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Culture

Nouvelle playlist : bon mood d’été

Voici une deuxième compilation de l’été avec surtout des sons récents et français, tous très positifs dans leur esprit.

Du love, beaucoup de love sur cette playlist qui s’ouvre pourtant sur le dernier single d’Isaac Delusion demandant : « Emily, Are you trying to hurt me? ». Lockhart et Fischbach se répondent ensuite langoureusement dans une histoire d’amour estivale qui lance pleinement cette sélection musicale.

Les Québécois Les Louanges suivent, puis les Parisiens Monteresso avec un extrait de leur tout récent album, très parisien dans son style ultra sophistiqué et léger en même temps. L’excellent morceau des Pirouettes qui suit est issu de la réédition Deluxe de leur second album Monopolis.

Un peu plus de rythme ensuite avec Presque l’amour puis Einfach da sein de KOMPROMAT, le succès électo français de cet été 2019 dont l’album est présenté comme un hommage à la techno berlinoise des débuts.

On croirait les années 1960 ensuite avec La Chinoise, mais c’est en fait un groupe composé de tous jeunes gens, très peu connus pour l’instant, mais au grand talent. On adore.

On croirait cette fois les années 1980 avec les Français Velvet Condom, mais leur new-wave est en fait très récente. Un retour aux sources, en Angleterre et en 1983, s’impose alors avec cet excellentissime classique de New Order.

Un an après (en 1984) et de retour de notre côté de la manche avec ce très enthousiasmant son des Visiteurs du Soir, trouvé récemment sur une compil synth-wave  (rien à voir avec la « synthwave » électro de maintenant !)

La reprise de France Gall qui suit (composée par Serge Gainsbourg en 1964) par Suzanne a eu du succès l’été dernier et passe toujours aussi bien cette année !

Changement assez tranché de registre pour finir cette playlist par du rap. D’abord avec l’algérien Soolking, dans son style caractéristique et entraînant, puis deux morceaux des rennais Columbine (impossible de choisir, alors on a mis les deux ! ) Le rappeur Moussa, qui avait produit un unique et excellent titre en 2017, est de retour cette année et cela vaut vraiment la peine ! Pour tout dire, on voulait ouvrir la compilation avec ce son, tellement c’est fresh, tellement le bon mood de l’été !

On finit alors par Nekfeu, avec un refrain de la star japonaise Crystal Kay puis c’est Ok cool du rappeur autrichien Yung Hurn, qui a beaucoup de succès en Allemagne, qui fait office d’outro très aérienne pour rester dans cet état d’esprit estival positif !

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Politique

L’Union européenne est-elle la cause de l’austérité ?

L’argument principal des chauvins (de type patriotique ou social) est que l’Union européenne serait la cause de l’austérité. En réalité c’est le contraire, elle est le reflet de l’austérité.

L’Union européenne impose des règles et les chauvins disent : ces règles amènent l’austérité. Tout serait de la faute de l’Allemagne qui, parce qu’elle est la seule à pouvoir intervenir de par sa solidité, exige une stabilité la plus grande possible, ce qui aboutit à l’austérité.

Pardon, pardon ! Raisonner avec cette idée que c’est l’Allemagne qui dirigerait l’Union européenne est d’une bien trop grande simplicité. Car cette dernière n’est, dans sa substance, rien d’autre que l’établissement d’un grand marché capitaliste. Il s’agit de dépasser les cadres nationaux pour faciliter les échanges et permettre au capital de mieux se réaliser.

L’idée de cette union – libérale-sociale appuyée par la social-démocratie – est que c’est d’autant plus d’un grand intérêt que cela va avec une croissance générale et par conséquent une stabilité sociale très forte. La fonction de la Commission européenne est ici de gommer les aspérités.

Cela a marché, pendant longtemps. Déjà, jusqu’en 1989, puis avec l’arrivée de la Chine comme usine du monde. Et maintenant que cela marche de moins en moins, cela serait la faute à l’Allemagne ? Ou aux banques, ou à tel secteur financier, ou à tel secteur technologique comme les GAFA ? C’est là nier la réalité économique en se focalisant sur des petits aspects importants certainement, mais pas décisifs.

Pourquoi ? Parce qu’il suffit de regarder les richesses pour voir qu’elles se sont accumulées de manière phénoménale depuis cinquante ans. La véritable question, c’est de savoir ce qu’on fait de ces richesses et pas simplement pour vivre mieux, mais pour se tourner vers ce qui est important : important pour l’humanité, pour la planète, pour l’océan, pour l’humanité de demain, pour la nature, pour les animaux, etc.

Et le problème est que toute orientation collective se heurte au fait que les richesses sont, par définition, individuelles, relevant de la propriété personnelle. On n’a donc pas le droit d’y toucher. Cela, ce n’est pas l’Allemagne qui le dit, ni même l’Union européenne. C’est tout simplement le Droit tel qu’il existe de nos jours.

Or, comme les riches deviennent par définition toujours plus riches, la richesse ayant beau s’accumuler toujours plus, les pauvres deviennent toujours plus pauvres. C’est une tendance irrépressible : sans riches pas de pauvres et inversement. Partant de là, c’est la question de la socialisation qui se pose.

Qu’est-ce que l’austérité dont on parle, alors ? Cela ne concerne qu’une petite partie des richesses, une petite part du gâteau. Mais pourquoi s’étriper sur un petite part, si on peut s’approprier de toutes façons tout le reste du gâteau ?

Pourquoi perdre son temps à négocier un 0,1 %, un 0,2 %, un 0,3 %, alors qu’il est possible de socialiser une très grande partie de l’économie, simplement en disant : vous les monopoles, vous êtes ce que vous êtes, donc désormais vous appartenez à la société toute entière ? Ce qui est à tout le monde est à tout le monde et ce qui est à tout le monde ne peut pas être possédé, au service simplement de quelques uns.

Rejeter ce culte des 0,1 %, 0,2 %, 0,3 %, est d’autant plus important que, qui plus est, l’extrême-droite instrumentalise une telle approche pour diffuser le nationalisme. Pour Jean-Luc Mélenchon, on ne sait plus trop où il en est, mais on peut dire que de toutes façons c’est au moins le nationalisme qui l’instrumentalise, lui et ses acolytes comme François Ruffin.

Car la grande question à l’arrière-plan, c’est celle, historique, de savoir s’il n’y a qu’une seule humanité, qui socialise son activité et agit de manière rationnelle ou bien si c’est la guerre de chacun contre chacun, de chaque entreprise contre chaque entreprise, de chaque pays contre chaque pays

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Écologie

Rassemblement samedi 27 juillet suite à l’agression réactionnaire contre les opposants au Surf Park de Saint-Père-en-Retz (44)

La mobilisation le week-end dernier contre l’absurde projet de Surf Park à Saint-Père-en-Retz en Loire-Atlantique, que nous avions relayé ici, a été l’objet d’une violente agression réactionnaire.

Comme pour la chasse à courre, les milices du vieux monde montrent qu’elles sont capables d’une grande violence.  Elles ne supportent pas que d’autres personnes puissent vouloir changer les choses, ne pas rester passives devant la grande machinerie capitaliste détruisant la planète et les animaux.

Voici le communiqué des collectifs ZAP la vague et Terres communes, qui décrit précisément les faits et appel à un rassemblement de soutien ce samedi 27 juillet :

« Dans le cadre de notre lutte contre la construction d’un Surf Park à Saint-Père en Retz (44), le 20 juillet 2019 nous avons subi des violences et agressions par des milices réactionnaires.

La mairie a soutenu ces milices arrivées de manière très violente et armées de trois tracteurs avec tonnes à lisier, bâtons et marteaux, avec la complicité des gendarmes qui ont laissé les miliciens rentrer et nous affronter.

Des membres du collectif Terres Communes ont ensuite reçu des menaces de destructions et des menaces d’incendies à l’encontre de deux de leurs fermes.
Pendant ce temps, dans Saint Père en Retz la milice faisait la loi en menaçant de mort des manifestants, en faisant des fouilles de véhicules, et en bloquant des accès par leurs voitures, en toute impunité.

Nous en appelons donc à la démission du conseil municipal et du maire qui ont entretenu ce climat de haine.

Rappelons que si nous sommes là c’est pour éviter le sacrifice de 8ha de terres agricoles (20ha en tout avec projets annexes!). Nous sommes contre un projet (et son monde) qui consommera à la fois beaucoup d’énergie et des millions de litres d’eau par an dans un contexte de sécheresse et de restriction hydrique, qui participera à la destruction toujours plus grandissante de notre autonomie alimentaire, de la biodiversité, du climat et de la vie sociale du territoire !

– Ils sont prêts à tout pour les intérêts de quelques uns alors que nous nous battons pour garantir l’avenir commun du territoire et du vivant. –

Nous n’abandonnerons pas nos objectifs et nous voulons montrer que nous continuerons à dénoncer le projet malgré les agressions environnantes cautionnées par le maire et les autorités.

**Venez nombreux.ses nous soutenir le Samedi 27 Juillet à 14h30 à la place de la Mairie de Saint Père en Retz, pour un rassemblement afin de stopper la vague réactionnaire et les projets destructeurs tels que le Surf Park.**

Ce sera l’occasion de discuter sur ce qu’il se passe et comment nous pouvons réagir collectivement.

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De manière plus générale, nous avons besoin de présence sur la ferme en soutien, pour assurer la sécurité de ses occupant.e.s ainsi que de leur outil de travail, afin de pouvoir continuer la lutte avec plus de sérénité.

N’hésitez pas à relayer cet appel autour de vous !

Quelques informations pratiques :
– Une vie collective s’organise sur la ferme (espace cuisine, eau, électricité …)
– Un chantier de construction d’une cabane de résistance pour accueillir les volontaires est en cours
– Un espace est prévu pour y planter vos tentes et y poser vos véhicules. ( Nous recherchons des tentes pour accueillir les personnes qui n’en auraient pas )
– La ferme pourra fournir des légumes pour les repas collectifs à prix libre. Une caisse commune sera mise en place pour les achats de nourriture et boissons mais vous pouvez également ramener de quoi partager !

Toutes aides et soutiens logistiques sont les bienvenues.
Merci, et on lâche rien !

