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Acte XXIV des gilets jaunes : échec d’une pseudo-convergence

Encore moins de monde, et ce malgré la présence de Jean-Luc Mélenchon et le forcing d’une partie de la CGT. Les beaux jours n’auront pas suffi à masquer la vacuité politique des gilets jaunes.

Ce 27 avril 2019 était socialement très important. En effet, les gilets jaunes tenaient leur traditionnelle initiative du samedi après l’intervention d’Emmanuel Macron pour exposer ses propositions de réforme devant le pays. Il y avait donc l’espace d’une réponse par la révolte aux dites propositions.

De plus, toute une partie de la CGT a fait un forcing énorme pour que le 27 avril il y ait une puissante manifestation parisienne, notamment la CGT Commerce et Services. L’objectif déclaré était de faire une démonstration de force qui convergerait avec les gilets jaunes.

On retrouve ici tout l’esprit syndicaliste révolutionnaire propre à la culture française, ce poison anti-politique dont, par ailleurs, les gilets jaunes sont une variante plus ou moins blanquiste. Et comme d’habitude cela fit un peu de bruit pour pratiquement rien. Les gilets jaunes, au nombre de 2600 à Paris, furent rejoints par un petit cortège CGT de 3500 personnes, pour une convergence derrière la bannière « Face à une attaque globale, riposte générale », le tout n’apportant rien car 0 + 0 = 0.

Futé politiquement, le secrétaire général de la confédération Philippe Martinez a soigneusement évité de se montrer. Furent par contre présents à cette faillite Amar Lagha de la CGT-Commerce, Jean-Luc Mélenchon, Adrien Quatennens et Alexis Corbière de La France Insoumise, Philippe Poutou et Olivier Besancenot du NPA.

Le reste des gilets jaunes avait imaginé un forcing d’un autre genre, avec une manifestation « internationale » à Strasbourg. Cela ne donna que la présence de 2000 personnes… Il faut dire que les Allemands ne connaissent pas la déliquescence politique de la France. Le SPD (social-démocrate) a 437 000 membres, les Verts 77 000, die Linke (la Gauche) 61 000. Même la CDU (le parti de la Droite) a 415 000 adhérents. En France, le parti politique avec le plus d’adhérents, c’est le PCF avec 80 000…

La démarche anti-politique va continuer malheureusement, car les gilets jaunes vont parasiter le premier mai. Leur faible nombre pour l’acte XXIV de cette farce a d’ailleurs été justifié de leur côté par le fait que le premier mai est censé être témoin d’une grande initiative de leur part. Les médias prévoient depuis de nombreux jours beaucoup de casse. Non contents de n’arriver à rien, les gilets jaunes comptent faire couler la Gauche avec eux…

Pourtant, ils avaient toutes leurs chances avec l’intervention d’Emmanuel Macron du 25 avril. Sa conférence de presse a été d’une rare nullité. Le grand débat avait été censé récupérer toutes les exigences de la population et ce qu’il en sort, ce sont quelques mesures techniques pour relever ceci, réorganiser cela. Ce sont des choses sans âme, sans profondeur.

Conscient de cela, Emmanuel Macron a d’ailleurs souligné l’importance des frontières et puisé dans les auteurs idéalistes. Dans l’allocution du 15 avril, non diffusée en raison de l’actualité dramatique que fut l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris, il faisait référence à la philosophe Simone Weil parlant du « besoin de l’âme humaine ».

Il a cette fois cité Bernanos :

« Est-ce qu’on change jamais ? L’avenir le dira. Comme dit Bernanos, on a sa conscience pour soi. »

Pauvre Bernanos, dont l’exigence morale s’affirmant à travers une exigence spirituelle se voit dégradée à une posture machiavélique politicienne, ce qu’il abhorrait justement.

Emmanuel Macron a par ailleurs multiplié les pics traditionalistes, tout à fait dans l’esprit de son soutien total et absolu aux chasseurs. On a ainsi eu droit au propos suivant notamment :

« L’art d’être Français, c’est être à la fois enraciné et universel. »

Il va de soi que la prochaine étape, pas forcément portée par Emmanuel Macron, sera le fait d’abandonner le côté universel pour se cantonner à la dimension « enracinée ». Même si en attendant, Emmanuel Macron veut une France enracinée et universelle exactement comme le capitalisme français, à la fois national et acteur international.

Car cet « enracinement » ne porte rien de culturel, il est idéologique, comme en témoigne la nomination d’un très haut responsable militaire à la tête de l’organisation de « reconstruction » de Notre-Dame de Paris.

Le capitalisme se crispe toujours plus : Emmanuel Macron devait faire un sauvetage moderniste, avant l’éventuelle carte nationaliste. Et finalement, Emmanuel Macron compose déjà avec les valeurs du Fascisme dont l’ombre se profile toujours davantage…

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Les réactions à la proposition de fédération populaire par Jean-Luc Mélenchon

Plusieurs personnalités liées à la Gauche ont réagit à la proposition faite par Jean-Luc Mélenchon de créer une fédération populaire. Les réactions sont dans l’ensemble mitigées, car tout le monde ou presque a compris qu’il s’agirait surtout d’un « rassemblement » autour de sa propre personne.

Le Premier secrétaire du Parti socialiste a bien résumé le sentiment général à Gauche sur la proposition du leader de la France insoumise :

« C’est « Je veux bien rassembler mais sur mes bases et derrière moi ». Et c’est comme ça qu’on n’y arrive jamais ».

Olivier Faure a également considéré que c’était d’abord « un aveu d’échec » de la part de  celui qui avait initialement refusé « l’idée même de rassembler la Gauche ».

Selon lui, le député insoumis considérait auparavant « qu’il n’était pas de la Gauche mais du peuple », ce à quoi il a répondu :

« la Gauche, ça n’est pas le populisme, ça ne le sera jamais. Jamais. Cela suppose de sa part qu’il fasse ce pas-là et qu’il abandonne cette idée folle du populisme de gauche ».

Olivier Faure considère par ailleurs que le Parti socialiste fait la démarche de l’unité pour les élections européennes en présentant Raphaël Gluksman et que cela fonctionne, tout en regrettant qu’il y ait actuellement une « offre divisée ». C’est un raisonnement qui peu paraître absurde, car cela revient à se féliciter d’une situation tout en regrettant qu’elle n’existe pas.

Il faut cependant comprendre que le Parti socialiste considère être toujours la force centrifuge de la Gauche. Il imagine pouvoir rassembler à nouveau après ces élections, ce qui couperait de fait l’herbe sous le pied de Jean-Luc Mélenchon :

« Il y a déjà une progression, qui n’est pas suffisante, et nous devons viser un score qui nous mettent dans une situation où nous puissions, demain, être à nouveau en mesure de rassembler et d’être un pôle de stabilité à gauche. »

Le sénateur et secrétaire national en charge des relations extérieures du Parti socialiste Rachid Temal est allé dans le même sens qu’Olivier Faure, en critiquant l’exclusion de fait du PS par la France insoumise :

« Mélenchon dit « Je veux discuter avec la Gauche », mais ne veut pas des partis et met des oukases sur le PS  ! »

Le candidat Raphaël Glucksmann a pour sa part considéré qu’effectivement, « la gauche ne pourra être une offre crédible que si elle se réunit », mais qu’il faut d’abord avoir des discussions de fond, en assumant les divergences de chacun. On comprendra que cela revient là aussi à critiquer le populisme de Jean-Luc Mélenchon, qu’il avait d’ailleurs qualifié quelques jours avant de « Thatcher de gauche ».

De son côté, le tête de liste du PCF aux Européennes Ian Brossat a eu une position plus mesurée, mais néanmoins sceptique. Il a considéré qu’il était d’accord sur l’idée de se reparler à Gauche après les Européennes, mais que pour autant « personne ne peut jouer les gros bras ».

Le secrétaire national du PCF Fabien Roussel n’a pas réagit publiquement, ou alors très discrètement et cela est passé inaperçu. Rappelons qu’il expliquait au mois de février dernier discuter toutes les semaines avec Jean-Luc Mélenchon « pour lui demander de se détendre un petit peu, qu’on puisse trouver les contours d’un rassemblement ensemble », précisant que cela ne « veut pas dire forcément fusionner dans des listes ».

Benoît Hamon a pour sa part répondu longuement à la proposition de fédération populaire, dans un entretien également à Libération dès le lendemain. Il a considéré cela comme un « geste d’unité » pris très « au sérieux ».

Sa position est néanmoins compliquée à comprendre. Il explique qu’il faut une unité face au danger que représente l’extrême-droite, sans parler du fait que justement Jean-Luc Mélenchon n’aborde jamais le sujet de l’extrême-droite dans son long entretien.

> Lire également : Jean-Luc Mélenchon rejette le principe de Front populaire et appelle la Gauche à suivre sa démarche

Les propos de Benoît Hamon sont de gauche, avec un héritage évident de la tradition du Front populaire :

« Je vois la colère partout. L’alternance la plus naturelle aujourd’hui, c’est Marine Le Pen. Je me refuse d’user de cette situation avec cynisme comme le fait Emmanuel Macron en polarisant le débat entre lui et le Rassemblement National. Je préfère apporter des réponses positives aux inquiétudes des Français. Pour ce faire, il nous faut une gauche forte. Le drapeau est aujourd’hui à terre, relevons-le. »

Il semble cependant céder à la panique, en oubliant l’analyse de fond en raison d’un danger imminent, ce qui est forcément un grave erreur. Il dit en effet :

« Alors à tout prendre entre le désastre annoncé et un geste d’unité je préfère prendre acte de ce geste d’unité et le prendre au sérieux. Après tout, le fair-play, c’est peut-être contagieux. »

Il ne semble pas avoir vu que Jean-Luc Mélenchon n’était pas du tout dans une optique de Front populaire face à l’extrême-droite.

Le secrétaire national d’Europe Écologie-Les Verts David Cormand a lui très bien vu que la question se posait par rapport à l’extrême-droite et que le « peuple de gauche » ne considérait pas le leader de la France insoumise comme étant un opposant à l’extrême-droite :

« Mélenchon le fait maintenant parce qu’il est en difficulté politique, interne, et dans les sondages. Il voit bien que le peuple de gauche qui lui avait accordé sa confiance à la présidentielle considère moins que c’est lui qui peut offrir une alternative aux libéraux et aux fachos ».

