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Les « gilets jaunes », colère populaire ou réaction populiste ?

Il est difficile de savoir si les blocages de samedi 17 novembre auront un véritable impact tellement les « gilets jaunes » semblent être un mouvement divers et diffus. Bien qu’il y ait une exaspération certaine dans les classes populaires contre le prix des carburants, qui relèvent de la vie chère en général, il y a aussi une méfiance envers ce qui semble être un mouvement d’automobilistes défendant des intérêts d’automobilistes ne voulant pas changer leurs habitudes.

Gilets jaunes

Le diesel doit augmenter de 6,5 centimes par litre et l’essence de 2,9 centimes par litre à partir du 1er janvier prochain, ce qui s’ajoute aux multiples augmentations, fiscales ou marchandes, de ces dernières années.

Cela est un bouleversement car en France jusqu’à très récemment, prendre sa voiture était un acte tout à fait banal, sans qu’il y ait vraiment l’impression que cela coûte quelque-chose. Mise à part les trajets domicile-travail qui sont plus facilement identifiables, on peut dire que la plupart des gens n’avaient pas l’impression de spécialement dépenser de l’argent quand ils prenaient la voiture pour aller se promener, se rendre au sport, faire les courses, visiter de la famille à une heure de route, etc.

Tel est de moins en moins le cas pour la plupart des familles qui ont de plus en plus conscience du prix de chaque kilomètre parcouru. C’est un changement profond qui concerne la vie quotidienne, ou plus précisément le mode de vie.

C’est précisément sur ce point que s’est exprimé le chef du gouvernement Édouard Philippe en justifiant les prix :

« J’entends parfaitement la grogne, le mécontentement parfois, la colère aussi qui peut s’exprimer, mais je dis aujourd’hui comme je l’ai toujours dit qu’il n’y a pas de solution magique au problème du dérèglement climatique. »

Ajoutant que :

« Il faut pouvoir inciter nos concitoyens à changer un certain nombre de comportements qui sont problématiques du point de vue des équilibres environnementaux. »

Nous sommes en effet confrontés à ce problème majeur que d’un côté le capitalisme a tellement façonné le territoire et les habitudes selon ses intérêts que la population est très dépendante de l’automobile et de l’autre on ne sait que trop bien l’insoutenabilité que cela représente pour la planète.

Il y a donc deux aspects.

L’aspect le plus important est que ce modèle de société organisé autour de l’automobile n’est pas acceptable et devra disparaître le plus tôt possible.

Partant de là, il apparaît compliqué de soutenir la revendication de consommer plus de carburant, ou du moins plus facilement. C’est d’autant plus vrai que « les gilets jaunes » ne représentent pas des gens pauvres au sens strict du terme, qui par exemple se rendent aux « Restaurants du cœur » ou font appel à l’assistance sociale pour payer la cantine des enfants, car dans ce cas les préoccupations sont toutes autres.

On peut même dire que ce mouvement porte en lui en grande partie le point de vue de gens pas forcément très riches, mais n’en ayant pas grande chose à faire de la planète, roulant en SUV ou en grosse cylindrée, faisant de leur automobile un fétiche.

Quel sens cela a-t-il en effet de réclamer une baisse du prix des carburants pour des personnes qui ne sont pas capables de marcher dix minutes ou faire cinq minutes de vélo pour aller chercher leur pain ?

On peut en dire de même des artisans, peut-être pas tous mais une majorité d’entre eux qui râlent contre ce coût incompressible mais ont en fait une conduite très consommatrice, ne respectent pas les limitations de vitesses ni les autres usagers de la route avec leurs camions ou camionnettes.

Il faut bien voir qu’il y a à l’arrière-plan de ce mouvement des « gilets jaunes » une grande frustration depuis la limitation de la vitesse à 80 km/h sur le réseau secondaire en juillet dernier. C’était une « colère » erronée, soutenue par les populistes, acceptable d’aucune façon quand on est à Gauche.

On ne peut pas négliger cependant ce second aspect qui est que les classes populaires n’ont pas vraiment le choix que de prendre leur automobile et subissent négativement la hausse du prix du carburant.

Cela est d’autant plus insupportable qu’on sait bien que malgré les discours, Édouard Philippe et son gouvernement ne font rien pour améliorer la situation, qui est de pire en pire.

Les premières mesures d’un gouvernement ne serait-ce qu’un minimum soucieux de l’environnement devraient être au moins de sur-taxée le carburant au-dessus d’une certaine cylindrée, d’interdire la publicité pour les SUV et les grosses voitures, d’abaisser la limitation de vitesse sur les autoroutes en renforçant les contrôles, de pénaliser les constructeurs ayants fraudés sur le diesel, de renforcer le réseau de chemin de fer et le fret ferroviaire, de réduire drastiquement le trafic aérien en taxant beaucoup le kérosène et en interdisant les compagnies « lowcoast », de nationaliser Total pour ne plus que ce soit une compagnie motivée par le bénéfice.

Dans ce cas, Édouard Philippe pourrait éventuellement augmenter les taxes et tenir ce discours de « c’est compliqué mais il n’y a pas le choix », puisqu’il y aurait des mesures générales visant à réduire la consommation de carburant autrement qu’en faisant payer les classes populaires autant (donc proportionnellement plus) que les plus riches.

Au lieu de cela, le Président Emmanuel Macron est une personne dont la première action politique connue avait été d’autoriser des compagnies de bus privées sur les routes pour concurrencer le monopole public de la SNCF. Le gouvernement d’Édouard Philippe a quant à lui, entre autre, autorisé Total à raffiner de l’huile de palme sur son site de La Mède.

Les classes populaires n’ont donc aucune confiance en eux pour avancer sur le plan écologique et sont naturellement exaspérées par le prix des carburants.

Les augmentations sont critiquables parce qu’elles ne s’inscrivent pas dans une politique de planification écologique des transports ni ne sont portées par une dynamique de fond dans la société pour un changement de modèle.

Les décisions sont prises par en haut, de manière unilatérale, avec ce sentiment légitime qu’il n’y a pas de considération pour la vie quotidienne et le mode de vie.

La question se posera samedi de voir dans quelle mesure la contestation aurait été populaire, ou simplement une réaction populiste à la marge de la société française.

Dans tous les cas cependant, cela n’aboutira à rien de positif sans une Gauche assumant le socialisme et la planification de l’économie, proposant des mesures drastiques, à la fois démocratiques et populaires mais aussi réellement efficaces pour inverser la tendance dans notre rapport à la nature.

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La cérémonie du 11 novembre 2018 et l’incohérence si française

La cérémonie du 11 novembre, avec sur les Champs-Élysées de très nombreux chefs d’État, est la preuve que la France est entièrement enserrée dans une idéologie à la fois républicaine et guerrière, chauvine et libérale. Une incohérence qui lui fournit cependant une vraie dynamique.

Cérémonie 11 novembre 2018. Emmanuel Macron.

Il est difficile de faire de la politique en France, car les Français sont incohérents. Ils sont plutôt contre le libéralisme économique, mais dans tous les cas pour le libéralisme politique et culturel. Ils sont opposés au nationalisme, mais pratiquent un chauvinisme maquillé en fierté de la « grande nation ». Ils détestent le système social américain, mais adorent Apple et McDonald’s, les films de gangsters et la course à l’argent.

Ils sont contre les impôts, mais pour la sécurité sociale. Ils sont pour les grandes idées et la culture, voire pour le communisme, mais pratiquent le cynisme, consomment des choses culturellement stupides, ne lisent plus de livres. Ils sont pour l’égalité hommes-femmes, mais acceptent le machisme « latin ». Ils sont contre le racisme, mais ne quittent pas le terrain des préjugés sur les autres peuples.

Quand ils sont catholiques, ils pensent que le pape peut dire ce qu’il veut et que cela ne change pas grand-chose ; quand ils sont juifs et musulmans ils pensent pareillement que c’est l’intention qui compte. Le Parisien adore les musées de sa ville, mais n’y va pas. Le Français râle contre chaque président, mais votera passionnément pour le prochain.

Toute cette incohérence fait qu’on ne sait pas comment s’y prendre pour aborder les Français, et Emmanuel Macron, qui se veut un grand modernisateur, tout étant un ardent défenseur de la chasse et des chasseurs, correspond à cette incohérence française.

La cérémonie d’hier du 11 novembre en dit beaucoup à ce sujet également. Les Français considèrent la première guerre mondiale comme une boucherie, mais en même temps ils acceptent sans broncher le discours républicain patriotique. Il suffit pour cela qu’il soit parlé de paix.

Les Français ont donc accepté et apprécié. Sur les Champs-Élysées, de très nombreux chefs d’État entouraient Emmanuel Macron, pour des petites cérémonies militaires, des intermèdes musicaux, des lectures de documents d’époque, etc. Ce sont des lycéens de Seine-Saint-Denis qui lisaient les documents, il y a eu un petit intermède musical d’Afrique, avec une femme en tenue traditionnelle d’un peuple de ce continent, Emmanuel Macron a vanté l’armistice : tout est parfait pour un confort national ouaté.

Qu’importe s’il a proféré le mensonge comme quoi la guerre de 1914-1918 était une bataille pour la patrie et la liberté, avec des gens du monde entier venant rejoindre les rangs de l’armée française, car « la France représentait ce qu’il y a de plus beau dans le monde ».

Tout cela ne compte pas, car les Français ont capitulé devant l’État et son appareil, son armée et son administration. Du moment qu’il est possible de râler, d’être mécontent, de recevoir des aides de l’État à certains moments, le contrat est signé et l’État peut faire ce qu’il veut.

Cette attitude n’a pas changé depuis 1914, il y a la même confiance méfiante en l’État et si l’État disait de nouveau : il faut la guerre, les Français donneront pareillement leur blanc-seing. Si c’est ainsi, c’est qu’il n’y a pas le choix, tout le monde n’est-il pas raisonnable ?

C’est exactement ce raisonnement qui a coulé la Gauche en 1914, qui était contre la guerre et l’armée, mais a fait confiance en l’État, considérant que l’administration et l’armée devaient forcément être raisonnables face à une telle crise.

Cette capacité à protester, râler, rager, combattre quelque chose, tout en faisant finalement tout de même confiance, en dernier recours, est la vraie caractéristique de l’attitude des Français. Tant que n’est pas brisée une telle démarche, la Gauche sera toujours engloutie dans les sables mouvants d’une République qui est un simple appareil de la bourgeoisie, dont la prétention humaniste et universaliste, raisonnable et généreuse, pour fausse qu’elle soit, hypnotise avec force, encore et toujours.

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Le syndicaliste : « On réussit sans vous »

Les syndicalistes n’ont aucune perspective socialiste, car ils refusent de se soumettre à la Gauche politique. Les propos tenus à Maubeuge par un syndicaliste à Emmanuel Macron fournissent un exemple de plus de cela.

Emmanuel Macron

Dès qu’un syndicaliste l’ouvre, on sait que ce qu’il va dire va torpiller la Gauche. Car la prétention des syndicalistes est incroyable : ils pensent pouvoir mieux gérer que tout le monde, représenter réellement les salariés. Alors qu’en réalité, ils ont une petite minorité sans réel écho, à part pour le patronat qu’ils aident de toutes leurs forces.

Voilà pourquoi un syndicaliste de Sud, alors qu’Emmanuel Macron était dans une usine Renault près de Maubeuge, accompagné de PDG du groupe Carlos Ghosn, a réagi de manière critiquable :

Emmanuel Macron : « On est là tous ensemble pour réussir. »

Le syndicaliste : « On réussit sans vous. »

Ce discours sur la réussite de l’entreprise comme critère de la valeur des ouvriers, on le retrouve à la CGT comme à la CGT-FO, à SUD comme à la CNT ou à la CFDT. Car les syndicalistes ne raisonnent pas en tant que classes, mais en défense de « salariés », c’est-à-dire de gens employés par et pour les entreprises capitalistes ou l’État.

Le raisonnement est donc fait de l’intérieur du capitalisme, sans jamais le dépasser. Le syndicalisme n’a un horizon que totalement borné, et voilà la raison pour laquelle la social-démocratie allemande, au 19e siècle, était scandalisé des socialistes français qui se mettaient à la remorque de la CGT, alors que les syndicalistes doivent inversement être soumis à la Gauche politique.

Un autre propos du syndicaliste en dit long par ailleurs sur la mentalité restreinte, bornée de celui-ci :

« M. Macron, vous n’êtes pas le bienvenu ici. M. Ghosn se donne du mal. Mais avec l’augmentation de l’essence vous reprenez d’une main ce que vous donnez de l’autre. »

Le syndicaliste a tout faux, il ne peut pas voir ni l’écologie, ni le rapport aux campagnes ; en syndicaliste, il veut juste aider à produire des voitures. Comme d’autres veulent plus de fermes-industrielles, de centrales nucléaires, de constructions d’autoroutes, etc.

On retrouve évidemment la problématique de fond : le syndicalisme voit des individus, qu’il compte défendre, il a perdu entièrement de vue la notion de classe. On dit souvent ici que la CFDT représente le syndicalisme le plus adapté à cette perspective individualiste : pas du tout, c’est la CGT-FO qui depuis le départ représente cette tradition, qui est par ailleurs la vraie tradition syndicaliste française.

La CNT n’est d’ailleurs qu’une forme radicalisée de la CGT-FO, la CFDT étant issue du syndicalisme chrétien devenue autogestionnaire puis moderniste, SUD étant un prolongement autogestionnaire de cette tradition CFDT. La CGT est quant à elle les restes des restes de la CGT produite par la vague du Front populaire, qui a obligé la CGT à s’unir et à soutenir celui-ci, avec une tradition d’ouverture à la politique avec le PCF des années 1930 et 1950.

Cela fait qu’au final, c’est le syndicalisme à la CGT-FO qui prend inéluctablement le dessus, comme syndicalisme des salariés, des individus. Et il ne s’agit pas de parler d’un syndicalisme de classe, dont le sens est flou ; ce qu’il faut exiger, c’est la soumission des syndicalistes à la Gauche politique.

Seule la Gauche politique a l’envergure pour faire avancer la société ; les syndicalistes doivent en faire partie, mais leur activité ne leur donne nullement la primauté, c’est à la politique que celle-ci doit revenir.

Sans cela, comme on peut le voir, les syndicalistes soutiennent les entreprises et l’État, diffusent l’apolitisme, ne servent en rien la cause du socialisme, de la classe ouvrière, de la population salariée.

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Un référendum en Nouvelle-Calédonie qui n’en était pas un

La Nouvelle-Calédonie a connu dimanche dernier un référendum sur l’indépendance : « Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? ».

Nouvelle Calédonie

Tout au moins en apparence. En réalité, tout était joué à la base même. Le colonialisme français en Nouvelle-Calédonie, à 16 000 km de la métropole, a bloqué toute perspective, afin de conserver le territoire, les zones réservées dans l’océan (1,4 million de kilomètres carrés de zone exclusive), ainsi que les 25 % des réserves mondiales de nickel.

En effet, les Kanaks ne sont plus qu’une minorité sur l’île, ils ont voté en masse pour l’indépendance, mais ils plafonnent à 43,6  %, ils sont bloqués par la majorité d’origine européenne, mais aussi wallisienne et tahitienne, ainsi qu’asiatique.

De plus tout le monde sait bien que dans le cas d’une indépendance, la situation est telle que le pays nouveau basculerait immédiatement sous la coupe de la Chine ou de l’Australie. Il y a des revendications anti-coloniales, mais aucune dynamique démocratique réelle, pour ne pas parler de dynamique pour le socialisme.

L’indépendance de la Nouvelle-Calédonie n’apparaît donc que comme une aventure que, logiquement, dans tous les cas, la majorité ne veut pas essayer. Et en proposant l’indépendance telle quelle, les dirigeants kanaks ne font que servir l’inscription toujours plus prononcée de la Nouvelle-Calédonie dans la France.

Les indépendantistes du Parti travailliste et de l’Union syndicale des travailleurs kanaks et des exploités (USTKE) ont d’ailleurs parfaitement compris la situation et n’ont pas participé au référendum. Ils ont tout à fait compris que tout était joué d’avance et n’ont pas manqué de le dire. Seulement ils font face au problème de fond, celui du grand choix.

Le grand slogan de l’USTKE est « usines tribus même combat ». Sauf qu’il va falloir choisir. Soit c’est le choix des tribus et alors la seule revendication possible va être identitaire et ethnique, en appelant à couper le pays en deux, puisque le nord est kanak, contrairement au sud où la colonisation de peuplement a pris le dessus. Ou alors en appelant à expulser les autres, comme l’a fait le FLN algérien, sauf que là ce sera matériellement impossible.

Soit c’est le choix des usines, de faire des kanaks, qui sont socialement marginalisés de manière très brutale, le fer de lance des revendications démocratiques, voire socialistes, mais cela signifie accepter la formation d’un peuple calédonien, dont les Kanaks seraient une minorité.

Or, de par l’idéologie racialiste diffusée par les féodaux et les courants universitaires post-modernes, le choix démocratique et socialiste n’a strictement aucun espace.

Cela fait que la principale force sociale, les Kanaks, ne soutiennent pas la cause démocratique, socialiste, et que donc forcément les autres composantes du peuple préfèrent se rattacher au colonialisme français.

On reconnaît ici, en arrière-plan, une question essentielle, celle de la priorité donnée à la Cause démocratique, socialiste, sur un « droit des peuples » abstrait qui n’a jamais eu sa place à Gauche. L’histoire n’est pas l’histoire des ethnies et de leur affirmation, mais celle de la lutte des classes.

Tant qu’il n’y aura pas une génération d’avant-garde saisissant cela en Nouvelle-Calédonie, il n’y aura aucune perspective, à part le triomphe du colonialisme français et un repli identitaire kanak basculant dans le romantisme réactionnaire.

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« A l’égard de la Chine, de la Russie et même des États-Unis d’Amérique »

Emmanuel Macron est très présent dans les médias à l’occasion du centenaire du 11 novembre 2018 et dans une interview pour Europe 1, il est encore revenu sur ce qui est bien un leitmotiv : l’armée européenne.

Emmanuel Macron

Cette fois, il nomme expressément les ennemis potentiels. Et fort logiquement, on trouve les États-Unis, car Emmanuel Macron représenter la bourgeoisie pro-européenne, à l’opposé de la bourgeoisie gaulliste, qu’il appelle de son côté les « nationalistes ».

Emmanuel Macron a la même idéologique que l’UDF, cette frange libérale et moderniste (Valéry Giscard d’Estaing, Simone Veil…), et s’oppose à l’idéologie qui était celle du RPR. L’alliance RPR-UDF qui a marqué plusieurs décennies est désormais impossible, de par le contexte international.

Être de gauche et ne pas voir cela, c’est soit tomber dans le piège des modernistes – qui a fonctionné impeccablement puisque Emmanuel Macron a siphonné une large partie des socialistes – soit rater qu’il se passe quelque chose d’extrêmement important dans la société française, une rupture au sein de la bourgeoisie, de l’État lui-même.

Regardons les propos d’Emmanuel Macron, qui sont incompréhensibles pour qui n’a qu’un regard schématique :

« Ces élections vont permettre de voir quels sont les projets européens. On ne protège pas les Européens si on ne décide pas d’avoir une vraie armée européenne et si on a pas une Europe qui sache protéger ses entreprises, ses travailleurs face aux géants du numérique. »

« Nous avons besoin d’une Europe plus forte, qui protège. Il s’agit d’avoir conscience de ce que nous sommes et de ce que nous vivons : la paix et la prospérité dans laquelle vit l’Europe depuis 70 ans est une parenthèse dorée dans notre histoire. »

« nous protéger à l’égard de la Chine, de la Russie et même des États-Unis d’Amérique. »

« Une colère contre une Europe ultra-libérale qui ne permet plus aux classes moyennes de bien vivre. On a besoin d’une Europe qui protège les salariés. »

Emmanuel Macron a un vrai projet. Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen veulent une armée française forte et interventionniste, Emmanuel Macron veut lui une armée européenne forte, car il pense qu’il faut passer à une autre échelle.

Il profite de la question de la paix avec le 11 novembre pour prétendre défendre celle-ci, alors qu’en fait il veut la constitution d’un nouveau bloc militaire dans le repartage du monde.

Cela fait de la question du militarisme une chose essentielle, car sinon on tombe dans un camp ou dans un autre, on en revient à soutenir un militarisme ou un autre, au lieu de défendre la paix. C’est au nom du refus du militarisme allemand que les socialistes ont soutenu l’Union sacrée en 1914, ce qui était une erreur grossière.

Et cela est d’autant plus important qu’on voit bien la dramatisation qui se profile pour les prochaines élections européennes, où apparaît déjà que tournent autour de 20 % tant les modernistes d’Emmanuel Macron que les nationalistes de Marine Le Pen, tous les autres étant loin derrière.

Il y a ici un moment de tension historique.

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Interview d’Emmanuel Macron au Courrier Picard

Les gens conscients de l’évolution du monde comprennent bien qu’on va dans le sens d’un repartage, d’une guerre. La grande masse des gens, par contre, croit encore que tout est stable et que le capitalisme va de cycle de consommation en cycle de consommation, que l’irréparable ne saurait être commis, car cela ne serait logique pour personne.

Emmanuel Macron

C’est ici toute la question de la bataille pour le socialisme à l’échelle mondiale qui se pose et le grand souci, c’est que beaucoup de ceux qui savent sont cyniques. Ils pensent que la France peut tirer son épingle du jeu, ils raisonnent en des termes nationalistes.

Emmanuel Macron, dans une interview au Courrier Picard, exprime tout à fait cela. Il reconnaît parfaitement que la tendance est à la guerre. Mais au lieu d’aller combattre le mal à la racine, il considère que c’est ainsi et qu’il faut raisonner en se limitant aux « intérêts du pays ».

Voici comment il dit cela, de manière ouverte :

« Je veux attirer l’attention de chacun : Est-ce que les nationalismes ne sont pas en train de revenir ? Si.

Est-ce que les gens qui sont en train de pousser le retour à des conflits ne sont pas en train de remonter dans de nombreux pays en Europe ? Si.

Est-ce que des gens qui aujourd’hui veulent réduire les droits de la presse, l’indépendance de la justice, la possibilité de se former de manière libre ne sont pas en train, dans certaines régions de l’Europe, d’être de plus en plus puissants et de plus en plus désinhibés ? Si.

Est-ce qu’on n’assiste pas dans le monde à un retour de pouvoirs autoritaires, à des risques de proliférations des armements ? Si, c’est la réalité (…).

Je ne veux pas faire le prophète de mauvais augure, et rien n’indique aujourd’hui que des conflits en Europe seraient en passe de renaître. Mais quand vous avez les États-Unis qui annoncent leur sortie du traité FNI sur les armements intermédiaires en disant que les Russes ne les respectent plus et qu’il y a de plus en plus d’armements du côté chinois qu’on ne voit pas, qui en est la première victime géopolitique ? L’Europe et sa sécurité.

Je vous rappelle que ce traité FNI est né après la crise des Euromissiles, il y a trente ans et à quelques centaines de kilomètres de chez nous. Donc il ne faut pas penser que le monde dans lequel nous vivions et dans lequel l’Europe vit depuis 70 ans est acquis pour toute éternité.

C’est tout le sens de la nécessité de se souvenir : c’est se souvenir de la précarité de la situation dans laquelle nous vivons. Le pire a été vécu par notre pays et notre continent quand il s’est divisé et il ne faut pas céder en quoi que ce soit à cela.

Or je considère qu’aujourd’hui il y a les ferments d’une division européenne, il y a un retour des nationalismes et il y a un retour des inquiétudes et des peurs. Parce que les gens ont l’impression que le monde dans lequel nous vivons n’est plus fait pour eux.

Il faut avoir des réponses au niveau national, européen, international qui soient des réponses de souverainetés bien supérieures. Et il y a aujourd’hui des indices d’une remilitarisation du monde. Tout cela ne va pas dans le sens d’un monde pacifié, d’une fin de l’histoire et d’une fin du tragique, je crois tout le contraire. »

Ce qu’explique Emmanuel Macron, somme toute, c’est que la concurrence entre la Chine et les États-Unis va être le détonateur d’une guerre et que les pays européens doivent s’unir pour former un troisième bloc.

Ce n’est pas combattre la guerre, cela, mais chercher à en profiter. Il a beau jeu de critiquer les nationalistes, qui eux pensent que la France peut tirer seule son épingle du jeu. Il veut juste faire pareil, mais avec une alliance européenne, le moteur franco-allemand étant bien entendu au coeur de son projet.

On remarquera que Benoît Hamon ne dit finalement pas autre chose, que Jean-Luc Mélenchon lui prône le « cavalier seul ». Cela n’est pas du tout de Gauche ! Ce qui est de Gauche, c’est la dénonciation des armées, de la militarisation, de la guerre !

Voilà le grand critère qui a toujours séparé la véritable Gauche de ceux qui cèdent au capitalisme et à ses guerres : l’union sacrée de 1914, où les socialistes et les anarchistes se sont précipités dans l’ultra-patriotisme en trahissant leurs valeurs, est ici un triste rappel du piège à éviter.

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Christophe Guilluy à propos de la Gauche et de l’immigration

La défense de l’immigration et la mise en avant de la figure du migrant ne font pas partie des principes traditionnels de la Gauche, parce que ce ne sont pas des positions populaires et démocratiques. Christophe Guilluy a expliqué cela à de nombreuses reprises et le fait à nouveau très bien dans No Society avec ce passage à propos du Parti communiste français reproduit ci-dessous.

Cependant, l’auteur du concept de « France périphérique » ne fait pas le choix de la Gauche et d’un engagement politique au service des classes populaires. Il fait partie de ces intellectuels qui ne vont pas au fond des choses, préférant vendre des livres qui disent toujours la même chose, se contentant d’une posture de commentateur invité sur les plateaux de télévision et les rédactions des grands quotidiens et magazines.

C’est pour cela que son discours, en l’occurrence ici son rappel à propos de la Gauche et de l’immigration, a finalement plus de chance de servir le populisme que les classes populaires elles-mêmes.

Pourtant, ce qui est dit est tout à fait vrai, et devrait être assumé entièrement par la Gauche, plutôt que de s’enfoncer dans le postmodernisme et le cosmopolitisme propre à la bourgeoisie des grandes métropoles.

Christophe Guilluy

Extrait de No Society de Christophe Giulluy :

> Lire également : Avec No Society, Christophe Guilluy fait le choix du populisme

« En milieu populaire, la régulation des flux migratoires n’est absolument pas conflictuelle, elle apparaît au contraire comme une option raisonnable. C’est en réalité la classe dominante qui l’a hystérisée en manipulant la question raciale.

D’ailleurs, à une époque où la gauche défendait encore les classes populaires, la régulation des flux n’était absolument pas un sujet tabou. Conscient des effets sur la classe ouvrière (dumping social, fragilisation du capital social et culturel), le Parti communiste français n’hésitait pas à demander l’arrêt de l’immigration.

En effet, pendant la campagne présidentielle de 1981, le premier secrétaire du PCF, Georges Marchais, expliquait qu’il fallait « stopper l’immigration officielle et clandestine » et qu’il était « inadmissible de laisser entrer de nouveaux travailleurs immigrés en France alors que notre pays compte près de 2 millions de chômeurs français et immigrés ». Si le PCF et plus largement la gauche rassemblait encore l’essentiel des voix populaires, c’est à cette époque que l’ostracisation des plus modestes a commencé, notamment dans une fraction de la gauche socialiste.

George Marchais pressentait la montée d’un discours qui visait à ostraciser la classe ouvrière pour mieux délégitimer ses revendications. Dans un discours prémonitoire, il dénonce clairement la dynamique qui allait conduire à la relégation culturelle des plus modestes puis à la rupture entre la gauche et les classes populaires :

 » Nous posons les problèmes de l’immigration, ce serait pour utiliser et favoriser le racisme, nous rechercherions à flatter les plus bas instincts, nous combattons le trafic de drogue, ce serait pour ne pas traiter de l’alcoolisme apprécié par notre clientèle… ils crient tous en chœur pétainisme […]. Quelle idée se font ces gens des travailleurs ? Bornés, incultes, racistes, alcooliques, brutaux, voilà d’après nos détracteurs, de la droite au Parti socialiste, comment seraient les ouvriers. »

Dans la bouche de Marchais, la régulation des flux ne relevait donc d’aucune dimension ethnique ou culturelle, elle visait à protéger les ouvriers du dumping social et de la fragilisation de leur capital social. Mais la légitimité et la subtilité de ce discours seront balayées par la grosse artillerie idéologique de la classe dominante et le déplacement d’une question sociale sur la question raciale.

Quarante ans plus tard, la relégation culturelle des classes populaires occidentales est effective. Le rôle joué par l’intelligentsia de gauche dans cette entreprise aura été déterminant. Elle annonce un divorce définitif du camp du progrès et de sa base populaire en offrant à l’ensemble des mouvements populistes de droite un électorat potentiellement majoritaire.

L’entreprise de diabolisation des opinions par la classe dominante et ses relais médiatico-académiques n’aura en effet aucun impact sur les classes populaires, on assiste au contraire à un durcissement des positions. Refusant les débats tronqués, hermétiques aux discours des experts et des médias, les classes populaires du XXIe siècle demandent, comme en 1981, la régulation des flux. »

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Jean-Luc Mélenchon et « l’Empire »

Jean-Luc Mélenchon a lors de son meeting à Lille expliqué que « l’Empire » dominait désormais par la « judiciarisation de la vie politique ». Un exemple de plus de populisme outrancier, particulièrement chauvin.

Jean-Luc Mélenchon Lille 2018

Jean-Luc Mélenchon a de nouveau fait preuve de son populisme outrancier, avant-hier, lors d’un meeting à Lille. Lui-même empêtré dans des affaires judiciaires en raison du mode de gestion de La France Insoumise, il s’est appuyé sur le résultat des élections brésiliennes pour se poser en martyr des États-Unis, développant une rhétorique ultra-nationaliste.

Il n’a d’ailleurs pas hésité à employer le terme d’Empire, un concept propagé en 2000 par Michael Hardt et Toni Negri, figures de la gauche postindustrielle, mais surtout connu en France ces derniers temps par Alain Soral, l’une des principales figures de l’extrême-droite.

C’est pratiquement dès le départ du meeting qu’il a ainsi expliqué :

« Eh bien oui ce sont les Brésiliens qui, après la chute du communisme d’État, et qu’on nous ai dit que c’était la fin de l’Histoire, et que le libéralisme désormais triompherait, c’est eux [sic] qui nous avait ramené sur le sentier du renouveau, du social, de l’écologique, se donnant l’option préférentielle pour les pauvres comme ligne d’action gouvernementale et nous proposant de cette manière un modèle sur lequel construire notre pensée et rénover tous nos programmes.

Hier, l’extrême-droite a triomphé. Mais vous autres, vous avez réfléchi, vous avez regardé. Comment une chose pareille a-t-elle été possible ?

Il y a six mois à peine, après que la présidence du Parti des Travailleurs ait été expulsé de la présidence de la république, et qu’un gouvernement de coup d’État judiciaire se soit mis en place, de droite, pendant deux ans, on annonçait que dans ces élections présidentielles qui arrivaient, notre candidat, notre ami, Inácio Lula, était à 60 % d’intentions de vote.

Alors, l’ennemi a frappé. Cet ennemi, il a une adresse. C’est les États-Unis d’Amérique [sic], qui savent que le Brésil était avec les autres puissances qui se constituent dans ce groupe qu’on appelle les BRICS, pour désigner le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, qui sont en quelque sorte en opposition, en alternative à la domination des États-Unis d’Amérique sur le reste du monde […].

Alors cet adversaire s’est dit on ne peut pas laisser le Brésil retourner dans les mains du peuple avec l’option préférentielle pour les pauvres […]. Alors ils ont choisi une méthode politique, la judiciarisation de la vie politique. On a alors accusé Lula, l’homme de la gauche, d’être corrompu […].

Vous autres, quoi qu’il arrive, souvenez-vous en, parce que dans tous les pays, c’est la méthode qu’ils utilisent […]. La judiciarisation de la vie politique est dorénavant la stratégie de l’Empire partout, dans tous les pays du monde. »

Jean-Luc Mélenchon, on le voit bien ainsi, n’a pas d’autres explications que les complots et les coups bas d’un ennemi flou, qui consiste en la finance, l’Empire. Il oppose à cela une notion tout à fait flou également, le peuple.

C’est une manière de gommer les luttes de classes, d’éviter de reconnaître qu’il existe en France une bourgeoisie, une classe ouvrière. Jean-Luc Mélenchon fait de la France une sorte de pays du tiers-monde, où dominerait une petite oligarchie. Il y a pourtant en France 579 000 personnes qui disposent de 850.000 euros, hors résidence principale, objets d’art et de collection et biens courant…

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Présidentielles brésiliennes : le succès ultra-réactionnaire de Jair Bolsonaro

Jair Bolsonaro a été élu avec un large succès à la tête de l’État brésilien. Fanatique anticommuniste, chantre de la religiosité, grand nostalgique de la dictature militaire, anti-écologiste primaire, il est un exemple de plus du grand repli nationaliste et militariste de chaque pays dans le monde.

Jair Bolsonaro a été élu ce dimanche de manière tout à fait nette, avec 55,1% des voix, soit 57,8 millions de votes, contre 44,9% soit 47 millions de voix à Fernando Haddad, qui tentait de maintenir en vie le cycle d’hégémonie du Parti des Travailleurs, qui prônait une Gauche engagée mais n’a dans les faits jamais cherché une quelconque rupture, provoquant un désenchantement profond dans la population.

Et permettant donc à quelqu’un comme Jair Bolsonaro de prendre la tête d’un mouvement de défense de la religion, de la famille et de la propriété privée, avec un véritable engouement en sa faveur. Poignardé lors d’un bain de foule durant la campagne présidentielle, il n’en est devenu que davantage la figure quasi christique du sauveur venant rétablir les valeurs originales, essentielles, d’un Brésil totalement idéalisé.