Contactez nous pour plus d’infos : terrescommunesretz@gmail.com
07 53 62 17 20

Pour plus d’informations sur le projet et les agressions que nous avons subi : http://terres-communes.zici.fr/ , https://www.facebook.com/terrescommunesretz/

 

Voici également une vidéo présentant les faits :

https://www.facebook.com/terrescommunesretz/videos/2326794620982184/?t=35

 

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Société

Tour de France : quand les Français gagnent, on ne parle plus de dopage

Les performances de l’équipe Sky (devenue Ineos) sur le Tour de France ont été l’objet de nombreuses critiques ces dernières années, avec des soupçons formulés plus ou moins ouvertement de dopage. Cette année, ce sont surtout deux Français qui réussissent sur le Tour, alors les doutes s’évaporent de manière tout à fait chauvine.

Le cyclisme est un sport abîmé, usé par les affaires de dopage. Non pas que ce phénomène n’existe pas ailleurs comme dans le football où il est tout simplement nié, mais plus que tout autre sport, le vélo est inéluctablement associé à cette corruption de l’esprit et du corps.

La succession de l’affaire Festina en 1998 puis de l’ère Armstrong dans les années 2000 a fait de grands dégâts, à tel point par exemple que la télévision allemande avait pendant un temps arrêté la diffusion du Tour. Les masses populaires ont relativement réglé ce problème du dopage avec un certain fatalisme, en se disant que de toutes manières cela ne change pas grand-chose à la course.

Qu’il y ait des tricheurs est dommage pensent les amateurs de vélo, mais dans tous les cas il y a toujours des coureurs plus forts que d’autres et de toutes manières, à peu près tout le monde doit se doper… Ce n’est pas idéal comme point-de-vue, c’est même regrettable, mais à défaut d’autre chose, cela a une certaine dignité. Et cela permet en tous cas de continuer à apprécier ce sport malgré un arrière-plan détestable.

L’apparition de l’équipe anglaise Sky ces dernières années a quelque peu changé la donne. Elle a en effet montré une puissance collective hors-norme, écrasant littéralement le Tour d’une manière très froide et calculée, presque mécanique. Cela a heurté l’esprit petit-bourgeois français qui au contraire aime le « panache » individuel, les grandes embardées « héroïques », quitte d’ailleurs à ce qu’elles aient une issue tragique.

De nombreuses personnes ont alors pris le prétexte de la critique morale et populaire du dopage pour en fait formuler surtout une critique chauvine envers les coureurs anglo-saxons. Christopher Froome en particulier a été l’objet d’une farouche hostilité, alors que de nombreux autres coureurs à la réputation non-moins suspecte ont été largement épargnés par la critique.

Ce chauvinisme est un poison et aucun grand changement démocratique ne pourra avoir lieu dans le pays sans une grande remise en cause culturelle sur ce plan. Mais quand on voit l’emballement qu’il peut y avoir aujourd’hui à propos des performances de Thibaut Pinot et Julian Alaphilippe sur le Tour depuis deux semaines, on se dit qu’il y a encore beaucoup de chemin à parcourir.

Le problème n’est pas bien-sûr que le public français puisse être content du succès de coureurs français. Il y a une proximité plus immédiate et palpable avec les coureurs français qui conduit assez logiquement à un soutien, là n’est pas la question. Le problème est quand les doutes disparaissent et que ceux qui pointaient du doigt le dopage ne le font plus, alors que les performances sont tout autant exceptionnelles, si ce n’est plus.

Disons-le franchement, si Julian Alaphilippe était britannique, les commentaires incendiaires à son sujet ne manqueraient pas. Lui qui vient d’une équipe à la réputation douteuse, qui suit les meilleurs grimpeurs du monde et écrase le contre-la-montre individuel alors qu’il est censé n’être qu’un puncheur ayant déjà eu son pic de forme sur les grandes classiques du printemps, qu’il avait survolé (il est en tête du classement UCI des meilleurs coureurs du monde).

On ne peut pas accuser sans preuve, évidemment. C’est précisément ce qui protège les tricheurs d’ailleurs, puisque le business qui corrompt le sport n’a aucunement envie qu’on mette les moyens pour enrayer le dopage. Mais il faut au moins avoir l’honnêteté de ne pas accepter aussi facilement ce qui est du même ressort que ce qu’on a critiqué auparavant.

Il faut donc en dire autant des performances de Thibaut Pinot, qui survole jusqu’à présent en montagne avec des performances largement comparables à ce qui a été critiqué les années précédentes.

Il ne s’est rien passé sur le plan de la lutte anti-dopage (qui n’a quasiment aucun résultat) pour expliquer un changement de situation. Les micro-transfusions ou l’usage détourné de corticoïdes et tous les autres artifices para-médicaux destinés à améliorer le rapport poids/puissance des coureurs n’ont pas disparus du jour au lendemain du peloton.

Pourtant, certains n’hésitent pas à faire de grandes déclarations triomphantes, comme Antoine Vayer, chroniqueur au Monde, qui explique sans détours que Thibaut Pinot roule à l’eau claire et qu’il n’y a rien de suspect chez lui.

Et pourquoi donc ? Sous prétexte qu’il le suit depuis son adolescence, alors il faudrait lui faire confiance. Dans une chronique au Monde, absolument détestable quand on connaît l’arrière-plan chauvin, il affirme ni plus ni moins que « le Tour 2019 va peut-être se jouer à vitesse réelle ». Aucune explication ne vient corroborer cela, il faudrait simplement le croire quand il dit que les performances sont plus normales qu’avant, alors qu’en réalité elles n’ont pas diminuées.

On peut d’ailleurs citer ici le coureur champion de France 2019 Warren Barguil qui a affirmé, données à l’appuie :

« Il est clair que ça roule beaucoup plus qu’en 2017 et 2018. Mon capteur de puissance en atteste. Je pense aussi qu’une équipe comme Ineos est au niveau des autres années, mais ça roule plus vite et en même temps le niveau est plus homogène. »

Le journal l’Équipe ou bien les commentateurs télévisés ne sont pourtant pas en reste pour aduler Julian Alaphilippe et Thibaut Pinot en oubliant toute méfiance rationnelle quand au dopage, la fierté chauvine justifiant à peu près tout.

Cette « crise de mauvaise foi collective », comme l’a justement dénoncé le journaliste Stéphane Thirion du quotidien Belge Le Soir, n’est pas seulement exaspérante. Elle est surtout le reflet d’une tendance nauséabonde dans la société, très bien ancrée, qui n’augure rien de bon pour les temps à venir.

À la Gauche de démasquer ce chauvinisme, pour s’y opposer frontalement dans une perspective démocratique et populaire, pour empêcher l’irrationnel de triompher, pour enrayer la perspective nationaliste et guerrière qui se dessine de plus en plus clairement.

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Politique

Emmanuel Macron et l’américanisation de la vie politique française

Les États-Unis sont marqués par une simple opposition entre Démocrates et Républicains, qui traversent toute la vie politique. C’est l’objectif d’Emmanuel Macron, qui se voit en chef de file des Démocrates et cherche à indirectement aider à la formation d’un bloc « Républicain ».

La fin du XIXe siècle a été marqué par la naissance d’une « troisième force » : le parti de la classe ouvrière, qui se distinguait, comme social-démocratie, tant des bourgeois républicains (la « gauche ») que des cléricaux-conservateurs (la « droite »). Cela s’est déroulé, avec plus ou moins de retard, dans tous les pays capitalistes, qu’ils aient des colonies ou non.

Les États-Unis n’ont donc pas échappé au processus, avec un parti socialiste. Celui-ci a échoué à s’installer durablement, malgré de vraies succès. En 1919, il a par exemple 100 000 adhérents. Le souci est qu’il a été en pratique décapité par la répression terrible qui a eu lieu aux États-Unis. Incendies de logements avec les habitants dedans, tirs sur les manifestants, emprisonnements des opposants à la Première Guerre mondiale, etc.

Tout a été fait pour étouffer le mouvement ouvrier, qui plus est toujours plus corrompu par la prédominance grandissante des États-Unis dans le capitalisme mondial. L’une des figures historiques de la tentative de construire une « troisième force », ni « démocrate » ni « républicaine », fut Eugene Debs. Les lointains successeurs de cette option « socialiste » sont en ce moment d’ailleurs fous de rage contre Bernie Sanders, qui lui travaille à la « gauche » des Démocrates, ayant régulièrement pactisé avec eux au cours de sa vie par ailleurs.

C’est que le système américain, fédéral qui plus est, est entièrement structuré sur un énorme système pyramidal. Si on est de gauche, on soutient ainsi « son » candidat, puis quand il a perdu dans un immense processus, on soutient celui le plus proche, puis quand celui-ci a perdu, le moins pire, etc. Au bout du compte, il ne reste que deux vastes blocs qui prétendent qu’eux seuls peuvent atteindre une éventuelle majorité.

Toutes les initiatives sont par conséquent siphonnées. Les tentatives de rupture se concrétisant furent donc très peu nombreuses, car demandant une identité totalement différente mais capable en même temps de disposer d’une certaine base. Les seuls y parvenant s’enlisèrent dans cette double exigence, malgré des succès notables : les Black Panthers pour l’auto-défense dans la communauté afro-américaine, les « Weatherpeople » opérant clandestinement en étant issu de toute une partie du mouvement étudiant des années 1960, les « éco-terroristes » et les pro-libération animale, qui furent considérés début 2000 comme la principale « menace terroriste » dans le pays.

Dans la série Les Simpsons, la mère de Homer est d’ailleurs en fuite depuis des décennies, représentant toute cette subculture alternative, qui n’a pas réussi à percer l’étau de l’opposition entre Républicains et Démocrates. Emmanuel Macron, qui est un ultra-moderniste, cherche à réaliser la même chose en France. Il entend faire de LREM le cœur du libéralisme-social, avec l’ancienne Gauche comme appui, tandis qu’il aiderait la fusion de la Droite et de l’extrême-Droite comme version française des « Républicains ».

C’est évidemment trop grossier pour que cela puisse réussir. Non pas parce que Jean-Luc Mélenchon a compris cela : en effet, La France Insoumise cherche au moyen du populisme à maintenir une « troisième force ». Cela ne marchera pas et tout le monde l’a compris et de toutes façons tout le monde se dit que si cela devait avoir marché, ça l’aurait déjà fait.