Finissons par Yannick Jadot, tête de la liste Europe Écologie-Les Verts, qui pour le coup assume totalement de ne plus être de gauche. Il a répondu qu’il fallait totalement rejeter la question de l’unité de la Gauche :

« J’ai noté qu’après m’avoir tapé dessus, il était favorable à l’économie de marché, finalement. Il est vrai que l’économie chez Maduro, l’économie des sovkhozes, ça ne fait pas rêver. Le problème de Mélenchon, Faure, Hamon, Glucksmann est que le pôle socialiste a explosé. Ils utilisent l’écologie pour essayer de masquer leur rupture. Ils disent tous : il faut recomposer la gauche derrière moi.

Moi, mon sujet, c’est qu’un projet écologique et solidaire gagne en Europe et dans ce pays. Je n’ai jamais été socialiste, trotskiste ou communiste, je n’ai toujours été qu’écologiste. J’ouvre portes et fenêtres aux citoyens qui ont compris que la lutte contre le dérèglement climatique était la mère de toutes les batailles et qu’elle pouvait être un formidable levier de justice sociale. »

Il rejette de ce fait totalement la proposition Jean-Luc Mélenchon, le considérant presque ouvertement comme un équivalent de Marine Le Pen (alors que lui-même est un équivalent d’Emmanuel Macron) :

« Non, ça ne m’intéresse pas. Jean-Luc Mélenchon a des convictions, une colère, une indignation par rapport à l’injustice sociale que je peux partager. Mais il a une conception de la démocratie qui n’est pas la mienne. Il passe son temps à brutaliser le débat politique, moi je veux apaiser notre pays. Il se place dans une logique national-étatiste, moi je veux une France beaucoup plus décentralisée, régionalisée.

Je crois fondamentalement que l’Europe, malgré ses défauts, est une formidable aventure, qu’elle est notre horizon civilisationnel. Il a quelques ambiguïtés avec Maduro et Poutine. Nous les écologistes, combattons toutes les dictatures, de droite, de gauche, où qu’elles soient. Nous devons à nos enfants une Europe des libertés, qui reconnaît à chacune et chacun sa dignité, ses identités multiples. Nous leur devons un avenir bienveillant dans lequel ils se projetteront avec confiance. »

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Polémique Edwy Plenel-Henri Weber sur les gilets jaunes

Henri Weber, une figure historique de la Gauche depuis cinquante ans, critique de manière développée l’ouvrage d’Edwy Plenel faisant une sorte d’éloge des gilets jaunes sans dimension critique ni même réellement politique. C’est un bon marqueur.

Edwy Plenel, le responsable de Mediapart (une sorte de presse alternative payante), a publié un ouvrage aux éditions La Découverte (anciennement les Éditions sociales liées au PCF). Il est consacré aux gilets jaunes et est intitulé La victoire des vaincus – À propos des gilets jaunes.

Henri Weber a publié un long article sur le site Slate.fr pour critiquer cet ouvrage, avec une perspective assez intéressante. Henri Weber a été l’une des figures dirigeantes des Jeunesses Communistes Révolutionnaires en 1968, puis de la Ligue Communiste (dont Edwy Plenel faisait également partie). Il a fini par rejoindre le Parti socialiste en 1986.

Henri Weber dit, grosso modo, qu’Edwy Plenel est de mauvaise foi, parce qu’il affirme que les gilets jaunes convergent vers la Gauche. Or, en réalité, souligne Henri Weber, tout est bien plus compliqué que cela. Et c’est de la manipulation intellectuelle que de prétendre le contraire. Voici un long extrait représentatif de la critique faite par Henri Weber :

« Dans son courant principal, assure Plenel, ce mouvement est égalitaire et démocratique. Il s’inscrit dans la lignée des révolutions françaises des siècles passés. C’est une sorte de Mai 68 rampant, dont les forces motrices ne seraient pas les étudiants et les ouvriers d’industrie, mais les perdants de la mondialisation et de la révolution numérique: les classes populaires et moyennes précarisées de la «France périphérique» (…).

Cette interprétation optimiste et unilatérale occulte soigneusement les singularités du mouvement des «gilets jaunes».

La première d’entre elles est le refus farouche de désigner des représentants. Curieux mouvement démocratique que celui qui rejette le principe même de la représentation, sans lequel il n’y a pas d’auto-organisation possible, et menace de mort celles et ceux, issus de ses rangs, qui cherchent à structurer le mouvement et à lui trouver un débouché politique. Sans représentants élus, mandatés, contrôlés, la place est nette pour des chefaillons non élus, incontrôlés, n’ayant de compte à rendre à personne. Il n’existe pas de démocratie sans représentation. Même la démocratie directe la plus radicale, celle des conseils d’ouvriers, de paysans, et de soldats de la révolution russe, était fondée sur l’élection de délégués, à tous les niveaux: depuis l’atelier et le quartier… jusqu’au conseil central des conseils –le Soviet suprême de 1917–, désignant le gouvernement. Le fait que ces délégués étaient révocables à tout moment, ce qui a rendu –soit dit en passant– cette démocratie directe impraticable et éphémère, n’empêche pas qu’ils étaient élus et ré-élus.

En réalité, les «gilets jaunes» ont des leaders de fait: les principaux s’appellent Éric Drouet, Maxime Nicolle, Étienne Chouard, Priscillia Ludosky… Ils ont été choisis par les médias en fonction de leur aptitude à «faire le buzz», mais aussi en raison de l’audience de leur page Facebook sur les réseaux sociaux (…).

N’en déplaise à Plenel, les enquêtes d’opinion et les études sociologiques qui s’accumulent depuis quatre mois montrent que ces composantes populistes de droite et d’extrême droite pèsent d’un bon poids parmi les «gilets jaunes» (…).

La crise des démocraties occidentales a malheureusement des causes beaucoup plus variées et profondes que la nature de leur Constitution, même si en France celle-ci mérite d’être substantiellement réformée.

Edwy Plenel ne décrit pas le mouvement des «gilets jaunes» tel qu’il est, dans sa diversité, mais tel que, selon lui, il devrait être, pour prolonger le sillon creusé par les révolutions françaises. Il idéalise ce mouvement à des fins de prescription politique. Cette idéalisation ne favorise pas, quoiqu’il en pense, la lutte contre les populismes d’extrême droite et d’extrême gauche, qui mènent le mouvement des «gilets jaunes» dans l’impasse, et mettent en péril notre État de droit et notre République. »

La position de Henri Weber est très intéressante, car elle est vraiment socialiste réformiste et ne cède pas au populisme. Il est étrange, évidemment, de le voir parler d’État de droit, alors que n’importe qui en France sait qu’il y de véritables problèmes de démocratie, pour ne pas dire plus. En fait, Henri Weber idéalise l’État pour contrer l’idéalisation des gilets jaunes.

> Lire également : notre dossier gilets jaunes

Cependant, au moins il y a ici une critique de gauche des gilets jaunes, chose très partagée, mais très rarement exprimée. En ce sens, c’est une bonne chose, et une bonne contribution à l’appui d’une identité de gauche, ancrée dans la rationalité et la Politique.

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Communiqué du Secours populaire français après la disparition de son Président Julien Lauprêtre

Fils d’ouvriers et ouvrier dans sa jeunesse, Julien Lauprêtre représentait avec le Secours populaire français une certaine tradition du mouvement ouvrier, qui a développé ses structures de manière indépendante au début du XXe siècle puis s’est de plus en institutionnalisé après la Guerre.

Le parcours Julien Lauprêtre à la tête du Secours populaire français depuis 1955 porte la marque de l’institutionnalisation, en ayant dirigé une association très liée au PCF ( il a été membre de son Comité central de 1970 à 2000) qui affirmait en même temps son indépendance, ses propres choix.

Le Secours populaire français est directement issu de la tradition du Front populaire de 1936, comme processus d’Unité des socialistes et des communistes. Il est un prolongement de masse du Secours Rouge, branche française du Secours Rouge International généré par l’Internationale Communiste.

Il a notamment lancé des actions pour les vacances de la jeunesse populaire. Julien Lauprêtre a lui-même rencontré sa femme à l’été 1936 dans une colonie du Secours ouvrier international et il est expliqué dans sa biographie que l’engagement communiste de son père a « pris racine dans les manifestations de 1934 contre les ligues fascistes, pour le Front populaire en 1936 ».

Julien Lauprêtre fut un Résistant, « marqué » par sa rencontre avec Missak Manouchian en prison à 17 ans, avant d’être nommé responsable national des Jeunesses communistes dans la clandestinité.

D’une organisation spécifiquement liée au mouvement démocratique et populaire, tant en France qu’à l’international, il a fait du Secours populaire français une association caritative, centrant son action sur la solidarité aux personnes pauvres et l’aide alimentaire, finissant par nouer en 2012 des partenariats avec des entreprises symboles du capitalisme telles que Disneyland, Courte-Paille ou Carrefour.

Si le Secours populaire français (lui-même issu du Secours rouge, branche du Secours rouge international généré par l’Internationale Communiste) est un élément important du patrimoine démocratique et populaire en France, de la Gauche française, avec un héritage provenant directement du Front populaire, il est aussi un exemple de renoncement de la tradition historique du mouvement ouvrier centrée sur le combat politique et l’autonomie vis-à-vis du capitalisme et des institutions capitalistes.

Voici le communiqué du Secours populaire français :

« Continuons le combat d’une vie !

Le Secrétariat national du Secours populaire et la famille ont l’immense tristesse d’annoncer le décès de Julien Lauprêtre, Président du Secours populaire français, survenu à 93 ans dans un hôpital parisien des suites d’une chute pour laquelle il avait été hospitalisé.

