que cette élite pensante qui se fait une place dans un quartier aseptisé, ultra sécurisé, ultra libéral, réel prototype d’un monde Orwellien.
Des gen.te.s dynamiques et motivé.e.s »

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Écologie

La pétition pour libérer Jumbo, l’hippopotame prisonnier d’un cirque

Hier est sorti sur les écran une nouvelle version du film Dumbo par Walt Disney. C’est un classique, qui résonne forcément dans l’esprit des adultes les plus avancés culturellement comme une illustration de l’horreur que sont les cirques pour les animaux qui y vivent.

Une autre illustration concrète de cette horreur en France est la situation de Jumbo, un  hippopotame enfermé dans un cirque depuis 30 ans, dont l’association One Voice réclame en ce moment la libération avec cette pétition :

Depuis 30 ans, la vie de l’hippopotame Jumbo est un enfer. 

Lui qui devrait vivre et communiquer avec son troupeau en permanence, entouré d’une dizaine de femelles, est enfermé, désespérément seul, dans un camion.

Lui qui devrait passer ses journées dans l’eau, y plonger longtemps, dont le corps tout entier est fait pour ce mode de vie semi aquatique, doit supporter la pesanteur en continu et se contenter de l’eau dont on l’asperge depuis un tuyau d’arrosage.

Lui qui pourrait courir jusqu’à 30km/h, ne peut que piétiner sur quelques mètres, durant les 30mn où on le sort du camion pour l’exhiber au public.

Lui qui devrait brouter, la nuit, jusqu’à 68kg de nourriture, est nourri la journée de foin et de céréales pour chevaux.

L’existence de Jumbo n’a rien d’une vie d’hippopotame. Ses besoins fondamentaux sont niés de bout en bout.

Pour lui, nous soussignés, soutenons la demande de One Voice qu’il soit libéré du cirque qui le détient et placé dans un sanctuaire où ses besoins physiologiques et comportementaux seront respectés.

> Pour signer la pétition, cliquez sur ce lien.

Ce sympathique clip d’Arcade Fire, extrait de la Bande Originale du dernier Dumbo, bien que n’étant pas une critique de la présence des animaux dans les cirques en tant que telle, est une jolie interprétation de la sensibilité des animaux, qui ne peux que faire écho à la souffrance de l’hippopotame Jumbo dans le cirque où il est prisonnier :

> Lire également : Agression de militants One Voice devant un cirque

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Société

Les hommes démocratiques ne commettent pas d’agressions sexuelles

Les terribles affaires de viols au sein des JC ont montré à quel point à Gauche il y avait une perte de repère quant au principe de la morale. Il y a pourtant une morale de Gauche et celle-ci est culturellement supérieure ; qui n’admet pas cela est un libéral ou bien relève de l’idéologie de la post-modernité.

L’occasion fait le larron : tel est le point de vue de ceux et celles pour qui le viol est une arme propre aux hommes si on les laisse faire. Le viol relève ici de l’individu, de l’individu en tant qu’homme qui, en raison de son sexe, peut chercher à abuser, à violenter, à agresser sexuellement. Il s’agirait par conséquent de chercher à contrer cette tendance, en œuvrant de manière perpétuelle à la « déconstruction » de ce genre d’attitudes.

Aussi juste que puisse avoir l’air une telle démarche appelant les hommes à se remettre en cause, c’est une fiction totale. Le viol, les agressions sexuelles en général, relèvent en effet d’une attitude non démocratique et le niveau de conscience démocratique dépend de la société. Dans une société où la beauferie est largement ancrée, les agressions sexuelles émergeront inévitablement, étant produites socialement. Tant que la base est mauvaise, ce qui en sort ne sera jamais bon.

Il va de soi évidemment que les agressions sexuelles commises par les hommes s’appuient sur leur réalité sexuelle. Ce n’est cependant pas un phénomène isolé de tout le reste. Cette barbarie relève de la barbarie en général et il n’y a pas de différence de substance entre l’homme appréciant d’utiliser des armes, abandonnant son chien, nettoyant sa voiture avec ostentation, coupant une fleur sans état d’âme. C’est la même barbarie dans sa substance.

Les femmes n’expriment pas cette barbarie de la même manière, pour des raisons historiques, en raison de leur place secondaire forcée depuis l’époque de l’agriculture et de la domestication. Elles n’en sont pas moins contaminées elles-mêmes par la barbarie et expriment elles-mêmes des tendances destructrices, tel un cynisme cinglant, une violence psychologique à l’égard des enfants et en particulier des jeunes adolescentes, une indifférence outrageante envers les questions de société (c’est-à-dire la politique).

Mais tout cela est une question de culture et quand on parle de culture, on parle d’une société portant cette culture, et quand on parle de société, on parle d’une économie portant cette société. Les violences sexuelles ne naissent pas d’idées, mais d’un style de vie. On dit parfois, avec justesse, que la pornographie est l’idéologie du viol, ce n’est toutefois juste que si l’on voit que la pornographie est elle-même le produit de la société.

Il n’y aurait pas de pornographie sans l’ultra-libéralisme et l’esprit de consommateur, la pornographie naissant dans les pays scandinaves et en Californie comme vecteur soi-disant libérateur du désir individuel, dans les années 1960. Il s’agit là d’un style de vie enraciné dans une réalité économique.

La gauche post-moderne ne voit que des individus et ne peut proposer que de « déconstruire » des briques individuelles. Sans tradition social-démocrate, le fond à l’air démocratique au premier abord et la forme a l’air intéressante à première vue. Mais on se rend vite compte qu’il n’y a aucune perspective. Le seul but est de tout déconstruire…

La gauche post moderne ne propose rien d’autre qu’une remise à plat des rapports de concurrence entre entreprises et au sein de la société : plus de morale, plus de nature, plus rien… on repart de zéro et chacun peut choisir librement ce qu’il est, ce qu’il devient, avec qui il négocie, etc.

La Gauche historique, celle de la centralité ouvrière, raisonne en terme d’ensemble, de société, de culture, de mouvement, d’évolution, de Nature… Elle pose donc la question non pas en terme d’individus mais en terme de culture : il faut une rupture avec les valeurs dominantes, il faut une culture socialiste, un ordre nouveau.

Voilà pourquoi les hommes moraux ne violent pas. Si leur morale est juste – et elle l’est quand on est véritablement démocratique, ancré à gauche et dans l’histoire de la Gauche – alors ils restent inébranlables. Ce n’est pas qu’ils ne cèdent pas à la « tentation » ou qu’ils se refrènent ; c’est simplement qu’ils ne prennent pas leur partenaire féminin pour un objet, qu’ils ne se retrouvent pas dans une situation où la réalité personnelle de l’autre est niée.

Ils n’ont rien déconstruit chez eux ; ils ont simplement fait attention à ce que les rapports avec l’autre personne soient authentiques et démocratiques. Et il va de soi que cela n’est pas possible dans un milieu où règnent l’alcool et les drogues, où le niveau culturel est terriblement faible et où il n’y a donc aucun moyen d’être réellement démocratique, parce qu’on est incapable de faire face à tous les paramètres, parce qu’on n’est pas en mesure de suivre ce qui se passe.

Aucun rapport démocratique ne peut non plus avoir lieu dans une relation marchande, dans une relation déséquilibrée en raison de l’âge (avec l’expérience que cela implique) ou des rapports hiérarchiques. Voilà pourquoi il n’est pas moral pour un médecin d’avoir un rapport sexuel avec une patiente, pour un homme d’avoir une compagne bien plus jeune, pour un patron de se marier avec sa secrétaire en quittant sa propre compagne, pour un homme d’avoir un rapport avec une prostituée, etc.

