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Société

L’attentat meurtrier au marché de Noël de Strasbourg : un reflet de la tendance à la barbarie.

Mardi soir vers 20h, Chérif Chekkat, un homme d’une trentaine d’année, fiché S pour radicalisation islamiste a ouvert le feu sur des passants, touristes ou habitants de la ville fréquentant alors le centre-ville, faisant plus d’une dizaine de victimes dont 3 mortellement touchées.

Strasbourg

Ce criminel multirécidiviste, condamné à 27 reprises et par ailleurs « partisan » islamiste probablement isolé ou membre d’un réseau peu structuré, était en voie d’arrestation le matin même. Sans doute a-t-il précipité un geste qu’il n’avait pas clairement prémédité, mais qui était présent dans son esprit. On a là en tout état de cause et encore une fois, la figure même du nihiliste paumé, d’un « pèlerin du néant » dont l’existence a sombré peu à peu dans criminalité, dans l’engagement décadent et assassin, dans la barbarie.

Ce n’est pas la première fois que la ville de Strasbourg est ciblée par des militants islamistes, en particulier à l’approche des fêtes de Noël, en raison des festivités qu’organise la ville à cette occasion, se revendiquant comme « Capitale de Noël ». La ville, tout comme pratiquement l’ensemble des villes moyennes et des villages alsaciens, se pare lors du mois de décembre de décorations lumineuses intenses, de sapins et d’arbres décorés. De nombreuses manifestations culturelles, gastronomiques ou commerciales, sont organisées, dans un esprit de fête, de partage et de convivialité qui manifeste l’attachement des masses à cette fête et aux valeurs collectives et naturelles qui s’y expriment.

C’est précisément ce symbole qui a été frappé mardi, et qui est régulièrement visé, dans sa dimension chrétienne bien entendu, par les islamistes partisans du Jihad. L’effondrement de l’État islamiste et la répression qui a frappé les cellules islamistes dans notre pays (quelles soient liés à l’EI ou à Al-Quaeda) depuis les attentats de 2015 notamment, a certes réduit les possibilités d’organisation d’un attentat coordonné de grande envergure. Mais la vivacité de la propagande et des réseaux militants islamistes, jihadistes ou non, maintient toujours la possibilité d’une attaque meurtrière plus ou moins spontanée du type de celle qui a frappé aveuglément la foule à Nice le 14 juillet 2016 ou Strasbourg ce mardi 11 décembre 2018.

Plus profondément, c’est le cadre même de la vie en métropole qui est illustrée par ce déchaînement de violence meurtrière. Chérif Chekkat, le militant islamiste dont il est question ici, était aussi, comme souvent, un criminel passé par les trafics en tout genre et les attaques à mains armées. C’est-à-dire que l’on a ici une personne dont la vie sociale a été bornée par la culture semi-féodale dans laquelle il a grandi, encore détériorée par la vie dans les cités de type HLM strasbourgeoises (où les réseaux criminels sont particulièrement organisés) par la consommation de drogues, de pornographie, par les soirées désespérément creuses,  en galère, en boîte ou autour d’une console. Une existence cernée par la précarité, l’argent « facile » des trafics, la petite débrouille et les embrouilles. En bref, cette vie vide, sinistre et immonde qui est celle d’une partie de la jeunesse des métropoles de notre pays.

C’est cette vie décadente qui ouvre un espace à toutes les aliénations réactionnaires, à la propagande des sectes évangélistes, américaines ou africaines, à celle des islamistes que ce soit des conservateurs communautaires téléguidés par les services d’États marocain, turc ou algérien ou des salafistes en rupture plus ou moins influencés par la propagande jihadiste.

La fête même de Noël telle qu’organisée à Strasbourg est parallèlement une autre forme de l’expression de cette décadence. La logique marchande, appuyée par une fréquentation dépassant les 4 millions de visiteurs pour l’ensemble de la région à cette occasion, soit le double de sa population habituelle, rend tout rapport à Strasbourg littéralement insupportable. Nombreux sont les habitants de la ville préférant quitter celle-ci pour chercher une ambiance moins artificielle moins oppressante, dans des villes plus petites alentours.

Dans ce cadre, les menaces pesant sur la sécurité des personnes s’aggravent chaque  année à l’approche des fêtes de Noël mais sont constantes à Strasbourg. Les agressions, visant notamment les femmes, y sont courantes, en particulier au centre-ville. Le trafic de drogue tout comme la prostitution, sont des choses qui s’affichent ouvertement, y compris en pleine journée. Tout le déploiement des forces de sécurité verrouillant partiellement le centre-ville pendant quelques semaines n’y change rien. C’est le cadre de vie même de la métropole qui produit cela.

De plus, en Alsace, l’embrigadement sectaire de la jeunesse est particulièrement vivace. Appuyé par les réseaux solides des religions concordataires, catholiques, luthériens, calvinistes et israélites, c’est ici un phénomène généralisé. Ces organisations religieuses, avec l’appui des autorités publiques, en particulier de la municipalité de Strasbourg, appuient en outre les organisations islamistes, notamment marocaines (qui tiennent la Grande Mosquée de Strasbourg) et turques (particulièrement offensives sur le plan culturel).

Il y a ici cette conviction toute bourgeoise et illusoire de la possibilité de former des cadres religieux libéraux, en mesure d’apporter « quelque chose » à la société. Mais ces cadres ralliés à l’ordre bourgeois sont eux-mêmes de toute façon contestés par les militants des sectes fondamentalistes qui s’appuient sur les secteurs des masses exclues, auxquelles elles prétendent apporter une densité, un contenu, à leur révolte, sinon à leur volonté de rupture, au moins à leur sentiment de vide insignifiant.

Face à ce terreau métropolitain suintant la décadence et l’aliénation, les institutions bourgeoises sont donc totalement dépassées, elles sentent en fait le sol se dérober sous leurs pieds devant toutes les contradictions qui s’accumulent. Ne saisissant le problème que par un de ses aspects : la politique urbaine, la question des religions, en particulier de l’islam, de la criminalité et de la sécurité publique. Mais confrontées à la logique systémique et à la tendance au renforcement de ces contradictions, elles ne peuvent en réalité rien. Elles sont dépassées. Pire même, elles alimentent le problème en cherchant des solutions partielles qui en restent au niveau de l’accommodement, de la gestion du cadre.

C’est cette incapacité qui ouvre un espace à la réaction. L’extrême-droite nationaliste va ici encore avoir le champ libre pour avancer ses positions, pousser à la fuite en avant sécuritaire sur une base raciste, en prétendant romantiquement que le cadre est bon, mais corrompu par des éléments allogènes qu’il faudrait supprimer ou mater pour « restaurer » l’équilibre, revenir « au bon vieux temps » de la ville « pré-métropolitaine », moderne mais apaisée.

C’est là que la Gauche se doit d’être impeccable pour formuler correctement le problème, saisir toute l’ampleur de la tâche face à la vie décadente des métropoles, produisant précarité, insécurité, violences et donc des « pèlerins du néant » comme cet énième assassin criminel et islamiste. C’est le cadre même de la vie capitaliste, de la vie des métropoles ici, qu’il faut saisir et briser. Il ne suffira pas de faire face à la violence islamiste ou criminelle, il ne suffira pas de faire face à la montée des réactionnaires nationalistes racistes. Il faut briser la ligne qui nous conduit à l’effondrement dans la barbarie en changeant notre cadre de vie, en affirmant l’aspiration des masses à la vie tranquille, à la vie paisible en sécurité, avec une perspective de progrès collectif, avec un esprit scientifique et rationnel produisant toujours plus de conscience.

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Réflexions

Johnny Halliday, le gilet jaune, l’écran plat, McDonald’s

Malgré une élévation relative de leur niveau de vie, les couches populaires restent expressément bloqués dans un nombre de références particulièrement restreint. Elles sont très corrompues par le mode de vie fourni par le capitalisme.

Gilets jaunes

Il y a dans le peuple des gens qui savent tout en un certain domaine, en particulier dans les choses concrètes, depuis les circuits électriques d’un flipper jusqu’aux opéras. Pourtant, pris dans l’ensemble, le système de références des gens est vraiment très restreint. Si les couches supérieures disposent d’une capacité à s’appuyer sur de nombreuses conceptions, de nombreux concepts, de nombreux faits, etc., on a toujours l’impression que les couches populaires partent de zéro et font avec les moyens du bord.

Ces moyens du bord se retrouvent dans l’environnement immédiat. Le mouvement des gilets jaunes a par exemple comme symbole le chasuble obligatoire depuis quelques temps dans chaque voiture, en cas de panne. Une autre référence des gilets jaunes a été le drapeau tricolore, le drapeau national. Là aussi, on ne va pas chercher bien loin.

Et c’est typique : pris personnellement, chacun a énormément de choses à dire, une vraie complexité. Pris individuellement, c’est la catastrophe et le nivellement vers le bas, ce qui est visible d’une manière bien nette lors d’un mouvement social, d’une manifestation syndicale, etc. C’est comme si les gens étaient cassés en deux et perdaient toute complexité. Pire, comme s’ils n’en voulaient plus.

Quiconque perd de vue cette capacité à refuser la complexité se retrouve dans la situation de ne pas être en mesure de comprendre ce qu’est le fascisme. Le fascisme, c’est l’abaissement au degré zéro des « complications » d’ordre philosophique, politique, théorique. C’est la simplicité grossière, une sobriété intellectuelle réduite à la stupidité béante.

On a dit ici et là que les gilets jaunes ont un horizon borné parce qu’après tout c’est normal, ils débutent en politique, ils ne connaissent rien. Ce n’est pas vrai. Le peuple connaît plein de choses. S’il voulait, il pourrait. Or, il ne veut pas. Il privilégie le simple, il refuse le complexe.

Il choisit d’avoir comme horizon l’écran plat des télévisions. Il sait très bien – il y a l’école, l’histoire en elle-même, et même internet – qu’il y a des possibilités de révolte, de révolution, du critique du capitalisme. Mais il reste étranger à cela.

Ce n’est pas qu’il n’en a pas conscience, c’est qu’il ne veut pas avoir l’éventualité de cette conscience. Il choisit d’accepter la corruption par le capitalisme. De manière relative, mais c’est un choix quand même. Il sait que McDonald’s, c’est « mal ». Car mauvais pour la santé, les salaires des employés, les animaux, l’écologie. Mais il relativise. Il ne veut pas savoir.

Toute cette attitude provient des succès du capitalisme avec les « trente glorieuses » et ce qu’il en est resté par la suite. A quoi s’est ajouté la chute du bloc de l’est, l’irruption de la Chine comme usine du monde, cela a aidé le capitalisme.

Aujourd’hui cela se termine. Cependant cela fait quand même cinquante années que cette attitude dure grosso modo, et forcément cela laisse des traces. Pas seulement dans la faiblesse des conceptions, mais également dans la fainéantise. D’où l’acception de cet horizon restreint, qu’il faudrait même défendre ! Johnny Halliday, le gilet jaune, l’écran plat, le McDo…

Croire que parce que les gilets jaunes forment un mouvement social, il y aura spontanément du contenu qui va tomber du ciel, un accroissement formidable du niveau culturel, c’est ne pas comprendre que les gens vont devoir choisir de rompre avec la corruption historique qui les a marqués.

Et ce n’est pas gagné. Beaucoup préféreront renforcer la France, aller à la confrontation avec d’autres pays, piller le tiers-monde. Pour ne pas toucher à rien, pour ne rien remettre en cause…

Cet aspect là est peut-être l’un des plus complexes en France dans l’affrontement avec le capitalisme !

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Politique

Un discours d’Emmanuel Macron qui converge avec la montée du refus de la démocratie

Emmanuel Macron n’a pas compris le sens des gilets jaunes et propose des mesures sociales, accompagnées de propositions pour renouveler la gestion de l’État. C’est une démolition par en haut des principes démocratiques, les gilets jaunes agissant par en bas pour les détruire également. Cela forme un boulevard pour la démagogie fasciste.