Plus qu’un Président, c’est un ami que tous les membres du Secours populaire ont perdu aujourd’hui. Julien se présentait toujours comme « bénévole à Paris ». C’est vrai qu’il n’était pas un Président ordinaire. Sa porte et son écoute étaient ouvertes à tous, sans distinction, à n’importe quel moment de la journée. Une humanité, une simplicité et une sincérité qui allaient droit au cœur des 80 000 bénévoles de l’Association. Julien aimait répéter : « La solidarité ne règle pas tout, mais pour celles et ceux qui la reçoivent, elle est irremplaçable. » Et il ajoutait aussitôt cette phrase d’Henri Barbusse : « La solidarité, ce ne sont pas des mots, mais des actes. » Toute sa vie, Julien a refusé l’inacceptable, la pauvreté, l’injustice. Toute sa vie a été orientée vers les autres. Il a fait de la solidarité son combat quotidien, et du Secours populaire, un grand mouvement de solidarité populaire.

Dès son arrivée en 1954, Julien et un petit groupe d’hommes et de femmes vont faire du Secours populaire, l’une des plus importantes associations de solidarité de notre pays. Très vite, il a compris que l’association avait tout à gagner à se recentrer sur son rôle d’association de solidarité plutôt que d’intervenir sur le champ politique. Il en a fait une association rassemblant toutes les bonnes volontés pour que se développe une solidarité populaire indépendante des pouvoirs établis, qu’ils soient publics ou privés, philosophiques, confessionnels, politiques ou syndicaux. Au Secours populaire, nous sommes quotidiennement les témoins de ceux qui vivent un véritable parcours du combattant pour régler leurs factures, faire trois repas décents par jour, se soigner… Nous sommes aussi les témoins, avec nos partenaires dans le Monde, des situations des enfants, des femmes, des hommes qui luttent pour survivre. La pauvreté est là. Elle ne recule pas. Elle s’aggrave.

Avec une ténacité incroyable, Julien a fait front pour ne pas laisser la désespérance prospérer. Il a sillonné le monde, fait le tour de notre pays pour mobiliser les bénévoles à agir sans relâche pour les personnes dans la précarité, et sensibilisé les dirigeants à la lutte contre la pauvreté en France, en Europe et dans le Monde. Il avait aussi à cœur d’offrir aux enfants l’opportunité de prendre la parole, d’agir, de s’organiser. C’est ainsi qu’est né en 1992 le mouvement d’enfants bénévoles au Secours populaire, les « copains du Monde ».

Il a consacré sa vie pour que celles et ceux qui n’ont rien, ou si peu, relèvent la tête et soient plus forts pour s’en sortir grâce à la solidarité, dans une démarche d’égal à égal entre celui qui donne et celui qui reçoit.

Aujourd’hui, les membres du Secours populaire sont plus que résolus à continuer son combat pour faire triompher l’entraide et la solidarité et faire reculer la pauvreté et l’exclusion. »

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Jean-Luc Mélenchon rejette le principe de Front populaire et appelle la Gauche à suivre sa démarche

Jean-Luc Mélenchon a fait le choix de s’adresser à la Gauche ce mardi 23 avril en lançant « un appel à la création d’une fédération populaire » dans le journal Libération, qui consiste en un rassemblement autour de sa démarche. C’est contraire au principe de Front populaire qui consiste en une unité politique des forces de la Gauche contre le danger du fascisme.

Dans un long entretien à Libération, Jean-Luc Mélenchon a parlé de la Gauche, ce qui a pu être considéré comme un appel à l’unité. Il a surtout expliqué que le rassemblement devrait se faire autour de sa démarche, qui aurait la légitimité populaire, qui serait forcément la bonne formule alors que la « vieille gauche » est méprisante à son égard.

Il considère avoir acquis une légitimité avec son score au premier tour de la Présidentielle en 2017 (19,58 %, soit 7 059 951 voix). Les élections Européennes doivent être une continuité de cela :

« notre force doit recevoir l’aval populaire. Comme je l’ai reçu pendant la présidentielle. Là sera le centre de gravité pour la suite contre le macronisme. »

Jean-Luc Mélenchon s’estime farouchement mis à l’écart par les formations politiques de gauche elle-mêmes, et les rejette. Ce qui semble l’intéresser, c’est surtout de capter la base électorale de la Gauche, mais pas de participer à une unité. Ses réponses à ce propos sont très claires :

« – Avez-vous abandonné tout espoir d’unité ?
– Je suis réaliste.
– Donc vous espérez toujours rassembler.
– Le peuple, oui. Mais chaque fois que je l’ai proposé, la vieille gauche m’a envoyé balader. Elle n’accepte pas la réalité, c’est-à-dire notre centralité et celle du programme «l’Avenir en commun». Mais si l’élection nous en donne la force, nous assumerons de nouveau notre responsabilité. Nous proposerons de nouveau une fédération populaire à construire dans les élections suivantes et dans les mouvements écologiques et sociaux. »

Quand il lui est posé la question de savoir s’il est capable de faire des compromis avec des gens ne pensant pas comme lui, il répond qu’à l’Assemblée son groupe « vote même des fois avec la droite » et que ce n’est « l’étiquette » qui compte.

> Lire également : Les outrances du populiste et grossier Jean-Luc Mélenchon

Il assume ainsi son orientation populiste, en mettant de côté le débat idéologique et politique à Gauche, qui devrait s’incliner par rapport à sa démarche :

« Je me répète : tout le monde doit se mettre au service de la fédération du peuple. »

La « base de départ pour discuter partout » devrait donc être le programme de La France insoumise. Jean-Luc Mélenchon est d’accord avec la proposition du journal Libération d’avoir un débat avec la Gauche, mais il précise :

« Il ne faut jamais oublier le but, la fédération populaire entre les classes populaires et les classes moyennes plus favorisées qui n’appartiennent pas à l’oligarchie. C’est la grande question. Elle ne sera pas réglée par la guirlande des sigles de partis. Nous ne sommes plus dans les années 70. Le champ politique s’est effondré. Pas de mon fait. Ce sont les électeurs qui ont dissous le PS et nous ont portés en avant. Nous assumons notre situation. Pas les autres. »

> Lire également : Les propos grandiloquents de Jean-Luc Mélenchon sur Eric Drouet

Quand Jean-Luc Mélenchon a lancé La France insoumise, il s’agissait en effet de se libérer de la Gauche, considérée comme un carcan, en préférant une sorte de populisme social, très poreux au nationalisme.

Pour lui, la société a changé et la modèle de la Gauche est d’une « autre époque » :

« La société était assez stable et les liens de représentation politique fonctionnaient. Le PCF représentait une grande partie de la classe ouvrière. Les socialistes, plutôt les classes moyennes. Tout cela a volé en éclats. Un acteur nouveau est né. C’est ce peuple urbanisé qui s’oppose à l’oligarchie. Voir les gilets jaunes ou l’Algérie. Son existence quotidienne dépend de l’accès aux réseaux collectifs. Cet accès est l’enjeu social central. »

Il précise plus loin que :

« l’évolution du capitalisme a atomisé la société, les formes habituelles de représentation ont explosé. Voyez où en sont les partis politiques traditionnels. »

> Lire également : Alexis Corbière assume de rejeter la Gauche

Cela justifie son écartement de la Gauche, et donc du Socialisme. Il propose donc autre chose, qui y ressemble vaguement, mais sans que cela soit très précis :

« il y a une conscience nouvelle qui rétablit l’idée de changement global, c’est la conscience écologique. Beaucoup ont compris que l’économie productiviste conduit à la catastrophe. Mais c’est un constat qui ne porte pas sa solution en lui-même. Car quels sont les moyens de remédier à la mise en danger de l’écosystème ? Certains pensent que c’est possible dans le cadre de l’économie de marché actuelle, que le système va finalement se réguler. Nous ne le croyons pas. Quand Jadot [le candidat d’Europe Ecologie-les Verts] fait l’éloge de l’écologie de marché, nous sommes en désaccord. Il y faut une intervention collective volontaire et énergique, une planification écologique de la transition. »

Cependant, il n’envisage pas de supprimer l’économie de marché mais est partisan d’une « économie mixte », c’est-à-dire donc pas du Socialisme, qui est le fondement historique de la Gauche (largement abandonné par celle-ci, il est vrai).

Sa vision consiste en une proposition très vague, classiquement réformiste, mais bien en deçà de la radicalité et de l’envergure que pouvait proposer un François Mitterrand en 1981, qui n’était pourtant pas un « révolutionnaire » :

« Nous dénonçons la marchandisation généralisée voulue par les traités européens. Nous préférons revendiquer l’intérêt général, l’action collective. Nous ne pourrons pas relever le défi écologique dans le cadre de la concurrence libre et non faussée, dans le cadre du libre-échange généralisé. La planification est de toute nécessité pour appliquer la règle verte : on ne prend plus à la nature davantage que ce qu’elle peut reconstituer. »

Sur le plan politique, Jean-Luc Mélenchon considère donc que le rassemblement de la Gauche est à la fois possible et pas possible, car « certains sont restés productivistes, nucléaristes, d’autres continuent de faire l’éloge du marché partout. »

La Gauche dans sa forme et sa proposition historique ayant donc échoué selon lui, il n’y aurait pas d’autre choix que de rejoindre sa démarche :

« au demeurant, je ne crois plus à l’ancien modèle de rassemblement des organisations. Nous devons certes nous rassembler, mais au service d’une tâche en commun : fédérer le peuple, réunir ses revendications, en faire un programme compatible avec l’impératif écologique et social. »

Il faut pour cela :

« aller idéologiquement au bout de la mutation écologique et populaire qui est nécessaire. Il faut qu’on soit tous clairs. Pas de tambouille sur la question européenne, sur le nucléaire, sur la question décisive de la paix, de la sortie de l’Otan. »

> Lire également : Andrea Kotarac de la France insoumise à un forum russe avec l’extrême-droite

Jean-Luc Mélenchon ne propose donc pas un Front populaire, qui est la proposition historique de la Gauche face à la menace du fascisme. Le nationalisme ne représente pas un danger pour lui puisqu’il n’en parle pas. Il ne parle d’ailleurs à aucun moment du danger que représente Marine Le Pen. Son nom n’est cité qu’une seule fois dans ce long entretien, pour se comparer à elle, comme s’il se considérait en concurrence avec elle sur le terrain du populisme (« quand Marine Le Pen dit «vous êtes des Blancs chrétiens», je réponds «vous êtes des enfants des Lumières». »)

Précisons pour finir, à propos de sa formation La France insoumise, puisqu’il considère que sa démarche est la bonne et qu’il faut la suivre, qu’elle n’a pas un fonctionnement démocratique.