> Lire également : La terrible crise des agressions sexuelles au sein des JC

C’est là un principe essentiel de la Gauche historique, démocratique, et voilà pourquoi la « gauche » postmoderne affabule avec ses « déconstructions » individuelles et ses remises en cause fictives de comportements qui proviendraient d’on ne sait où, qui par ailleurs ne produisent strictement aucun résultat comme le prouvent les affaires récurrentes dans ces milieux.

Qui est démocrate vit dans des rapports démocratiques et a le souci de toujours vivre dans de tels rapports – et n’est pas en mesure de se retrouver dans des situations non démocratiques où il perd sa nature !

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Réflexions

La superstition scientifique (Antonio Gramsci)

Le rapport passif à la science, jusqu’à en faire une sorcellerie d’un nouveau genre, est erroné et dévalue la notion de travail, de transformation. Il faut aller dans le sens d’une popularisation des concepts scientifiques, afin de contrecarrer cela.

Il faut noter qu’à côté de l’engouement le plus superficiel pour les sciences existe en réalité la plus grande ignorance des faits et des méthodes scientifiques, qui sont des choses fort difficiles, et qui deviennent toujours plus difficiles par la spécialisation progressive des nouvelles branches de la recherche.

La superstition scientifique comporte des illusions si ridicules et des conceptions si infantiles, que même la superstition religieuse s’en trouve ennoblie.

Le progrès scientifique a fait naître la croyance et l’attente d’un nouveau type de Messie, qui réalisera sur cette terre le pays de cocagne ; les forces de la nature, sans aucune intervention du travail humain, mais par l’opération de mécanismes toujours plus perfectionnés, donneront à la société en abondance tout le nécessaire pour satisfaire ses besoins et vivre dans l’aisance.

Contre cet engouement, dont les dangers sont évidents (la foi superficielle abstraite dans la force thaumaturgique de l’homme conduit ici paradoxalement à stériliser les bases mêmes de cette force et à détruire tout amour du travail concret et nécessaire, pour se livrer à des fantasmes, comme si l’on avait fumé une nouvelle sorte d’opium), il faut combattre avec des moyens variés, dont le plus important devrait être une meilleure connaissance des notions scientifiques essentielles, en vulgarisant la science grâce aux œuvres de savants et de spécialistes sérieux, et non plus de journalistes omniscients et d’autodidactes présomptueux.

En réalité c’est parce qu’on attend trop de la science, qu’on la considère comme une sorcellerie supérieure, et c’est pourquoi on ne réussit pas à évaluer de façon réaliste ce que la science offre de concret.

Antonio Gramsci, Cahier de prison 4 (XIII), §71, 1932-1933

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Politique

La ligne « François Mitterrand » du Parti social-démocrate d’Allemagne (SPD)

Le Parti social-démocrate d’Allemagne (SPD) vient de terminer sa grande convention pour établir sa plate-forme en vue des élections européennes. La différence est marquante par rapport au Parti socialiste en France, puisqu’on a quelque chose de très ouvert sur le plan des décisions, avec des compte-rendus et les documents proposés par les sections à la base, etc.

Sur le plan du contenu, cela reste dans les normes de la social-démocratie allemande, avec donc toujours une insistance sur la modernisation de l’économie et des sécurités pour les travailleurs, le refus des démantèlements sociaux et de la logique du militarisme.

On peut bien entendu critiquer cela comme hypocrite, vide de sens ou bien vain ; il n’en est pas moins vrai que le SPD assume une posture très François Mitterrand des années 1980, ce que le Parti socialiste ne parvient même pas à faire dans notre pays, ni même d’ailleurs Benoît Hamon ou Jean-Luc Mélenchon.

Voici également des extraits des différentes propositions qui ont pu y être faites, qui n’ont pas été choisi au hasard. De par leur contenu, ils font passer le PCF pour une sorte de mouvement de centre-gauche. Cela montre bien l’incroyable glissement à Droite de la politique française depuis une vingtaine d’années au minimum.

Voici ce que dit notamment le SPD de Berlin :

« Nous avons conscience que la prétendue « eurocrise », tant eu égard aux discussions sur le sens et la valeur d’un moyen de paiement européen unitaire, qu’à l’état et les possibilités de développement d’un niveau de structuration démocratique bourgeois, n’est en réalité qu’une crise des banques.

La discussion quant à une « crise de l’Union Européenne » est une manœuvre de diversion par rapport à la crise d’accumulation du capitalisme dans sa phase mondialisé, néo-libérale. La crise, en tant que telle, est immanente au système économique capitaliste.

Cette fois, les capitaux sont parvenus de manière quasi parfaite à socialiser les coûts de la crise. Les réflexes de défense de groupes inquiets dans la population, qui se sentent menacés par des pratiques néo-libérales comme la monétarisation dans tous les domaines de la vie, aboutissent au renforcement des forces nationalistes, dont le summum est le Brexit.

Le renforcement du nationalisme dans certains États et certaines régions de l’Union européenne ne se produit ainsi pas seulement au sens de stratégies d’entreprises pour s’assurer des structures de type monopolistes. Il s’agit également, en plus de cela, de détruire la base pour la solidarité et en même temps de masquer les véritables causes de la crise.

Les mouvements nationalistes actuels sont unis dans l’objectif de former un État sans droits pour la majorité de la population dépendante d’un salaire. C’est pour cette raison un devoir de la social-démocratie internationale, comme mouvement internationaliste, d’opposer une union sociale européenne au néo-libéralisme mondialisé. »

Voici un extrait de la proposition du SPD de Braunschweig :

« Le nationalisme, c’est la guerre ! Cette phrase connue de l’ancien président français François Mitterrand est toujours valable.

Les pères et mères fondateurs de l’Europe avaient directement sous les yeux ce qu’amènent le nationalisme et le fascisme : la mort, la souffrance, la haine et la destruction étaient encore présentes dans toutes les têtes des années après la guerre.

Il y avait besoin de courage et de vue à long terme pour aborder ensemble les problèmes urgents comme la faim, la reconstruction des infrastructures, ou le contrôle des biens importantes pour la guerre, et pour ainsi poser les fondements pour une Europe avec une paix durable. »

Voici un extrait de la proposition du SPD Unterbezirk Ennepe-Ruhr (Nordrhein-Westfalen) :

« Un capitalisme de plus en plus autoritaire, une démocratie vidée de son contenu et les peurs sociales existentielles, tout comme la perte de contrôle social et individuel, sont le terrain sur lequel fleurit la mentalité nationaliste.

Le processus de renationalisation et le renforcement de partis autoritaires ethno-patriotiques et nationalistes n’ont pas du tout encore été bloqués et fait reculer, bien que les partis de droite comme récemment en France ou aux Pays-Bas sont restés en-deçà des croissances de voix attendues (…).

La retombée dans le nationalisme – en particulier allemand – correspond à une pensée et une politique qui a aboutit à deux catastrophes désastreuses lors du dernier siècle.

Le SPD est dans son histoire tourné programmatiquement international et pro-européen, comme politiquement pour la paix et la solidarité. La voie va de la revendication « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » du Manifeste communiste, à celle des « États-Unis d’Europe » du programme de Heidelberg, jusqu’à la politique de désescalade et de paix de Willy Brandt ou son rapport Nord-Sud sur la situation catastrophique dans le pays du Sud. »

 

https://www.youtube.com/watch?v=yUYaZmFJd3A

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Politique

(Communiqué) Benoît Hamon n’est pas invité au débat sur les européennes par France 2

Deux semaines après Ian Brossat du PCF, qui a finalement été invité, c’est au tour de Benoît Hamon de déplorer son éviction du débat pour les européennes sur France 2 le 4 avril prochain.