 

Le discours « à la nation » d’Emmanuel Macron en réponse au mouvement des gilets jaunes a été d’une faiblesse ahurissante. On a immédiatement vu le fossé qui sépare quelqu’un comme lui, ou Nicolas Sarkozy, François Hollande, des véritables ténors politiques du passé comme François Mitterrand, Georges Pompidou ou Valéry Giscard d’Estaing.

Ses mesures sont de véritables recettes de cuisine sociale, consistant en des annonces censées étouffer les motivations sociales (annulation de la CSG pour les retraités gagnant moins de 2000 euros par mois, suppression des impôts et charges pour les heures supplémentaires dès 2019, augmentation du Smic de 100 euros par mois en 2019).

Il passe complètement à côté de la nature de la révolte des gilets jaunes, dont le noyau dur consiste en une petite-bourgeoisie prise de rage par les déséquilibres du capitalisme. Ce qu’elle veut ne peut pas être défini, conceptualisé, et donc a fortiori on ne peut y répondre autrement que par l’apparence de modifications du régime lui-même, au minimum.

Tout va donc encore plus rapidement qu’on ne pouvait le craindre. Emmanuel Macron a asphyxié Marine Le Pen lors de l’élection Présidentielle, ce qui était autant de temps de gagné, mais là on se retrouve déjà dans la période d’après, où son positionnement libéral se confronte à une immense secousse populiste.

Il est évident que c’est là non seulement le résultat d’une question française, mais aussi le produit de toute une situation internationale marquée par le Brexit, la victoire de Donald Trump et de Jair Bolsonaro, l’arrivée de l’extrême-droite au gouvernement en Autriche et en Italie, la montée de l’AFD en Allemagne, la poussée expansionniste de la Russie et son soutien aux courants ultra-nationalistes en Europe occidentale.

La machine capitaliste s’emballe et la Gauche est inexistante pour mobiliser et encadrer. Pire encore, la révolte se développe désormais de manière populiste, de manière soi-disant apolitique, donc nécessairement portée par des populistes, des cadres d’extrême-droite, des gens qui récusent le débat intellectuel et les questions démocratiques et ne raisonnent qu’en termes de référendum, de corporatisme « par en bas ».

C’est l’effondrement de la démocratie « à l’ancienne » et il y a désormais convergence avec ce qu’Emmanuel Macron représente justement : une « modernisation » servant de tremplin à la liquidation de la démocratie « à l’ancienne ».

Dans son discours, Emmanuel Macron a d’ailleurs souligné l’importance que des gens sans-partis soient présents dans les débats, que l’État cesse sa gestion « trop centralisée » car « depuis Paris », etc. C’est une contribution directe à la tendance à la négation de la démocratie comme principe général.

Il ne s’agit pas de dire qu’auparavant on était en démocratie, mais qu’il y avait au moins l’apparence de l’exigence de celle-ci. Là on est dans sa liquidation, par en bas et par en haut. Les couches supérieures de la société sont dans une gestion technocratique et avec les gilets jaune on a le vecteur direct des exigences du fascisme comme mouvement romantique en bas.

Comment dans un tel contexte la Gauche peut-elle exiger la raison, la réflexion, des principes, une discipline de parti autour d’un programme ? Il va de soi que cela va demander un vrai travail de fond, de la part des gens conscients que le mouvement ouvrier est social et démocrate, que le socialisme qu’on doit exiger s’appuie sur une forme d’organisation rationnelle, réfléchie, avec des principes bien déterminés.

Quiconque fantasme sur les gilets jaunes doit bien voir qu’en quatre semaines, il n’est jamais allé dans le sens des grèves, des assemblée générales, de la formation de conseils populaires. C’est pourtant le critère de base pour juger la nature démocratique, au sens révolutionnaire, d’un mouvement.

Il faut bien être conscient qu’en n’étant pas capable de canaliser les gilets jaunes comme révolte des « classes moyennes », Emmanuel Macron et le régime laissent le champ libre au fascisme comme mouvement romantique par en bas.

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Politique

Marion Maréchal, la réaffirmation politico-culturelle du conservatisme de Droite

L’ultralibéralisme et la décadence sur le plan des valeurs dans lesquels baigne la France produisent nécessairement leur pendant : le conservatisme ultra. Marion Maréchal est assurément la figure de ce conservatisme, qu’elle entend régénérer politiquement et culturellement, en réaffirmant la Droite. Elle considère dans cet optique le mouvement des gilets jaunes comme la possibilité d’un « grand mouvement conservateur ».

Marion Maréchal Le Pen

Marine Le Pen aurait commenté récemment, a priori sur le ton de la boutade, que sa nièce devrait prendre la direction du parti de la Droite Les Républicains, parce que sa ligne serait celle de la droite de Laurent Wauquiez, le chef du parti.

Cela n’a rien d’absurde, tellement une partie de la Droite est de plus en plus proche du Rassemblement National tandis qu’une autre se situe dans l’orbite d’Emmanuel Macron, du libéralisme de l’Union-Européenne, et donc finalement surtout du modernisme centriste.

Cette Droite qui s’oriente vers le Rassemblement National est justement celle qui soutien et voit d’un bon oeil le mouvement des gilets jaunes. Il est donc tout à fait logique que depuis le début, Marion Maréchal soutienne « l’énervement général » porté par les gilets jaunes et qu’elle n’avait pas hésiter à se rendre à la manifestation des Champs-Élysées le 24 novembre. C’est un moyen pour elle d’exprimer politiquement et culturellement son affirmation de la Droite.

Le grand projet de Marion Maréchal est son école de science politique, l’ISSEP, qui se veut précisément une École de droite, en opposition aux Écoles classiques françaises qu’elle considère de gauche.

Sa récente intervention sur le thème « Quel avenir pour les Droites ? » lors du lancement du Cercle AUDACE était de cet acabit. L’ambition de ce réseau est de permettre une alliance des courants de la Droite avec un horizon plus ou moins affirmé des prochaines élections municipales.

Le propos de Marion Maréchal n’était pas politique dans le sens électoral, mais politico-culturel. La question du conservatisme y était centrale. Il s’agit pour elle d’expliquer que le souverainisme, ce que nous appelons le nationalisme, n’est pas suffisant. Elle a compris qu’il faut surtout des valeurs, une vision du monde, pour mobiliser la société.

Elle a donc surtout parlé d’« ordre social » contre « le relativisme ambiant », de marchandisation de la filiation en dénonçant la « pratique abominable » de la GPA ou encore d’islamisation.

Il y a en arrière-plan de cela une critique de la ligne de sa tante qui avaient fait du FN avec Florian Philippot un parti focalisant sur des thèmes économiques et sociaux, s’adressant majoritairement aux classes populaires, débauchant des syndicalistes, tendant à brouiller le clivage Droite/Gauche.

Elle a dénoncé, de manière très complexe et intelligente, les limites du populisme, qu’elle considère de manière bienveillante en tant qu’opposition au libéralisme, mais insuffisant en tant que cela porte un style plébéien. Le problème selon elle est de viser les élites de manière unilatérale, alors qu’il faudrait plutôt reformer ces élites, ce qu’elle envisage avec l’ISSEP.

Devant un public composé surtout de « chefs d’entreprise, industriels, entrepreneurs ou financiers âgés de 25 à 70 ans » comme l’a rapporté le journal de la Droite Le Figaro, elle a donné l’exemple la Ligue italienne qui a su rassembler une partie de la base industrielle du Nord du pays. Elle a expliqué de manière tout à fait typique à Droite qu’un projet de justice pour les classes populaires n’était pas incompatible avec les classes moyennes et la bourgeoisie.

Il faut bien-sûr considérer ici les choses électoralement, avec cette question du « plafond de verre » que le FN n’a jamais réussi à dépasser, qui pourrait voler en éclat en cas d’alliance avec la Droite.

Mais l’arrière-plan de cette alliance qu’elle souhaite est surtout culturel. C’est pour cela qu’elle verrait d’un bon œil la tête d’affiche aux élections européennes de l’adjoint au maire de Versailles François-Xavier Bellamy pour Les Républicains. Celui-ci s’était affirmé sur le plan des valeurs en tant que meneur du mouvement des Veilleurs, issu de la Manif pour tous.

Pour l’ancienne plus jeune députée de la Ve République, ces valeurs s’incarnent dans le refus de la « fascination pour le progrès » des élites qui s’oppose à « l’héritage ». C’est la définition de son conservatisme, qui s’oppose également à l’« universalisme » des élites, qui est en fait surtout un cosmopolitisme à lequel elle oppose « le particulier et le local ».

Sa proposition est donc le repli sur soi, selon cette considération que « le passé est toujours plus inoffensif que l’avenir ». Dans cette optique, la pensée des Lumières, qui est un matérialisme, une expression progressiste, est critiquée ouvertement, ce qui est typique et caractéristique du fascisme dans son essence idéologique.

Le conservatisme qu’elle défend se pose comme défenseur de la civilisation face à la décadence du capitalisme, mais il ne s’oppose aucunement au capitalisme.

La question du capitalisme est considéré comme secondaire, relative, parce qu’il suffirait de le soumettre au projet politico-culturel du conservatisme. Il s’agit pour elle d’abord d’une « disposition à penser et agir d’une certaine manière », qui ensuite doit se transformer en mouvement politique.

On aura compris bien-sûr a quel point cela fait écho à la démarche des gilets jaunes, dont elle est une des expressions intellectuelles. La question est celle de l’alternative, pour faire face au désenchantement que génère la crise du capitalisme.

Et c’est là que le clivage entre la Gauche et la Droite s’affirme, ou en tous cas devrait s’affirmer de plus en plus pour savoir qui porte la civilisation. Sont-ce les conservateurs ou les progressistes ? Faut-il la Nation ou le Socialisme ? Qui doit diriger, la bourgeoisie ou la classe ouvrière ? Tels sont les grandes questions de notre époque, qui nous opposent frontalement et directement à cette figure qu’est Marion Maréchal.

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Politique

Le quatrième samedi des gilets jaunes

La France a été pour la quatrième fois d’affilée la spectatrice passive de sa propre crise. Avec intérêt, curiosité, inquiétude, mais sans aucune percussion sur le plan des idées, des raisonnements. Le mouvement des gilets jaunes ne transporte pas avec lui de valeurs nouvelles, il ne véhicule pas des réflexions sur le sens de la vie sociale.

Cette passivité n’est guère étonnante : les gilets jaunes sont une crise et rien d’autre. Le mouvement est porté par des gens qui ne veulent pas de grandes réformes sociales, de grandes augmentations. Ils veulent juste qu’on arrête des les faire « chier » et donc qu’on arrête de les mettre économiquement sous pression.

Tout cela est très flou et diffus, aussi, le mouvement ne cesse pas malgré le recul du gouvernement sur l’instauration de la taxe sur les carburants. 125 000 personnes se sont mobilisées pour la quatrième journée de manifestation, avec encore une fois des accrochages sévères avec les forces de l’ordre. Il y a eu d’ailleurs 1385 interpellations et 974 gardes à vue pour des affrontements qui ont eu lieu à Caen, Toulouse, Saint-Étienne, Marseille, Bordeaux… mais aussi relativement à Nantes ou Lyon.

À Paris, on a eu le droit à une autosatisfaction de la part des autorités sur le fait que le dispositif policier était plus mobile et a pu tuer dans l’œuf un nouvel affrontement massif avec des placements préventifs en garde-à-vue. L’État a montré qu’il peu très bien maintenir l’ordre dans sa capitale s’il le souhaite, et les casseurs ont prouvé à nouveau, s’il en était besoin, la vanité et surtout la nullité de leur démarche.

Le mouvement ne s’est pas élargi, malgré le démarrage de blocages dans les lycées, avec une répression policière sévère. Il faudrait pour cela qu’il porte quelque chose, or il ne le fait pas. On est dans la crise dans le symbole, comme avec ce gilet jaune qui s’est mis sur la statue de la place de la République à Paris pour tenir un détournement du tableau « La liberté guidant le peuple », avec Marianne en gilet jaune.

Emmanuel Macron le sait très bien et compte faire une intervention télévisée lundi soir, afin de demander aux gens de rentrer dans le rang, en échange de mesures fiscales. Cela suffira-t-il ? Bien entendu que cela suffira, car il n’a en face de lui que des expression épidermiques, une prise de rage, des slogans sans pertinence politique comme « Macron rend le pognon », « Macron démission » ou bien même « halte aux fins de mois du monde difficiles ».

