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Les Balkans pleurent Djordje Balasevic

Tous les Balkans sont frappés au coeur par la perte de Djordje Balasevic, leur immense chansonnier populaire.

Nous sommes en 1998 et le chanteur Djordje Balasevic, qui vient de Serbie, est en concert à Sarajevo, ville qui a été assiégée par la Serbie lors de la fratricide guerre née de l’implosion de la Yougoslavie. Les menaces ont été nombreuses de la part de Serbes, mais lui a simplement dit:

« Sarajevo a eu peur pendant des années, je peux bien avoir peur deux jours »

C’était une affirmation internationaliste de la plus haute valeur de celui qui a composé la merveilleuse chanson anti-guerre « Samo da rata ne bude », un terrible appel à ce qu’il n’y ait pas la guerre, que tout arrive, mais pas la guerre!

Qu’il ne s’arrête pas de pleuvoir, que le temps recule, que les étoiles changent sauvagement leurs courses, que les océans débordent, que les montagnes se déplacent, que les vents emportent tout, que les volcans se réveillent, mais pas la guerre!

https://www.youtube.com/watch?v=tJS_5LR3Mb8&feature=youtu.be

Cette chanson date de 1987. Et à cette époque, tout le monde savait déjà que la Yougoslavie allait s’effondrer et qu’on allait s’égorger. La haine avait été redynamisée par les poisons nationalistes assassinant les cœurs des peuples de ce pays. Seule une poignée, comme Djordje Balasevic, a toujours refusé de se définir autrement que comme yougoslave.

On trouve d’ailleurs sur la page youtube de cette vidéo un commentaire qui résume cet esprit balkanique, avec les drapeaux des successeurs à la Yougoslavie et des petits cœurs. Il est difficile de comprendre en France ce qu’un tel acte a de terriblement subversif, au point d’être physiquement dangereux pour la personne l’ayant publié. La haine la plus implacable a hypnotisé les peuples de l’ex-Yougoslavie, avec un chauvinisme criminel, démesuré, assassin.

Lorsqu’il y a eu la finale France-Croatie à la coupe du monde en 2018, Novak Djokovic (qui est Serbe) a expliqué qu’il aimerait voir la Croatie gagner. Malgré qu’il soit un tennisman parmi les meilleurs mondiaux et très respecté pour cela en Serbie, les réactions ont été terribles. Les nationalistes sont extrêmement puissants, violents, dans un pays corrompu où les mafias sont omniprésentes et les meurtres politiques nombreux, où l’émigration est massive, où plus rien ne tient.

Mais il reste un petit noyau dur, populaire et internationaliste, qui parfois reprend le dessus. Lorsqu’il y a eu l’annonce de la mort de Djordje Balasevic, le 19 février 2021 des suites du COVID, toute la Serbie en a parlé. Mais pas seulement : c’est vrai également de tous les pays de l’ex-Yougolsavie. Ils ont été obligé d’en parler, tellement Djordje Balasevic est respecté du peuple, pour ce qu’il représente.

Il a été le fer de lance culturel de la partie non contaminée par le nationalisme fou et assassin que Djordje Balasevic dénonçait déjà en 1988, comme ici dans Requiem.

« Si jamais je passe dans les rues avec ton nom
Je pense toujours à cette chanson
Je ne la change plus depuis des années
Ce vieux refrain dont plus personne n’en a besoin
Et les gens se rappellent mal des chansons, commandant [Tito]…

Il reste dans les livres et les histoires sur nous
Les Balkans [sont] à la fin d’une époque
Chaque tribu se dessine une frontière
Toutes veulent leur propre camp
Les rêves fondent comme les glaciers, commandant…

Aux frontières il y a de nouveau des drapeaux
Le monde est comme ailleurs
Et les enfants sont enlevés des cours pour voir les ouvriers affamés
Et où sommes-nous, les naïfs
Pourquoi nous sommes-nous soulevés en entendant « Hej Sloveni »
[« Hé, les Slaves » : chanson tchèque de 1834 devenu l’hymne de l’unité slave,
adoptée en Yougoslavie en 1945 et finalement reconnu hymne officiel en 1977]

Comme si nous avions été inventés avec cette histoire…
Les temps sont durs pour les gars comme moi
Qui s’occupent de leurs affaires…
Je ne suis pas une marionnette dont on peut faire ce qu’on veut
Je n’ai que la Yougoslavie…

Djordje Balasevic était un vrai Yougoslave : d’une mélancolie romantique engloutissant tout, burlesque, emporté et avec une profonde fibre sociale populaire, ancré forcément dans les mélodies populaires et horrifiées par les phénomènes superficiels lessivant la culture (comme l’est en grande partie le « turbo folk »). Né en Voïvodine, largement marqué par la Hongrie (et avec une importante population hongroise), il a porté pendant plusieurs décennies des chansons populaires, accessibles et hautement développées.

« Je n’aime pas le mois de janvier ni les diables de l’hiver blanc
Partout dans la neige je vois les mêmes traces de petits pas
A nombre de trente et qui sait partant lentement

Je ne vais plus désormais rue Dositej
Je ne sais pas où c’est quand quelqu’un me demande où elle est
Les deux-cent six pas à cette rue
Que je n’ai jamais compté

Je ne t’ai jamais protégé
Je ne t’ai jamais caressé
Je n’ai jamais pris soin de toi
J’ai marché sur ton amour
J’ai simplement tout compté »

On a tout dit de son caractère national quand on voit son album Dnevnik starog momka. Chaque chanson consiste en un nom féminin, la première lettre de chaque formant « Olja je najbolja », soit Olja est la meilleure : il s’agit évidemment de sa femme Olivera.

La perte de Djordje Balasevic marque la fin d’une époque. Le rêve yougoslave a été englouti par les nationalismes, la situation est dramatique. Et les problèmes remontent à loin : à Tito qui a fait le choix du bloc occidental à la fin des années 1940 et monté indirectement les peuples les uns contre les autres (ce que Djordje Balasevic n’a pas vu), et au-delà aux divisions provoqués auparavant par l’Autriche-Hongrie et l’empire ottoman…

Djordje Balasevic est un jalon sur le long parcours de l’amitié et de l’unité des peuples des Balkans… Son dernier concert aura eu lieu en décembre 2019 à Zagreb, en Croatie. Tout un symbole.

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«Équilibre», le somptueux troisième album des Pirouettes

The Pirouettes est un groupe difficilement accessible de par la profondeur avec laquelle ils assument et sondent la sensibilité amoureuse. Il faut en effet beaucoup de sincérité et d’authenticité pour apprécier ces portraits à la fois subtils et directs ; cela va clairement à contre courant d’une époque et d’une société comme la nôtre.

Leur premier album « Carrément, carrément » était un magnifique tableau de l’insouciance amoureuse de la jeunesse, le second « Monopolis » peignait avec un talent rare la richesse et la complexité de la vie de (jeune) couple, et voilà que le troisième album « Équilibre » s’attache à la délicate question de la rupture, de l’éloignement, de la dichotomie des sentiments.

Le décor de l’album avait été planté dès la fin 2019 avec les saisissants « San Diego » et « pli du cœur », dont voici le clip du premier :

Le morceau « Il n’y a que toi » est toutefois celui qui illustre le mieux la teneur de l’album. En voici le clip, d’une grande finesse photographique et scénaristique, sortie l’été dernier :

Le double clip « Encore un peu d’amour / Ciel radieux » est également une très belle présentation de l’album, avec ce jeu de réponse très bien vu entre les deux morceaux qui se suivent :

« Ciel radieux » est ici un judicieux portrait de la femme française, à la fois précieuse et indépendante, répondant aux errements de l’homme français, toujours trop à la traîne.

On a là une approche absolument française d’exploration de la profondeur psychologique des sentiments amoureux. Et comme c’est admirablement bien mis en chanson par un sens de la mélodie et du rythme digne de l’Angleterre des années 1980, cela donne quelque chose de vraiment somptueux et très marquant.

Pour finir, difficile de ne pas être saisi, pris à la gorge par les émotions à l’écoute de « Tu parles trop » qui exprime la douleur de la déchirure amoureuse avec une sensibilité incroyable…

  • Le double album « Équilibre » des Pirouettes est sortie le 5 février 2021 – En écoute sur les plateformes de streaming et disponible à la vente CD et vinyle chez les disquaires ou en ligne sur la page bigwax du groupe.

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Le sang des bêtes, de Georges Franju (1949)

Ce film d’une vingtaine de minutes est un documentaire qui mériterait d’être une référence à gauche. Il faudrait bien sûr pour cela que celle-ci s’élève jusque-là. Qu’elle revoit ses exigences culturelles. La gauche en sortirait plus forte car Le sang des bêtes est à la fois une production artistique de très haute qualité et un vecteur politique tout à fait actuel.

Le sujet du film, c’est le travail dans les abattoirs de La Villette et de Vaugirard, autour de Paris donc, à la fin des années 1940. Le spectateur assiste aux processus successifs qui font que les animaux entrant en vie dans le bâtiment n’en ressortent pas. Entre temps, les travailleurs des abattoirs auront produit des carcasses.

Georges Franju disait avoir entrepris de tourner ce film, son premier film, par amour pour les animaux, et non avoir choisi les animaux en cherchant un sujet de film. Cette formulation exprime à elle seule la sincérité de l’auteur. C’est cette démarche qui permet au réalisateur de transmettre des émotions justes au spectateur. Avec Franju, on est dans le sensible.

Le spectateur de 2021 pense bien sûr aux video-chocs, et prétendument volées, des associations qui dénoncent les conditions de l’abattage dans les abattoirs d’aujourd’hui. Et justement, l’un des traits marquant du film de Franju est de, notamment par le travail du montage, toujours lier le sort des animaux à la ville, à la circulation des hommes, au travail. Le spectateur comprend, sans qu’à aucun moment l’argument ne lui soit asséné, que la condition des animaux d’élevage est une question d’organisation de la société, qu’elle est politique.

Plan après plan, un cheval, des vaches, des veaux et des moutons sont parqués, tués, vidés de leur sang, de leurs entrailles, dépecés, décapités, démembrés. De ces opérations réalisées de manière semi-artisanale, pratiquement sans procédés mécaniques, autant dire « à la main », aucun détail ne sera caché. Pour autant, il n’y a aucune complaisance. La violence et l’horreur des manœuvres ouvrières de cette chaîne de montage inversée ne sont pas traitées à la manière d’un spectacle.

Franju a développé, à côté de son cinéma « de genre » lui aussi d’une grande qualité, une démarche documentaire originale. L’auteur parlera du « réel documentaire » à propos de son approche. Elle consiste en une construction du film permettant au spectateur de saisir le réel à partir de sensations éprouvées.

Georges Franju (à droite)

Ainsi, dans Le sang des bêtes, si les images se confrontent les unes aux autres au travers du montage, le son joue aussi un rôle de tout premier plan. Parce que la musique est de Joseph Kosma, mais surtout puisqu’un texte dit par Nicole Ladmiral et Georges Hubert accompagne le spectateur au travers de toutes les séquences. Or, une grande tension nait entre le ton et la signification du texte et les images. C’est l’ensemble qui fait sens. On peut dire que c’est le cerveau du spectateur qui projette le réel à partir des éléments qui lui sont proposés par le film. On est donc loin du film didactique ou du cinéma à thèse et de ses dissertations filmées. Pour autant, on n’est pas non plus dans l’élitisme de l’avant-garde des plasticiens aux gribouillis cryptés. Il n’est pas question de laisser le spectateur dans le doute, comme dans une expérience postmoderne ou une expo d’art contemporain. Le Sang des bêtes n’est pas équivoque. Georges Franju donne au spectateur un accès sensible à une réalité difficile et permet à l’intelligence de la saisir dans sa complexité.

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L’agréable douceur mélancolique du dernier album de Peremotka

Le groupe de soviet wave Peremotka ( Перемотка en russe) a sorti un nouvel album en octobre 2020. Un album qui nous fait nous échapper dans une atmosphère de douceur, de tendresse, et de mélancolie très fine.

Fondé en 2015, au coeur donc de l’immense vague de post-punk rétro-soviétique, Peremotka exprime toute la vie quotidienne d’une jeunesse russe prisonnière d’une grande métropole. Le groupe est originaire d’Yekaterinburg (Sverdlovsk  de 1924 à 1991), qui regroupe plus d’un million d’habitants dans la très froide région de l’Oural. Cet ancien pôle industriel s’est enfoncé dans une guerre des gangs pendant les années 1990 sur fond de libéralisme exacerbé, avant de se stabiliser autour des réseaux mafieux.

Avec déjà 5 albums à son actif, Peremotka signe avec ce dernier album, dont certains morceaux ont été publiés au cours de l’année, une très agréable oeuvre musicale.