Ce n’est en effet pas un homme fort plaçant l’armée au centre du jeu qui pourra supprimer une violence sociale endémique à une société déséquilibrée socialement et paralysée économiquement, pourri par les grands propriétaires terriens qui sont d’ailleurs les grands soutiens de Jair Bolsonaro.

Un feu d’artifice a été tiré à Rio pour fêter la victoire de Jair Bolsonaro, alors que le lendemain de celle-ci, le lundi, la bourse de São Paulo connaissait un record, avec l’indice boursier Bovespo gagnant 2,4% dès l’ouverture, l’entreprise pétrolière Petrobras 3,6%, le réal prenant 1,4% face au dollar américain. Jair Bolsonaro est considéré comme l’homme adapté à la nouvelle étape.

Député depuis 28 ans, il aura de fait adhéré en tout à neuf partis différents afin de parvenir à se positionner comme l’homme de la situation, le chef autoritaire d’une énième restructuration du pays. Après la tentative d’une modernisation sociale avec le Parti des Travailleurs de Lula (désormais en prison pour corruption), qui entendait faire du Brésil une grande puissance avec l’appui de la population et à travers l’État, cela sera désormais une stratégie plus traditionnelle, par en haut, sans mobilisation de la base du pays.

Naturellement, Donald Trump s’est réjoui de cette victoire de Jair Bolsonaro et annonce un travail étroit avec lui. Marine Le Pen l’a félicité. Le parti d’Emmanuel Macron, qui est lui modernisateur – libéral, en fait par contre une cible. Une manière de résumer le monde à un affrontement entre libéraux libertaires et nationalistes ultra-réactionnaires.

On voit ainsi encore une fois ce que ne comprennent pas les libéraux. Les médias ont  ainsi largement repris en France les nombreux propos agressifs de Jair Bolsonaro, ses propos odieux sur les femmes notamment, en particulier son « Je ne te violerai pas. Tu ne le mérites même pas »  visant, en décembre 2017, Maria do Rosário, députée du Parti des travailleurs (PT), juste après qu’elle ait rendu hommage aux travaux de la Commission nationale de la vérité sur les crimes commis par la dictature militaire.

Cela est tout à fait inacceptable, mais si Jair Bolsonaro a gagné, c’est surtout parce qu’il a dit qu’un bon bandit est un bandit mort. En cela, il correspond aux attentes d’une population ne pouvant plus vivre dans l’ultra-violence caractérisant le Brésil. Jair Bolsonaro pose le principe d’un Etat de droit, ce qu’une véritable Gauche devrait faire, mais cela signifie accepter le principe de révolution, car seul un nouvel État peut réellement établir l’ordre dans un Brésil corrompu et possédé par les plus riches.

En s’entourant de généraux et en prétendant rétablir un ordre qui en réalité n’a jamais été là, Jair Bolsonaro a mis en place un romantisme capable d’ensorceler une partie majoritaire du pays.

L’avenir du Brésil s’annonce bien sombre et c’est un pays de plus qui tombe dans le giron des partisans du repli nationaliste et du militarisme. Le processus est général et correspond à la mise en place de nouveaux rapports de force, de nouvelles perspectives de guerre, pour le repartage du monde.

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Eugen Heilig – rassemblement illégal du Parti Communiste d’Allemagne, Berlin, 1932

Eugen Heilig est méconnu en France, il est pourtant un personnage important pour l’histoire de la photographie et l’histoire du mouvement ouvrier en général. Cette photographie en est un témoignage subtil.

Eugen Heilig

Sobrement titrée « rassemblement illégal du Parti Communiste d’Allemagne, Berlin, 1932. », la photographie n’est pas spectaculaire. Il émane néanmoins de cette foule une tension dramatique et même une certaine gravité. Cette sensation, le spectateur la doit à la qualité du travail de Heilig.

La composition est soignée. Si bien que, en dépit du fait que le cliché fût pris sur le vif, on peut affirmer qu’il n’y eut que peu de place pour la spontanéité lors de la prise de vue.

Ainsi, l’immeuble faisant face au spectateur est strictement parallèle au plan-film. Cela donne une rectitude parfaite à l’ensemble. Les bâtiments situés sur la partie droite de l’image forment une répétition de motifs et guident le regard vers le centre de l’image. Cet effet de recentrement est accentué par la ligne diagonale formée par les corniches de ces mêmes-immeubles. Le cadrage est pensé pour amener de la lisibilité à une scène qui pourrait sans cela paraître chaotique.

Le dispositif de prise de vue, à tout le moins le boîtier photographique, est tourné comme on l’a dit à l’exacte perpendiculaire du bâtiment d’en face. Il est disposé de manière à surplomber la foule. L’objectif est placé précisément à la hauteur de la tête du tribun. L’image de son corps ne souffre ainsi d’aucune déformation. Une grande profondeur de champ permet de percevoir un grand nombre de détails.

Mais alors, si la prise de vue bénéficie d’un tel soin, pourquoi le personnage central -et avec lui presque tout le premier plan- nous tournent-ils le dos ?

Eugen Heilig

La réponse à cette question est à rechercher en dehors des considérations formelles ou techniques.

Le rassemblement photographié est politique, ces gens sont communistes. Le titre nous l’indique. Les drapeaux situés à l’arrière plan et le poing serré levé au dessus de l’épaule du tribun le confirment.

Or, la prise de vue date de 1932, à la belle saison à en juger par les tenues légères des personnages et le feuillage des arbres.

Cette période est celle d’une agitation intense en Allemagne. En particulier à Berlin où, à côté des sociaux-démocrates du SPD qui ont choisi de s’organiser à part, et contre les nazis du NSDAP, les communistes du KPD livrent un combat résolu. Les communistes subissent la répression de la part des pouvoirs publics du fait des grèves et des agitations de rue qu’ils mènent. Le KPD créera cette année l’Antifascistische Aktion et s’imposera par les élections de juillet comme la troisième force politique du pays. Ne pas montrer les visages, c’est sûrement protéger des camarades contre le renseignement policier en cas de saisie des photographies.

Dans ce contexte de tension historique entre mouvements politiques antagonistes qui tiraillent la société et d’apprêté à déchirer l’ordre bourgeois, on comprend la gravité qui se lit sur les visages dans la foule. On est loin de l’enthousiasme du 14 juillet 1936 parisien de Willy Ronis

La bataille contre le fascisme et pour la création d’un état socialiste en Allemagne mobilise des volontaires dans tous les secteurs de la société. Eugen Heilig est membre du KPD depuis 1922.

Au delà de ses qualités techniques et artistiques, sa photographie doit permettre de comprendre les enjeux de l’époque. Aujourd’hui encore, elle fait le job. Cette image est un document précieux.

C’est que Eugen Heilig saisit l’importance du réalisme, non seulement en tant que recherche formelle comme pouvait le faire August Sander mais aussi comme démarche globale de production des oeuvres. Dans ce sens, il inscrit son travail dans le courant Arbeiterfotografie qui consiste dans la documentation photographique de la vie de la classe ouvrière. Depuis 1926, il édite dans ce sens la revue Der Arbeiter-Fotograf (le photographe ouvrier).

Dans le sillage des figures de proue de ce mouvement – dont Heilig est une des plus marquantes – ce sont bientôt des centaines d’ouvriers qui vont se grouper pour animer des clubs, dans toute la république de Weimar, exposant le point de vue de la classe ouvrière sur la société allemande.

Cette photographie est un parti pris artistique, politique et historique tout à la fois.

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« Pour un printemps du communisme »

Le texte « Pour un printemps du communisme » avait été proposé par des adhérents du PCF comme base commune alternative en vue du congrès extraordinaire 23 au 26 novembre 2018. Il n’a recueilli lors du vote du début octobre que 3 607 votes, soit 12% des suffrages.

Ce texte est une proposition qui représente une tendance très critique vis-à-vis du communisme et de l’héritage de l’URSS.

Tout à fait postmoderne, il ne s’inscrit aucunement dans la tradition du mouvement ouvrier et l’héritage de la classe ouvrière. Il reflètent le point de vue de gens participant ou ayant participé à des fronts communs « anti-libéraux » et voulant une alliance avec la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon. Il est quasiment illisible de par l’emploi massif de l’écriture « inclusive ».

PCF « Pour un printemps du communisme !»

Se réinventer ou disparaître ! Pour un printemps du communisme.

Nous sommes extrêmement inquiet·e·s à la lecture du projet de base commune soumis aux communistes par le Conseil national. Dans une situation de très grande difficulté pour notre Parti, devenu manifestement inaudible des classes populaires, le Secrétaire national avait annoncé sa volonté de faire du 38ème Congrès celui de notre « réinvention ». Ce mot très fort, à la hauteur de la situation, promettait un travail de complète remise à plat de nos conceptions, de notre projet, de notre organisation et de nos pratiques. Il impliquait une analyse sans concession des causes de notre grave affaiblissement, sur le long terme autant que dans les années récentes. Il devait ainsi permettre de déboucher sur les changements profonds qui nous permettraient de jouer à nouveau un rôle significatif dans la vie politique de notre pays.

Or le texte proposé ne tient pas ces engagements. De façon incompréhensible, c’est à peine s’il mentionne les difficultés auxquelles nous sommes confronté·e·s : comme si tout allait bien ou pas trop mal pour notre combat communiste ; comme si l’affaiblissement important de notre collectif militant, la diminution du nombre de nos élu·e·s, ou nos derniers résultats électoraux nationaux (1,93% à la présidentielle de 2007, 2,72% aux législatives de 2017) ne caractérisaient pas une situation critique.

Cette négation des obstacles à surmonter débouche inévitablement sur l’absence quasi totale d’innovation. La plupart des 48 « thèses » présentées ne font que reprendre des idées générales bien connues des communistes, sans aucune rupture avec nos textes de congrès précédents : analyse du capitalisme contemporain et exigence de son dépassement ; confrontation de classes en France et défense stratégique des « acquis » ; enjeux de la bataille idéologique et objectifs de rassemblement populaire ; importance des luttes et de victoires mobilisatrices ; nécessité d’une organisation communiste de masse et de l’amélioration de son efficacité… Ce texte ne répond donc en rien à l’objet d’un congrès « extraordinaire ». Quelles sont les causes de la situation dramatique dans laquelle nous nous trouvons ? Que devons changer de nous-mêmes, que devons-nous inventer et faire de nouveau pour redonner un avenir à notre combat ? À ces questions vitales, le texte ne répond pas car il ne les pose même pas. Pour l’essentiel, il propose de continuer comme avant, et, sur la stratégie, en revient à une tentative que nous avons faite sans succès voici plus de trente ans.

Quatre faiblesses majeures marquent la proposition de base commune du Conseil national.

1. La crise du communisme occultée

Le texte affirme que « le communisme est à l’ordre du jour de ce siècle », mais il ne dit pas un mot sur la crise profonde que traverse le mouvement communiste dans le monde depuis le tournant du XXIe siècle. Dans le cadre d’un congrès extraordinaire, nous ne pouvons faire l’impasse sur le fait que l’expérience soviétique, notre proximité historique avec l’URSS et l’échec des régimes de l’ancien bloc de l’Est aient durablement terni l’image du communisme et de notre Parti dans les esprits de la majorité de notre peuple. Il est encourageant de voir que selon un récent sondage, la jeune génération croit davantage à l’actualité du communisme que la génération de la guerre froide (« 72 % des 65 ans et plus estiment que le communisme est “dépassé”, contre 50 % parmi les 18-24 ans », dont 32 % pensent que le communisme est d’actualité). Il reste que seulement 18 % des personnes interrogées perçoivent les idées communistes et marxistes comme une « alternative crédible au système économique actuel ».

Comment réhabiliter la pratique et la théorie communistes pour qu’elles redeviennent porteuses d’espoir de changements réels ? Comment mettre en valeur les apports du communisme en France et dans le monde — apports dont nous pouvons être fier·e·s —, tout en reconnaissant les impasses du modèle soviétique ? Nous estimons que nous ne pouvons nous réinventer sans nous confronter directement à ces questions. Si nous voulons nous libérer des étiquettes étatistes, autoritaires, productivistes et autres, il faut redéfinir les propositions phares de notre projet. Si nous voulons être pleinement dans les luttes du XXIe siècle, il ne faut plus hiérarchiser les mobilisations, mais attribuer autant d’importance politique aux luttes « de classes » qu’à celles qui visent à l’émancipation des dominations liées au genre, aux prétendues « races », à l’orientation sexuelle, à l’environnement, etc. C’est donc à ces questions que nous consacrons la première partie de notre proposition de base commune alternative.

2. Une « orientation révolutionnaire » prisonnière de l’électoralisme

La proposition du Conseil national affirme en préambule « la nécessité du dépassement du capitalisme » et appelle à une « orientation révolutionnaire visant à sortir enfin de la société de classes ». Ce sont des idées centrales du projet communiste depuis le Manifeste de Marx et Engels. Cependant, au-delà de ces affirmations générales, le texte ne propose aucun renouvellement de ce que cela signifie d’être révolutionnaire aujourd’hui. Sans adapter notre stratégie révolutionnaire aux réalités de notre époque à partir d’une analyse précise des conditions économiques, politiques et sociales du capitalisme contemporain, nous ne serons révolutionnaires qu’en idée. Certes, il est bien question de « processus révolutionnaire » et non plus de grand soir. Le texte affirme aussi que « notre stratégie de conquête de pouvoirs ne se limite pas à l’État national » mais vise aussi la conquête de pouvoirs à l’échelle des entreprises, des collectivités, de l’Union européenne, etc (thèse 26). Cependant, le contenu de ces pouvoirs n’est jamais explicité, ni le chemin pour les conquérir. De fait, en donnant la priorité à la conquête du pouvoir d’État (thèse 25) et au fait d’avoir des élu·e·s dans les institutions (thèse 27), la « stratégie révolutionnaire » proposée par la direction reste prisonnière de l’illusion électoraliste — et ce sans même poser la question de l’effet de nos alliances électorales avec le PS sur notre crédibilité révolutionnaire.

Nous pensons quant à nous que, si toutes les conquêtes possibles de positions institutionnelles et de pouvoirs sont indispensables, la question du pouvoir d’État doit être articulée à ce que nous appelons, avec Marx et Jaurès, une « évolution révolutionnaire » qui dépasse le cadre des institutions. C’est pourquoi, dans une seconde partie de notre proposition de base commune alternative, nous avançons une nouvelle conception du processus révolutionnaire, remettant la question de la prise et de la transformation des pouvoirs institutionnels et du pouvoir d’État à leur place dans une « évolution révolutionnaire » visant prioritairement en tous domaines l’hégémonie des classes salariales et de l’ensemble des dominés.

3. Une stratégie à géométrie variable

Là aussi, l’absence de réflexion sur 40 ans de tentatives sans succès a de lourdes conséquences. Même l’échec du Front de gauche est expédié en quelques lignes, sans analyser les raisons pour lesquelles, dit pourtant le texte, « de 2012 à 2015 nous n’avons pu ou su renforcer le FG, ni faire de la profonde aspiration à l’unité de ses sympathisants, une force de cohésion empêchant son éclatement et élargissant sa dynamique ». Faute de réussir à lire et comprendre cette très longue et riche page de notre histoire, le Conseil national se condamne dès lors lui-même à la répéter. Comme en 1985 avec le « Nouveau Rassemblement Populaire Majoritaire » décidé par le 25ème Congrès (qui faisait suite au virage libéral de F. Mitterrand et notre sortie du gouvernement d’union de la gauche), il tire un trait sur l’objectif d’une construction politique à gauche. A la place, et sous couvert de « plasticité », il propose des constructions « évolutives et multiformes » (thèse 28) avec soutien aux luttes, espaces locaux ou thématiques « autour de nos propositions communistes », et forum politique national permettant des « campagnes communes » et des « constructions programmatiques ou électorales » avec des partenaires différents selon les cas (thèse 32). La stratégie à géométrie variable devient ainsi la règle. Et comme au 25ème Congrès, passe à la trappe l’idée même d’une construction politique durable à gauche. N’est-ce pas pourtant ce qui a permis de recréer l’espoir en 2012 avec, pour la première fois depuis 1981, un score du Front de gauche au-dessus de 10 % ? Et malgré les hésitations et atermoiements, de permettre la percée de J.-L. Mélenchon à près de 20 % en 2017 ? Nous pensons au contraire qu’il faut imaginer une construction politique nouvelle assurant la pleine autonomie et liberté d’action de chacune de ses composantes, tout en permettant de faire « Front commun » contre la droite et l’extrême droite. Nous y consacrons la troisième partie de cette proposition alternative.

4. Le retour au parti d’avant-garde

La critique essentielle qu’appellent les propositions du Conseil national pour transformer l’organisation du Parti est que, sur le fond, elles ne transforment pratiquement rien. De la conception générale aux propositions concrètes, ce que ce texte envisage aurait pu être écrit exactement de la même façon il y a dix ou vingt ans : mise en mouvement populaire, organisation des dominé·e·s et de la jeunesse, parti de masse présent sur les lieux de vie et de travail, importance de la formation, nécessité de grandes campagnes dans la durée, réseaux thématiques, directions plus démocratiques et efficaces, etc. Le seul ajout, hormis quelques aspects pratiques, concerne l’utilisation devenue incontournable des outils numériques. Pourtant, la nécessité d’inventer un nouveau processus révolutionnaire doit aboutir à une tout autre forme d’organisation de notre Parti. Il s’agit de passer d’un parti d’avant-garde, tachant de faire passer ses « propositions communistes » dans les masses, à une organisation qui permette aux femmes et aux hommes concrètement mobilisés dans les luttes de prendre leurs affaires en main et de décider directement en tous domaines et en toutes circonstances. C’est l’objet de la quatrième partie de notre texte.


A nos yeux, ce congrès est vraiment celui de la dernière chance. Beaucoup de communistes sont désemparé·e·s et démotivé·e·s ; d’autres quittent le Parti, presque toujours sur la pointe des pieds. Nous n’avons déjà presque plus la force de soutenir l’Humanité. Si nous n’avons pas la capacité collective de voir la réalité en face et de trouver les moyens de relancer notre combat, nous deviendrons, comme le Parti radical de gauche, une nouvelle « butte-témoin » d’un passé révolu.

Nous refusons cette perspective dramatique. Non seulement parce que nous tenons à notre Parti, mais plus encore parce que notre peuple et le mouvement révolutionnaire dans son ensemble en ont besoin. Après quarante ans d’un libéralisme échevelé qui a profondément abîmé notre pays comme le monde entier, nous vivons un moment de remise en mouvement des peuples qui cherchent par tous les moyens, parfois les pires, à sortir du scenario catastrophe que promet le capitalisme mondialisé. En témoignent sous nos yeux les luttes et leurs tentatives de convergence. En témoigne le rejet du statu quo – parfois identifié à « l’establishment » – qui bouleverse la situation politique dans notre pays mais aussi en Espagne, Portugal, Italie, Angleterre, Pays-Bas, Irlande, et même aux États-Unis et ailleurs. Ce qui manque cruellement, c’est une nouvelle perspective de dépassement du capitalisme. Elle se cherche, de mille manières. Mais elle aura d’autant moins de chances d’émerger et de s’imposer que le communisme, qui s’identifie à un tel changement révolutionnaire, sera absent de la scène politique.

Notre responsabilité est aujourd’hui celle-ci : donner au communisme une figure offensive, attractive, adaptée à notre époque et tirant les leçons du passé. Pour cela, nous avons besoin de beaucoup de réflexion et de travail, mais peut-être encore plus d’audace et de détermination à nous réinventer nous-mêmes. Bien loin de réduire l’enjeu à une simple question de personnes, ce congrès annoncé comme extraordinaire doit permettre aux communistes, enfin, d’avoir ce débat de fond, et de décider de leur avenir.

I. Pour un base-alternative-maquette du communisme

Le communisme a suscité au XXe siècle un espoir formidable pour des millions de personnes qui voulaient en finir avec la domination et les ravages du capitalisme. Picasso disait être « venu au communisme comme on va à la fontaine ». C’est dire combien cet engagement pouvait alors paraître évident et vital. Couronnant un grand siècle de révolutions, celle d’Octobre semblait ouvrir enfin les chemins d’un monde réellement humain. Notre Parti, comme d’autres à travers le monde, s’est construit sur cet immense espoir. En l’articulant à notre propre histoire et en l’ancrant dans les luttes de la classe ouvrière, il en a fait une perspective réaliste. C’est ainsi qu’il est devenu, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le premier parti de France.

Si les régimes dits de « socialisme réel » ont réalisé des progrès sociaux très importants pour leurs citoyen·ne·s dans de nombreux domaines, le manque de liberté et de démocratie politiques, la brutalité de la répression, les mésaventures économiques, les interventions militaires à l’étranger ont fini par trahir l’espoir d’un nombre croissant de personnes qui avaient cru aux idéaux communistes. Avec l’effondrement du monde soviétique à la fin du « court XXe siècle », le sentiment était désormais « qu’il n’y a pas d’alternative ». C’est cette fausse évidence, produit d’une conjoncture historique, qui a entraîné la crise généralisée du mouvement communiste mondial. Nous avons bien proposé un « socialisme démocratique », mais faute d’être porteurs d’une nouvelle conception du communisme, nous n’avons pas échappé à la crise qui touche sans exception l’ensemble des partis communistes du monde. Nous avons perdu ce qui faisait de nous les partisans d’une radicale alternative de société, et d’autres partis ont paru alors plus « utiles ».

La crise du communisme est d’autant plus dramatique que le capitalisme désormais mondialisé ne cesse d’entraîner l’humanité à des catastrophes en ce tournant du XXIe siècle. Crises financières et économiques, crises écologiques, crises politiques, crise des solidarités, montée des inégalités et généralisation de la précarité : dans un contexte de crise généralisée du système capitaliste, la critique radicale de ce système et la pensée de Marx retrouvent toute leur actualité. Pourtant, le communisme comme « mouvement réel » enraciné dans les luttes ET portant l’idéal d’un monde enfin débarrassés de toutes les formes d’exploitation, de domination et d’aliénation, peine à exister sur la scène politique.

On ne peut donc pas, comme le fait le projet de « base commune » du Conseil national, se contenter d’affirmer péremptoirement que « le communisme est à l’ordre du jour de ce siècle ». Il n’existe aucune nécessité historique pour que les crises du capitalisme entraînent mécaniquement l’avènement du communisme. L’histoire a montré au contraire que nous ne pouvons sous-estimer l’incroyable capacité du capitalisme de se remettre de ses crises ou de les prolonger pour une période indéfinie. Nous sommes convaincu·e·s que seul le communisme peut véritablement ouvrir la voie vers le dépassement de ces crises. Mais, terni·e·s d’une image étatiste, productiviste et autoritaire, associé·e·s à des expériences qui se sont soldées par un échec, nous arrivons mal à convaincre de la crédibilité de la voie communiste.

Nous ne pouvons pas nous résigner à cette situation. Nous portons avec les autres partis communistes dans le monde l’immense responsabilité historique que voici : faire renaître l’espoir dans le projet communiste, pour qu’advienne un printemps du communisme. Non seulement la fonction spécifique et l’existence de notre parti en dépendent ; mais surtout, la question désormais vitale du dépassement du capitalisme fait d’une revitalisation de notre combat la principale urgence politique. Notre premier objectif doit donc être de faire à nouveau du communisme une idée mobilisatrice en lui redonnant une portée émancipatrice et l’épaisseur concrète d’un mouvement ancré dans les luttes réelles dans les conditions d’aujourd’hui.

Pour cela, il est urgent de dresser un bilan lucide et critique en vue de notre réinvention. Nous pouvons être fier·e·s du rôle que notre parti a joué par le passé dans les réformes du Front populaire, dans la Résistance, dans la mise en place de la Sécurité sociale et du statut de la fonction publique, dans les nationalisations et dans bien d’autres domaines. Aujourd’hui, nos élu·e·s continuent de porter des politiques au service des besoins sociaux et écologiques. Savoir mettre en avant les apports positifs de notre parti pour contredire le discours négatif sur le communisme est essentiel pour renouveler notre image.

Mais si notre parti n’a pas échappé pas au déclin du mouvement communiste mondial, cela ne peut pas être dû uniquement à des raisons extérieures. Malgré nos textes de congrès, qui ne manquent jamais d’un « coup de chapeau » à la visée communiste, nous avons surtout travaillé à des programmes « de gouvernement » que notre faiblesse rendait d’ailleurs peu crédibles. Nous n’avons pas redéfini, au vu des échecs passés et des nouvelles conditions des luttes de classe, les principes, les objectifs et les moyens d’un projet actuel d’émancipation humaine. Pas plus n’avons-nous réussi à ancrer dans nos pratiques, notre fonctionnement, notre démarche, un rapport émancipateur entre l’individu et le collectif, entre égalité et liberté. Nous parlons d’émancipation, mais nous avons beaucoup de difficultés à l’éprouver, la faire vivre.

En lien avec tous les travaux théoriques et les expérimentations pratiques qui explorent les chemins nouveaux de l’émancipation — et qui connaissent un véritable bouillonnement en France et à l’étranger —, il faut revoir nos conceptions et notre projet sur nombre de questions. Il ne s’agit pas, dans le cadre de ce congrès extraordinaire, d’exposer tout un programme ni de définir de A à Z un projet communiste, mais de préciser quels changements nous devons apporter à nos conceptions et à nos pratiques pour pouvoir donner un nouvel élan à notre combat. Beaucoup de nos actions, dont nous pouvons être fiers, méritent d’être poursuivies et développées: luttes pour la paix, dans les entreprises, contre l’évasion fiscale, contre les inégalités de territoires, pour l’économie sociale et solidaires, la culture, etc. Nous limitons donc ici nos propositions à quelques questions, dans des domaines désormais stratégiques pour la lutte contre le capitalisme mondialisé d’aujourd’hui, sur lesquelles il nous faut impérativement transformer nos idées, nos positions et nos façons de faire.

A. Libérer le travail et la production de l’exploitation capitaliste par une authentique démocratie économique

En faisant prédominer nos stratégies d’alliance sur notre propre combat communiste, nous avons progressivement privilégié des compromis avec le capital — portant notamment sur le partage des richesses —, au détriment de la claire perspective d’une sortie du capitalisme. Cette perspective implique un processus d’avancées et de ruptures avec les logiques capitalistes pour aller vers la maîtrise intégrale des travailleurs et travailleuses sur les buts et conditions de leur travail. Notre combat se brouille si nous n’en faisons pas apparaître les objectifs fondamentaux et les étapes essentielles. Nous devons réaffirmer notamment notre volonté d’aller vers une « expropriation des expropriateurs » en allant progressivement vers un régime de démocratie économique qui ôte au capital tout pouvoir de domination sur la propriété et le travail.

1. Socialisation et démocratisation des structures économiques

L’un des fondements du communisme depuis le Manifeste de 1848 est l’idée « d’abolition de la propriété privée » des grands moyens de production et d’échange. Or, cette idée a été dénaturée par l’étatisation soviétique. Il faut que nous intégrions dans nos propositions programmatiques le fait que la seule propriété d’État ne garantit pas un fonctionnement plus démocratique des entreprises, avec des travailleur·euses plus libres et égaux. Nous sommes souvent passé·e·s à côté du potentiel révolutionnaire de nouvelles formes de partage, de production et de propriété collective dans la société, par exemple les communs de la connaissance, les plateformes numériques de l’économie collaborative et les structures juridiques qui les soutiennent. Nous ne pourrons redonner ses couleurs à l’idée communiste sans proposer une conception nouvelle de la socialisation et de la démocratisation des moyens de production et d’échange à partir de ce qui existe déjà. Un nouveau statut juridique des entreprises qui met fin à la mainmise du capital sur la production et l’appropriation des richesses est essentiel dans ce combat. C’est dans ce sens que nous devons soutenir les luttes contre les plans sociaux et les délocalisations, pour le développement des pouvoirs des salariés, les SCOP, la gratuité de services publics, de nouvelles nationalisations, etc.

2. Liberté au travail et salaire à vie

Nous battre pour l’emploi est certes indispensable, mais la perspective restera limitée, voire peu crédible à terme si nous ne faisons pas vivre concrètement l’idée qu’il y a une alternative historique à la subordination des individus au marché de l’emploi. Alors que les progrès technologiques continuent de réduire le besoin de travail humain dans de nombreux secteurs et d’éliminer définitivement des emplois, le marché de l’emploi reste quasiment le seul accès à de l’argent pour la majorité de la population, hormis les allocations du système de redistribution. L’épuisement et l’aliénation au travail, un taux de chômage chroniquement élevé, le chantage à l’emploi et la stigmatisation des bénéficiaires des aides sociales comme « improductifs » sont autant d’indicateurs que ce système arrive à bout de souffle.

Il est temps de redéfinir ce qu’est le travail et de révolutionner le mode d’accès à des moyens d’existence, en instituant par exemple un statut des « producteurs et productrices associé·e·s » et un régime de salaire à vie. Un tel régime socialiserait l’ensemble de la valeur économique produite et la distribuerait aux individus pendant toute leur vie selon une grille d’échelons progressifs, établis en fonction de critères décidés démocratiquement. Des activités socialement utiles, mais jugées « improductives » d’un point de capitaliste, seraient ainsi valorisées ; et les individus associés auraient plus de liberté pour choisir un équilibre entre vie professionnelle, formation et vie personnelle tout en bénéficiant d’une sécurité financière, car les droits seraient liés à la personne et non pas au statut d’emploi. C’est donc dans ce sens que nous devons soutenir les luttes pour le développement des droits des salarié·e·s et des chômeurs·euses, contre la souffrance au travail et le « burn-out », pour le temps et les moyens d’un travail bien fait, pour la réduction du temps de travail, pour un travail qui ait du sens et œuvre à l’intérêt général.

B. Démocratisation radicale et révolution citoyenne

Le « dépérissement de l’État » – comme instrument de domination du capital – doit être au cœur d’un projet d’émancipation. Il suppose une conception révolutionnaire de la démocratie, fondée sur la multiplication des formes d’auto-organisation et visant à l’égal exercice de tous les pouvoirs par tous les citoyens et toutes les citoyennes. Il faut pour cela fixer l’objectif concret d’une 6ème République qui dépasse radicalement la démocratie parlementaire par le développement permanent de toutes les formes possibles d’intervention citoyenne, l’institution de nouveaux rapports entre élu·e·s et citoyen·ne·s, la prééminence des assemblées élues sur les exécutifs, la parfaite transparence de l’action publique et une stricte séparation des pouvoirs. Ainsi, c’est pour un nouveau régime politique qu’il faut lutter. Il appelle par exemple une forme dé-verticalisée de toutes les institutions (y compris de notre parti), de même qu’une déprofessionnalisation de la politique.

Cette volonté de reprise du pouvoir sur nos vies doit nous conduire aussi à prendre à bras-le-corps des enjeux désormais cruciaux pour les libertés comme le pluralisme des médias (au point où l’on en est, il faudrait plutôt parler d’une séparation du conglomérat État/financiers et des médias), ou la maîtrise citoyenne des technologies, des nanotechnologies aux algorithmes de l’intelligence artificielle.

C’est dans ce sens, et en mettant nos propres pratiques en accord avec ces principes, que nous répondrons à l’immense discrédit qui atteint notre système politique, et aux aspirations à l’autonomie et l’intervention citoyenne qu’expriment des mouvements comme « les Nuits debout ».

C. Pour une nouvelle conception du développement humain sans hiérarchie des luttes émancipatrices

Le combat communiste s’est engagé entre le XIXe siècle et le début du XXe siècle, alors que les premières révolutions industrielles, qui promettaient une croissance potentiellement infinie de la production de richesses, entraînaient le développement d’une classe ouvrière nombreuse, relativement homogène et très prolétarisée. Ce sont les ouvrier·e·s du secteur industriel qui ont constitué alors la base sociale du mouvement communiste et qui sont devenu·e·s l’archétype du « prolétariat ».

Or, voici près d’un demi-siècle que les progrès techniques et les délocalisations suppriment les emplois industriels en France au profit de l’essor du secteur tertiaire. Selon les chiffres de l’INSEE, la classe ouvrière ne représente plus que 20 % de la population française active ou anciennement active, et la tendance ne va pas s’inverser. Près de deux tiers de la population se composent désormais d’employé·e·s, de professions intermédiaires, de cadres et de professions intellectuelles supérieures. Tout comme la classe ouvrière, ces populations dépendent de la vente de leur force de travail pour vivre et subissent elles aussi, à différents degrés, l’aliénation au travail. Pourtant, nous n’avons pas su nous adapter efficacement aux évolutions d’un salariat de plus en plus nombreux, mais aussi plus stratifié et divisé, de façon à ce que chacun de ses divers composants puisse se reconnaître dans le projet communiste. Faute de définition claire de notre bloc social et d’articulation entre les différents objectifs de lutte, nos tâtonnements n’ont convaincu ni les salarié·e·s des secteurs en essor que le communisme ne se réduit pas à la seule classe ouvrière, ni les ouvrier·e·s que les communistes ne leur ont pas tourné le dos. Notre base sociale s’est ainsi considérablement réduite.

Pendant longtemps nous avons pensé que les luttes devaient être hiérarchisées et que les “luttes sociales”, directement liées au rapport capital/travail, devaient être placée au sommet. Or, ces luttes ne sont pas le seul chemin pour saisir et combattre la domination capitaliste. La fin du capitalisme ne garantit pas non plus la fin des autres systèmes de domination incarnés par le sexisme, le racisme, ou le productivisme. Il est grand temps d’en finir avec une vision pyramidale des luttes et d’articuler les combats contre les différents systèmes de domination et d’exploitation (anticapitalisme, féminisme, écologie, antiracisme, etc.) dans une nouvelle conception de l’émancipation et du développement humains. Et de participer activement à toutes les actions — ZAD, universités expérimentales, pédagogies alternatives, etc. — qui cherchent concrètement à casser les codes de reproduction du système capitaliste et explorer de nouvelles façon de vivre et de travailler. C’est ainsi que nous pouvons atteindre le salariat et l’ensemble des dominé·e·s dans toute leur diversité et œuvrer à leur unité.