La raison de l’échec inévitable d’Emmanuel Macron est qu’une grande avancée historique ne peut pas connaître de retour en arrière unilatéral. Il y a bien entendu des reculs possibles dans la forme, mais substantiellement, les travailleurs ont en France tout à fait assimilé qu’il leur fallait leur propre mouvement et ce politiquement.

Même les syndicalistes révolutionnaires de la CNT, malgré leurs succès au tout début des années 2000, n’ont pas réussi à dévier de manière anti-politique ce besoin d’un grand parti de Gauche. D’ailleurs, le Parti socialiste a tout raflé par la suite, malgré sa vacuité et son opportunisme.

Comment la Gauche va-t-elle se reconstituer, alors qu’il y a l’arrière-plan de cette démarche illusoire d’Emmanuel Macron ? Tout va dépendre de la culture historique, de sa remontée à travers une conscience plus forte obtenue par les luttes. Cela va prendre du temps et sera très compliqué, demandant beaucoup de travail, ce qui est inévitablement insupportable à ceux qui n’ont comme objectif qu’une Gauche gouvernementale et électorale.

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Écologie

L’intervention de la sénatrice de l’Oise Laurence Rossignol contre la chasse à courre

La sénatrice de l’Oise Laurence Rossignol est une des rares figures de la Gauche qui soutient l’opposition démocratique et populaire à la chasse à courre.

Lors d’une session parlementaire, Laurence Rossignol a rappelé des points fondamentaux à propos des veneurs et de leurs comportements dans les villages. Le collectif AVA en a fait une vidéo :

C’est un point de vue de gauche qui est défendu là et ce devrait être d’ailleurs quelque chose d’évident pour n’importe qui à Gauche de prendre le parti de la population contre des pratiques aristocratiques et barbares. Ce n’est pourtant pas le cas, car les valeurs sont corrompues pour beaucoup et il n’y a pas grand monde pour s’opposer en pratique à la réaction.

On notera d’ailleurs qu’il n’y avait aucune figure ou organisation de la Gauche locale pour soutenir les deux membres d’AVA victimes de violence lors de leur récent procès à Rennes contre leurs agresseurs (nous en reparleront à l’occasion du verdict). Personne à Gauche ne pourra cependant dire qu’il ne savait pas pour le procès, car le collectif AVA a fait le travail de contacter les organisations, d’informer de la situation… mais cela n’intéresse manifestement pas.

Soulignons donc encore une fois l’importance de la prise de position de Laurence Rossignol au Sénat, qui pointe du doigt le fait que la population prend systématiquement la défense des animaux contre les veneurs.

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Écologie

Les animaux abandonnés en été, une catastrophe de grande ampleur

Comme pour chaque été, de nombreuses associations s’engagent contre les abandons d’animaux dans notre pays. C’est que la chose prend une proportion toujours plus importante, reflétant l’individualisme toujours plus intense d’un côté et le mépris pour les animaux de l’autre. On peut prendre le problème par tous les sens, notamment celui de l’éducation, la question reste cependant culturelle.

Toute société a une culture et une fois celle-ci façonnée, il est difficile de la changer. Il faut une révolution dans les mœurs pour qu’il y ait modification. Un pays qui célèbre les chasseurs ne peut pas se réformer, il ne peut que se transformer et il en va de même pour l’abandon des animaux chaque été.

C’est un phénomène bien connu, qui existe depuis longtemps. Il est également bien connu que les refuges sont débordés et cela depuis des années. Qu’est-ce qui change pourtant ? Rien, car rien ne peut changer sans mobilisation de masses.

Il faudrait ainsi que des milliers de gens se décident à aller aider dans les refuges. Il faudrait que des milliers de gens fassent attention à leur environnement et se mettent à se préoccuper des chiens et des chats des voisins. Or, les gens n’ont ni le temps, ni l’envie. Leur intensité psychique est tournée vers leur propre vie et ils ne se sentent pas concernés par rien ni personne, à part leur propre ego.

Ne disons en effet pas que les gens s’occupent d’eux-mêmes, car ils ne le font même pas. C’est l’image d’eux-mêmes qui compte et le fait de flatter son propre ego. Tout ce qui se trouve sur la route de cela est éliminé : sens des responsabilités, devoir, reconnaissance de la vie des autres.

Si on ajoute à cela deux industries – celle des éleveurs et celle des animaux dits de compagnie, des « nouveaux amis de compagnie » – alors l’ensemble devient explosif et aboutit à la souffrance de centaines de milliers d’animaux.

Car c’est bien le chaos complet. Il ne faut pas prêter attention aux chiffres d’articles qui, tout en dénonçant les abandons, disent qu’il y a tant et tant d’abandons d’animaux. En réalité en effet, personne n’en sait rien. Les refuges ne sont pas centralisés, énormément sont dispersés, il y a bien une SPA principale (dite de Paris) mais qui est moins importante que la confédération SPA dite de Lyon.

Il n’y a donc aucune centralisation des chiffres et de toutes façons personne n’a de regard objectif sur le nombre de cochons d’Inde, de rats, de gerbilles, de furets… qui sont achetés, qui connaissent la reproduction par des gens de manière privée, qui sont abandonnés. Personne n’en sait rien, personne ne gère rien et c’est entièrement dans la nature du capitalisme.

Pour donner un exemple, les chiens et les chats doivent disposer d’une puce électronique d’identification. C’est de la taille d’un grain de riz et injecté au niveau du cou environ. Que risque-t-on si on ne le fait pas ? Strictement rien.

Comme les règles du capitalisme s’imposent, la seule chose qu’il est possible de faire dans ce cadre est de demander un « choix » meilleur. Il faut que les vendeurs soient plus responsables, que les acheteurs soient plus responsables. Il faut que les marchands et les clients aient des comportements plus rationnels, etc.

Les 240 parlementaires La République En Marche et Les Républicains qui ont signé il y a deux semaines une tribune ensemble au sujet des abandons d’animaux, dans le Journal du Dimanche, ne parviennent pas à proposer autre chose (« Un être sensible ne se jette pas »). Et c’est normal : les valeurs du capitalisme sont ce qu’elles sont. Un animal est une marchandise, le client est roi.

La seule réponse réaliste, c’est bien la transformation des mœurs, la promotion de l’amour de la nature, de la valorisation des êtres vivants. Il faut se construire une identité personnelle en rapport avec l’universel et l’universel c’est le monde autour de soi, les êtres sensibles qui apprécient de vivre, qui veulent vivre. Personne n’a envie de faire la guerre, de tuer, de faire du mal aux autres.

C’est la société, avec sa réduction des êtres humains à des consommateurs égocentriques et maniaques de leur propre individualité, qui produit des comportements abjects, destructeurs, hostiles à la vie elle-même.

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Guerre

La Gauche a perdu l’interprétation de la Première Guerre mondiale

Depuis quelques années, l’interprétation totalement dominante de la Première Guerre mondiale est que celle-ci a été mal gérée, mais était un mal nécessaire et de toute façon relevant du passé. Toute la dénonciation anti-guerre de la Gauche se retrouve totalement marginalisée.

À la fin de la Première Guerre mondiale, la base de la Gauche s’est soulevée dans de très nombreux pays contre une direction politique qui a soutenu la guerre. Cela a produit les partis communistes, mais également des partis socialistes renouvelés. Il était évident à tout le peuple que cette guerre, c’était la guerre des banquiers et des marchands de canon.

Normalement, dans notre pays, cela se sait. Sauf que ce n’est désormais plus le cas. Il y a, en raison de la participation d’une très large partie de la Gauche au gouvernement pendant des décennies, en raison de la perte des fondamentaux, une capitulation complète devant l’interprétation militariste de la Première Guerre mondiale.

Cela aurait été un coup des Allemands, ainsi que des Autrichiens et des Russes qui de toute façon étaient monarchistes et réactionnaires. La République française n’aurait pas voulu la guerre, les généraux auraient parfois mal géré, mais c’est du passé et, de toute façon, on a gagné et récupéré l’Alsace et la Lorraine.

C’est une catastrophe, surtout alors que de nouveaux conflits se pointent à l’horizon. L’idée d’une France non militariste prédomine dans notre pays, alors qu’en réalité les agressions extérieures sont extrêmement nombreuses, sans parler du colonialisme modernisé dans une large partie de l’Afrique.

Toute une leçon historique, payée dramatiquement avec le prix du sang de millions de personnes, a été littéralement perdue. Cet immense acquis de l’expérience populaire – les dominants sont prêts à aller à la guerre en mobilisant sur la base de la démagogie chauvine – a disparu. Comment va-t-on faire dans le futur ?

Car un tel poison, lorsqu’il est actif au plus profond d’un pays, se maintient durablement. Ainsi, en 1945, la totalité des masses allemandes, à très peu d’exceptions près, considère que la guerre a été perdue, que leur pays a été envahi. Le fanatisme nationaliste, militariste, est allé jusque-là.

Pour cette raison, il est probable qu’il n’est plus possible de récupérer le terrain perdu. Les cérémonies pour les cent ans de 1918 ont d’ailleurs définitivement asséché toute critique. L’État est allé jusqu’à réhabiliter des fusillés, pour vraiment détruire toute possibilité d’espace critique.

Vue la faiblesse de la Gauche, aucune campagne au sujet de la Première Guerre mondiale n’est de toute façon possibles ; elle apparaîtrait de toute façon comme totalement décalée. Ce qui signifie qu’un terrain a été perdu, qu’une position a été perdue dans la société. Et ce n’était pas n’importe quelle position.

Car à quoi va ressembler la guerre de l’avenir ? Beaucoup de gens se voilent la face en pensant que, de toute façon, une guerre ne pourra plus jamais se fonder sur une mobilisation totale. La guerre serait devenue une affaire de professionnels, de spécialistes combattant qui plus est sur des territoires extérieurs.

C’est là une erreur terrible, due à une soumission complète aux mensonges du capitalisme qui prétend amener la paix internationale. Car oui le capitalisme, par ses échanges, amène la paix internationale. Mais en même temps il amène la guerre internationale.

Les énormes échanges nationaux entre pays à la veille de 1914 n’ont pas empêché la déflagration ; ils ont même accompagné le processus y amenant. Car le capitalisme, c’est plus de capital, tout le temps, et il faut bien qu’il se place quelque part. S’il n’y a plus de place, il faut forcer le passage. Cela signifie la guerre.