Le groupe touche de manière enfantine, et plein de mélancolie à des tas d’aspects de la vie quotidienne, et le titre de l’album, « le début d’une merveilleuse amitié » (Nachalo Prekrasnoy Druzhby – Начало прекрасной дружбы), est un hommage à cette candeur d’une jeunesse russe, coincée entre un passé idéalisée et un futur sans horizon palpable.

Dans le premier morceau de l’album, « Супермарио » qui signifie « Super Mario », on retrouve cette ambiance, admirablement bien reflétée par les accords et les tonalités rythmiques. C’est là toute une référence à la bonne humeur, insouciante, d’une partie entre amis de ce jeu vidéo si populaire…

Dans toutes ces chansons, il y a à l’arrière-plan l’atmosphère d’une enfance passée dans un village oubliée, dimension culturelle qui marque entièrement cette génération d’artistes portant de la « soviet wave ». On voit là toute la subtilité de l’approche, « Peremotka » signifiant lui-même « Rembobiner », ce qui renvoie à cet état d’esprit mélancolique.

Littéralement bloqué dans le présent, idéalisant de manière naïve le passé, tout en cherchant à se saisir d’un horizon futur… en vain. Alors on tourne en rond, la cassette est rembobinée sur le quotidien, et ses quelques instances gracieux, plein de tendresses qui le parcourt. Comme avec le huitième morceau, Tvoevo balkona svet / « votre éclairage de balcon », où la voix brumeuse d’Olga Lopayev se découvre sur fond de nappes de synthétiseurs sombres et en même temps enivrante.

On a aussi le morceau Krasiva qui parle de la beauté, Staroe Kino qui fait référence aux vieux cinéma, « V letnem pole » témoignant du plaisir de flâner dans un champ de blé l’été. Et comment ne pas être touché à l’écoute et à la vue du clip de la musique « Première neige » (« Perviy Sneg »), si simple dira t-on, mais finalement tellement illustratif du rapport sensible universel que tout le monde a pu avoir à la nature d’hiver…

La musique Kak tebya pkovit (« Comment te conquérir ? ») témoigne d’une grande sensibilité en ce qui concerne la question de la romance amoureuse. On est bien loin de la violence à la fois sociale, et misogyne qui touche bon nombre de femmes russes, sur fond d’une grande pauvreté. Ici on a plutôt une délicatesse, une gêne même toute attendrissante :

Comment te conquérir ?
De quoi parler, par où commencer ?
Je ne sais pas quoi te dire.
Et c’est encore gênant

Pour écouter l’album en entier sur le bandcamp du groupe :

https://peremotka.bandcamp.com/album/nachalo-prekrasnoy-druzhby

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Il y a cent ans apparaissait le mot « robot »

Le terme de robot est tiré d’une pièce de théâtre tchèque, dont la première a eu lieu le 21 janvier 1921.

Nous sommes dans les années 1920 en Tchécoslovaquie. Ce petit pays composé de Tchèques, de Slovaques et d’Ukrainiens est déjà perdu en Europe centrale. C’est en effet une république, dans une Europe centrale où il n’y a que des régimes autoritaires. La partie tchèque est puissamment développée, le capitalisme y est bien ancré. Le Parti Communiste aussi d’ailleurs et proportionnellement à sa population, il sera toujours le Parti Communiste le plus nombreux du monde. La question, c’est donc l’avenir du monde : capitalisme ou socialisme?

L’entrepreneur Tomáš Baťa avait son idée là-dessus : dans son building, sa pièce de travail de 6m2 était un ascenseur lui permettant d’accéder aux différents étages pour superviser. De son côté le président de la République Tomáš Garrigue Masaryk avait développé toute une philosophie libérale-démocrate-existentialiste. C’est dans ce contexte qu’a lieu à Prague le 21 janvier 1921 la première de la pièce de théâtre R.U.R. (Rossum’s Universal Robots), écrite par Karel Čapek.

Ce dernier avait la même approche : le capitalisme permet la démocratie mais en même temps il y a le fascisme qui est une menace semblant en venir, pourtant le communisme n’est pas acceptable. C’était intenable et la Tchécoslovaquie sombrera dans le drame de la seconde guerre mondiale.

La pièce R.U.R. n’est guère fameuse en tant que tel, son scénario « anti-totalitaire » c’est-à-dire très violemment anti-communiste étant aussi caricatural que celui d’Orwell avec 1984. Une entreprise fabrique des robots, qui sont des humains artificiels. Car, naturellement, ces esclaves se révoltent, forment un bloc unifié et anéantissent l’humanité pour la remplacer. On est dans la peur du travail et du collectif, avec une appréhension de la machine remplaçant l’être humain. On connaît bien en France cette conception pétainiste-zadiste, dont le romantique français Georges Bernanos se fit l’écho dans La France contre les robots en 1947.

Là où les choses sont plus intéressantes, c’est que les robots ne sont pas des machines au sens mécanique, mais des copies d’êtres humains, comme les réplicants du film Blade Runner, au scénario s’appuyant sur R.U.R. Et l’inventeur de ces répliques d’êtres humains est monsieur Rossum – Rozum signifiant intellect en tchèque. Et, à la fin de R.U.R. certains robots découvrent l’amour et le dernier être humain leur confie le monde. C’est que l’œuvre est anti-science, mais considère que c’est en fait le capitalisme qui pervertit la science, même si en même temps le collectivisme est inacceptable pour qui veut maintenir l’esprit libéral.

On aura compris, l’œuvre reflète toute une époque… Qui est d’ailleurs encore la nôtre.

Le terme « robot » inventé pour la pièce a eu le succès qu’on connaît. Le mot a été inventé par le frère de l’auteur, l’artiste moderniste Josef Čapek, par ailleurs mort en camp de concentration pour son refus de l’occupation du pays par l’Allemagne nazie. Le mot « robot » se fonde sur le mot vieux slave rab, esclave, ainsi que sur le tchèque robota, travail forcé, avec une racine commune à la langue slave (rabotat signifie travailler en russe, robotnik signifie ouvrier en polonais et en slovaque, etc.).

Son succès mondial a été immédiat. Et la problématique aura une immense résonance dans l’Est de l’Europe. Il suffit de penser à la chanson The Robots de Kraftwerk où les musiciens ont leurs répliques robotiques, ou les réplicants du roman Solaris du polonais Stanislas Lem (et immortalisé par le film de Andreï Tarkovski). Le titre de l’album de Kraftwerk de 1978 est The Man-machine (pour la version en anglais et Die Mensch-maschine pour la version allemande) et rappelons qu’il existe une œuvre française ayant ce titre : L’Homme-machine écrit par le matérialiste français Julien Offray de La Mettrie en 1747.

C’est qu’on ne peut pas avoir peur des robots quand on est de gauche, car on sait qu’on est des robots – des robots naturels, mais des robots quand même. La prétention au libre-arbitre n’est qu’une fantasmagorie religieuse ou capitaliste post-moderne.

https://www.youtube.com/watch?v=5DBc5NpyEoo

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Quelques films pour enfants et pré-ados

Voici une petite réflexion sur des films pour un public exigeant : les enfants et pré-ados.

Proposer des films à des enfants et des pré-ados est toujours délicat, car ils ont une exigence moderne de vivacité que n’ont pas forcément les films du passé. Il faut savoir capter leur attention, sans pour autant tomber dans des choses purement commerciales où les neurones connaissent comme un processus de congélation. Et il faut surtout éviter ces inondations de violence, de brutalité, d’armes, qui sont malheureusement de rigueur.

Une première solution est de passer par des films d’animation qui combinent l’agitation des péripéties et un bon fond. On a ici Chicken run, Souris City (en fait il s’agit de rats), Hôtel Transylvanie ou encore Nos voisins, les hommes, Toy Story, Wall-E, Ratatouille.

De manière plus poussée, plus exotique, avec un contenu qui passe largement puisque personne n’y verra les allusions religieuses shintoïstes, on a des films de Hayao Miyazaki comme Le Château dans le ciel, Mon voisin Totoro, Porco Rosso (d’autres présentant plus de risques niveau violence graphique).

On pensera bien entendu aux petits films incroyablement réussis avec la petite taupe tchèque (Krtek) ou bien sûr les fabuleuses aventures de Moumine, bien que les livres pour enfants soient plus lugubres que la version en dessins animés japonais.

Pour les films en tant que tel, on a Sauvez Willy, E.T., La forêt d’émeraude, Le magicien d’Oz, Les goonies, Mary Poppins, Les aristochats, SOS Fantômes.

Et si l’on veut quelque chose avec plus d’action, mais une violence très contenue, sans rien de sanglant, on a le très intelligent John Carter et d’ailleurs il est impossible de ne pas lui associer une autre production Disney qu’est la série The Mandalorian. C’est encore assez limite pour des enfants, en raison du fait qu’il y ait des armes, mais le refus de la gratuité du sang et l’exigence morale font que c’est très pré-ado en définitive.

On préférera peut-être les trois films Retour vers le futur, ce qui soulignera d’ailleurs que si l’on veut éviter le racolage de la violence et du sexe, il faut forcément se tourner vers les années 1980 (d’où l’anomalie du Mandalorian).

Parce que si on prend, par exemple, Alien, Predator, Conan le barbare. Ce sont trois films à la thématique violente, qui ne visent pas des préados ni des enfants. Mais tout est extrêmement contenu, il n’y a pas de racolage.

Alien fait dans tous les cas bien trop peur pour des enfants, naturellement, d’autant plus paradoxalement qu’on ne voit quasiment pas le monstre. Mais Predator pour un pré-ado quasi ado ne présente pas de contenu choquant, ni même Conan le barbare. Un pré-ado s’y perdra, mais sans plus. C’est là qu’on voit comment les années 1980 ont un calibrage précis, avec des barrages qui n’ont pas sauté.

Même les films de super-héros actuels, où pourtant le sang ne coule pas, sont bien plus violents avec leurs incessantes actions brutales, leurs affrontements permanents. On a d’ailleurs déjà cela dans les Indiana Jones, qui ont d’ailleurs un contenu mystique et patriarcal.

On regrettera au passage les échecs de Luc Besson à réaliser ce chef d’œuvre universel, avec de l’action, du contenu mais de violence, qu’il a inlassablement chercher à réaliser (Le Cinquième élément, Valérian et la Cité des mille planètes). Ready Player One de Steven Spielberg a le même défaut, cela étant cela reste totalement valable pour des enfants, tout comme Super 8.

Mais cela manque d’un cadre imaginatif, et c’est précisément ce qui manque, relativement à des films pour enfants comme Maman j’ai encore raté l’avion, Chérie j’ai rétréci les gosses, Stuart Little, Casper, Le pôle express, etc. Il y a un cadre mais il manque un côté entraînant qui, pour autant, ne bascule pas dans le magique, l’irrationnel, etc.

C’est ce qui fait par exemple que Chicken run est exemplaire : réel, concret, avec une morale pour animaux, accessible, instructif, foncièrement amusant et captant l’attention…

Et c’est ce qui souligne que pour être marquant, un film qu’on propose à des enfants, à des pré-ados, doit pouvoir être accompagné d’autres activités tels le dessin, la lecture, des jeux. C’est là qu’on a la preuve qu’on est dans la culture.

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La lettre ouverte du Hellfest, qui nie la profondeur de la crise sanitaire

Le Hellfest de Clisson en Loire-Atlantique est l’un des plus gros événements culturels français, alors quand ses organisateurs publient une lettre ouverte à la ministre de la Culture, cela a forcément beaucoup d’écho. Ce qui y est dit est à l’image du monde du spectacle et de la fête en France, qui nie la profondeur de la crise sanitaire et refuse les enjeux de notre époque.

La lettre du Hellfest à la ministre de la Culture était rendue publique mardi 19 janvier, alors que partout en France des manifestations du monde du spectacle et de la fête étaient à nouveau organisées, à l’appel des syndicats et associations du secteur.

Tout cela a beaucoup de légitimité, car il y a en effet une situation difficile, inédite, et des parcours individuels qui se retrouvent stoppés net sur le plan professionnel ou artistique, en raison de la crise sanitaire.

Le problème par contre, c’est qu’il est fait comme si… Comme si la crise sanitaire n’était pas vraiment là, ou pas si grave, comme si tout était de la faute du gouvernement, qui ne prendrait pas les bonnes décisions, qui interdirait trop, ne donnerait pas assez d’argent, etc.

Bien sûr, il est juste et nécessaire de réclamer le maintien des droits sociaux des intermittents du spectacle, des garanties pour l’emploi et la continuité des activités, etc. Pour autant, il n’est pas possible de faire comme si le monde n’avait pas changé, comme si tout allait revenir comme avant… Et surtout comme si l’humanité savait déjà où elle va.