1. Pour l’abolition de toutes les formes de domination

Inscrire toutes les luttes et toutes les initiatives porteuses d’alternatives concrètes à l’ordre existant dans la perspective d’une société d’émancipation humaine suppose de prendre ces mobilisations telles qu’elles sont, en phase avec les évolutions et les besoins de la société. Faute de l’avoir fait, nous sommes longtemps passés à côté de celles qui, à partir des années 60/70, posaient des questions nouvelles liées notamment aux droits de la personne, et qui se sont alors développées en dehors et parfois contre nous. Nous ne devons pas commettre à nouveau de telles erreurs.

Le projet communiste vise à abolir toutes les dominations que le capitalisme tend au contraire à présenter comme « naturelles ». En donnant la priorité aux “luttes sociales” , nous avons trop souvent sous-estimé le caractère structurel de discriminations traversant les classes des salarié·e·s elles-mêmes, liées aux prétendues « races », au sexe, à l’orientation sexuelle, à l’âge, etc. Il nous faut au contraire mettre tous les combats émancipateurs au même niveau — par exemple, ceux des femmes contre les dominations masculines et le patriarcat, dont le mouvement planétaire déclenché par l’affaire Weinstein montre l’importance essentielle ; ceux des personnes « racisées » ; ou ceux contre une dénaturation islamophobe de la laïcité. Cela suppose de poursuivre l’actualisation de nos analyses et de nos conceptions pour penser ensemble toutes les dominations et poser en tous domaines la question de l’égalité réelle de tous les êtres humains.

2. Faire de la lutte contre tous les racismes une de nos grandes priorités politiques

Le chaos du monde actuel est propice à la montée de toutes les haines. Dans toute l’Europe, le racisme redevient, à grande échelle, un des instruments de la domination de classe. Tout est fait pour exacerber la concurrence des exploités et des dominés en criminalisant les migrants, les réfugiés et les roms; et pour placer l’islamophobie au cœur du dispositif idéologique car elle favorise tous les amalgames et place le débat sur le choc des civilisations. Inégalités sociales, précarisation du travail, assignations territoriales dans des quartiers délaissés de la République, discriminations racistes structurelles (embauche, logement, contrôle au faciès) se conjuguent pour mettre à l’index, en état de sous-citoyenneté, une part croissante de la population, et singulièrement de la jeunesse. Nous avons sous-estimé ce racisme institutionnel, injure quotidienne à nos principes républicains

Il est urgent de porter un anti racisme qui lie racisme et capitalisme, colonialisme et néo colonialisme, qui revendique l’égalité de traitement pour toutes et pour tous, qui agit contre toutes les formes de discriminations, d’humiliations et d’oppressions, qui combat avec force l’offensive xénophobe, qui lutte contre l’islamophobie et l’antisémitisme et toutes les formes de racismes, qui ouvre la voie du « tous ensemble » pour une société d’êtres humains égaux, libres et réconciliés

3. Pour un éco-communisme ambitieux

L’humanité prend conscience de sa place dans un monde fini à l’écosystème unique et entre de fait dans une nouvelle ère de son histoire, celle d’une communauté de destin. Il n’est pas exagéré de parler d’une dimension nouvelle et enthousiasmante de l’actualité de la pensée communiste. Mais aujourd’hui encore, nous avons le plus grand mal à nous investir réellement dans les luttes écologiques qui pourtant, fondamentalement, mettent en cause le modèle productiviste/consumériste du capitalisme et cristallisent à leur façon l’exigence d’une alternative de civilisation. C’est désormais un enjeu vital pour l’humanité, et une préoccupation grandissante dont témoignent la vigueur et la multiplication des mobilisations.

Nos priorités sont à la relocalisation des industries au plus près des territoires, au remplacement du modèle agro-industriel par une agriculture paysanne écoresponsable, au développement de l’économie circulaire afin que les déchets des uns soit la matière première des autres. Nous avons pourtant soutenu nationalement, contre toute évidence, le projet pharaonique de NDDL. Et notre ambition sur le plan énergétique se limite toujours à un contrôle public de l’énergie nucléaire à côté d’investissements dans les énergies renouvelables.

Si les luttes écologiques contre le nucléaire sont si intenses et de longue durée, c’est que cette énergie pose des questions anthropologiques qui devraient nous interpeller en tant que communistes. Bien que l’énergie nucléaire participe à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, elle implique aussi une hyper-centralisation étatique de sa gestion ou pire encore une gestion par le marché et les intérêts prives, comme à Fukushima. Elle a aussi ceci de particulier qu’elle transmet aux générations futures pour des centaines de milliers d’années la gestion des déchets radio-actifs. Qui peut aujourd’hui dire ce que seront nos sociétés dans 300 000 ans ? Notre conception communiste de la lutte pour le droit à l’énergie et contre le réchauffement climatique nous oblige donc à affirmer la nécessité d’une sortie urgente des énergies carbonées; et d’une sortie progressive et maîtrisée du nucléaire au profit du développement d’un mix électrique 100 % renouvelable. Une telle sortie du nucléaire doit retenir comme critère absolu un équilibre entre la satisfaction des besoins en énergie et la réduction des émissions de gaz à effets de serre pour que la fermeture de centrales nucléaires se fasse toujours au profit des énergies renouvelables et ne se traduise jamais par un recours aux énergies carbonées pour combler les besoins.

Ces luttes et ces exigences ne s’opposent ni au « progrès » ni à l’emploi, bien au contraire. Mais ce monde fini aux ressources limitées implique de changer de civilisation. Désormais il faut inventer un autre mode de développement fondé sur la sobriété, bannir le consumérisme qui gaspille et demande plus de ressources que la terre ne peut fournir, passer d’une société de l’avoir à une société de l’être. Le dépassement du capitalisme est de ce fait un passage obligé vers cette nouvelle civilisation de “bien vivre” humain.

4. Migrations : défendre la liberté de circulation et d’installation

La France s’est engagée depuis trente ans dans une logique de contrôle de l’immigration et de fermeture des frontières, les alternances politiques n’y changeant rien. Pire, les gouvernements successifs présentent des projets de lois indexés sur la surenchère de l’extrême droite. Les migrations actuelles, dans lesquelles les grandes puissances ont une responsabilité écrasante (effets de l’esclavage et du colonialisme, politiques néocoloniales, soutien et armement des conflits), ne cesseront pas dans les années et les décennies à venir du fait de nouvelles causes comme le réchauffement climatique. En 2015, la crise dite « des réfugiés » fut en réalité une crise de la construction européenne, car les gouvernements européens ont délibérément évité toute prise en charge matérielle et humaine de l’afflux des réfugié·e·s, ce qui a conduit à des milliers de morts aux portes de l’Europe. Il devient chaque jour plus évident que le bétonnage des frontières est une absurdité crimunelle.

Notre parti doit poursuivre et accentuer son soutien à toutes les mobilisations défendant les droits des migrant·e·s. Et nous devons nous engager pleinement dans la bataille idéologique qu’est la question de l’immigration. Mais l’indispensable solidarité finira par être débordée si nous ne posons pas cette question sur le plan politique et si nous ne mettons pas en débat une alternative émancipatrice à la réponse inhumaine et vaine du capitalisme. La seule façon de lutter contre les réactions racistes et identitaires, dont on voit déjà dans toute l’Europe les dégâts politiques, est d’associer notre conception de l’émancipation au parti-pris des migrant·e·s et à l’affirmation du droit imprescriptible de tout être humain à s’installer hors des frontières de son pays, ce qui, sauf exceptions marginales, est toujours lié à une situation de détresse vitale. Cette mesure est la seule qui permettrait immédiatement qu’il n’y ait plus de milliers de morts chaque année. Et il nous faut aussi affirmer frontalement l’exigence d’un autre ordre international, s’en prenant aux causes des migrations, tout en luttant sans ambiguïté pour le droit de circulation et d’installation de celles et ceux qui prennent le terrible risque de l’exode.

D. Reprendre le pouvoir sur les médias, démocratiser les technologies de la communication

L’espace médiatique et les industries de la culture sont massivement dominées par les forces du capital, qui marchandisent l’information et la communication, le divertissement et la culture, et les mettent au service exclusif de leur domination idéologique. Édition, presse, télévisions, radios sont aujourd’hui entièrement accaparées par une poignée de milliardaires qui imposent à tou·te·s leur récit : guerre des civilisations contre lutte des classes, fin de l’histoire contre révolution…

L’internet, qui s’est vécu un temps en espace de liberté, est lui-même menacé avec notamment l’attaque contre le principe de neutralité du net. Il est surplombé désormais par un petit nombre d’acteurs à la puissance inouïe. Puissance financière puisque la capitalisation boursière d’Alphabet (Google), Amazon, Facebook, Apple et Microsoft avoisine désormais le PIB de la France. Puissance politique avec notamment des capacités analytiques et prescriptives inédites des comportements humains, permises par des algorithmes toujours plus performants, déployés de façon omniprésente et indiscernable à travers l’internet des objets et qui s’insinuent dans l’ensemble de notre quotidien.

Ces dominations inédites dessinent les contours d’un projet éminemment totalitaire. Libérer les médias et les technologies de la communication des puissances de l’argent en affirmant leur stricte séparation d’avec les puissances financières et l’État est un combat communiste aussi important pour la désaliénation des esprits que celui qui, au début du siècle dernier, a permis d’arracher le principe de séparation des Églises et de l’État.

E. Gagner la bataille de l’Europe

La construction européenne est en train d’asphyxier le débat politique en mettant chacun des pays qui la composent face au choix impossible entre continuer de subir les traités néolibéraux ou sortir de l’Union. Echapper à ce dilemme est un impératif politique. Mais le changement de société du XXI siècle ne peut se concevoir dans un repli souverainiste étroitement national ; la souveraineté doit se concevoir à tous les niveaux, local, national, européen et mondial. Nous devons donc nous emparer de la grande idée européenne – à laquelle, malgré tout, l’immense majorité des Européens reste à juste titre attachée – comme d’une dimension essentielle de notre internationalisme, et faire d’une transformation de l’Europe une étape et un levier essentiel du combat pour faire vivre la possibilité d’une alternative à l’ordre capitaliste mondial.

La France dispose de nombreux moyens d’agir. Sa capacité de bloquer toute nouvelle adaptation de l’Europe à l’ordre mondial actuel ou de désobéir à certaines directives peut créer une situation insupportable pour les forces qui soutiennent le capital et imposer la renégociation des traités. Ce combat ne pourra se mener qu’au nom d’une autre construction européenne – une Europe à « géométrie choisie » qui n’obligera jamais aucun peuple à s’aligner sur des politiques qu’il refuse – et nécessitera de travailler à une dynamique européenne de rassemblement. Ce doit être désormais un objectif politique prioritaire qui suppose d’élever considérablement le niveau des nos objectifs et de notre engagement. Au-delà du Forum européen progressiste, il nous faut travailler à une nouvelle initiative de très grande ampleur que notre Parti, compte tenu de son histoire et de la place de la France en Europe, a la légitimité et donc le devoir de proposer à toutes les forces disponibles en France et en Europe.

F. Les nouveaux repères du communisme

Ainsi, sur ces questions comme sur tous les grands enjeux politiques, nous devons faire ce travail fondamental visant à reconstituer les principes et les repères d’une alternative communiste à l’ordre existant, et à les traduire en batailles concrètes. Il s’agit de dire en quoi elle consiste et donc le type de société vers laquelle nous proposons d’aller. Tant que nous ne pourrons pas dire ainsi, fondamentalement, « ce que nous voulons », nous resterons dans l’incapacité de combattre l’amalgame entretenu sans cesse par nos adversaires entre notre projet et l’image du communisme que l’histoire a laissée dans les esprits.

II. Un processus révolutionnaire démocratique et citoyen

Le Parti communiste doit être révolutionnaire. Non seulement parce que l’émancipation humaine exige d’en finir avec le système capitaliste pour aller vers un autre type de formation sociale. Mais aussi pour échapper aux catastrophes vers lesquelles ce système entraîne aujourd’hui l’humanité. Car notre époque est bien celle d’une immense crise mondiale, durable, affectant les sociétés dans toutes leurs dimensions profondes, crise de survie qui pourrait devenir, de la pire manière qui soit, une crise terminale susceptible même de provoquer à terme l’extinction de notre espèce. Comment croire qu’on pourrait conjurer de tels périls sans un radical changement de système, c’est-à-dire une révolution ?

Le capitalisme offre aujourd’hui à une poignée de personnes le pouvoir insensé de détruire toute vie civilisée. Mais il offre aussi à l’immense majorité la force de conjurer les dangers, grâce au développement et aux transformations sans précédent des forces productives, aux révolutions technologiques et à la montée des aspirations à vivre autrement. En un mot, les contradictions du capitalisme donnent à l’Humanité, comme le pronostiquait Marx, la perspective d’aller vers une société sans classes, sans domination, ni exploitation, ni aliénation. Travailler à cette perspective est la raison d’être fondamentale d’un parti communiste.

Encore faut-il que l’idée de révolution redevienne une perspective réaliste. Car cette grande idée, qui a mobilisé des millions de femmes et d’hommes sur tous les continents, a été dénaturée par les expériences révolutionnaires du XXe siècle qui, tout en se réclamant du progrès social, de la liberté et même du communisme, ont produit des systèmes brutaux et antidémocratiques. Ce fut une divine surprise pour les forces qui soutiennent le capitalisme : elles en ont profité pour mener une incessante campagne planétaire visant à assimiler communisme et fascisme et à stigmatiser symétriquement ce qu’elles appellent aujourd’hui « les extrêmes ».

Nous-mêmes, face à ce déferlement, avons fini par baisser la garde. Malgré nos textes de congrès, nous avons davantage mené campagne pour des propositions immédiates que des ruptures postcapitalistes ; nous nous sommes plus battus pour « la gauche » que pour le communisme ; et nous avons préféré utiliser des périphrases pour éviter le mot révolution. Mais au lieu de nous permettre de nous maintenir et moins encore de nous renforcer, nous avons ainsi gravement porté atteinte à la crédibilité d’un dépassement du capitalisme qui suppose évidemment des transformations révolutionnaires de l’ordre existant. Il nous faut donc travailler avec ténacité, sur le long terme, à réhabiliter l’idée de révolution en lui donnant, en théorie et en pratique, le caractère radicalement démocratique en accord avec les possibilités, les sensibilités et les consciences d’aujourd’hui. Et dire par conséquent comment, concrètement, nous concevons le processus révolutionnaire nouveau sans lequel l’émancipation humaine demeurerait un mot creux.

A. « L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes ».

Cette idée fameuse, que Marx a introduite en 1864 dans le préambule des statuts de la Première Internationale, fait partie de l’héritage théorique du mouvement révolutionnaire. Le fait est pourtant que les expériences soviétiques et maoïstes ont fait tout le contraire. Dans les conditions spécifiques à chacune, elles ont toutes les deux débouché sur des systèmes politiques et sociaux oppressifs. Les travailleurs y étaient supposés déléguer la direction du mouvement de transformation sociale à des partis « d’avant garde ». Mais ceux-ci n’ont pas tardé à s’identifier à des appareils d’États dictatoriaux et à déposséder les travailleurs de toute possibilité d’initiative ou droit de décision. Bref, les expériences ont échoué dans ces pays à abolir de la domination de l’homme par l’homme, et le capitalisme y est renouveau florissant.

Nous avons à juste titre expliqué ces échecs par l’état d’arriération de ces pays qui n’avaient pas encore connu, au moment de leurs révolutions, la phase de développement économique, social, institutionnel et culturel liée au déploiement du capitalisme industriel. Leurs économies demeuraient fondamentalement agricoles et, dans la très grande majorité des cas, leurs classes ouvrières urbaines n’y représentaient qu’une partie minime de la population. La démocratie n’y était même pas embryonnaire. Dans ces conditions, les forces consciemment révolutionnaires étaient elles-mêmes très peu nombreuses, et l’unité du « prolétariat » inexistante. La mise en place des régimes « socialistes » n’a donc pas résulté du « mouvement de l’immense majorité dans l’intérêt de l’immense majorité », mais de conjonctures historiques exceptionnelles associant la déliquescence des pouvoirs en place, des guerres dévastatrices (14/18, 39/45, guerres civiles et sino-japonaise, etc.) et l’action de partis relativement peu nombreux mais très déterminés et souvent conduits par des dirigeants exceptionnels.

Des révolutions de cette nature supposaient des partis centralisés et disciplinés, dirigés d’en haut d’une main de fer, capables de conduire la « guerre civile » jusqu’à la conquête du pouvoir d’État, puis de devenir l’État lui-même pour imposer la transformation sociale par la « dictature du prolétariat ». Mais faute de pouvoir s’appuyer sur un soutien populaire suffisamment large, ils n’ont pu conserver le pouvoir qu’en s’imposant par la force. À long terme, de telles révolutions ont échoué principalement parce qu’au lieu de donner aux travailleurs et travailleuses la maîtrise de leur propre émancipation, elles les en dépossédaient complètement. Sans l’adhésion éclairée et active du peuple, le processus a inévitablement fini par se retourner contre lui.

Nous avons certes rompu depuis longtemps avec l’idée d’un « grand soir ». Mais faute d’imaginer un processus révolutionnaire de type nouveau, conduit par les travailleurs et les travailleuses elles-mêmes, nous sommes restés largement prisonniers d’une conception de l’action politique privilégiant l’occupation de positions institutionnelles et, dans les conditions d’un pays comme le nôtre, la stratégie électorale. Même en abandonnant le « centralisme démocratique », nous n’avons pas vraiment remis en question la forme verticale et monolithique du parti dont nous avions hérité avec les « 21 conditions » imposées par l’Internationale communiste en 1920.

B. Une « évolution révolutionnaire » hégémonique jusqu’à la conquête et la transformation du pouvoir d’État

L’histoire montre sans aucune exception que, à défaut de conscience populaire pour en soutenir activement les objectifs révolutionnaires, la conquête du pouvoir d’État est une illusion. Mais un siècle s’est passé depuis 1917, et nous ne sommes ni en Russie ni en Chine. La France est un des pays les plus développés du monde : 75 % de chaque classe d’âge y atteint aujourd’hui le niveau du Bac ; des partis et des syndicats libres y existent de longue date ; et les aspirations des citoyen·ne·s à prendre leurs affaires en main s’y expriment de mille manières, dont par exemple le fait qu’un Français sur deux appartient à une association.

Notre expérience est par ailleurs que, même sans prise du pouvoir, des transformations circonscrites mais profondes de l’ordre capitaliste peuvent s’imposer et perdurer dès lors qu’elles sont majoritairement soutenues. Ainsi, la séparation de l’Église et de l’État en 1905 a engagé un mouvement de recul très important de l’aliénation des consciences sur laquelle s’appuyaient les classes dominantes. La Sécurité sociale a fait sortir de la logique capitaliste un pan considérable de la satisfaction des besoins de santé et de protection sociale, dont la valeur représente aujourd’hui l’équivalent du budget de l’État. Le statut de la fonction publique a instauré les débuts d’un régime de salaire à vie pour des millions de salariés, assurant leur sécurité professionnelle tout en les libérant du marché de l’emploi. Et la loi Veil de 1975, malgré tous les efforts des forces conservatrices, a joué un rôle majeur dans l’émancipation des femmes. De telles transformations, que Jaurès aurait qualifiées de « réformes révolutionnaires », sont aujourd’hui encore « hégémoniques » dans les esprits, au point que l’immense vague néolibérale, réactionnaire et puritaine, qui balaie notre pays comme le monde entier depuis plus de quarante ans, n’a pas pu les rayer de la carte.

Ainsi, sans réduire la « révolution » à la seule prise du pouvoir, mais avec l’objectif d’une transformation radicale, se dessine la possibilité de ce que Marx, repris par Jaurès, appelait une « évolution révolutionnaire » qui abolit progressivement et durablement les mécanismes capitalistes d’un nombre croissant de domaines. La condition décisive de ce processus est le soutien populaire conscient et actif. Dès lors, le rôle essentiel d’un parti révolutionnaire devrait être de travailler à rendre hégémoniques à leur tour de nouvelles transformations « postcapitalistes » dont l’exigence s’exprime déjà dans la société par des luttes ou des pratiques alternatives à l’ordre social actuel.

Il en va ainsi de l’objectif de réduire massivement la durée du travail et d’élever le niveau des qualifications grâce au développement foudroyant des nouvelles technologies ; ou du développement du secteur coopératif, qui fait de chaque travailleur un copropriétaire de l’outil de travail et un codécideur dans l’entreprise ; de l’extension de la gratuité — c’est-à-dire la suppression des frais d’utilisation grâce à un financement socialisé — qui existe déjà pour certains services publics ; ou encore de l’extension d’un régime de salaire à vie à l’ensemble des travailleurs et travailleuses. C’est de façon générale dans ce sens, comme nous le disons plus haut, que nous devons donner la priorité absolue à la bataille idéologique, véritable nerf des luttes de classe, appuyant les mobilisations et initiatives visant à mettre fin au règne du capital sur les entreprises et le système financier, à démarchandiser la force de travail, à démocratiser réellement la République, à transformer l’Europe, etc.

Nous pourrons ainsi rendre à ses acteurs et actrices la maîtrise du processus révolutionnaire et concentrer l’essentiel de nos moyens et de nos efforts sur la conquête des esprits, enjeu décisif de l’affrontement de classes. En toutes circonstances – mobilisations, élections et vie institutionnelle, initiatives citoyennes et expériences alternatives, débats publics… – notre rôle de parti révolutionnaire doit être « d’aiguiller » le mouvement en l’éclairant sur le sens et la force de ce qu’il entreprend lui-même. Ce qui revient à inverser l’ancienne conception : non pas décider voire faire à la place des travailleurs, mais soutenir, nourrir et travailler à donner sens à ce qui se développe déjà dans le mouvement populaire.

Il s’agit donc d’un processus révolutionnaire de type nouveau qui ne fait pas dépendre les grandes transformations sociales de la seule « prise du pouvoir » centrale ni même de résultats électoraux favorables. La conquête de chacune de ces nouvelles « réformes révolutionnaires », jusqu’à leur inscription dans la loi, s’imposera parce qu’elle sera exigée par une majorité tellement importante que même des gouvernements qui y seraient sans cela farouchement opposés devront s’y résoudre, voire les engager eux-mêmes, pour ne pas perdre le pouvoir. C’est ce qui vient encore de se passer sous nos yeux avec la proposition d’E. Macron, le plus libéral des libéraux, d’un statut de l’entreprise qui ne se réduise pas à celui d’une société de capitaux, soit une idée avancée par les communistes – sans beaucoup d’efforts pour la porter, il est vrai – depuis 2001. Il n’y a évidemment rien à attendre de cette proposition du Président de la République, qui fera tout pour qu’elle reste sans aucun effet réel. Mais elle montre que la loi exclusive de la finance qui gouverne les entreprises fait grandir dans la société un rejet et une exigence de changement qui l’oblige à cette manœuvre en recul : « quand une idée s’empare des masses, elle devient une force matérielle ».

Pas plus qu’hier, les tenants du capitalisme ne se résigneront à de telles réformes sans mener bataille par tous les moyens possibles. Un tel processus suppose donc des mobilisations sociales puissantes et une intense bataille des idées. Il sera certainement long et difficile : qui pourrait imaginer le contraire ? Mais il peut s’appuyer sur la force depuis longtemps grandissante dans notre société de l’aspiration à prendre ses affaires en main et à s’approprier la maîtrise de sa vie et du destin collectif. En témoignent la multiplication des associations d’usagers dans les services publics, le mouvement complexe de l’Économie Sociale et Solidaire, la vigueur du mouvement associatif en tous domaines, la revendication lancinante de nouveaux droits et pouvoirs des salariés dans les entreprises, le rejet ultra-profond du modèle délégataire — c’est-à-dire dépossédant — de démocratie parlementaire, la crise des organisations politiques ou syndicales verticales, le mouvement « Me Too », les mobilisations et les luttes pour la dignité, la vérité et la justice dans les quartiers populaires, et même l’écho profond dans l’opinion de mouvements comme Occupy Wall Street ou Nuit debout qui revendiquent le droit à la parole égale et autonome.

C. Les enjeux de pouvoirs

Rendre hégémonique dans les esprits de grandes « réformes révolutionnaires » doit donc devenir notre priorité stratégique. Mais nous tomberions dans une nouvelle erreur si nous poussions le raisonnement jusqu’à l’absurde en affirmant, comme certains groupes gauchistes : « élections, piège à cons ». Des entreprises aux institutions, si les prises de pouvoirs à tous les niveaux (local, national et européen) ne permettent pas à elles seules une transformation sociale révolutionnaire, elles peuvent avoir une influence importante sur le contexte des luttes des classes dominées. En effet, celui-ci peut être plus ou moins favorable ou défavorable selon que les pouvoirs en place leur mènent une guerre féroce — comme Macron aujourd’hui et hier son modèle Mme Thatcher — ou qu’au contraire leur orientation tend à les rendre moins difficiles. À tous les niveaux, les institutions constituent par ailleurs des tribunes pour les positions défendues par les élu·e·s révolutionnaires ou au moins progressistes. En outre, les élections sont des moments importants de politisation dans la mesure où elles mobilisent les esprits — y compris ceux d’un grand nombre d’abstentionnistes — et stimulent le débat public, malgré un système médiatique profondément antidémocratique.

La conquête de capacités d’interventions à tous les niveaux, même si elle n’a plus le caractère central et décisif que lui attribuait la conception de la révolution par la prise du pouvoir d’État, fait au demeurant partie de la « guerre de positions » (Gramsci) qui permet aux classes dominées de jouer un rôle croissant et d’opposer dans tous les domaines des choix et des logiques alternatives à ceux du capitalisme (les effets de ce que l’on a nommé le « communisme municipal » en attestent). Et cela, jusqu’à ce que s’impose la nécessité d’un nouveau système institutionnel et politique adaptant l’organisation des pouvoirs à l’ordre social émergent, comme ce fut le cas pour la bourgeoisie face à « l’Ancien Régime ». L’objectif d’une Assemblée constituante, non pas comme objectif ultime mais comme moyen de rendre aux citoyen·ne·s la maîtrise de tous ces pouvoirs, prend alors tout son sens.

Mais contrairement à ce que nous avons fait notamment avec la stratégie « d’union de la gauche », nous devons renoncer définitivement à l’illusion consistant à croire que des positions électives ou gouvernementales pourraient justifier notre participation à des majorités menant des politiques conservatrices ou libérales. Nous avons lourdement payé le prix de telles expériences : écœurement, colère et démobilisation.

III. Notre stratégie politique : la question du rassemblement

Comme le fait la proposition de « base commune » du Conseil national, Pierre Laurent définit notre « parti-pris stratégique » comme « le combat qui permet, en toutes circonstances, au mouvement réel de la société de pousser le plus loin possible ses potentialités transformatrices ». On ne peut qu’être d’accord avec cette idée générale qui est de fait la nôtre depuis que nous avons abandonné la « dictature du prolétariat ». Mais toute la question est de savoir comment la mettre en œuvre, et surtout, comment articuler notre présence dans les luttes et nos batailles idéologiques avec une stratégie rendant crédible la perspective d’une alternative politique. Or le dernier demi-siècle nous pose de ce point de vue de très sérieux problèmes puisque, successivement, la stratégie d’Union de la gauche, puis celle du Front de gauche, se sont soldées par des échecs. De notre point de vue, cela oblige à faire une analyse critique de ces stratégies non pas seulement depuis 2009, en ne réfléchissant finalement qu’à la période du Front de gauche, mais depuis les années 60 et notre combat pour l’Union de la gauche.

Un point fait très largement accord dans le Parti: sans rassemblement de toutes celles et ceux qui ont intérêt à l’abolition de toutes les formes de domination, il n’y a pas de majorité possible. Personne en effet n’imagine que tout le monde pourrait dans une société comme la nôtre se rassembler derrière un même drapeau. En revanche, il y a débat sur deux points principaux : le périmètre et la forme du rassemblement.

A. Nos alliances avec la social-démocratie et la question de notre crédibilité

Le rassemblement de la gauche — c’est-à-dire de toutes les forces qui se battent et pour l’égalité et pour la liberté — est une nécessité pour créer une alternative antilibérale et pour s’opposer à la droite et à l’extrême droite. Mais on sait qu’il y a à gauche depuis toujours des forces qui visent une simple adaptation du capitalisme, et d’autres, dont nous sommes, qui pensent qu’il faut une profonde transformation anticapitaliste de la société.

L’une des principales leçons qu’il faut tirer de nos alliances électorales de longue date avec le Parti socialiste est qu’elles ont brouillé notre visibilité et notre crédibilité révolutionnaire. Notre affaiblissement s’est aggravé du fait qu’après des décennies d’Union de la gauche, nos zigzags et nos alliances à géométrie variable ont désorienté l’électorat populaire, qui a fini par ne plus savoir si nous combattions réellement la dérive néolibérale du PS, ou si nous nous y résignions. Le résultat est que, loin de pouvoir identifier en nous un recours, le vaste mouvement qui balaie un peu partout en Europe les partis social-démocrates ne nous a pas épargné. Sauf à être emportés nous-mêmes par cette vague de discrédit, nous ne pouvons poursuivre des accords électoraux avec les forces social-démocrates — au-delà de ceux qui visant à battre la droite et l’extrême droite — que lorsque les rapports de force garantissent la mise en œuvre de politiques anticapitalistes permettant une nette amélioration de la vie des classes dominées. Dans nos rapports avec le PS, ce n’est plus le cas depuis longtemps.

B. Pour un « Front commun » de toutes les forces de transformation sociale

Dès lors que notre affaiblissement s’est accompagné du développement d’autres forces critiques du capitalisme, notre stratégie doit viser à les faire converger pour leur donner, ensemble, un poids politique suffisant. C’est ce que nous avons commencé à faire après 2002, notamment lors de la bataille du référendum de 2005 puis avec le Front de gauche. Mais nous n’avons pas pu ou voulu tenir ce cap.

La nécessité de faire converger les forces de transformation sociale est aujourd’hui une évidence politique. Leur division a conduit à l’éparpillement et à l’impuissance entre 1988 et 2007. Leur rassemblement dans le Front de gauche en 2009 a rendu possible, malgré nos hésitations, l’essor d’une dynamique nationale et des résultats électoraux sans équivalent depuis Jacques Duclos en 1969. Mais sous sa forme d’un cartel de sommet, tenant à distance les citoyen·ne·s, cette expérience a fini par échouer elle aussi. Nous portons notre part de responsabilité dans cet échec. Nous n’avons pas voulu investir pleinement le Front de gauche et créer les conditions d’un véritable élargissement à celles et ceux qui se considéraient comme Front de gauche sans pour autant vouloir en rejoindre une des composantes.

Nous n’avons pas non plus fait le choix d’une démarche cohérente sur le plan national, donnant à voir une ambition et être identifié clairement. Nos stratégies à géométrie variable en fonction des scrutins et des territoires nous ont rendus illisibles et ont cassé la construction d’une dynamique de rassemblement durable sur le plan national. Pendant le quinquennat de François Hollande, nous avons commis des erreurs d’appréciation sur la situation politique — non seulement sur ce qu’était devenu le PS, mais aussi sur l’évolution d’une part de ses électeurs, et sur l’ampleur de son rejet par l’électorat. En délaissant le FdG dans de nombreux scrutins locaux et en privilégiant les frondeurs du PS au niveau national, nous avons laissé en friche un espace où la France insoumise a pu se développer. Cette erreur d’appréciation sur la réalité politique dans le pays a entraîné un sérieux désaccord stratégique puisque, alors que la direction de notre parti cherchait un impossible rassemblement de toute la gauche, Jean-Luc Mélenchon voulait une rupture claire avec un PS en plein discrédit. L’impasse est venue de l’impossibilité d’apporter une solution à ce différend, conduisant à la rupture.

La dynamique de la campagne de JLM en 2017 va bien au-delà de celle de 2012, en particulier dans l’électorat populaire, celui-là même qui a eu le plus à souffrir des renoncements du PS. Un électorat qui, même si sur quelques territoires il le recoupe, dépasse bien largement le cadre du vote communiste. Cela doit nous interroger sur les ressorts de cette dynamique, sur les motivations profondes de ce vote.

Malgré l’échec, le Front de gauche est une expérience politique qui a montré des potentialités. Il est donc nécessaire de la reprendre pour aller au-delà et faire de notre parti un outil au service d’une nouvelle forme de rassemblement des forces de transformation sociale. Dans le respect d’un socle commun, un tel rassemblement doit garantir à chacune de ces forces la complète liberté de ses propres combats – pour nous, porter l’ambition communiste – et contribuer ainsi à la dynamique générale. Il doit leur permettre de mener ensemble les batailles qui leur sont communes et de proposer des programmes et des candidatures d’union lorsque les circonstances et le système électoral l’exigent. C’est ce que nous appelons un « Front commun », espace politique de bouillonnement des partis, mouvements, citoyen·ne·s, intellectuel·le·s, artistes, personnalités au service de la mobilisation populaire.

Dire que Jean-Luc Mélenchon n’est pas prêt aujourd’hui à s’engager dans une telle démarche est une réalité, mais aussi l’aveu d’un manque de propositions et d’initiatives nouvelles de notre part pour répondre aux attentes actuelles des citoyens d’autres façons de faire de la politique et de se rassembler. « L’union est un combat », et si nous ne le menons pas, la division, l’éclatement et l’impuissance continueront de dominer. Parce que les communistes ont toujours l’objectif, comme le disaient Marx et Engels, de représenter les intérêts du « mouvement prolétarien » dans sa totalité, il leur appartient une fois de plus de proposer des formes qui permettent la convergence des forces de transformation sociale. Le communisme politique en France n’a jamais été aussi fort et utile que lorsqu’il a été capable, dans les conditions du moment, de porter une perspective de rassemblement. Cela implique, avec lucidité et ambition, de faire vivre culturellement et politiquement ce nouveau rapport aux autres !