Voici le communiqué de Génération-s, qui dénonce un déni démocratique évident, mais paie en fait surtout le prix de la division et de l’éparpillement de la Gauche.

Génération.s exclu du débat sur les Européennes du 4 avril, une décision arbitraire et partiale qui fausse la loyauté du scrutin

La direction de France Télévisions vient de nous confirmer, par la voix de M. Letranchant, directeur exécutif en charge de l’information à France Televisions, que Benoît Hamon ne sera pas invité pour représenter Génération.s au débat du 4 avril.

La direction de l’information de France 2 a indiqué que cette décision avait été prise sur la base du croisement de plusieurs critères :

la représentation des partis politiques aux parlements nationaux et au Parlement européen : sur ce sujet, des députés et parlementaires européens sont affiliés à Génération.s. Nous notons que Messieurs Dupont Aignan ou Glucksmann, têtes de liste n’en ont aucune ;

les sondages : Ian Brossat ou Jean-Christophe Lagarde sont crédités dans toutes les enquêtes d’intention de vote, de résultats inférieurs à ceux de Génération.s ; c’est sans évoquer la côte de popularité de Benoît Hamon qui depuis des mois, fait partie des cinq personnalités politiques préférées des Français et des trois premières à gauche.

Aucun critère ne s’applique à Génération.s. C’est donc une décision arbitraire et partiale d’exclusion qui fausse la loyauté du scrutin. Génération.s est d’ailleurs invité aux débats organisés dans le cadre des élections européennes par le groupe TF1, BFM TV ou encore France Info.

Une fois encore, nous ne comprenons pas et contestons le choix de la direction de France Televisions.

Une injonction a été envoyée au CSA afin que celle-ci garantisse le respect du caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion.

Génération.s organise ce mardi 26 mars à 12h30 une première mobilisation devant les locaux de France Télévisions.

Génération.s mettra en œuvre tous les moyens à sa disposition pour que sa voix soit représentée le 4 avril prochain sur France 2.

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Politique

L’élection présidentielle française, plaie anti-démocratique

C’est le coup d’État de De Gaulle qui a instauré la Cinquième République. L’élection présidentielle correspond à sa lecture bonapartiste de la politique et relève en France d’un dispositif totalement anti-démocratique.

de Gaulle

Le coup d’État de De Gaulle en 1958 a radicalement modifié le système politique français. Auparavant, c’était « le régime des partis » et forcément un tel débat démocratique, avec qui plus est le Parti Communiste qui était le plus puissant des partis, cela ne passait pas auprès des classes dominantes. Aussi y a-t-il eu la mise en place d’un véritable vote bonapartiste, où la population vote non pas pour des idées, pour un parti, mais pour un individu, le Président.

Bien évidemment, celui-ci se présente comme une sorte de sauveur. Dans tous les cas, ce sont ses qualités individuelles qui priment dans la balance et l’interprétation qu’on en a. C’est anti-démocratique et on voit bien où cela mène : à l’hystérie anti-Macron des gilets jaunes, au refus du débat politique, à la conception étrange qu’une personne au poste de Président décide de tout.

La Gauche s’est terriblement faite piégée par l’hystérie anti-Sarkozy et cela a été une des principales causes de son effondrement. Tout le débat quant au contenu a été évacué au nom du mot d’ordre Tout Sauf Sarkozy. C’est ainsi que François Hollande a pu se faufiler et gagner, sans aucun contenu, mais en se donnant l’image d’un homme « normal ».

Il était par ailleurs tout à fait conscient de la nature de son poste de Président et du fait qu’il ne pourrait, même s’il le voulait, pas assumer de valeurs de gauche. Voici ses propos, retranscrits dans l’ouvrage Un président ne devrait pas dire ça… où deux journalistes l’ont longuement accompagné :

« Je pense que l’élection présidentielle – qui est vraiment essentielle, qu’on ne va heureusement pas supprimer – suscite, pas tellement pendant la campagne, mais dans l’exercice du pouvoir, une attente encore plus forte que celle qu’on met dans le chancelier d’Allemagne ou dans un Premier ministre britannique.

Et, deuxièmement, le président de la République est élu au suffrage universel, il peut avoir une majorité parlementaire, mais sa base électorale est très étroite. Au premier tour de l’élection présidentielle, je fais 27 % [en fait 28,63 %], la gauche fait 41-42 % [en réalité 43,76 %] toutes sensibilités confondues, y compris l’extrême gauche : ce n’est pas majoritaire.

Donc le président de la République de gauche, apparemment doté – ce qui est vrai – de beaucoup de pouvoirs, est minoritaire en France, dès son élection. Tout de suite. »

François Hollande exprime ici une vérité, mais une vérité inacceptable. Le principe des élections présidentielles provoque une personnalisation empêchant de faire émerger des alliances larges dans le peuple. La politique disparaît en effet au profit de la « sensibilité » politique, et alors tout se joue au centre, puisque les personnes de sensibilité centriste peuvent basculer indifféremment à gauche comme à droite. L’union populaire est impossible car tout se réduit à une sorte de choix personnel, en restant à ses préjugés.

Cela n’a pas dérangé François Hollande, puisqu’il se plaçait justement comme candidat de centre-gauche. Le caractère anti-démocratique de la présidentielle, qui par définition bloque la Gauche, il l’accepte très bien comme on le voit. François Mitterrand s’en était pareillement accommodé auparavant. Rappelons que François Mitterrand avait même empêché la réédition de son ouvrage sur la Cinquième République comme coup d’État permanent… Alors qu’il a triomphé à gauche justement en se profilant comme le meilleur opposant au gaullisme. Il y a chez lui, comme chez François Hollande, une capitulation devant le poste de Président de la République, qui « personnalise », anéantit les débats réellement politiques.

Ce qui est très grave, c’est également cette mode des « primaires » à Gauche, alors que cela relève de la même démarche. Normalement, à Gauche, on vote pour une ligne politique, représentée par un parti, éventuellement une tendance dans un parti, ou bien une fraction, mais dans tous les cas on choisit en fonction du contenu. D’abord on regarde les principes, le contenu, ensuite on prend en considération ce qui est fait, et enfin seulement on regarde les gens portant ce contenu et agissant concrètement.

Avec le poste de Président de la République, on a au contraire une démarche bonapartiste où le pays se cherche un sauveur, et cela contamine la politique – ce qui est normal à Droite, mais inacceptable à Gauche. Il faut en revenir aux débats, aux contenus ; même si le niveau politique s’est effondré, il faut reprendre à zéro s’il le faut. La Gauche ne peut exister que comme mouvement conscient, jamais comme simple expression d’une « sensibilité », sinon on laisse la place à tous les carriéristes, tous les opportunistes, et on va de déception en déception.

La Gauche doit donc revenir à la défaite terrible de 1958 qu’elle a connu et assumer celle-ci. Elle doit cesser de contourner le problème : tant qu’il y aura les présidentielles, elle ne pourra pas l’emporter en termes de valeurs en raison de la polarisation personnelle provoquée. La remise en cause du poste du Président typique de la Ve République est, aux côtés du refus de la charte d’Amiens qui fait des syndicats des regroupements populaires anti-politiques, une des valeurs fortes que la Gauche historique doit assumer !