Et une guerre, cela implique le contrôle, l’assimilation territoriale. Cela implique une mobilisation de masse, des efforts de grande envergure à l’échelle du pays. On peut être certain du traumatisme immense qui va naître dans le peuple français avec toute cette question de la guerre.

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Politique

Décès de la philosophe hongroise Agnès Heller

Figure éminente de l’école dite de Budapest, la philosophe hongrois Agnès Heller est décédée à l’âge de 90 ans. Elle prolongeait la tradition de Georg Lukacs, philosophe hongrois qui fut très apprécié en France par toute une partie de la Gauche.

Ágnes Heller est rentrée dans un lac pour nager, sans en ressortir ; on pense qu’elle s’est suicidée. Elle était la principale disciple de Georg Lukacs (1885–1971), l’autre grande figure étant le Français Lucien Goldmann, qui a eu du succès dans notre pays au moment de la vague structuraliste.

Elle avait échappée de très peu à la Shoah en Hongrie, dont une large partie de sa famille fut victime. Elle se mit à étudier la physique et la chimie, mais une conférence de Georg Lukacs l’impressionna tellement qu’elle se mit à suivre son enseignement, devenant même en 1955 son assistante.

Georg Lukacs est connu pour sa carrière compliquée. Initialement, c’est un néo-kantien de gauche, qui rejoint la révolution russe et donc la révolution hongroise, tout en relevant du courant publiant la revue centrale-européenne « Kommunismus » et dénoncé par Lénine comme « ultra-gauchiste ».

Il écrit alors une œuvre très connue, « Histoire et conscience de classe », considérée comme un classique du gauchisme. S’inspirant très largement de Kant, il fait de la classe ouvrière une sorte d’être conscient, dont il faudrait justement « pousser » la conscience pour qu’elle devienne « classe pour soi ». Lénine en sera furieux.

Faisant son autocritique, Georg Lukacs devient ensuite un expert des questions de littérature, principalement de la littérature allemande (étant un Juif de Budapest, il est surtout orienté vers l’aire germanophone). Il tente une promotion du réalisme en littérature, mais dans une version « bourgeoise classique » et non « socialiste », ce qui lui vaudra une mise à l’écart au tout début des années 1950.

Il revient sur le devant de la scène avec le « dégel » suivant le rejet de Staline par l’URSS, pour proposer ensuite de plus en plus une sorte de nouvelle philosophie du droit. Ces écrits n’ont jamais été traduits en français, mais ont donné « l’école de Budapest », dont Agnès Heller est la principale représentante.

Elle avait rejoint le Parti Communiste en 1947, mais s’en était fait expulsée dès 1949, en raison de son rejet du matérialisme historique. Son œuvre principale est « L’Homme et la Renaissance », publiée en 1967. Si Georg Lukacs était obsédé par l’idéal bourgeois, Agnès Heller se tourne vers la Renaissance qu’elle voit comme l’affirmation de la pluralité des idées, de l’empathie en direction de la liberté.

Cela l’amena à devenir une dissidente et à quitter la Hongrie, qui fut paradoxalement le pays le plus libéral sur le plan des idées et surtout le plan économique. Surtout, elle était la cheffe de file de l’école dite de Budapest, aux côtés notamment de Ferenc Fehér, György Márkus, et Mihály Vajda. Cette école était ouvertement promue par le régime depuis le début des années 1960.

Il est vrai que la mort de Georg Lukacs en 1971 et les tendances toujours plus ouvertes au libéralisme et au pluralisme firent que l’école de Budapest fut considéré comme devenant encombrante.

Elle fut accueillie les bras ouverts par l’Ouest dès son départ en 1977, devenant immédiatement professeure de sociologie à l’Université de La Trobe à Melbourne, en Australie.

Ce ne fut qu’un bref intermède, car elle succédé à pas moins que Hannah Arendt comme titulaire de la chaire de philosophie de la New School for Social Research à New York, poste qu’elle conserva de 1978 à 1983.

Devenue une figure du pluralisme libéral, Ágnes Heller considérait Viktor Orbán comme un dictateur, mais la Hongrie n’était pas pour elle une dictature.

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Culture

Le conflit entre Billy Bragg et Morrissey

Les passes d’armes intellectuelles actuelles entre les deux chanteurs Billy Bragg et Morrissey, anciennement chantres de la classe ouvrière anglaise, sont d’une importance culturelle énorme. Elles reflètent tous les problèmes de la Gauche depuis vingt ans.

D’un côté, Morrissey, un artiste à la réputation intouchable en Angleterre. Avec les Smiths, groupe incontournable aux splendides mélodies, il a dressé le portrait sensible d’une jeunesse ouvrière désabusée dans un pays socialement brisé. Son expression tourmentée est allée jusqu’à la dénonciation des conservatismes, dont la royauté, et l’affirmation du véganisme comme valeur essentielle (meat is murder), et ce alors que l’ALF multipliait les actions illégales. Par la suite, sa chanson où il racontait son rêve, qu’il espère devenir réalité, de Margaret Thatcher passant sur la guillotine, est devenue tout un symbole d’un style.

De l’autre, Billy Bragg qui, originellement simplement à la guitare, produisait de belles chansons engagées, très militantes, avec une très belle œuvre (« Workers playtime ») avant un tournant rock et postmoderne. Son impact fut bien plus confidentiel.

En l’absence de liens avec la Gauche historique, on devine ce qui arriva à ces deux chanteurs des années 1980. Billy Bragg s’est toujours plus enlisé dans la version postindustrielle, postmoderne de la Gauche, tandis que Morrissey a commencé à basculer dans le syndrome Brigitte Bardot, avec des diatribes misanthropes, des sortes de paranoïa racistes, etc.

Ces derniers mois, Morrissey a par exemple régulièrement porté un badge d’un groupe identitaire, « For Britain », à la télévision, ou diffusant récement une vidéo sur son site où sont mises en avant les thèses identitaires (le « grand remplacement », le multiculturalisme comme projet par en haut, etc.)

Et là Billy Bragg est scandalisé et a publié une longue critique.

Il note au passage qu’il est outré que personne ne proteste, notamment les groupes jouant avec Morrissey (Interpol, ainsi que The Killers, dont le chanteur Brandon Flowers a précisé que Morrissey « est toujours un roi »).

Ce faisant, il a réagi comme un bobo de gauche, car tout le monde sait que Morrissey est une sorte de révolutionnaire raté s’étant enlisé dans une posture et ne s’en sortant pas.

Même Nick Cave, se lançant dans la bataille, a souligné qu’une œuvre appartient à son public et que même si son auteur tombe dans des croyances régressives, cela n’en changeait pas la nature. Une manière de relativiser les énièmes conneries de Morrissey, dont tout le monde a l’habitude en Angleterre.

Personne ne peut en effet prendre au sérieux les élucubrations de Morrissey en 2019, alors que cela fait plus de quinze ans qu’il déraille. Il avait déjà dansé avec un drapeau britannique, insulté les « jaunes », etc. Il est l’ombre de lui-même et tout le monde trouve cela triste.

Billy Bragg montre donc ici concrètement les limites totales du « politiquement correct » de la gauche bobo, qui est incapable de subtilité, de nuance, de saisie des contradictions, des problèmes de fond. Il intervient de manière déconnectée de la réalité.

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Société

La faillite économique et morale de forces de l’ordre

Loin de la mise en place d’un État policier, on assiste en pratique à l’effondrement des forces de l’ordre sur le plan matériel. Il y a moins de forces de l’ordre, leur matériel est vétuste, leur moral en berne, leur légitimité toujours aussi mise à mal.

Les policiers et les gendarmes finiront bien par se rebeller et une partie soutiendra l’option fasciste pour régénérer l’État. C’est une rengaine qu’on entend dans certains milieux.

Il y aurait une surveillance totale, la Chine notamment utiliserait de hautes technologies pour cela. Le livre 1984 annoncerait un avenir proche, etc. Tout cela est de la paranoïa de classes moyennes, car en pratique, l’État est en faillite. C’est toujours comme cela quand un système est à bout de souffle : son État ne tient plus la route.

Une commission de l’Assemblée nationale vient de rendre public une évaluation sur la police et la gendarmerie. Qu’y apprend-on ? Par exemple, qu’en douze ans, on est passé de 13 621 CRS à 10 728, qu’en douze ans le nombre de pelotons de gendarmerie est passée de 123 à 109. Comment les anarchistes et autres ultras, avec leur fantasme de l’État policier, vont-ils expliquer cela ?

Que les forces de l’ordre, c’est 23 millions d’heures supplémentaires non récupérées (ni payées : il faudrait ici quasiment 300 millions d’euros). L’État ne sait plus quoi faire et de toutes façons s’il le pouvait, il n’en aurait pas les moyens.

Que l’âge moyen des véhicules blindés de la gendarmerie, les 84 véhicules blindés à roues, c’est 45 ans ; que 80 % des bases de gendarmes ont plus de 25 ans. Que le quart des commissariats, c’est un immeuble vétuste. C’est bien connu d’ailleurs : tel commissariat a un mur mitoyen qui s’effondre, tel autre n’a plus d’eau potable, etc.

Les véhicules de police – très sollicités, comme on s’en doute – c’est 7,35 ans d’âge moyen. C’est ahurissant : la police est censée aider les gens. Comment les policiers acceptent-ils cela, tant pour les gens que pour leur propre sécurité ?

Mais c’est que la police reste irrémédiablement séparée de la société. Moins qu’avant en termes de profils individuels, mais organiquement, ce n’est pas la police du peuple. C’est une police non pas de la justice, mais du maintien de l’ordre, dans le sens de la légitimité de la propriété.

N’importe quel policier reconnaît d’ailleurs que sa propre activité est décevante et inopérante par rapport aux vrais problèmes de la société. Les gendarmes, c’est différent, puisque eux sont des militaires, par définition des réactionnaires.

Et pourtant ils ne sont pas mieux lotis. Voici ce qu’on lit dans le rapport :

« La visite à la brigade de gendarmerie de Chaumes-en-Brie a permis au rapporteur de constater que quinze militaires se partageaient deux casques, deux gilets lourds, un unique pistolet à impulsions électriques, un seul lanceur de balle de défense et un seul diffuseur de gaz lacrymogène de grande contenance ».