C. Un audacieux travail de rassemblement

La géographie de la gauche est totalement chamboulée et l’émergence et l’installation dans le paysage de LFI appellent de notre part à prendre en compte une réalité assez inédite. Inédite, par exemple, par la faiblesse globale de la gauche (moins de 30 %), ce qui impose un effort de reconquête sans précédent. Inédite aussi parce que pour la première fois depuis des décennies, c’est bien un projet clairement antilibéral qui est arrivé en tête de la gauche et qui a rassemblé l’essentiel de l’électorat de la gauche de transformation sociale.

Dans cette phase post présidentielle nous sommes donc confrontés à une reconfiguration sans précédent de la gauche. LFI veut y confirmer une place prédominante à l’occasion des prochaines européennes — un scrutin qui peut lui être favorable, mais qui masque un défi qui sera incontournable pour elle : celui des municipales, départementales, régionales de 2020 et 2021. Si LFI ne fait pas la démonstration qu’elle peut être utile pour gagner, alors elle peut connaître un fort mouvement de reflux d’ici les échéances de 2022 et prendrait la responsabilité d’une désespérance supplémentaire à gauche.

Aujourd’hui les hommes et les femmes que nous ambitionnons de contribuer à rassembler sont éparpillé·e·s. Les repères politiques sont parfois confus et l’image de la gauche est très abîmée auprès d’une large part d’entre-eux. L’Appel pour le 26 mai est l’illustration d’une gauche très diverse, et en même temps des millions d’exploité·e·s ne s’y retrouvent pas ou sont en attente. Il est nécessaire d’œuvrer au rassemblement le plus large de ces hommes et femmes et des organisations qui, pour une partie, les incarnent.

Autant nous considérons que les forces de transformations sociales doivent se rassembler, et que LFI y a évidemment sa place, autant nous sommes persuadés que ce rassemblement ne pourra se faire sans un Parti communiste absolument indépendant et vigoureux. Nous avons donc une double responsabilité: travailler inséparablement à un nouvel essor de notre Parti, et à la construction du Front commun permettant de recréer l’espoir.

Pour cette raison, tourner le dos à la FI au motif que J.-L. Mélenchon ne veut pas aujourd’hui de rassemblement à gauche reviendrait à abandonner notre électorat historique et serait pour nous suicidaire. Nous devons au contraire nous battre pour la mobilisation et l’élargissement de l’électorat qui aspire à une profonde transformation sociale, et donc pour un rassemblement avec la FI et toutes les forces décidées à mettre en cause l’ordre néolibéral. Dans ce combat pour l’union, comme au sein du rassemblement politique qu’il vise à construire, nous devons critiquer sans concession les tentations populistes, mener tous les débats qui le traversent et faire avancer les positions communistes.

D. Les échéances électorales à venir : européennes, municipales et au-delà

Créer les conditions de nombreuses conquêtes électorales de la gauche de transformation sociale implique de lancer pour les prochaines échéances électorales une grande bataille politique pour des listes de rassemblement. Les élections européennes de 2019 et les municipales de 2020 sont l’occasion de tourner la page des divisions qui ont lourdement hypothéqué les législatives de l’an dernier. Nous avons tous fait l’expérience du coût politique et électoral des luttes fratricides qui les ont marquées : nous-mêmes avec le pire résultat en nombre de voix de notre histoire ; la France Insoumise avec un score très inférieur au potentiel qui s’était exprimé au premier tour de la présidentielle. Depuis, les élections législatives partielles ont confirmé cette réalité.

1. Les élections européennes de 2019 : des listes transnationales rassemblant toutes les forces de la gauche antilibérale en Europe

Dans ces conditions il est catastrophique de décider en l’état la constitution de notre propre liste aux élections européennes, même si cette décision est aujourd’hui assortie de l’annonce très vague de notre disponibilité « pour travailler à la jonction de cette liste avec d’autres forces sur des objectifs convergents de transformation de l’Europe ». Allons-nous faire le choix du solo funèbre qui, compte tenu de la règle des 5%, nous condamnerait plus que probablement à n’avoir aucun·e élu·e au Parlement européen ? Nous pensons au contraire que c’est une urgence absolue de faire une proposition audacieuse et hardie de listes transnationales rassemblant l’ensemble des forces de la gauche antilibérale en Europe.

Rappelons-nous que les différences de position entre les diverses composantes de la gauche antilibérale ne portent pas fondamentalement sur la nécessité d’autres politiques européennes, mais sur la stratégie permettant de les rendre possibles. Le rejet de l’actuelle construction européenne est si profond et même violent que réussir à rassembler dans la même démarche toutes les forces de la gauche antilibérale en France et en Europe, pourrait être un électrochoc capable de changer complètement la donne. Nous proposons donc que notre Parti lance à toutes ces forces la proposition de listes communes coordonnées à l’échelle de l’Union européenne. Et que nous menions une bataille de dimension européenne afin d’en faire grandir l’exigence.

2. Les municipales de 2020 : lancer des assemblées citoyennes et franchir un nouveau pas vers un « Front commun »

Les élections municipales sont celles qui suscitent le plus fort investissement citoyen. Après les européennes, elles peuvent donc constituer, si nous en décidons ainsi, un nouveau grand moment de retrouvailles et de convergence entre toutes les forces politiques et citoyennes, avec toutes les femmes et tous les hommes qui veulent s’opposer à la politique d’E. Macron. Les raisons d’engager cette convergence ne manquent pas : le démantèlement de la démocratie locale, la réduction des moyens des collectivités territoriales et les coupes insupportables dans les services publics. Là aussi, l’idée vague de rassemblement à géométrie variable nous rendrait une nouvelle fois complètement inaudibles et préparerait une nouvelle catastrophe électorale.

Ces élections municipales peuvent au contraire conduire à de grands succès si elles permettent de nourrir l’espoir à gauche en franchissant un nouveau pas vers la construction d’un « Front commun » beaucoup plus large que le Front de gauche, permettant l’implication concrète des citoyen·ne·s et leur contrôle constant du processus politique et électoral. En y jouant pleinement son rôle de fédérateur des forces de changement, notre parti y retrouvera visibilité, crédit et attractivité et ne peut qu’en sortir renforcé.

Nous proposons donc de lancer dès maintenant la constitution d’assemblées citoyennes locales visant à préparer cette échéance, d’y inviter toutes les forces de la gauche antilibérale ainsi que toutes les associations et mouvements citoyens, et de mener activement campagne pour convaincre et faire avancer ce projet.

3. Les élections de 2021 et 2022 : une préparation citoyenne inédite

Là aussi, la poursuite d’alliances à géométrie variable nous rendraient une nouvelle fois complètement inaudibles. Les élections départementales et régionales de 2021 doivent nous permettre de faire exister et ancrer dans le paysage politique le « Front commun » capable de recréer l’espoir à gauche, et de développer une nouvelle dynamique de mobilisation et d’implication citoyennes. Sur ces bases, les élections présidentielle et législatives de 2022 pourraient se préparer de façon tout à fait nouvelle : avec le concours de toutes les forces politiques parties prenantes, et sous le contrôle des citoyen·ne·s engagé·e·s dans cette démarche et qui garderaient de bout en bout – stratégie, programme, candidatures – la maîtrise du processus.

IV. Pour un parti ouvert, démocratique de fond en comble, divers et uni

Un « Front commun » serait stérile sans un renforcement significatif du Parti communiste — un Parti communiste renforcé qui puisse mener librement son combat pour le dépassement du capitalisme. Mais quel Parti communiste ? La stratégie révolutionnaire visant à permettre l’émancipation des travailleurs par eux-mêmes suppose une forme d’organisation bien différente de celle qui prétendait remettre la direction du mouvement prolétarien à un parti d’avant-garde. L’essentiel du pouvoir était alors donné à des dirigeants conçus comme les gardiens du « socialisme scientifique », alors que l’appareil du parti avait pour tâche de relayer les consignes de la direction jusqu’aux militant·e·s et aux « masses ». Désormais, il faut au contraire partir de la capacité des femmes et des hommes engagés dans les luttes postcapitalistes à maîtriser eux-mêmes le processus de transformation sociale dans toutes ses dimensions.

A. Pour un parti de « l’intelligence collective » et de la souveraineté militante

La notion d’intellectuel collectif n’est pas nouvelle. Le texte proposé par le CN en parle à nouveau, mais il continue de l’entendre comme le fait de faire partager au plus grand nombre, à l’intérieur et à l’extérieur du parti, les analyses et les propositions élaborées centralement par la direction du Parti ou les commissions nationales. À une époque où le « prolétariat » était très majoritairement peu éduqué, il y avait ceux qui savaient et décidaient, et ceux qui devaient apprendre et exécuter. Gramsci avait même théorisé le fait que, dans ces conditions, la classe ouvrière devait s’assurer le concours « d’intellectuels organiques » qui lui étaient nécessairement extérieurs.

Aujourd’hui, en revanche, quand les trois quarts de chaque génération nouvelle atteint un haut niveau d’éducation et que les intellectuel·le·s les plus qualifié·e·s sont dans leur masse victimes de l’exploitation capitaliste, cette conception est obsolète. Les classes dominées disposent désormais en leur propre sein des capacités et de l’ensemble des savoirs leur permettant de comprendre les ressorts de la domination qu’elles subissent et d’inventer les moyens de la combattre. Par conséquent, la fonction d’un parti révolutionnaire, et même de sa direction, doit changer. Elle n’est plus de penser et décider à la place des dominé·e·s, mais de contribuer par tous les moyens possibles à ce qu’elles et ils pensent et décident directement.

La structure pyramidale permettant de faire « descendre » le savoir et les décisions du haut en bas doit laisser la place à une forme beaucoup plus ambitieuse d’organisation permettant à chacun·e de celles et ceux qui sont engagé·e·s dans les luttes postcapitalistes de contribuer à l’intelligence collective et de prendre ensemble toutes les décisions. Il s’agit donc aujourd’hui de donner un sens très concret à l’idée de l’émancipation des travailleurs par eux-mêmes. Leur souveraineté ne doit pas être déléguée : partout et à tous les niveaux, du local au national et au-delà, la conduite du mouvement de transformation révolutionnaire de la société doit se trouver directement entre les mains de celles et ceux qui sont engagé.e.s dans l’action.

B. Pour une autonomie renforcée des sections, dans le respect des orientations nationales

Dès lors, le niveau le plus décisif de l’organisation est celui qui se trouve directement en relation avec les mobilisations. C’est là qu’il est possible d’en apprécier les conditions concrètes pour participer aux choix des objectifs et des formes d’action, d’en mesurer les résultats et d’en tirer les leçons. C’est aussi à ce niveau que peuvent se tisser les relations personnelles qui sont aujourd’hui comme hier une dimension-clé du lien de confiance qui doit se construire entre un parti révolutionnaire et les classes populaires.

Aujourd’hui ce lieu de proximité existe : c’est la section. C’est là, et non au somment, que tout doit se débattre et se décider démocratiquement, depuis les choix concernant l’action immédiate et locale jusqu’aux orientations politiques fondamentales rassemblant toutes celles et ceux qui entendent faire vivre un parti communiste. C’est pourquoi il faut donner aux sections une place plus importante, notamment au moyen de congrès composés de délégué·e·s de sections et non plus de délégué·e·s départementaux. L’échelon départemental doit se limiter à son rôle de coordination et de mutualisation de l’activité des sections.

Les sections et les communistes en lien avec elles agissent dans le respect des orientations fondamentales et des choix stratégiques décidés nationalement lors de nos congrès. À l’intérieur de ce cadre, chaque section, ou les communistes en lien avec elle, peut prendre l’initiative de s’engager dans des collectifs « de base », locaux ou thématiques. Chaque collectif doit donc avoir la maîtrise souveraine de sa propre action et une pleine capacité à se lier avec d’autres pour agir ensemble à l’échelle d’un territoire ou d’un enjeu. Lorsque c’est le cas, chaque collectif de base concerné désigne tout aussi souverainement ses délégué·e·s à un niveau plus large, non pas pour diriger mais pour coordonner l’action et pour s’y exprimer au nom du Parti. Mais toutes les décisions qui y sont nécessaires doivent être prises par l’ensemble des participant·e·s aux collectifs « de base » engagés dans l’action, en recourant lorsque c’est nécessaire au débat et au vote électronique, ou en organisant des congrès locaux qui peuvent être rapides et consacrés à du travail précis sur des ordres du jour limités.

C. Construire le commun de bas en haut

Le principe fondamental de souveraineté des femmes et des hommes engagés dans l’action pourra donc avoir pour conséquences des choix différents d’une lutte à l’autre, d’un endroit à l’autre, en fonction des circonstances, des enjeux et des expériences. La cohérence d’ensemble relève de l’exigences de respect des orientations décidées nationalement lors des congrès. Et la diversité des choix locaux, dans la limite du respect du cadre national, doit aussi permettre de construire de l’expérience et de la réflexion communes, ainsi que des choix communs.

En toutes circonstances, ce commun doit se construire du bas vers le haut. Là où la direction du Parti (Conseil, Comité exécutif ou Secrétariat national) dirigeait avec l’aide de commissions qu’elle-même désignait dans les différents domaines (économie, éducation, culture, politique extérieure, etc.), toutes les décisions doivent désormais être prises par l’ensemble des communistes, soit par des congrès nationaux qui peuvent être des réunions de travail sur des objets précis et limités, soit par des votes de tous les adhérent.e.s.

Dès lors, les « commissions nationales » doivent être remplacées par des collectifs spécialisés composés de délégués démocratiquement désignés par les collectifs locaux équivalents. Ces collectifs seront chargés non pas de conseiller la direction mais de préparer la prise de décisions des communistes et d’en organiser la mise en œuvre. Les « dirigeants·e·s » doivent laisser la place à des porte-paroles élu·e·s (et le cas échéant révoquables) par les collectifs spécialisés. Comme dans le cas de l’activité des sections, l’unité du Parti sera assurée par la constitution d’un socle de choix et d’orientations communes que les communistes élaborent en congrès nationaux et qu’elles et ils s’engagent à respecter.

Cette dynamique demande à ce que l’horizontalité soit appuyée par des outils nouveaux, simples et accessibles, rendus possibles par la révolution numérique. Celle-ci doit contribuer à la transformation de notre Parti pour œuvrer à un communisme 2.0.

D. Pour un parti plus ouvert aux non adhérent·e·s

Lorque l’appareil du Parti avait pour fonction essentielle de faire partager des orientations décidées « en haut », la qualité d’adhérent·e — et plus encore des responsables aux différents niveaux — a longtemps été soumise à des conditions et contrôlée par les directions. Aujourd’hui, il suffit de décider d’adhérer et de payer une cotisation pour disposer des « droits de l’adhérent·e ». Pour autant, le Parti reste encore une organisation relativement fermée dont toutes les décisions sont réservées à celles et ceux qui en ont la carte et payent leur cotisation.

Or, si l’émancipation des travailleurs et travailleuses doit être l’œuvre des travailleurs et travailleuses elles-mêmes, on ne peut réserver la conduite du mouvement de transformation sociale aux seul·e·s travailleur·euse·s qui décident, à un moment donné, d’être membres du Parti. Toutes celles et ceux qui décident de participer à une action politique, même limitée à un sujet particulier, doivent pouvoir, adhérent·e ou pas, participer aux choix relatifs à l’action menée. Cela signifie que les collectifs de base doivent être en permanence ouverts aux citoyen·ne·s qui veulent agir avec les communistes, et qu’elles et ils doivent pouvoir participer à tous les choix liés à leur action.

En revanche, en application du principe général selon lequel chacun·e participe aux choix relatifs aux actions qu’il ou elle mène concrètement, les décisions concernant, d’une part, l’organisation même du Parti communiste — son fonctionnement, sa vie matérielle et financière, la désignation de ses porte-paroles, etc. — et, d’autre part, les structures du Parti — section, fédération, conseil national —, relèvent de la souveraineté des adhérent·e·s qui font vivre le Parti par leur cotisations.

E. Donner aux communistes les moyens pour agir

Dans un monde de plus en plus complexe, où tout va de plus en plus vite, il faut être en capacité d’aider les communistes à être tout à la fois réactifs et utiles dans le débat public et dans la prise d’initiative.

Cela passe par un effort sans précédent pour atteindre les objectifs suivants :

  • Rendre lisibles et audibles nos propositions. L’exhaustivité en la matière est l’ennemi de la visibilité. Nous dégagerons quelques propositions-phares qui puissent identifier et donner à voir l’ambition des communistes.
  • Engager un vaste travail d’éducation populaire avec des outils adaptés (argumentaires, supports vidéos comme « On vous fait un dessin », etc.)
  • Retrouver un savoir-faire militant via un dispositif de formations, d’appropriation des nouveaux supports et d’animation de l’activité militante.
  • Il y a plus d’un siècle le mouvement ouvrier, dans sa diversité, n’a eu de cesse d’essayer de créer un média de masse. L’Humanité est la traduction de cette volonté. Aujourd’hui dans les conditions actuelles, avec le développement des réseaux sociaux et des médias numériques, la question se pose de l’existence d’un média internet nouant un rapport existentiel de même nature que celui qui nous lie à l’Humanité. En lien avec l’Humanité, ce défi nous voulons le relever !

F- Rassembler la force communiste

Avec plusieurs dizaines de milliers d’adhérent.e.s, le collectif militant du Parti est encore une force qui compte. Mais il n’y aura pas de « printemps du communisme » si les adhésions à notre Parti ne se renforce pas considérablement. La profonde transformation de nous-mêmes que nous engageons doit donc s’accompagner d’une vaste campagne d’adhésions qui devra se développer en s’appuyant sur la mise en pratique concrète de nos changements. Dans ce sens, nous devons en particulier lancer un appel aux très nombreux camarades qui, démotivé·e·s et parfois désespéré·e·s, ont quitté le Parti dans les années et même les décennies passées. C’est dans le dialogue avec elles et eux, comme avec celles et ceux — notament les jeunes — qui ne voient pas aujourd’hui en nous le cadre attractif qui pourrait répondre à leur besoins d’engagement, que nous trouverons les moyens de répondre à leurs attentes. Et de rassembler ainsi la force communiste dont notre peuple a besoin.

Conclusion

Les communistes s’apprêtent à faire un choix crucial. Très affaibli, notre Parti est maintenant confronté à une nouvelle situation puisque la France Insoumise, qui se réclame du populisme, a réussi à rassembler l’essentiel de l’électorat qui nous faisait confiance voici 40 ans. Cette force politique est bien différente de nous et ne saurait jouer le rôle qui devrait être le nôtre. Mais l’Histoire ne repasse pas les plats. Ou bien nous réagissons maintenant, alors qu’il est encore temps, pour retrouver une place importante dans la vie politique de notre pays ; ou bien nous nous condamnons à ne plus compter, et le communisme risque fort d’être absent du combat politique pour de nombreuses années, au moment où le besoin en est le plus grand.

Nous sommes des communistes divers, et n’avons pas ces dernières années toujours fait les mêmes choix. Mais nous pensons toutes et tous, comme l’avait décidé le congrès de 2008, que la nouvelle époque dans laquelle nous sommes entré·e·s exige un travail de réinvention de nos analyses, de notre projet et de notre Parti. C’est pourquoi nous proposons avec cette « base commune » alternative une nouvelle conception du communisme, du processus révolutionnaire, de la stratégie et de notre organisation. Elle se donne des objectifs précis et ambitieux pour les années à venir, et nous pensons qu’une grande majorité de communistes peut s’y retrouver. Nous avons la ferme volonté de travailler dans ce sens avec toutes et tous les communistes, jusqu’au congrès et évidemment au-delà, à sortir notre Parti de l’ornière et à ouvrir un nouveau chemin pour notre combat.

Les communistes ne doivent pas baisser les bras. Ils doivent au contraire avoir confiance en elles et en eux. L’histoire est en train de prendre un nouveau cours. Derrière les allures jupitériennes de l’aventure Macron, le rejet des politiques libérales est profond. En France comme en Allemagne, en Italie et ailleurs, ni la droite ni la gauche « de gouvernement » ne peut plus gouverner à elle seule. Ce rejet ira en s’approfondissant, et nous avons la conviction que seules des ruptures avec les logiques capitalistes au profit de logiques communistes permettront de dénouer cette crise politique majeure. C’est à nous de porter haut et fort cette perspective. En nous donnant les moyens de jouer le rôle historique de faire renaître l’espoir dans la pratique et la théorie communistes, notre Parti peut avoir un plus grand avenir que jamais.

Réinventons-nous !

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Les outrances du populiste et grossier Jean-Luc Mélenchon

Jean-Luc Mélenchon est un personnage insupportable quand on est à Gauche. Ses dernières outrances, tout à fait réfléchies et mises en scène, reflètent son style grossier et populiste, faisant du coup de sang une expression politique en soi.


Que le mouvement La France Insoumise soit l’objet d’une manœuvre politique, c’est incontestable, tout comme cela l’était dans l’affaire visant François Fillon. N’importe quelle perquisition et n’importe quelle décision de Justice sont, par nature, politiques.

Quelle que soit la façon dont sont organisés les pouvoirs dans un pays, cela répond à un choix qui est fait par des individus, dans un cadre législatif donné mais aussi dans un contexte politique particulier, en fonction des rapports de force.

En l’occurrence, les perquisitions ont été autorisées par un procureur qui par définition est un représentant du pouvoir exécutif, subordonné au ministre de la Justice. Il n’est d’ailleurs pas habituel qu’un procureur autorise une perquisition chez un député en pleine enquête préliminaire alors qu’il n’y a pas l’ouverture d’une information judiciaire.

Surtout que sur le fond, nous ne sommes pas dans une affaire de corruption d’une ampleur phénoménale relevant d’une urgence absolue, mais dans un soupçon d’arrangements qui sont détestables mais tout à fait traditionnels pour la classe politique bourgeoise.

Est-ce à dire pour autant que « nous ne sommes plus dans un État démocratique normal », comme l’a fait le tribun Jean-Luc Mélechon avant de crier « résistance », poings vers le ciel ?

Bien sûr que non, on est ici en pleine légalité, dans le fonctionnement tout à fait normal de la République française. Elle n’est pas une entité neutre et abstraite mais une infrastructure servant des choix et des actions politiques, suivant les intérêts de ceux qui sont au pouvoir et des gens qu’ils représentent.

Seulement, pour dire et comprendre cela, il faut avoir un contenu. Il faut des principes, des références culturelles et idéologiques qui font que, de toutes manières, on est à la base dans le camp du peuple et de la classe ouvrière, qu’on a jamais prétendu à de quelconques illusions à propos de la « Justice » ou de la République.

Tel n’est pas le cas de Jean-Luc Mélenchon qui s’imagine au-dessus du reste de la population, exigeant un traitement de faveur par les institutions :

« Je ne suis pas un passant dans la rue, je suis le président d’un groupe parlementaire »

Il se présente comme un républicain « ultra », allant jusqu’à se prétendre « sacré » parce que député de cette même République. Cela est complètement artificiel mais peu importe car pour lui seule l’attitude compte. D’ailleurs, il a dit cela pendant qu’il se filmait en direct lors de la perquisition et s’est mis à hurler :

« Ne me touchez pas monsieur, vous n’avez pas le droit de me toucher. Personne ne me touche, ma personne est sacrée ! »

Sauf que, on voit bien sur la vidéo qu’il ne se fait violenter mais simplement bousculer légèrement par une personne passant dans un petit couloir, alors que lui s’agite dans tous les sens téléphone à la main en pleine perquisition. C’est-à-dire que le député de la France Insoumise cherchait à mettre en scène les choses, dramatisant le tout de manière ridicule.

L’épisode s’est poursuivi de manière encore plus grotesque devant le siège de son mouvement. Cela lui retombe naturellement sur le coin de la figure avec de nombreuses moqueries sur internet et le parquet de Paris a ouvert une enquête pour « menaces ou actes d’intimidation contre l’autorité judiciaire » et « violences sur personnes dépositaires de l’autorité publique ».

Le procureur général auprès de la cour d’appel de Paris, Catherine Champrenault, s’est même exprimé à la radio, ce qui n’est pas du tout une chose habituelle, pour enfoncer Jean-Luc Mélenchon. Elle a dénoncé « un coup de force » et s’est même justifiée en expliquant que s’il « était arrivé tout seul et calmement, il n’y aurait eu aucun problème pour qu’il accède aux locaux de son parti », ajoutant qu’il « a voulu rentrer en force ».

On a même un policier qui aurait porté plainte, tandis-qu’une syndicaliste (unité SGP Police FO) a expliqué à la télévision :

« J’ai de la colère car lors de cette perquisition, j’ai vu du mépris de classe face aux ouvriers de la police nationale […] Le contraire de ce à quoi nous a habitués monsieur Mélenchon. »

Cet épisode de la Police prouve d’ailleurs encore une fois l’inconsistance de Jean-Luc Mélenchon puisqu’il s’en est pris à des agents de Police avant de le regretter quelques heures après en disant qu’ils ne faisaient que leur travail… pour finalement critiquer le site Médiapart en disant qu’ils sont « pire que les flics » !

Ce genre de retournement renvoie au récent épisode marseillais où il avait traité Emmanuel Macron de xénophobe le matin (ce qui est absurde) avant de faire la causette avec lui et de ne pas assumer du tout ses propos le soir même.

Tout cela est l’expression d’un populisme des plus outranciers, capable de dire tout et son contraire selon l’opportunité, sans aucune analyse ni réflexion de fond. On a d’ailleurs exactement la même attitude vis-à-vis des médias, avec un épisode particulièrement hallucinant à propos de l’émission Quotidien. Il l’accuse d’avoir directement fourni des images à la police, alors que sur ces mêmes images en l’entend haranguer « laissez la presse faire son travail ! Filmez tout ! »

Le leader de la France Insoumise parle de liberté de la presse quand cela l’arrange mais insulte littéralement les journalistes et appelle à les « pourrir » quand ils ne vont pas dans son sens. Les propos qu’il a tenus à l’encontre de France Info sont à ce titre très rudes, relevant bien plus d’un style d’extrême-droite que d’une attitude de gauche :

« [Ils] ont l’air de ce qu’ils sont, c’est-à-dire d’abrutis, et tous les autres ont suivi sans réfléchir ».

On peut même penser que ce genre de propos dans la bouche de Marine Le Pen auraient fait le tour de l’Europe, tellement ce n’est pas une façon de faire et de dire !

Jean-Luc Mélenchon a largement surjoué la surprise et l’offuscation ces derniers jours, alors qu’il savait très bien les choses qui lui sont reprochées. Les mots du procureur de la République de Paris pour justifier l’ouverture d’une enquête préliminaire avaient été tout à fait explicites. Ils laissaient présager ce genre de suite :

«Les surfacturations dénoncées [par la Commission des comptes de campagne] tendent à faire sérieusement suspecter l’existence de manœuvres délibérées destinées à tromper l’organe de contrôle aux fins d’obtenir des remboursements sans cause.»

Jean-Luc Mélenchon se présente à longueur de journée comme un représentant du peuple contre ce qu’il appelle une « oligarchie », mais il se retrouve maintenant accusé d’avoir les mêmes pratiques que les gens qu’il prétend dénoncer.

C’est un retournement de situation terrible, et on peut aisément penser que cela va l’affaiblir durablement. Ce qu’on ne regrettera pas, bien entendu. Jean-Luc Mélenchon est un personnage très grossier, imbu de lui-même, qui n’a rien à voir ni de près ni de loin avec les valeurs et les principes de la Gauche qui sont défendues ici.

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Emmanuelle Wargon défendait cet été le lait infantile à l’huile de palme contre la nature

Dans une vidéo qui a beaucoup circulé, ont peut entendre la nouvelle secrétaire d’État à la transition écologique Emmanuelle Wargon défendre l’huile de palme cet été. Elle représentait alors les intérêts du groupe Danone dont le lait infantile est un produit phare, qu’il veut généraliser contre la pratique naturelle de l’allaitement.

Plus un produit alimentaire est transformé, plus il génère de plus-value et donc de bénéfices pour les industriels. Un groupe comme Danone vit précisément et particulièrement de cela.

Son rôle consiste à remplacer des produits simples par des produits transformés, très rentables. C’est pour cela que le groupe est implanté dans le secteur de l’eau, avec sa marque phare Evian. C’est pour cela aussi qu’il est très implanté dans le secteur du lait infantile. Emmanuelle Wargon a d’ailleurs été elle-même en charge de superviser la commercialisation du lait infantile en Afrique pour le groupe Danone.

On touche ici avec ces produits pour les nourrissons à quelque-chose de tout à fait dramatique et scandaleux d’un point de vue sanitaire. Ces produits sont présentés comme équivalents au lait maternel, ce qui n’est pas vrai, au moins pour la raison qu’ils ne contribuent pas efficacement au système immunitaire des nourrissons.

Une véritable politique de santé publique, libérée des intérêts privés, ferait largement la promotion de l’allaitement, voire interdirait les substituts avant un certain âge.

Même pour les femmes qui ont un empêchement sanitaire, il est tout à fait possible, et cela existe déjà en partie, de mettre en place une solidarité organisée cliniquement pour que d’autres femmes partagent leur excédent de lait maternel.

Seulement voilà, des grands groupes comme Danone existent et il en en va de leur propre existence de ne pas laisser des pratiques aussi simples et populaires. La nomination d’Emmanuelle Wargon auprès du Ministère de l’écologie est donc extrêmement significative de ce point de vue. C’est une expression de l’offensive gigantesque du capitalisme contre la Nature, ici par le biais de l’alimentation des nourrissons.

L’allaitement recule en France à mesure que des grands groupes comme Danone ou Lactalis accentuent leur emprise sur les nouveaux-nés. Les propos Emmanuelle Wargon défendant ouvertement l’huile de palme pour le lait infantile lors des rencontres économiques d’Aix-en-Provence en juillet 2018, vont pleinement dans ce sens :

« L’huile de palme, on en a besoin pour les laits infantiles. C’est l’un des produits essentiels pour les laits infantiles. Pourtant c’est un ingrédient qui fait l’objet de plus en plus de méfiance, à la fois pour des raisons environnementales, à cause des ravages que ça peu causer dans certaines parties du sud-est asiatique, et aussi pour une forme de défiance d’absence de naturalité. Et pourtant l’huile de palme est le meilleur ingrédient pour les laits infantiles et donc on en a besoin et on est tout à fait capable d’expliquer pourquoi. »

Au-delà du cynisme, puisqu’elle reconnaît ouvertement la destruction de la forêt tropicale indonésienne , on comprend qu’il y a ici un enjeu immense pour l’agro-industrie capitaliste. L’huile de palme est une matière première très intéressante commercialement pour de nombreuses entreprises qui n’envisagent aucunement de s’en passer.

Quand elle parle de « naturalité », il faut donc comprendre qu’elle attaque ici directement l’intérêt sanitaire des nourrissons, puisque le besoin naturel est celui du lait maternel, pas de substituts industriels.

Le mot « naturalité » est prononcé comme un euphémisme de manière prudente, mais il n’en est pas moins très violent quant à la négation de la réalité naturelle. Car si le lait de vache généralisé pour des bébés humains est bien sûr une absurdité en soi, personne ne peut croire qu’il faille absolument de l’huile de palme pour les nourrissons.

À moins justement de considérer que la nature est quelques choses de relatif et secondaire, et de critiquer la défense de la réalité naturelle comme relevant de la superstition, d’un point de vue qui serait arriéré ou réactionnaire de la part des classes populaires.

On voit ici d’ailleurs à quel point les discours postmodernes et ultralibéraux contre l’allaitement (qui serait un asservissement de la femme), pour la PMA, pour la GPA, etc., n’ont rien de Gauche, mais servent au contraire pleinement le capitalisme.

Il est significatif qu’il n’existe pas de statistiques précises au sujet de l’allaitement en France, alors que les observations montrent un recul de cette pratique depuis de nombreuses années, malgré les recommandations de l’Organisation mondiale pour la santé et toutes les connaissances à ce sujet.

C’est clairement la confiscation démocratique d’une question qui concerne pourtant l’essence de la vie, que les capitalistes veulent soumettre dès le premier jour.

Voici donc où l’on en est en France en 2018 sous la Présidence d’Emmanuelle Macron :

Emmanuelle Wargon a été nommée Secrétaire d’État auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire alors qu’elle assume ouvertement une critique de la nature ayant pour but de soumettre les nourrissons à une grande entreprise, ce partout dans le monde, et qu’elle défend l’huile de palme dont la production industrielle est l’une des choses la plus absurde et néfastes pour la planète.

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Nomination d’Emmanuelle Wargon de Danone : symbole de l’emprise de l’agro-industrie capitaliste sur l’alimentation des Français

La nouvelle secrétaire d’État auprès du ministre de l’écologie Emmanuelle Wargon a été pendant trois ans la directrice des affaires publiques de Danone, l’un des plus grands groupes mondiaux spécialisé dans les produits laitiers. Elle a représenté directement les intérêts de l’agro-industrie capitaliste contre les intérêts de la population.

Emmanuelle Wargon Danone

Les produits laitiers illustrent de manière effroyable l’emprise de l’agro-industrie capitaliste dans le quotidien alimentaire des Français. Inutiles à la base, néfastes à plusieurs égards , ils sont en fait partout, avec une image de produits sains voire indispensables pour la santé.

La communication de ce secteur est très intense. Il ne s’agit pas simplement de publicités commerciales, mais de toute une activité structurée et présentée comme scientifique, relayée par les autorités publiques. C’est ainsi que les cantines scolaires sont obligées de proposer chaque jour au moins un produit laitier aux enfants et aux adolescents, le plus souvent des yaourts, la spécialité de Danone.