Il y aura peut-être quelques initiatives et quelques heurts, mais le pic est passé. Le chef va siffler la fin de la récréation, et l’extrême-droite va bientôt pouvoir compter tous les bénéfices indirects d’une révolte qui aura été, avant tout, une révolte contre la révolte contre le capitalisme.

Les « classes moyennes » auront eu leur « mai 68 », le Fascisme a un boulevard.

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Politique

Gilets Jaunes et Mai 68

Depuis le début du mouvement dit des « Gilets Jaunes », les références à Mai 68 se multiplient. Ces références ont quelque chose de juste : elles témoignent de l’ancrage profond de ce grand bouleversement historique dans le cœur des masses populaires. La grande masse des gens sait que la rupture se réalise dans la confrontation avec le centre des institutions, en dehors des cadres pacifiés de la contestation. C’est là le sens du « retour » de la « centralité ouvrière ».

Gilets jaunes Mai 1968

Mais en rester à ce simple constat, ce serait faire preuve d’un formalisme qui enferme la Gauche depuis bien trop longtemps dans la passivité idéologique. Les comparaisons à Mai 68 illustrent aussi un autre aspect qui est la détérioration terrible de la conscience de classe.

Mai 68 fut une contestation autonome de tout l’ordre social établi. Ce ne fut pas une simple « protestation », un « coup de gueule » réductible à une juxtaposition de « colères ». L’autonomie de est essentielle à Mai 68, puisqu’il émerge d’organismes à la gauche du PCF/CGT et généralise le principe de l’assemblée (ouvrière et étudiante) avec le principe de l’extra-parlementarisme.

Il y a une remise en cause profonde de l’ordre social avec une « subversion » de la société (les étudiants d’origine petite-bourgeoise qui vont à l’usine, les artistes qui se mettent « au service du peuple »). Il y a une critique de la société de consommation, des rapports sexuels, de la vie individuelle. Les courants gauchistes structurent des milliers de personnes et le marxisme a l’hégémonie culturelle. Tout se reflète dans un style militant, une agitation typique de cette époque. Ce style, cette culture se traduisent par exemple par la création d’affiches aux slogans originales.

Dans le même temps, les forces de droite s’unissent et c’est un million de personnes qui manifestent le 30 mai 1968 ; la gauche et la droite s’affrontant, jusqu’à ce que certains y voient le prélude à une « guerre civile ».

Lorsque l’on sait un minimum tout cela, est-il bien sérieux de prendre pour « argent comptant » la comparaison des Gilets jaunes avec Mai 68 ? Comme le dit le dicton populaire, « comparaison n’est pas raison » et cela est vrai pour notre cas actuel.

Plusieurs caractéristiques devraient alerter la Gauche : où est l’activisme des Gilets jaunes, en dehors d’une occupation stérile d’un rond-point ? Où sont les affiches exprimant une critique concrète de la vie quotidienne ? Sans grève interprofessionnelle, où est la rupture réelle avec les institutions ?

De ce point de vue, la révolte de novembre 2005 a bien plus un rapport avec Mai 68. Le font culturel, de la musique « Qu’est-ce-qu’on attend ? » de NTM au film « Ma cité va craquer », exprimait une critique profonde avec la vie quotidienne (par exemple l’enfermement dans les tours bétonnées). Alors que Mai 68, la faculté et l’usine sont occupées grâce à la grève, c’est le lieu de vie direct qui est attaqué par les émeutiers de 2005. Dans les gilets jaunes, on peut tout voir sauf Mai 68 : c’est la marseillaise qui chantée, c’est le drapeau tricolore qui est brandi, c’est le refus des taxes qui cimente, c’est l’antiparlementarisme qui oriente. L’occupation des rond-points, bien que stratégique dans le capitalisme avancé, relève ici bien plus de l’enfermement objectif dans un mode de vie plutôt que de son émancipation.

Le recours à Mai est ainsi révélateur du pillage historique qu’effectue la petite-bourgeoisie radicalisée par le fascisme. Elle se prétend être à l’avant-garde de l’Histoire, alors que son héritage se situe en réalité bien plus dans le poujadisme et le boulangisme que dans Mai 68.

Il ne faut pas se laisser embrumer par l’apparence sociale de la contestation : déjà le boulangisme à la fin du XIXe siècle prétendait à l’action sociale et revendiquait l’héritage de la Commune de Paris, favorisant le ralliement de nombreux ex-communards (blanquistes surtout) au mouvement.

Au fond, lorsque l’amnésie idéologique règne sur un grand mouvement d’émancipation, le fascisme s’engouffre dans la brèche pour tout désorienter, tout paralyser. C’est le cas pour l’actuelle mouvement des gilets jaunes.

Mais alors qu’en est-il de la composante ouvrière qui développe ses références à Mai 68 ? Est-elle simplement déformée par la petite-bourgeoise ?Il y a, sans aucun doute, un parasite idéologique effectué par l’attitude colérique de la petite-bourgeoisie mais cela n’est qu’un aspect du problème car la classe ouvrière développe ses propres références. Celles-ci sont cependant d’ordre purement économiques ; Mai 68 n’ayant été qu’un gros mouvement syndical qui obtenu des « avancées sociales ». Tout le contenu idéologique et politique, notamment incarnée par la jeunesse ouvrière, est mis à la poubelle : il y a une amnésie ouvrière.

Alors, à qui la faute ? Les principaux responsables sont à rechercher du côté des anciens activistes de Mai 68 eux-mêmes qui se sont réfugiés au cours des années 1990 dans le syndicalisme et l’altermondialisme – qui est fut un relais à l’objectif au populisme avec sa critique de l’ « oligarchie financière ».

La stabilisation d’un héritage ouvrière de Mai 68 a été rendu impossible du fait que les ouvriers ont été « déplacés » vers la péri-urbanité lorsque les « ex » dirigeants soixante-huitards se sont rapprochés de la ville par la poursuite de carrières universitaires. Les « ex » restés au plus près des ouvriers ont fini par se décomposer dans le syndicalisme, effaçant toujours plus le contenu culturel des années 68.

On se retrouve alors cinquante ans plus tard avec une classe ouvrière qui a maintenu un héritage, mais en l’absence d’une continuité dans les cadres politiques, en a liquidé les principes fondateurs. Les références à Mai 68 par les gilets jaunes expriment ainsi un double aspect : d’un côté, il y a le maintien d’une mémoire de classe, et d’une autre côté il y a le dévoiement de cette mémoire de classe. Il y a le forme et il y a le fond.

La forme, c’est Mai 68 vu à travers l’émeute, les voitures brûlées et les confrontations avec la police. Le fond, c’est l’hégémonie culturelle de cette époque, marquée par la prégnance du socialisme et de ses symboles. Lorsqu’un mouvement social dynamite le fond d’un événement pour en garder seulement la forme, c’est ce qu’on appelle du « révisionnisme ». C’est l’attitude typique des couches sociales petites-bourgeoises qui, empêtrées dans leur irrationalité et se pensant au centre de l’Histoire, sont obligées de travestir la réalité.

Or, le fond est toujours l’aspect principal et cela doit amener la Gauche à se positionner en faveur d’un véritable travail de formation des cadres politiques au cœur de la classe ouvrière. L’abandon de toute dynamique idéologique, de toute formation de cadres ouvriers renforcent la voie du populisme et du fascisme car lorsqu’il y a une faille ouverte pour le pillage historique, les luttes de classe sont désorientées. C’est le sens de la comparaison des Gilets jaunes avec Mai 68.

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Société

La vanité de la pétition «Pour une Baisse des Prix du Carburant à la Pompe !»

L’immense succès de la pétition intitulée « Pour une Baisse des Prix du Carburant à la Pompe ! » s’appuie sur une mentalité profondément étroite, conformément à l’esprit de la jacquerie fiscale des gilets jaunes.

« Pour une baisse des prix du carburant à la pompe »La plate-forme change.org permet de mettre des pétitions en ligne et d’obtenir des signatures. C’est ainsi que la pétition contre la loi travail a eu énorme succès et il en va de même pour celle-ci, qui en a obtenu presque autant. Ce 7 décembre 2018, elle recueille plus de 1 124 115 signatures.

Elle pose un véritable problème, à la fois intellectuel, moral et politique. Sans parler des propositions farfelues, niant la réalité matérielle, naturelle, pour soit-disant permettre le remplacement des carburants actuels.

La Démocratie a comme principe de permettre l’expression de chacun, ce qui est une valeur essentielle. Mais le capitalisme ne fabrique pas des citoyens, il déforme les personnalités pour en faire des individus égoïstes, égocentriques, ne s’appuyant sur leur ego.

Cette pétition n’apparaît donc que comme une sombre vanité, une prétention résolument antipolitique et antidémocratique, dans la mesure où ce qui est dit est totalement stupide et où les revendications sont censées être satisfaites par l’assemblage de signatures individuelles.

C’est là très directement ce qu’on appelle le populisme ; c’est exactement ce que réfute le Socialisme, en tant qu’expression consciente, rationnelle, d’une perspective étudiée, travaillée, et cela sur la base d’une classe.

Car la pétition se veut surtout une longue analyse de la situation, une évaluation de faits, avec des contre-références s’appuyant sur « YouTube, Les Echos, France-Infos, Le Télégramme, Challenges, Agoravox, Echologique-solidaire, Prix du Baril, CeeEnergie, Le Figaro, Connaissance-des-Energies. »

Une accumulation censée justifier le caractère prétendument sérieux de l’opération, qui valorise concrètement le point de vue de « l’Association nationale de défense des consommateurs et usagers » et qui consiste à remettre en cause toute fiscalité écologique. Cela car :

« Nous sommes déjà dépendants des cours du pétrole, il n’est pas question qu’en plus nous subissions une augmentation des taxes »

On l’a compris, cette pétition reflète l’esprit des gilets jaunes, avec cette posture du consommateur insatisfait, qui pratique par conséquent une jacquerie fiscale, dans le déni tant de la démocratie que de la réalité économique du pays, du monde, sans parler de l’écologie.

Son initiatrice Priscillia Ludosky a d’ailleurs été reçue par le gouvernement comme pseudo porte-parole du mouvement. Elle dirige une société de vente en ligne de cosmétiques bio et de conseils en aromathérapie. « Propriétaire » à Savigny-le-Temple en Seine-et-Marne, elle expliquait dans Le Monde se frustration de ne pas avoir pu acheter plus près de Paris.

Sa pétition a été écrite en s’appuyant sur cet esprit de jacquerie, de rejet des dirigeants :

« Je pense pouvoir parler au nom de toutes les personnes qui n’en peuvent plus de payer pour les erreurs des dirigeants et qui ne souhaitent pas toujours tout payer et à n’importe quel prix ! »

Toute la dimension anti-socialiste réside dans cette considération qu’il y aurait des erreurs des chefs, alors qu’il s’agit d’un système économique, d’une classe dominante. Et nous sommes en France en 2018, la personne écrivant cela sait très bien qu’en disant une chose et pas une autre, elle assume le refus catégorique de dénoncer le capitalisme.

La pétition demande, dans la logique des choses, que l’État soutienne les entreprises, qui devraient recevoir des subventions pour s’installer dans davantage d’endroits pour qu’il y ait moins de transports. Il faudrait également que les entreprises acceptent le travail à domicile et, dans ce rêve fou d’un capitalisme à visage humain, il y a l’appel à… utiliser l’eau pour la transformer en carburant !

Sauf qu’en réalité, les exemple cités ne concernent que des réglages de moteurs à l’aide d’un peu d’eau, et encore que cela ne concerne que les vieux moteurs diesels car la plupart de ceux en circulation maintenant ont des optimisations rendant caduque ce type de bricolage.