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Société

« Être trans, c’est faire la révolution à l’intérieur de soi »

Cela a été l’un des plus grands hold-ups de la « gauche » postindustrielle, post-moderne, à l’américaine : profiter de la bataille pour les droits des femmes, les droits des homosexuels, et les détourner vers la théorie du genre et une conception identitaire de l’existence.

Voilà ce que dit Paul B. Preciado dans une interview à Libération («Nos corps trans sont un acte de dissidence du système sexe-genre») :

« Être trans, c’est accepter qu’on arrive à être soi-même grâce au changement, à la mutation, au métissage. C’est faire la révolution à l’intérieur de soi. »

La boucle est ainsi bouclée et en un sens il était temps. En s’appuyant sur la philosophie existentialiste affirmant qu’on est ce qu’on choisit d’être, sur la philosophie structuraliste expliquant que le monde est composé de structures sociales, idéologiques, culturelles, morales, économiques, etc., en s’appuyant sur la philosophie désirante de Michel Foucault et Gilles Deleuze faisant du désir le sens même de l’existence, la gauche postindustrielle a diffusé des thèses ultra-libérales en abusant les gens de Gauche.

Tous les acquis de la Gauche historique ont été massacrés. L’Histoire ? Elle n’aurait aucun sens, ce serait juste des événements qu’on rapprocherait plus ou moins, arbitrairement. La lutte de classes ? Du passé, il faudrait raisonner en termes de structures, comme avec le sociologue Bourdieu, et donc « déconstruire » les préjugés. Les droits des femmes ? Inutiles, puisqu’il n’y aurait plus que des individus et que chacun se définit comme il l’entend. Les droits des gays et des lesbiennes ? Une abstraction, puisque les sexualités seraient multiples à l’infini.

Jusqu’à présent, la gauche postindustrielle n’a jamais osé formuler les choses ouvertement ainsi, et attaquaient comme « réactionnaires » les tenants de la Gauche historique pour affirmer que c’était le fond de leur démarche. Le temps a suffisamment passé cependant pour que les masques tombent et l’interview dans Libération présentent des points de vue extrêmement claires :

Qui êtes-vous, Paul B. Preciado ?

La question de l’identité ne m’intéresse pas. Je ne me sens ni espagnol, ni français, ni catholique, ni homme… Ce qui m’intéresse, c’est la critique des normes sexuelles, de genre, raciales, patriotiques. Ce qui est le plus urgent n’est pas de défendre ce que nous sommes, homme ou femme, hétérosexuel ou homosexuel, mais de le rejeter, de se désidentifier de la coercition politique qui nous force à désirer la norme et à la reproduire. Comme le genre, la nation n’existe pas en dehors des pratiques collectives, qui l’imaginent et la construisent. Ce que je vois aujourd’hui, ce ne sont pas des identités, mais des rapports de pouvoir qui construisent le sexe, la sexualité, la race, la classe, le corps valide. Arrêtons de nous focaliser sur les identités, parlons plutôt des technologies de pouvoir, remettons en cause l’architecture politique et juridique du colonialisme patriarcal, de la différence des sexes et de la hiérarchie raciale, de la famille et de l’Etat-nation

L’auteur de ces propos s’est même installé à Athènes, ville qui serait elle-même en « transition ». C’est conforme aux propos tenus, qui sont une négation de toute la réalité sociale, culturelle, nationale, biologique, au profit d’une aventure individuelle et encore fondée uniquement sur sa propre conscience, dans l’esprit de Descartes.

Seulement, la Gauche historique ne se revendique pas de Descartes ni de Thomas d’Aquin, pas plus que de Maïmonide, Ghazali ou bien l’imam Khomeini. Elle se revendique de l’humanisme et de la Renaissance, des philosophes matérialistes des Lumières, des premiers utopistes socialistes, tout cela formant l’arrière-plan du mouvement ouvrier. Et là il n’y a pas d’esprit qui se balade au-dessus de la réalité et fait ses choix comme on fait du shopping.

« Mon genre est non-binaire »

Car c’est bien de shopping qu’il s’agit. L’ultra-libéralisme affirme qu’on peut et qu’on doit tout choisir : sa vie, son emploi, son sexe, son genre, son identité, sa nationalité, ses origines, sa personnalité, son appartenance ethnique, son type de sexualité, son type de couple, etc.

C’est totalement irréaliste d’un côté, cela s’oppose aux principes du déterminisme de l’autre. Et le déterminisme est la base de l’affirmation de la lutte des classes : sans la philosophie du déterminisme, il n’y a plus de classes, donc plus de luttes de classes, donc plus besoin de la Gauche historique.

Et c’est là l’objectif de la Gauche post-industrielle, qui veut se débarrasser du mouvement ouvrier, de la classe ouvrière, du Socialisme, des ouvriers eux-mêmes, de tous ces concepts pour elle dépassés, surannés, vieillis, d’un autre temps. C’est là même son objectif prioritaire, car la Gauche post-industrielle est née dans les universités américaines et diffusée en Europe par l’intermédiaire de l’Angleterre, en étant financée massivement par ces institutions éducatives du supérieur.

Si les universités américaines financent de telles personnes, ce n’est pas pour rien, c’est parce qu’il y a convergence d’intérêts, que ces gens se mettent au service de l’ultra-libéralisme. Il faut donc choisir : soit ces gens, soit le mouvement ouvrier avec la Gauche historique !

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Politique

Acte XIX des gilets jaunes : paraître ou disparaître

Sans violence contrairement au samedi précédent, le 19e samedi a témoigné d’une énième modification dans la substance des gilets jaunes. Le mouvement est en effet cette fois devenu un abcès de fixation.

Le 19e samedi des gilets jaunes était très attendu, après la dévastation des boutiques des Champs-Élysées la semaine précédente. L’État a d’ailleurs voulu électriser l’ambiance justement en fermant l’avenue parisienne aux manifestants et en en appelant à l’Armée pour « sécuriser » des bâtiments. Une militarisation apparente visant à jouer des épaules pour montrer que l’État était bien en place.

Le préfet de Paris Michel Delpuech a également été éjecté, celui de Bordeaux, Didier Lallement, un « dur », prenant sa place, alors que la police exerçait en général de nombreux contrôles dans le pays autour des manifestations (8 545 contrôles préventifs rien qu’à Paris) et que de nombreuses zones avec interdiction de manifester avaient été mises en place, parfois de taille significative comme à Nice.

C’est dans ce climat donc relativement tendu qu’un peu plus de 41 000 personnes se sont mobilisés, dont plusieurs milliers à Paris, Toulouse, Lille ou Montpellier. C’est plus que le samedi précédent et c’est surtout cela qui compte. Ce qui reste des gilets jaunes, c’est désormais une sorte de « nuit debout » tous les samedis. Un mouvement de protestation où n’importe qui dit n’importe quoi, du moment que cela reste dans un esprit anti-Macron et que cela possède une dimension sociale.

C’est une sorte de variante néo-syndicaliste qui s’est affirmé avec ce 19e acte et on peut dire qu’il y en a trois qui ont du nez : Jean-Luc Mélenchon, Olivier Besancenot et Philippe Poutou ont en effet été présents dans le cortège parisien, ce qui est la démonstration d’un grand changement de mentalité. À la ligne revendicative anti-politique initiale s’est substitué un esprit réformiste radical.