Le secteur laitier de l’agro-industrie capitaliste impose ainsi littéralement ses produits, manipulant les opinions et façonnant les habitudes de manière profonde. Le rôle d’Emmanuelle Wargon chez Danone était justement de diriger cela, particulièrement en ce qui concerne les relations avec les pouvoirs publics.

Elle a par exemple géré le déploiement du Nutri-Score avec le ministère de la Santé. Ce référentiel censé évalué la valeur nutritionnelle d’un produit est typique des fausses mesures en faveur de la santé alimentaire. Sa destinée n’est autre que de maintenir la position dominante des grands groupes et leurs ventes de produits alimentaires hautement transformés. Il ne vise pas à informer la population mais à contrer les critiques de fond en classant les produits selon leur nocivité sur quelques critères restreints, ce qui contribue en définitive à promouvoir certains produits transformés un peu moins néfastes par rapports à d’autres qui sont pires.

Emmanuelle Wargon représente donc directement les intérêts capitalistes dans le domaine de l’alimentation. Sa nomination au Ministère de la transition écologique suscite alors de nombreuses critiques, tellement les manipulations dans ce secteur sont connues et reconnues. Mais elle assume cela, et s’imagine d’ailleurs très forte en ce domaine, comme c’est expliqué dans le Figaro :

«J’ai toujours eu un rôle de passeur entre les mondes. J’aime naviguer entre le privé et le public, faire comprendre aux uns qu’ils peuvent travailler avec les autres et débloquer les systèmes complexes».

Par « systèmes complexes », il faut bien sûr comprendre ici qu’il s’agit de toutes les manipulations et les mensonges de grands groupes comme Danone pour se maintenir et accroître leurs positions. La question des OGM est ici très brûlante, et ce n’est pas pour rien que l’extrait d’une vidéo montrant Emmanuelle Wargon les défendre ouvertement au nom de Danone lors des rencontres économiques d’Aix-en-Provence en juillet 2018, a largement circulé. Elle y dit :

« On a pas pris une position dogmatique sur les OGM parce que cette position dogmatique, ce serait un refus de l’innovation et un refus de la science. On a dit aux États-Unis l’agriculture issue des OGM est une agriculture extrêmement standardisée qui réduit très fortement la biodiversité et c’est la raison pour laquelle aux États-Unis on sortira des OGM, mais ça ne veut pas dire qu’on en sortira systématiquement. »

Ce discours mesuré, posé, est typique d’un grand groupe français qui se donne l’image d’une entreprise « durable », allant dans le sens de la santé et du bien commun. Le slogan sous le logo du groupe est ainsi « ONE PLANET. ONE HEALTH », qui signifie « une planète, une santé ».

Ce genre de communication dont Emmanuelle Wargon avait la charge depuis 2015 est largement utilisée par le groupe. Le directeur général Emmanuel Faber expliquait par exemple en 2016 aux étudiants de la Grande École de commerce HEC que « l’enjeu de la globalisation, c’est la justice sociale. Sans justice sociale, il n’y aura plus d’économie ».

Ces grands groupes utilisent de grands moyens pour vendre et répandre partout leurs produits tout en masquant leur propre nature, leur réalité sanitaire. Il existe depuis quelques années un mouvement dénonçant cela, mettant en avant la connaissance des ingrédients et des étiquetages, dénonçant les manquements.

Des livres comme ceux de Christophe Brusset (Vous êtes fous d’avaler ça !, 2015, Et maintenant on mange quoi ?, 2018 ), qui décrivent de l’intérieur les stratégies de l’industrie, ont ainsi une valeur démocratique très précieuse. Il en est de même d’applications comme Open Food Facts, du travail d’enquête régulier de l’association 60 millions de consommateurs ou encore du travail d’éducation diététique du CLCV, une autre association de consommateurs.

Toutefois, cela est bien peu de choses face à la puissance de frappe de l’ago-industrie capitaliste, des moyens de commutation qu’elle développe et surtout des moyens culturels qu’elle a développé depuis de nombreuses années, jusqu’à façonner directement les habitudes alimentaires des Français.

L’arrière-plan de cela est bien sûr la récente loi sur l’alimentation, dont le rôle est de maintenir et renforcer tout ce qui est en place dans ce domaine.

> Lire également : Une loi sur l’alimentation favorable à l’agro-industrie capitaliste

Quand on voit que le groupe Danone est capable de débaucher une personnalité comme Emmanuelle Wargon qui a eu un grand parcours dans la sphère publique, pour ensuite la voire introduite directement au Ministère s’occupant de l’écologie, il n’y a pas de quoi être rassuré.

Danone s’est servi directement dans le vivier des plus hauts cadres de l’État, puisqu’elle a fait l’ENA, est entrée au cabinet du ministère de la Santé en 2001, celui du haut-commissariat aux Solidarités actives en 2007, puis a été nommée secrétaire générale des ministères sociaux en 2010 avant de devenir déléguée générale à l’emploi et à la formation professionnelle en 2012.

Le système est ainsi verrouillé de toute part, avec des gens se promouvant les uns les autres et s’organisant pour maintenir l’existant, peu importe le coût que cela a pour la planète et la population.

Le combat démocratique que doit mener la Gauche dans le secteur de l’alimentation est donc tout autant une bataille culturelle qu’une bataille pour la production. Il faut changer les habitudes mais il faut aussi arracher le pouvoir aux grands groupes pour soumettre directement l’industrie aux intérêts de la collectivité.

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CGT – Force ouvrière : démission de Pascal Pavageau

Pascal Pavageau a été contraint à la démission du poste de dirigeant de la CGT – Force Ouvrière. Une énième péripétie d’un syndicat né dans la seule optique de s’opposer à la Gauche politique, par tous les moyens.

Pascal Pavageau

Hier, le secrétaire général de la CGT – Force ouvrière Pascal Pavageau a annoncé sa démission. Il a pris les devants alors qu’une réunion de 35 cadres dirigeants du syndicat allait prendre des mesures pour lancer un processus de remise en cause de son poste. C’était déjà l’aboutissement d’une démarche commencée lundi par 9 membres sur 13 du Bureau confédéral.

Pascal Pavageau avait établi une liste d’une centaine de cadres de la CGT – Force Ouvrière, une sorte de mémo résumant de manière abrupte ou pittoresque des caractéristiques devant aider à la manœuvre dans l’appareil. Un tel est franc-maçon, l’autre homosexuel, l’un est « mafieux », l’autre « acariâtre », l’un est anarchiste, l’autre PS, l’un est trotskiste, l’autre est « complètement dingue », l’un est « trop intelligent pour rentrer au bureau confédéral », l’autre est « trop direct et brut », etc.

Cette démarche n’a rien d’étonnant, elle existait depuis bien longtemps dans ce syndicat, tout comme elle existe en fait dans n’importe quel appareil dont la définition n’est pas politique. Lorsqu’on fait de la politique, on n’a pas besoin de personnaliser ou de manœuvrer au sein d’un appareil, ce qui compte ce sont les points de vue, la raison. Lorsqu’on en fait pas, tout est manœuvre et ce genre de listes un outil inévitable.

Or, les syndicats récusent toute politique depuis le congrès d’Amiens, au début du 20e siècle. Pour cette raison, les syndicats français ont toujours été des lieux de rapports de force masqués, de manœuvres en internes, de parasitage et de conflits larvés, avec des chefs d’autant plus puissants qu’ils n’ont aucun statut, etc.

La CGT – Force Ouvrière est même née à la fin des années 1940 sur la base de tout un courant antipolitique qui a refusé l’unité syndicale après 1936 et après 1945, au nom de l’anticommunisme. Historiquement, il y a ainsi depuis 50 ans la CGT lié au PCF, la CFTC liée à l’Église (elle deviendra la CFDT), et la CGT – Force Ouvrière représentant les socialistes anticommunistes, les franc-maçons et les anarchistes.

La CFTC-CFDT et la CGT – Force-Ouvrière ont ainsi toujours été des supports de la modernisation étatique des accords salariés-patrons, la CGT les rejoignant dans les années 1950, et surtout à partir de 1968.

C’est d’ailleurs un organe para-étatique, Le canard enchaîné, qui a révélé le document listant les cadres de la CGT – Force Ouvrière. Le canard enchaîné s’est ainsi arrogé le droit de torpiller un syndicat, ainsi qu’une rentrée syndicale dans un esprit d’opposition. Pascal Pavageau avait en effet été élu il y a sept mois à 96 % comme dirigeant sur la base d’un esprit de contestation très affirmée à Emmanuel Macron. Le rapport d’activité d’activité de son prédécesseur, Jean-Claude Mailly, n’a d’ailleurs alors été adopté qu’à 50,54%.

Pascal Pavageau a donc exprimé son amertume face à une « cabale », dans une longue lettre envoyée hier aux responsables syndicaux. Il constate qu’au lieu que cela soit réglé en interne, cette histoire de listes a pourri la direction depuis quelques temps déjà. Il hallucine de voir étalée sa privée, concernant son chat ou sa compagne (qui est en même temps sa directrice de cabinet) ou bien son fils, en décrochage scolaire et fragile, d’autant plus que lui-même est accusé pour avoir accueilli celui-ci dans son logement de fonction.

Sa lettre se termine de la manière suivante :

« A tous les adhérents, je m’excuse de lâcher, mais c’est trop dur. J’ai résisté tant que j’ai pu, mais c’est trop dur. Je sais que pour certains cela relèvera de la désertion voire de la trahison, tant de la classe ouvrière que de ceux avec lesquels j’ai tissé des liens indéfectibles et qui y croyaient tant. J’ai donné mes tripes parce que je suis viscéralement convaincu de ce que je défendais, des propositions que je portais.

Cette page de ma vie se ferme dans la douleur, mais je reste fier de rester un militant de base, fier de ce que nous avons réalisé en six mois pour ouvrir les portes et les fenêtres de notre grande et belle maison, pour avoir le courage d’assumer un positionnement syndical clair et novateur mais toujours au service des revendications, en cherchant à amener toujours plus de travailleurs, pas uniquement des salariés,à s’unir dans le collectif que nous formons.

J’ai résisté tant que j’ai pu, j’ai revendiqué chaque jour de ma vie, je n’ai pas su reconquérir.

Pascal Pavageau

Militant »

Pascal Pavageau développe ici le thème larmoyant du militant syndical sincère victime de manœuvres politiques, une rengaine systématique, dont certains ont fait leur fonds de commerce, comme les anarcho-syndicalistes et les syndicalistes-révolutionnaires (dont beaucoup ont formé la CNT).

Ce n’est pas cela qui aide la classe ouvrière. Pascal Pavageau aurait dû dire quels gens, quelles forces politiques agissent contre lui, dans quelles perspectives, dans quels buts, avec quelles valeurs. Mais il ne le fait pas dans sa lettre, restant dans l’esprit de la charte d’Amiens, de l’anti-politique qui est par l’excellence la ligne syndicale, valable pour tous. La CGT tout récemment ne s’alliait-elle pas encore récemment avec les franges anarchistes, pour chercher à pousser le mouvement des cheminots ?

Le problème historique est la non-soumission des syndicats à la Gauche politique, un problème qui a plus de cent ans, qui fait des syndicats des minorités agitées prétendant déterminer le sort de la classe ouvrière. La crise à la CGT – Force Ouvrière en est une illustration de plus.

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Emmanuel Maurel et le mouvement ouvrier

Emmanuel Maurel a quitté le Parti Socialiste pour fonder un nouveau parti. Fustigeant les erreurs de son camp, il fait souvent référence au mouvement ouvrier et aux classes populaires pour s’en revendiquer. Qu’en est-il vraiment ?

Emmanuel Maurel

Le mois dernier dans un entretien vidéo au Figaro, Emmanuel Maurel expliquait :

« je suis sur une position traditionnelle du mouvement ouvrier sur l’immigration »

Ces mots sont très importants car presque plus personne à Gauche ne se revendique du mouvement ouvrier. De la même manière, lors de la campagne pour la direction du Parti Socialiste, il avait expliqué que sa ligne était d’unifier la gauche et de :

« reconquérir le cœur des ouvriers, le cœur de la France qui se lève tôt et que l’on n’entend pas »

On peut bien-sûr penser que ce ne sont que des mots, et que de toutes manières il est bien étrange de parler de la classe ouvrière quand on a été au Parti Socialiste si longtemps, tellement ce parti est devenu celui de la bourgeoisie moderniste et libérale des centre-villes des grandes métropoles.

Mais cela n’est pas suffisant. Rien que dans le nord de la France, et particulièrement dans le département du Nord, il existe une filiation très forte entre cette organisation et ce qui reste du mouvement ouvrier.

Emmanuel Maurel est une figure intellectuelle de gauche typique. C’est quelqu’un de très cultivé, aimant la politique et le débat d’idée, qui veut être proche du peuple et répondre à ses aspirations. Seulement, il n’est pas quelqu’un reconnaissant le marxisme et pensant que la classe ouvrière puisse elle-même s’organiser pour conquérir le pouvoir.

S’il a été au Parti Socialiste, c’est parce qu’il ne considère pas les choses en termes de classes sociales et d’idéologies qui leur sont afférentes, mais en termes de politique simplement. La question serait celle des bons ou des mauvais choix politiques.

C’est pourquoi il a été capable la semaine dernière de quitter son parti en plein débat et échéance électorale interne, alors que cette façon de faire est insupportable si l’on considère au contraire que les principes sont ce qui doit primer.

> Lire également : Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann torpillent le Parti Socialiste

Son « mentor », dont il a écrit une biographie, est Jean Poperen. Ancien membre du Parti Communiste, exclu en 1959 après avoir eu d’importantes responsabilités internationales, ce dernier est devenu un figure socialiste en France, particulièrement en ce qui concerne la question de l’unité de la Gauche.

Tant que le Parti Socialiste était la force la plus importante à Gauche, il était logique pour Emmanuel Maurel d’en faire partie. Il considère par contre que le Parti Socialiste a échoué sur le plan politique avec François Hollande, alors qu’il était majoritaire quasiment partout en 2012.

Il quitte donc le Parti Socialiste en voulant le refonder sur de nouvelles bases. La présidence d’Emmanuel Macron incarne pour lui l’aboutissement des erreurs récentes de son camp :

« nous lui avons fait la courte échelle […] C’est notre créature et aujourd’hui, on s’en mord les doigts. »

Quand Emmanuel Maurel explique qu’il s’était « engagé pour défendre les intérêts des gens modestes, mais aussi des stratégies de rassemblement des forces populaires », alors qu’aujourd’hui « le PS ne correspond plus à l’idée [qu’il se] fait du socialisme », ce n’est pas une critique idéologique. Simplement le regret d’une mauvaise orientation politique.

De ce point de vue, on ne peut pas considérer qu’il fasse partie du mouvement ouvrier. Sa critique n’est pas celle du mode de production, mais des « capitalistes qui se défient des règles ».

Il est par contre un homme politique de gauche ayant compris l’importance de la question ouvrière et ne cédant pas aux positions postmodernes et postindustrielles. C’est pour cela qu’il considère que « la question économique et sociale reste centrale » par rapport aux questions identitaires et républicaines.

C’est pour cela également qu’il défend une ligne intermédiaire par rapport à l’Union Européenne, n’appelant pas à en sortir mais par contre à « désobéir » aux directives qu’il rejette (sur l’austérité budgétaire, les travailleurs détachés, etc.)

C’est là encore un choix très étrange, très « politique », ne correspondant pas aux choix nets et tranchés, idéologiques, qui sont traditionnellement ceux du mouvement ouvrier.

Emmanuel Maurel ne fait pas parti du mouvement ouvrier car le « fil rouge » du parti qu’il souhaite créer sera « la république sociale, une maison de la Gauche républicaine », et que cette approche « républicaine » n’est pas celle de la classe ouvrière.

Son crédo n’est pas celui de la lutte de classe mais la bataille électorale. Il a déjà souvent à la bouche le mot « 2022 » et tout le monde aura compris qu’il se construit sur mesure un tremplin pour les élections présidentielles de 2022, misant tout autant sur l’éparpillement des forces de la Gauche que sur les dynamiques politiques existantes ici et là.

S’il peut être une figure sympathique et ayant une démarche positive sur un certain nombre de sujets, ses alliances avec le Mouvement Républicain et Citoyen à la ligne sociale-gaulliste, ou bien à la France Insoumise et le populisme social-chauvin de Jean-Luc Mélenchon, ne s’inscrivent pas dans la tradition et l’intérêt du mouvement ouvrier.

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Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann torpillent le Parti Socialiste

Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann, dirigeants de l’aile gauche du Parti Socialiste, annoncent leur départ et affirment avoir plusieurs centaines de membres, d’élus et de cadres prêts à les suivre. Il agissent de manière non-démocratique, en torpillant leur propre organisation de l’intérieur pour des raisons électorales.

Ce week-end, le Parti Socialiste tenait son conseil national consacré à la question des élections européennes. Alors qu’il présentait lui-même un texte, le député européen Emmanuel Maurel a annoncé sa démission la veille du vote. Le lendemain, la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann a fait de même.

Ils présenteront la semaine prochaine une nouvelle organisation avec la liste de ceux qui les suivent, et s’allieront à la France Insoumise.

En agissant ainsi, de manière non démocratique puisqu’il y a une participation à un vote qui est littéralement saccagé, l’objectif d’Emmanuel Maurel et de Marie-Noëlle Lienemann était bien entendu d’affaiblir jusqu’au bout le Parti Socialiste, qui comptait annoncer ce week-end son positionnement aux Européennes, alors que par ailleurs Ségolène Royal a été sondée pour prendre la tête de la liste.

Au-delà du fait qu’on apprécie ou non le Parti Socialiste, la ligne du Parti Socialiste, la démarche d’Emmanuel Maurel et de Marie-Noëlle Lienemann est discutable. On ne quitte pas une organisation alors qu’on participe à un vote : si l’on considère que ce n’est pas acceptable, on sort avant, mais on ne s’engage pas pour se dédire juste avant, pendant ou après.

L’autre problème touche le sens de la démarche elle-même. Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann ne cachent nullement qu’ils comptent fonder un nouveau parti qui utiliserait le terme de socialiste, afin de s’allier directement à La France Insoumise pour les Européennes, ainsi qu’avec le Mouvement républicain et citoyen.

Cela signifie que ce départ prend comme axe les élections et non pas les valeurs. Au lieu d’un débat sur le fond – que Benoît Hamon a essayé de mener avec Génération-s, même si c’est sans succès – on a une question électorale qui se profile.

C’est là revenir au défaut historique des socialistes français. Marie-Noëlle Lienemann dit qu’il faut en revenir au « socialisme de Jaurès » : c’est bien vu, Jean Jaurès n’a jamais raisonné qu’en termes électoraux, comme d’ailleurs tout le Parti Socialiste SFIO du début du XXe siècle. Le socialistes ont toujours appartenu à des petits appareils très minoritaires, uniquement actifs lors des élections. Faut-il vraiment en revenir là ou affirmer la nécessité du contenu ?

Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann contournent le problème au nom de l’actualité. Tous deux considèrent que le Parti Socialiste, pour prendre l’exemple assez sordide de Marie-Noëlle Lienemann pour se justifier, est un « canard sans tête », et que de toutes façons La France Insoumise est incontournable. Il n’y aurait donc pas le choix.

Et il y aurait même la possibilité d’un « Front populaire », l’expression étant régulièrement reprise par eux pour s’expliquer.

Rappelons pourtant que le Front populaire est né de la combativité ouvrière en 1934 pour contrer le fascisme. C’était une initiative d’urgence, mettant en perspective une menace terrible et sanglante, qui avait triomphé en Italie avec Mussolini en 1922 et en Allemagne avec Hitler en 1933. Et il y avait aussi l’idée de faire avancer la cause du socialisme, qu’assumaient alors tant le Parti Communiste que la SFIO. Or, il n’y a aujourd’hui ni menace directe de coup d’État fasciste en France, ni des organisations significatives voulant le socialisme. Ni le PCF, ni La France Insoumise, ni la gauche du Parti Socialiste qui vient de sortir ne veulent le socialisme.

Emmanuel Maurel a raison quand, dans une interview au Monde où il explique son départ, il résume le dénominateur commun de la gauche électorale actuelle de la manière suivante :

« Notre fil rouge, c’est la République sociale. Promouvoir la laïcité, défendre les services publics, l’égalité des territoires, un modèle social de qualité, faire vivre la souveraineté populaire… Privilégier le commun sur le particulier. On doit faire la synthèse avec les luttes nouvelles, à commencer par l’écologie. »

Mais peut-il exister trois forces à gauche proposant cette même vision édulcorée du keynésianisme de François Mitterrand ?

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Congrès du PCF : le texte de base commune de l’opposition remplace celui de la direction

Les adhérents du PCF avaient jusqu’à hier pour choisir un texte servant de base commune en vue du congrès extraordinaire le moi prochain. En optant pour le texte alternatif « Pour un manifeste du Parti communiste du XXIe siècle » mené par André Chassaigne, ils ont sanctionné la direction de Pierre Laurent et les orientations prises ces dernières années.

André Chassaigne

Le résultat du vote a mis en avant un texte d’opposition qui va dans le sens de la sauvegarde à tout prix du « parti ». Le contexte est celui de la bataille du PCF pour sa survie dans le cadre de la recomposition de la Gauche, et beaucoup considèrent qu’il y a péril en la demeure.

Dans le fond, ce qui y est dit par l’opposition n’est pas très différent de la base commune qui était proposée par la direction. Les divergences concernent surtout des choix stratégiques et politiques.

Le texte de la direction avait déjà été adopté avec difficulté au Conseil National par 49 sur 91 votants et 168 membres, montrant de nombreuses tensions internes. Cette fois, il a été rejeté largement par la base des militants avec seulement 11 461 votes (38%) contre 12 719 voix (42%) pour le principal texte d’opposition.

La proposition alternative « Pour un printemps du communisme », qui représente une minorité favorable à La France Insoumise, a réuni pour sa part 3 607 votes (12%) et celle de la minorité « orthodoxe » intitulé « PCF : Reconstruire le parti de classe », a réunit 2 385 voix (8%).

> Lire également : « Communisme » : le congrès extraordinaire du PCF de novembre 2018

Ce que reproche la base à la direction, c’est surtout d’avoir affaibli le PCF et de risquer sa déliquescence. Le choix de l’alliance avec Jean-Luc Mélenchon dans le cadre du Front Gauche a en effet surtout servi de tremplin à des ambitions personnelles.

L’absence d’un candidat « communiste » au profit de Jean-Luc Mélenchon lors des dernières élections Présidentielles a ensuite été vécue comme un échec terrible par un certain nombre de militants. Le très faible score aux dernières élections législatives (2,72%) n’est ainsi pas tant compris comme un échec sur le plan idéologique mais le résultat de mauvais choix incarnés par Pierre Laurent.

Celui-ci pourrait d’ailleurs démissionner avant même le congrès qui aura lieu fin novembre. Plusieurs fédérations très fortes ont en effet largement voté contre la direction, notamment dans le Pas-de-Calais, qui est la plus importante :

– Le Val de Marne (2343 inscrits) avec 446 votes pour la base commune et 770 pour le « manifeste du XXIe siècle »
– Le Nord (2679 inscrits) avec 307 votes pour la base commune et 1020 pour le « manifeste du XXIe siècle »
– Le Pas-de-Calais (2876 inscrits) avec 51 votes pour la base commune et 1414 pour le « manifeste du XXIe siècle ».

Il faut remarquer par contre que la direction a été très soutenue dans deux fédérations importantes :

– La Seine-Saint-Denis (2096 inscrits) avec 826 votes pour la base commune et 221 pour le « manifeste du XXIe siècle »

– Les Bouches-du-Rhône (2470 inscrits) avec 855 votes pour la base commune et 534 pour le « manifeste du XXIe siècle

Si cette mise en minorité de la direction représente quelque-chose d’important, il serait erroné de considérer pour autant que cela est un immense coup de tonnerre au sein du PCF. Il s’agit surtout d’une expression de la base réclamant des garanties quant à la sauvegarde de la structure et des traditions qu’elle représente, ou qu’elle s’imagine qu’elle représente.

Le texte vainqueur est surtout celui qui est le plus conforme à ce que représente culturellement et traditionnellement le PCF depuis la fin du XXe siècle.

Pour autant, les deux « tendances » ne devraient justement pas former de tendances, mais s’unir pour proposer une nouvelle base commune de discussion en vue du congrès. L’idée étant de maintenir coûte que coûte l’unité, comme l’a expliqué le président de la Fédération Loire-Atlantique Aymeric Seassau :

« Il va falloir rapprocher les deux textes arrivés en tête […]. Il y a des ponts et des intentions comparables… Chacun a conscience que le PCF est un outil précieux et je pense que tout le monde aura à cœur de préserver le parti.»

La question qui se pose par contre est celle de la tête de liste de Ian Brossat pour les prochaines élections européennes. La position qu’il représente à propos de l’Union Européenne, qu’il défend de manière sociale-libérale, est ouvertement critiquée dans le texte « Pour un manifeste du Parti communiste du XXIe siècle ».

> Lire également : Ian Brossat du PCF et la défense de l’Union européenne

On peut en effet y lire de manière assez tranchée :

« Il faut en finir avec la construction européenne actuelle conçue au service de la domination du capital, avec en son cœur la BCE soutenant les marchés financiers, les multinationales et les grands capitaux monopolistes. Loin de la promesse d’une Europe de coopération et d’unité des peuples, on lui doit un chômage colossal, la désindustrialisation, l’agriculture familiale sacrifiée, la mise en cause des services publics et l’austérité généralisée, l’autoritarisme, le martyre du peuple grec, une fragmentation entre le nord et le sud, des fractures internes à chaque pays. »

Le texte reproche à la direction de ne pas avoir mené de véritable débat sur le sujet :

« Un choix a prévalu depuis plusieurs congrès : transformer radicalement l’Union européenne et ses traités ; agir pour une refondation de la construction européenne avec des propositions alternatives. Il s’est agi de se situer sur le terrain européen et de se saisir de l’aspiration à une construction européenne, tout en considérant que le terrain national est fondamental et que ce sont bien les exigences du capital qui modèlent la construction européenne.
Des camarades pensent qu’on ne peut pas la transformer et qu’il faut affirmer le droit pour chaque nation de désobéir aux traités jusqu’à sortir de l’Union européenne si nécessaire pour respecter la souveraineté populaire. Ils et elles considèrent qu’il faut rendre caduques les institutions européennes, afin de construire un autre modèle de coopération en Europe et dans le monde, libéré des outils institutionnels que se sont donnés les fondateurs de l’Union européenne faite par et pour le capital. La nation reste pour ces camarades le terrain privilégié de la lutte des classes.
De fait, la position du PCF a profondément évolué durant les années 90 et depuis. Mais ces choix ont été faits sans un débat suffisamment large, et la bataille tenace qu’ils appelaient n’a pas été véritablement menée.
Cela souligne l’insuffisance grave du travail collectif qui aurait dû être initié par les directions nationales successives en même temps que leur incapacité à prendre des initiatives d’action sur ces enjeux.
Pourtant, l’actualité en fait chaque jour la démonstration, la responsabilité des pays européens est devenue considérable pour une véritable coopération mondiale de co-développement avec les pays pauvres, les émergents et pour la paix.
Nous refusons de céder aux sirènes du fédéralisme. Nous combattons la fuite en avant dans l’intégration renforcée sous la houlette du duo Merkel-Macron. Nous refusons une Europe forteresse. Une autre construction européenne est nécessaire, face à l’agressivité de l’impérial-libéralisme des États-Unis, pour relever des défis colossaux : le chômage, la concurrence exacerbée, la dictature du dollar et de la finance mondiale, le réchauffement climatique, le recul de la biodiversité, les migrations de survie massives, les fractures sociales et territoriales, la paix… C’est indispensable pour contrecarrer les pertes de souveraineté effectives engendrées par la mondialisation capitaliste, promouvoir les nations de façon ouverte dans l’égalité et le respect de leur diversité. »

Cependant, il ne faut pas s’imaginer que le PCF va se déchirer sur cette question. Cela fait plusieurs années déjà que le PCF accompagne la Gauche postmoderne et postindustrielle sur un certains nombres de thématiques sociétales. L’apparition de Ian Brossat n’est que l’aboutissement de ce processus. De nombreux points de vues libéraux sont assumés, comme par exemple sur la question de l’immigration, avec ces derniers jours un soutien total à l’association « SOS Méditerranée » et son navire « l’Aquarius ».

> Lire également : La fausse gauche et les migrants de l’Aquarius

Pendant que les militants finissaient de voter pour un texte de base commune hier, les deux figures que sont Ian Brossat (représentant la direction) et Andrée Chassaigne (représentant l’opposition) se présentaient ensemble au Sommet annuel de l’élevage à Clermont Ferrand. Cela symbolise une volonté d’unité et de relativiser le résultat du vote.

Le PCF réussira-t-il malgré ces tensions à se maintenir comme force importante de la Gauche, avec ses 50 000 adhérents ? Ou bien va-t-il devenir de plus en plus une relique du passé, se maintenant contre contre vents et marrées avec une présence seulement anecdotique à Gauche, malgré ses 50 000 adhérents ?

> La base commune de la direction : « Le communisme est la question du XXIe siècle »

> La nouvelle base commune : « Pour un manifeste du parti communiste du XXIème siècle »

> Le texte de l’opposition « orthodoxe » : « PCF : reconstruire le parti de classe. Priorité au rassemblement dans les luttes »

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Politique

« Pour un manifeste du parti communiste du XXIème siècle »

Ce texte a été proposé par des adhérents du PCF comme base commune alternative en vue du congrès extraordinaire 23 au 26 novembre 2018. Il a remporté la majorité des suffrages lors du vote des adhérents terminé le 6 octobre 2018 et remplace la base commune proposée par la direction du parti.

> Lire également : Congrès du PCF : le texte de base commune de l’opposition remplace celui de la direction

« Pour un manifeste du parti communiste du XXIème siècle » est tout à fait conforme à ce que représente culturellement et traditionnellement le PCF depuis la deuxième moitié du XXe siècle.

Il n’exprime pas le point de vue d’un courant à proprement parlé mais plutôt une réunion de différentes sensibilités pour faire opposition à la direction, de manière non radicale.

Le texte parle de « révolution » à de nombreuses reprises mais n’avance qu’un contenu social-démocrate non révolutionnaire. Le vocabulaire traditionnel communiste est utilisé avec les termes classe ouvrière, travailleurs, marxisme, capitalisme, crise systémique, capital, suraccumulation des capitaux, contradictions, etc.

L’écologie est comprise formellement mais pas en pratique, il y a une simplement bienveillance sur la question mais avec aucun contenu.

PCF congrès 2018

 

« Pour un manifeste du parti communiste du XXIème siècle (complet)

version déposée le 6 Juillet 2018

Le texte issu du Conseil National n’a été voté que par 49 de ses membres sur 91 votants et 168 membres. L’unité des communistes exige un texte beaucoup plus audacieux, cohérent et clair, pour un congrès vraiment extraordinaire. C’est pourquoi, dans notre diversité et pour sortir le PCF de l’effacement et de l’immobilisme, nous proposons une autre base commune de discussion. Pour rassembler elle propose des réponses pour fonder un véritable débat sur les questions de fond (bilan, orientation nouvelle, changement de direction) très mal traitées dans le texte proposé par la direction.

Après le vote des 4 au 6 octobre, ce texte de base commune, s’il est adopté, sera amendé jusqu’au congrès.

Notre 38ème congrès est vital.

Au mois de juin 2017, les communistes décidaient, à l’issue de la séquence électorale des présidentielles et des législatives, de convoquer un congrès extraordinaire. Notre affaiblissement électoral et notre perte de visibilité nationale étaient et sont toujours au cœur des préoccupations des communistes qui veulent reconquérir l’influence de notre parti et reconstruire une organisation révolutionnaire de notre temps.

C’est au Parti communiste, français et internationaliste, d’assumer cette ambition face à la force du capital qui se pare des atours de la modernité, face à la profondeur de sa crise systémique, mais aussi face à l’attraction des idées réformistes de conciliation, comme de celles nationalistes et xénophobes désignant des boucs émissaires.

C’est d’autant plus nécessaire que Macron et son gouvernement mettent à profit la confusion politique et l’absence d’alternative progressiste crédible pour conduire à marche forcée la destruction du modèle social français. Ils cherchent à faire de la France, à côté de l’Allemagne, le second pilier d’une Europe au service du capital, des marchés financiers et de l’ordre mondial dont ils ont besoin.

Macron prétend que ses options sont les seules à même d’arracher la France et l’Europe à la crise très profonde d’un système capitaliste qu’il entend sauver. En réalité cette politique va accentuer les vulnérabilités de la France et les fractures sociales dans un monde en crise alors que se prépare une nouvelle aggravation des difficultés mondiales, plus brutale que la crise de 2007-2008 dont les forces du capital n’ont voulu retenir aucune leçon.

Après une période d’observation, des luttes importantes se développent. Elles concernent les bases même du modèle social français, dont elles cherchent un nouveau développement : services et entreprises publiques, exigences d’égalité, notamment entre femmes et hommes, refus du déclassement et des discriminations, égalité des territoires et enjeux écologiques, la protection sociale et son mode de financement à partir des richesse produites, l’emploi, sa sécurité et sa promotion, l’augmentation des salaires, toutes les batailles sur l’éducation et la formation, les droits et pouvoirs des salariés sur les lieux de travail.

Il n’y a jamais eu autant besoin de révolution, d’idées et de luttes révolutionnaires ; d’un parti et d’un projet communistes pour permettre au mouvement populaire de s’élargir et de se renforcer jusqu’à contraindre le gouvernement à des reculs, imposer de nouvelles conquêtes, ouvrir une issue politique. Leur absence dans le champ politique laisse la voie libre à toutes les récupérations nationalistes, populistes, xénophobes, racistes ou antisémites.

Quel défi pour le Parti communiste français !

Mais après son effacement en 2017 et son résultat désastreux aux législatives, son pronostic vital est engagé.