L’exemple de l’utilisation de l’eau de mer par la Marine américaine est quand à lui complètement délirant, compris de manière idéaliste. Il n’y a pas de magie permettant de mettre de l’eau de mer dans les moteurs actuels pour remplacer l’essence ; l’exemple cité nécessite de grandes quantités d’énergie et une mise en œuvre tout à fait expérimentale pour littéralement casser des molécules d’eau de mer, autrement détruire la nature pour  servir les intérêts stratégiques d’indépendance de l’armée américaine !

Quoi qu’il arrive, il faut en amont une source d’énergie polluante, et il en est de même pour les véhicules électriques. Ils sont mis en avant dans la pétition alors qu’ils ne sont pas du tout une solution souhaitable, à moins là encore de soutenir l’appareil militaro-industriel français et de souhaiter l’extension des centrales nucléaires.

En l’état, le réseau français n’est pas du tout capable de soutenir une massification des véhicules électriques, qui poseraient d’ailleurs un grand problème de pollution à cause de leurs batteries. Ce problème des batteries concerne évidemment aussi les véhicules hybrides, qui d’ailleurs en pratique n’ont pas une très grande efficacité pour réduire la consommation de carburant et la pollution.

Cette pétition, c’est la démocratie version Youtube et Coca-Cola, avec l’appui du patronat. C’est le degré zéro de la réflexion intellectuelle, de la connaissance historique et scientifique, de l’approche critique des faits.

On a ici une démonstration d’infantilisme petit-bourgeois, qui se cumule avec la vanité de l’individu aliéné prétendant pouvoir juger en fonction du vécu de son petit moi, sans en rien se soucier du reste de la société, de la planète, et encore moins en ayant une exigence de complexité.

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Les points de vue de la Gauche sur les gilets jaunes

La Gauche a réagi de manière assez différente quant aux gilets jaunes, mais toujours autour de deux pôles. Selon la proximité pratique avec Jean-Luc Mélenchon, on est dans une lecture très positive, ou bien au contraire dans une appréhension très grande du tournant que risque de prendre les choses.

Gilets jaunes

Voici une liste de liens concernant la Gauche prise au sens le plus large, certainement en manquent-ils par ailleurs. On a cependant une représentativité assez grande d’une Gauche qui est somme toute divisée en deux camps.

Le premier camp a de manière très nette La France Insoumise comme centre de gravité. S’il est plus ou moins critique des gilets jaunes, il est en tout cas résolument optimiste quant au fait que cela va aller dans le sens d’une crise de régime, en penchant à gauche de la gauche.

C’est, si l’on veut, la Gauche qui se définit par les mouvements sociaux, les manifestations, les militants. On y retrouve notamment les courants liés au trotskysme ou à la gauche du PCF, dans l’idée de « déborder », d’aller plus loin, de provoquer la crise, etc.

Le second camp est nettement plus circonspect. Il voit en les gilets jaunes un noyau dur lié aux indépendant, artisans, commerçants, professions libérales, petits patrons, etc. Il a une grande méfiance quant aux mentalités des gilets jaunes et surtout quant à leur ouverture d’esprit éventuelle aux discours de la gauche « sérieuse », de la gauche des valeurs, de la gauche « programmatique ». Il appréhende de manière franche un puissant coup de barre à droite.

C’est, si l’on veut, la Gauche qui se définit par les écrits théoriques, les traditions politiques, les cadres. Et cela, quel que soit l’arrière-plan (communistes conseillistes du CCI, communistes maoïstes du PCF(MLM), groupes de la Fédération anarchiste, etc.).

Un troisième camp, mais il n’existe pas en tant que tel, oscillant entre les deux camps, est composé de ceux pour qui tout va trop vite. Le Parti socialiste ne publie qu’un communiqué sut twitter, d’autres ne disent rien du tout malgré tout un fond activiste (CNT, CNT – SO, CGA, CPS), les courants liés à « l’autonomie italienne » disent tout et son contraire (Lundi.am, agitation autonome, etc.).

Cette description sommaire ne peut bien entendu pas effacer les différences d’approches, de considérations des uns et des autres, ni même la liste prétendre à l’exhaustivité.

Alternative libertaire
Gilets jaunes : Qui sème la misère récolte la colère

APRÉS + MRC
« Gilets Jaunes : il y a urgence à agir »

Confédération Nationale du Travail – AIT
De l’écologisme et de sa contestation

Coordination Communiste 59/62
Gilets jaunes, gilets rouges: Unité dans la lutte contre la vie chère!

Courant communiste révolutionnaire du NPA
Gilets Jaunes. Quand les masses entrent en action

Europe écologie les verts
Discours de David Cormand au Conseil fédéral

Fédération anarchiste- Collectif Athéné Nyctalope
Le choix dangereux du confusionnisme. Soutenir les « gilets jaunes » c’est soutenir un mouvement de droite

Génération.s
Communiqué de presse de Benoît Hamon

Génération Écologie
Communiqué de presse

Groupe marxiste internationaliste
À bas Macron ! Manifestation nationale unie à l’Élysée !

La Commune – pour un parti des travailleurs
Soutien inconditionnel aux gilets jaunes

La France Insoumise « Fédérer »
édito de Matthias Tavel

La Riposte
Gilets Jaunes : une révolte à comprendre et à soutenir !

Lundi.am
Gilets jaunes : la classe moyenne peut-elle être révolutionnaire ?
Prochaine station : destitution

Lutte Ouvrière
Se dresser contre Macron… et contre ses maîtres capitalistes

NPA
Gilets jaunes : les enjeux d’une mobilisation populaire

NPA Jeunes
La colère éclate, ne restons pas sur le bord de la route !

Organisation Communiste Libertaire
Réflexions sur le mouvement des gilets jaunes

Organisation Communiste Marxiste-Léniniste Voie Prolétarienne
Que penser du mouvement des gilets jaunes ?

Parti Communiste Français
Pouvoir d’achat : Fabien Roussel s’adresse au Président de la République

Parti Communiste de France (marxiste-léniniste-maoïste)
La petite-bourgeoisie et la crise générale du capitalisme

Parti Communiste International (Gauche Communiste)
La France des Gilets Jaunes, une nouvelle impasse pour le prolétariat français

Parti Communiste International (Le Prolétaire)
«Gilets Jaunes» : L’interclassisme est contraire aux intérêts des prolétaires

Parti Communiste Révolutionnaire de France
Tous ensemble contre la politique de Macron, l’homme du capital financier !

Parti Communiste des Ouvriers de France
Mettre les exigences ouvrières et populaires au centre de nos mobilisations !

Parti Ouvrier Indépendant
Une colère légitime contre Macron

Parti révolutionnaire Communistes
Gilets jaunes

Parti socialiste
L’appel des socialistes avec Olivier Faure pour sortir le pays du blocage où l’a conduit le gouvernement

Place Publique
Gilets jaunes et pétro-impasse

Pôle de Renaissance Communiste en France
Seul le peuple est légitime : MACRON DEMISSION ! Appel Pétition #giletsjaunes

Révolution Internationale, Section du Courant Communiste International
Mouvement des « gilets jaunes » : contre les attaques de la bourgeoisie, le prolétariat doit riposter de façon autonome, sur son propre terrain de classe !

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Politique

Jean-Claude Michéa n’aime que ce qui lui est familier

En accordant une entrevue au Figaro Magazine, Jean-Claude Michéa montre qu’au-delà de ce qui est de droite ou de gauche, ce qui compte pour lui c’est le passé.

Michéa Le Figaro

Les penseurs aiment les lieux familiers. Quand on pense beaucoup, à plein de choses, on aime à se retrouver dans des endroits qui rassurent, dans la mesure où ils évitent la dispersion. Est-ce pour cela que les philosophes antiques avaient souvent leur jardin, comme Platon avec son académie, Aristote avec son lycée, Épicure avec son jardin ?

Comme pour marcher dans un endroit connu, pour penser à tout le reste du monde ?

Jean-Claude Michéa aime en tout cas les lieux familiers. C’est pour cela qu’il s’est installé au fin fond de la campagne, là où il n’y a rien, où il coupe lui-même son bois de chauffage, préférant cette vie « dix fois plus rude, mais cent fois plus belle ». Là au moins, tout est toujours pareil, rien ne change, c’est rassurant.

C’est pour cela aussi qu’il fréquente la même librairie à Mont-de-Marsan, qui fait tout de même 570 m². C’est rassurant pour la dimension intellectuelle. Il faut son confort et puis là-bas, il n’y aura pas de contestation.

On l’a compris, Jean-Claude Michéa n’aime donc pas être dérangé. C’est certainement aussi pour cela qu’il a raté mai 68, par souci de confort. Car Jean-Claude Michéa est né en 1950, ce qui en toute bonne logique devrait faire de lui quelqu’un ayant connu ce grand épisode historique. Il était cependant au PCF, qu’il a quitté peu après, et le PCF était contre mai 1968.

On ne saura pas étonné donc qu’à l’occasion du mouvement des gilets jaunes, il ait accordé un entretien au Figaro Magazine. Pourquoi un auteur se définissant comme un grand pourfendeur du libéralisme s’exprime-t-il dans la revue du week-end de la bourgeoisie ? Mais justement parce qu’elle est familière ! Elle aussi s’est opposée à mai 1968, elle aussi vit dans le passé.

Car Jean-Claude Michéa n’est pas que quelqu’un qui est largement connu dans les milieux intellectuels pour son ambiguïté fondamentale, puisqu’il combine une rejet du libéralisme avec une position de révolte contre le monde moderne, c’est-à-dire qu’on ne sait jamais en apparence s’il faut le classer à l’extrême-droite ou l’extrême-gauche. Il est lui-même cette ambiguïté.

C’est-à-dire que le type est perdu dans sa tête. Il prend la pose dans la librairie, faisant semblant de lire un livre pour le journaliste du Figaro, explique qu’il y a des gens bien à Droite qui préfèrent les valeurs traditionnelles à l’argent… Tout en dénonçant le marché, qui est pourtant porté de manière assumée par la Droite et le Figaro.

Et tout ce qu’il trouve à raconter au journaliste du Figaro, c’est que les chasseurs sont d’une grande profondeur et que les vegans ont tort de manger des légumes car leur production détruit la planète. Autant dire qu’on atteint ici un niveau d’arriération culturelle et psychologique somme toute assez traditionnelle en France.

Quand on capitule dans notre pays, quand on cède devant les traditions et la pression intellectuelle de la bourgeoisie, on prétend toujours qu’on a choisi quelque chose de différent, qu’on a compris quelque chose qu’on avait pas vu avant, que c’est tout un aboutissement.

Jean-Claude Michéa, pseudo porte-parole de la France réelle des gens normaux qui souffrent, n’est en réalité que la voix du conformisme ambiant, tout comme l’a été son maître à penser, Orwell, en Angleterre, qui collaborait avec les services secrets pour dénoncer les communistes.

Son interview au Figaro magazine, en plein mouvement des gilets jaunes, pour se présenter comme l’un des chefs de file intellectuel d’une révolte d’en bas, est en totale convergence avec les intérêts du capitalisme. L’objectif de cette opération est de pousser toute révolte dans le mauvais sens, d’échapper à toute critique de la bourgeoisie comme classe !

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Les Gilets jaunes ou l’absence de surface de la Gauche

La mobilisation des Gilets jaunes reflète la non-existence d’une base militante à Gauche. Il n’y a tout simplement plus de surface sociale et culturelle qui fasse écho à la Gauche politique ; tout au plus y a-t-il des réseaux syndicaux.

gilets jaunes

La Gauche est née comme mouvement ouvrier, c’est-à-dire comme mouvement politique se fondant sur les ouvriers et leurs intérêts, prenant le travail salarié comme base de son identité.

C’est le cas en France aussi, mais il est un mal qui a commencé dès le départ et qui a persisté : l’absence de surface. Le mouvement ouvrier a été d’une taille immense en Allemagne, en Angleterre, dans le Nord de l’Europe et à l’Est, voire même au Sud. Mais en France, il a toujours été minoritaire.

Les socialistes des années 1910 étaient insignifiants numériquement (mais pas du tout électoralement), la CGT était minoritaire. Il en va de même pour les socialistes et les communistes des années 1920 et s’il n’y avait eu le Front populaire, puis la Résistance, il en aurait été de même. Même mai 1968 n’a pas apporté de flux massif.