C’est intenable et donc cela ne tiendra pas. Les gendarmes soutiendront immanquablement les forces les plus réactionnaires. Une partie de la police aussi, mais une partie significative d’entre elle s’y refusera et une autre combattra même cela.

Car ce qui se joue, c’est le rapport à la société des forces de l’ordre, alors que la société se dilue dans l’individualisme et l’indifférence. Les forces de l’ordre voient bien cela et en même temps elles sont contaminées par cette décadence. L’esprit élitiste d’extrême-Droite se déploie en même temps dans des interstices. Jusqu’à la crise.

En fait, il y a besoin de l’État, mais cet État doit être totalement nouveau, pour mettre en place un ordre nouveau. Il devrait par conséquent être porté par la Gauche, à tous les niveaux. Ce n’est malheureusement pas le programme de la Gauche, alors que l’extrême-Droite a précisément le projet d’un État restructuré par elle. Au lieu de l’ordre nouveau auquel appelait Antonio Gramsci, on ne va avoir que la proposition d’un pseudo « ordre nouveau » de la part des nationalistes et des militaristes.

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Guerre

Militarisation : le Service National Universel profite de youtubeurs

Avec le petit scandale de l’utilisation d’influenceurs opérant sur youtube pour promouvoir le Service National Universel, l’opinion publique découvre l’ampleur du dispositif. Ce qu’elle voyait comme une simple initiative civique se révèle bien être un bourrage de crâne militariste.

Le Service National Universel ne va être mis en place que progressivement, pour concerner tous les jeunes à partir de 2026, pendant un mois. Concernant tous les jeunes hommes et toutes les jeunes femmes, il touche véritablement toute la jeunesse et à terme, il sera aisé pour l’État de prolonger sa durée, une fois les structures mises en place, à la première « crise » venue.

C’est une remise en place du service militaire qui est visée, dans une interprétation correspondant aux exigences de la guerre moderne. L’État veut être capable d’encadrer psychologiquement et culturellement la jeunesse, d’en faire un levier pour diffuser dans la société le nationalisme et le militarisme. Et également bien entendu d’avoir suffisamment de main d’œuvre pour la guerre.

Comme l’ont formulé Rodrigo Arenas et Carla Dugault, les coprésidents de la FCPE, la fédération des parents d’élèves :

« Le SNU est la réintroduction au pas de l’oie et à grand renfort de communication du service militaire. »

Ce qui se joue, c’est la militarisation de la société, dans le cadre d’une tendance à la guerre. Et cela de manière particulièrement bien organisée.

Le Maroc vient par exemple également de revenir au service militaire, abandonné il y a douze ans. La décision a été prise brutalement, sans prévenir et de manière intéressante, les soutiens de famille y échapperont, ainsi que ceux qui font des études. C’est une belle manière de chercher à encadrer une génération précise, qui servira de chair à canon sans déranger ni la formation de cadres pour l’économie ni l’économie elle-même.

La France, quant à elle, vise à la fois davantage et moins. Elle veut d’abord des forces soutenant l’armée telle qu’elle existe, et ensuite d’éventuelles réserves. La raison à cela est que comme l’a formulé le premier ministre Edouard Philippe lors du 14 juillet 2019 :

« L’armée est la protectrice de la nation et de son côté la nation respecte l’armée. »

Le fait que l’armée soit extérieure à la société est ouvertement assumée. C’est un corps étranger, pas une armée populaire. D’où la décision du gouvernement d’utiliser trois youtubeurs, qui ont chacun deux millions d’abonnés sur youtube, pour faire la promotion du Service National Universel.

Il s’agit de Sundy Jules, Enzo, tais-toi !, et Tibo InShape. Les deux premiers ont utilisé le principe de la « story » sur instagram, qui au moyen d’une vidéo permet de s’immiscer dans la vie privée des gens, en feignant donc un rapport non hiérarchique, non commercial. La vidéo de promotion du SNU était mis en avant et pour illustrer les propos tenus, voici notamment ceux de Sundy Jules :

« C’est ouf, c’est une vidéo inédite du SNU en France. Regardez ça, c’est iconique. »

Tibo InShape a quant à lui directement fait une vidéo « je fais le nouveau service militaire? ». C’est tout autant de la propagande, mais cela a le mérite de la franchise, puisque dans la vidéo on a même Gabriel Attal, en charge au gouvernement du service national universel. Tibo InShape, avec ses vidéos sur la musculation, est un habitué de la valorisation des normes « viriles » et de l’ambiance « entre mecs », c’est-à-dire ne volant vraiment pas haut.

Tout cela ne sera pas considéré par la jeunesse comme véritablement un problème, car elle a du mal à considérer les choses de manière sérieuse. Par contre, quand elle le fera, elle se révoltera. C’est le paradoxe de la société capitaliste développée de ce début de 21e siècle.

Il y a d’un côté des exigences conçues comme individuelles, avec une porosité très claire au nationalisme permettant le maintien d’un capitalisme fort, dominant les pays du tiers-monde. De l’autre, l’aspect personnel de ces exigences ne peut aller que de pair avec le refus du militarisme et de l’encadrement au service du nationalisme.

La bataille entre la Gauche et le militarisme doit s’appuyer sur cette base pour parer aux terribles coups qui restent à venir, car la tendance à la guerre est irrépressible.

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Guerre

FCPE (tribune) : Le service national universel est la réintroduction au pas de l’oie du service militaire

La fédération de parents d’élèves FCPE, largement liée à la Gauche, a publié une tribune sur le jdd.fr dénonçant le SNU comme une réintroduction en douce du service militaire.

La tribune est signée par Rodrigo Arenas et Carla Dugault, coprésidents de la FCPE :

« « Une expérience qu’on peut rapprocher de la préparation militaire, mais sans maniement des armes. » Qui tient de tels propos ? Le ­ministre de la Défense ? Non, mais plus curieusement, le secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Education nationale et de la Jeunesse, qui a ainsi révélé le vrai visage du service national ­universel (SNU).

De qui parle-t-il ? Des 2.000 volontaires de l’édition 2019 du SNU qui jouent un peu partout en France les apprentis bidasses. Si le ministère a l’air plutôt satisfait de l’expérience, les parents de la FCPE n’ont pour leur part aucune envie de voir leurs enfants suivre des entraînements de commandos !

Même si les jeunes ont accepté de se « prêter au jeu », doit-on pour autant leur faire subir tout et n’importe quoi ? Est-il normal que, pour être punis d’avoir gardé les mains dans leurs poches, certains d’entre eux soient obligés de faire des pompes ? Est-ce acceptable que, pour une raison inconnue, on laisse ces jeunes en uniforme immobiles sous un soleil de plomb avant qu’une vingtaine d’entre eux tournent de l’oeil ? En sommes-nous encore là en matière de relation éducative ? Pourtant, l’éducation, ce n’est pas l’apprentissage de la soumission ni la banalisation des rapports de domination.

Si, parmi ces volontaires, certains adolescents envisagent de suivre une carrière dans l’armée, c’est au ministère de la Défense de les former. Quant au ministère de l’Education nationale, même par le biais de son secrétariat d’Etat de rattachement, il ferait mieux d’investir dans d’autres domaines pour favoriser le vivre-ensemble. La FCPE peut lui donner quelques idées, surtout quand l’addition pour ce nouveau service national se chiffre à 1,5 milliard d’euros, à comparer aux seuls 20 millions débloqués pour les cantines à 1 euro…

Avec 1,5 milliard, c’est beaucoup plus que ces quelque 2.000 jeunes que l’on aurait pu nourrir gratuitement à la cantine. Autour d’une table, ils auraient d’ailleurs pu apprendre d’autres valeurs, nouer d’autres liens que ceux qu’ils n’ont pu créer en s’alignant en rang ­d’oignons lors d’une cérémonie d’inauguration. Pour faire connaître la vie en collectivité et ses règles, les valeurs de la République, le civisme, nul besoin de passer par les codes militaires ou l’aboiement de pseudo-caporaux-chefs en mal d’autoritarisme. On peut par exemple inscrire nos enfants dans des colonies de ­vacances, malheureusement inaccessibles aux familles les plus en difficulté en raison de tarifs souvent prohibitifs. Cette manne financière aurait aussi pu permettre la prise en charge des voyages scolaires, plutôt que de compter sur les parents qui passent des après-midi à faire des gâteaux et à les vendre aux sorties d’école pour alléger la facture des plus démunis.

Au lieu du service militaire « light », la FCPE propose que chaque enfant puisse bénéficier gratuitement, comme c’est le cas pour le SNU, d’une classe de découverte ou d’une colonie de vacances.

Mais nous avons bien compris que l’entêtement du gouvernement rendait difficile le retour en arrière sur ce service national très bien financé à défaut d’être très bien pensé pour l’intérêt des jeunes. Le SNU est la réintroduction au pas de l’oie et à grand renfort de communication du service militaire. Se pose donc la question ­essentielle, dans le cadre républicain, de ­l’objection de conscience. Car, alors qu’à 16 ans les jeunes commencent à prendre leurs propres décisions, ils seront dès l’année prochaine 40.000 à se retrouver coincés dans des ­bootcamps pour jouer à la guerre et satisfaire celles et ceux qui gardent le film Les Choristes en guise de madeleine de Proust éducative. »

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Société

Les incidents « algériens » à Paris, Marseille et Lyon

La question des Algériens – ou plutôt des personnes d’origine algérienne – qui ont provoqué de nombreux incidents à Marseille, Lyon et sur les Champs-Élysées a beaucoup attiré l’attention. L’arrière-plan est à la fois très difficile à saisir et terriblement simple.

Beaucoup de réactions sont apparues avec les incidents « algériens » de ces derniers jours et il est vrai que dans certains cas, il y a eu de véritables drames. Ce sont en fait surtout des caillassages de forces de l’ordre et des dégradations de mobilier ou véhicules qui ont eu lieu de la part de jeunes hommes, conduisant selon la presse à 282 interpellations et 249 gardes à vue.

En plus de cela, 202 véhicules ont fait l’objet de vidéo-verbalisation en raison de conduites dangereuses. Le fait que des supporters repassent sur les lieux mêmes où une mère et un enfant ont été tués à Montpellier a aussi quelque chose de morbide. Cependant, c’est justement qu’il n’y a rien de rationnel à tout cela.