C’est en tous cas ce que fait le Hellfest, qui se pose comme victime en réclamant de manière tout à fait populiste à ce que le gouvernement lui donne une indication précise à propos de cet été et des possibilités culturelles. La démarche est d’autant plus populiste que les organisateurs du Hellfest se la joue « indépendants », alors qu’ils relèvent largement d’une grande machinerie commerciale, le dos étant sciemment tourné à la culture alternative d’origine, au profit d’un marketing et d’un merchandising très pointu.

Les organisateurs du Hellfest savaient très bien que cela serait très compliqué pour le mois de juin, mais ils ont fait le choix de foncer tête baisser et d’organiser coûte que coûte l’édition 2021. C’est un choix, mais c’est un choix qui n’est pas assumé, alors il est demandé à l’État d’assumer à leur place l’échec à venir. Il est ainsi posé la question à la ministre :

« avec une pression hospitalière moindre, combinée à une période estivale où l’on sait que ce virus est moins virulent, est-il concevable d’envisager la tenue de nos mégas événements ? Ou bien, devons-nous considérer dès maintenant que tant qu’une immunité collective ne sera pas atteinte, il sera impossible de remettre en place des événements accueillant des dizaines de milliers de spectateurs ? ».

Pourtant, les organisateurs du Hellfest savent très bien que le gouvernement est entièrement débordé par la crise sanitaire et qu’il n’a absolument aucune visibilité ne serait-ce que sur les semaines à venir. Roselyne Bachelot la ministre de la Culture, avec toute la bonne volonté du monde, peut bien faire toutes les annonces qu’elle souhaite à propos des festivals cet été, la réalité est qu’elle n’en sait rien. Et personne n’en sait rien, car la situation est très grave, et menace chaque jour de s’emballer encore plus.

Le Hellfest, en réclamant des garanties qui sont impossibles à obtenir, est donc complètement à côté de la plaque. Ou alors c’est la figure tragique de l’entrepreneur à la française, qui demande des sous à un État qu’il rejette normalement. Et cela alors que l’humanité est à un tournant, car la crise écologique a déclenché une crise sanitaire majeure…

Voici la lettre du Hellfest à la ministre de la culture :

« Madame la Ministre de la Culture,

Nous commencerons par cette célèbre citation : « Il faut espérer le meilleur et se préparer au pire : c’est la règle. »Nous avons été très attentifs à vos dernières interventions médiatiques de ces derniers jours, et nous vous citons : « On ira dans les festivals cet été », « on a du temps », « croisons les doigts ».

Madame la Ministre, excusez notre ton quelque peu familier mais de notre côté on ne croise pas les doigts, on serre les fesses ! NON nous n’avons pas le temps et il est urgent que vous en preniez conscience.Un événement comme le nôtre nécessite une année de préparation assumée par de nombreux intervenants. Vous conviendrez aisément qu’il n’est pas possible d’accueillir plus de 60 000 personnes par jour pendant 3 jours, dans une petite ville de 7 000 habitants en ne commençant les préparatifs qu’un ou deux mois avant la date de celui-ci.

Il ne s’agit pas d’amateurisme.Nous avons vivoté durant les 10 derniers mois, sous perfusion, grâce aux mesures de chômage partiel mises en place par votre gouvernement. Seulement voilà, les mois ont passé depuis l’annulation de notre événement au printemps dernier, et l’échéance de l’édition reportée approche à grands pas. Du 18 au 20 juin prochain doit se tenir, sur la commune de Clisson en Loire-Atlantique, le plus important (et coûteux !) festival de musiques actuelles de France.

Cela va vous surprendre mais il ne s’agit pas d’un événement où viennent se produire les plus grandes stars de variété française, mais bien d’un festival faisant honneur aux musiques dites « extrêmes » (Hard rock, Punk Rock, Rock’n’roll, Metal etc…). Surprenant n’est-ce pas ? Ces mêmes musiques qu’on ne voit ni n’entend à la télévision et auxquelles la très officielle cérémonie des Victoires de la Musique ne semble toujours pas prêter attention (mais c’est un autre débat, nous vous l’accordons).

Afin d’être prêts pour accueillir ce grand raout musical et nos fidèles festivaliers amateurs de gros son et de houblon, nous avons choisi de prendre le risque de nous remettre au travail à 100% depuis le 4 janvier dernier, nous privant ainsi de toutes les aides existantes que votre gouvernement a mis en place. Nous n’avons malheureusement pas d’autre choix si nous souhaitons pouvoir offrir à notre public le festival qu’il mérite.Ces mêmes festivaliers qui pour 99,75% d’entre eux ont décidé de conserver leur ticket de l’édition 2020 par solidarité envers le Hellfest, et qui nous ont accordé leur confiance pour un retour en 2021.

Seulement voilà, remettre en route une telle machine coûte cher, très cher. Il va donc falloir que nous acceptions l’idée que chaque mois qui passe à partir de maintenant nous coûte plus de 250 000€ en salaires, charges fixes et autres remboursements d’emprunts. Et ce sans savoir si le festival aura lieu. Quelle structure accepterait de dépenser de telles sommes sans avoir une garantie de résultat ? Sans avoir l’assurance que tout cet argent n’est pas jeté par les fenêtres ?

A contrario de nombreuses autres associations culturelles (et parfois même de grands groupes cotés en bourse…*suivez notre regard*…), nous n’avons pas le privilège de percevoir de larges subventions publiques pour l’organisation de notre événement (0,1% de notre budget). Nul doute, si la saison estivale est de nouveau sinistrée, que bon nombre de ces structures aidées par l’argent public réussiront à s’en sortir, et c’est une bonne chose. Ce n’est malheureusement pas notre cas, tout ce qui sera perdu sera perdu.

Il nous sera sans doute plus facile d’espérer gagner au loto pour couvrir nos pertes que d’attendre une aide providentielle de l’État qui n’arrivera probablement jamais… Étrange paradoxe : le Hellfest, grâce à la générosité et à la solidarité de son public, est le seul événement à avoir réussi à collecter 200 000€ de dons à destination du CHU de Nantes lors du premier confinement. Et pourtant, il sera celui qui percevra le moins d’aides de l’Etat ! Nous aurons ainsi plus contribué aux manques de moyens de nos hôpitaux, que nous n’avons reçu d’aides. Cocasse, n’est-ce pas ?

Ne vous méprenez pas Madame la Ministre, nous ne jalousons aucunement ces structures aidées par les fonds publics. Nous sommes même extrêmement fiers d’avoir réussi à monter un événement élu 3 fois de suite « meilleur grand festival de France » tout en restant indépendants et avec pour seule force le soutien indéfectible des milliers de fans, de bénévoles, d’intermittents, de prestataires et de partenaires privés. Cela nous permet, comme vous pouvez le constater dans ce courrier, de garder notre liberté de ton et de parole.Donc encore une fois Madame la Ministre, NON nous n’avons PAS le temps. Notre association à but non lucratif qui gère le plus important budget de tous les festivals de musiques actuelles en France (25 millions d’euros) est en danger.

Le flou qui règne l’amène inexorablement vers une catastrophe économique que les centaines de milliers de fans du Hellfest, ainsi que des centaines de prestataires auront du mal à “digérer” si vous n’intervenez pas rapidement.Tout comme vous, nous aspirons à retrouver une vie culturelle foisonnante. La France est une terre de festivals et vous avez pu vous rendre compte l’an passé combien nos événements sont ESSENTIELS au bien-être d’un nombre important de Français.

Oui, les spectacles vivants sous toutes leurs formes sont essentiels, ils ne sont pas de simples produits !

À la lecture du plan de vaccination que votre gouvernement souhaite mettre en place, il apparaît qu’un grand nombre de personnes dites « à risque » sera vacciné à l’aube de l’été 2021, répondant ainsi en grande partie à la problématique de la saturation des services hospitaliers français. L’effectivité de ce plan de vaccination est de votre responsabilité, les acteurs de la culture n’ont pas à souffrir des péripéties et des aléas logistiques.Madame la Ministre, notre question est donc la suivante : « avec une pression hospitalière moindre, combinée à une période estivale où l’on sait que ce virus est moins virulent, est-il concevable d’envisager la tenue de nos mégas événements ? Ou bien, devons-nous considérer dès maintenant que tant qu’une immunité collective ne sera pas atteinte, il sera impossible de remettre en place des événements accueillant des dizaines de milliers de spectateurs ? ».

La réponse que nous attendons de vous n’est pas de savoir si les festivaliers pourront assister l’été prochain à de « vrais-faux » festivals à jauge réduite, en tout assis, en zone verte et en respectant un couvre-feu quel qu’il soit. Nous voulons savoir si 60 000 personnes par jour pourront venir headbanger debout, en plein air et sans distanciation sociale, en écoutant du bon vieux rock’n’roll !

Il nous semble qu’un certain nombre d’arguments se doivent d’être examinés urgemment avec l’ensemble des organisateurs de festivals de grande ampleur comme le nôtre, afin que des décisions soient prises, quelles qu’elles soient. Elles permettront de mettre un terme à cette insupportable situation d’attente, qui ne peut plus durer, au risque de mettre en péril la pérennité des associations indépendantes comme la nôtre ainsi que celle de nombreux intermittents, artistes et prestataires.Ces arguments, quels sont-ils ?

Nos festivals doivent se dérouler en plein air et en plein été. La communauté scientifique s’accorde à dire que ces 2 éléments sont des atouts certains pour limiter la propagation du virus. Notre pays dispose d’un réseau important de lieux capables de tester rapidement et facilement les personnes (pharmacies, médecins traitants, laboratoires etc…). N’est-il pas possible de proposer aux festivaliers de se présenter munis d’un test négatif de moins de 48/72H comme cela est pratiqué pour certains voyages aériens ?

Avec un climat favorable, une organisation en plein air, une pression hospitalière moins forte et un test préventif supplémentaire, le curseur « bénéfices-risques » n’aurait-il pas une chance de s’inverser ?Sur le plan économique, nos festivals sont d’inestimables moteurs d’activités pour les territoires qui les accueillent. L’hôtellerie, la restauration, les bars, et autres commerces qui rayonnent autour de nous sont autant de secteurs qui souffrent énormément de cette crise et qui attendent beaucoup de la tenue de nos événements. Pour ne parler que du territoire du vignoble nantais, les retombées sont estimées à plus de 25 millions d’euros.

Le courage est de mettre tout en œuvre pour permettre la reprise de la vie, mais sûrement pas de laisser une situation se dégrader au point d’aboutir à son interdiction.Nous n’avons pas la prétention d’être des spécialistes du domaine médical et nous nous garderons bien d’affirmer qu’une solution à la tenue des grands événements est possible dès cet été. Nous sommes des organisateurs responsables et nous comprenons parfaitement les enjeux qui sont les vôtres. Seulement, il nous semble que protéger ne se résume pas qu’à interdire.

Par cette lettre, Madame la Ministre, ce n’est pas seulement notre association qui vous supplie d’agir, c’est tout un territoire, des milliers de bénévoles, des centaines d’intermittents, de musiciens, un nombre incalculable de prestataires de services et d’entreprises partenaires.Veuillez, Madame la Ministre, recevoir nos plus sincères salutations Toute l’équipe de Hellfest Productions »


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Culture

Le cœur brisé de Starline dans «Takotsubo»

Starline est une jeune rappeuse originaire de Lyon qui a débuté sous le label montpelliérain LaClassic à l’âge de 15 ans. On comprends son choix pour ce label qui produit un rap plutôt sombre, « conscient » comme on dit, mais surtout poétique.

Il y a quelques jours Starline a fêté son 21e anniversaire à travailler le montage de son nouveau projet, le clip du morceau « Takotsubo ». Et c’est sur une chaîne Youtube personnelle et non d’un label, qu’il est publié, marquant semble-t-il, l’ouverture d’une nouvelle période dans sa carrière.

https://www.youtube.com/watch?v=MSjwrrlYrnU

Le Tako-Tsubo est un syndrome cardiaque décrit pour la première fois au Japon ; le « syndrome du cœur brisé ». Cette pathologie atteint principalement les femmes et peut être déclenché par une très forte émotion, comme lors d’une rupture sentimentale ou la perte d’un être cher.

Le Tako-Tsubo est évoqué dans la culture manga et de nombreuses séries télévisées, le rappeur Nekfeu en avait aussi fait un titre.

La version de Starline n’a rien a envier à ce dernier, dans un autre style, plus aérien, moins bavard. C’est du artisanal très réussi, ça n’en a que plus de valeur.

On retrouve donc dans ce morceau la thématique de la rupture et principalement des sentiments qui sont encore là et dont il est difficile de se défaire.