Aujourd’hui, les gains du Front populaire et de la Résistance – le PCF est le premier parti de France après la guerre – se sont évaporés. Il n’y a plus de regroupements socialistes et communistes dans les usines et les entreprises, il n’y a plus systématiquement de groupes locaux actifs et ancrés dans la population, il n’y a plus de base sympathisante relativement volontaire, il n’y a pareillement plus de syndicat étudiant de masse et militant dans les universités.

L’existence des Gilets jaunes témoignent de cette absence de surface. D’abord, parce que leur populisme montre bien que sur le plan des idées, les Français sont arriérés et bon pour le fascisme s’ils continuent comme cela. Fonctionner à coups de raccourcis et sur le mode du coup de gueule, dans le rejet de toute réflexion politique et de perspective à moyen terme, sans parler de la question d’envergure, ce n’est juste pas possible.

Politiquement, les Gilets jaunes, c’est Donald Trump sans les millions.

Et à l’inverse, les Gilets jaunes expriment aussi la libération d’une lutte sociale des carcans d’une Gauche qui a trahi la lutte sociale au nom du ministérialisme. Les Gilets jaunes sont le prix populaire à payer pour les trahisons institutionnelles de la base populaire.

Socialement, les Gilets jaunes, c’est la revanche sociale anarchiste sur les ministres.

Nous voilà donc ramenés, en quelque sorte, à la fin du 19e siècle, à un moment où la Gauche n’existe pas, est d’une faiblesse inouïe, dispersée et incohérente. N’existe alors que des ministres progressistes élus sur une base de modernité laïque, et des courants anarchistes anti-ministérialistes, comme les syndicalistes et les bombistes (comme Ravachol, Emile Henry, etc.).

Aujourd’hui, on a à peu près pareil, avec d’un côté les ministres progressistes d’Emmanuel Macron présentant la modernité turbo-capitaliste comme le progrès, de l’autre des syndicalistes jouant la carte du forcing (comme avec les cheminots) et une frange anarchiste surfant sur l’esprit zadiste.

Mais il n’y a pas de Gauche politique, il n’y a pas de surface de la Gauche. Il y a des débris passant qui dans le camp postindustriel, qui dans le camp de l’Union Européenne, mais jamais dans celui de la classe ouvrière et de l’histoire du mouvement ouvrier.

Car il ne s’agit pas de reconstituer la Gauche d’il y a peu, ce n’est pas possible : il faut comprendre pourquoi à la base même – et la réponse est dans la prédominance des syndicats, leur indépendance – la Gauche politique n’a pas été capable en France d’avoir un véritable niveau idéologique et un véritable ancrage populaire dans tout le pays.

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Les Gilets Jaunes, aussi une réaffirmation de la centralité ouvrière

Si le mouvement des gilets jaunes a été déterminé par les artisans, commerçants indépendants, etc., il a charrié avec lui une vraie vigueur ouvrière. Cela correspond à toute une réaffirmation historique, replaçant la classe ouvrière comme élément central de toute orientation conséquente.

Gilets jaunes

Les Gilets Jaunes sont l’expression de la contradiction ville-campagne. C’est une crise objective du mode de vie de la population vivant et travaillant en dehors des grandes villes. En ce sens, si le mouvement est largement dirigé socialement et idéologiquement par la petite-bourgeoisie, notamment les commerçants, artisans, indépendants, etc., il est indéniable qu’une partie de la classe ouvrière a été absorbée dans la dynamique.

La naissance de la gauche moderne s’est faite avec la formation du mouvement ouvrier. À partir de 1789-1793, les courants de gauche puisent leur dynamique dans la mobilisation des classes populaires et c’est au XIXe siècle que la classe ouvrière, délimitée par un mode de vie précis, devient centrale pour la Gauche.

Des années 1930 aux années 1970, la classe ouvrière se trouvent à l’avant-poste de la contestation sociale et politique. La SFIC et la CGT-U (puis CGT) parviennent à organiser les parties les plus avancées de la classe dans des interventions historiques déterminantes.

Sans les ouvriers organisés, pas de conquêtes sociales en 1936. Sans les ouvriers organisés, pas de résistance armée en 1942-1944. Sans les ouvriers organisés, pas de lutte anti-coloniale dans les années 1950. Sans les ouvriers organisés, pas d’offensive réelle dans les années 1970.

En bref, la classe ouvrière est depuis l’avènement du capitalisme, la classe motrice de l’Histoire. Ce n’est pas une vue gauchiste de l’esprit mais un fait historique. Ce réalisme politique était tellement acquis dans les années 1968 que ce ne sont pas moins de 3 000 militants révolutionnaires d’extraction non ouvrière qui ont effectué une rupture sociale pour s’établir en « zone ouvrière ».

Mais cet acquis majeur de la Gauche depuis le XIXe siècle a toujours plus reflué à partir des années 1980. En cause, notamment, l’enfermement dans une logique syndicale des militants « établis » broyés sous le poids de la restructuration sociale et le grand lessivage idéologique des années Mitterrand.

Il s’en est suivi une grande période où la classe ouvrière fut qualifiée de « dépassée », voire au pire « morte ». La lutte des classes a bien évidemment continué, mais la Gauche, toujours plus aliénée dans les milieux universitaires et intellectuels des grandes villes, s’est séparé de la classe ouvrière. La stratégique « centralité ouvrière » a été jeté par dessus bords.

Cette transformation politique et idéologique explique d’ailleurs pourquoi l’extrême-gauche a loupé la grande rébellion de novembre 2005. Justement, cette grande rébellion a failli, entre autres, à cause de l’absence d’unité organique de la classe ouvrière et unifier le peuple c’est le rôle historique de la Gauche.

Avec ce mouvement des gilets jaunes, la Gauche se retrouve face à ses propres errements politiques et idéologiques depuis 30 ans. Elle s’aperçoit que la classe ouvrière existe toujours, mais elle la retrouve largement façonnée par le dernier cycle d’accumulation capitaliste, celui de l’industrialisation des campagnes, de la flexibilité sociale, de la production à flux-tendu avec ses zones industrielles éclatées, de l’accès des ouvriers à la propriété individuelle, etc.

C’est une classe ouvrière enfermée dans le rêve pavillonnaire, individualisée par la voiture et le supermarché, désabusée par l’ennui culturel des zones rurbaines. Le rond-point devient la cristallisation du mouvement, lieu représentatif du cycle capitaliste basé sur la centralité de la logistique routière, du flux-tendu. C’est une classe qui n’est plus dans la banlieue très proche, mais est concentrée dans la misère pavillonnaire à plusieurs dizaines de kilomètres de la ville.

En ce sens, et ce sens seulement, les gilets jaunes comportement un aspect positif. C’est le fait que les ouvriers se remettent au centre du processus politique mais non pas de manière passive comme vivier électoral (comme avec Sarkozy et son « travailler plus ») mais comme acteur collectif dans l’histoire.

Ce « retour » de la centralité ouvrière intervient toutefois dans un moment où il est « trop tard » pour que la Gauche puisse intervenir de manière constructive dans le mouvement.

Elle paye le prix de son éloignement social, spatial, et idéologique et faire une « auto-critique » ne peut se faire par un rattachement hâtif et opportuniste dans le mouvement.
Cette auto-critique, elle devait avoir lieu en novembre 2005, là où la jeunesse ouvrière de tout le pays s’est insurgée contre l’ordre établi mais s’est retrouvée isolée des zones pavillonnaires.

Or, entre novembre 2005 et novembre 2018, c’est une décennie d’inlassable montée du fascisme à laquelle nous avons assisté. C’est l’essor de la propagande de l’Internet avec l’extrême-droite qui a saisi le coche culturel lorsque l’extrême-gauche, par romantisme absurde, l’a rejeté au nom de la « vie réelle ». C’est la décennie de la « fachosphère ».

Pourtant la révolte des gilets Jaunes aurait dû être une étape nouvelle et supérieure de la rébellion de novembre 2005. La « centralité ouvrière » des années 1960-1970, principe essentiellement gauchiste, se retrouve dans les années 2010 sous hégémonie fasciste. Les gilets jaunes démontrent sans faille la mise en branle spontanée des masses populaires et rappellent à la Gauche ce qu’elle avait largement oublié : l’histoire est faite par les grandes forces populaires.

Il n’empêche pas que cela doit alerter les forces progressistes sincères de l’impasse de la gauche postmoderne, dépendante de la petite-bourgeoisie culturelle des grandes villes, tout autant que de l’absurdité du syndicalisme. La classe ouvrière montre ici qu’elle conserve une mémoire de classe comme en atteste les référence (erronées) à Mai 68 alors qu’il a été souvent dit que la mémoire ouvrière n’existait pas à propos de ce mouvement.

L’avenir appartient à la Gauche qui saisit cette centralité ouvrière dans toutes ses dimensions car l’hégémonie fasciste qui actuellement bloque tout n’est qu’un détour temporaire dans la bataille inéluctable pour le Socialisme.

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Le pourrissement du mouvement des gilets jaunes

La mobilisation des gilets jaunes ce samedi 1er décembre a été marquée par de la casse et des scènes de violence contre la Police à Paris et dans plusieurs villes. Il y a eu en tout plus de 300 arrestations et une centaine de blessés rien qu’à Paris, dont 14 du côté des forces de l’ordre qui ont souvent servit de défouloirs. Cette journée montre un pourrissement du mouvement des gilets jaunes.

Le graffiti sur l’Arc de triomphe, « les gilets jaunes triompheront », est sans aucun doute l’élément le plus marquant symboliquement de ce troisième week-end de révolte des gilets jaunes. Car on est là à la fois dans la mythomanie et dans le substitutisme.

Mythomanie, car les gilets jaunes ne peuvent pas triompher, étant un mouvement informe, porté socialement par des artisans, commerçants, indépendants, sans autre horizon politique que le populisme et la démagogie fasciste. Substitutisme, car plus il y a radicalisation en apparence des excités de la petite-bourgeoisie, moins il y a de monde en réalité.

Jean-Luc Mélenchon peut bien s’imaginer qu’il y a une « révolution populaire » et que « les gens ne baissent pas en détermination», on est passé en trois week-ends de 300 000 manifestants à un peu plus de 100 000, puis 80 000 hier.

Aux abords des Champs-Élysées à Paris, cela donnait quelques milliers de personnes, dont un bon millier là pour le folklore d’une casse stérile et médiatique. Un théâtre qui s’est ensuite développé place de l’Opéra, avenue Kléber, avenue Foch, rue de Rivoli, avenue de la Grande Armée, avenue d’Iéna, avenue Raymond Poincaré, boulevard Haussman, avec le traditionnel incendie de voitures, les vitres de banques brisées, les CRS harcelés, etc.

À ce spectacle se sont greffées quelques centaines de pilleurs organisés et équipés pour se servir opportunément, le tout sous l’œil racoleur des caméras des chaînes d’information pendant qu’en plateaux les journalistes et les invités commentaient avec la posture de l’offuscation.

L’inconsistance de la démarche s’est illustrée de manière dramatique avec ce jeune homme participant à l’arrachage de l’immense portail d’entrée du Jardin des Tuileries, puis s’en retournant soudain comme si de rien, avant que le portail ne lui écrase la tête en s’effondrant.

L’absence de policiers et de pompiers étaient bien souvent de rigueur, comme il se doit, à Paris comme ailleurs. Le gouvernement est très éduqué et il sait que la société française est grandement endormie, que la France profonde n’aime pas les troubles.

Aussi, si les gens qui cassent s’imaginent que la France, l’une de plus grandes puissances capitalistes du monde, en a quelque chose à faire de leurs actions infantiles, c’est que leur naïveté est aussi développée que la vanité de leurs actions. Tablons plutôt pour expliquer leur démarche sur la mauvaise foi, ainsi que sur une très large influence du mélange altermondialisme – populisme nationaliste – complotisme d’extrême-gauche – activisme d’extrême-droite.

Si la capitale a regroupé bon nombre de ces « séditieux », comme les nomme le ministre de l’Intérieur qui n’exclut pas d’avoir recours à l’état d’urgence, l’agitation et la casse ont concerné de nombreuses villes en France comme Tours, Marseille ou Toulouse.