Il explique en effet, de manière assez obscure, qu’il n’y a « pas de dirigeants » à la France insoumise et qu’il n’y a donc pas de problème au fait qu’aucune direction ne soit élue… C’est pour le moins nébuleux, et effectivement contraire aux pratiques des formations de gauche.

> Lire également : Thomas Guénolé sort avec pertes et fracas de LFI

Il considère ainsi comme de bonnes choses les « 4 000 comités qui fonctionnent en autonomie » et les « 60 % des candidats n’ont pas de carte du parti ». Cela est inacceptable du point de vue de la Gauche traditionnelle car cela empêche toute démarche politique démocratique, en laissant libre cours à des individus et à l’émergence de tribuns ou petits chefs.

Ce n’est pas ainsi que le mouvement démocratique et populaire avancera. Seul un retour aux fondamentaux de la Gauche historique peut permettre de progresser, et certainement pas une liquidation totale de ses principes dans une fuite en avant populiste.

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Dissolution du mouvement Bastion social, une victoire du camp démocratique

La dissolution du mouvement Bastion social par l’État français ce mercredi 24 avril 2019 est une nouvelle importante pour toutes les personnes ayant conscience de l’importance du combat antifasciste. C’est indiscutablement une bonne chose, car ce groupe d’activistes d’extrême-droite représentait une menace directement dangereuse pour le mouvement démocratique et populaire en France, notamment à Lyon.

De manière typiquement fasciste, l’idéologie du mouvement Bastion social consistait à prôner une « troisième voie », nationaliste, par rapport au capitalisme et au Socialisme.

Nous avons évoqué ce mouvement à plusieurs reprises dans des articles, et nous l’avions présenté dans un article complet et détaillé en février 2018.

> Lire également : Le “Bastion social” et ses locaux à Lyon, Strasbourg, Chambéry, Aix-en-Provence, Marseille

Organisé autour de ce qui se voulait être des squats d’extrême-droite, sur le modèle de Casapound en Italie, il devait être un mouvement fédérateur de la jeunesse nationaliste radicale, avec pour objectif de constituer des brigades de choc, afin de se confronter, de provoquer.

La dissolution du mouvement Bastion social est donc une victoire, partielle mais réelle, du camp démocratique sur le fascisme. Cela ne sera bien sûr pas suffisant, car seule la classe ouvrière, en portant le Socialisme, peu véritablement écraser le fascisme. Le libéralisme d’un Emmanuel Macron, qui s’avère être par ailleurs un réactionnaire partageant des valeurs de la Droite la plus conservatrice, notamment sur la chasse à courre, ne peut pas grand-chose face au romantisme nationaliste. Il est même évident que cela l’alimente.

Il faut cependant raisonner de manière politique, intelligente, et reconnaître ici à quel point il était juste de voter pour Emmanuel Macron contre Marine Le Pen au second tour de la Présidentielle, justement parce que le gouvernement d’Emmanuel Macron a dissout Bastion social, ce que n’aurait jamais fait Marine Le Pen.

Il ne s’agit pas pour autant d’avoir des illusions sur la capacité d’Emmanuel Macron à mener la bataille qu’il imagine contre le populisme, voire le nationalisme – les déboires de la tête de liste LREM aux Européennes Nathalie Loiseau, concernant sa présence sur une liste d’extrême-droite à une élection étudiante dans sa jeunesse, en dit déjà très long sur tout cela.

Cette dissolution par l’État d’un groupe fasciste est importante, mais elle n’est qu’un aspect partiel, temporaire, à l’efficacité très limitée. C’est un coup porté au fascisme, mais il se renforcera d’une autre manière si la situation ne change pas.

C’est à la Gauche de mener pleinement la bataille contre le nationalisme et le fascisme, de manière unitaire, en assumant les valeurs historiques du mouvement ouvrier. Ce qu’il faut, évidemment, c’est un nouveau Front populaire en France, comme en 1936 !

Voici le communiqué du Ministère de l’Intérieur sur la dissolution du mouvement Bastion social :

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Tribune du Président de l’UEJF : « D’où parles-tu, camarade ? 

Le Président de l’Union des étudiants juifs de France a publié un Tribune dans l’Express dans laquelle il fustige les dérives du syndicats étudiant Unef, qui organisait le weekend dernier des Assises nationales jeunes contre le racisme.

Sacha Ghozlan reproche en quelque sorte à l’Unef d’abandonner ses traditions de gauche en passant de la lutte des classes à la « lutte des races » :

« Je t’ai rencontré à l’Université. Tu militais pour défendre les droits de tous les étudiants. Nous assumions des désaccords politiques mais républicains en conseil universitaire ou au sujet de la politique nationale.

Je t’ai connu laïc et farouchement républicain, universaliste et de tous les combats pour les opprimés, pour la justice et pour l’égalité. Je t’ai trouvé à nos côtés en Pologne et au Rwanda pour préserver les Mémoires, en Israël à la rencontre d’une société civile porteuse d’espoir de paix, à Lyon III et à Assas pour combattre l’extrême droite. Ta présence à nos côtés était alors si précieuse.

Quelques années se sont écoulées et tu t’es éloigné. Je ne te reconnais plus.

Ton bureau national se réunit en non-mixité raciale quand il ne méprise pas l’incendie de Notre-Dame de Paris dont il estime qu’il s’agit d’une histoire de « Français blancs ». Tu adoptes le vocabulaire des Indigènes de la République, tu demandes à censurer Charb et Eschyle à l’Université, tu restes muet quand nos locaux sont vandalisés à Tolbiac ou à Dauphine sur fond d’antisémitisme et tes sections locales appellent au boycott d’Israël. Et si tout cela pourrait sembler anecdotique, tu ponctues désormais chacune de tes phrases de qualificatifs raciaux : « blancs » et « racisés ». Par-delà l’Université, les Français entendent ce grand basculement idéologique.

D’où parles-tu, camarade ?

Si tu posais cette question dans une logique marxiste pour démontrer que tout orateur expose ses thèses selon sa construction sociale, tu la déplaces aujourd’hui vers une construction raciale. Et je crains que, de la lutte des classes, tu ne deviennes aujourd’hui que le sombre héraut d’une lutte des races. Tu te coupes de la société, des victimes de racisme mais aussi de ceux dont l’identité plurielle, mouvante et complexe ne peut se réduire à une intersectionnalité dont on voit bien qu’elle produit elle-même une violence symbolique.

Ton Union organise cette semaine des Assises contre le racisme. Dans la vidéo officielle de lancement, tu le dis avec certitude « les dominants sont les blancs, tandis que les racisés sont les personnes non-blanches. Il existe un racisme systémique ».

Le racisme doit être combattu sous toutes ses formes – discrimination à l’embauche, au logement, rumeurs visant les Roms, racisme anti-musulmans, xénophobie visant les migrants -, mais il emprunte des chemins plus complexes que cette suma divisio aussi hasardeuse que nauséabonde. Elle porte en elle les germes d’une société fragmentée selon des critères raciaux et génère une dangereuse assignation identitaire. Les réunions en non-mixité raciale sont des pratiques discriminatoires, et quand elles se déroulent à l’Université, c’est une circonstance aggravante.

Les victimes d’actes racistes souffrent une première fois des actes de leurs agresseurs, faut-il y ajouter un verrou identitaire et communautariste ?

Que dois-je en conclure, moi qui suis un étudiant juif ? D’où voudrais-tu que je parle, camarade ? Ou plutôt, où souhaiterais-tu m’assigner ?

Suis-je du côté des dominants, prêtant ainsi le flanc aux thèses antisémites de Dieudonné qui qualifie les juifs « de négriers reconvertis dans la banque et la finance » ? Suis-je du côté des racisés, m’enfermant ainsi dans une posture victimaire dans laquelle Alain Soral veut acculer les juifs, les accusant d’utiliser la Shoah ou l’antisémitisme pour se hisser dans la société ? L’une ou l’autre de ces assignations me sont insupportables, et mon identité juive française est bien plus complexe que cet enfermement qui m’est proposé.

Notre génération est phagocytée par des individus malveillants qui entretiennent volontiers la concurrence victimaire dans le débat public, par des propagandistes haineux qui dénaturent les réseaux sociaux, par des pseudo-humoristes qui veulent prendre en otage l’humour pour propager la haine et par des identitaires qui veulent imposer un agenda politique qui agit en miroir de l’extrême droite comme les deux faces d’une même pièce.

L’UNEF fut un rédacteur de la charte de Grenoble en 1946 qui a structuré le syndicalisme étudiant au sortir de la guerre, en donnant aux étudiants le rôle de vigie de la société. Par-delà l’UNEF, quand un grand syndicat étudiant abandonne ses valeurs fondatrices, c’est toute notre génération, et toute la société qui en sort déboussolée.

Les étudiants ont besoin de l’UNEF pour porter des combats universalistes. Nous avons besoin de toi, camarade ! »

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Andrea Kotarac de la France insoumise à un forum russe avec l’extrême-droite

Le conseiller régional Auvergne-Rhône-Alpes et membre de la France insoumise Andrea Kotarac était présent la semaine dernière à un forum international organisé par le pouvoir russe à Yalta. Il y a croisé Marion Maréchal et Thierry Mariani, ancien député de la Droite ayant rejoint Marine Le Pen pour les Européennes. La question de l’alliance avec la Russie est un sujet important pour ces personnes, dans une perspective nationaliste évidente.

Selon la démagogie classique de l’extrême-droite, largement partagée par Jean-Luc Mélenchon et la France insoumise, la France devrait se libérer d’une certaine emprise américaine. Selon eux, le pays ne serait pas suffisamment indépendant et l’alliance avec la Russie serait un moyen de se renforcer sur le plan international.