Pourquoi tout cela, en effet ? La victoire de l’équipe de football d’Algérie en demi-finale de la Coupe d’Afrique des nations n’a été qu’un prétexte à deux choses. Tout d’abord, il faut savoir qu’en Algérie, les stades de football sont historiquement pratiquement les seuls lieux où une opposition au pouvoir peut s’exprimer. La récente contestation populaire contre Abdelaziz Bouteflika a par exemple commencé dans les stades avec un chant repris par les supporters de plusieurs équipes.

Il y a donc une tradition de rébellion par rapport au football. Cependant, pour les événements en France, il y a un autre aspect qui compte bien plus : c’est qu’il n’y a jamais eu de véritable indépendance algérienne.

Il y a trois raisons pour cela :

  •  la nation algérienne était un melting-pot de multiples origines, dont qui plus est une partie importante a été forcée de partir (les Juifs) ;
  • l’Algérie « indépendante » a immédiatement été sous une chape de plomb militaire, empêchant toute expression démocratique ;
  • l’Algérie n’a jamais su depuis 1962 se donner une identité : est-elle arabe, arabe et kabyle, un mélange de peuples ?

Par ailleurs, le régime a toujours utilisé l’Islam comme levier unificateur réactionnaire. L’islamisme fanatique et meurtrier des années 1990 n’est que le reflet déformé des attentats aveugles du FLN des années 1950-1960. L’influence algérienne dans les débuts d’Al-Qaeda, et dans l’émergence du courant de l’État islamique, est significative. Il est étonnant d’ailleurs qu’aucun commentateur « spécialisé » n’ait dressé le parallèle strict entre les attentats contre les civils de l’État islamique et les pratiques tout à fait similaires du FLN un demi-siècle auparavant.

On ne sera donc pas étonné si dans un tel contexte, le peuple algérien est particulièrement tourmenté, surtout que la part de la jeunesse dans la population est immense. Il n’y a pas de travail, pas de logements, pas de perspective, à part traverser éventuellement la Méditerranée.

Cette identité tourmentée a elle-même traversé la Méditerranée et même pour des jeunes ne connaissant pratiquement rien du pays de leurs parents ou grands-parents, il y a une quête de fierté positive. On peut dire qu’en réalité, c’est toute la nation algérienne qui attend le moment de sa véritable affirmation.

C’est l’indépendance de 1962 qui n’est pas terminée et tout le problème de la question démocratique est justement que personne n’est encore capable de formuler cela de manière juste. Les islamistes des années 1990 ont tenté ni plus ni moins que de détourner tout cela dans leur pulsion de mort.

Le résultat est que l’Algérie est une poudrière, la hantise des États algérien et français. La question démocratique algérienne a un potentiel énorme ! Toutefois, à voir les expressions actuelles – tant en France dans les personnes liées à l’Algérie qu’en Algérie même, malgré le renversement d’Abdelaziz Bouteflika – on est loin du compte. Cela viendra forcément pourtant !

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Société

Appel de 50 députés de gauche en faveur du droit fondamental à l’IVG

Cinquante députés de gauche ont publié une tribune dans le Journal du Dimanche, demandant à ce que l’interruption volontaire de grossesse soit reconnu comme un droit fondamental. Cet appel se revendique de Simone Veil, pas de la Gauche historique. Et pour cause : l’avortement n’a jamais fait partie de ses fondamentaux.

On peut très bien reconnaître le droit à l’avortement et dire que c’est regrettable d’avorter, qu’il vaudrait mieux tout faire pour éviter. Encore est-il que cette position qu’on peut considérer comme raisonnable n’existe pas vraiment aujourd’hui, malheureusement.

Il n’y a en effet que deux camps : les religieux qui sont radicalement contre, les progressistes qui sont radicalement pour. Pour les uns, le fœtus est sacré dès le départ (en raison de son « âme »), pour les autres, tant qu’il n’est pas né il ne compte pas.

L’appel de 50 députés de gauche dans le Journal du Dimanche s’aligne entièrement sur ces « progressistes » dont Emmanuel Macron est le meilleur représentant. Il s’agit d’ailleurs pour l’appel d’être plus « progressiste » qu’Emmanuel Macron lui-même :

« Le président de la République a fait entrer Simone Veil au Panthéon le 1er juillet 2018, à juste titre. Aujourd’hui nous sommes cinquante députés issus de l’ensemble des groupes de la gauche parlementaire à lui répondre en déposant une proposition de loi constitutionnelle visant à ce que ‘nul ne puisse entraver le droit fondamental à l’interruption volontaire de grossesse.’ »

Il faut en effet voir les choses telles qu’elles sont et comme l’appel doit le reconnaître lui-même, le combat pour le droit à l’avortement n’a pas été porté par la Gauche. Il est rappelé dans l’appel :

« Jusqu’en 1942, l’IVG était considérée comme un ‘crime contre l’État’ puni de la peine de mort. En 1971, ‘343 courageuses’ déposèrent un manifeste décisif pour l’évolution des mentalités de l’époque ; en 1975, la loi Veil consacra enfin le droit des femmes à disposer librement de leur corps. Et en 1979, seulement, l’interruption volontaire de grossesse fut formellement légalisée. »

Ce qui veut dire que le Front populaire n’a pas autorisé l’avortement, que le mouvement en faveur du droit à l’avortement est né par des femmes non organisées dans la Gauche politique, que c’est un gouvernement de Droite qui a autorisé l’avortement.

Ni la SFIO, ni le Parti socialiste ensuite, ni le Parti Communiste, n’ont soutenu le droit à l’avortement qui, après un bref intermède légal à la suite de la révolution russe, a été interdit en URSS.

On est libre de dire ici : la Gauche historique a oublié cette question ou bien il n’y a rien été compris, les droits des femmes avaient été oubliés, etc. Mais en ce cas on tient la même critique à l’égard de la Gauche historique que la « nouvelle gauche », la « seconde gauche », celle des années 1960-1970, avec notamment le PSU, la CFDT, etc. La Gauche historique aurait été « dépassée », elle aurait raté l’essentiel, elle n’aurait été qu’un dogmatisme ouvriériste, etc.

Et cette question du droit à l’avortement peut se décliner avec le droit au cannabis, le droit au suicide assisté, le droit à se faire des modifications corporelles significatives, le droit à la procréation médicalement assistée, etc. etc.

En clair, la « seconde gauche » dit que ce qui compte ce sont les droits individuels et que la Gauche historique, avec ses principes, est incapable d’aller en ce sens. Il ne s’agit même pas d’un débat matérialiste. Il ne s’agit pas de gens qui disent : le fœtus n’est pas encore suffisamment développé pour être une personne avant tant ou tant de semaines. Il s’agit de gens qui veulent supprimer la matière et faire triompher les choix individuels.

Il s’avère naturellement que le peuple en France a bien compris cela et qu’il n’en est pas partisan, qu’il préfère rester à l’écart de ce qui lui semble très problématique. D’où le fait que le droit à l’avortement soit trusté par les fanatiques religieux d’un côté, les ultras modernistes de l’autre.

Ce qui se passe aux États-Unis, où le droit à l’avortement est furieusement attaqué dans son intégralité par le très puissant courant réactionnaire, est un excellent exemple de comment le refus populaire de l’ultra-modernité libérale aboutit au soutien aux pires forces réactionnaires.

C’est à cette situation que nous précipite une Gauche déconnectée du réel, ne vivant que par le culte libéral des droits individuel, et permettant à la Droite et l’extrême-Droite de se présenter comme les garants de la civilisation.

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Guerre

Armée de l’air et de l’espace, CEMAT, ultra-modernisation… La France se précipite vers la guerre !

Emmanuel Macron fait comme Donald Trump et annonce la militarisation de l’espace. L’armée de l’air sera désormais l’armée de l’air et de l’espace, ce qui est un pas de plus vers la guerre.

Si l’on regarde les films de science-fiction des années 1950 et 1960, on peut voir que les vaisseaux spatiaux sont considérés comme relevant de la marine. La raison pour cela est la mise en rapport avec la conquête spatiale, la colonisation, une certaine utopie, comme la série Star Trek originelle le reflète.

Désormais, on est dans la technique au service de la militarisation. Il ne s’agit pas de développer l’humanité ou la vie ailleurs que sur la planète, il s’agit de contrôler notamment avec les satellites, de chercher des matières premières. Il s’agit de chercher la supériorité militaire par l’espace.

La NASA a elle-même capitulé : si elle s’interdit toute militarisation, la navette Columbia est désormais automatisée et au service de l’armée américaine. En annonçant la militarisation de l’espace du côté français, Emmanuel Macron contribue à cette perspective. Voici les propos diffusés par les médias, qu’Emmanuel Macron a tenu juste à la veille du 14 juillet 2019 :

« Pour assurer le développement et le renforcement de nos capacités spatiales, un grand commandement de l’espace sera créé en septembre prochain. »

« La nouvelle doctrine spatiale et militaire qui m’a été proposée par la ministre [des Armées Florence Parly], que j’ai approuvée, permettra d’assurer notre défense de l’espace et par l’espace. »

Ces propos ont été tenus dans un cadre précis : chaque veille du 14 juillet, il y a une réception donnée au ministère des Armées, qui s’appelait avant la présidence d’Emmanuel Macron le ministère de la Défense. Et une semaine auparavant, Emmanuel Macron était à Cherbourg, pour participer au lancement se voulant triomphal du sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) Suffren (un monstre de 99 mètres de long pesant 5 000 tonnes, composé de 700 000 pièces), le premier d’une série de six nouveaux de ce type.

Ses propos sont d’un militarisme sans bornes :

« Plus discret, plus furtif, plus rapide, plus endurant et plus autonome, doté de missiles de croisière permettant de frapper en profondeur et capable de déployer des forces spéciales en immersion, cela fait entrer nos forces sous-marines dans une nouvelle ère : c’est cela le Suffren. »

Et qui va être le nouveau chef d’état-major de l’armée de terre (Cemat) ? Thierry Burkhard. Or, il est issu de la Légion étrangère ! Il faut remonter aux années 1950 pour voir quelqu’un issu de la Légion arriver à ce poste…

C’est tout un symbole du militarisme outrancier qui devient de plus en plus prégnant en France et dans le monde.