Les slogans des gilets jaunes pénétrant puis incendiant la préfecture du Puy-en-Velay en Haute-Loire synthétisent parfaitement l’état d’esprit des gilets jaunes : « Macron démission » et « on est chez nous ».

On n’en a pas fini avec les dégâts sur le plan des valeurs qu’ils auront causé, avec leur culte du spontanéisme, du rejet de la politique, de l’intervention individuelle « rentre-dedans » comme solution aux problèmes économiques. Dans leur définition même, les gilets jaunes sont le vecteur du refus catégorique, formel, sans appel, de toute critique du capitalisme et de la bourgeoisie.

C’est un écho direct de la posture ultra-populiste de Marine Le Pen lors du débat du second tour des présidentielles, de la « fachosphère » sur internet avec un site comme « F de souche » qui n’a jamais rien produit malgré une surface immense, de l’activisme débridé des regroupements d’extrême-droite comme le « bastion social » à Lyon. C’est le reflet d’un capitalisme de plus en plus pourri, faisant des gens des individualistes forcenés, nihilistes sur le plan philosophique, anti-démocratique dans leur vision du monde.

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La filiation des gilets jaunes avec l’antiparlementarisme

Quand on regarde de près le mouvement des gilets jaunes, il y a des paradoxes qui sautent aux yeux. Le mouvement avance sur terrain éminemment politique mais se déclare en dehors des clivages politiques. Il refuse toute forme de représentation intermédiaire mais est pourtant dirigé par les couches sociales intermédiaires, les fameuses « classes moyennes ». Il s’affirme pour la révolution mais est enfermé dans les limites du mode de vie actuel.

Cette expression paradoxale des gilets jaunes tient à sa nature sociale et idéologique dans un contexte historique particulier. Toute personne de gauche sait bien que lors des périodes tumultueuses comme la nôtre, ce qu’il est convenu de nommer « fascisme » est toujours en embuscade pour parasiter toute expression autonome des luttes de classe.

En tant que projet de « Révolution nationale », le fascisme en France comporte plusieurs dynamiques idéologiques. De part son expérience historique, on retient souvent le racisme, l’antisémitisme ou l’exaltation nationaliste. On oublie pourtant un autre aspect central du fascisme, qui lui a d’ailleurs permis d’acquérir une dimension populaire de masse : l’antiparlementarisme.

Que ce soit le boulangisme, les ligues factieuses ou bien le poujadisme, tous ces mouvements d’extrême-droite ont développé une rhétorique et une vision du monde antiparlementaire. Le parlement serait ainsi la cause de tous les maux sociaux, avec ses députés qui se « gavent » sur le « dos du peuple » et s’égosillent dans des débats interminables et bien trop détachés de la vie concrète. Cet antiparlementarisme tient à la nature démagogique de mouvements dont les porte-paroles sont souvent issus des secteurs économiques de la petite-bourgeoisie des zones populaires.

Effrayée par le « déclassement », c’est-à-dire la prolétarisation, et donc relativement attirée par la condition de vie bourgeoise, la petite-bourgeoisie de ces zones développe une idéologie conforme à sa condition sociale. C’est une « idéologie anti-idéologie » qui refuse tout positionnement stable. L’idéologie intermédiaire est donc orientée contre toute forme de représentation et la source du malheur n’est pas la bourgeoisie propriétaire des moyens de production, mais le Parlement, les élus, les « voleurs » contre lesquels il faut opposer le peuple avec son « bon sens » et son « honnêteté ».

En ce sens, il est peu étonnant de voir circuler dans les groupes Facebook de gilets jaunes une vidéo de TV Libertés (média d’extrême droite) qui valorise la réussite individuelle dans l’entrepreneuriat contre la réussite scolaire avec le diplôme (symbole du parvenu politicien, du « politichien »). C’est typiquement l’idéologie de l’ancien ouvrier devenu petit indépendant : le pays contre la « farce politicienne », celui qui produit concrètement contre les agitateurs d’idées en dehors de la vie « réelle ».

Lorsqu’on voit la nature des gilets jaunes, on ne peut que penser à cette filiation avec ce courant particulier du fascisme. Largement dirigé par des auto-entrepreneurs et des artisans, les gilets jaunes s’inscrivent dans cette continuité antiparlementaire, à la suite du boulangisme, des ligues factieuses et du poujadisme. Il est d’ailleurs peu étonnant que c’est surtout dans les zones périurbaines et rurales que le mouvement puise sa force puisque c’est là que cette couche sociale intermédiaire, au plus proche du quotidien ouvrier, peut générer un mouvement populaire massif ; son ancrage dans les grandes villes la rapprochant bien trop de la bourgeoisie en tant que telle.

À  ce titre, Pierre Poujade était lui-même un petit libraire issu d’une petite ville du Lot, Saint-Ceré. De la même manière que les gilets jaunes, il proclamait déjà la « défaillance » du parlement et la convocation d’ « États généraux », vu comme une nouvelle forme républicaine. Le journal poujadiste Fraternité française disait « lorsque la patrie est en danger… il n’y a plus de politique, il ne doit rester que des citoyens » et demandait ainsi de baisser le nombre de députés, de supprimer l’indemnité parlementaire, de sanctionner sévèrement l’abstention, etc.

Le problème est que les gilets jaunes se heurtent à leur propre paradoxe, celui de l’organisation cohérente de leurs revendications et de leur représentation, comme le prouve les débats houleux sur les représentants à choisir. En ce sens, la composition ouvrière des gilets jaunes en dit long sur l’incapacité de la classe ouvrière à imposer une idéologie stable et conforme à ses intérêts de classe.

Si les gilets jaunes étaient sous hégémonie de la Gauche ouvrière, avec toute l’héritage historique qu’il comporte, il n’y aurait pas la diffusion d’un antiparlementarisme stérile. Il y aurait le développement d’une dynamique organisée autour de la formation de comités populaires qui éliraient de manière démocratique des délégués révocables. Car la Gauche, dans ses traditions socialistes et communistes, a toujours été claire : l’action parlementaire, légale, doit exister mais être subordonnée à l’agitation extra-parlementaire, extra-légale.

C’est là la grande différence entre un mouvement populaire extraparlementaire et un mouvement populiste antiparlementaire, l’un n’étant que le miroir négatif de l’autre. C’est le prix à payer pour toute une Gauche qui a renoncé à son héritage tout autant qu’à une extrême-gauche qui s’est enfermée dans l’anarchisme velléitaire.

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Politique

Gilets jaunes : la capitulation de la Gauche devant le spontanéisme

Le mouvement ouvrier a toujours exigé la primauté de la conscience et de l’organisation. La croyance en le spontanéisme et en un vitalisme populaire n’a jamais abouti qu’au fascisme. Aussi, le populisme d’une partie de la Gauche pour les Gilets jaunes est littéralement suicidaire.

Gilets jaunes

Que l’ultra-gauche ait participé ici et là aux initiatives des Gilets jaunes, c’est dans l’ordre des choses. La croyance en une sorte de vitalité populaire spontanée amène à soutenir tout ce qui bouge, sans être trop regardant.

Que le regroupement d’extrême-droite Bastion social parvienne à largement s’y impliquer à Lyon, avec notamment le mot d’ordre « à bas les voleurs ! », c’est tout autant dans l’ordre des choses. Le fascisme se veut un mouvement de contestation par la base, au-delà des classes, contre les parasites. La jacquerie anti-taxe des Gilets jaunes est parfaitement adéquate pour cela.

Mais qu’une large partie de la Gauche capitule de même devant les Gilets jaunes, c’est inacceptable. Que l’on soutienne le mouvement n’est pas ici la question, car c’est une lutte. Mais il y a une différence entre soutenir pour apporter des valeurs et combattre les tendances négatives, et soutenir de manière unilatérale.

C’est bien la peine que Lutte Ouvrière souligne de manière régulière – et à juste titre –  l’importance des ouvriers, pour se précipiter dans le soutien aux Gilets jaunes, sans en critiquer aucune des modalités d’expression, résolument petit-bourgeois et non liés à aucune question de la production dans le capitalisme.

Pareillement, quel intérêt a le Nouveau Parti Anticapitaliste, si ce n’est la volonté de surfer sur la vague, de trouver cela très bien de manière unilatérale, de considérer les Gilets jaunes comme un mouvement social tout à fait comme il faut, etc. ? Les Gilets jaunes représentent tout sauf un « mouvement social » traditionnel et d’ailleurs cela n’a aucun sens d’appeler à ce que les associations et les syndicats suivent le mouvement. L’ancêtre du NPA, la Ligue Communiste Révolutionnaire, faisait des mouvements sociaux la base de son activité, mais désormais tout est différent.

Ces deux exemples sont très importants, même si Lutte Ouvrière et le NPA sont depuis longtemps bien plus d’ultra-gauche que de Gauche. Car ils montrent que des gens sérieux, tournés vers les ouvriers ou vers les « mouvements sociaux », sont dépassés par les Gilets jaunes. Ils ne comprennent pas la nature de ce mouvement, ils n’ont aucune clef pour l’interpréter.

Et la raison pour cela est qu’ils ne comprennent pas ce qu’est le fascisme. Ce que dit Jean-Luc Mélenchon sur son blog est d’ailleurs absolument terrifiant, le type ne comprend rien au fascisme, il soutient ouvertement la démarche fasciste sans même s’en apercevoir.

Ses explications suite à la manifestation parisienne de samedi, où il y voit un show sur les Champs-Élysées mis en place par le gouvernement, en arrivent à trouver tout à fait juste le pire des populismes.

« Tout ce qui se passe est hors norme. C’est pourquoi la réplique manipulatoire traditionnelle est complètement décalée par rapport au niveau de conscience populaire. C’est donc pour nous un important succès car des millions de gens ont été une fois de plus instruits en masse des stratégies médiatico-politiques du régime macroniste. L’identification du parti médiatique se fait à échelle de masse. Le mépris et le dégoût qui vont avec de même.

L’autre succès est naturellement le niveau de mobilisation et l’élévation du niveau de conscience qui s’est exprimé partout dans les mots d’ordre et les propos tenus face caméra ou dans les meetings improvisés. Les commentateurs n’attachent pas d’importance au fait que le mot d’ordre « Macron démission » soit un refrain partout. C’est pourtant un slogan qui est très rare dans l’histoire des mouvements sociaux du pays. À vrai dire, je ne crois pas qu’il ait de précédent. Même Hollande y échappa. Rien ne décrit mieux l’isolement du pouvoir actuel et sa perte de légitimité que ce slogan omniprésent. »

Voir en le slogan « Macron démission » quelque chose de positif, c’est tomber au niveau de l’ultra-gauche ou du fascisme. C’est réfuter la primauté de la théorie, avec le principe des valeurs positives, d’un projet rationnel, d’une organisation méthodique. C’est s’imaginer que « tout ce qui bouge est rouge », alors qu’à une époque de dépression du capitalisme, comme on peut le voir partout, l’agitation sociale est plus que poreuse au corporatisme, au populisme, au social-impérialisme.

Les Gilets jaunes révèlent ici de grandes faiblesses concernant la compréhension de ce qu’est le fascisme !

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Politique

Conséquence fasciste des gilets jaunes : 130 radars détruits

La destruction de 130 radars en dix jours, la quasi totalité par le feu, est un écho de la dimension fasciste présente dans les Gilets jaunes.

radar gilets jaunes

De puis l’émergence des Gilets jaunes, des radars sont détruits un peu partout en France, dans l’Ain, dans le Nord, en Seine-et-Marne, dans le Tarn, dans l’Hérault, dans les Deux Sèvres, dans les Vosges, en Loire atlantique, etc.

C’est là un écho de toute la dimension ultra-individualiste, s’appuyant sur une idéologie profondément beauf, largement présente dans la matrice même des Gilets jaunes. Il est tout à fait logique, malheureusement, qu’une lutte économique axée de manière corporatiste déraille toujours plus, se reconnaissant dans des révoltes du même type.