C’est que la politique a horreur du vide et après avoir été une très violente charge d’extrême-droite, les gilets jaunes s’enlisent et ne peuvent donc que s’amalgamer à une pseudo-protestation sociale avec une forte résonance chauvine. On en revient à des revendications para-syndicales, même s’il faut noter qu’il y avait trois fois moins de monde qu’à l’initiative de la CGT quelques jours auparavant.

La Droite l’a également bien compris et se déchaîne désormais à l’encontre des gilets jaunes. Le soutien initial a disparu, car il a été bien vu que ce qui reste des gilets jaunes est d’une substance nouvelle, irrécupérable par la Droite. Le fait qu’au congrès des chasseurs, le président de leur fédération nationale dénonce ouvertement les gilets jaunes montre également qu’un cap était passé. Même s’il les avait toujours rejetés, le fait de se permettre de l’affirmer au congrès reflète le changement de situation.

Certains diront que c’était ce qu’il fallait attendre depuis le début et que c’est pour cela que la Gauche devait participer aux gilets jaunes. Il aurait été juste de participer pour ne pas rater le train, de virer l’extrême-droite puis d’être présents jusqu’au bout, en sachant que personne d’autre ne pourrait suivre. Mais c’est là prendre ses rêves pour la réalité.

En réalité, les gilets jaunes ont connu des changements importants lors de plusieurs tournants, comme une étude de chaque samedi le montre bien. Parler des gilets jaunes « en général » et croire qu’il s’agit du peuple est une abstraction. Leur nombre a également toujours été restreint. Et, et c’est là le principal, la matrice des gilets jaunes était nationaliste, anti-politique, anti-parlementaire, et c’est cela qui a traversé les samedis, de manière plus ou moins forte.

En ce sens, les gilets jaunes n’ont jamais été qu’un mouvement réactionnaire. Cela ne veut pas dire qu’il ne fallait pas travailler sa base populaire, mais certainement pas en faisant des gilets jaunes un nouveau mode d’expression adéquat, en appelant à les soutenir, en leur donnant une aura de gauche ou révolutionnaire. Les gilets jaunes sont un mouvement contre le drapeau rouge, contre la Gauche en général et on peut se douter à quoi ressemblerait une « gauche » qui se reconnaît dans les restes des gilets jaunes.

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Politique

La fin de l’État islamique et les islamistes

L’État islamique a perdu le dernier territoire contrôlé. Quelle va être la conséquence sur la mouvance islamiste ? C’est une seconde vague terroriste qui se profile, tout à fait différente.

L’État islamique a perdu hier son dernier territoire, en Syrie, à la frontière avec l’Irak. Ce sont les forces kurdes, dans le cadre d’un front « démocratique » avec le soutien américain, qui ont mis fin à ce régime de terreur et exportateur de terrorisme. De par son importance en tant que phénomène monstrueux et de par son impact en France, il y a lieu de porter un regard approfondi sur les islamistes dans leur rapport à cette perte de territoire.

Les islamistes ont, en effet, des réactions très diverses par rapport à tout cela et cela va juger de manière très forte sur leurs dynamiques. Il va de soi que pour des raisons d’ordre pratique – à la fois par souci de clarté et pour éviter d’aider intellectuellement les islamistes en question – l’article ne rentrera pas dans les détails sur les plans des références.

Il faut bien ici avoir en tête que la mouvance islamiste est évaluée à 20 – 25 000 personnes en France (comme par ailleurs en Allemagne ou en Grande-Bretagne). Cela amène à évaluer la base sympathisante au sens très large au double ou au triple ; la part de gens prêts à basculer dans le terrorisme est estimée à 4000 personnes (qui sont censés à ce titre être surveillés de près par les services secrets français). C’est énorme.

Quand on parle des islamistes, on peut voir qu’il existe trois blocs. Il y a les salafis de type piétiste, qui veulent vivre à l’écart du monde moderne ; il y a Al-Qaïda ; il y a l’État islamique. Leurs perspectives sont très différentes, leurs sensibilités et leurs théologies sont en apparence les mêmes, mais les démarches n’ont rien à voir.

Ainsi, les piétistes ne considèrent pas qu’il soit possible de faire de la politique, il faut organiser une vie à l’écart. La fin de l’État islamique va indubitablement les renforcer, au sens où cela signifie que la politique islamiste n’a aucune chance de réussir et qu’il faut donc passer par un sectarisme culturel, un communautarisme virulent et strict, un refus catégorique du monde moderne sur lequel il faudrait grignoter des espaces. Ce n’est pas une bonne nouvelle.

Al-Qaïda, en toute logique, devrait profiter de la fin de son principal concurrent. Depuis le départ, Al-Qaïda dit que la conquête d’un territoire centralisé est voué à l’échec. Il devrait donc en découler un certain prestige pour cette « clairvoyance » et cette organisation criminelle devrait en profiter. Cela ne sera pas le cas.

Al-Qaïda a d’énormes problèmes internes sur le plan de la direction. L’un de fils de Ben Laden est en train d’être stylisé comme chef à venir, mais rien n’est fait. À cela s’ajoute un gros problème de structures et Al-Qaïda a choisi de rester, coûte que coûte, sous la coupe des talibans afghans, afin de disposer d’une base géographique protectrice. Cependant, les talibans ont un agenda islamo-nationaliste, ce qui est différent d’Al-Qaïda.

Il en va de même avec les forces syriennes « révolutionnaires », qui soutiennent Al-Qaïda dans leur majorité, mais ont rompu leur allégeance par souci pratique dans le cadre syrien. Seul un tout petit groupe a maintenu une allégeance formelle. Ce n’est pas bon pour le prestige. Et c’est d’autant plus problématique que l’État islamique a siphonné la plupart de ses propres réseaux historiques. Al-Qaïda est donc en perte de vitesse générale, notamment dans sa production médiatique, et n’est pas en mesure d’assumer le « jihad mondial » qu’il propose. Il ne reste que l’attente ou une tentative de fuite en avant particulièrement sanglante.

Reste l’État islamique. Peu de gens le savent, mais de très graves dissensions le caractérisent depuis environ deux ans. À la base, l’État islamique est une théocratie et son justificatif idéologique est très simple : sans califat, on ne peut pas être musulman, car il faut un calife pour gouverner les croyants. Tant qu’il y avait l’empire ottoman, cette nécessité religieuse de l’Islam pouvait passer au second plan, mais depuis 1918, cette question est un serpent de mer qui a fini par parvenir sur le devant de la scène.

Face à la pression extérieure, les religieux ont cependant vécu de manière surtout cachée et ce sont les forces militaires – organisées en clans, avec des chefs de guerre – qui ont pris le dessus. À l’arrière-plan, il y a également les chefs d’origine irakienne qui ont pris le dessus. De par l’absence de hiérarchie claire et par les espaces laissés aux chefs de guerre, à quoi s’ajoute une idéologie fanatique, tout cela a provoqué une vaste corruption et des liquidations en série, de torture généralisée dans une atmosphère de paranoïa, notamment chez les lettrés se préoccupant de théologie et chez les militants venant des pays occidentaux.

Depuis deux ans, un vaste mouvement de critique interne est donc apparu dans l’État islamique. Pour cette raison, la fin de l’État islamique est évaluée de manière très différente par les deux fractions. Celle qui est légitimiste considère que l’échec actuel est une épreuve : Dieu est là pour vérifier l’authenticité de l’engagement de l’élite musulmane. Selon ces islamistes du « canal habituel », la situation est simplement là pour les éprouver. Il n’y a rien à changer, même si en pratique la seule légitimité de l’État islamique était sa territorialisation.