Une partie de l’opinion publique française trouvera cela très bien, car elle raisonne déjà en termes de compétition mondiale, voyant en la Chine et les États-Unis des concurrents, des ennemis. C’est du chauvinisme, du nationalisme. Ce poison a déjà largement investi le pays où il est malheureusement bien souvent considéré qu’il faut tirer son épingle du jeu, qu’il faut participer à cette fuite en avant qui ne mènera qu’à une chose : la guerre !

Qui ne voit pas la tendance à la guerre a perdu ses fondamentaux de gauche. Il suffit pourtant de voir comment les pays se concurrencent, comment le capitalisme a besoin de toujours plus d’espaces pour s’accumuler, comment les dérives autoritaires sont en réalité une tendance naturelle à la centralisation politique sous domination des grandes fortunes…

Ce qui est terrifiant aussi, c’est de voir qu’une partie de la Gauche – celle qui pourtant ne bascule pas dans le nationalisme comme Jean-Luc Mélenchon – a abandonné toute référence anti-guerre, en raison de l’idée simple comme quoi l’Europe serait à l’écart de l’affrontement principal entre la Chine et les États-Unis.

C’est là une illusion. D’ailleurs, le 14 juillet 2019, ce sont des forces européennes qui participent au défilé militaire. Les pays européens – l’Allemagne et la France en tête – n’échappent pas à la pression économique capitaliste. Eux aussi doivent se lancer dans la bataille pour le contrôle.

Voilà pourquoi il y a, dans le cadre du moteur franco-allemand militariste, la mise en place de prévu du système de combat aérien du futur (Scaf) et du char dit du futur.

Rappelons aussi rien que pour la France le nouveau programme Scorpion, visant à faire entrer l’armée de terre dans le futur (avec la cybernétique, l’informatisation de l’organisation des combats, etc.), le remplacement des FAMAS par des fusils d’assaut HK-416, les nouveaux avions ravitailleurs multirôles A330-MRTT Phénix (MultiRole Transport Tanker), les nouveaux véhicules blindés multirôles (VBMR) Griffon, la nouvelle frégate multimissions (Fremm) Normandie, etc.

Tout cela implique une centralisation de la modernisation, ce qui passe par une Agence de l’innovation de défense (AID), sous la tutelle de la Délégation générale de l’armement (DGA), fondée l’année dernière et qui vient de rendre son premier rapport, intitulé document d’orientation de l’innovation de défense (Doid).

Ce à quoi on assiste n’est qu’une réédition de ce qui s’est passé en 1914 et dans la seconde moitié des années 1930.

Que croit-on que Marion Maréchal représente ? Elle symbolise justement le fait qu’en France, les grandes forces capitalistes exigent un pouvoir fort, un équivalent aux Trump, Poutine, Bolsonaro, Modi, Erdogan…

Emmanuel Macron soutient cette tendance en militarisant l’espace. Il participe au mouvement général vers la guerre, par la militarisation à outrance. Il sert de marche-pied au Fascisme dont l’ombre s’avance toujours plus rapidement !

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Culture

Stranger Things saison 3, un mauvais recyclage de la pop-culture des années 1980

La série Stranger Things avait marqué il y a deux ans part son approche très pop-culture, mettant en scène la jeunesse populaire américaine dans un scénario typique des années 1980. La troisième saison sortie ce mois-ci montre à quel point cela n’est finalement que du mauvais recyclage de la part d’un capitalisme à bout de souffle, agonisant totalement sur le plan culturel.

Comment peut-on, en 2019 avec de tels moyens, produire quelque-chose d’aussi nul et niais que la troisième saison de la série Netflix Stranger Things ? Dix personnes sauvent une seconde fois le monde des forces maléfiques pendant que le reste de la planète ne se rend compte de rien… On peut bien-sûr ne pas aimer le fantastique et se dire que de toute façon, cela n’amène forcément rien de bon sur le plan culturel, contrairement à la science-fiction.

Mais c’est bien pire que cela. On se demande d’abord s’il ne s’agit pas d’une caricature, tellement le scénario est ridicule, à coup de bagarres sur-jouées, d’histoire d’amour cul-cul, de méchants soviétiques infiltrant l’Amérique et de monstres aussi sots que grotesques. Les épisodes s’enchaînent, sans aucune cohérence dans l’approche générale et ont comprend finalement que cela n’a absolument rien de critique, ni même de construit.

Les personnages ne sont pas développés, le contexte initial lié au jeu Dungeon & Dragons (l’« upside-down ») est à peine respecté, etc. Ce n’est qu’un copié-collé façon patchwork de tout ce qu’a pu produire Hollywood dans les années 1980, un zapping permanent sans l’arrière-plan culturel et populaire qu’il pouvait y avoir alors pour chacune de ces productions.

Le monstre de cette troisième saison par exemple, n’est qu’une copie ridicule du monstre de The Thing (La chose) de John Carpenter en 1982. Il est vidé de toute sa substance, de tout son rapport au réel. Celui de 1982 avait été compris par les cinéphiles, surtout après sa sortie en VHS, comme une allégorie du Sida, dans un contexte psychologisant recherché (quoi qu’on en pense par ailleurs).

John Carpenter avait d’ailleurs lui-même très bien critiqué la niaiserie de beaucoup des productions des années 1980 dans l’excellent They Lives (Invasion Los Angeles), en 1988. Il faut penser ici à cette fameuse scène de bagarre interminable, qui était d’une grande subtilité. En 2019, les scénaristes de Stranger Things n’ont toujours pas compris ce que leur a dit John Carpenter il y a 30 ans et resservent ces bagarres et ces monstres au premier degré.

L’industrie du divertissement n’est en fait plus capable de rien, tellement elle a asséché la culture populaire. Elle n’a presque plus rien à récupérer de contemporain, alors elle se regarde le nombril, glorifiant son âge d’or avec de prétendues références qui ne sont que des copies sans âme. Elle est d’ailleurs en retard sur la société elle-même, car la mode est aux années 1990 et plus aux années 1980…

Tout cela est tellement lisse que chacun peu y picorer ce qu’il veut. Les populistes s’imagineront que la mise en scène du centre-commercial Starcourt est une critique de la société de consommation alors que les plus aliénés se satisferont au contraire d’un bel hommage à une époque bénie.

Tout au plus a t-on le droit à un « féminisme » racoleur, qui bien sûr a une origine démocratique dans le contexte des années 1980, mais qui dans cette saison de Stranger Things n’est là que pour flatter les égo et coller aux « thèmes » actuels.

Le tout, bien sûr, est le prétexte à énormément de placement de produits et de marques, avec ensuite un grand nombres de produits dérivés vendus à l’issue de la série. Ces produits ne sont en fait même pas vraiment « dérivés » puisqu’ils sont mis en place dès le début, dans le cadre d’une stratégie commerciale ultra-rodée.

Maintenant que le filon est lancé, on aura sûrement plusieurs saisons, qui battront probablement des records de médiocrité comme le laisse suggérer cet abominable teasing d’après le générique de fin de la saison…

Quel immense gâchis, se dit-on alors ! Le capitalisme, agonisant, se regarde lui-même en pourrissant sur-place, tellement il n’a plus rien de positif à apporter au monde. Les capacités de production culturelles sont pourtant immenses, comme le montre la qualité des décors de Stranger Things. Le problème est en fait que le niveau culturel général de la population n’a jamais été aussi élevé, mais qu’il est en même-temps d’une très grande faiblesse.

Quantitativement, beaucoup plus de gens ont un niveau culturel et des exigences culturelles, mais celles-ci sont bien plus faibles que celles de la bourgeoisie quand elle était presque la seule à posséder la culture (avec ce qui restait de l’aristocratie n’ayant pas encore sombré totalement dans la décadence).

> Lire également : Le succès de la série “Stranger Things”

Cela forme aujourd’hui une contradiction tellement grande, tellement explosive, qu’à un moment cela va finir pas exploser, justement ! Quand la jeunesse adolescente décidera qu’il est hors de question qu’on lui serve des produits culturels aussi vides et niais que Stranger Things saison 3, cela va faire des ravages !

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Politique

François Ruffin en pole position pour avoir «Benito» comme surnom

Les gens de Gauche se tournant vers le nationalisme sont un poison et il est terriblement difficile de trouver un contre-poison efficace. Comment combattre ce qui se prétend social et profite de « l’élan » national ? François Ruffin, en reprenant la Marseillaise, est un exemple terrible d’une telle démarche néfaste. Il est en pole position pour se retrouver sur la même ligne que le fasciste Benito Mussolini.

« Je considère que c’est un symbole qu’on ne doit pas laisser au RN. Je l’ai donc adapté pour en faire un chant de lutte pour aujourd’hui. »

Tel est l’argument de François Ruffin pour reprendre la Marseillaise, en modifiant le texte afin de correspondre à une sorte de nationalisme plébéien. C’est une puissante contribution à la naissance en France d’un mouvement fasciste, c’est-à-dire réfutant la lutte de classes pour prétendre qu’il y aurait une lutte nationale contre une minorité parasitaire.

François Ruffin est à ce titre de plus en plus un petit Benito, car comme Mussolini il vient de la Gauche pour rejoindre le terrain du nationalisme, au nom du « peuple ». À ce rythme-là, d’ici les prochaines présidentielles il aura fondé un nouveau mouvement plébéien, totalement opposé à la Gauche historique et convergeant entièrement avec l’extrême-Droite.

Il n’est guère étonnant que d’ailleurs il ait repris la Marseillaise avec un groupe pseudo punk engagé, « La horde », car on est là dans un esprit correspondant à la petite-bourgeoisie et au lumpenproletariat en même temps. Ce sont même ces faux punks qui ont fait la proposition à François Ruffin de reprendre l’hymne national à l’occasion du 14 juillet !

François Ruffin se trompe d’ailleurs au sujet de l’hymne national. Il dit en effet, en bon populiste :

« En plus, le 14 juillet approche, et j’ai noté un truc, comme élu : ce jour férié est vidé de tout son contenu révolutionnaire. La Bastille et 1789 ne sont pas évoqués lors des cérémonies officielles. Sans doute parce que ce spectre fait encore trembler les bourgeois… »

François Ruffin ne sait donc pas que la fête nationale du 14 juillet ne célèbre pas la prise de la Bastille de 1789. On ne peut pas tout savoir, mais lorsqu’on commence à parler de quelque chose, autant se mettre à niveau…

Il est vrai que François Ruffin se moque de l’histoire et que tout ce qui l’intéresse, c’est une dénonciation démagogique. La chanson utilise tous les poncifs de l’extrême-droite : « Entendez-vous à l’Assemblée, Ces ministres, ces députés », « Les voyez-vous à la télé, Ces milliardaires, ces PDG »…

Naturellement, cette démagogie s’associe aux petits oiseaux et au ciel bleu (« Plus d’hirondelles, plus de moineaux, Plus de sauterelles, et plus d’oiseaux ». Intéressant, cet infantilisme, de la part de quelqu’un qui vient de Picardie et qui n’a jamais pourtant osé dénoncer les chasseurs.