C’est un point de vue nationaliste, qui envisage le monde en termes de blocs et de concurrence entre ces blocs, avec l’idée d’y tirer son épingle du jeu. C’est exactement le genre de raisonnement qu’a eu la partie des élites britanniques favorable au Brexit.

La Gauche, historiquement, ne sait que trop bien à quel point de telles perspectives sont des poisons pour le peuple et ne mènent qu’à la guerre et au fascisme. Si la question du racisme est souvent considérée comme l’aspect principal de la lutte antifasciste en France, cela est une erreur, car le danger majeur est vraiment le nationalisme.

La présence d’Andrea Kotarac à ce forum du pouvoir russe est ainsi pleine de sens, comme le sont ses propos relayés dans Le Monde :

« Je ne suis pas d’accord avec Mariani et Maréchal sur de nombreux sujets. Mais sur la défense de la souveraineté nationale et sur la nécessité de s’allier à la Russie, je suis d’accord »

« Je suis venu pour dire qu’une partie de la gauche française ne considère pas la Russie en ennemi, bien au contraire. »

Selon ce même journal, le Lyonnais prétend « avoir l’oreille de Jean-Luc Mélenchon » sur les questions internationales. Ce n’est pas étonnant, car ses propos sont conformes à la perspective sociale-chauvine du chef « insoumis ». La prose nationaliste d’Andrea Kotarac n’est de toute manière pas nouvelle et n’a jamais été condamnée par son organisation.

Il y a pourtant de quoi sauter au plafond quand on lit, dans sa tribune publiée dans Marianne le 8 mars dernier, que :

« La patrie doit être au peuple ce que la religion est à Dieu. »

Il s’agissait pour lui de défendre les gilets jaunes qui montreraient « à l’oligarchie française et européenne, promotrice d’une société post-nationale, que le peuple et la nation ont encore un sens. »

Andrea Kotarac s’est donc rendu à un Forum intitulé « Monde, Russie, Crimée » aux côtés de nombreuses figures nationalistes du monde entier. Il a justifié sa présence au site Sputnik en expliquant que «la Russie n’est pas un ennemi» et qu’il souhaite que les relations françaises avec ce pays s’améliorent.

Sa perspective nationaliste est là encore assumée de manière franche, avec des propos nationalistes que ne renierait pas Marine le Pen :

« la France aujourd’hui, après le Brexit, c’est la seule nation qui dispose de l’arme nucléaire en Union européenne, c’est la seule nation qui dispose d’un siège au Conseil de sécurité de l’ONU et c’est un pays qui doit être en avant-garde pour maintenir des relations stables et un partenariat avec la Russie ».

Il s’agirait pour lui, toujours d’après Sputnik, de promouvoir une France «ni prorusse, ni proaméricaine, simplement indépendante et qui gère ses intérêts sur le continent européen en partenariat avec la Russie».

Cette prose nationaliste est un poison, d’autant plus quand elle est mélangée à des prétentions sociales, avec l’idée que les classes sociales devraient s’unir derrière le drapeau national. .

La Gauche doit ici faire front contre ce qui représente une horreur historique, qu’on a connue dans les années 1920-1940 et qui a mené l’humanité à une catastrophe gigantesque. Si la critique des idéologies individualistes post-industrielles est juste, elle ne doit pas s’appuyer sur le romantisme nationaliste, mais sur la perspective de la Gauche historique : le Socialisme.
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Acte XXIII des gilets jaunes, rien ne change

Numériquement toujours plus faibles, les gilets jaunes occupent toujours le terrain le samedi, avec les mêmes recettes. La France sympathise mais a depuis longtemps tourné le dos à un mouvement qui ne profite que de l’appui d’amateurs de théâtre social.

La France a connu un grand soleil pour le 23e samedi des gilets jaunes, et il n’y a donc aucune excuse possible pour que, fin avril, il n’y ait pas une réelle mobilisation de masse, si jamais les gilets jaunes devaient y parvenir. De fait, rien n’a changé et le mouvement se tasse numériquement, avec environ 30 000 personnes, dont un peu moins du tiers à Paris. Les autres rassemblements notables ont eu lieu à Toulouse, Montpellier, Toulouse, Lille, Rouen ou encore Lyon.

L’épisode le plus marquant fut indéniablement le moment où, interviewé par BFM TV, Jérôme Rodrigues, une figure des gilets jaunes (qui a perdu un œil à la suite des grenades LBD lancées par la police), a exprimé des propos typiques de l’approche nihiliste – paranoïaque des gilets jaunes :

« Lui [c’est-à-dire Emmanuel Macron] ne fait pas attention à nous, d’accord. Maintenant, stratégiquement, il devait l’annoncer [le plan de mesures] en début de semaine. Il l’a pas fait à cause d’un malheureux incendie dans une cathédrale, je trouve ça regrettable. Le monde a l’air de s’arrêter de tourner quand il y a un incendie en France. Euh je pense que c’était surtout une stratégie gouvernementale pour aller balancer un petit peu d’infos soit disant par des fuites et retravailler son discours derrière pour toujours mieux nous vendre son programme électoral. »

Entendant cela, le député LREM Jacques Marilossian qualifie ces propos de débiles, de propos de comptoirs, et finalement Jérôme Rodrigues de « débile profond ». Le choix des termes est impropre, mais il y a effectivement de quoi halluciner devant des considérations aussi lamentables. Les gilets jaunes sont un exemple de mauvais goût et de raccourcis, d’inculture et de simplisme.

Naturellement, pour beaucoup, c’est ainsi qu’est le peuple, que ce soit à Droite ou à l’ultra-gauche, mais en réalité le peuple se tient bien sûr tout à fait l’écart de ce grand fourre-tout plébéien. Tellement de bruit pour une mobilisation qui est si faible, que la France aime les psychodrames !

Comme c’est d’ailleurs de rigueur, la capitale a connu quelques magasins aux vitrines dégradées ou pillées (comme le Go Sport de la place de la République), du mobilier urbain détruit, quelques véhicules incendiés, une pluie de lacrymogènes, 227 interpellations et 20 518 contrôles préventifs, etc., dans une ambiance « supporter », bref rien de nouveau sous le soleil. Alors que, tout de même, l’idée était de « tous converger à Madeleine à 12 heures avant de partir à l’assaut de L’Élysée et des Champs ».

Pour la dimension grotesque, on aura eu le slogan « Suicidez-vous » lancé aux forces de l’ordre place de la République par quelques groupes, et pour la dimension ridicule, celui très partagé de « Révolution » lors du parcours entre Bastille et République.

Pour la dimension pathétique, il y aura également eu le mot d’ordre lancé par la préfecture de police : « désolidarisez vous des groupes violents ».

Mais quel pays !

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Thomas Guénolé sort avec pertes et fracas de LFI

Importante figure intellectuelle et organisatrice de La France Insoumise, Thomas Guénolé dénonce des rapports viciés au sein de ce mouvement, alors qu’il est lui-même accusé très lourdement pour ses comportements avec une femme.

Thomas Guénolé est une figure importante de La France Insoumise ; il en était notamment coresponsable de son école de formation. Il vient de quitter ce mouvement avec pertes et fracas, accusant Jean-Luc Mélenchon d’être un autocrate. Le Comité électoral du mouvement l’a en retour retiré de la liste électorale pour les Européennes.

Cette démission est strictement parallèle à une accusation faite par La France Insoumise :

« Le comité électoral a reçu un signalement d’une jeune femme dénonçant des faits pouvant s’apparenter à du harcèlement sexuel de la part de Thomas Guénolé. »

Il n’existe pas encore de précision à ce sujet ; c’est là donc une situation particulièrement odieuse dans tous les cas, que l’accusation soit vraie ou bien une manœuvre pour évincer Thomas Guénolé, ce que celui-ci explique dans son communiqué que voici.

On notera que Thomas Guénolé est passé par Sciences Po (où il a été ensuite professeur), ainsi que par l’une des meilleures écoles de commerce française, EM Lyon. Il est l’un des grands théoriciens de l’anéantissement du clivage Gauche/Droite.

Il appelle cela la « quadripolarisation » de la vie politique. La politique française serait composée de quatre blocs : celui des altermondialistes, celui des individualistes, celui des conservateurs et celui des nationalistes.

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Les 150 ans de la démocratie directe suisse

Les gilets jaunes ont comme leitmotiv le référendum d’initiative citoyenne (RIC), qu’ils considèrent comme la panacée pour résoudre les problèmes liés à la domination d’une « caste » technocratique. Ce 18 avril 2019, on célèbre justement les 150 ans de la démocratique directe à Zurich, ce qui a ouvert la voie au « style » référendaire à la suisse. C’est l’occasion de voir que ce que demandent les gilets jaunes n’est pas original, ni par ailleurs conforme aux exigences populaires.

Le 18 avril 1869, ce fut à Zurich le triomphe des populistes, comme Johann Caspar Sieber, qui entendaient réduire le parlement à une sorte de commission préparatoire. 60 % des voix se portèrent sur une réforme constitutionnelle, établissant le référendum comme base des décisions, supprimant donc la démocratie représentative pour la remplacer par ce qui sera par la suite appelé la « démocratie directe ».

Quelques années plus tard, la Suisse dans son ensemble effectuait un pas décisif dans cette direction ; rappelons qu’il s’agit d’une confédération, avec donc une très importante décentralisation. Mais c’est là justement le problème : comment le peuple peut-il s’exprimer dans son ensemble, si on le découpe en tranches ? Ou bien faut-il alors rejeter le principe de la souveraineté populaire à l’échelle nationale ?

Cette problématique a également beaucoup marqué le mouvement ouvrier, par exemple avec l’opposition entre Rosa Luxembourg et Lénine en 1917. Rosa Luxembourg était pour le maintien d’élections et d’un parlement, alors que Lénine était pour le pouvoir des soviets, c’est-à-dire des comités populaires organisés à la base.

Le système suisse, qui s’est ensuite également développé surtout dans l’Ouest américain sous l’impulsion des « populistes », n’a évidemment rien à voir avec les soviets. Il correspond en fait au rêve anarchiste de décentralisation absolue, où des individus décident de ce qui leur semble individuellement le plus adéquat. De nombreux penseurs socialistes utopiques en furent d’ailleurs une source idéologique locale.