En revanche, pour les autres, ce qui se déroule est une « punition divine ». L’État islamique n’a pas été à la hauteur et c’est pour cela qu’il a été puni. Il a beaucoup été parlé d’une jeune femme britannique désireuse de retourner dans son pays, car elle avait un enfant, et qui a tenu des discours très favorables à l’État islamique, regrettant juste une fin chaotique et sa défaite finale. Eh bien c’est exactement représentatif de la ligne néo-romantique de ce qui est en quelque sorte un « canal historique ».

Il y a là quelque chose de terriblement dangereux. On a ici affaire à une démarche non plus simplement apocalyptique, comme avec l’État islamique qui s’imaginait mener la bataille quasi finale, mais post-apocalyptique. Le seul parallèle possible, pour saisir l’esprit de tels gens, est avec la posture du dernier carré d’islamistes lors de la guerre civile algérienne. Après avoir attendu le caractère de mouvement de masse avec le FIS et son bras armé, les défaites ont abouti à des groupes islamiques armés basculant dans un terrorisme criminel tout azimut, tout à fait en écho d’ailleurs avec les tendances régulières du FLN pendant la guerre d’Algérie à frapper indistinctement, y compris dans ses propres rangs.

Ce qui amène à un autre problème : les durs des durs de la première génération du jihad viennent d’Algérie, mais ce pays est un territoire perdu. En 2018, il n’y a pas eu un seul attentat à la bombe islamiste en Algérie, pour la première fois depuis vingt ans, alors qu’en même temps il y a eu de très nombreuses arrestations, mille armes (pistolet, mitraillette, grenades, etc.) confisquées. La frénésie criminelle des islamistes pendant la guerre civile des années 1990 a « vacciné » une large partie de la population et les manifestations contre le président algérien Bouteflika ne prennent pas du tout un virage pro-religieux, malgré la force énorme du piétisme-quiétisme islamiste en Algérie.

Or, les « néo-romantiques » auraient largement espéré un prestigieux « retour aux sources », afin de combler leurs besoins en termes d’images symboliques. Ils ne peuvent pas l’avoir : ils seront par conséquent obligés de se tourner vers la France – si l’on considère que l’idéologie islamiste est aussi, voire largement dans sa genèse historique, le produit de l’absence d’identité nationale bien définie au moment de la lutte pour l’indépendance de l’Algérie, aboutissant pour combler ce manque à l’utilisation massive et mystique d’un Islam identitaire et néo-féodal.

Dans tous les cas, l’émergence d’un islamisme « néo-romantique » des décombres de l’État islamique semble inévitable ; dans les faits, la scission est déjà faite et l’affrontement idéologique existe depuis deux ans déjà. La guerre d’interprétation entre la thèse de « l’épreuve » et celle de la « punition divine » ne peut qu’aboutir à une scission déjà réalisée dans les faits.

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Politique

Djordje Kuzmanovic lance « République souveraine »

Ancienne figure de La France Insoumise, Djordje Kuzmanovic lance un nouveau mouvement, que l’on doit qualifier de nationaliste : République souveraine. La polarisation Droite / Gauche serait dépassée, il s’agirait de défendre désormais la nation française pour qu’elle retrouve sa « puissance ».

Djordje Kuzmanovic avait fait parler de lui récemment, notamment au sujet de la question de la migration. Cela lui avait valu les foudres de nombreux responsables de La France Insoumise et il avait finalement démissionné de son poste d’orateur national de ce mouvement. Il justifiait alors sa position en faisant référence à l’Allemande Sahra Wagenknecht et au mouvement ouvrier historique.

En cela, il avait indubitablement raison ; jamais le mouvement ouvrier n’a fait des migrations un phénomène positif, tout en soulignant évidemment à côté les droits des travailleurs immigrés. Sahra Wagenknecht n’a fait que rappeler des fondamentaux, et son discours est ouvertement anti-militariste, anti-guerre, anti-nationaliste, opposant les riches et les pauvres.

> Lire également : Immigration : Jean-Luc Mélenchon désavoue Djordje Kuzmanovic

Impossible par contre de faire confiance à Djordje Kuzmanovic, qui n’utilisait cet argument de la Gauche historique que par démagogie. Et, finalement, cet ancien militaire, fier d’aller à la séance religieuse du dimanche de l’ultra-réactionnaire Église orthodoxe russe, lance aujourd’hui son propre mouvement, République souveraine.

La rhétorique est classiquement d’extrême-droite. Dans le cadre d’une « situation de crise profonde : sociale, économique, politique, morale et existentielle », il faut que toutes les forces s’unissent comme cela avait été le cas pour le Conseil National de la Résistance.

La France serait-elle occupée ou sous tutelle, comme à l’époque par l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste ? Selon lui, oui, par la Commission européenne et les traités de libre-échange. D’où l’appel « à une union sacrée, à un sursaut patriotique pour mener la reconquête de notre souveraineté perdue ».

Est-ce là du souverainisme, comme le propose par exemple Dupont-Aignan ? En fait, non. Car Dupont-Aignan est sincère dans sa démarche et, s’il est de Droite, il cherche d’une manière ou d’une autre à combiner des forces. Concrètement n’importe qui peut apporter son grain de sel.

À l’époque du Conseil National de la Résistance, il n’y avait pas l’effacement de la Droite et de la Gauche, mais leur combinaison temporaire face à un ennemi commun. Dupont-Aignan relève de cette même démarche, toutes choses étant égales par ailleurs.

Les souverainistes veulent ainsi l’unité de la Droite et de la Gauche en posant le cadre national comme prioritaire ; les nationalistes par contre, disent qu’il faut le dépassement de la Droite et de la Gauche. C’est donc tout à fait différent.

Voici ce que dit Djordje Kuzmanovic :

« Face à l’unification du bloc élitaire, incarné par l’actuel pouvoir, il faut dépasser les vieilles identités partisanes. Ce bloc est minoritaire, mais il peut continuer son œuvre de déprédation si les forces d’opposition restent prisonnières des stéréotypes de gauche et de droite qui les empêchent de s’entendre sur un socle commun.

Nous proposons à tous les républicains qui veulent lutter contre le bloc ultralibéral, européiste et atlantiste de se fédérer au sein d’un mouvement politique ouvert et structuré de façon à concilier efficacité de l’action et démocratie du fonctionnement (RIC interne) pour ensemble bâtir de nouveaux « jours heureux ». »

C’est là ni plus ni moins que du nationalisme. Il faudrait protéger la nation d’une agression extérieure insidieuse, réactiver la communauté nationale unifiée, au-delà des divergences politiques. C’est tout à fait dans l’air du temps : tout un pan des gilets jaunes dit la même chose. C’est bien pour cela qu’ils sont d’extrême-droite.

Djordje Kuzmanovic a-t-il pour autant changé de camp ? Sans doute pas, car il n’a jamais été de Gauche. Ce n’est pas pour rien qu’il a fait partie de La France Insoumise, qui a toujours eu des positions très strictes en ce qui concerne les ambitions militaires françaises et l’utilisation systématique de la rhétorique patriotique.

Il suffit de remarquer ici avec quel lyrisme Jean-Luc Mélenchon s’est adressé hier « aux militaires eux-mêmes », leur demandant de ne pas tirer « quand bien même ils en recevraient l’ordre », expliquant qu’il avait « compris que leur avis n’a pas été sollicité », prenant même le parti du chef d’état major des armées, dont « il n’est même pas certain [qu’il] ait été informé ».