Le fait de fumer des joints y est abordé comme un mal dont il est difficile de se passer dans ces moments psychologiquement durs à traverser :

« Y’a pas qu’ce soir que j’ai les idées bancales
Tout oublier j’ai essayé long time
Donc j’fais qu’fumer
J’sais pas si c’est bon bail… »

« J’ai compris que la beuh ça m’aidait pas
Mais ça me détend
Quand j’veux pas faire face à tous mes torts… »

Contrairement à ce qui peut se faire en général dans le « rap » moderne, elle est donc lucide sur la fonction de cette drogue au quotidien.

Au delà de cette question, la scène trap a tendance à tourner en rond dans le nihilisme. On a ici quelque chose qui montre ce qui peut lui être apporté en terme de sensibilité et de réalisme. Comme ces plans en voiture, filmés de la place du chauffeur qui retranscrivent bien dans le clip une scène tout à fait typique dans la jeunesse, qui pourrait se trouver dans une story Instagram.

Tout cela est forcément satisfaisant à voir et à écouter au milieu d’un mouvement musical largement dominé par la superficialité, souvent machiste d’ailleurs.

Avec ses basses lourdes, son arythmie typique et ses possibilités illimitées en terme de nappes mélodiques, la trap est un style qui convient très bien à la rêverie et à l’introspection, il serait dommage de s’en priver.

Ce morceau tombe donc comme un fruit mûr, avec une artiste ayant gagné en indépendance et en profondeur. Starline nous montre qu’on peut être une 2000 avec l’amour du rap des années 1990, vivre avec son temps et participer à un nouveau souffle.

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Culture

Melody, de Waris Hussein (1971)

Mercredi après-midi (ou Melody en version originale) est un film britannique de 1971 réalisé par Waris Hussein et écrit par Alan Parker, dont c’est la première participation pour le cinéma (il réalisera plus tard des films tels que Mississippi Burning, Angel Heart, Midnight Express…).

Film méconnu, il s’agit pourtant d’une œuvre magnifique, saisissant comme rarement une étape clé de la jeunesse, celle du premier émoi amoureux.

On y suit le jeune et discret Daniel se lier d’amitié avec le bien plus turbulent Ornshaw, et tomber sous le charme de Melody.

Le film adopte le point de vue des enfants, que ce soit au niveau du récit où tous les adultes sont des personnages secondaires, ou au niveau de la mise en scène où la caméra, lorsqu’elle quitte ses larges plans d’ensemble, se met à hauteur d’enfant pour mieux mettre à jour leur sentiment, leur vision (parfois rétrécit, comme lors des premiers flirt amoureux) du monde.

Alan Parker, qui a beaucoup travaillé dans la pub, accordera à ses propres réalisations énormément d’attention à travailler l’image de ses films, à l’ambiance, parfois au détriment de la narration. On voit ici qu’il n’était pas non plus dénué de talent de conteur.

Associé à la réalisation de Waris Hussein le film parvient à mêler poésie et réalisme des moments simples qui font la vie de l’enfance, que ce soit à l’école, au sein de sa famille, où à l’extérieur à flâner et faire les 400 coups avec les copains. 

Si le film s’attarde principalement sur les garçons, les moments mettant en scène les jeunes filles visent tout aussi juste, révélant leur plus grande maturité, que ce soit lors des scènes de danse, ou de discussion à propos des garçons.  À l’inverse les garçons sont nettement plus premier degré, plus maladroit.

Au cœur du récit, il y a cette histoire d’amour adolescente, bouleversante par ses moments de vérités, ces regards qui en disent long, ces instants de gênes, les répercussions que cela peut avoir sur les amitiés (principalement masculines). 

On se laisse totalement porter par ce film, sa joie de vivre communicative. Pour autant l’arrière-plan social n’est pas oublié, il n’est jamais très loin, principalement par le biais des parents bien différents de Daniel, Ornshaw et Melody. La violence du monde des adultes, notamment à l’école, est présentée de manière assez frontale.

Malgré cela l’énergie, l’envie de vivre, d’aimer, de cette jeunesse prend le dessus et permet d’affronter tous les obstacles, jusqu’à cette séquence finale libératrice.

Tout cela est accompagné par de superbes compositions du groupe de pop rock britannique Bee Gees, en parfaite symbiose avec la poésie et la candeur du film.

Celui ci rappelle fortement d’autres films adoptant le point de vue de la jeunesse et notamment La bande des quatre de Peter Yates (1979), qui s’attardera aussi sur les moments de vie de jeunes un peu plus âgé, à la frontière du monde des adultes, avec le même talent pour souligner toute la dignité de cette vie sur un ton poétique et humoristique, sans pour autant gommer les rapports sociaux. Et c’est dans les années 1980 que ces films adolescents connaîtront leur plus grand succès avec des titres comme The Outsiders (Francis Ford Coppola, 1983), Breakfast Club (John Hugues, 1985), Stand By Me (Rob Reiner, 1986), ou encore Heathers (Michael Lehmann, 1989). 

Soulignons cependant que ce genre existait depuis des années, avec des gros succès comme La fièvre dans le sang (Elia Kazan, 1961), ou même avec La dernière séance (Peter Bogdanovich, 1971), sorti aux États-Unis la même année.

Parmi tous ses titres Melody fait pâle figure en termes de reconnaissance et de réputation. Il n’a pourtant rien à leur envier, son sujet intemporel étant porté par une forme d’une grande modernité qui n’a pas pris une ride.

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Culture Culture & esthétique

Playlist Grunge

Le grunge a été un mouvement très profond dans la révolte existentielle, avec une indifférence à la fois placide et tourmentée aux exigences du capitalisme.

L’ambiance dépressive due à la pandémie doit amener une revalorisation du grunge, ce style de musique apparue dans les années 1990. Car si on parle de vie en société, de culture, on peut voir que le grunge a prôné une sortie de tout cela, un refus complet de participer. On est à rebours de la culture punk et punk hardcore, où il y a un désengagement du monde mais pour une révolte. Dans le grunge, on est dans un tourment existentiel consistant tout simplement au refus d’en être.

C’est somme toute très actuel voire une anticipation d’une société qui a fait le tour d’elle-même.

Si on devait ou pouvait résumer le grunge, ce serait simplement : ben non, on ne fait pas. On se pose dans un coin et puis non. On refuse de « grandir », d’être conforme à une société qui contamine tout avec sa consommation, qui est donc victorieuse, mais nous au moins on est de côté.

Le grunge n’a toutefois rien à voir avec les zadistes. Ces derniers ne se mettent pas de côté, ils prétendent vivre à part, en autarcie. Le grunge accompagne le monde, il l’accompagne par son style indifférent, des sons abrasifs, une affirmation d’une déchirure.

Le grunge est avant tout quelqu’un qui ne peut pas s’empêcher d’être lui-même et qui affronte avec indifférence le monde, jusqu’à l’autodestruction éventuellement, mais sans artifices comme les punks, les zadistes, etc.

Le grunge est un pessimisme résigné, tourné vers lui-même, mais pas anti-social, non-social, avec un refus de la logique dominante. C’est du décalé assumé, pas esthétisant, c’est un moyen de se préserver, une tentative d’échapper à la pression par une surface à la fois lisse et balafrée.

Il y a beaucoup à apprendre du grunge, une révolte authentique, limitée car sans perspective et niant les masses au profit d’un repli individuel, mais qui est le dernier mouvement de rébellion échappant à l’omniprésence de l’ego tout puissant du capitalisme avancé.

Voici la playlist en lecture automatique :

  1. Nirvana – Negative creep (1989)
  2. Mudhoney – Touch Me I’m Sick (1996)
  3. 7 Year Bitch – 24,900 Miles Per Hour (1996)
  4. Alice In Chains – Down in a Hole (1992)
  5. Hole – Violet (1994)
  6. Soundgarden – Fell On Black Days (1994)
  7. Nirvana – Peel Session (1991)
  8. Pearl Jam – Even Flow (1991)
  9. Babes In Toyland – Bruise Violet (1992)
  10. Alice In Chains – Would? (1992)
  11. The Melvins – Honey Bucket (1993)
  12. L7 – Pretend we’re dead (1992)
  13. Screaming Trees – Shadow of the Season (1993)
  14. Mad Season – River Of Deceit (1995)
  15. Babes In Toyland – He’s My Thing (1990)
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Culture

La situation du monde du spectacle et de la fête face à la crise sanitaire

La crise sanitaire bouleverse profondément la société et cela concerne particulièrement le monde du spectacle et de la fête, qui se retrouve littéralement broyé par la situation. Il y a une colère face à cela, qui est en partie juste, mais qui n’est malheureusement pas à la hauteur. L’ampleur de la crise est nié, minimisé, alors qu’il y a en fait un moment historique tout à fait nouveau ; rien ne sera plus jamais comme avant.

À part quelques exceptions durant l’été, qui relevaient en général du bricolage, plus rien n’est possible depuis presque un an maintenant, et forcément cela fait très mal. Les clubs, salles de concerts, théâtres, cinémas, festivals, sont à l’arrêt complet, sans aucune perspective de réouverture avant au moins le printemps 2021. Et encore, si cela se fait, ce sera de manière altérée.

Il y a forcément pour les artistes et les intermittents du spectacle, les serveurs et les programmateurs de salle ou de festival, un goût amer face à la ruée dans les magasins, ou bien l’ouverture des lieux de cultes, tandis qu’eux sont mis de côté.

Cette question des lieux de cultes est d’ailleurs particulièrement prégnante, puisqu’il est considéré dans le monde de la culture que celle-ci relève autant d’un besoin essentiel que la religion.

C’est là tout à fait vrai, et en même temps tout à fait faux, car typique d’une erreur dans la façon de considérer la crise sanitaire actuelle et ne de pas saisir son enjeu.

C’est vrai, car on ne vit pas sans culture, sans art. Mais il est erroné de croire que la culture et l’art ont cessé d’exister avec les mesures sanitaires, alors que pour les religions par contre, et particulièrement pour le catholicisme, il n’y a pas de foi possible sans communion, et donc sans messe à l’Église.

Ce sont là deux choses tout à fait différentes. On peut se passer de faire la fête et d’aller au théâtre tout en menant une vie culturelle à la maison, même avec un confinement strict, alors que les croyants ne peuvent plus vraiment vivre sans aller à l’Église. C’est le principe de l’Eucharistie, où l’hostie qu’on mange… est vraiment le corps du Christ, pour le catholicisme romain.

Il ne s’agit pas ici de défendre le catholicisme romain et sa croyance erronée en le ciel avec un Christ qu’on mange le dimanche, mais de se servir de cet exemple pour bien de comprendre ce qui se joue vraiment pour la culture. L’État en France est une grande machinerie administrative et son essence n’est pas démocratique. Néanmoins, l’État n’existe pas de manière abstraite au dessus des classes sociales et cela fait que son fonctionnement répond aux contradictions de la lutte de classes.

Cela donne la situation suivante :

1) l’État défends principalement les intérêts de la bourgeoisie (donc du capitalisme), car c’est la classe dominante (et le système économique dominant) ;

mais,

2) il doit prendre en compte la pression populaire (donc prendre des mesures sanitaires), pour éviter la colère des classes populaires (qui ne supportent pas l’attentisme face au covid-19).

Dans tous cela, le monde du spectacle et de la fête se retrouve mis de côté, avec son sort réglé administrativement, avec une réouverture sans cesse renvoyée aux calendes grecques.

Pour la bourgeoisie (donc le capitalisme), c’est acceptable et il est considéré que cela peut être supporté économiquement ; Jean Castex explique alors qu’il suffit d’accorder une rallonge de 35 millions d’euros au ministère de la Culture, en plus des mesures pour maintenir sous respiration artificielle les travailleurs et entreprises du secteur.

Pour les classes populaires, c’est également tout à fait acceptable. Ce qui compte principalement est d’endiguer l’épidémie sur le territoire et cela vaut bien, pour éviter au maximum le brassage de la population, la fermeture des clubs, salles de concerts, théâtres, cinémas, festivals, etc.

Cela n’a rien d’absurde d’ailleurs, car forcément l’ouverture des lieux de culture amène la population à se concentrer, se mélanger, et faire circuler le virus, quelque soient les mesures sanitaires qui sont prises.

On peut tout à fait regretter que les classes populaires acceptent cela tout en ne se révoltant pas contre le fait que les magasins de vêtement ou d’électro-ménager soient ouverts, alors qu’ils sont tout autant des lieux de brassage qu’on pourrait éviter.

Pour autant, on ne peut pas se contenter de dire « le spectacle et la fête doivent reprendre coûte que coûte », « l’État a tort sur toute la ligne », « la crise sanitaire est un prétexte pour s’en prendre à la culture », etc.