C’est cela qui explique également l’appel d’air amenant des nationalistes à se retrouver impliqués de manière toujours plus significative dans tout le pays dans les rangs des Gilets Jaunes. C’est ici ni plus ni moins que le Fascisme qui apparaît, comme mouvement réactionnaire de masse, par en bas, avec une nostalgie romantique pour un passé idéalisé et un refus catégorique de la rationalité, de la politique.

Ce sont les égouts qui débordent. Il est significatif d’ailleurs que sur le site radars-auto.com, on ait des indications pratiques concernant la destruction des radars qui ont eu lieu depuis dix jours. Sous prétexte d’informer de la destruction de 133 radars, on apprend ainsi que la méthode souvent employée est de placer des pneus sous les radars et de les incendier, ou bien d’utiliser une disqueuse.

Le mode d’emploi est pratiquement donné, discrètement, reflétant une vraie hargne résolument fanatique d’hommes entendant nier l’intérêt général au nom de leur attitude particulière, qualifiée de liberté.

Sur 4500 radars d’ailleurs, 600 sont hors d’usage. Dans de nombreux départements, ce sont la moitié des radars qui ont été sabotés. Un exemple révélateur de cette terrible situation marquée par le fanatisme de masse est que le Facebook consacré à fournir des indications sur les radars dans le Nord Pas-de-Calais a 160 000 abonnés.

Avec ces destructions de radars, on a ici une conjugaison de tous les raccourcis, de toutes les faiblesses marquant le peuple français. Tout l’esprit étroit, focalisé sur son propre petit moi et une vie quotidienne bloquée dans le style petit-bourgeois, s’exprime avec la brutalité propre à ce qui n’a aucun fondement à part la pourriture d’un capitalisme de plus en plus en déconfiture.

Il faut avoir conscience de ce qui se passe. Les Gilets jaunes ont à la fois libéré et exprimé des forces profondément incohérentes dans leur démarche, oscillant entre revendication économique pour le peuple et appui de conceptions anti-politiques, anti-démocratiques (au sens de la démocratie comme lieu de raison et de choix populaire rationnel).

Il y a ici une vraie maturation de la crise idéologique en France, avec une véritable affirmation d’un Fascisme de masse, c’est-à-dire d’un mouvement de « régénération » de la nation par le « vrai peuple ». Les enjeux de notre période sont immenses !

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Guerre

Le Brexit, un pas vers la division, vers la guerre

L’accord ente l’Union Européenne et la Grande-Bretagne, qui doit encore être validé par le parlement britannique, est l’expression de la tendance au repli isolationniste des pays capitalistes, dans un contexte de bataille pour le repartage du monde.

Brexit

Les choses sont donc désormais fixées : le gouvernement britannique est parvenu à un accord avec l’Union Européenne au sujet du Brexit. Le document de l’accord fait 600 pages et celui-ci rentrera en vigueur le 29 mars 2019. Le parlement britannique doit encore valider cet accord le 11 décembre, ce qui ne va pas forcément de soi.

C’est en effet tout le paradoxe : une large partie de la population britannique n’est pas pour le Brexit, et c’est vrai même pour une partie importante des entreprises, des bourgeois et des grands bourgeois. Seulement voilà, ce qui décide en dernier ressort, c’est la tendance historique.

Or, la tendance historique est à l’affrontement pour le repartage du monde, parce que c’est nécessaire pour obtenir suffisamment de profits. La croissance interne ne suffit pas, elle ne peut jamais suffire, et la Grande-Bretagne a les moyens de faire sa propre aventure, de par les restes de son empire et sa puissance financière. Cela est d’autant plus vrai que l’Union Européenne est inéluctablement marquée par l’hégémonie du tandem franco-allemand.

Angela Merkel vient d’ailleurs d’affirmer que « les Etats souverains doivent aujourd’hui, devraient aujourd’hui, être prêt à abandonner leur souveraineté ».

Le Brexit est donc strictement similaire à l’élection de Donald Trump aux États-Unis. Il y a bien d’autres équivalents, comme la prise du pouvoir en Autriche, en Hongrie, en Italie, en Pologne, par des réactionnaires brutaux focalisés sur l’optique isolationniste – nationaliste. La récente élection de Bolsonaro au Brésil relève du même principe.

> Lire également : Présidentielles brésiliennes : le succès ultra-réactionnaire de Jair Bolsonaro

La croissance permise par l’ouverture des marchés en Europe de l’Ouest, puis son élargissement à l’Est après 1989, a fait son temps. Elle n’est plus assez effective et c’est désormais le chacun pour soi, d’autant plus que ne pas le faire équivaut à renforcer la Chine, qui s’est habilement placée depuis 20 ans comme « usine du monde ». Chacun entend désormais remettre les compteurs à zéro et privilégier sa propre situation, afin de parvenir à trouver une croissance, coûte que coûte.

Cela sous-tend naturellement deux choses : d’abord que l’écologie est un thème définitivement passé aux oubliettes, ensuite que la tendance à la guerre émerge de manière ouverte, alors qu’elle était passée à l’arrière-plan avec le cycle ouvert par 1989.

On fait ici face à un problème : si les gens en France reconnaissent cela, ils n’y croient pas pour autant, ou bien pensent que cette guerre sera loin, en Asie. Personne ne prend la guerre au sérieux, à part bien entendu les généraux de l’armée française, ainsi que le haut appareil d’État. C’est très grave, vu comment les choses peuvent se passer très vite.

Rappelons ici brièvement quelques tensions importantes, alors que l’Ukraine a décrété la loi martiale en raison de tension avec la Russie dans la région de la mer d’Azov, de la mer noire. L’Espagne veut à tout prix récupérer Gibraltar, que les Britanniques ne comptent jamais abandonner. L’Autriche veut donner la nationalité autrichienne aux germanophones au Tyrol du Sud, considéré par l’Italie comme le Haut Adige. La Hongrie compte bien annexer les territoires des pays voisins où les Hongrois forment la majorité, la remise en cause du partage d’après 1918 étant son obsession. La Bosnie est une poudrière bureaucratique et mafieuse sous pression de la Croatie et de la Serbie, cette dernière entendant bien récupérer le Kosovo, que l’Albanie souhaite quant à elle annexer.

Des tensions comme cela il y en a encore de nombreuses en Europe, et c’est encore pire dans le monde. Cela ne jouerait pas vraiment si la tendance était à l’unification, aux échanges, mais là le capitalisme se contracte ; en perte de vitesse, il reprend ses bases nationales et donc la tendance à la compétition nationale, au repartage, à la guerre.

Le Brexit est l’expression d’une telle tendance et elle est un avertissement de la terrible menace qui pèse sur les peuples du monde : le monstre de la guerre ressurgit !

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Politique

Le mouvement des gilets jaunes est-il un néo-poujadisme ?

Le gouvernement d’Emmanuel Macron a fait émerger hier des pseudos porte-paroles des gilets jaunes afin de créer ses propres interlocuteurs. Le mouvement s’est en fait poursuivi de manière éparse depuis le 17 novembre avec une expression générale confuse, faible politiquement, mais dominée par une sorte de néo-poujadisme.

Les porte-paroles mis en avant hier sont au nombre de huit et reflètent assez bien la sociologie des gilets jaunes avec surtout des petits entrepreneurs mais aussi une serveuse, un chauffeur routier et un « intérimaire » (sans qu’on puisse savoir dans quel domaine).

Le mouvement rejetant quasiment par définition l’organisation politique, étant éclaté dans sa forme et son organisation, cette formalisation de leur représentation ne peut que déplaire.

La base des gilets jaunes les critiques d’ors et déjà comme non-légitimes, sortant de nulle part et surtout désignés par en haut selon la volonté du gouvernement. Peu de personnes connaissaient la page Facebook permettant de « voter » pour ces pseudos porte-paroles.

Mais quelle est, finalement, l’expression des gilets jaunes dans leur ensemble, que disent-ils, que veulent-ils ? L’opposition aux taxes est vraiment le cœur du mouvement, c’est un dénominateur commun indiscutable. Cet échantillon de tracts et messages illustre parfaitement cela :

Des automobilistes dépendants

Ce qui est contesté en plus du prix du gasoil, c’est par exemple la hausse de la CSG sur les pensions, les taxes sur les successions, la TVA, la taxe foncière, etc. Il n’est pas question de hausse de salaires ou des pensions.

Les personnes qui se mobilisent au travers des gilets jaunes ont en commun d’être des automobilistes dépendants. Ce sont des gens qui vivent franchement à la campagne ou dans les zones qui ne sont ni vraiment des villes ni vraiment la campagne. Ces personnes n’ont pas d’autre choix que d’utiliser l’automobile pour leurs activités quotidiennes.

Les alternatives au moteur diesel comme les véhicules électriques, les transports en commun ou le vélo sont rejetées par eux comme autant d’utopies. Des « trucs de bobo de centre-ville » déconnectés des contraintes réelles subies par la « vraie France ».

L’argument écologique avancé par le gouvernement pour justifier la hausse des taxes sur le gasoil est vécu comme une provocation de la part des gilets jaunes. La question de l’écocide est tout simplement niée par ce mouvement qui pense pouvoir figer le monde dans un aujourd’hui permanent.

Un « ras-le-bol fiscal »

Cette « vraie France » est toute à la fois celle décrite dans la chanson de Kamini eul’ vraie France, dans la sociologie de La France périphérique de Christophe Guilluy et dans « la France qui se lève tôt » du discours du candidat Nicolas Sarkozy aux halles de Rungis en 2006.

Plus encore que le phénomène « vraie France », c’est un phénomène de « ras-le-bol fiscal » qui est mis en parallèle avec le train de vie du couple Macron, les dépenses de fonctionnement du parlement et de l’État en général. Une des figures du mouvement dans le Vaucluse clame par exemple qu’il « vomit la classe politique » et en appelle à renverser le Parlement. On a systématiquement cette amertume insistante envers la classe politique, considéré comme n’ayant pas de valeur, corrompue, déconnectée.

S’il fallait faire une synthèse des revendications, ce serait la baisse des « charges ». On est bien face à une vision comptable de la société : « si je paie plus cher mon gasoil, alors je réaliserai moins de bénéfice ».

Un refus de la socialisation des richesses

Pierre Poujade employait dans les années 1950 l’expression d’« État vampire » selon le même point de vue. Le mouvement est, dans son orientation, au service des intérêts des « petits » : entrepreneurs d’auto-école, infirmiers libéraux, transporteurs routiers, entrepreneurs du BTP, bref, de la petite bourgeoisie. Ce n’est pas un hasard si l’on a pu voir des commerçants apporter de la nourriture et des boissons sur les points de blocage.

Bien sûr, les gilets jaunes ne sont pas exclusivement composés de petits-bourgeois. Il y a aussi des employés, des ouvriers qui adhèrent au mouvement parce que la hausse du prix du gasoil accentue leur paupérisation, la rend encore plus visible, fracassante.

Pour ces personnes, ce n’est pas le « pouvoir d’achat » dont parlent les syndicats et les enseignes de supermarché, mais le « reste à vivre en fin de mois » qui est menacé. Une hausse des dépenses de 30 euros peut condamner des ménages à la précarité. Alors on s’oppose au gouvernement, pour défendre « son bifteck » face à cet État tout puissant qui rend service aux autres, mais pas à soi.

Seulement, cette focalisation sur le refus des impôts n’est pas une critique sociale de l’appareil d’État au main de la bourgeoisie. C’est surtout un refus de la socialisation des richesses, un refus des choix collectifs au profit de l’affirmation individuelle plutôt que du Socialisme.

C’est tout à fait conforme au poujadisme des années 1950, mouvement à l’origine du Front National devenu Rassemblement National.

 

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Société

Les gilets jaunes, expression complexe d’une crise du mode de vie

Si l’on regarde les gilets jaunes, il y a autant de raisons de les soutenir que de les rejeter. Cela tient à leur double nature, puisqu’ils se révoltent à la fois subjectivement contre la cherté de la vie et objectivement contre l’écologie. De tels exemples de complication ne manqueront pas de se produire à l’avenir.