D’où l’importance pour la Gauche de réactiver ses fondamentaux à ce sujet. Il y a un terrible recul dans la conscience de Gauche à ce propos. Car quoiqu’on pense du rôle au gouvernement du PCF et du PS, on est obligé d’admettre qu’ils ont aidé au renforcement et à la modernisation du militarisme, qu’ils n’ont jamais remis en cause ces institutions totalement réactionnaires que sont l’Armée, son administration, sa direction. On en paie le prix aujourd’hui.

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Société

Tel un tango finlandais (l’absurde concept d’«appropriation culturelle»)

La « gauche » post-moderne a fait de l’ « appropriation culturelle » un thème important à ses yeux. Mais l’appropriation n’existe pas : le sens de la vie, ce sont les échanges ininterrompus. Qui en a peur vit dans le passé.

L’humanité est composée de nombreux peuples, qui n’ont cessé d’échanger des objets et des idées. Il est vrai que parfois cela s’est déroulé dans des conditions qui ne sont pas idéales, mais l’Histoire n’a que faire des idées, elle vit dans le concret. Certaines étapes étaient malheureusement inévitables et la « découverte » de l’Amérique en fait partie. S’il s’agit bien sûr de prendre en compte les peuples amérindiens restant, cela ne veut pas dire qu’il faut faire de la « colonisation » une mauvaise « idée » alors que cela relève de tout un processus historique inévitable.

Mais on sait justement que ce terme d’inévitable n’existe pas pour ceux qui raisonnent en termes de libre-arbitre, de choix, d’individus… bref, qui emploient les concepts libéraux en faisant passer cela pour du progressisme. Le colonialisme est pour eux un crime « conscient », commis par des personnes « conscientes » de ce qu’elles faisaient ; le concept d’ « appropriation culturelle » est directement liée à une telle vision des choses.

Chaque communauté aurait ses valeurs propres, qu’elle a produit elles-mêmes et qui ne devraient pas être récupérés, ce qui n’est ni plus ni moins que le même discours ethno-différentialiste que les racistes de la fin du 19e siècle. Et voilà donc la « gauche » post-moderne dénoncer les blancs en dreadlocks ou l’utilisation de jeux de couleurs, de symboles, de musique par tel ou tel artiste. Ce serait du racisme, ce serait de la récupération culturelle visant à effacer telle ou telle communauté.

En cela ils ont raison, il s’agit bien d’effacer telle ou telle communauté, sauf qu’ils se trompent, car c’est une bonne chose. Être réellement de gauche, ce n’est pas seulement dire qu’il ne faut pas de racisme contre telle ou telle communauté, mais également qu’à terme, ces communautés se seront fondues dans un peuple uni. Voilà ce que réfute catégoriquement la « gauche » post-moderne qui ne fait que reproduire les valeurs idéalisés de la salade de macédoine américaine. Rappelons que l’expression provient directement de la Macédoine du 19e siècle, avec sa mosaïque de communautés non unies.

À écouter la « gauche » postmoderne, les Finlandais seraient ainsi des criminels, car ils ont adopté le tango comme rythme et mélodie, « volant » ainsi les Argentins pour développer toute une vaste musique populaire. Avec une telle vision, tout un pan de la culture finlandaise serait ni plus ni moins que faux, les Finlandais vivraient dans une abstraction complète. C’est là ne rien comprendre à ce qu’est la culture populaire.

Il n’y a en effet pas de création, que de la production. Tout vient toujours de quelque chose, à l’infini. La culture est toujours récupération, modification, amélioration, ouverture de nouvelles perspectives. Cela est vrai entre les gens, mais également entre les peuples. C’est comme cela d’ailleurs qu’on arrive finalement à une culture nationale, qui est le fruit de mélange de différents regroupements fusionnant à un niveau de culture supérieur. La culture puise toujours dans la culture, s’identifiant avec ce qu’elle peut trouver de meilleur, lui imprimant sa propre expérience.

C’est pour cela que les Français ont apprécié la polka, les Finlandais le tango, certains peuples arabes la musique andalouse, les Anglais le blues rock, etc. Croire qu’il y aurait des cultures séparées, comme des communautés séparées, quelle erreur ! Le métissage est un processus inévitable et juste quand il est spontané. Il ne s’agit pas de cohabitation, de « mêmes droits » à donner à tout le monde, mais bien que tout le monde soit pareil, formant un seul peuple, une seule culture, si riche qu’elle sera capable d’avancer en ouvrant toujours de nouvelles perspectives.

Si jamais on se demande ainsi à quoi ressemblera la culture d’un pays devenu socialiste, alors on peut répondre simplement qu’elle sera tel un tango finlandais. Elle puise dans le meilleur pour donner le meilleur, elle sait reconnaître ce qui est universel dans le particulier et le développer toujours plus.

Le tango finlandais n’est pas un mauvais tango, il n’est pas la négation du tango argentin, il n’est pas non plus une variante ou un sous-produit. Il est le prolongement universel de la vie du tango né sous une forme particulière. Il n’y a pas de culture sans vie et donc sans échange, sans universalité. Comment sinon apprécierait-on les œuvres du passé, les œuvres d’ailleurs ? On peut les apprécier, car il y a quelque chose en elle qui nous parle malgré toutes les différences, qui nous parle au-delà de nos différences. Il y a quelque chose de vrai pour tous.

Mais cela implique qu’il y a des choses vraies pour tous, et que c’est même ce qu’on appelle la vérité. Or, une société de consommation ne veut pas de vérités pour tous, seulement des vérités pour chacun. La « gauche » postmoderne ne fait que refléter cela en rejetant l’ « appropriation culturelle » qui est en fait un moyen inévitable d’avancer pour la culture… Ce qui ne veut pas dire qu’il suffit de faire de la récupération pour faire de la culture.

Tout cela apparaîtra bien évident à qui sait qu’il y a une culture populaire, à qui ne fait pas vivre ses idées à partir d’écrits d’universitaires coupés de toute réalité, vivant dans une tour d’ivoire et exerçant une véritable fascination pour une poignée de petits-bourgeois qui seraient bien les nouveaux Jean-Paul Sartre, les nouvelles Simone de Beauvoir. Qui travaille, qui sait ce qu’est la culture populaire, sait comment cela marche : on prend, on reprend, on échange, on apprend à soi, on apprend aux autres, on se tourne vers les autres et inversement, tout se combine, se recombine… Tel un tango finlandais.

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Écologie

« Emmanuel Macron a fait plus pour la chasse française qu’aucun de ses prédécesseurs »

La fédération nationale de la chasse a tenu son congrès. Étaient présents non pas simplement deux ministres, voire trois, mais carrément quatre membres du gouvernement. C’est qu’il s’agit de maintenir la France profonde enfermée dans ses traditions réactionnaires.

Le président de la République Emmanuel Macron est un ardent ami des chasseurs, il leur a promis beaucoup de choses avant les élections, notamment l’organisation d’un tourisme cynégétique. Alors que l’opposition à la chasse à courre est devenue populaire grâce à AVA – Abolissons la Vénerie Aujourd’hui, il a mis tout son poids pour appuyer la contre-offensive, couvrant de ce fait la violence des partisans de la chasse à courre.

> Lire également : AVA : une force démocratique contre la chasse à courre

Rappelons également qu’à partir du premier juillet, le permis de chasser va coûter moitié moins cher, que les espèces vont dépendre de « gestions adaptatives » (pour faire sauter les éventuelles protections), qu’à partir de janvier 2020 il y aura une « police de la nature ».