Certains pratiquent la fuite en avant ouverte, comme les nihilistes anti-sociaux qui ont organisé une free party en Ile-et-Vilaine le 31 décembre. C’est ce que dit également le manifeste petit-bourgeois « CULTURE 4 LIBERTY », qui appelle à des rassemblements le 16 janvier 2021, en marge des manifestation contre le projet de loi « sécurité globale ».

Certains le font à moitié, en ayant une tentative de réflexion sociale, comme la CGT spectacle qui organisait ces derniers jours des Assemblées générales en ligne, pour dire « Madame Bachelot, Nous voulons travailler », et qui envisage une journée de manifestions le 19 janvier (faisant suite à celle du 15 décembre dernier).

Toutefois, dans les deux cas, c’est largement à côté de la plaque, et en tous cas indigne de ce que doit être l’art et ce que peuvent être les artistes. Trop souvent, le monde la culture vit dans une bulle, en dehors de la société et de la marche du monde, dans un milieu auto-centré et auto-référencé.

Or, la culture authentique n’existe pas sans les classes populaires, sans être portée par les classes populaires. Et en l’occurrence, l’actualité populaire, c’est la crise sanitaire, qui est le reflet d’une immense crise écologique, et qui annonce au passage une crise économique de grande ampleur.

L’actualité, qu’on le veuille ou non, n’est pas d’aller au musée ou de faire la fête en boîte, mais d’assumer que l’humanité est à un tournant et que le covid-19 est un symbole de ce tournant. C’est l’aspect principal et il faut avoir le sens des priorités.

La situation est grave et douloureuse pour les artistes et les acteurs du spectacle et de la fête. Mais ce serait une erreur de croire que tout va devenir comme avant en se contenant de demander à l’État d’accélérer les choses par une meilleure « gestion » et surtout d’allonger la monnaie.

Les artistes, et le monde de la culture en général, n’avanceront qu’en assumant l’ampleur de la tâche à laquelle est confrontée l’humanité. L’humanité doit faire face à une pandémie dramatique, qui n’est en même temps qu’un aspect minuscule d’une crise écologique absolument gigantesque !

Alors, soit il y a l’art et le monde de la culture pour donner de la dimension à tout cela, pour aider l’humanité à se tourner vers la nature et saisir les problèmes à bras le corps, dans une perspective positive et constructive. Soit chacun reste campé sur ses positions et se rattache au « monde d’avant », et alors les années à venir seront celles d’une immense chaos… au milieu d’une guerre mondiale pour le repartage du monde.

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Culture

Le détestable appel «CULTURE 4 LIBERTY»

L’appel « CULTURE 4 LIBERTY » a un écho dans les milieux de la culture se voulant alternative en France, principalement ceux liés à la musiques électronique et aux grandes villes. C’est en apparence ce qui se fait de mieux contre la Droite. C’est en apparence ce qu’il y a de plus progressiste, de plus à Gauche.

En réalité, c’est là du libéralisme libertaire, produit par les milieux petits-bourgeois d’entrepreneurs de la culture et les milieux LGBT, à travers une Union des Collectifs Festifs LBGTQ+ et un Syndicat des organisateurs cultures libres et engagés (SOCLE).

Pour eux, la crise sanitaire n’existe pas, tout ce qui compte est de continuer à faire la fête comme avant, avec une attitude typique d’enfants gâtés par la société de consommation, avec l’habituel discours existentialiste :

« Devant la peur politisée de la mort qui a convaincu les citoyen.ne.s d’abandonner leurs libertés naturelles et d’accepter la construction progressive d’une « sécurocratie », nous opposons notre amour intangible à la vie et un attachement sans faille à nos libertés. »

Plus capitaliste que ça, tu meurs ! C’est une rébellion contre la collectivité et contre le moindre collectivisme. C’est on ne peut plus typique de cette attitude détestable qui pollue la Gauche et les milieux culturels se voulant alternatifs.

Voici l’appel :

CULTURE 4 LIBERTY

APPEL AU RASSEMBLEMENT POUR LA CULTURE DANS LE CADRE DE LA MANIFESTATION CONTRE LA LOI DE SÉCURITÉ GLOBALE
SAMEDI 16 JANVIER 2021

La crise sanitaire sans précédent que nous traversons a fait entrer le monde dans un point de bascule. Jamais auparavant nous n’avions traversé une période aussi propice pour établir un état des lieux de notre société et du système qui la gouverne, afin d’en améliorer ou d’en réorienter les aspects parfois néfastes et destructeurs. Malheureusement nous constatons avec une inquiétude grandissante que les gouvernements utilisent cette crise pour nous plonger dans des systèmes de plus en plus autoritaires gouvernés par la peur, pour saper nos démocraties en annihilant nos libertés, nos droits fondamentaux, Le secteur de la culture et en renforçant l’autorité de l’Etat en élargissant le champ du pouvoir exécutif tout en outrepassant le parlement et en restreignant le pouvoir judiciaire au sein d’un état d’urgence devenu permanent. Les projet de lois « Sécurité Globale » et « de gestion pérenne des urgences sanitaires » en sont les plus récentes illustrations.

Après les rassemblements contre la fermeture prolongée des lieux de culture du 15 décembre réunissant des milliers de personnes, nous appelons les acteur.trice.s du monde de la culture à organiser des assemblées citoyennes le samedi 16 janvier à 13h, sur la Place de la République à Paris et sur les places symboliques de France.
Nous vous invitons à entamer un processus de réflexion sur l’état de la culture, des libertés et à penser ensemble l’avenir de notre démocratie.

Les deux reports successifs de l’ouverture des lieux culturels malgré la reconnaissance par le Conseil d’Etat que cette décision « porte bien une atteinte grave à une série de libertés fondamentales » a été un ultime coup de grâce . Nos espoirs de lever le rideau se sont retrouvés anéantis du fait d’une décision gouvernementale prise sans concertation avec les acteur.trice.s clés de la culture. Cette annonce aggrave l’état d’un secteur déjà lourdement fragilisé par plusieurs mois d’inactivité et est tombé comme une sentence de condamnation pour celleux de ses acteurs.trices qui ne pourront compenser leurs pertes à défaut de mesures gouvernementales leur permettant de reprendre leurs activités.

La crise va s’inscrire dans le temps. Il est urgent de trouver une solution juste, pérenne et concertée pour la culture.

Nous, professionnel.le.s de la culture, demandons la réouverture immédiate des lieux culturels!

Nous sommes des éléments fondamentaux d’écosystèmes territoriaux qui vivent grâce à l’activité que nous créons. Notre secteur, qui représente 2,5% du PIB français et environ un millions d’emplois directs et indirects, est aujourd’hui à l’arrêt. Les travailleur.euse.s de la culture vivent dans une incertitude insoutenable, suspendu.e.s à l’annonce d’une décision de réouverture repoussée à des dates hypothétiques. Les annonces prématurées du gouvernement ont mené les théâtres et les cinémas à engager des frais de répétitions, de promotion, d’achat de films, qui sont irrécupérables. La gestion incohérente et arbitraire de cette crise est vécue comme un affront par les professionnel.le.s du secteur.

En ayant désigné de façon partiale nos œuvres et créations comme « produits non essentiels », les autorités gouvernementales ont réduit la culture avec un mépris sans pareil à un produit de consommation dont la société doit se passer en temps de « crise sanitaire ». La privation d’activité qui nous est imposée est en train de tuer la culture à petit feu, et quand les œuvres meurent, le peuple meurt avec elles. Notre sentiment d’injustice augmente quotidiennement à la vue des métros bondés, des foules poussées à s’agglutiner dans les grands magasins et nous comprenons avec amertume que ces choix sont bien politiques plutôt que scientifiques lorsque nous voyons des messes de 800 personnes autorisées à avoir lieu quand les cinémas, les musées, les théâtres restent fermés malgré leur aménagement adéquat pour accueillir des jauges restreintes et appliquer des protocoles sanitaires strictes.

La vie culturelle doit reprendre !

Au moment où la crise économique s’annonce dramatique, les décisions gouvernementales poussent, malgré nos mises en garde continues, l’ensemble des professionnel.le.s dans la précarité. Environ 700 clubs ont déjà mis la clef sous la porte et plus d’un tiers sont menacés. L’ interdiction depuis bientôt un an des concerts, des clubs, des soirées alternatives pousse tout le secteur de la musique indépendante dans une grande souffrance économique et ce sont une nouvelle fois les artistes les premiers à en pâtir. Le manque de sociabilité et la fermeture des lieux dédiés rend la jeunesse, plus encore les minorités sexuelles et de genre, d’autant plus vulnérable à l’isolement social et provoque une augmentation sans précédent des violences physiques et verbales subies par les jeunes LGBTQI+ dans le cadre familial. Les cinémas n’ont vu affluer en 2020 qu’environ 30% de la fréquentation annuelle moyenne à tel point que l’on s’interroge sur leur survie et leur capacité de concurrencer les plates-formes numériques, les exploitant.e.s de salles de théâtre et de concert étouffés par les charges fixes n’arrivent plus à assumer les loyers et ont due fermer des salles qui ne rouvriront jamais. Beaucoup d’artistes, d’auteur.trice.s et d’acteur.trice.s du secteur sans statut ne reçoivent pas d’aide et nombre d’entre eux.elles sans revenus depuis plusieurs mois se trouvent aux portes de la pauvreté ! La perte économique pour l’ensemble des festivals annulés s’estime entre 4 et 5 milliards d’euros et dans notre secteur composé à 80% d’indépendant.e.s plus de la moitié des acteur.trice.s de la culture risquent la faillite !

Le 8 septembre dernier, la Cour de Justice Européenne a acté une décision en faveur des Etats-Unis qui priverait la production indépendante française ( via les organismes de gestion des droits d’auteurs Spedida, SCPP, SPPF, FCM ou Adami) de financements indispensables à sa survie et imposerait le remboursement de 140 millions d’euros d’aides. Cet argent, qui ne sera évidemment pas redistribué aux artistes américains ira tout droit dans la poche des GAFAM et autres grands groupes de production.

Par cette décision, la cour de justice européenne a signé l’arrêt de mort des « petites productions » et labels indépendants dans l’indifférence la plus totale de nos autorités.

Cette mise en péril dramatique du secteur culturel a été entamée dès les premiers jours du confinement de mars. La musique s’est depuis soudainement éteinte et nous observons avec inquiétude que nos libertés individuelles, notre liberté d’expression, nos droits fondamentaux, notre art de vivre qui constituent le socle de notre démocratie sont sur le point de s’éteindre.

Nous, ces millions de femmes et d’hommes, artistes, actrices et acteurs de la culture sommes rongé.e.s par l’angoisse de l’incertitude. Regardant chaque jour la précarité se rapprocher du rideau de nos scènes vides, nous répondons qu’en ces temps de crise nos créations sont indispensables et sont l’essence même de notre société. Nos arts soignent, nourrissent, élèvent, enseignent et en sont le ciment.

« Sans les cultures de la nuit, les théâtres, les opéras, les bals, les boites, les clubs où l’on s’élève comme nul par ailleurs, où l’on socialise sans entrave, où l’on se libère, apprend à se connaitre, la société fait bien plus que perdre sa soupape, elle se dégrade, se détraque. » (Manifesto XXI)

Nous refusons de laisser sombrer la culture face aux inconséquences des gouvernements successifs d’Emmanuel Macron. La gestion de cette crise sanitaire s’avère toujours plus incompétente et aggrave une situation économique déjà profondément fragilisée. Ne laissons pas mourir toute la force créatrice de notre génération sans réagir. Mobilisons-nous !
Plus que jamais, le monde de la culture doit prendre ses responsabilités et mettre au service des libertés toute sa créativité.

Nous lançons un appel à tou.te.s les artistes, les producteur.trice.s et diffuseur.se.s culturels, les organisateur.trice.s de soirées, les troupes de danse et de théâtre, au monde de la culture, aux intellectuel.le.s, aux étudiant.e.s, à tou.te.s les garant.e.s des libertés pour une mobilisation massive et continue sur les places de France et sur les réseaux sociaux afin de repenser et réinventer ensemble les fondements de notre société.

Devant la peur politisée de la mort qui a convaincu les citoyen.ne.s d’abandonner leurs libertés naturelles et d’accepter la construction progressive d’une « sécurocratie », nous opposons notre amour intangible à la vie et un attachement sans faille à nos libertés.