Lorsque les zadistes sont apparus, ils présentaient une double nature. D’un côté, ils défendaient une zone humide, ce qui était une bonne chose. De l’autre, ils exprimaient la volonté réactionnaire de s’isoler de la société, de vivre avec une petite propriété, d’une petite production. Au départ, la question écologiste prenait le dessus encore, pour finir par disparaître devant l’argumentation littéralement pétainiste sur le retour à la terre.

Les gilets jaunes posent le même type de problème. Leur révolte contre la cherté de la vie est une expression indéniable d’un besoin populaire. L’augmentation du prix de l’essence est une agression ouverte sur le niveau de vie. Comme la voiture est incompressible dans le style de vie imposé par la société, l’architecture, l’organisation spatiale du pays, forcément cela fait mal.

La révolte des gilets a donc le mérite de poser un conflit social. C’est quelque chose d’appréciable. D’autant plus que cela exprime un sentiment de désarroi par rapport à un mode de vie dont les tenants et aboutissants semblent profondément vaciller.

Résumer à cela serait néanmoins du populisme. S’il y a du désarroi, il y a également surtout du ressentiment qui s’exprime, avec une nostalgie profonde sur le fait de pouvoir se comporter comme avant, d’utiliser la voiture sans se préoccuper de rien ni personne. C’est la caricature du type machiste, avec ses cigarettes et son 4X4, son statut de petit entrepreneur disposant de bons moyens matériels.

Cela ne donne évidemment nullement envie de soutenir quelque chose où ces gens ont une part prépondérante dans l’identité. Ces gens sont hyper réactionnaires à tous les niveaux dans leur rapport à l’écologie. La pollution, ils considèrent que ce n’est pas de leur ressort ; le véganisme leur apparaît comme une aberration et ils ont des amis chasseurs, s’ils ne le sont pas eux-mêmes.

On voit le dilemme : si on soutient les gilets jaunes, on fait du populisme ; si on ne les soutient pas, on passe à côté d’une lutte contre la pression des prix sur la vie quotidienne. Il y a pourtant bien quelque chose qui doit primer et permettre à un discours de gauche d’être développé dans une telle situation. Et c’est bien le cas, mais il y a un prix à payer.

Ce prix, c’est la compréhension que le syndicalisme est une plaie dont il faut se débarrasser, car au mieux cela amènerait à appuyer les gilets jaunes sans considération d’autre chose. Et qu’il y a une seconde plaie, l’anarchisme, qui demande la révolte pour la révolte, sans se soucier des réalités matérielles, tant de l’économie que de la nature des gens, aliénés et exploités.

Si on se débarrasse de ces deux plaies – qui paralysent l’histoire de France depuis cinquante ans – alors on pourra avancer, puisqu’il serait alors possible de poser le problème différemment, en prenant en compte non seulement l’économie, mais aussi le mode de vie.

On pourrait alors développer un discours sur le capitalisme comme allant de paire avec un mode de vie, et on verrait alors que les gilets jaunes expriment une crise de ce mode de vie. Ils ne sont pas les protagonistes d’une lutte (comme peut le penser le syndicalisme), d’une lutte inadéquate (comme peut le penser l’anarchisme), mais l’expression historique d’un mur que rencontre le mode de vie dans le capitalisme.

La voiture, c’est comme le réchauffement climatique, c’est un à côté du développement du capitalisme qui devient essentiel et exige une rupture en soi des mœurs, du mode de vie, de la manière d’exister.

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Politique

Les gilets jaunes et la question du fascisme

Peu de gens en France ont vraiment étudié le fascisme et savent qu’il consiste en un mouvement élémentaire d’une base populaire soucieuse de régénérer la société, poussé par une partie de la bourgeoisie. Les gilets jaunes ont tout à fait le profil social correspondant à cela.

Quand une révolte est portée par les couches sociales intermédiaires mais pas les ouvriers, de manière élémentaire et non rationnelle, sur des revendications à l’intérieur du cadre étatique, on sait déjà que la Gauche a perdu.

De manière instinctive, beaucoup de personnes ont à l’origine été très méfiantes du mouvement des gilets jaunes précisément pour cette raison. Les gens davantage conscients en comprennent les modalités, ils connaissent l’expérience du fascisme italien, du national-socialisme allemand, et n’oublions pas les Croix de Feu françaises.

Les violences ayant émaillé le quartier des Champs-Élysées à Paris ce samedi 24 novembre renvoient d’ailleurs directement à l’expérience historique de février 1934 dont les Croix de Feu furent la principale ligue menant l’agitation.

Cela ne tient pas seulement à la présence hier de nationalistes, de drapeaux bleu-blanc-rouge et de l’hymne nationale haranguée entre les appel à aller directement chercher le Président à L’Élysée, mais bien à la nature même de l’événement et du mouvement qui l’a porté.

Les Croix de Feu françaises avaient à l’époque acheté Le Figaro, une fois devenu le Parti Social Français, et il est assez intéressant historiquement de noter que Le Figaro soutient depuis le début le mouvement des gilets jaunes, et ce de manière véhémente.

Ces derniers sont présentés comme la vraie France contre les élites, ce qui est énorme intellectuellement quand on connaît le lectorat du Figaro Magazine et de Madame Figaro le week-end. Mais il est vrai que les élites sont divisées et qu’on reconnaît là le grand conflit entre les bourgeois nationaux-agressifs, et les bourgeois modernistes-cosmopolites représentés par Emmanuel Macron.

Une figure de Droite comme Bruno Retailleau, qui était un personnage de première importance lors de la campagne pour la Présidentielle de François Fillon, représente quant à lui les bourgeois nationaux-agressifs. Ce n’est pas pour rien qu’il justifie ouvertement les violences au Journal du Dimanche :

« Emmanuel Macron récolte ce qu’il a semé. À force de détruire méticuleusement les corps intermédiaires, il se retrouve seul face aux Français. Quand on se prend pour Louis XIV, on peut s’attendre à des frondes ».

De son côté, le gouvernement connaît ses classiques et fait par la voix de son Ministre de l’Intérieur le parallèle avec les affrontements fascistes de 1934, tout en insistant sur le rôle de Marine Le Pen qui représente elle aussi les nationaux-agressifs, tout comme Nicolas Dupont-Aignan.

Dans les années 1920 et 1930, les nationaux-agressifs étaient organisés dans des partis de droite qui se sont vus appuyer par une nouvelle formation, de droite mais populaire et communautaire, les fascistes.

Contrairement aux commentaires que l’on voit régulièrement sur le caractère « socialiste » des nazis, ceux-ci se sont toujours définis comme étant de droite et faisaient par conséquent des alliances à droite. Le fascisme de Mussolini s’est pareillement institutionnalisé avec la Droite.

Il s’agissait de mouvements de masse mais leur victoire a été leur intégration institutionnelle, par les élections, dans l’État. La Droite a été leur porte ouverte pour ce processus, dans le cadre de l’unité contre la Gauche.

Or, ces mouvements populaires fascistes avaient une base sociale surtout composée de petits-bourgeois, de commerçants, d’artisans. Il y avait des ouvriers aussi, mais ce n’était pas le cœur du sujet, très loin de là. Contrairement aux cadres de ces mouvements, très politisés, la base voulait juste un « rétablissement », un « redressement », une « remise en marche ».

Impossible de ne pas voir un parallèle au moins minime avec les gilets jaunes aujourd’hui.

Cela ne remet pas en cause le fait que ceux-ci relèvent de la lutte de classes. Pas du tout, et c’est bien là la question de l’antifascisme, qui a comme but d’unifier le peuple sur une base autre que celle du fascisme.

Il va de soi que l’antifascisme qui se contente de critiquer les « fachos » est représentatif d’un anarchisme en perdition qui n’est d’aucun intérêt ici, pour autant qu’il en ait jamais eu. Il faut parler aujourd’hui du véritable antifascisme, celui des années 1920 et 1930, celui où la Gauche savait s’unir pour être à même d’établir suffisamment d’amplitude pour contrer le fascisme sur son terrain.

Ce terrain, c’est celui de la lutte des classes, celui des luttes sociales et de la perspective d’une société où l’on peut vivre de manière bonne et juste. Pour nous, c’est le socialisme, pour le fascisme, c’est un capitalisme restructuré, avec une dynamique chauvine et militariste.

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Politique

La convergence syndicale avec les gilets jaunes

Les syndicats ont décidé de converger avec le mouvement des gilets jaunes. C’est un cheminement inévitable, l’apolitisme appelant l’apolitisme, le populisme appelant le populisme, le corporatisme appelant le corporatisme.

Mardi 20 novembre, le syndicat FO-UNCP (transport) appelait ses adhérents et sympathisants à rejoindre le mouvement. Le secrétaire général de la branche transports de FO Patrice Clos, qui est candidat pour la direction de FO suite au récent scandale, appelle à venir renforcer les mouvements existants en se posant comme indispensable, menaçant d’un appel à la grève présentée comme une étape supérieure éventuelle.

De son côté, la CGT a lancé un mot d’ordre de manifestation dans ce cadre pour samedi 1er décembre. Elle a changée son fusil d’épaule sous la pression d’une grande partie de sa base, alors que son secrétaire général Philippe Martinez avait refusé de participer aux blocages organisés samedi dernier.

Dans les deux cas, la question est celle du « pouvoir d’achat », avec pour la CGT la revendication d’un SMIC à 1 800 €.

Laurent Berger de la CFDT propose pour sa part une position intermédiaire, s’imaginant là aussi constructif, allant dans le sens de la continuité du capitalisme avec « un pacte social de la conversion écologique » censé être la solution « aux attentes en termes d’aide à la mobilité, au transport, à l’énergie ».

On est là dans une logique qui correspond tout à fait à celle de la Charte d’Amiens, qui au début du XXe siècle faisait de la CGT un syndicat récusant la politique. Le fait que les syndicats se développent non seulement à côté du Parti socialiste, mais même contre lui, a été d’un impact dévastateur sur les mentalités et le niveau de conscience des travailleurs à l’époque, et cela se prolonge jusqu’à aujourd’hui.

Les syndicats prétendent mieux gérer, vraiment représenter ; minoritaires de manière patente dans le monde du travail, ils n’en sont pas moins d’une prétention sans bornes. Et leur esprit est aussi étroit que celui des gilets jaunes, dans la mesure où de la même manière, ils ne voient qu’à court terme, ils ne raisonnent qu’avec des chiffres et selon des critères de la vie quotidienne tout à fait conformes au mode de vie dominant.

C’est d’autant plus grave que si les gilets jaunes se sont formés sur le tas, les syndicats ont une tradition centenaire, des cadres qui réfléchissent, des avantages matériels et institutionnels extrêmement importants. Leur convergence est d’autant plus significative, d’autant plus grave.

Elles montrent qu’une fraction de la population française est d’accord non pas pour discuter de politique, pour faire de la politique, pour choisir politiquement, mais pour justement ne rien faire de tout cela.

Il faudrait non pas transformer la société, mais la régénérer, la remettre sur son socle. Il faudrait en revenir à ce qui serait réel, par opposition à ce qui ne serait qu’une boursouflure provoquant un déséquilibre social.

Il y a un mot pour une telle approche : le fascisme. Le fascisme est la mort de la société civile, la fin de la politique, la réduction de la vie sociale à un conglomérat d’individus s’unifiant sur une seule base : l’hégémonie de leur regroupement national, afin de mieux profiter de tout et ce aux dépens des autres.

Cela ne veut pas dire que les revendications sociales des gilets jaunes ou des syndicats soient erronées, mais justement que celles-ci sont déviées de leur cours naturel comme lutte des classes. Elles sont précipitées dans le gouffre de l’absence de conscience sociale, de l’affirmation de l’apolitisme, du refus de la lutte des classes, de l’absence de confrontation avec la bourgeoisie.

La preuve de cela est bien sûr qu’une partie du patronat a soutenu le mouvement dès le début, que les enseignes de supermarché se sont empressées de communiquer dans le sens du mouvement avec notamment de l’essence à prix coûtant, étant donné que le « pouvoir d’achat » est leur préoccupation.

Tout n’est pas joué encore, évidemment. Cependant, il ne faut pas sous-estimer ce qui commence à se lancer comme processus, par en bas, comme populisme, comme dépolitisation, et surtout comme refus d’aller dans le sens du socialisme.