Tout cela constitue un électrochoc. C’est pour cela que les communistes ont voulu un congrès extraordinaire pour une réorientation stratégique, une mobilisation nouvelle dans l’action et le développement d’une ambition communiste.

Un bilan stratégique et organisationnel est nécessaire pour permettre un débat sans tabou et des décisions audacieuses.

Nous considérons que la proposition de base commune votée le 3 juin (par 49 voix sur 91 votants et 168 membres du CN) ne répond pas aux exigences du débat, pas plus qu’elle ne permet d’analyser précisément la situation du monde et celle de notre parti. Se refusant à formuler clairement les termes du débat, elle ne permet ni la discussion sur la réorientation et les changements que les communistes sont si nombreuses et nombreux à penser nécessaires, ni la prise d’initiatives par celles et ceux qui aspirent à changer l’ordre existant.

Ce n’est pas d’un collage d’options et de synthèses habiles que notre parti a besoin pour construire une unité réelle et agissante des communistes.

Nous proposons une base commune qui permette de répondre à cette question essentielle :

faut-il continuer dans l’effacement, dans une pratique du coup par coup, dans une stratégie illisible, et dans le manque d’ambition et d’incarnation ? Ou construisons-nous collectivement la voie d’un renouvellement politique profond de notre organisation, à même de renforcer notre influence et notre place au sein d’un rassemblement efficace pour notre peuple ?

Pour le débat le plus conséquent des communistes et des choix clairs, cette proposition de base commune entend apporter des éléments de réponse précis aux questions centrales suivantes, en les conjuguant à l’ambition d’un nouvel internationalisme :

  • nos difficultés actuelles résultent-elles d’une mauvaise mise en œuvre des choix faits depuis une vingtaine d’années, ou bien ces choix mêmes sont-ils à remettre en question ?
  • quel bilan faisons-nous, aux plans stratégique, organisationnel et électoral ? Quel bilan de l’activité de la direction nationale ?
  • quelle place du marxisme vivant pour armer le combat et pour la confrontation d’idées à tous les niveaux ?
  • une réorientation stratégique est-elle nécessaire ou suffit-il de chercher à mieux tenir le même cap sous l’appellation « nouveau front social et politique » ?
  • faut-il se résigner, aux élections européennes, à un nouvel effacement du parti et de ses idées au nom du rassemblement derrière une possible tête de liste issue d’une autre formation politique ? Ne s’agit-il pas plutôt de construire une liste de large rassemblement initiée et conduite par le PCF ?
  • comment définir l’objectif du communisme, les voies et moyens de l’atteindre ? Quelle dialectique nécessaire entre nos propositions, les luttes immédiates, les étapes indispensables et la visée communiste qui se construit dans ce mouvement tout en l’éclairant ?
  • un changement profond de la direction nationale est-il nécessaire ? Quel engagement des dirigeantes et des dirigeants pour un effort de réorientation des idées, de la pratique et de l’action ?
    L’heure est critique pour notre force politique, et par conséquent, pour sa capacité à servir efficacement dans l’avenir les intérêts populaires et de classe.

Nous ne nous résignons pas à l’idée que le congrès extraordinaire puisse sombrer dans les habitudes, les redites et le refus des remises en cause.

Nous voulons sortir le PCF de la spirale de l’effacement et de l’affaiblissement.

Nous partageons cette conviction qu’il ne peut y avoir de transformation révolutionnaire sans un Parti communiste fort et influent, porteur de cette ambition.

Nous partageons la nécessité d’un renouvellement de notre organisation et d’une relance ambitieuse de notre travail politique, étroitement liés à la mise en dynamique nationale de nos militants.

Ce sont ces enjeux prioritaires qui nous réunissent et nous rassemblent.

C’est pourquoi, dans la diversité de nos analyses et réflexions, nous proposons ce texte comme base commune pour la discussion du 38ème congrès du Parti communiste.

Nous le mettons dès aujourd’hui à la disposition de toutes et tous les communistes pour permettre le développement d’actions transformatrices ambitieuses de notre parti au lieu de la paralysie liée à la recherche de faux équilibres.

Nous souhaitons que le plus grand nombre de militantes et de militants s’en saisisse, dans une recherche de convergence et d’unité indispensables à la réussite d’un congrès extraordinaire, redonnant demain à notre parti sa pleine capacité d’action à travers une perspective politique et stratégique claire.

Nous la formulons en six chapitres :

  • Un bilan critique
  • Nos responsabilités face à la nouvelle phase de la crise du capitalisme et de la société
  • Le communisme de notre temps : idéal éthique, visée historique, chemin de lutte
  • Un nouvel internationalisme pour relever le défi de la mondialisation capitaliste
  • Pour une nouvelle stratégie de rassemblement et d’unité populaires
  • Pour un Parti communiste utile, agissant, audacieux et novateur, internationaliste et révolutionnaire.

I.Un bilan critique

Un bilan critique est nécessaire pour évaluer les causes de la situation actuelle du parti et pour redéfinir notre démarche stratégique.

Les échecs successifs sont dans toutes les mémoires :

- 2002 : notre effacement politique dans la « gauche plurielle » au lieu d’une action autonome sur les idées et dans les luttes conduit à l’échec à l’élection présidentielle ;
- 2007 : notre immersion dans les « comités anti-libéraux », alors que nous aurions dû prendre l’étendard du rassemblement avec nos propositions de fond dès le lendemain du référendum de 2005, débouche sur un nouvel effondrement de notre résultat à la présidentielle.
- 2007-2008 : les communistes refusent majoritairement, lors de l’assemblée extraordinaire des délégué·e·s de section, une dilution du parti au sein d’une « nouvelle force politique ». La crise de 2007-2008 ouvre un champ nouveau à l’apport d’idées et à l’action des communistes. Le 34ème congrès confirme alors la volonté majoritaire de continuer le PCF et de développer ses idées. Mais la direction privilégie peu à peu, au détriment de la promotion de nos idées pour l’action et pour une remontée de l’influence du parti, une conception du Front de gauche comme processus d’alliance électorale et de rapprochement avec Jean-Luc Mélenchon. Celui-ci a certes quitté le PS mais en affichant son attachement à François Mitterrand. Il ne cache pas son objectif : fusionner au sein d’une nouvelle formation sociale-démocrate les composantes du Front de gauche, dans la confusion entre réformistes et révolutionnaires.
- 2012 : le Front de gauche, niant notre idée de « fronts de luttes », tend à se transformer en machine électorale d’un candidat, promu par le sommet du parti afin de « ne pas recommencer 2007 » ; il a pourtant ouvert un espoir de changement et poussé le PS à bouger jusqu’au fameux « mon ennemi c’est la finance  ». Mais il n’a pas su offrir une alternative radicale et crédible à toute la gauche, son candidat portant de moins en moins ce qui dans L’humain d’abord était l’apport original des communistes.
- 2012-2017 : le Parti communiste délègue la prise d’initiatives populaires à Jean-Luc Mélenchon. Hormis l’amorce d’une campagne sur le coût du capital vite abandonnée, notre parti s’efface, malgré les efforts de ses militants sur le terrain : il laisse une place démesurée au PG sur ses listes aux élections successives (européennes, municipales, régionales) et limite son rôle à être un facilitateur de rencontres de sommet, sans bataille sur les contenus.
- 2017 : la décision du 37ème congrès d’engager une candidate ou un candidat communiste dans la perspective de la présidentielle n’est pas respectée. Le champ est ouvert à Mélenchon. Malgré la forte demande d’autonomie des communistes exprimée très majoritairement en conférence nationale, le PCF s’aligne derrière un candidat au discours de plus en plus populiste et agressif, voire nationaliste, qui préconise des solutions économiques social-démocrates. Et tout cela au prix d’un gâchis inouï de moyens financiers et militants !

Dans ces conditions, après des reculs importants aux élections municipales et régionales, marquées par la perte de nombreuses élues et de nombreux élus communistes, notre résultat aux législatives (2,72 % des exprimés) est le plus mauvais de notre histoire.

En effet, la France Insoumise bénéficiant de l’identification nationale de son candidat à la présidentielle, la concurrence s’est révélée mortifère pour nos candidats dans la très grande majorité des circonscriptions. Nous obtenons cependant 11 députés dont 5 élus dans le cadre des très rares accords de retrait de la FI au premier tour.

Ces résultats ne traduisent pas l’audience réelle du PCF dans le pays, ni les potentialités de reconquête de son influence. Mais ils sont un nouveau facteur d’affaiblissement, de perte de visibilité nationale.

Cet affaiblissement n’est pas une fatalité. Il a pour cause principale des choix politiques initiés par nos principaux dirigeants et obstinément poursuivis malgré les alertes et les échecs.

Ces erreurs ont un lien avec le doute qui s’est installé sur le communisme après la disparition de l’URSS, semblant consacrer un triomphe définitif du capitalisme. Les enseignements de cette tentative de révolution, qui a ébranlé le monde mais a finalement été défaite, continuent de susciter des débats importants dans le mouvement communiste. Ce qui est certain, c’est que la disparition de l’URSS nous plaçait, dans les années 90, au défi d’une analyse approfondie et du choix d’une novation communiste. Au lieu de cela, les directions successives du PCF ont été gagnées par le renoncement, jusqu’à des choix qui ont déstabilisé et déstructuré notre parti, comme l’abandon de la bataille à l’entreprise, et qui ont brouillé le repérage de classe du parti dans la société.

II. Relever les défis de la crise

2.1 Rassembler pour une issue à la crise du capitalisme financiarisé et mondialisé

Alors qu’une nouvelle catastrophe s’annonce, la crise du capitalisme nous place au défi de rassembler pour ouvrir une issue.

En 2007-2008, c’est une suraccumulation de capitaux matériels et financiers qui est venue à éclater dans l’ensemble des pays capitalistes développés. Après le krach de 2000-2001, en effet, les États et les institutions internationales avaient été mobilisés pour sauver le capital et accroître la rentabilité financière : l’argent des profits, des fonds publics et du crédit a servi à alimenter la flambée des cours et des investissements ; les nouvelles technologies, génératrices d’économies massives de travail humain, ont été monopolisées par les multinationales. La suraccumulation des capitaux a alors été relancée, et a débouché sur la crise financière de 2007-2008. Résultats : un chômage et une surexploitation fortement aggravés, une insuffisance accrue des débouchés amplifiant la guerre économique mondiale, le prélèvement de monstrueuses rentes néocoloniales sur les peuples des pays les moins développés et des risques multipliés d’affrontements armés.

Cette crise a déstabilisé les schémas intellectuels dominants et mis en cause la légitimité du système capitaliste. L’idée qu’il est nécessaire de rompre avec ce système peut grandir : encore faut-il dessiner les chemins d’une telle rupture.

À droite comme chez les socialistes, la réponse à la crise du système a été d’accroître l’intervention publique en faveur des profits et d’un marché prétendument « régulé ».

Pour sortir de la crise, il aurait fallu au contraire une nouvelle intervention publique pour mettre l’argent, les richesses produites et la monnaie créée, au service non pas de la rentabilité du capital, mais du développement de chacune et chacun, de toutes et tous, dans le respect de la planète. L’urgence était de faire reculer la domination du capitalisme mondialisé en faisant progresser, dans les luttes, dans les urnes et dans les institutions, l’exigence d’autres règles, d’autres critères et, en particulier, de pouvoirs décisionnels nouveaux pour les travailleuses et les travailleurs sur tous les choix d’investissement.

Ce défi n’a pas été relevé. La domination des idées de concurrence pour le profit a persisté. La domination des idées social-démocrates sur toute la gauche, insuffisamment combattue, a persisté elle aussi. Tout cela a ouvert la voie à une réaction néolibérale, ultra-réactionnaire et autoritaire ainsi qu’aux populistes qui ont rajouté au désarroi et à la confusion.

Les contradictions entre la logique du capital et les besoins de développement humain nouveaux ont ainsi été accentuées.

Avec la révolution numérique et informationnelle, une nouvelle efficacité économique, fondée sur le développement des capacités humaines et sur le partage des informations, devient possible. Les aspirations aux savoirs et à la créativité sont de plus en plus vives ; la place nouvelle des connaissances dans la société ouvre des possibilités inédites d’émancipation ; mais les multinationales utilisent les gains de productivité pour faire baisser le « coût du travail », précariser les emplois, soumettre les formations à leurs exigences de rentabilité. Les salarié·e·s dont l’emploi est supprimé sont rejeté·e·s dans le chômage.

La révolution démographique, avec l’allongement de la durée de la vie et les besoins de santé et de dignité associés, la possibilité pour les femmes de maîtriser la procréation, les nouvelles relations qui s’instaurent dans les couples et dans les familles, est porteuse de libertés nouvelles, mais le capitalisme l’utilise pour marchandiser l’ensemble des temps de la vie.

Enfin, l’humanité a aujourd’hui le pouvoir de menacer sa niche écologique : la planète. L’exigence d’expansion du capital met radicalement en cause notre environnement, l’écologie, et met en danger l’espèce humaine.

Nous devons développer en grand le chantier de la compréhension marxiste de ces transformations et de la conquête par les travailleurs comme par les peuples de leur maîtrise sociale et démocratique.

L’un des effets les plus sensibles de la crise est l’aggravation sans précédent des inégalités, au point que se développent des batailles nouvelles pour l’égalité et la solidarité.

2.2 La revendication d’égalité entre les femmes et les hommes : un mouvement mondial sans précédent et profondément révolutionnaire

La libération de la parole des femmes contre les violences sexistes et sexuelles vient de dénoncer l’illusion d’une « fin de l’Histoire » en matière d’égalité femme-homme. Le droit à disposer de son corps est au cœur d’une lutte féministe décisive partout sur la planète. Le combat pour l’égalité au travail – notamment salaire et déroulement de carrière – comme hors travail, pour le partage des pouvoirs et des rôles, doit être mené avec détermination jusque dans notre organisation.

Les transformations qui bouleversent le monde contemporain donnent à ce combat une portée profondément nouvelle. En finir avec les racines profondes du patriarcat et des discriminations touchant les femmes va de pair avec la perspective d’un dépassement du capitalisme jusqu’à son abolition et à la construction d’une nouvelle civilisation.

2.3 Face à la progression du racisme et de la xénophobie, des solidarités nouvelles se cherchent

Le racisme et la xénophobie se nourrissent des divisions engendrées par le chômage et par la compétition pour l’accès à l’emploi. Ils s’appuient sur l’ampleur des discriminations, trop fréquentes dans les actions policières, mais aussi sur la négation du droit au travail et au logement, de l’accès aux services publics dans les zones déshéritées, de l’accès au savoir et à la culture. Ils sont utilisés pour organiser la guerre de tous contre tous, à partir des replis identitaires et communautaires qui, pour certaines et certains parmi les plus dominé·e·s, semblent seuls pouvoir répondre aux besoins de protection face aux violences sociales. Ils offrent un terrain à l’instrumentalisation par des groupes sectaires, voire terroristes, des détresses sociales et morales qui frappent trop de jeunes. Nous devons montrer que ces humiliations insupportables, ces formes visibles de l’absence d’égalité réelle dans la République, révèlent l’ampleur et le caractère multidimensionnel des inégalités de classes.

Les politiques migratoires et le traitement indigne des réfugiés en France et en Europe relancent les idées racistes, traduisent la volonté d’une Europe « forteresse ». Elles vont de pair avec l’acceptation des guerres néocoloniales et du pillage des pays dominés qui engendrent des migrations de survie. Elles masquent le refus d’un grand essor des services publics pour répondre aux besoins de toutes les populations au lieu de les opposer.

Mais tout cela suscite des mobilisations et des solidarités nouvelles qui témoignent de potentiels de rapprochement car, comme l’a écrit Marx, « le travail sous peau blanche ne peut s’émanciper là où le travail sous peau noire est stigmatisé et flétri  ».

Les réponses capitalistes à la crise nourrissent des dérives autoritaires lourdes de danger pour la démocratie, la stabilité du monde et la paix. Il est urgent de reconquérir, individuellement et collectivement, le pouvoir sur nos vies.

La marchandisation effrénée qui réduit les personnes à des choses et à des coûts se heurte à l’aspiration, de plus en plus largement partagée, à l’épanouissement des personnes et à la liberté. La logique capitaliste a de plus en plus besoin, pour s’imposer, d’autoritarisme et de violence.

2.4 Les luttes de la jeunesse sont symptomatiques des aspirations nouvelles et de la violence à laquelle elles se heurtent

La jeunesse paie très cher les reculs sociaux, démocratiques, culturels imposés par le capital. Elle est lourdement frappée par le chômage. Les jeunes sont obligés de passer par de longs sas de précarité, avant d’espérer accéder à une situation stable leur permettant de se projeter dans l’avenir. Bien que mieux formés que leurs parents, ils et elles vivront probablement moins bien qu’eux. Ils et elles sont victimes de stigmatisation et de discriminations, surtout celles et ceux des quartiers les plus pauvres.

C’est source de détresse, mais aussi, de plus en plus, de révolte et de mobilisation : les lycéennes et les lycéens, les étudiantes et les étudiants contre « Parcoursup » revendiquent leur droit à une formation de haut niveau, les jeunes cheminotes et cheminots, les jeunes salarié·e·s de la fonction publique et dans les entreprises sont souvent en première ligne dans des luttes dures pour les droits, la dignité, les salaires.

** *
Le capital se nourrit de tout ce qui divise les êtres humains. Chercher ce qui les unit et y travailler activement, c’est combattre l’ordre établi. Conjuguons luttes de classes et d’émancipations.

Notre époque est celle d’un conflit violent entre le vieux monde capitaliste, rongé par la surexploitation et le cancer financier, et d’immenses possibilités d’émancipation et de partage qui ouvrent la voie vers une nouvelle civilisation. Un nouveau choc se prépare, plus profond et plus mondial. Tout donne à penser qu’il sera plus violent. Pour affronter ce choc, pour mener cette bataille, nous avons besoin du Parti communiste.

Nous devons nous donner les moyens d’alerter sur la catastrophe qui vient, d’agir, de rassembler et d’éclairer dans l’action sur la nécessité de mettre en cause le capitalisme pour un changement de société et de civilisation. Ouvrons le débat sur ce que peut être une société qui se dégage de sa domination mais ne l’a pas encore dépassée pour l’abolir vraiment, une société qui construit sa transition socialiste vers une civilisation supérieure, le communisme.

Le développement des idées et des propositions communistes, dans la société, au service d’actions et de transformations de portée révolutionnaire, est aujourd’hui un enjeu politique majeur, en France, en Europe et dans le monde. C’est la clé de notre congrès extraordinaire.

III. Le communisme de notre temps : idéal éthique, visée historique, chemin de lutte

Le projet communiste vise une transformation radicale de notre société pour une société de partage des richesses, mais aussi des pouvoirs, des savoirs et des rôles : une société sans classes, sans guerres, dépassant les nations ; une société où exploitation et aliénations sont abolies. En cela le communisme s’oppose radicalement au capitalisme et à son idéologie, le libéralisme.

Le communisme est à la fois l’objectif et le chemin menant à une société dont le but et le moyen deviennent progressivement le développement émancipé de chacune et de chacun, comme personne et en société, ou comme disait Marx comme « individu intégral ». Une société où « le libre développement de chacun devient la condition de libre développement de toutes et tous ».

En ce sens, les luttes immédiates à organiser et les rassemblements à construire doivent contribuer à ouvrir le chemin vers cette nouvelle société. Le communisme est donc inséparable d’objectifs sociaux ambitieux, de pouvoirs et de moyens financiers nouveaux qui dessinent une étape radicale vers le but final.

3.1 Le communisme à l’ordre du jour

La crise du système capitaliste et ses contradictions d’une profondeur inédite ouvrent une nouvelle période historique. Avec les débuts de la révolution technologique informationnelle, et ses exigences de partage, la perspective d’aller « au-delà » du marché capitaliste prend un caractère plus concret.

Le développement des capacités de chacune et chacun, l’émancipation de la personne dans toutes ses dimensions, devient nécessaire pour le bien commun de toute la société. Cela rencontre les formidables aspirations à l’émancipation personnelle.

Les besoins nouveaux de créativité dans le travail comme dans le débat démocratique poussent en faveur d’une prise de pouvoir par les travailleuses et les travailleurs dans l’entreprise, les citoyennes et les citoyens dans les institutions.

Tout le système de délégation de pouvoir doit être dépassé, comme y invite la crise profonde de la démocratie parlementaire, mais aussi l’étouffement de la créativité des salarié·e·s dans les entreprises par les monopoles de pouvoirs patronaux.

Un dépassement du capitalisme pour l’abolir n’est donc plus seulement une utopie, une idée qu’il s’agirait de formuler sans la mettre en pratique.

C’est un processus de transformation révolutionnaire et démocratique que nous devons chercher à construire par nos propositions et notre projet, et à faire vivre au cœur des luttes sociales et d’idées.

Cela suppose pour les communistes un grand débat sur ce que peut être le dépassement du capitalisme.

Un effort de renouvellement et de novation est en effet devant nous, de même qu’une bataille d’idées est à mener. Car l’idéal communiste, longtemps identifié au grand espoir soulevé dans le monde par la révolution soviétique et l’édification de l’URSS à partir d’une Russie arriérée, a été défiguré par de terribles dérives du système soviétique et a été atteint par son effondrement dans une crise profonde.

3.2 Un processus révolutionnaire

Le communisme est un processus historique d’abolition réussie du capitalisme, poussant tous les acquis de civilisation de ce système, et supprimant ses maux, vers une nouvelle civilisation. C’est cela le dépassement du capitalisme.

Il s’agit de dépasser l’enfermement de chacune et chacun dans les aliénations d’un travail, d’une consommation et d’une vie sociale dominées par une production au service de la marchandisation et de l’accumulation ; et, en dépassant la soumission des activités à l’accumulation capitaliste, de faire avancer une efficacité sociale pour le droit au bonheur de chacune et chacun.

Cela signifie une révolution des rapports sociaux de production :

  • une appropriation sociale des moyens de production, d’échange et de financement, de la gestion des entreprises ;
  • l’avancée d’une sécurité d’emploi ou de formation, avec des activités de développement des capacités de chacune et chacun, dépassant le salariat capitaliste, vers une société sans classe.
    Cela suppose une révolution politique qui, à chaque étape, arrache toujours plus au capital la maîtrise des leviers de pouvoir, notamment ceux de l’État Cela signifie une transformation ininterrompue des institutions, avec des pouvoirs d’intervention directe, décentralisés, de tous les acteurs sociaux, des citoyennes et des citoyens. Cela permettrait de pousser la démocratie jusqu’au développement de l’autogestion économique et politique.

Dans cette nouvelle civilisation, chacune et chacun aurait tous les moyens effectifs de contribuer à son propre bonheur. Forte de nouvelles valeurs, cette civilisation permettrait l’épanouissement et la créativité de chaque individu et de toutes et tous, ensemble.

L’humanité pourrait mettre un terme à toutes les dominations sociales et à toutes les formes de discrimination, pour une société d’égalité dans la différence. Elle deviendrait capable de transmettre la Terre aux générations futures, en respectant son intégrité, sa diversité, sa beauté.

3.3 Porter un projet communiste

Travail, emploi, salaires (marché du travail), services publics, biens communs et développement humain, rôle de l’entreprise et de la production, pouvoirs, institutions politiques, finance et mondialisation : tels sont les chantiers du communisme que nous devons investir immédiatement. Un projet communiste doit comporter des axes de transformation sur tous ces chantiers. Sans constituer un programme, ceux-ci doivent être cohérents pour une transformation effective. Sa configuration doit se modifier au rythme de l’expérience acquise par les luttes pratiques, comme au rythme de l’avancée des connaissances. Il s’agit, au total, d’avancer en pratique en rassemblant largement, malgré les conflits inévitables, les contradictions, les compromis et les incertitudes dans une construction qui puisse changer réellement la société.

Des objectifs sociaux transformateurs

L’emploi au cœur de la transformation sociale : notre proposition de sécurité d’emploi et de formation

Le chômage, la précarité et les « jobs de merde » ne sont pas des fatalités. Prenant appui sur l’aspiration partagée à une formation et à une mobilité choisie, à un travail utile et qui ait du sens, comme sur la nécessité pour la société d’élever le niveau de formation et de qualification pour répondre aux besoins de souplesse et d’adaptabilité de la production moderne, nous voulons avancer vers une sécurité d’emploi et de formation permettant à chacune et chacun de conjuguer mobilité choisie et sécurité accrue de ses revenus et de ses droits. Ce système pleinement réalisé permettrait de supprimer le chômage, de révolutionner le contenu du travail, de dépasser l’opposition travail-hors travail, tout en répondant au besoin de souplesse, de progrès et d’adaptabilité de la production moderne. Il ouvre la voie à une nouvelle organisation des temps de la vie, donnant à toutes et tous plus de temps pour se former, plus de temps à consacrer à sa famille, plus de temps pour la vie sociale. Progresser dans sa construction est inséparable de la défense et de la promotion d’une protection sociale efficace parce que financée à partir des richesses créées dans les entreprises. Des éléments essentiels d’avancées immédiates vers ce projet ont déjà fait l’objet d’une proposition de loi des députés communistes.

La culture et l’émancipation humaine sont au cœur de ce projet. Plus celui-ci va se développer, plus il va appeler à une nouvelle culture, à un dépassement des anciennes cloisons, plus il va nécessiter la participation de chacune et chacun aux activités culturelles et créatrices.

Une nouvelle expansion des services et du secteur publics

Les services publics doivent être une pierre angulaire de la construction d’une nouvelle citoyenneté et de la promotion de biens communs dans tous les domaines. Il s’agit de contester la domination de l’Union européenne par le marché et la concurrence aveugle, pour promouvoir un système de coopération où les services publics rénovés et de nouvelles entreprises publiques joueraient un rôle décisif d’entraînement.

Il est indispensable de promouvoir des entreprises publiques dans les secteurs de la production et des services, visant la réponse efficace aux besoins populaires et la sécurisation de l’emploi et de la formation. Cela implique une transformation profonde des gestions avec de nouveaux critères, une barrière efficace à l’entrée des capitaux privés, des financements émancipés des marchés financiers, des pouvoirs d’intervention des salariés et de concertation avec les usagers, des coopérations très nombreuses et intimes en France, en Europe, dans le monde.

Une refonte écologique et culturelle de la production et de la consommation

Le capitalisme exploite l’humain et les ressources naturelles pour son profit égoïste. La nature devrait être un bien commun de l’humanité tout entière au lieu d’être marchandisée, voire parfois privatisée. Il est le principal responsable de la crise écologique, provocant pollutions, réfugiés climatiques, famines, difficulté d’accès à l’eau, guerres… Le sort de l’humanité et de la planète sont indissociables : comment protéger les écosystèmes, la biodiversité quand l’humain est en souffrance ?

Notre vision communiste, originale, juge complémentaires développement humain et écologie, sans les opposer. Pour nous, l’enjeu écologique renforce nos combats. Bien loin de les décentrer, il les élargit. Il confirme qu’il faut vraiment changer le mode de production et de consommation, qu’il faut une véritable révolution. Il faut une révolution dans les rapports sociaux de production, jusqu’aux techniques de production, une révolution de la répartition et de la consommation, et une révolution des pouvoirs et de la culture.

Services publics et entreprises sont au cœur de l’enjeu écologique : service public de l’écologie, mais aussi de la santé ou de la recherche ou du financement, mais aussi entreprises productives, avec de nouveaux critères de gestion (donc de production et de localisation), banques (avec de nouveaux critères d’investissement et de financement). Nous pouvons faire converger des forces du « dedans » et du « dehors » de l’entreprise, à partir du double enjeu social et écologique qui se rejoignent contre la domination du capital, les critères de rentabilité financière, l’austérité et le système de pouvoirs.

De nouvelles conquêtes sociales et écologiques doivent être gagnées par des batailles concrètes sur tous les sujets. Par exemple :

  • la bataille pour des relocalisations industrielles, le développement de l’emploi, converge avec celle des circuits courts, pour réduire pollutions et réchauffement climatique ; elle suppose une nouvelle politique industrielle et de services ;
  • un plan pour développer un nouveau mix énergétique remplaçant les énergies carbonées et associant développement des énergies renouvelables avec la maîtrise publique, sociale et démocratique d’une filière nucléaire sécurisée et renouvelée : s’inscrivant dans une transition énergétique, écologique et non malthusienne, ce plan nécessiterait un grand effort de recherche, d’embauches, de formation, d’investissement et d’innovation sociale ; il serait élaboré avec tous les acteurs sociaux et citoyens ;
  • un plan d’urgence contre le réchauffement climatique exige des mesures rapides telles que la gratuité des transports en commun et de s’attaquer au pouvoir de la finance et des actionnaires pour relancer le ferroviaire, fret et voyageurs, avec des dépenses d’infrastructures et pour les entreprises publiques, à l’inverse du démantèlement de la SNCF programmé par Macron.
    C’est désormais une bataille idéologique structurante, pour donner à voir la nouvelle société que nous voulons construire.

Des pouvoirs et droits nouveaux

La conquête d’une égalité réelle pour toutes et tous, émancipée des origines assignées, des discriminations liées à l’âge, au genre, à l’orientation sexuelle, à la catégorie sociale, à l’apparence physique, au handicap, doit être instaurée et affirmée en donnant les mêmes droits à chacune et à chacun, dans une égale dignité de participation et d’intervention. La politique des boucs émissaires, des relégations territoriales, de l’incitation au racisme et de la stigmatisation masque les vrais problèmes et les entretient. Cela appelle tout à la fois un effort culturel, un effort démocratique, une justice réaffirmée, une autre police et un nouvel âge des services publics.

La démocratie participative et d’intervention doit devenir un principe actif, un impératif des politiques publiques, avec de réels moyens d’intervention directe des citoyennes et des citoyens. Elle suppose la création de nouveaux pouvoirs, un essor considérable des libertés et la conquête d’une égalité effective, en faisant en sorte que chacun dispose des moyens nécessaires à son accomplissement. Le rôle des salarié·e·s dans l’entreprise et des populations concernées doit prédominer, au lieu du monopole du capital et de ses représentants. Cet enjeu est au cœur de la lutte de classes d’aujourd’hui. Il s’agit de transformer les gestions d’entreprises pour leur faire assumer un but d’efficacité sociale, territoriale et écologique. Il faut aussi de nouvelles institutions permettant l’intervention populaire à tous les niveaux (des collectivités territoriales à l’État) pour une nouvelle République allant de pair avec une nouvelle construction européenne.

Cela implique de permettre à toutes et tous de comprendre le monde pour le transformer, de s’approprier des savoirs complexes et de construire une culture commune de haut niveau grâce à des services publics de l’éducation, de la formation et de la culture renforcés et profondément transformés.

Des moyens financiers

Émanciper société et économie des marchés financiers

L’argent et la monnaie sont l’instrument majeur de la domination du capital sur l’économie et la société. Un projet communiste doit promouvoir par la lutte un tout autre système de financement. Les marchés financiers, les grands actionnaires et le grand patronat imposent une logique de financement et de gestion qui soumet les entreprises à la domination du capital. Pour imposer une tout autre logique, nous voulons prendre le pouvoir sur l’utilisation de l’argent des entreprises (profits), de l’État (fond publics), des banques (crédit), des assurances (épargne). Au lieu de servir les profits, le coût du capital, l’évasion fiscale, cet argent doit financer les investissements efficaces, l’emploi, la formation, la recherche, l’écologie, l’égalité femmes-hommes, etc. Il doit aussi financer les services publics dans les territoires au lieu de laisser la dette publique sous la coupe des marchés financiers. Cet axe de transformation concerne tous les niveaux d’intervention : régional, national, européen et mondial.

IV. Un nouvel internationalisme pour relever le défi de la mondialisation capitaliste

Les communistes français ne peuvent penser leur rôle dans la société sans penser les profonds bouleversements vécus par la planète, sans travailler aux liens de solidarité avec les communistes et les forces progressistes, sans inscrire la lutte pour la paix dans l’exigence d’une autre société.

4.1 De profonds changements du monde

Ce début de XXIe siècle est une époque de bouleversements démographiques, écologiques, technologiques, économiques, géopolitiques. Ainsi par exemple le PIB de la Chine est désormais comparable à celui des États-Unis ; l’Afrique pourrait devenir le continent le plus peuplé d’ici la fin du siècle ; en France, un salarié sur deux travaille dans une multinationale.

On assiste à la généralisation et à l’exacerbation des fléaux du système mais aussi à l’apparition de nouveautés radicales et de potentielles transformations d’ensemble :

  • le salariat se généralise dans tous les pays et l’humanité se concentre dans les villes, mais avec un chômage massif, une envolée de la précarisation, la mise en concurrence des salariés du monde entier, et l’explosion de nouveaux problèmes écologiques et sanitaires ;
  • alors que se poursuit l’industrialisation du monde, le début de la révolution informationnelle s’accompagne d’une domination des entreprises réelles par des capitaux financiers de plus en plus monopolistiques et spéculatifs ;
  • le défi climatique mondial, le recul drastique de la biodiversité, les déforestations, l’artificialisation des sols, les maladies liées à l’environnement montent, mais monte aussi une conscience mondiale de ces défis, les potentiels technologiques et les alternatives pratiques pour y faire face ;
  • face au cancer financier qui se généralise, la responsabilité des banques, des multinationales, des paradis fiscaux et des organisations mondiales (FMI…) fait l’objet d’une prise de conscience mondiale ;
  • partout s’affirme une volonté d’émancipation des individus, hommes et femmes, mais qui peut aussi être dévoyée en un individualisme destructeur des solidarités traditionnelles ;
  • la nouvelle situation mondiale porte à la fois des possibilités nouvelles de communication et de partage, une ouverture croissante aux autres nations et à la diversité des cultures, et la mise en cause des protections étatiques traditionnelles, la régression des droits sociaux acquis, l’exacerbation des dominations supranationales ;
  • des intégrismes et des conservatismes opposés, occidentaliste, suprémaciste blanc, « islamiste », se développent en même temps que montent des mouvements d’émancipation multiformes.
    Après la chute du mur de Berlin et l’échec de l’expérience soviétique, avoir cru qu’il suffisait d’affirmer l’histoire propre du communisme français pour se dégager des conséquences de cet échec était une erreur : un bilan communiste de ce qu’a représenté l’Union soviétique est indispensable pour sortir de la diabolisation construite contre nous par les porte-voix du capital et poursuivre avec ténacité le développement de notre projet original autogestionnaire vers un communisme de notre temps.