Car s’il y a bien une chose qui démasque François Ruffin, c’est son refus de se confronter aux chasseurs, et donc :

– aux notables ;

– à l’influence culturelle des notables sur la population ;

– aux traditions rétrogrades.

François Ruffin est un plébéien ; il n’est pas quelqu’un qui élève le niveau, qui voit les choses de manière historique. C’est un idéaliste et un populiste, qui prétend aider les gens, alors qu’il les enfonce dans la mesquinerie sur le plan de l’esprit, qu’il les empêche de se discipliner et de se confronter aux véritables problèmes.

La Marseillaise en dénonçant les députés et les riches, en en appelant aux petits oiseaux ? En 2019 ? Certainement pas !

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Politique

Il y a 50 ans le 11 juillet 1969, la naissance et renaissance du Parti socialiste

Le congrès d’Issy-les-Moulineaux du Parti socialiste marquait une renaissance après une première constitution deux mois auparavant, marqué entre-temps par un échec électoral complet. Il renaîtra encore une fois avec l’intégration en 1971 de François Mitterrand.

Le 11 juillet 1969, il y a cinquante ans, commençait le congrès d’Issy-les-Moulineaux constitutif du Parti socialiste. Le PS se voulant le continuateur du Parti socialiste SFIO (devenu entre temps surtout « SFIO »), il est considéré comme le 57e congrès, et se déroula jusqu’au 13 juillet, à Issy-les-Moulineaux en banlieue parisienne.

En fait, ce congrès constitutif en est un sans en être un. Car formellement, il est la réalisation du congrès précédent, tenue deux mois auparavant, le 4 mai, à Alfortville en banlieue parisienne. Le symbole du poing et de la rose vient de là, et le nom officiel est « Nouveau Parti Socialiste ».

Entre les deux congrès, Gaston Defferre avait fait 5 % aux présidentielles, première source de crise, d’où le second congrès, et même bientôt encore un autre, le fameux congrès d’Epinay, en banlieue parisienne, marquant en 1971 l’intronisation à sa tête de François Mitterrand, resté à l’écart jusque-là.

Ce n’est pas clair, mais cela ne dérange pas les socialistes alors, car ils sont pragmatiques. Il y a bien entendu des conflits d’idées, de tendances. Cela a toujours été secondaire cependant par rapport au critère fondamental des socialistes français : l’appareil électoral. C’est lui qui compte et peu importe son nom. Le Parti socialiste a ainsi pratiquement trois actes fondateurs, voire un quatrième si on prend la SFIO.

À l’arrière-plan, on retrouve tout un mal français. Les socialistes font les élections politiques, la CGT les luttes syndicales et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. C’est cela, l’origine de la faillite historique de la Gauche en France.

Déjà, parce qu’il n’y a pas la primauté de la politique, contrairement à ce qui s’est passé dans les pays ayant connue une véritable social-démocratie, comme mouvement politique de masse. Il faut ici penser à l’Allemagne, l’Autriche, la Tchéquie, etc. Ensuite, parce que l’horizon est électoral et qu’il n’y a aucune volonté d’organiser à la base. Il faudra attendre le PCF des années 1960-1980 pour voir un parti de Gauche atteindre une réelle base de masses profondément ancrée.

Quand on voit cela, on comprend pourquoi le Parti socialiste existe encore : ses membres espèrent un redémarrage conçu comme inévitable historiquement. La soumission à la candidature de Place publique pour les Européennes n’était clairement comprise que comme un petit passe-temps tactique et même une grande partie du PS le regrettait. L’idée, c’est qu’on a toujours besoin d’un PS, avec des technocrates capables de gouverner sans se définir comme de droite et qu’il n’y a que cela de réaliste à gauche en France.

Naturellement, le Parti socialiste de 1969 ne disait pas cela : il voulait la rupture avec le capitalisme. Il affirmait possible une voie socialiste différente de celle du PCF, mais les deux finiront par s’unir, pour finalement ne même plus vouloir le Socialisme.

Il ne faut pas s’étonner quand on voit cela si on n’y comprend plus rien : trois congrès socialistes, pour finalement s’allier avec le PCF, tout cela pour abandonner le principe de l’établissement d’une société socialiste… En politique, on se dit : tout cela pour cela ? Et on passe son chemin…

Pour cette raison, une reconstruction de la Gauche implique la réaffirmation des valeurs de la Gauche historique, ce qui implique de comprendre comment la France n’a pas réussi à produire une social-démocratie historique à la fin du 19e siècle. Tout est une question de matrice politico-culturelle.

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Politique

Le piège de la rhétorique patriotique – nationaliste

Toute une partie de la Gauche a capitulé quant à la construction par en bas et compte utiliser les arguments nationaux, patriotiques pour mobiliser. Ce contournement est considéré comme un pragmatisme temporaire. L’exemple d’Aéroports de Paris qu’il faudrait défendre comme un patrimoine national n’est que le début d’une longue série. Nous sommes en plein dans les années 1930.

Il ne faut pas se voiler le face : l’échec à mobiliser sur le terrain du social va amener à la généralisation de l’outil « national ». Il est toujours plus facile de faire de la démagogie que de développer la conscience de la réalité. Car changer les choses forme un processus exigeant. Il faut étudier, se remettre en cause, utiliser des concepts compliqués, se confronter à des gens, en rejeter certains, etc.

Dénoncer, par contre, de manière populiste, donne une bonne impression auprès de tout un nombre de gens. Beaucoup de gens dans ce qui reste de la Gauche ont décidé d’agir ainsi, afin d’obtenir des résultats à court terme.

Il y a la mode, dans certains groupe d’extrême-gauche, de nier les questions théoriques, idéologiques, pour racoler à coups de minimalisme, en se disant qu’en recrutant, il en ressortira bien quelque chose.

D’autres ont choisi l’option syndicaliste. En prétendant gagner des choses à court terme, ils se valorisent et dénigrent ceux qui n’apporteraient rien. L’absence de résultats à moyen terme pétrifie ce genre d’initiative. Mais entre-temps, il s’est passé des années. La CNT était très connue en France comme syndicat engagé et combatif au tout début des années 2000. Il n’en reste pratiquement rien, après un gâchis humain et militant important.

De manière plus significative en termes de surface, il y a une partie de la Gauche qui pense que le seul moyen de mobiliser le plus largement, c’est en en appelant au sentiment patriotique. C’est comme dans les années 1920 en Italie : voyant que le « social » ne marche pas alors que cela le devrait de par l’ampleur des problèmes, il est considéré qu’on pourrait devenir machiavélique et faire comme au billard : en profitant du patriotisme, on pourrait dévier vers le « social ».

Il suffit de lire les arguments contre la privatisation d’Aéroports De Paris pour voir à quel point cette tendance est prégnante. Jean-Luc Mélenchon a été le grand apprenti sorcier de ces dernières années. Mais il est bien connu que le PCF, tout au long des années 1980, a fait la même chose.

Ce qui précède et ce qui suit est affreux. Ce qui précède, c’est la conception qu’il n’y aurait en France qu’une infime minorité responsable des problèmes sociaux. La bourgeoisie n’existe plus, les capitalistes non plus. La question de la propriété disparaît. Il y aurait quelques familles, une oligarchie, une poignée de financiers, qui seraient les seuls coupables. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de situation où une oligarchie existe, seulement on n’est pas du tout dans ce cas de figure.

C’est le grand paradoxe historique. En niant qu’il y ait la bourgeoisie et en prétendant qu’il y ait une oligarchie, la Gauche utilise le nationalisme, amenant une mobilisation de populaire… justement utilisée par une partie de la bourgeoisie pour prendre le contrôle de l’État.

Si l’on regarde bien, en filigrane, c’est cela que craint la Gauche refusant Jean-Luc Mélenchon. La réduction à une opposition entre libéraux et nationalistes, avec une agitation populaire, forme un ensemble amenant à terme la victoire des nationalistes qui utilisent la « révolte » pour s’imposer.

Cette Gauche a donc raison de chercher à éviter cela à tout prix. Elle a raison de vouloir l’unité, la recomposition pour générer une nouvelle alternative, une nouvelle option, empêchant le simple affrontement entre libéraux et nationalistes.

Cependant, on est loin du compte. Toute une partie de cette Gauche est largement contaminée par les valeurs libérales. La grande majorité des gens d’ailleurs assimilent la Gauche à une sorte de variante plus libérale et plus sociale du macronisme. Le refus des valeurs de la Gauche historique a produit François Hollande et celui-ci a produit Emmanuel Macron. Ce n’est pas en revenant à François Hollande ou même ce qu’il y a juste avant lui qu’on va régler les problèmes.

Il ne suffit pas d’être sincère et de chercher à proposer des choses. Si cela avait été le cas, alors Benoît Hamon aurait réussi et si l’on raisonne en termes de logique et pas de politique, c’est lui qui aurait dû l’emporter dans le camp de Gauche. Seulement, il y a un pays qui a une histoire, il y a une bataille des valeurs. Il ne suffit pas de vouloir gérer les choses en cherchant à aller dans le bon sens.

Si l’on regarde d’ailleurs l’Histoire, on peut voir qu’on est mal parti. Comment réussir avec les forces actuelles, quand on voit l’énergie démesurée mobilisée lors du Front populaire, lorsque les socialistes et les communistes avaient de véritables assises de masse ?

Comment réussir, quand on voit que les seuls qui se donnent réellement du mal pour construire, structurer, mettre en place des raisonnements, des idéologies, sont des gens comme Marion Maréchal, Alain Soral, Eric Zemmour, etc. ?

Ce qui se dessine représente un défi immense et la Gauche risque de se retrouver comme celle en Italie au tout début des années 1920 : isolée et traversant un grand désert.