À partir donc du 18 avril 1869, à Zurich, 5 000 citoyens peuvent appeler à un vote pour modifier une loi ou la constitution. Toute modification de la constitution ou des lois exige également un référendum, tout comme les dépenses supérieures à 250 000 francs suisses. La composition du gouvernement et les conseils communaux sont pareillement élus directement.

De manière très intéressante par rapport aux gilets jaunes, Zurich mit également en place une banque cantonale, pour faciliter l’obtention de crédits. Le parallèle est ici flagrant. Dans une même perspective, les impôts deviennent désormais progressifs, avec les riches devant payer davantage.

L’objectif est ici de souder la communauté, sur une base libérale solidaire, et de mettre de côté les patriciens, c’est-à-dire les capitalistes fortement développés et exerçant une pression conservatrice très forte. Leur grande figure était Alfred Escher, qui fut responsable du conseil d‘État, président du conseil d’administration du Crédit Suisse, président de la direction de différentes sociétés de chemins de fer, etc.

Il s’agissait ni plus ni moins que d’empêcher que les grands capitalistes fassent passer les institutions et l’administration sous leur coupe. C’est un peu la même chose avec l’opposition entre républicains et démocrates aux États-Unis. Mais c’est uniquement un conflit entre riches et ceux qui vont le devenir, tout comme Emmanuel Macron représente la nouvelle vague de riches contre l’ancienne.

Et il n’y a aucune expression politique populaire ni aux États-Unis ni en Suisse, car les bourgeois nouveaux combattent les bourgeois du passé en mobilisant le peuple contre ceux-ci, les accusant de tous les maux dans les institutions et l’administration. Comme en plus le système est particulièrement décentralisé, les mentalités se réduisent à des perspectives locales, empêchant toute envergure dans le raisonnement.

Impossible surtout de voir des classes sociales dans un tel découpage localiste, dans ces considérations individuelles et cette volonté de chasser les anciens pour mettre des nouveaux, sans qu’il n’y ait aucune considération sur le contenu. Tout serait une question de personnes, de nouvelles personnes contre les anciennes personnes.

C’est la raison pour laquelle la Gauche historique ne peut pas accepter cette logique populiste. La Gauche historique raisonne en termes de parti politique avec un programme établi par ses membres, avec une fonction d’avant-garde pour exprimer les intérêts du peuple. Le populisme propose lui un remplacement formel d’individus pour que le « système » se remette à fonctionner.

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Acte 22 des gilets jaunes : désormais comme Nuit debout

La petite minorité des gilets jaunes perpétue sa tradition, vaine et ayant lassé le pays depuis longtemps. C’est une faillite intellectuelle totale, mais les gilets jaunes ne conçoivent même pas de quoi il peut en retourner.

22 samedis d’affilée ! Sur ce plan, c’est un indéniable succès, la preuve d’une grande ténacité, et c’est bien le problème. Comme il était dit dans le monde romain, Errare humanum est, perseverare diabolicum, L’erreur est humaine, l’entêtement [dans son erreur] est diabolique. Tout ça pour ça, tout pour rien, avec comme seul horizon l’amertume, c’est terrible.

En 22 samedis, il n’y a eu aucune progression sur le plan des idées, de l’organisation, des valeurs. Il n’y a eu aucun saut qualitatif, et ce malgré les multiples changements de situation selon les samedis. Le grand symbole de ce 22e acte des gilets jaunes, c’est d’ailleurs leur nombre à Toulouse : 4 500. Un nombre ridicule de par l’ancrage de la ville dans un horizon marqué par l’engagement contestataire. C’est le symbole même d’une incapacité à avoir la moindre formulation politique.

Qui est-ce que cela va servir ? L’extrême-droite. Les un peu plus de 30 000 personnes ayant manifesté avec les gilets jaunes ce samedi n’ont qu’un seul rôle, celui de contribuer à saper la légitimité du régime, sans proposer rien d’autre, tout en diffusant les valeurs patriotiques et le refus de toute contestation de la propriété et de la bourgeoisie. Objectivement, ils servent l’extrême-droite, si ce n’est d’ailleurs subjectivement, tellement les raccourcis sur le plan des idées sont littéralement terrifiants.

Cela est vrai partout sur le territoire, des 500 personnes à Caen au 400 à Laval, des quelques centaines à Bordeaux aux 700 à Nantes, des 300 à Nancy au millier de personnes à Lille. C’est un véritable militantisme du néant, un travail au corps de la société française qui, heureusement, somme toute, a fini par se tenir éloignée de tout ça.

Car il est beaucoup parlé par certains de la popularité des gilets jaunes. Mais c’est là confondre une sympathie pour les luttes, pour la critique des puissants, avec une réelle sympathie pour les gilets jaunes. En pratique, n’importe quelle grande manifestation syndicale ou n’importe quelle journée de championnat de football mobilise bien plus de monde. Les gilets jaunes sont une sorte de micro-monde vivant en parallèle, avec une base totalement auto-intoxiquée, précisément comme hier Nuit debout ou les zadistes.

Quand on regardera les choses dans quelques années, on verra que la France a connu une poussée anti-politique, anti-culturelle, portée par les classes moyennes, avec un donc un esprit oscillant entre l’extrême-droite et le populisme anarchisant. On considérera les gilets jaunes comme une sorte de Nuit debout à l’échelle nationale, avec la même capacité d’imagination jusqu’au délire. Faut-il se rappeler du discours des gens de Nuit debout, qui s’imaginaient vraiment qu’une nouvelle constitution allait être mise en place grâce à eux, qu’il allait y avoir une nouvelle Révolution française !

Non, tout cela est anti-socialiste, tout cela est en-dehors de l’Histoire. Il ne reste d’ailleurs plus que le mythe pour porter les gilets jaunes : ceux-ci ont déjà annoncé que le 20 avril serait le prétexte d’une mobilisation de choc ! La fuite en avant continue… Jusqu’à ce que les combattants, épuisés, se jettent dans les bras de la démagogie fasciste.

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« Combattre la spéculation – exproprier Deutsche Wohnen & Co »

Depuis de nombreuses années, tous les bobos d’Europe de l’Ouest se précipitent à Berlin. Cependant, cette capitale a la particularité historique d’être populaire, avec historiquement un nombre très importants de squats portés par la gauche alternative des « autonomes », qui aujourd’hui sont légalisés ou ont disparu.

Cet embourgeoisement de la ville a donc provoqué de larges soubresauts politiques, et cela d’autant plus que Berlin étant redevenu la capitale de l’Allemagne, car cela impliquait une énorme série d’achats par les entrepreneurs, voyant ici une cible facile.

Ils ont d’ailleurs été soutenu par la mairie qui, il y a quinze ans, leur a vendu 65 700 logements. À l’époque, Berlin n’était pas encore frappée par la « hype » actuelle.

Il existe pour cette raison en ce moment une campagne à Berlin pour un référendum, appelé « Spekulation bekämpfen – Deutsche Wohnen & Co. Enteignen » – Combattre la spéculation – exproprier Deutsche Wohnen & Co.

L’objectif est l’expropriation des entreprises possédant plus de 3 000 appartements. « Deutsche Wohnen » est particulièrement ciblé, car ce géant capitaliste possède 160 000 appartements en Allemagne, dont 112 000 à Berlin. Ses bénéfices en 2018 ont été de 1,9 milliard d’euros.

Ce référendum est soutenu par les écologistes, Die Linke, ainsi qu’une partie du SPD, notamment Kevin Kühnert. Ce dernier, âgé de 29 ans, est le responsable des jeunes socialistes et un opposant fervent à la grande coalition alliant la Droite et la Gauche. Lors d’un débat télévisé, il n’a pas hésité à affirmer :

« De quel droit quelqu’un aurait-il plus de vingt appartements ? Je trouve cela juste de se positionner à ce sujet. »

Cet épisode est marquant, car au contraire d’en France, la Gauche en Allemagne s’est largement réactivée en puisant dans ses traditions, ce qui par ailleurs est également le cas en Autriche. S’appuyant sur les traditions social-démocrates du 19e siècle ayant permis un puissant enracinement, la Gauche se relève malgré des années de corruption lors de la participation au pouvoir.

Si cela ne signifie pas nécessairement qu’elle pourra réellement avancer, il y a là en tout cas quelque chose de totalement différent d’en France, où la gauche post-moderne, post-industrielle, ou populiste, ne cesse de chercher à enterrer la Gauche historique et ses valeurs.

En ce qui concerne l’expropriation elle-même qui est demandée, elle est censée passer par un dédommagement. Celui-ci serait à hauteur de 36 milliards d’euros, une somme énorme, dont le paiement est peu vraisemblable de la part de la ville de Berlin. D’ailleurs, l’expropriation est censée par ailleurs s’appuyer sur la constitution allemande ; or, cette dernière parle de biens communs à protéger, mais pas des logements, évidemment.

Cependant, on voit qu’en fait c’est la question de la propriété qui est surtout mise en avant, au-delà de la possibilité de concrétisation d’un tel référendum. C’est là quelque chose de normal à Gauche, mais malheureusement cela a totalement disparu en France depuis bien longtemps. À la Gauche historique de réactiver cela.

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Marion Maréchal prépare un après Marine Le Pen

Dans un entretien à Valeurs Actuelles, Marion Maréchal rappelle sa présence, comme elle le fait régulièrement maintenant. Son positionnement est subtil : elle n’intervient pas formellement dans le débat politique, tout en donnant son avis pour être celle « qui l’avait dit ». Cela lui permet de laisser les autres faire, probablement se tromper, et de se présenter plus tard comme un recours.

L’entretien à Valeurs Actuelles est précédé d’une présentation élogieuse de Marion Maréchal, où l’on apprend des choses sur elles, sur sa vie, ses ambitions. Cela permet d’exprimer ce que Marion Maréchal ne peut dire elle-même. C’est savamment orchestré, et on a compris depuis longtemps à quel point la revue de la Droite traditionnelle a fait le choix de l’ancienne député Front national.