4.2 Affrontement généralisé ou coopération et paix ?

Loin de la « fin de l’histoire », les concurrences inter-impérialistes et les dominations ont été relancées : hyper-marchandisation du monde ; financiarisation massive débouchant sur la domination technologique et commerciale des multinationales ; unilatéralisme américain et renforcement de l’OTAN alors que le monde devenait déjà plus multipolaire.

La crise de 2007-2008, qui a frappé les seuls pays capitalistes développés, a fragilisé l’image du capitalisme et la position d’hégémonie mondiale des États-Unis.

Face à cela, l’impérialisme américain utilise de façon de plus en plus agressive le dollar, son avance technologique informationnelle, son poids économique et son potentiel militaire, pour relancer son hégémonie.

Des phénomènes de fond s’y opposent :

  • la révolution informationnelle accentue les contradictions entre développement des forces productives et rapports sociaux de production ;
  • les institutions politiques, financières, culturelles et politiques qui assuraient jusqu’ici l’hégémonie mondiale du capital sont ébranlées car elles deviennent incapables de canaliser le mécontentement des peuples. De nouvelles organisations émergent, dans une recherche d’émancipation vis-à-vis des tutelles américaine voire occidentale (BRICS – Organisation de coopération de Shanghai – COP, etc.). Un nouveau type de multilatéralisme se cherche, à travers des ententes zonales contre l’unilatéralisme et le protectionnisme américain ;
  • Avec l’arrivée de Trump au pouvoir, s’est ouverte une nouvelle phase de la contre-offensive des États-Unis. Elle se heurte cependant à des résistances diverses sur tous les continents.
    La Chine et l’Europe, la Russie, à des titres différents, sont particulièrement mises au défi.

Pour les communistes, il s’agit de construire un nouvel internationalisme capable d’opposer des réponses de coopération à ces logiques. Il s’agit de faire vivre en toutes circonstances nos valeurs anti-impérialistes, de paix et de solidarité.

Un axe de bataille essentiel est que la France sorte de l’OTAN et qu’elle joue un rôle moteur en Europe et dans le monde pour un rapprochement, une nouvelle alliance, avec les pays en développement et émergents (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, Mexique, Turquie, etc.). La Chine, immense pays en état de contester le leadership mondial des États-Unis, mérite une analyse conséquente et sans a priori, d’autant qu’il est dirigé par un Parti communiste se réclamant du marxisme.

L’action contre les guerres, pour le désarmement et pour la paix, qu’il faut décider d’amplifier, doit aller de pair avec l’action contre l’insécurité sociale et économique. Dans ce but, il s’agit de transformer radicalement les institutions internationales et de contribuer à l’avènement d’un instrument monétaire de coopération mondiale alternatif au dollar. Cela répond aux attentes de nombreux pays.

Il faut donner une place bien plus grande à la dimension internationale de notre action et à notre apport à une autre mondialisation. Le conseil national et les communistes doivent être régulièrement saisis de l’analyse de la situation internationale, informés des débats au sein du PGE, des relations avec les partis communistes et progressistes. Celles-ci doivent être développées dans une démarche d’écoute, de respect mutuel et de solidarité. La situation nécessite une nouvelle capacité d’initiative de notre parti en Europe et dans le monde pour des actions communes.

4.3 Une autre construction européenne

Il faut en finir avec la construction européenne actuelle conçue au service de la domination du capital, avec en son cœur la BCE soutenant les marchés financiers, les multinationales et les grands capitaux monopolistes. Loin de la promesse d’une Europe de coopération et d’unité des peuples, on lui doit un chômage colossal, la désindustrialisation, l’agriculture familiale sacrifiée, la mise en cause des services publics et l’austérité généralisée, l’autoritarisme, le martyre du peuple grec, une fragmentation entre le nord et le sud, des fractures internes à chaque pays. On lui doit aussi la montée des populismes et de l’extrême droite, jusqu’à des positions de pouvoir comme en Italie, une domination renforcée des États-Unis et du dollar. Il n’est donc pas étonnant qu’elle concentre la colère populaire comme en a témoigné le résultat du référendum de 2005. Notre responsabilité est de donner une perspective à cette colère.

Nous sommes toutes et tous d’accord là-dessus. Mais nous avons des différences sur la façon d’en finir avec cette construction.

Un choix a prévalu depuis plusieurs congrès : transformer radicalement l’Union européenne et ses traités ; agir pour une refondation de la construction européenne avec des propositions alternatives. Il s’est agi de se situer sur le terrain européen et de se saisir de l’aspiration à une construction européenne, tout en considérant que le terrain national est fondamental et que ce sont bien les exigences du capital qui modèlent la construction européenne.

Des camarades pensent qu’on ne peut pas la transformer et qu’il faut affirmer le droit pour chaque nation de désobéir aux traités jusqu’à sortir de l’Union européenne si nécessaire pour respecter la souveraineté populaire. Ils et elles considèrent qu’il faut rendre caduques les institutions européennes, afin de construire un autre modèle de coopération en Europe et dans le monde, libéré des outils institutionnels que se sont donnés les fondateurs de l’Union européenne faite par et pour le capital. La nation reste pour ces camarades le terrain privilégié de la lutte des classes.

De fait, la position du PCF a profondément évolué durant les années 90 et depuis. Mais ces choix ont été faits sans un débat suffisamment large, et la bataille tenace qu’ils appelaient n’a pas été véritablement menée.

Cela souligne l’insuffisance grave du travail collectif qui aurait dû être initié par les directions nationales successives en même temps que leur incapacité à prendre des initiatives d’action sur ces enjeux.

Pourtant, l’actualité en fait chaque jour la démonstration, la responsabilité des pays européens est devenue considérable pour une véritable coopération mondiale de co-développement avec les pays pauvres, les émergents et pour la paix.

Nous refusons de céder aux sirènes du fédéralisme. Nous combattons la fuite en avant dans l’intégration renforcée sous la houlette du duo Merkel-Macron. Nous refusons une Europe forteresse. Une autre construction européenne est nécessaire, face à l’agressivité de l’impérial-libéralisme des États-Unis, pour relever des défis colossaux : le chômage, la concurrence exacerbée, la dictature du dollar et de la finance mondiale, le réchauffement climatique, le recul de la biodiversité, les migrations de survie massives, les fractures sociales et territoriales, la paix… C’est indispensable pour contrecarrer les pertes de souveraineté effectives engendrées par la mondialisation capitaliste, promouvoir les nations de façon ouverte dans l’égalité et le respect de leur diversité.

Si nous ne pourrons sans doute pas trancher ces questions au prochain congrès, il est indispensable de les instruire et de les confronter à la réalité de grandes batailles populaires permettant à la fois de porter la colère et de remporter des victoires.

Battons-nous, en France, en Europe, avec les forces progressistes, avec les partis communistes :

  • pour mobiliser la monnaie au service de l’emploi, des services et biens publics et de la protection sociale, et donc pour un autre rôle de la BCE ;
  • contre la concurrence destructrice et pour de nouvelles coopérations solidaires entre nations souveraines égales et respectées ;
  • contre la militarisation du bloc européen accélérant la course folle vers des conflits majeurs ;
  • pour d’autres traités permettant des coopérations solidaires entre nations égales et peuples souverains.
    Nous voulons changer l’Europe pour une autre mondialisation.

V. Pour une nouvelle stratégie de rassemblement et d’unité populaire

L’échec du Front de gauche met en cause une conception stratégique du rassemblement, de la relation aux luttes, à la bataille d’idée et à notre visée, ainsi que d’une pratique politique. L’entente au sommet, limitée à un plus petit dénominateur commun, a pris le pas sur tout le reste, renouvelant en cela les travers d’expériences antérieures.

Notre projet est démocratique et révolutionnaire. Il faut donc un rassemblement majoritaire, dont le contenu soit à la hauteur pour transformer réellement l’ordre existant dans la société, les entreprises et les institutions : c’est la stratégie du PCF.

Elle implique de mener le débat en permanence, aussi bien avec les partenaires de constructions unitaires, qu’avec les travailleuses et les travailleurs, les citoyennes et les citoyens.

Notre stratégie exige en permanence d’évaluer, jusqu’à les réajuster, en quoi nos initiatives dans les luttes et notre action dans les institutions contribuent à avancer vers nos objectifs. Aussi importantes soient-elles, les élections ne sont qu’un moment de l’activité révolutionnaire des communistes. Et l’entente sur un programme ne peut être qu’un levier.

5.1 Les bases sociales du rassemblement

Une unité populaire est possible. Elle reste toutefois à construire, d’autant plus que le ressenti des fractures et divisions a progressé. L’unification du salariat est décisive. Tout le salariat est aujourd’hui pris dans un rapport d’exploitation, des ouvrières et ouvriers sans-papiers jusqu’aux intellectuel·le·s prolétarisé·e·s. Bien loin d’être une forme d’indépendance, l’ubérisation apparaît de plus en plus comme un rapport d’exploitation. Les travailleuses indépendantes et les travailleurs indépendants sont pris dans cette même logique, qui met en péril les petites entreprises et leurs atouts humain. Le monde du travail et de la création dans sa grande diversité (de la classe ouvrière aux cadres, avec ou sans statut spécifique, des infirmiers et infirmières aux enseignantes et enseignants jusqu’aux chercheuses et chercheurs, des chômeuses et chômeurs aux précaires, des jeunes aux retraité·e·s, des artistes aux artisans, jusqu’aux petits paysans) a fondamentalement des intérêts communs : faire reculer la domination du capital financier. Cela s’exprime par une protestation commune grandissante contre le chômage, la précarisation, les bas salaires, les risques de déclassement et l’aliénation au travail. Cela s’exprime aussi par des aspirations à la formation tout au long de la vie, à la maîtrise du sens de son travail, au partage des responsabilités jusqu’à l’intervention dans la gestion, à la maîtrise des trajectoires personnelles, à la réduction du temps de travail pour le développement de soi et pour une meilleure vie hors travail.

Le progrès de ces facteurs communs est une menace pour le grand patronat, pour sa conception de l’entreprise. Pour appuyer les dirigeants, Macron engage toute la force de l’État avec ses réformes réactionnaires. Ils s’emploient à récupérer la sensibilité des salarié·e·s qualifié·e·s aux enjeux de compétitivité, de modernisation, d’efficacité et de financement, tout en jouant sur la sensibilité des couches urbaines aux enjeux écologiques. Ils cherchent à les intégrer dans un rassemblement qui sacrifierait les ouvrières et les ouvriers, les couches populaires, les chômeuses et les chômeurs.

En même temps, ils cherchent à couper les revendications sociales d’autres luttes aux potentiels émancipateurs considérables : les luttes des femmes, des jeunes, des travailleuses étrangères et des travailleurs étrangers, ainsi que celles concernant les identités ou encore l’écologie.

À l’opposé de ce travail de division, il s’agit de faire prendre conscience à toutes et tous du fait qu’ils et elles s’affrontent à la même logique, au même adversaire et combien leurs aspirations propres à s’accomplir ont en commun un double besoin : des services publics de qualité sur tout le territoire et une sécurité d’emploi, de formation et de revenus.

Les dominations – genre, générations, capitalisme, racisme… – se renforcent entre elles. Les luttes contre ces dominations peuvent s’épauler pour une émancipation commune.

C’est tout cela, la base sociale du rassemblement que nous voulons.

5.2 Le rôle irremplaçable du Parti communiste

Il faut viser des objectifs sociaux audacieux, travailler sans cesse les contradictions pour faire grandir la conscience de la nécessité, pour les réaliser, de bouleverser la logique du système, aussi bien en ce qui concerne les moyens financiers que les pouvoirs institutionnels. Qui d’autre que le Parti communiste peut assumer ce rôle, alors que les idées dominantes pèsent tant, jusque chez tous nos partenaires de gauche ? La conception de l’entente qui a prévalu s’est opposée jusqu’ici à tout cela et a conduit à notre effacement.

Nous prêtons une grande attention à ce que les luttes expriment comme besoin de société nouvelle, comme aux difficultés du mouvement social et à ses contradictions. Pour contribuer à leur dépassement, nous développons un corps d’idées et de propositions qui, avec l’apport du marxisme vivant, permettent de ne pas subir l’hégémonie des idées dominantes, de les bousculer et d’apporter des réponses efficaces aux problèmes posés. C’est essentiel pour faire bouger les rapports de force, jusqu’à des changements dans les institutions en lien avec les élections et avec les luttes.

5.3 Être présents avec nos propres candidats à toutes les élections

Il est essentiel d’être présents avec nos propres candidats à toutes les élections. Notre ambition est d’avoir, en renforçant l’influence de nos idées, le plus d’élu·e·s possible, à tous les niveaux. Ils et elles agissent au service des travailleurs et de leurs familles, et pour faire bouger la situation. L’élection présidentielle, dont nous combattons le principe, est cependant un moment structurant de la vie politique. Elle est l’occasion pour chaque formation de mettre en débat son projet et ses idées. Le parti doit travailler à créer les conditions d’une candidature communiste à l’élection présidentielle de 2022.

Les élections européennes de 2019 portent sur des enjeux majeurs et sont une étape de la recomposition politique en cours. L’enfermement du débat dans la fausse alternative « pour ou contre l’Europe » est mortifère pour nos combats de classe. Un nouvel effacement du parti et de ses idées au nom du rassemblement derrière une possible tête de liste issue d’une autre formation politique aurait de graves conséquences aux élections municipales. Menons la bataille sur nos idées et construisons une liste de large rassemblement initiée et conduite par le PCF.

5.4 La recomposition politique

L’élection présidentielle de 2017 a déclenché une recomposition politique d’ampleur. Macron arrive à faire passer des dispositions dont le grand patronat rêve depuis longtemps. Il ne serait, prétend-il, ni de droite ni de gauche, et le seul à prendre à bras le corps les enjeux de modernité. Il n’y aurait pas d’alternative. Il utilise comme repoussoirs l’extrême-droite d’un côté et Jean-Luc Mélenchon de l’autre. Il le peut d’autant mieux que, à droite, et plus encore à gauche avec l’effacement de notre parti, nul ne lui oppose des contre-propositions à la hauteur des défis du XXIe siècle.

Il nous appartient de dissiper les illusions : on ne peut sortir le pays de la crise sans mettre en cause la dictature capitaliste de la rentabilité, en luttant pour prendre le pouvoir sur l’utilisation de l’argent. De nombreux exemples actuels permettent d’en faire la démonstration : Ehpad, hôpitaux, délocalisations, Alstom, SNCF, écologie, collectivités territoriales, etc.

Pour l’heure, il y a des différences importantes à gauche : il est de la responsabilité du PCF d’en expliciter publiquement les termes pour chercher à les dépasser.

Le paysage à gauche est dévasté. Le PS, très affaibli, reste incapable de se dégager du social-libéralisme et de faire un bilan critique du quinquennat Hollande. Des socialistes cherchent à reconstruire un pôle social-démocrate. Le mouvement écologiste est en crise. France Insoumise canalise une partie de l’électorat de gauche, mais l’isole dans l’impasse de l’électoralisme, dans une posture protestataire qui cherche un contrôle sur le mouvement social sans respect pour ses priorités revendicatives et son besoin d’indépendance. Le risque est réel que cette posture conduise à des options populistes voire nationalistes. Une parole, forte en apparence, peut masquer des options très réformistes. Déclarer que la gestion de l’entreprise est l’affaire des seuls patrons évacue la dimension de classe du combat.

La démarche communiste doit se déployer dans trois directions : construction politique, bataille d’idées et luttes sociales.

5.5 Une union populaire et politique agissante

Il faut marcher sur deux jambes : luttes et constructions politiques. Cela exige des initiatives autonomes du PCF politisant les luttes, avec la constante ouverture au débat d’idées, et dans le même temps la formulation d’une proposition stratégique à toute la gauche pour ouvrir une perspective vraiment alternative à Macron.

Les communistes doivent travailler en permanence au rassemblement le plus large de toutes les couches salariales et populaires, à développer la conscience des contenus et conditions des changements nécessaires, et à créer les conditions de l’union des forces de progrès. Celle-ci n’est pas un but en soi : elle est un moyen pour la mise en œuvre de choix politiques nouveaux. Il s’agit de construire une union populaire et politique agissante pour sortir de la crise.

Dans un cadre de rassemblement politique, il nous faut continuer à mener des campagnes autonomes afin de faire progresser le rapport de forces en faveur de nos idées.

Il nous faut tendre la main et mettre au défi toutes les forces politiques de gauche, sans partenaire privilégié a priori, sur les réponses aux questions précises posées par les luttes.

S’attaquer à la domination du capital est décisif. Mais l’idée que ce n’est pas une question politique prédomine, de même que prédomine dans notre peuple, y compris à gauche, l’idée qu’on pourrait se contenter de s’y adapter. C’est l’obstacle majeur auquel notre parti doit s’attaquer. C’est décisif pour réorienter notre stratégie et l’ancrer.

5.6 La bataille d’idées

On ne peut plus commencer par la recherche d’entente au sommet, en y soumettant des «  campagnes communes  ». Cette façon de décréter une unité par le haut corsète l’initiative d’action et de proposition du PCF. Elle rabaisse le niveau des exigences et le besoin de cohérence à partager le plus largement pour gagner.

Aussi, outre les fronts que les luttes et l’actualité imposent, nous proposons que le congrès décide d’une campagne permanente sur le coût du capital. Nous voulons faire grandir la contestation radicale des critères de rentabilité imposés par le patronat, les actionnaires, les banques et les marchés financiers, en leur opposant le besoin une autre utilisation de l’argent pour l’emploi, la formation, la création de richesses dans les territoires, la satisfaction des revendications sociales et des besoins écologiques. Jugée nécessaire par une écrasante majorité de communistes, cette campagne serait transversale à nos différentes batailles communistes, sociales comme sociétales, et les renforcerait.

De telles batailles dans une stratégie du PCF comme vecteur du rassemblement et de l’unité populaire contribueraient à construire le socle nécessaire au redressement de notre influence et de nos forces organisées. Elles doivent permettre de mobiliser conjointement militantes et militants, à l’entreprise et dans les localités, et élu·e·s communistes, dans la diversité de leurs rôles respectifs et des moments politiques.

5.7 De nouvelles relations avec le mouvement social

Nos rapports avec le mouvement social (syndicalisme, associations, mobilisations écologistes, ZAD, Nuits debout…) doivent être repensés. Il part de revendications concrètes pour la satisfaction desquelles il réclame des pouvoirs d’intervention, dans une dimension non-délégataire qui lui fait refuser de se couler dans le jeu des alternances politiques.

Le PCF se propose, lui, de faire reculer l’étatisme, la délégation de pouvoir. Il veut s’inscrire dans la construction d’une véritable alternative aux formes politiques du libéralisme en crise. Il lui est donc nécessaire et possible de construire de nouvelles relations avec le mouvement social, syndical, associatif. La recherche d’alternative serait impuissante sans jonction avec celles et ceux qui luttent sur des objectifs concrets. Et se pose, aux composantes du mouvement social, la question de relier leurs luttes à la visée d’une alternative d’ensemble sans laquelle elles ne peuvent pas déboucher sur des victoires durables.

VI. Pour un Parti communiste utile, agissant, audacieux et novateur, internationaliste et révolutionnaire

Il y a besoin d’un parti révolutionnaire. Ce parti ne peut s’en tenir au soutien des luttes et à faire écho à la protestation contre le néo-libéralisme. Il doit contribuer à ouvrir les perspectives politiques dont les luttes ont besoin pour gagner durablement. Il doit organiser et travailler cela dans la continuité, développer en son sein éducation populaire, élaboration théorique et échanges.

La rupture mal conduite avec la conception d’un « parti guide » nous a conduit à abandonner l’ambition d’être à l’avant-garde des luttes et des idées, de jouer le rôle actif d’éclaireur qui devrait être le nôtre. Cela a conduit à la suppression de ce qui faisait la force de notre organisation, particulièrement le parti à l’entreprise, et à un relativisme théorique éclectique au détriment d’un marxisme vivant et ouvert sur les grands débats d’idées.

De nombreux travaux ont été menés dans le parti pour analyser, comprendre la situation contemporaine, ses différents aspects, ses contradictions, son aggravation et formuler des propositions. Mais les directions nationales successives n’ont pas su ou voulu créer les conditions de la réflexion collective des communistes pour qu’ils et elles s’approprient ces travaux et les enrichissent. Sous prétexte de faciliter un rassemblement a minima, la direction n’a jamais cherché à faire le travail de simplification populaire de nos propositions dans le débat public avec des initiatives d’action capables de rassembler.

Nos propositions n’ont quasiment servi que dans les textes de congrès et, très peu, dans les campagnes électorales. Cela n’est-il pas à la racine de la perte de visibilité et de crédibilité du parti ? Nombre de camarades ont tiré la sonnette d’alarme, à différents moments.

Aujourd’hui, Macron aurait-il autant d’espace pour imposer des réformes qui ont toutes pour pivot la baisse du « coût du travail » si le Parti communiste avait mené dans la durée une campagne sur le coût du capital ?

Ce congrès doit permettre de redonner à notre parti une grande ambition révolutionnaire et de redéfinir son rôle.

Le mouvement populaire et l’intervention citoyenne, aussi essentiels qu’ils soient, ne sont pas spontanément transformateurs, pas plus que le communisme ne se développe naturellement dans la société. Défendre les avancées sociales menacées, contester le partage des richesses ne conduit pas spontanément à mettre en cause les pouvoirs patronaux et du capital.

Ainsi, la création de la Sécurité Sociale, innovation sociale majeure qui a donné un avant-goût de communisme, n’est pas tombée du ciel. Elle a été le produit d’une jonction entre des luttes considérables et une idée révolutionnaire, traduite par les communistes dans les institutions après la Libération.

Pour rendre majoritaire l’exigence d’autres choix, il faut avancer des idées originales capables de faire reculer l’emprise des idées dominantes. Il faut avancer sur des solutions transformatrices à la hauteur du défi de transformation posé par la crise. Confrontons nos propositions avec les autres forces politiques de gauche, agissons pour que les luttes s’en emparent.

L’identité du PCF, dans le combat de classe de notre temps, est indissociablement démocratique et révolutionnaire.

Notre action doit avoir une double dimension : contribuer au rassemblement pour faire reculer Macron jusqu’à créer les conditions d’une politique alternative et, inséparablement, favoriser l’avancée vers un dépassement du capitalisme.

L’expérience montre qu’il ne suffit pas de faire adopter en congrès un relevé de décisions détaillé, voué à rester inappliqué. Il revient au congrès de définir une conception du parti et une orientation d’organisation. C’est le nouveau Conseil National qui doit être chargé de la mise au point de décisions précises en inscrivant ces questions à son ordre du jour. Il faudra examiner les transformations éventuelles de nos statuts que ces transformations appellent à partir d’un bilan d’expérience, en vue du 39ème congrès.

6.1 Relancer l’organisation du parti à l’entreprise

Portons le combat jusqu’au cœur du système capitaliste : les entreprises et les banques. Il faut relancer l’organisation du parti à l’entreprise. Ce terrain a été abandonné. Le 37ème congrès avait même décidé d’un conseil national sur cette question. Il n’a jamais eu lieu.

Pourtant l’entreprise est un lieu décisif de la lutte de classes. Lieu de pouvoir sur l’économie, la société et la vie quotidienne, c’est aussi un lieu où le patronat peut imposer ses idées. Un lieu où se forge un vécu d’expériences et des mentalités sur lesquelles peuvent s’imposer les idées dominantes comme se construire une conscience de classe.

C’est si vrai que les gouvernements successifs, dans le sillage du Medef, n’ont cessé de faire de l’entreprise la pièce centrale de leur politique, cherchant ce que Hollande a pu qualifier de « compromis historique » de soumission des salariés et de la société aux objectifs patronaux. Avec Macron, ce chantier prend une bien plus grande ampleur en visant une destruction sans précédent des acquis sociaux, tout en cherchant à intégrer le plus possible le salariat à ses choix politiques à partir de l’entreprise.

Pour libérer la politique de la dictature du marché, il faut une appropriation sociale effective des entreprises et des banques, et de toutes les institutions qui leur sont liées. De même que nous n’entendons pas déléguer la politique et l’intérêt général au sommet de l’État, nous devons refuser de déléguer la gestion des entreprises, avec la production des richesses, aux capitalistes. La séparation entre l’économie et la politique est au cœur du capitalisme et de ses aliénations. Nous voulons la dépasser.

Il est donc vital de relancer réellement, sans se contenter de promesses de congrès, la vie du parti et le combat organisé si indispensables dans les entreprises et autour d’elles. C’est aussi la condition pour faire progresser une conscience de classe et une unité politique du salariat dans sa diversité, sur l’ensemble des enjeux qui le concerne, dans l’entreprise comme dans la cité.

6.2 Faire vivre les batailles politiques dans les territoires

Sur les territoires aussi, le Parti communiste doit s’investir dans des luttes locales immédiates, tout en cherchant à faire progresser les idées de changement de politique et de société. Ainsi au travers de la défense des différents services publics si nécessaires aux populations, nous pouvons faire percevoir les enjeux nationaux et politiques des décisions locales. À nous d’expliquer qu’elles résultent d’une logique politique : réduire coûte que coûte les dépenses publiques et sociales, tout en épargnant les gâchis capitalistes source des déficits et des dettes publiques, livrer des pans entiers de l’activité humaine au marché et aux profits capitalistes. Nous pouvons à partir de ces luttes locales porter des propositions pour une autre logique que celle du taux de profit.

6.3 Les élu·e·s

L’existence du parti et de son organisation sont essentielles pour faire vivre de telles batailles dans la proximité. Le rôle des élu·e·s est précieux pour les crédibiliser et leur donner de la visibilité, pour accéder à des informations indispensables, pour porter ces combats jusque dans les lieux de pouvoirs institutionnels, dont il faut utiliser tous les leviers d’action tout en en montrant les limites. C’est ensemble, militantes et militants, élues et élus, que nous pouvons créer les rapports de force permettant d’arracher les moyens d’une vie digne pour tout un chacun.

L’enjeu aujourd’hui pour notre parti est de permettre d’avancer vers une démocratie participative et d’intervention, ouvrant ainsi la voie à la construction progressive d’une démocratie autogestionnaire.

6.4 La formation

La formation des militantes et des militants est une demande très forte. Son développement est une nécessité absolue. Elle exige un nouvel effort méthodique et suivi de réorganisation à tous les niveaux de responsabilité à partir des apports du marxisme vivant. Il s’agit non seulement de permettre aux communistes de se les approprier, mais aussi de pouvoir être actrices et acteurs de l’élaboration de nos avancées et propositions.

Partant du rôle fondamental de la lutte de classes dans l’histoire, et du rôle du capital, l’analyse critique de Marx, dépassant le socialisme dit utopique, a posé les bases d’une vision beaucoup plus rigoureuse du socialisme et du communisme. C’est à partir de cette analyse qu’il a montré la nécessité de l’existence de partis communistes et d’une Internationale. Aujourd’hui, ni sclérose dogmatique ni éclectisme confondu avec ouverture, il faut encourager le travail de création théorique en liaison avec les luttes et expériences, avec l’ambition d’une nouvelle hégémonie culturelle sur la gauche et dans la société.

6.5 Travailler à une nouvelle organisation du parti et à son renforcement

Pour tout cela il nous faut analyser lucidement le fonctionnement du parti. Depuis 2012, nous assistons à une dérive présidentialiste dans le parti lui-même, qui dessaisit les instances de direction et les communistes de toute maîtrise réelle sur les décisions engageant l’avenir du parti. La disparition de l’élection du secrétaire national par le CN au bénéfice du congrès a participé de cette présidentialisation.

Il est vital de travailler vraiment à une nouvelle organisation de notre parti et à son renforcement.

Revalorisons le rôle, les moyens et la souveraineté des organisations de proximité (territoires et entreprises). L’abandon des cellules a en effet gravement appauvri la vie démocratique du parti et affaibli son ancrage de terrain. Cela a contribué à réduire les capacités d’action des sections et diminué le nombre de camarades participant aux débats et initiatives. À partir de nos forces existantes et de leur renforcement, nous devons viser une nouvelle efficacité pour l’action, renforcer notre ancrage social mis à mal et rechercher une liaison avec ce qui émerge de neuf dans la société.

Les sections doivent être conçues pour le développement de leur vie politique et la prise de décision d’action, bien au-delà des AG de section.

Les fédérations départementales sont essentielles. Elles doivent permettre l’échange, la prise de décisions, l’action coordonnées sur un même département et l’appui aux sections.

Sans affaiblir le niveau départemental et sans le « coiffer », il est nécessaire de donner au niveau régional un rôle à la hauteur des responsabilités du parti.

Le principe de réseaux, thématiques ou d’entreprise, dans le PCF, a été acté depuis plusieurs années. Beaucoup de communistes y sont investi·e·s. Ne faut-il pas, pour concevoir un développement efficace au regard des objectifs du parti, procéder à une évaluation sous la responsabilité du CN ?

Une restructuration de notre organisation demande un effort tenace et intense. Pour progresser, les maîtres-mots devraient être recensement des expériences et des potentiels, expérimentation de nouvelles manières de faire, évaluation, mutualisation et formation. Et ce à tous les niveaux, de la cellule au conseil national, en passant par les sections et fédérations. La direction nationale doit en assumer un rôle d’impulsion et de suivi dans la durée.

6.6 Renouveler nos directions et leur fonctionnement

Nous avons besoin de directions qui travaillent, construisent collectivement une ligne politique et l’incarnent, dans le parti et dans la société. Nous nous donnons comme objectif de transformer la manière dont nous choisissons nos directions et leur pratique de travail pour :

  • Permettre à des milliers de femmes et d’hommes, notamment issus des milieux populaires, de zones rurales comme de grandes agglomérations, de prendre des responsabilités militantes et électives ;
  • Rendre possible la pleine implication de camarades salarié·e·s dans le travail de direction ;
  • Rendre possible un travail collectif soutenu et efficace, quelles que soient les différences de culture et d’expérience politique ;
  • Articuler le développement du débat démocratique interne à tous les niveaux, la liberté de chaque communiste avec la mise en œuvre des décisions du parti ;
  • Rendre possible une véritable égalité entre les femmes et les hommes dans les directions : non seulement une composition à parité, mais une égale possibilité d’intervention.
    Le congrès précédent avait pris des décisions en ce sens (désignation d’une équipe de porte-paroles, à parité, chargés de faire entendre la voix du PCF dans les médias ; organisation d’un service de garde d’enfants pour toutes les réunions importantes des directions…). Il est incompréhensible qu’elles n’aient jamais été mises en œuvre.

Le conseil national, élu par le congrès, est la seule instance de direction nationale. Il doit pouvoir assumer pleinement cette responsabilité. Le CEN doit servir à préparer ses décisions et en impulser la mise en œuvre en liaison avec l’actualité, et non se substituer à lui. Le CN doit pouvoir décider de ses ordres du jour et faire très régulièrement le bilan de l’application de ses décisions. Il doit être tourné vers la réorganisation et le renforcement du parti.

6.7 Partage d’informations, communication et bataille pour L’Humanité

Les nouvelles technologies sont un outil d’efficacité, d’initiative, de transmission de l’information, de concertation. Il faut se garder d’en faire un moyen de centralisation du pouvoir, travailler à des formations permettant à chaque communiste d’y accéder et combattre ainsi la fracture numérique au sein même de notre parti. Ces moyens technologiques aident au travail militant mais ne remplacent pas les débats nécessaires dans les organisations territoriales et d’entreprises.

CommunisteS devrait devenir un support ouvert de partage d’informations et d’expériences, au lieu d’être seulement conçu comme un bulletin de la direction.

L’Humanité : l’existence du journal de création communiste est menacée. Par-delà les débats de contenu ponctuels et critiques, le journal demeure quotidiennement le vecteur des idées de progrès, des valeurs et des combats communistes dans le pays et dans le monde. Les sorts de L’Humanité et du PCF sont liés. Les communistes financent, vendent, diffusent et promeuvent L’Huma. Ils et elles la lisent quotidiennement. Elle est parfois le poumon du parti. Il faut qu’ils et elles puissent mieux s’en sentir partie prenante. Cela demandera très probablement de trouver les voies de nouveaux liens entre L’Humanité et les communistes, permettant de renforcer les deux, en toute indépendance journalistique.

Le contenu de la communication nationale du parti est très critiqué. En liaison avec des décisions de réorientation politique, nos moyens de communication doivent en particulier être des outils au service de la bataille d’idées précise sur nos propositions et permettre une identification du parti.

** *
Donnons-nous quatre grandes priorités immédiates  :

  • recenser, structurer et développer nos forces dans les entreprises ;
  • faire de notre parti une organisation féministe exemplaire ;
  • redevenir attractif pour la jeunesse et donner, avec les moyens et l’aide nécessaires, dans le respect de leur autonomie, un nouvel élan aux organisations des jeunes et des étudiantes et étudiants communistes ;
  • prendre des initiatives pour contribuer à organiser un réseau international de forces révolutionnaires pour une bataille internationaliste visant une autre mondialisation (paix, économie, climat, migrations …).
    Tout cela représente des transformations importantes de notre parti.

Pour changer cette société, le parti doit permettre l’intervention politique des travailleuses, des travailleurs, comme de toutes celles et de tous ceux qui en sont exclus, dans la proximité comme au plan national et international. Cela demandera un effort acharné. Mais vie politique de proximité, formation et accès aux responsabilités sont indispensables pour, dans un même mouvement, repolitiser, répondre à la crise de la politique et commencer à engager des transformations de portée révolutionnaire.