Face au scénario dystopique que les autorités imposent comme unique récit de notre futur où des drones surveilleront les grèves et mobilisations sociales, où nos visages seront en permanence surveillés, fichés, classés par des algorithmes, où des policier.e.s en dehors de leur service pourront pénétrer armés dans nos musées, dans nos lycées, dans nos fêtes, où l’on risquera trois ans d‘emprisonnement pour avoir occupé une université, où des passeports sanitaires seront la condition de nos déplacements et voyages, où nos procès virtualisés seront déshumanisés. Un monde où l’état s’immisce étroitement dans nos quotidiens, décide de ce qui est bon que nous fassions : dormir, déposer les enfants à l’école, travailler, se nourrir, faire nos achats de noël et nous interdit de fréquenter des cafés, de manger au restaurant, d’aller au musée, au cinéma, au théatre, dans un concert, de vivre une vie étudiante, de se rassembler pour faire la fête, de fêter le nouvel an. Un monde « parfait » où le « gestionnnariat » arbitraire gouverne des humains parfaitement déshumanisés.

Face à ce scénario qui s’écrit sous nos yeux , opposons ensemble une multitude d’imaginaires optimistes émanant de la pluralité de nos pensées, de la diversité de nos corps et du champ de nos émotions libérées.

Face à ce qui s’apparente à une attaque sans précédent contre la démocratie.

A L’appel de l’union des collectifs festifs LGBTQ+ : artistes, créateur.trice.s, danseur.euse.s, musicien.ne.s, intermittent.e.s, technicien.ne.s, producteur.trice.s de soirées, de spectacles, de festivals, de Soundsystem, collectifs de soirées LGBTQI+ et tou.te.s les professionnel.le.s de la culture, faisons de l’art le vecteur de la contestation sociale et politique, par ses contenus et ses formes.
Faisons de cette journée citoyenne une libération de la créativité de tou.te.s au service d’un soulèvement des consciences. Utilisons nos savoirs, nos techniques et nos compétences fédératrices pour libérer la parole que les confinements et couvre-feux ont mis en sourdine. Libérons les débats à tous les étages de la société, et faisons de la créativité notre arme essentielle. Imaginons et esquissons les lignes du monde dans lequel nous voulons vivre et construisons les remparts contre les attaques menées contre les libertés.

Libérons la culture, Défendons nos libertés !

Liste de revendications :
https://docs.google.com/document/d/e/2PACX-1vTCT3EPdqg8wR1FbYkFzLJTSOGdcCS3QwzA9mnt5MS9dYrvc5HPaYx00G8UWfEQRgHaTRW5QCeEWqJq/pub

#Culture4Liberty

L’Union des Collectifs Festifs LBGTQ+
https://www.facebook.com/uniondescollectifsfestifslgbtq/
Le Socle
https://www.facebook.com/syndicatsocle

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Culture

Un homme qui dort, de Bernard Queysanne et Fight Club, de David Fincher

S’il est un thème universel qui unit la religion, la politique et les arts, c’est le rapport qu’entretient l’individu à la souffrance de ses contemporains. Un homme qui dort (Bernard Queysanne, 1974) et Fight Club (David Fincher, 1999) sont une variation de ce thème.

Ces deux films sont très différents dans leur forme. Un homme qui dort trouve dans l’usage du noir et blanc une sobriété (toute relative toutefois, puisqu’il est aussi prétexte à une série d’expérimentations visuelles) qui sert son propos. Au contraire, l’outrance de Fight club est servie par un travail sur la température de la lumière qui oscille du vert au jaune, perturbant ainsi toute la perception des couleurs qui participe à la violence ressentie par le spectateur. Dans le registre des différences, on note également les mouvements de caméra, limités pour Queysanne alors que la caméra bouge sur tous les axes chez Fincher. De même, la musique est discrète pour Un homme qui dort, alors qu’elle cogne le spectateur dans Fight Club.

Au delà de ces partis pris esthétiques qui irriguent ces films, et qu’il ne faut pas négliger car le cinéma n’est que forme, la filiation entre ces œuvres est indéniable. Toutes deux plongent le spectateur dans des détails dont l’accumulation fait vriller la perception de la réalité. Tout cela, semble-t-il, au service d’un propos.

Le propos, comme il a été dit, est le rapport qu’entretient l’individu à la souffrance des autres.

Les deux films présentent un personnage principal qui est un jeune adulte, intégré socialement, qui ne rencontre pas de difficulté particulière à aller au devant de la vie. Il se prépare à se faire une place dans la société de consommation quand il décide de faire un pas de côté. Le protagoniste est un rebelle.

Les deux narrations sont soulignées par une voix off. Un homme qui dort est, comme le roman éponyme de Georges Pérec que l’auteur a lui-même transposé en scénario, traversé de bout en bout par des phrases dont l’unique sujet est le pronom « tu ». L’actrice Ludmila Mikaël est la seule voix de ce film dépourvu d’expression orale des personnages. Dans Fight Club, dont la visée commerciale ne pouvait de toute manière pas permettre un tel parti pris, les dialogues sont nombreux entre les divers personnages, mais le personnage principal apporte des explications directement au spectateur en voix off, employant le « je ».

Dans les deux films la vie moderne devient insupportable au protagoniste. Le décor urbain, les immeubles notamment, y tient une place importante, représentant la civilisation dans sa dimension inarrêtable. Le protagoniste est un solitaire, jusqu’à l’extrême dans Un homme qui dort, fuyant les convenances, fuyant les autres, leurs bruits, leurs volontés.

Un homme qui dort présente un individu qui cultive l’indifférence vis-à-vis des autres dans une absence au monde. Fight Club consiste en une violence ultra, consentie librement dans un rapport contractualisé, par laquelle les individus existeraient de manière plus authentique. 

Le personnage principal de ces films, chacun à sa manière, s’interroge sur sa propre complétude. Il constate son insatisfaction, jusqu’à mener une expérience existentielle extrême. Il mettra alors son humanité en jeu, à la recherche d’une forme de transcendance qui le placerait au-delà des autres.

Obnubilés qu’ils sont par leur propre personne, ces hommes sont incapables d’aimer. Dans Un homme qui dort, l’indifférence aux autres, en particulier aux femmes est un des principaux aspects de l’expérience, jusqu’à ressentir « la douleur du désir ». Fight Club est quant à lui contenu tout entier dans une relation toxique dont la figure féminine est la victime. La complaisance avec laquelle le film présente la violence exercée contre cette femme, Marla, en la condamnant à revenir toujours vers son tortionnaire, est l’un des éléments qui rendent ce film particulièrement abject.

Fight Club propose l’histoire du projet subversif d’un individu qui mine une société entière en menant son aventure personnelle. En cela, le film a la prétention d’être lui-même subversif. Mais la prétendue lutte armée du « projet chaos » que dirige le protagoniste n’est qu’une bouffonnerie altermondialiste, l’omniprésence de la violence, l’étalage de la sexualité-crasse et la fameuse histoire du savon donnant par ailleurs des allures de conte nazi à l’ensemble. Cette impression n’est pas démentie par la dénonciation de l’argent, des banques et de la finance comme ennemi politique du Fight Club.

Un homme qui dort est lui aussi une histoire de subversion. Une séquence clef présente le jeune protagoniste dans un square, sur un banc qui fait face à un autre banc sur lequel est assis un vieil homme. La voix off déplore que le jeune homme ne sache atteindre l’immobilité parfaite du vieil homme, tandis que la caméra tourne lentement autour des personnages. Le film est compris dans le contexte de la France de l’immédiat après mai 1968, alors que le roman duquel il est tiré est marqué par la société bloquée des années de Gaulle, par le conservatisme.

Dans leur volonté attentatoire à la morale, les deux films présentent des protagonistes usant du même procédé : le masochisme. C’est en aimant celui qui le fait souffrir que le Fight Club propose aux individus de devenir des hommes à part entière. Un homme qui dort, quant à lui, s’oublie dans une violence sourde, ou plutôt muette, dans une négation de ce qu’il est, de son intelligence, de sa sensibilité, de son intérêt pour les autres, pour tenter de n’être qu’un observateur passif, oisif et inopérant. 

Par le fantasme et la schizophrénie dans Fight Club et par le sommeil et la contemplation emprunte de négativité dans Un homme qui dort, les protagonistes et, avec eux, les films entiers (donc bien entendu les réalisateurs et les spectateurs), assistent à la disparition du réel.

Cette affirmation est traitée à l’écran dans deux séquences au fond assez semblables dans chacun des films. Il s’agit des saccades et dégradation de la « pellicule » du film, de sa matière donc, au moment où le spectateur apprend que le double du protagoniste de Fight Club est projectionniste. Il s’agit d’une clé de lecture, mettant clairement en doute la moindre prétention au réalisme du film. Ainsi, rien ne serait réel, nous assisterions à une sorte de mise en abîme, à du cinéma dans le cinéma…

Dans Un homme qui dort, suivant une envolée du texte qui marque la profonde détestation du protagoniste pour les autres, l’image se dégrade durant une longue séquence. Le contraste s’accroît tant que le gris disparaît, l’image est alors sans nuance, composée de traits simplifiés en noir profond et blanc aveuglant. La caméra à l’épaule fend la foule, au plus proche, le grand angle déforme les perspectives, les visages et les corps apparaissent enlaidis. C’est la représentation déformée du délire du protagoniste qui approche de la fin de son aventure existentielle.    

George Pérec

A propos de sa démarche intellectuelle, Georges Pérec a dit : « S’il y a une image qui me parle d’avantage, ce serait celle d’hyperréalisme, ou l’accumulation de détails finit par rendre la chose complètement onirique, c’est le réel irréel ».

En dernière analyse, ces deux films, par leur prétention à faire disparaître le réel, sont à deux temps d’un même mouvement culturel : le postmodernisme. Un homme qui dort se situe au début de ce courant qui cherche à nier que tout ce qui est réel est rationnel, le personnage de Georges Pérec touche le fond dans une violence irrationnelle, mais il aboutira à une conclusion édifiante. Au contraire, avec Fight Club, l’individu renonce à toute quête de sens, la seule issue est alors le chaos, la destruction.

Fight Club se situe par ailleurs à un point de bascule dans l’histoire du cinéma. Il est le premier film dans lequel les images numériques intègrent toutes les dimensions du film, des mouvements de caméra à la post-production. Depuis, la CGI n’aura fait que toujours plus prendre le pas sur la mise en scène d’images réelles. Avec Fight Club, plusieurs réalités indépendantes s’engendrent et les instances narratives se diversifient. Le spectateur ne comprend rien, ou bien il comprend ce qu’il veut, à moins que, tout simplement, il n’y ait rien à comprendre.

Un homme qui dort est plus mesuré dans son attentat contre le réalisme. Il se conclut sur le constat de la vanité de l’expérience menée par le protagoniste. « L’indifférence ne t’a pas rendu différent ». Le protagoniste reste soumis au temps, qui règle invariablement la vie de tous. Le film est d’une grande virtuosité formelle et constitue une expérience sensorielle pour le spectateur. Il a reçu le prix Jean Vigo en 1974.

Après un échec en salles à sa sortie en 1999, Fight Club a connu un regain d’intérêt au travers des nombreuses éditions en DVD. Aujourd’hui, ce film est considéré par certains comme un objet culte. Il est indéniable que de la promesse de voir Brad Pitt à demi nu participe au succès de l’exploitation commerciale du film. Mais au-delà, c’est aussi que le postmodernisme a, depuis, débordé de la philosophie, de l’art, pour se répandre dans toute la société.

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Culture

«Il faut présenter un “front culturel électronique uni”»

Voici une tribune, initialement publiée sur le site traxmag.com :

« REPRENONS LA NUIT EN 2021 :
Appel à une convergence des luttes électroniques, mobilisation générale

Par Kevin Ringeval (Cordinateur national Technopol / La Sphère Électronique)

La bataille pour la reconnaissance et le droit à l’expression des musiques électroniques, et plus largement du monde de la vie nocturne, est engagée. Aujourd’hui, c’est la moitié du tissu culturel nocturne qui est en grand danger d’extinction, le risque est de voir s’effondrer des pans entiers d’un secteur indispensable, vecteur de liens culturels et sociaux. Les décisions arbitraires des pouvoirs publics concernant le monde de la culture, sans une mobilisation conjointe des acteurs, auront bientôt fini de faire disparaître des milliers d’emplois et de rendre la nuit mortifère !

Malgré les obstacles, les épreuves et le silence obligé du fait du Covid 19, c’est une communauté résiliente qui depuis plus de 30 ans en France fait preuve d’adaptation permanente.

Richesse artistique nourrie d’une multitude d’expressions diffusées en festival ou en club, c’est une spécificité très forte qui vit dans le combat et l’inventivité permanente. 

Or, aussi surprenant que cela puisse paraître, fort de 416 millions d’euros HT de chiffre d’affaires annuel, soit 17% du marché des musiques actuelles, les courants électroniques doivent encore se défendre pour obtenir enfin une reconnaissance culturelle, SA légitimité !