Le moment a donc été bien choisi. L’entretient est publié alors que la campagne pour les élections européennes est lancée, mais qu’elle ne bât pas encore son plein. On nous explique qu’elle vient parler « d’Europe », mais que le sujet « Les européennes » serait « trop politicien » pour elle.

C’est qu’il s’agit surtout de préparer l’après, tout en travaillant au passage sa posture de femme d’État, cultivée, minutieuse et, surtout, stratège. Les fondamentaux sont rappelés, rabâchés : ce qui compte est le conservatisme, c’est-à-dire une expression de Droite, dans sa version traditionnelle, viscéralement opposée à la Gauche.

« Je me suis moi-même toujours définie comme une femme de droite. Le clivage droite-gauche continue d’irriguer la vie politique française, mais il n’épuise pas tous les autres clivages présents »

Cette question des « autres clivages » est très importante, c’est le cœur de sa divergence stratégique avec Marine Le Pen. Cette dernière, lorsqu’elle a pris les commande du Front national, a élaboré une stratégie d’écartement opportuniste du clivage Gauche-Droite.

C’est un choix populiste, « facile » d’une certaine manière car correspondant au niveau de dépolitisation de la société française. Cela est considéré comme insuffisant par Marion Maréchal :

« J’ai dit en revanche pourquoi le clivage entre populistes et mondialistes me semble être une impasse électorale. Je crois qu’on ne peut pas gagner en s’adressant seulement aux classes populaires. Ceux qui rêvent d’une grande alliance de partis entre La France insoumise et le Front national se trompent.

Cette alliance me semble d’autant moins possible que la souveraineté, dont se réclame timidement Jean-Luc Mélenchon, n’est pas une fin en soi. La souveraineté, c’est le contenant ; la vision de la société, c’est le contenu. Au service de quoi met-on la souveraineté ? Une République islamique souveraine, ça ne m’intéresse pas… »

Si Jean-Luc Mélenchon est cité, c’est évidemment de Marine Le Pen qu’il s’agit, puisqu’ils ont une stratégie et une expression quasiment identique. Leur seul différence est de dire l’inverse l’un par rapport à l’autre sur la question de l’immigration.

Marion Maréchal a bien compris que cela revenait au même sur le plan idéologique, qu’il s’agissait dans les deux cas d’aller au nationalisme. Ce qui l’intéresse cependant est d’ordre politique, c’est-à-dire la façon de prendre le pouvoir. Elle explique ainsi :

« Deux gros blocs ont depuis émergé : celui du centre droit et gauche d’Emmanuel Macron, ainsi que le bloc populiste (je ne partage pas la diabolisation de ce mot, qui a des relents d’anathème dans la bouche de certains) de droite et de gauche. Deux blocs inadaptés à notre système électoral qui entraînent une situation de blocage. »

La question de fond est bien-sûr la question culturelle, celle des valeurs. C’est pour cela qu’elle parle de « République islamique » au sujet de Jean-Luc Mélenchon, pour discréditer son nationalisme, lui ôter toute substance. Elle dit ni plus ni moins qu’il faut en revenir aux fondamentaux de la Droite, des valeurs conservatrices de la Droite, car ce sont les sujets culturels, suffisamment clivants, qui mobilisent et devraient permettre de prendre le pouvoir.

Ce qu’elle suggère est une position intermédiaire, non pas entre les populistes, mais entre le populisme issu de la Droite, celui de Marine Le Pen, et la Droite conservatrice elle-même :

« C’est à la France de se faire une place dans le dispositif [de l’Union européenne, NDLR]. De marquer sa différence. D’être capable d’engager un rapport de force. Je ne crois pas que Marine dise autre chose. François-Xavier Bellamy non plus d’ailleurs. À la seule différence que Bellamy est plus difficile à suivre, car enfermé dans une forme d’« en même temps ».

Pour résumer simplement, il a du mal à dire que l’Union européenne est un échec dans sa forme actuelle. De mon côté, le postulat de ma réflexion repose sur l’affirmation qu’il s’agit d’un mauvais système, inopérant, mal pensé, mal conçu et philosophiquement délétère pour les nations européennes. »

Elle dit aussi, de manière encore plus politique :

« Le populisme est moins un programme qu’un style : il existe des populistes de gauche et de droite. C’est un mouvement polymorphe. Ses caractéristiques pourraient être un chef charismatique, le rejet des élites et du système de manière générale, la défense d’une démocratie idéale contre une démocratie représentative qui serait dévoyée, l’appui exclusif sur les classes populaires.

Le positionnement populiste semble être une impasse électorale. Si l’on doit bien sûr défendre les classes populaires, on ne peut pas faire l’économie de s’adresser à la classe moyenne et haute. Il faut rassembler autour d’une vision commune et non faire de la politique catégorielle. »

Ce qu’elle reproche à Marine Le Pen, c’est-à-dire de proposer un populisme qui manquerait de substance culturelle et de profondeur civilisationnelle (d’où, de son point de vue, l’importance de la classe « moyenne et haute »), elle le reproche inversement à François-Xavier Bellamy :

« J’ai également conscience qu’en France le conservatisme, en tant que courant politique, est mort et enterré depuis la IIIe République. Il s’était largement construit dans la contre-révolution, intrinsèquement liée au catholicisme français. Aujourd’hui, un conservatisme français émergeant de nouveau après de telles décennies de silence ne pourrait pas se contenter de ressusciter ce courant-là.

François-Xavier Bellamy dit en substance la même chose, quand il affirme que, s’il y avait quelque chose à conserver, il serait pour, mais qu’il faut tout changer.
Je suis d’accord avec lui sur ce point : conserver quoi ? Il faut s’entendre. Mais entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron, lui affirme préférer conserver Macron. »

Ce dernier aurait donc raison sur le plan culturel, mais il ne serait pas suffisamment enclin à accepter le nationalisme de Marine Le Pen, ce qui serait son erreur, qu’elle entend corriger.

> Lire également : nos articles sur Marion Maréchal

Marion Maréchal fait donc de la politique, de manière très sérieuse, très impliquée, très stratégique, en visant le long terme. Son ennemi est bien évidemment la Gauche, l’idée même de socialisme, d’une société pacifique aux valeurs universelles. Il est donc impératif pour la Gauche de la prendre très au sérieux, et de se mettre au niveau, en travaillant ses fondamentaux pour avoir une vision du monde conséquente à lui opposer.

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Les parlementaires de Gauche contre la privatisation d’Aéroports de Paris (ADP)

Des parlementaires de droite et de gauche ont lancé une procédure consistant à récolter des signatures pour organiser l’opposition à la privatisation de la société Aéroports de Paris (ADP).

Si on peut douter de la pertinence de vouloirs défendre les aéroports de Paris en tant que tels, il est certain qu’une privation compliquerait une politique de réduction du trafic aérien, pourtant si nécessaire sur le plan écologique.

Les députés et sénateurs de Gauche ont eu un rôle majeur dans la procédure référendaire visant à contester la privatisation. Les groupes socialiste et communiste au Sénat ont produit un communiqué commun à ce propos :

AÉROPORTS DE PARIS: DONNONS LA PAROLE AU PEUPLE !

Depuis des mois, le groupe Socialiste et Républicain et le groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste contestent au Sénat et dans le pays la privatisation des aéroports de Paris. Cette privatisation est un non-sens économique, budgétaire et environnemental : la concession pendant 70 ans à un opérateur privé rapportera moins à l’Etat que les bénéfices de l’exploitation, affaiblira le service public pour les usagers aériens et insécurisera les riverains face aux nuisances.

Privatiser ADP c’est :

– Livrer une entreprise chargée de missions de service public à des logiques actionnariales privées avec le risque d’une hausse des tarifs et d’une baisse de la qualité des services pour les usagers et les compagnies aériennes (Air France)

– Perdre la main sur des infrastructures stratégiques de notre pays qui sont des outils de structuration et d’aménagement de notre territoire

– Abandonner des prérogatives régaliennes en termes de sécurité, de sûreté et d’accueil sur le territoire national

Face à ce constat, nos groupes ont contribué au rassemblement de plus de 185 parlementaires pour déposer une proposition de loi référendaire visant à rendre ces aéroports non privatisables. Ce texte propose que l’aménagement, l’exploitation et le développement de ces aéroports relèvent d’un service public national au sens du préambule de la Constitution de 1946 et doit donc nécessairement rester dans le domaine public.

Cette procédure inédite dans notre histoire parlementaire est aujourd’hui nécessaire pour empêcher la privatisation des aéroports, qui serait une dramatique erreur, à l’image de celle des autoroutes.

Nous appelons désormais le Président de la République et son gouvernement à renoncer à leur projet de privatisation et à sanctuariser le service public aéroportuaire francilien, soit de leur propre chef, soit en laissant le peuple trancher par référendum. Il est temps de tirer les leçons du grand débat et de la crise et de donner la parole aux Français, sur ce sujet majeur.

 

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Gérard Filoche : « Lettre ouverte aux formations de gauche et de l’écologie »

Voici un appel à l’unité de la Gauche lancé par Gérard Floche du mouvement Gauche démocratique et sociale. Ce qu’il dit est un point de vue très répandu chez les personnes de gauche, qui redoutent une déroute pour les prochaines élections européennes.

On peut douter de l’évaluation de Gérard Filoche qui affirme qu’il existe une très grande mobilisation sociale dans le pays et il est malheureusement obligé, par principe, de rappeler par ailleurs sa faute en diffusant une image ouvertement antisémite, ce qu’il a considéré comme une erreur.

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CGT : appel à la mobilisation le 13 avril pour la liberté de manifester

Communiqué de la CGT appelant à une mobilisation samedi 13 avril pour la défense des libertés publiques :

UN PREMIER COUP D’ARRÊT
Les dérives autoritaires du gouvernement sanctionnées

Le Conseil Constitutionnel a rendu sa décision hier en jugeant inconstitutionnelle l’une des mesures emblématique les plus contestée: les interdictions administratives de manifester.

En effet, cette disposition permettait d’interdire à une personne de manifester surtout le territoire national sur la base de simples suspicions; un outil dangereux à disposition des Préfets portant atteinte à la liberté fondamentale de manifester de l’ensemble des citoyens.