Nous faisons le choix du communisme

Le monde a besoin de révolution. Il a besoin d’idées communistes, d’un manifeste communiste pour le XXIe siècle. Notre peuple a besoin d’un Parti communiste, riche de l’engagement et de la diversité des hommes et des femmes qui y militent, d’un Parti communiste rassemblé dans l’action pour ce qui est sa raison d’être : dépasser le capitalisme jusqu’à son abolition, jusqu’à la construction d’une nouvelle civilisation libérée de l’exploitation et de toutes les oppressions.

« Un jour pourtant un jour viendra couleur d’orange

Un jour de palme un jour de feuillages au front

Un jour d’épaule nue où les gens s’aimeront

Un jour comme un oiseau sur la plus haute branche »

Aragon

 

 

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« PCF : reconstruire le parti de classe. Priorité au rassemblement dans les luttes »

Ce texte a été proposé par des adhérents du Parti Communiste Français comme base commune alternative en vue du congrès extraordinaire 23 au 26 novembre 2018.

« PCF : reconstruire le parti de classe. Priorité au rassemblement dans les luttes » représente une tendance de type syndicaliste. C’est une opposition qui se veut « orthodoxe », prônant le retour au Parti de George Marchais, qu’il désigne comme la dernière vraie figure du PCF.

Sa principale figure est Emmanuel Dang Tran, qui dresse un bilan très critique de la direction actuelle, proposant de « faire vivre le PCF avec, sans ou contre la direction ».

On peut résumer cette tendance par quatre points :

  1. une ligne « économiste » qui ne s’intéresse pas aux questions culturelles ;
  2. une ligne largement opposée à la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon ;
  3. contre faire de l’Union Européenne et des migrants des thèmes principaux ;
  4. contre l’association à un mouvement général de gauche et à la reconstruction de la sociale-démocratie.

PCF

« Le PCF a besoin d’un congrès vraiment extraordinaire : celui de la rupture avec 25 ans de stratégie de « mutation-effacement-liquidation ». La direction du Parti s’applique à ce que ce ne soit pas le 38ème, qui n’a d’extraordinaire que le nom et qu’elle entend boucler comme d’habitude. Les élections législatives de 2017 ont pourtant mis en évidence les résultats catastrophiques de cette stratégie, peut-être pas pour les tenants de l’institution, mais gravement pour les communistes sincères, le monde du travail, son avant-garde, ceux qui sont à la recherche de l’outil politique pour résister à l’intensification de l’attaque capitaliste dans la lutte des classes.

A l’exigence renforcée d’un congrès extraordinaire, nous, militants, responsables d’organisations locales du PCF, nous répondons par un texte alternatif d’une autre forme que précédemment. Nous proposons une motion d’actualité, de circonstance. Elle constitue d’abord une motion de censure pour exprimer le rejet des choix de la direction et montrer que le PCF ne se réduit pas à elles. Elle est aussi un appel à s’organiser plus largement pour se réapproprier le Parti par la base, en le faisant vivre, sur les rails de la lutte des classe, avec, sans ou malgré ses directions.

Il y a deux ans, pour le 37ème congrès, nous avons produit le texte « Reconstruire le parti de classe, donner la priorité au rassemblement dans les luttes ». Il continue à porter largement les analyses de la situation politique générale, suivant nos fondamentaux théoriques. Nous posons quelques points d’actualisation – Macron/Trump/UE/Syrie… – dans la motion pour le 38ème congrès, sans reprendre toutes les questions. Elle en reprend le titre, résumé de notre démarche.

Rompre avec le réformisme mortifère, renouer avec des positions communistes

Le résultat des législatives, 613.000 voix, et encore en comptant les candidats soutenus par d’autres partis, est le plus mauvais de toute l’histoire du PCF. Avec 1,23% des inscrits, on frôle l’insignifiance. Nous ne considérons pas que la cause profonde de ce désastre soit un accident de l’histoire ou une erreur tactique, ou encore le grand méchant Mélenchon. C’est le reflet de la stratégie d’effacement du Parti, de ses positions et son organisation, à la date actuelle. Les 613.000 voix de 2017 sont à situer dans une série, suivant les 960.000 de Hue en 2002 et les 707.000 de Buffet aux présidentielles de 2002 et 2007, élections réputées plus difficiles. Petit rappel : nos candidats avaient obtenu 5.793.000 suffrages aux législatives de 1978.

La seule chose que n’avait sans doute pas envisagée la direction en 2016/2017, c’est d’avoir à présenter, seule, des candidats étiquetés PCF. 450 ont été envoyés au casse-pipe pour que quelques-uns, aux prix de négociations humiliantes, soient possiblement élus. Les promoteurs de la Mutation au congrès de Martigues en 2000 posaient le primat de la présence dans les institutions sur l’action dans les luttes. En 2017, ils sont exaucés ! Malgré la perte d’influence sans précédent, le PCF gagne 4 députés. Déjà, à Paris, en 2014, grâce à l’accord octroyé par la municipalité social-libérale Delanoë-Hidalgo, les élus PCF ont 4 fois plus de places que ne leur en aurait données la proportionnelle intégrale… Rappelons combien cet accord a lourdement plombé les candidats communistes ailleurs.

En juin 2017, le contraste était béant. Quand les communistes sincères étaient accablés par le résultat électoral, la direction poussait un ouf de soulagement, puisque le groupe parlementaire, donc l’institution, était préservé. Ensuite, le choix de temporiser, le refus de réagir, même symboliquement, à la hauteur du nouveau désaveu ont donné aux communistes et à ceux qui s’intéressent au PCF un signal désastreux. Chez les camarades – et nous le mesurons à cette phase du congrès – cela va de la colère à la résignation, en passant par l’éloignement en douceur, le découragement et le dégoût. Dans le monde du travail, dans les syndicats, chez les sympathisants, dans la population l’indifférence gagne, au point que chez certains plus jeunes, le sigle PCF ne soit même plus toujours identifié.

Depuis un an, la direction du Parti a poursuivi comme si de rien n’était, ajoutant à la consternation de ceux qui attendent encore une position de lutte du PCF. Aux adhérents, on a proposé un questionnaire/sondage bidon, en s’appuyant, comme nous l’avons dénoncé, sur un logiciel de fichage et de marketing politiques acheté à la société américaine « Nation Builder ». Sur l’UE, la direction du PCF a organisé un forum à Marseille en novembre 2017, pour le compte du Parti de la Gauche européenne. Sous l’égide d’une vidéo de Tsipras, les dirigeants du PCF et du PGE, en vue des élections européennes, ont illustré leur ligne réformiste de « réorientation » du l’UE du capital et ses institutions. Nous demandons, plus que jamais, la sortie du PCF du PGE, outil d’intégration des partis progressistes à l’UE du capital.

Plutôt que songer à relever le Parti, la direction a repris immédiatement sa recherche d’intégration dans une recomposition politique à gauche. La phase de décomposition-recomposition de la social-démocratie, après les élections de 2017, offre de nouveaux partenaires possibles, moins directement plombés par le bilan de Hollande : le Rocardien Hamon, ministre pendant la réforme ferroviaire de 2014, Maastrichien convaincu ou les rescapés d’EELV, le parti cofondé par Cohn-Bendit. Dans ce contexte, la direction du PCF espère sortir du tête-à-tête avec Mélenchon, les présidentielles passées. Le caractère hétéroclite et la concurrence entre dirigeants de la « France insoumise » (FI) offre aussi d’autres interlocuteurs potentiels. Dans cet esprit, la direction a pris l’initiative d’un meeting, raté, le 30 avril 2018 (Hamon se décommandant au dernier moment). Surtout, elle a officiellement lancé une offre de rassemblement de toutes les forces de « gauche », qui se disent anti-Macron, pour les élections européennes (qu’elles soient pro- ou anti-maastrichiennes).

Dire stop aux combinaisons politiciennes qui accélèrent notre effacement

Pour nous, la question n’est pas de refuser systématiquement des alliances politiques. Mais elles dépendent de l’objectif et leur recherche ne peut être un préalable. Ce qui est un préalable, pour pouvoir s’allier, c’est exister soi-même ! Et le rassemblement prioritaire auquel doit viser un parti communiste, c’est le rassemblement dans la lutte des classes.

Face à la politique au service du Capital, encore accélérée, par Macron, l’orientation maintenue du PCF l’a rendu incapable de contribuer efficacement à la convergence des luttes. La direction s’est inscrite dans les manifestations des samedis 21 septembre 2017 et 5 mai 2018, malgré les réticences de la CGT. Avec les leaders de gauche, en concurrence pour prendre le leadership de l’opposition, ces manifestations politiciennes « pot-au-feu » ont court-circuité l’objet essentiel des convergences de luttes (et de grève). Le samedi 26 mai 2018, la manifestation à laquelle la CGT a appelé à participer, dans des conditions précises, a montré qu’une juxtaposition de luttes diverses ne faisait pas la convergence, notamment autour des cheminots, tandis que les récupérations politiciennes évidentes ont démobilisé. La direction du PCF fait, dans son texte de congrès, un symbole de sa perspective d’union de cette modeste marée.

Agir dans les luttes pour des ruptures immédiates

La lutte des cheminots est appelée à se poursuivre, sans doute sous d’autres formes. Elle était et reste porteuse de très larges convergences : services publics, statuts du travail, retraites. La ligne de la direction du PCF, après le refus de s’opposer frontalement à la réforme ferroviaire de 2014, sans revenir à la collaboration de Gayssot dans le gouvernement de « gauche plurielle », est inapte à construire ces convergences, malgré l’élan de solidarité des communistes vers les grévistes. Aucune initiative nationale, de type pétition ou « votation », n’était envisageable en dehors d’une unité – impossible – de la gauche (hors PS) : voir la réunion du 10 avril « unitaire des partis de gauche et écologique », dont un bon nombre ont soutenu la « réforme ferroviaire » de 2014. Pour la direction du PCF, il n’est pas question non plus de remettre, nationalement, en cause le cadre européen (malgré l’opposition de classe massive à l’UE et, là, sur un sujet économique et social fondamental !). Du coup, sur le fond, elle s’est limitée à évoquer des « dérogations » possibles, notamment dans les régions, aux directives de mise en concurrence. Elle a sorti une pétition aussi peu lisible et mobilisatrice que fausse et abracadabrantesque pour « faire pression sur le BCE pour une réorientation de sa politique de Quantitative Easing en vue de la création d’un fonds européen pour les services publics, notamment le ferroviaire, qui pourrait reprendre la dette de la SNCF ». Le salut par l’UE et la planche à billets ? Alors même, de surcroît, que la question, importante, de la dette n’est pas dans le projet de loi (le gouvernement, ayant gagné sur la concurrence et la transformation en sociétés anonymes, est prêt à la reprendre).

Dans sa logique, la direction a rejeté notre proposition de pétition pour le maintien du monopole public SNCF sur les trains de voyageurs, le retour au monopole pour le fret, la réunification dans un seul établissement public de la SNCF, contre la transformation en sociétés anonymes et pour la défense du statut et des conditions sociales des cheminots. Nous avons dû la déployer à partir de nos organisations de base du Parti. Quel gâchis !

Le vrai congrès extraordinaire sera celui de la rupture avec 25 ans de stratégie de « mutation-liquidation ».

A défaut d’être « extraordinaire », le 38ème congrès s’annonce-t-il donc exactement comme les précédents ? Non pas tout à fait. Pour deux raisons. Devant la violence du désaveu électoral, la direction a pris, d’abord, la précaution d’avancer de 6 mois la tenue du congrès normal pour éviter que les communistes se prononcent, au bon moment, en connaissance, sur les candidatures et les ralliements aux élections européennes. Ensuite, les clans dirigeants se divisent sur deux textes, celui adopté par le Conseil national du 3 juin 2017 et celui, alternatif, porté par les « économistes », des ex-huistes, des personnalités comme André Chassaigne et André Gerin, des « identitaires », ralliés par différents groupes trotskystes. Nous dénommerons par la suite ce texte « texte direction-bis » puisqu’il reprend globalement les thèses les plus réformistes, celles des économistes, l’acceptation de l’UE du capital et du PGE, les théories révisionnistes de la « visée communiste » et du « dépassement du capitalisme », inventées sous Hue pour renoncer au socialisme et à la rupture avec le capitalisme. Dans un contexte de lutte des places, illustrée par la scandaleuse tribune de jeunes dirigeants dans la presse bourgeoise pour réclamer des places correspondant à leurs ambitions (le PCF parti comme les autres !), le texte « direction-bis » vise avant tout à faire porter le chapeau de l’échec à Pierre Laurent, son équipe rapprochée et aux choix tactiques qu’ils ont assumés en 2016 et 2017 (dont les « primaires » pourtant défendues par des tenant du texte-bis).

Divisée, la direction du PCF continue à faire l’impasse sur le bilan de 25 ans d’abandons et de reniements des fondements du Parti.

Mais, les deux clans dirigeants s’entendent notamment sur l’entourloupe principale de la préparation du congrès. Toute la préparation des élections européennes est décidée en dehors de l’expression des communistes, c’est-à-dire du vote sur les différentes motions le 6 octobre. La ligne, dans l’axe du PGE, élaborée pour les européennes a été actée par le Conseil national du 31 mars 2018. Un « chef de file » des candidats a été désigné hors de toute procédure statutaire. Il s’agit d’un des « trentenaires » ayant affiché sa disponibilité à ses ambitions. Ian Brossat, symbole de l’alignement sur le social-libéralisme à Paris, se trouve érigé de fait porte-parole du Parti. Le tour de passe-passe consiste à faire croire aux adhérents qu’il y aura une présence communiste autonome aux élections européennes. Après le 6 octobre, même après le congrès lui-même, tous les arrangements à « gauche » seront possibles, indépendamment de l’avis des communistes.

Dans le contexte nouveau, après le résultat des présidentielles, et les nouvelles perspectives de recomposition à gauche, on retrouve le plan B de la consultation de fin 2016 sur les présidentielles, tronquée et non statutaire déjà, sans appel à candidature et dans le refus d’une candidature communiste sur un programme communiste. Le plan A, porté par Pierre Laurent, posait le soutien à Mélenchon. Le plan B, porté notamment par André Chassaigne, proposait d’attendre, de porter une candidature virtuelle, « rétractable », jusqu’au résultat des primaires du PS. Le plan B préférait s’assurer de miser sur le bon cheval, préférait un candidat issu du PS et souhaitait donner une visibilité, même factice, au PCF dans la période. Le plan A a prévalu car il commençait à être clair dans les sondages que Mélenchon, déjà lancé, devancerait Montebourg ou Hamon, que peu voyaient encore en piste.

Il n’a jamais été sérieusement question de présenter un candidat communiste aux présidentielles. Les sondages culminaient à 1 ou 2% comme aujourd’hui, lorsqu’une liste PCF aux européennes est sondée. Comment pourrait-il en être autrement après un tel effacement des positions communistes et le choix de le poursuivre, notamment en étant « eurocompatible » ? Aux européennes, le seuil pour obtenir des sièges, désormais sur une liste nationale est de 5%. Les élections auront lieu en juin 2019, la constitution des listes en mars. Bien après la consultation biaisée des adhérents, les directions pourront combiner et choisir le « bon cheval » ou le moins mauvais pour conserver quelques sièges.

Unis dans cette opération politicienne (meeting Laurent-Chassaigne-Brossat du 2 juillet), les textes du Conseil national et de la « direction-bis » diffèrent très peu – appel au bilan biaisé et partiel, autocritique superficielle, thèmes de diversion, socle idéologique réformiste, sauf dans la charge dirigée par le texte-bis sur le secrétaire national et sa gestion récente. Les deux tendances de la direction se rejoignent désormais aussi dans la condamnation, l’épisode présidentiel passé, du « populisme » de Mélenchon. Dire que lorsque nous avions démasqué le Mitterrandien et Maastrichien Mélenchon, dès 2008, on nous avait qualifiés de calomniateurs…

Un troisième texte, issu d’un autre groupe dirigeant, dont les « refondateurs » et certains idéologues de la Mutation, affiche son attirance pour la FI et sa volonté d’un dépassement de la forme parti en général et d’une disparition maîtrisée du PCF en particulier. Dans leur clarté, ces poissons-pilotes de la liquidation devraient avoir l’honnêteté de quitter le PCF et de laisser ceux qui veulent le continuer.

La FI « populiste », le contraire du parti de classe

Si ce n’avait pas été Mélenchon et la FI, d’autres auraient « plumé la volaille communiste », tant notre Parti est désarmé. Dans notre texte du 37ème congrès, nous avons longuement analysé, de façon très critique, la forme d’organisation prônée par Mélenchon et le Parti de Gauche. La critique est à affiner et à approfondir avec la FI et son succès relatif uniquement ou presque électoral, en partie (seulement) dans la classe laborieuse. Electoralisme, méthodes lobbyistes, fond politique social-démocrate et keynésien (aides ciblées au capitalisme) : les formules, à comparer à celles de Podemos en Espagne, de Syriza en Grèce, ou de « Cinque Stelle » en Italie sont les plus éloignées de notre conception du parti de classe en lien avec les luttes. Dans son ensemble très hétéroclite, qui semble lié par l’opportunisme, le populisme propre de Mélenchon nous est inacceptable quand il rejoint le chauvinisme, fait le lit du populisme de droite et confine à la xénophobie, quand il dénonce « les travailleurs détachés qui mangent le pain des Français » ou conspue les retraités allemands qui saigneraient les peuples du sud. Il n’y a aucun avenir pour des communistes dans la FI !

Le concept historique de « gauche » est mis en question, notamment par certains de la FI qui, comme l’ex-FN (dans les limites du parallèle), se disent ni de droite, ni de gauche. Pour nous le repère historique de « gauche » continue d’exister dans le pays comme ferment progressiste, même si la « gauche institutionnelle » est complètement discréditée et discrédite la notion « gauche », ce qui est grave. Pour autant, Parti communiste, nous nous adressons en priorité, bien sûr d’un point de vue de « gauche » anticapitaliste, aux travailleurs suivant leurs intérêts de classe objectifs, avant leur identification politique.

La lutte des classes traverse aussi le PCF

Notre texte-motion alternative a pour objectif de permettre de sanctionner ces choix des groupes dirigeants du PCF, mais pas seulement. Nous sommes conscients d’à quel point sont consternants, décourageants, pénibles les démêlages des stratégies et calculs politiciens. Nous devons nous faire à l’idée que la lutte des classes traverse, depuis longtemps maintenant, les organisations révolutionnaires historiques de notre pays, dont le PCF. Le PCF, son histoire, son existence, l’existence d’un parti communiste indépendant, entièrement tourné vers l’intérêt des travailleurs dans la lutte des classes, sont devenues des questions de lutte en soi.

La contradiction fondamentale est la même depuis plus de 25 ans et la victoire de la contre-révolution à l’est (ceci constaté indépendamment de nos critiques). L’anticommunisme s’est trouvé considérablement renforcé au point que l’idéologie dominante espère aujourd’hui renvoyer aux oubliettes de l’histoire le seul mouvement politique qui a mis en échec le capitalisme sur une partie du monde.

L’existence et le rayonnement des partis communistes est un enjeu de la lutte des classes.

Les partis communistes ont tous subi la déflagration. Ils ont réagi en fonction du niveau de leur intégration dans la démocratie bourgeoise et de leur ancrage dans la lutte des classes. Après souvent des luttes internes douloureuses, des partis sont clairement restés communistes : le KKE en Grèce, le PCP au Portugal, les « petits » partis luxembourgeois ou allemand, le PC du Venezuela, etc. D’autres appareils dirigeants ont fait aussitôt leur « coming out » socio-démocrates, en Suède, dans la plupart des pays de l’Est, et surtout en Italie allant jusqu’à se convertir en parti démocrate à l’américaine. L’étude comparée de ces situations est un point très important de notre démarche.

En France, les nouvelles directions successives se sont retrouvées devant une contradiction qu’elles n’ont pas encore surmontée. La préservation des fortes positions institutionnelles, héritées de l’Union de la gauche, a largement prévalu et, pour cela, elles ont courbé l’échine devant l’idéologie dominante. Les reniements en série au moment de la « gauche plurielle » en ont été le révélateur. Mais elles n’ont jamais réussi à changer le nom du Parti. C’était exclu au congrès de 1991. La tentative a avorté avant le congrès de 2000. La tentative, même, d’autodissolution après juin 2007 a été retirée. Notre appel d’alors « Pas d’avenir sans PCF » y a beaucoup contribué.

Elles se sont heurtées à la résistance des adhérents, même après le sabordage des organisations de base, les cellules. Le PCF a perdu de l’ordre de 90% de ses adhérents de 1995 en nombre, et encore davantage en militants. Elles sont heurtées au fait historique PCF, à ce que le Parti des grandes conquêtes sociales et de la Résistance, notamment, continue à représenter dans l’inconscient intellectuel du pays. L’appareil dirigeant a compris qu’il perdait tout s’il cessait d’être le dépositaire, ingrat, de ce glorieux héritage.

Une solution s’est alors imposée : rester gardiens du PCF, mais l’effacer dans un ensemble, dans une recomposition politique à « gauche ». Plusieurs scénarios ont été et sont toujours, plus que jamais, envisagées, concurrents ou complémentaires, impliquant tous l’effacement du PCF : gauche plurielle avec tout le PS, maintenant avec une partie ou les ex-PS et EELV, « maison commune de la gauche », « collectifs antilibéraux », « front de gauche » etc. La liste « Bouge l’Europe » en 1999 avait déjà donné un avant-gout caricatural de cette stratégie.

Après l’échec de la candidature unique des « collectifs anti-libéraux » en 2006, la direction est allée chercher Mélenchon pour créer avec lui, en 2008, en parallèle du 28ème congrès, et en doublant les communistes (encore une fois), le « Front de gauche ». La suite de l’histoire est rappelée plus haut.

« Nous ferons vivre le PCF, avec, sans ou contre sa direction »

Nous sommes lucides sur les effets de tant d’années de reniements. Le Parti est en déliquescence. Sa vie a disparu de la plupart des localités, presque complètement des entreprises. Elle se limite à la préparation des élections dans d’autres, à des élus, souvent (pas toujours) coupés de base.

Les directions successives portent, de façon absolument incontestable, la responsabilité de la destruction du Parti. Nous ne nous sommes jamais fait l’illusion de « remettre sur les rails de la lutte des classes » ces directions. Leur survivance institutionnelle implique de lui tourner le dos, de « transformations en transformations ». Le slogan de ce congrès « révolutionner le Parti », et non le système, révèle la perspective de tourner en rond et de s’enfoncer.

Tout observateur peut vérifier ce processus. Nous ne le contrerons pas en faisant des choix illusoires du moindre mal, de congrès « de la dernière chance » en congrès de la « dernière chance ». L’expérience est déjà faite, s’ajoutant à l’analyse.

Face au capital, aujourd’hui plus que jamais, notre peuple a besoin du PCF !

Nous voulons maintenir un parti communiste en France, issu du marxisme et du léninisme, de l’organisation du mouvement ouvrier français qu’ils ont fécondée depuis 1920. Pour cela, nous ne lâchons pas et ne lâcherons pas la bataille du PCF, de ce qu’il représente d’historiquement irremplaçable, dans la population, dans la classe ouvrière, dans le mouvement syndical d’origine révolutionnaire. La bataille pour la légitimité de ce que représente le PCF doit aller jusqu’au bout.

Nous appelons, à nouveau, les communistes, qui ont quitté le PCF ou, cas le plus fréquent, en ont été écartés mécaniquement, faute de fonctionnement, à se réapproprier le Parti, cellule par cellule, section par section. Nous entendons et affirmons vouloir, mieux que précédemment, appuyer ce processus, en partant de la base, avec une visibilité nationale. Les communistes et ceux qui n’aspirent qu’à le devenir sont plus forts que les directions gestionnaires de la faillite.

Relancer partout l’action communiste

La démarche que nous mettons en avant est loin d’être uniquement critique, c’est avant tout une démarche constructive, une démarche de RECONSTRUCTION du PCF à partir des luttes. Notre démarche reste une coordination respectant la situation de chaque organisation du PCF et militant. Nous revendiquons d’être identifiés nationalement comme « RECONSTRUCTEURS » dans le PCF (maintenant qu’une expérience complètement différente portant ce nom est tombée dans l’oubli).

C’est dans ce sens que nous avons abordé, depuis nos organisations locales du PCF et leur coordination, les batailles essentielles contre la politique au service du capital de Hollande, puis de Macron, depuis le dernier congrès. C’est dans ce sens que nous envisageons la suite des grandes batailles en cours et qu’annonce le pouvoir.

Nous nous reconnaissons dans la formule que prononça le grand résistant communiste André Tollet lors d’une conférence de presse, en 1999, de camarades décidés, déjà, à combattre la ligne de mutation-liquidation du Parti. Certains d’entre nous y participaient. « Nous ferons vivre le PCF, avec, sans ou contre (malgré) sa direction ». Pour nous, ce n’est pas qu’une formule. C’est une pratique essentielle. Le cas général, en partant des priorités de la lutte, ce n’est ni « avec », ni « contre » mais « sans ». Les directions du Parti ont abandonné le terrain de classe, l’animation du Parti de classe et de masse. Leurs transformations en ont fait un parti de postures, replié sur les enjeux électoraux et institutionnels. Nous l’avons analysé comme un choix politique méthodique de dévitalisation, des années 1990 à aujourd’hui (« révolutionner le Parti » !). Pour autant rarement, sauf sur l’UE, la direction n’est en état de désavouer officiellement les positions « naturelles » des communistes, celles que les travailleurs attendent d’eux. Elle ne les défend plus. Elle les substitue par un galimatias réformiste, notamment produit par les « économistes ». Elle les contredit par ses pratiques dans ses compromis et compromissions dans les organes exécutifs, gouvernement de « gauche plurielle », régions, etc. Mais elle se trouve rarement en état de s’opposer ouvertement à ces positions. A nous de les tenir, dans cette contradiction, pour faire vivre l’organisation communiste, pour rester fidèles à notre engagement.

Développer un programme communiste dans une perspective de rupture avec le capitalisme: le socialisme

Notre priorité est l’orientation du Parti. Nous utilisons tous les moyens d’expression, sites internet, échanges de matériels de propagande, appels nationaux pour aller dans cet objectif. Pour l’essentiel, nous continuons à affirmer et mettre en débat les analyses de notre texte du 37ème congrès, annexé à celui-ci.

Notre campagne récente, avec la pétition nationale pour le maintien du monopole public SNCF, contre la transformation en sociétés anonymes et la casse, avec celle du statut, des conditions de travail des cheminots en est l’illustration.

De même, nous impulsons une large campagne rassembleuse, par toujours partant de nos préoccupations prioritaires, mais ne s’y opposant pas, contre le « prélèvement à la source », la hausse de la CSG, la perspective de fusion de l’impôt sur le revenu avec la CSG.

C’est une bataille capitale, de l’ordre de celle que le PCF, seul, en 1990 a mené contre le gouvernement Rocard, mais aujourd’hui dans un cadre aggravé de remise en cause du financement de la sécurité sociale par la solidarité et la cotisation sociale.

Plus que jamais, la défense de la production répondant aux besoins, dans le cadre social national, est notre revendication. Le cas d’Alstom, filière énergie, comme filière ferroviaire a soulevé les possibilités de mobilisations populaires. La nationalisation, en régime capitaliste, n’est pas toujours le remède, si elle n’est que la nationalisation des pertes. Dans une possibilité d’élévation du rapport de force dans le pays, suivant les exemples de 1936 et 1945, elles restent une solution que le Parti soit défendre.

Nous renvoyons les camarades vers notre texte précédent pour les grandes campagnes de luttes en cours.

Le capitalisme n’a plus besoin de la démocratie bourgeoise ?

L’avènement de Macron, suite à une manipulation de l’idéologie dominante a permis, momentanément, au système de contourner la crise de la démocratie bourgeoise, de l’alternance gauche institutionnelle/droite menant la même politique. Nous avons analysé l’effondrement de la social-démocratie comme le résultat de la dégradation du rapport de classe mondial et national et de la disparition ou de l’effacement des partis communistes. Macron concentre le ventre mou de ceux qui pensent qu’ils ont le moins intérêt à ce que les choses changent. Est-ce durable ? C’est douteux.

Le risque figuré par les exemples voisins est celui d’une alliance électorale, dans un contexte général de dépolitisation, à droite, notamment sur les questions, mises en avant de migration. Notre riposte, plus que jamais, implique, au plan national et internationaliste, la recherche de la concordance sur la base de l’intérêt de classe de chacun. A la fois contre les guerres impérialistes, les exploitations, et contre la mise en concurrence des travailleurs.

Le capitalisme mondialisé, c’est la guerre

La montée des tensions inter-impérialistes mondiales fait monter les risques d’affrontements voire de guerre. Communistes, nous devons mesurer ce que représente l’élection de Trump comme président des Etats-Unis et la lutte politique interne, inédite, qui a traversé le capitalisme américain entre Hillary Clinton et Trump. Elle se poursuit. La puissance capitaliste, encore dominante, est traversée par une contradiction interne qu’il nous faut mesurer, entre option nationaliste et option « cosmopolite ».

Notre parti doit reprendre son combat contre l’impérialisme et pour la paix

Notre campagne pour la paix, historiquement contre notre propre impérialisme, pour le désarmement unilatéral de la France, nucléaire et non-nucléaire, pour la sortie de l’OTAN et des politiques de défense européennes est notre priorité. Quel sens peut avoir la perspective d’un monde multipolaire ? Hier, le bloc socialiste, divergent sur le fond du bloc capitaliste, pouvait représenter un équilibrage. Aujourd’hui, suivant notre interprétation du développement capitaliste chinois, nous risquons d’être exposés à une montée des blocs impérialistes, et de leurs alliances conflictuelles, comme avant 1914.

Notre conception du socialisme charpente nos luttes

D’ici le prochain congrès, nous célébrerons le 100ème anniversaire du congrès de Tours et de la fondation de notre parti. Ces derniers mois ont vu les commémorations, malheureusement modestes, du centenaire de la Révolution d’Octobre et du bicentenaire de la naissance de Karl Marx auxquels nous avons cherché à donner le plus d’échos possible.

Nous n’oublions pas que le PCF que nous voulons continuer est issu d’une triple origine : premièrement, l’organisation et l’expérience nationales du mouvement ouvrier, notamment certaines étapes de la Révolution française, la Commune de Paris, après 1920, les grandes conquêtes sociales, la Résistance, les combats anticoloniaux, deuxièmement les théories de Marx et d’Engels ET, troisièmement, la conception léniniste du Parti. Le marxisme et le léninisme ont fécondé le mouvement ouvrier français et abouti, dans le cadre de la lutte des classes mondiale, à l’organisation ouvrière anticapitaliste la plus efficace, dans notre pays, dans l’intérêt des travailleurs et de la population.

Nous avons pu, en pleine lutte cheminote, envoyer des délégations à Trèves pour la manifestation du Parti communiste allemand, le 5 mai 2018, jour de l’anniversaire de Marx. Le raccourci d’expérience fut saisissant. Quelques fanatiques divers de l’anticommunisme associaient Marx à des crimes contre l’Humanité. Mais l’idéologie dominante, notamment par la voix du Président de la Commission européenne, Junker, ou par les dirigeants allemands, pas seulement socio-démocrates, n’ont pas hésité à commémorer Marx, pour mieux le renvoyer vers un passé révolu, un musée de la philosophie. Pour sa part, le pouvoir chinois a célébré en grandes pompes l’anniversaire. Un résumé caricatural peut en être : les enseignements du marxisme nous ont montré comment le capitalisme permettait de hausser les moyens de production, de s’enrichir – nous avons déjà gagné le socialisme – nous utilisons, momentanément, le capitalisme. L’expérience chinoise, dans laquelle nous ne pouvons pas nous reconnaître, appelle toute notre attention, sur ce plan théorique aussi.

L’actualité des théories de la plus-value, de la baisse tendancielle du taux de profit, de la crise capitaliste, de la lutte des classes comme moteur de l’histoire, que nous devons à Marx et Engels, est pour nous évidente. Nous affirmons que, plus que jamais, elles doivent faire l’objet d’une diffusion et d’une étude de masse.

Plus que jamais, l’exigence de rupture avec le capitalisme !

En juin 2008, Marie-George Buffet affirmait à propos du Congrès de Tours : « Nous sommes au 21ème siècle, le monde a changé, les modèles se sont écroulés. Aussi, dans cette belle ville de Tours, si nous ne retenions de son célèbre congrès qu’une seule chose : le formidable espoir, cette énorme volonté politique de la part de nos camarades de construire une société meilleure. » En novembre 2017, Pierre Laurent déclare : « Le communisme, pour nous, c’est précisément le mouvement continu de cette émancipation humaine contre toutes les dominations, toutes les aliénations. C’est un mouvement continu de conquête démocratique… »

Comment peut-on être révolutionnaire sans envisager de rupture ? Comment peut-on conquérir des progrès immédiats pour les travailleurs et le peuple sans, dans le cadre de la lutte des classes, porter des ruptures, une perspective de rupture avec le capitalisme ? C’est impossible.

Pour nous cette rupture porte toujours le nom de socialisme. Et sa conquête a besoin d’un outil politique: le Parti communiste.

La différence entre réformisme et révolution est toujours fondamentale.

En 1920, nos glorieux aînés faisaient le choix, longuement débattu, d’adopter les 21 conditions de l’adhésion à l’Internationale communistes. Certaines sont devenues obsolètes. Mair remettre, encore et toujours, en débat, celles qui sont essentielles et d’actualité est notre préoccupation première de communistes, au 21ème siècle.

Nous mettrons toute notre énergie à une célébration du 100ème anniversaire du PCF, en décembre 2020, qui réaffirme toute l’actualité de son organisation révolutionnaire.

« L’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’a été que l’histoire de la lutte des classes » Karl Marx – Manifeste du Parti communiste »