Là, au congrès de la fédération nationale de la chasse à Paris, à la salle de la Mutualité, Emmanuel Macron a envoyé quatre membres du gouvernement. Il y avait ainsi trois ministres : celui de l’agriculture, Didier Guillaume, celui des Collectivités locales, Sébastien Lecornu, celui de la Transition écologique, François de Rugy. À cela s’ajoute la secrétaire d’État à la Transition écologique Emmanuelle Wargon.

On peut être certain que c’est bien le choix du président de la République : l’arrière-plan ne laisse aucun doute à ce sujet. Willy Schraen, le pittoresque président de la fédération des chasseurs, pour ne pas dire grotesque aux yeux de gens de Gauche, a tenu des propos dénués d’ambiguïté à ce sujet :

« Le président de la République, Emmanuel Macron, a fait plus pour la chasse française qu’aucun de ses prédécesseurs. »

François de Rugy a tenu lui aussi, à la fin du congrès, des propos résolument clairs :

« Je veux sortir des débats théoriques, même théologiques, des postures. Il y a un autre climat qu’il y a quelque temps. »

Mais c’est là un vœu pieux. AVA – Abolissons la Vénerie Aujourd’hui a littéralement fait briser la chape de plomb concernant la chasse à courre et ce faisant a révélé la nature des chasseurs en général. Il est vrai qu’avec les gilets jaunes, ce thème est passé au second plan de l’actualité et de la réflexion de beaucoup. Mais c’est désormais un marqueur très fort, qui restera.

> Lire également : Les chasseurs doivent comprendre le sens de la chasse à courre

Et justement par rapport au caractère improductif des gilets jaunes, il y a lieu de voir l’importance de la culture, et donc notamment de la chasse, ce pilier de la réaction y compris dans une large partie du peuple. Tout est faux dans la chasse : l’esprit communautaire, la volonté de destruction, le rapport dévoyé à la nature, pour ne pas dire terroriste… La liste serait trop longue.

Les chasseurs peuvent donc être très heureux du fait qu’ils aient désormais le soutien ouvert du régime ; effectivement vu ainsi, c’est un triomphe pour eux. Mais c’est d’une valeur faible et uniquement temporaire ; ni Emmanuel Macron, ni le gouvernement, pas même l’État français ne peuvent faire face à l’opposition à la chasse qui est désormais cristallisée et grandit.

On peut même dire que l’opposition à la chasse grandit dans cette adversité, ce qui est inévitable, car elle ne peut être que portée par la Gauche, dans un grand combat pour les valeurs, pour se débarrasser notamment aussi de tous ces restes du passé qui portent la barbarie.

Il n’y a pas au 21e siècle de place pour la chasse, cette activité immorale, dont on ne sait pas s’il faut dire qu’elle est avant tout grossière ou vulgaire. Et on sera toujours étonné de voir Emmanuel Macron, qui s’est toujours voulu si moderne, soutenir corps et âme une telle monstruosité passéiste. Cela en dit long sur ce qu’est la modernité pour lui : un prétexte au libéralisme partout et tout le temps.

À ce titre, la Gauche doit se débarrasser de tout libéralisme culturel et être en mesure de faire des choix assumés. Que le combat contre la chasse, sans même parler de la chasse à courre, ne soit pas au programme de toute la Gauche, est une trahison sur le plan des idées et une capitulation face aux tendances réactionnaires de notre pays.

> Lire également : le dossier chasse à courre

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Politique

Communiqué du Groupe communiste au Sénat contre la mobilisation des militaires de Sentinelle

Le Groupe communiste républicain citoyen écologiste (CRCE) au Sénat a produit un communiqué dénonçant la mobilisation des forces de l’opération Sentinelle pour le prochain samedi des gilets jaunes.

Il est rappelé par ces sénateurs, comme par la plupart des intervenants à Gauche, que ce recours à l’Armée n’est pas conforme à la pratique républicaine qui distingue la Police, qui relève du civil, c’est-à-dire d’un cadre démocratique particulier, de l’Armée, qui relève de la guerre.

La déclaration du gouvernement quant à la mobilisation de ces forces relève en grande partie de l’effet d’annonce, d’un pas de plus dans le grotesque, dans l’ambiance grotesque du pays en ce moment. Il est en effet expliqué par le Ministre de l’intérieur que le préfet de police pourra s’appuyer sur ces militaires, mais qu’ils « ne doivent en AUCUN CAS participer au maintien de l’ordre », et donc qu’ils devront en cas de besoin… appeler la Police.

Cela est absurde, et on aura bien compris que cela vise surtout à renforcer une posture, de manière politicienne, afin d’apparaître comme le parti de l’Ordre, alors qu’en réalité presque rien n’avait été décidé pour empêcher la casse samedi dernier, comme l’ont largement expliqué, franchement ou à demi-mots, les représentants policiers.

Il n’en reste pas moins que cette annonce du recours à l’Armée dans le cadre d’une manifestation sociale est inacceptable sur le plan politique, de part ce que cela sous-tend en arrière plan comme remise en cause du cadre démocratique.

Ainsi, une personnalité comme Ségolène Royale, qui n’avait déjà pas grand-chose de gauche, s’écarte définitivement de la Gauche en déclarant à ce propos :

« Je me suis demandée pourquoi ça n’avait pas été fait plus tôt », ajoutant que « les black blocs ne sont pas des terroristes mais ils sèment la terreur. Et donc c’est la même chose. »

Le recours à l’Armée dans le cadre d’une manifestation raisonne à Gauche comme un danger fascisant, et réveille la mémoire de la grande répression de 1948 faisant intervenir l’Armée. Plusieurs mineurs avaient été tués par les militaires dans le nord de la France après de grandes grèves.

Voici le communiqué du Groupe communiste républicain citoyen écologiste au Sénat :

« Emmanuel Macron doit renoncer au recours à l’armée à l’occasion de l’Acte 19 des Gilets jaunes

Emmanuel Macron a annoncé sa décision de recourir aux militaires de Sentinelle pour, dans le cadre de l’Acte 19 des Gilets jaunes, « sécuriser les points fixes et statiques conformément à leur mission ».

Contrairement à ce qui a été affirmé par Benjamin Griveaux, porte-parole du gouvernement, à l’issue du Conseil des ministres, ces militaires aucunement formés au maintien de l’ordre et équipés d’un matériel de guerre seront de fait associés à l’action de la police.

C’est une décision grave qui marque une étape inquiétante dans la surenchère sécuritaire en cours.
L’interdiction de manifester, la compétition malsaine entre le pouvoir et la droite la plus dure pour bomber le torse face au mouvement des Gilets jaunes, menacent de porter atteinte aux libertés fondamentales et en premier lieu au droit de manifester.

Les sénatrices et les sénateurs du groupe CRCE l’ont dit et répété, ils condamnent les destructions et les violences qui surviennent lors de certaines manifestations. Cette casse dessert le mouvement.
Mais ils ont également souligné l’attitude du pouvoir qui pousse à une escalade potentiellement dévastatrice pour notre pays.

Les sénatrices et les sénateurs du groupe CRCE estiment que le Parlement doit être informé et consulté pour une si grave décision.

En tout état de cause, Emmanuel Macron doit respecter la pratique républicaine en matière de maintien de l’ordre qui en réserve l’exercice à la police et à la gendarmerie.

Ils rappellent à cet égard que depuis 1921, le maintien de l’ordre dans le cadre des manifestations est confié à la gendarmerie et à la police.

Ce pouvoir a en effet été transféré, par un vote à l’Assemblée nationale, de l’armée aux effectifs de gendarmerie mobile.

Groupe CRCE au Sénat, le 21 mars 2019 »