La CGT se félicite donc de cette censure partielle qui marque indéniablement un coup d’arrêt important aux dérives autoritaires d’un gouvernement resté sourd à l’urgence sociale et climatique.Il est absolument inqualifiable que des parlementaires soient à ce point « aux ordres » qu’ils ne veuillent pas écouter les critiques pourtant profondes et adoptent, à la majorité, une telle mesure inconstitutionnelle portant aussi gravement atteinte aux libertés fondamentales dans une démocratie.

Il aura fallu la pression venant de toutes parts, des plus hautes instances internationales et européennes, de l’ensemble des organisations syndicales, politiques et associatives progressistes et humanistes de défense des droits fondamentaux pour que, finalement, Macron saisisse lui aussi le Conseil Constitutionnel.

Le Conseil constitutionnel déclare donc non conforme à la Constitution les interdictions administratives de manifester. En effet, elles laissent une marge de liberté trop grande au Préfet et pourraient être arbitraires. Le Conseil Constitutionnel valide le reste du texte notamment les fouilles généralisées aux abords des manifestations et la création du délit de dissimulation du visage, des mesures toutes aussi liberticides et dangereuses.

Face à la multiplication de la répression, de la criminalisation des mouvements sociaux, il est indispensable de rester largement et massivement mobilisés pour la défense des libertés publiques.

La CGT appelle donc à participer massivement aux manifestations prévues le 13 avril, sur tout le territoire, aux côtés des forces progressistes.

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MJS : Génocide contre les Tutsi, la France doit reconnaître sa responsabilité

Communiqué du Mouvement des jeunes socialistes :

« Génocide contre les Tutsi, la France doit reconnaître sa responsabilité

À l’occasion de la 25ème commémoration du génocide contre les Tutsi au Rwanda, les Jeunes Socialistes rappellent leur combat pour la vérité, la justice et contre le révisionnisme.

Alors que deux historiens ont été écartés de la commission chargée de faire la lumière sur le rôle de Paris concernant ce génocide, Emmanuel Macron refuse de participer aux commémorations à Kigali.

Toute la famille socialiste doit désormais reconnaître le rôle de plusieurs de ses responsables, placés au plus haut niveau de l’appareil d’Etat à la fin du second septennat de François Mitterrand.

Les Jeunes Socialistes s’associent à la tribune rassemblant 280 universitaires, enseignants et intellectuels qui dénoncent la composition de cette commission et réclament les conditions d’un examen indépendant des archives nationales.

La France doit reconnaître sa responsabilité dans la collaboration avec le pouvoir Hutu avant, pendant et après le génocide contre les Tutsi.

Les Jeunes Socialistes continueront d’exiger la vérité par respect pour les rescapés et pour qu’une telle tragédie ne se reproduise plus jamais. Nous appelons notre famille politique à participer officiellement aux commémorations. »

La tribune dont il est question dans le communiqué : le courage de la vérité

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Raphaël Glucksmann : trottinette électrique et montre Cartier

Il ne parvient même pas à faire semblant de ne pas être un bobo : en allant à la rencontre d’un journaliste de la Tribune de Genève, Raphaël Glucksmann a multiplié les prouesses dans le ridicule et le grand bourgeois.

Raphaël Glucksmann, c’est le parisien bobo qui pense que la France ne vit finalement qu’à travers des gens comme lui. On sait comment ces gens de l’élite ne conçoivent même pas d’être totalement en décalage, jusqu’au ridicule. Ainsi, Raphaël Glucksmann a rendez-vous avec un journaliste de la Tribune de Genève ; il a du retard. Voici son excuse :

« Je traversais la place de la Concorde en trottinette électrique quand le guidon s’est décroché, incroyable non ? »

On se dit : le type est naïf, ou stupide, ou les deux. Et en plus il continue :

«Je sais que ça fait très bobo, la trottinette, mais qu’est-ce que c’est pratique ! »

La considération du journaliste est immédiate :

« Bobo, il l’est jusqu’au bout des ongles. »

La suite du compte-rendu du journaliste est pratiquement hilarante :

« Ce midi-là, on le retrouve au restaurant en compagnie de Thomas Porcher, professeur d’économie et lui aussi cofondateur de Place publique – un habitué des débats télévisés où il s’est fait la spécialité de massacrer la vulgate économique libérale.

On ne peut s’empêcher d’admirer sa jolie montre Cartier – « J’ai le droit d’aimer les belles choses, bougonne-t-il en remontant sa manche. Vous n’allez quand même pas parler de ça…»

On croit alors avoir tout lu, mais non, il y a la suite :

« Ça tombe bien, car le hasard veut qu’à la table d’à côté mange l’influent député LFI Alexis Corbière. Pendant tout le repas, on se jette des regards, on s’épie. Au moment de partir, Alexis Corbière engage la conversation, mi-agressif – « Vous nous tapez vraiment dessus comme des sourds ! » –, mi-conciliant – « La bataille est culturelle et vous aussi vous l’avez compris ».

Au début, ils se vouvoient, mais ils profitent de l’occasion pour passer au tutoiement, et quand c’est chose faite Alexis Corbière repart. « Vous avez vu ? Là on n’était pas loin les uns des autres », s’exalte Thomas Porcher, comme si l’union de la gauche était à portée de main. »

C’est un véritable sketch. C’est tout un milieu, tout un style de vie, toute une manière d’être, proprement bourgeois, proprement parisien… Avec un déni complet de la réalité, avec le refus d’assumer quoi que ce soit.

Comment peut-on parler d’écologie alors qu’une aberration comme la trottinette électrique est l’exemple même de l’individualisme le plus vil, le plus gratuit, le plus inutile ? Quelle cohérence, sans parler même de dignité, peut-il y avoir chez des gens portant une montre Cartier et prétendant en même temps que le monde ne tourne pas rond ?

Et pire encore, ces gens sont les idiots utiles du fascisme. En faisant passer la Gauche pour un rassemblement de guignols, voire de grand bourgeois, ils donnent des ailes à l’extrême-droite qui elle utilise de bout en bout une démagogie populaire. Imagine-t-on seulement Raphaël Glucksmann tenir ne serait-ce que quelques minutes de débat face à Marine Le Pen, sans parler de Marion Maréchal ?

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Acte 21 des gilets jaunes : l’essoufflement

Le mouvement des gilets jaunes s’essouffle de plus en plus après s’être totalement enlisé, enkysté dans des postures. Davantage réduit à un simple folklore, il diffuse l’attente d’un « événement » déclencheur qui, dans l’état actuel des choses, favorise l’esprit d’extrême-droite.

Un mois de prison avec sursis pour outrage, 300 euros de dommages et intérêts et 500 euros de remboursement de frais d’avocat, c’est ce qu’a reçu un gilet jaune comme peine pour avoir, lors d’un rassemblement de soutien à des gilets jaunes emprisonné à Lille… diffusé en vidéo sur facebook, en gros plan, les fesses d’une policière, en proférant des insultes.

Qui sait à quoi ressemble les rassemblements des gilets jaunes ne sera pas étonné de ce genre de choses. Les gilets jaunes sont totalement enkystés dans des postures plébéiennes, avec la Marseillaise comme hymne, se cantonnant dans des postures vaines, voire grotesques, comme à Paris cet homme en robe de bure, avec une sorte de haut en toile, portant une grande croix ! Ou bien ce drapeau breton, où le blanc a été remplacé par du jaune…

Les gilets jaunes représentent tellement un néant politique et une auto-intoxication forcenée qu’on a eu Francis Lalanne qui, lors de l’arrivée du cortège parisien des gilets jaunes à l’arche de la Défense, le quartier « business » à l’ouest de Paris, a affirmé que :

« C’est la fin du système capitaliste. Il est mort. Nous le célébrons. »

Le capitalisme n’est pas prêt de mourir avec de tels gens, dont le seul dénominateur commun idéologique est de refuser la Gauche, ses valeurs, son histoire. Tout sauf la Gauche ! Tout sauf le socialisme ! Voilà le fond de la pensée de ceux qui veulent que l’État leur donne plus de sous pour continuer à vivre comme avant.

Cette mascarade n’est plus crue que par ceux qui s’inventent une vie. Il y a eu samedi 6 avril 2019, pour l’acte 21, environ 22 000 personnes selon la police (naturellement, « France Police-Policiers en colère » en a vu 110 000), et dans tous les cas le chiffre le plus bas depuis le départ.

Ils furent environ 3 000 à Paris en deux cortèges, 1 300 à Montpellier, ainsi qu’à Toulouse où il y a eu des échauffourées. Il y en a eu autant à Bordeaux et Forbach, un peu moins à Rouen (censé pourtant être l’épicentre de cette 21e session), simplement quelques centaines à Lyon, pareil à Nantes.

À Dijon, le rond-point non loin de l’Ikea a été occupé, puis il y a eu une tentative d’introduction dans l’hôtel de ville, alors que le Palais des ducs a été tagué. Environ 200 manifestants, en provenance de Toulouse, Perpignan, Marseille, Montpellier, Toulouse… ont tenté de forcer le passage vers l’autoroute A9 au niveau du péage du Boulou dans les Pyrénées Orientales.

Enfin, parmi les tentatives de formalisation, il y a eu une seconde « assemblée » de délégués gilets jaunes. La première avait eu lieu à Commercy dans la Meuse le 27 janvier, cette fois cela s’est déroulée à Saint-Nazaire en Loire-Atlantique, avec quelques dizaines de personnes.

C’est là la parodie jusqu’au bout, car justement, ce qui caractérise les gilets jaunes, c’est leur absence de production systématique d’assemblées. L’assemblée, le fameux « soviet » russe, a toujours été générée lors de vraies mouvements populaires, lorsque la classe ouvrière s’était mise en branle. Il n’y a là rien de tout cela, car les ouvriers sont sciemment restés à l’écart des gilets jaunes.

C’est cela par ailleurs la véritable démocratie, et non pas un « référendum d’initiative populaire » qui fonctionne sur le principe du plébiscite, de la mesure démagogique, du populisme. Mais tout cela les gilets jaunes ne peuvent pas le saisir, ils sont dans leur bulle, et celle-ci perd toujours plus ses contours.