Cette singularité française, cette culture électronique made in France doit désormais trouver sa propre voie, une place de choix dans le cœur de nos institutions. 

L’écosystème électronique est constitué d’une multitude de métiers disposant chacun d’une expertise sur son secteur d’activité (producteurs de spectacles, artistes, entreprises de lieux musicaux festifs et nocturnes, festivals, labels, management…). Il est pourtant malheureux de constater que l’union des acteurs n’est toujours pas à la hauteur des enjeux.

Une véritable convergence est indispensable afin d’imposer un rapport de force important et déterminant, c’est une absolue nécessité, face aux dangers à venir. Il faut  présenter un “front culturel électronique uni” qui rassemble massivement citoyens, organisations syndicales, fédérations professionnelles et associations engagées, afin de protéger les professionnels de la vie culturelle nocturne : artistes, techniciens, administratifs, producteurs, lieux, attachés de presse…

Il est temps d’apprendre à se rassembler autour de grands rendez-vous d’actions interprofessionnelles et unitaires, d’articuler les différents mouvements sectoriels au sein de temps forts et de parler d’une même voix. Les représentants des différents secteurs des musiques électroniques doivent désormais apprendre à échanger et mutualiser.

Dans cette démarche, nous  devons tous nous mettre en ordre de marche  pour réclamer la sécurisation du secteur des musiques électroniques et de la vie nocturne, des discussions plus concrètes sur le futur avec l’État et enfin la reconnaissance de notre secteur pour le développement d’emplois de qualité et durables. 

La musique électronique, cette esthétique qui s’exprime la nuit, est une chance pour notre pays où culture et civilisation sont intimement liées. 

La solidarité et la fraternité sont des valeurs fondatrices de cette sphère électronique, soyons efficaces ensemble, mobilisons-nous urgemment !

Kevin Ringeval (Cordinateur national Technopol / La Sphère Électronique) »

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Culture Culture & esthétique

Playlist: French touch pop 2020

Avant on choisissait sa musique pour avoir la bande originale de sa vie défilant tel un film, maintenant il y a tellement de moyens qu’on peut réaliser soi-même le portait d’une tranche de vie. Il y a de véritables bijoux qui sont ainsi produits, mais de manière totalement aberrante, leur écho est terriblement restreint.

Serait-ce parce que c’est trop vrai, trop authentique, trop concret ? Pourtant, si c’était le cas, ces choses seraient connues et ensuite évitées, alors que là c’est une sorte de marge ! Une marge pourtant au cœur de la vie des gens « normaux ».

Ce qui joue sans doute ici, c’est qu’on doit parler d’une véritable révolution dans la musique française, car l’apport de l’électro – qui seule permet vraiment la french touch – modifie de fond en comble la chanson française : ce qu’on trouve ici aurait été dans le passé de la « variété » française – et c’est désormais de la musique populaire.

Tout a changé et ce n’est qu’un début !

Voici la playlist en lecture automatique, suivie de la liste des titres :

  • Moussa – simple X Claire Laffut
  • Michel – Appel Manqué
  • Zed Yun Pavarotti – De larmes
  • TESSÆ— À l’envers
  • Iliona – Reste
  • The Pirouettes – Encore un peu d’amour / Ciel radieux
  • La Femme – Disconnexion
  • L’Impératrice — Anomalie bleue (LIVE)
  • ascendant vierge – Impossible Mais Vrai
  • Magenta – Boum Bap (Live Rework)


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Culture

Culture: communiqué de la CGT spectacle pour la mobilisation du 15 décembre

Aujourd’hui mardi 15 décembre 2020 a lieu une mobilisation du monde de la culture, alors que le gouvernement prolonge les fermetures des lieux de culture en raison de la crise sanitaire.

Voici le communiqué de la CGT spectacle (Fédération nationale des syndicats du spectacle de l’audiovisuel et de l’action culturelle), suivit de la liste des rassemblements :

« LA POLITIQUE DU YOYO DU GOUVERNEMENT SUSCITE LA COLÈRE DES PROFESSIONNELS DU SPECTACLE !

LE 15 DÉCEMBRE, TOUTES ET TOUS DANS LA RUE !

Voici quelques semaines déjà que les professionnels du spectacle se préparent pour une réouverture des salles de spectacle et de cinéma suite aux annonces encourageantes du Président de la République le 24 novembre dernier.

Nous n’étions pas dupes sur les conditions difficiles et dégradées de cette réouverture. Pourtant, toutes et tous, nous nous sommes mobilisés pour que la vie culturelle de ce pays reprenne. Ces efforts pour que des spectacles voient à nouveau le jour, pour que les salles de cinéma réouvrent dans des conditions sanitaires permettant d’accueillir du public, viennent d’être anéantis par les annonces d’hier du Premier ministre, Jean Castex.

Face à la progression du virus, les salles de spectacle et de cinéma ne réouvriront pas le 15 décembre. Encore une fois, le gouvernement fait miroiter une nouvelle date incertaine de réouverture le 7 janvier. Cette succession d’annonces incertaines, qui nous place dans l’expectative permanente, est irresponsable ! Elle est en fait un moyen pour le gouvernement de ne pas répondre aux véritables enjeux qui traversent notre profession.

Depuis le mois de mars, une partie importante de nos secteurs sont totalement à l’arrêt. Les spectacles « debout » comme les grandes jauges sont interdites. Les grands festivals n’ont pas eu lieu, annulés les uns après les autres. Les prestataires techniques pourvoyeurs d’emploi de technicien.ne.s ne peuvent plus travailler. L’autre partie, les salles de théâtre, les scènes publiques, ont souffert d’une activité dégradée par les périodes de confinement, mesures de couvre-feu et les jauges réduites imposées dans la période.

La destruction du volume d’activité et d’emploi pour nos secteurs est donc sans précédent et appelle des réponses d’exception. Les artistes et technicien-ne-s intermittent-e-s du spectacle, les autrices et les auteurs connaissent un appauvrissement généralisé et leurs droits sociaux sont menacés particulièrement par cette baisse drastique d’activité.

Les réponses que nous sommes en droit d’attendre ne relèvent pas uniquement du ministère de la Culture, qui est fragilisé en cette période, mais de l’ensemble du Gouvernement. L’Élysée, Bercy comme le ministère du Travail doivent se montrer à la hauteur des enjeux historiques qui se posent pour nos secteurs.

Nous faisons propositions concrètes au gouvernement pour que la réponse soit enfin à la hauteur de la crise et demandons :

Un soutien financier de l’État et des collectivités aux résidences de création et répétitions pour « travailler quand même » et préparer les spectacles particulièrement dans les musiques actuelles, les arts de la rue ou le cirque ;

Un soutien aux enseignements artistiques, alors que les conservatoires voient fuir les élèves ;

La garantie de tous les droits sociaux, en particulier à la médecine du travail, à la complémentaire santé, à la formation professionnelle continue, aux droits à sécurité sociale en cas de congé maternité ou maladie, la prolongation de l’année blanche pour l’assurance chômage des intermittent.e.s du spectacle ;

Des protocoles sanitaires adaptés à nos métiers qui permettent de travailler sans mettre en danger aucun d’entre nous, non plus que le public.

N’acceptons plus cette politique du pourrissement et montrons-nous tel que nous sommes : des artistes auteurs, des artistes interprètes et des technicien.ne.s, des personnels administratifs, des enseignant.e.s artistiques qui voulons vivre de nos métiers ! Notre combat est celui de la dignité !

Le 15 décembre, jour initialement prévu pour la réouverture des spectacle, interpellons les pouvoirs publics dans toutes les régions !

À PARIS : rendez-vous (provisoire) le 15 décembre Place de la Bastille à 12H pour une manifestation sonore et revendicative !

Pour les régions : consultez notre site Internet et réseaux sociaux. Rapprochez-vous également des syndicats et des UD. »
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Voici la carte des rassemblements :

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Culture

L’inacceptable créativité du streetwear de RIPNDIP

Le streetwear de RIPNDIP est créatif, la mise en avant d’un chat blanc est ultra-créative, mais le choix du décadent est inacceptable.

La marque RIPNDIP est l’exemple même de comment la richesse matérielle permet de réaliser plein de choses, d’exprimer sa créativité, mais comment en même temps il dévie vers le superficiel. C’est une sorte de règle : des gens intelligents et créatifs disposent subitement de moyens, ils font des choses très bien, comme la série Disney The Mandalorian, puis cela tourne à la catastrophe parce qu’il faut obéir par opportunisme au mauvais goût, au culte superficiel de l’apparence remarquable et remarquée.

RIPDNIP est ici un immense gâchis. La marque été mise en place en Floride en 2009, par un skateur évidemment, Ryan O’Connor. Il a fabriqué des t-shirts sérigraphiés dans le garage de sa mère pour aller les vendre lui-même. Le nom choisi correspond à une expression voulant dire faire du skate dans un endroit où il y a la police et des vigiles, puis s’enfuir rapidement avant de se faire attraper. Mais le cœur de la marque, c’est en réalité un chat blanc, dénomme « Lord Nermal » et prétexte à une série de variations de thèmes.

Si l’on omet la vulgarité du chat dans la pose insultante, qui se veut une blague sur les habits puisqu’on ne le voit faire le geste qu’en abaissant une partie de ceux-ci, il y a une véritable créativité oscillant entre le mignon et le délirant, faisant qu’on peut y retrouver son compte, surtout que la marque est chère, mais relativement accessible.

Le côté délirant, et c’est ça qui est marquant, procède régulièrement d’une sorte de récupération / détournement de figures pop, au profit de Lord Nermal. Un nombre incalculables de choses y passe, pour le pire et le meilleur.

Le problème, c’est que la tendance au délirant a tendance à l’emporter pour de plus en plus un grand n’importe quoi, dont à la limite on peut s’écarter, du moins le pense-t-on…

Car, business et décadence oblige, RIPNDIP cumule l’apologie du cannabis et des drogues psychédéliques, les poses sexistes prenant comme prétexte qu’à l’intérieur de Lord Nermal il y aurait un extra-terrestre aux commandes. Il y a même parfois une étiquette disant que si l’habit est vraiment trop sale, il faut le confier à sa mère ou sa petite amie et aller faire du skate! Inacceptable !

On l’aura compris, fini les skateparks, même si c’est la référence à l’arrière-plan, on est passé dans la même approche que la marque Supreme : on produit tout et n’importe quoi, du beau au laid, du vulgaire au chic, du très léché au total à l’arrache, du rideau de douche au sac à dos au réveil-matin, etc.

Bref, c’est raté pour un avoir un chat blanc sur ses habits, car RIPNDIP promeut trop quelque chose de finalement malsain, visant le public aliéné cherchant à un streetwear pour se faire remarquer, dans une optique égocentrique anti-culturelle. C’est exemplaire d’un gâchis à la fois opportuniste, simpliste, sexiste, anti-vegan, alors que le potentiel était énorme de faire de Lord Nermal quelque chose de formidablement sympathique, éclairant plein d’aspects de la vie quotidienne de manière décalée et positive.

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Culture

La Science-fiction c’est la Gauche, la Fantasy c’est la Droite

Les valeurs de la Science-fiction et de la Fantasy s’opposent radicalement, reflétant le conflit entre le passé et l’avenir.

Le drapeau de la Fédération des planètes unies dans Star Trek (Wikipédia)

Il était tout naturel que le choix d’auteurs de Science-fiction de soutenir l’armée française à se moderniser, à prévoir des scénarios, provoque un grand émoi chez les amateurs de Science-fiction. C’est que la Science-fiction est historiquement le pendant de la Fantasy. Ces deux formes de littérature et de cinéma se sont particulièrement développées aux États-Unis, pays littéralement passé des cow-boys aux gratte-ciels. Cela a marqué les esprits et il y a eu deux directions opposés qui ont été prises.

Les progressistes se sont tournés vers l’avenir. Ils ont considéré que l’humanité connaissait une évolution de grande ampleur, que la vie quotidienne allait être révolutionnée, les barrières entre les Hommes dépassées. Pour eux, les préjugés ne pouvaient que disparaître, l’humanité prenant enfin conscience de l’universalité, de la nécessité de se tourner vers la découverte de l’espace, la science, la culture, la paix. Les grandes références historiques sont Cent ans après ou l’An 2000 d’Edward Bellamy en 1888, ainsi qu’au 20e siècle la grande fresque romanesque Les robots / Fondation d’Isaac Asimov et la première génération de la série télévisée Star Trek.

Les réactionnaires se sont tournés vers le passé. Ils ont inventé des mondes parallèles, dans un passé mythique, peuplé de races en guerre et de héros. Cherchant à détourner les esprits, ils ont façonné des mondes pittoresques, avec des êtres grotesques (elfes, nains…), des castes, de la magie, un combat entre le Bien et le Mal. Les œuvres les plus connues sont Conan le barbare, Le seigneur des anneaux, Harry Potter, Star Wars, Dune.

Culturellement, les publics se tournant vers les uns ou les autres n’ont rien à voir. Cela se lit particulièrement dans le rapport à la technologie. Les tenants de la Science-fiction sont tout à fait ouverts aux évolutions technologiques, aux ordinateurs, aux robots, etc. Les tenants de ce qu’on doit appeler la Fantasy ont par contre une profonde haine de la technologie, comme en général du monde moderne. Le fond de leur approche est d’ailleurs la « révolte contre le monde moderne » propre à l’extrême-Droite.

Le cycle de Fondation, un classique incontournable pour les gens de Gauche

Alors que la Science-fiction dit qu’un monde décadent doit être dépassé par l’avenir, la Fantasy dit qu’un monde dégénéré doit laisser la place aux valeurs d’on ne sait trop quel monde parallèle fantasmagorique.

Alors que la Science-fiction dit que l’humanité s’en sort par une communion collective, la Fantasy valorise un monde divisé en castes où tout le monde doit être à sa place. C’est pour cela qu’à la liste mentionnée plus haut, il faut par exemple ajouter Astérix et Obélix, une œuvre totalement réactionnaire. Il faut évidemment ajouter Blake et Mortimer, Tintin et Milou, deux bandes dessinées jouant naturellement sur le côté magique, les extra-terrestres, etc. Dans tout ces œuvres il y a un ordre passé auquel on revient indéfiniment. Chacun à sa place, tout à sa place, c’est une lecture romantique-communautaire tout à fait réactionnaire.

Voilà pourquoi il ne faut pas se dire : tel auteur est de gauche, il fait ci, tel auteur est de droite, il fait ça, tel lecteur est de gauche, il lit ça, tel lecteur est de droite, il fait ça. Ce n’est pas ainsi que cela marche. C’est la culture de gauche en général qui produit les auteurs et les lecteurs, c’est l’idéologie de droite en général qui produit les auteurs et les lecteurs. Ce qui se joue, c’est ce qu’on appelle la lutte des classes. Elle passe par des multiples vecteurs historiques, à travers les auteurs, les lecteurs, les œuvres.

Tout est le reflet d’un processus, voilà pourquoi une œuvre qui se tourne vers le passé reflète la tentative de freiner le cours de l’Histoire, d’en empêcher le développement. Une œuvre tournée vers l’avenir est par contre le produit de la tendance à la transformation. Lorsqu’une série de science-fiction de série B comme Babylone 5 montre des personnages sacrifiant leur vie pour les autres, c’est le reflet de la victoire du collectivisme historiquement sur l’égoïsme et le passé.

C’est le sens du fameux propos de Spock dans Star Trek : « L’intérêt du plus grand nombre l’emporte sur l’intérêt d’un seul ». C’est notre avenir.

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Culture

Culture: un manifeste engagé de 1600 structures et médias indépendants face à la crise

Le monde de la culture est fortement impacté par la crise sanitaire du Covid-19, qui a totalement chamboulé la vie quotidienne. Les plus gros tirent en générale leur épingle du jeu du fait de leur position dominante et, dans certains secteurs, quelque uns bénéficient carrément de la crise pour accroître leur monopole sur la culture. Par contre, en ce qui concerne les petites structures indépendantes, souvent associatives ou ayant un fonctionnement quasiment associatif, en dehors d’une démarche strictement capitaliste, le drame est immense, alors que qui plus est la situation était déjà compliquée au préalable.

Le sens du Manifeste des structures culturelles et des médias indépendants est de dénoncer une situation intenable, en mettant sur la table en état des lieu de la situation, accompagné de perspectives claires et concrètes. Le texte fait pas moins de 240 pages et c’est l’aboutissement d’un travail collégial et multisectoriel minutieux pendant 9 mois, suite à un appel lancé dès mars 2020.

C’est très dense, évidemment fastidieux à lire, mais c’est en tous cas ancré dans le quotidien de ce monde de la culture, dans sa version urbaine et ayant relativement une dimension alternative en ce qui concerne la vie quotidienne.

Ce sont ainsi 1600 structures culturelles et médias qui signent le document, issus essentiellement du monde de la musique, dont beaucoup de la musique électronique, évoluant pour la plupart localement dans les grandes villes françaises.

On retrouvera les signataires à cette adresse, classés par ville : appeldesindependants.fr/signataires

Le ton est franchement démocratique, avec la volonté de changer en profondeur les choses en France :

« Ce manifeste assume sa dimension engagée, « politique » au sens noble : des centaines d’acteur·rice·s de la culture et des médias se sont investi·e·s dans une réflexion transsectorielle dépassant les intérêts particuliers et les corporatismes pour porter une contribution collective au débat démocratique. Avec pour boussoles la pratique du terrain, l’intuition artistique, l’expérimentation de nouveaux modèles. »

Dans la période actuelle, propice aux replis individuels ainsi qu’à la folie guerrière et nationaliste, on doit forcément remarquer et s’intéresser à un tel manifeste du monde de la culture, affirmant aussi forcément le collectif :

« Nous sommes des structures souvent peu visibles, et qui sont prêtes à s’engager, au-delà de leur intérêt particulier, pour l’intérêt général. »

Pour autant, il ne faudrait pas s’imaginer qu’il s’agit là d’une scène entièrement alternative et profondément contre-culturelle, comme cela existe ou a pu exister à Berlin par exemple, mais plutôt de structures évoluant dans le champs de la subvention publique.

C’est d’ailleurs typiquement français, car il y a en France beaucoup d’argent public dirigé vers le monde de la culture, et inversement le monde de la culture est presque systématiquement dépendant, au moins en partie, des subventions publiques. Cela fait que le manifeste, au fond, a surtout pour discours de réclamer à ce que l’argent public soit orienté différemment, avec une meilleure prise en compte d’enjeux modernes et de tout un pan moderne de la culture, avec aussi une plus grande transparence démocratique quant à ce fonctionnement.

« En France en particulier, le sujet n’est pas celui des ressources publiques mobilisées pour la culture – elles sont considérables et en tout cas bien supérieures à celles disponibles ailleurs sur la planète – mais la question est bien celle de leur répartition.

Nous constatons en effet que si la mobilisation des pouvoirs publics est forte à l’endroit des dispositifs de chômage partiel, elle s’inscrit d’ores et déjà pour dessiner l’avenir dans une logique de conservation, de restauration et de retour à l’avant-crise, dans la plus grande opacité et sans le moindre débat sur les enjeux profonds d’une refondation du secteur de la culture et des médias. 

Oui, il faut un « New Deal de la culture et des médias ». Nous l’appelons de nos vœux, en ordre dispersé, depuis des années. Mais, la question est celle de ses enjeux, de son périmètre, de ses objectifs et de sa méthode. La question est celle de nos priorités collectives et de notre capacité à imaginer le futur plutôt qu’à administrer le passé.

À ce titre, en refusant de privilégier la jeunesse, l’avenir et l’innovation, en leur préférant le patrimoine et l’immobilisme, la philosophie et les orientations budgétaires du volet culture du plan de relance et du projet de loi de finances 2021 constituent, de notre point de vue, une erreur historique. »

Tout cela a de la valeur, en ce que cela se confronte concrètement et en pratique à la pénétration du capitalisme et des valeurs propres au capitalisme sur la vie quotidienne, dans le domaine de la culture.

Cela n’est pas défini comme ça bien sûr, car cela fait des années et des années qu’en France la Gauche a sombré et n’est plus capable d’expliquer que le problème justement, c’est le capitalisme. Il est donc parlé, de manière typiquement urbaine, d’oppression, d’inclusion, d’exclusion, de diversité, etc. Il est alors prôné :

« Un horizon réinventé collectivement, depuis le terrain, en rupture avec trois décennies de conservatisme et en phase avec les priorités et urgences de notre temps : la reconquête démocratique, la résorption des fractures sociales et territoriales, l’affirmation du rôle de la jeunesse et l’écologie. »

Notons d’ailleurs au sujet de l’écologie, qui est évoqué à de nombreuses reprise dans le manifeste, qu’il n’y a pas vraiment une réflexion en profondeur à ce sujet, ou alors simplement de manière passive avec la volonté (importante) de réduire l’impact sur l’environnement. La culture est pourtant un lieu privilégié pour exprimer le rapport nouveau à la planète Terre que doit entamer l’humanité, avec une écologie affirmée de manière positive. Cela d’autant plus que la crise actuelle, concrètement et de manière très précise, est le produit du rapport erroné de l’humanité à la nature, en l’occurrence aux animaux.

C’est qu’à un moment il faut savoir remettre en cause la vie quotidienne, sans quoi on est une partie du problème, pas de la solution. Le Manifeste des structures culturelles et des médias indépendants est néanmoins un document important, qui exprime une volonté de changement pouvant exister dans la société française et c’est malheureusement assez rare.

Pour apporter justement un sens productif, on constatera que cette position est ambivalente car à la fois tournée vers l’État, donc vers le collectif, et en même temps fondée sur un fétichisme de l’indépendance (qui est en faite relative), des différences, du particularisme, etc. C’est là typiquement le reflet d’une incapacité à se tourner vers la population au sens large, dans sa dimension de masse, au profit d’un certain esprit d’aventure culturelle tout à fait petit-bourgeois.

Rappelons ici la situation de la culture en France, qui est grossièrement coupée en deux, entre de multiples petits mondes semi-alternatifs, qui échappent partiellement à l’emprise capitaliste, et la culture de masse qui par contre est presque entièrement sous la coupe de grandes structures capitalistes, de ce qu’on appel l’industrie du divertissement. Les petits mondes semi-alternatifs ne veulent pas des grandes structures capitalistes, mais sont très complaisants avec elles et sont aisément corrompus par la dimension urbaine, branchée, avec les soutiens de l’État.

C’est là toutefois un problème secondaire, car ce qui compte et ce qui va compter de plus en plus avec la crise, c’est d’avoir des espaces d’affirmation démocratiques et collectifs, pour faire face au rouleau compresseur capitaliste et à la mobilisations nationalistes et guerrière. Il faudra alors de la confrontation, de la résistance, et celle-viendra forcément aussi du monde de la culture.

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Un bonnet et du hardcore (playlist)

Le hardcore est né comme prolongement du punk, sur un mode pratiquement aussi agressif, mais avec une perspective d’affirmation positive ou en tout cas de résistance à un monde fade et brutal. Il a ainsi été capable d’évoluer, de s’ouvrir au hip hop, au metal, au grunge… et de garder un côté accessible. Un bonnet, un sweat à capuche, quelques tatouages, éventuellement un skateboard, et c’est parti.

Le hardcore oscille ainsi entre une tonalité colorée, très côte ouest américaine, et une approche plus lourde, en noir et blanc, avec d’ailleurs des passages lents et lourds, propices au mosh, qui est au hardcore ce que le pogo est au punk.

Dans tous les cas, il y a une insistance sur l’expression d’une rage structurée, affirmative. Le hardcore est écouté comme bande originale d’une vie où il faut faire face, tenir, ne pas basculer dans la destruction !

On notera d’ailleurs l’insistance du hardcore à ne pas accorder d’attention à l’âge, la couleur de peau, le sexe… l’objectif, c’est de rester soi-même, de rester loyal c’est-à-dire de ne pas devenir un opportuniste, de ne pas être contaminé par une société sombre et violente, même si cela déteint forcément. Il va de soi qu’il y a des tendances de hardcore négatif mais c’est éphémère et vain, cela ne laisse pas de traces, par définition, tellement c’est hors de propos. Le hardcore reste ancré ou plutôt propulsé par une dynamique de changement.

Voici la playlist (en lecture automatique) suivie de la liste des titres :

  1. First Blood – Rules Of Conviction (2017)
  2. Turnstile – Bomb / I Don’t Wanna Be Blind (2018)
  3. Desolated – Death By My Side (2013)
  4. Brutality Will Prevail – The path (2012)
  5. Trapped Under Ice – Pleased To Meet You (2011)
  6. Knocked Loose – Mistakes like fractures (2019)
  7. Wolf Down – Stray from the path (2014)
  8. Terror – I’m only stronger (2013)
  9. Expellow – Game insane (2018)
  10. Earth Crisis – To Ashes (2009)
  11. Lashdown – Face our time (2013)
  12. Get the shot – Faith ripper (2018)
  13. Sect XVX – Day For Night (2017)
  14. Varials – Bite (2016)
  15. Reign Supreme – Persevere and Overcome (2019)