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CGT : Philippe Martinez a tort d’assimiler les migrants aux ouvriers

En publiant une tribune dans le quotidien Le Monde, le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez s’adresse à la bourgeoisie « de gauche » et lui apporte son soutien quant à l’utilisation des migrants comme thème électoral.

Philippe Martinez CGT

Le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez a publié une tribune dans Le Monde. Mais les ouvriers ne lisent pas Le Monde. Et sur internet, l’article est en accès payant. Est-ce normal ? Absolument pas, et cela d’autant plus qu’il parle au nom de la CGT elle-même :

« La CGT, présente au cœur des entreprises et des services, forte de son expérience en faveur des travailleurs migrants, tient à rétablir un certain nombre de vérités. »

Mais c’est qu’il ne s’adresse pas aux ouvriers, seulement aux bourgeois « de gauche ». Et il leur parle d’immigration justement, avec un discours très similaire au « manifeste pour l’accueil des migrants », publié parallèlement par Politis, Regards et Mediapart.

Selon lui, pareillement, les migrations sont incontournables :

« Le fait migratoire est un phénomène incontournable, stable et continu dans l’histoire de l’humanité. Prétendre que l’on peut stopper ou maîtriser les mouvements migratoires est un leurre politicien et une posture idéologique. Les plus hauts murs n’empêcheront jamais des personnes de fuir, au péril de leur vie, la guerre, la misère économique ou les persécutions. »

Il est sans nul doute très grave qu’un dirigeant syndical mette en avant le thème des migrants dans une optique électoraliste, avec les élections européennes en ligne de mire… Il agit ici de manière bien nette en faveur de la Gauche post-industrielle, post-moderne qui a besoin de « nouveaux sujets » à défendre… Du moment qu’il ne s’agit pas des ouvriers.

On retrouve d’ailleurs, dans le même mensonge que le « manifeste pour l’accueil des migrants », l’assimilation par Philippe Martinez des concepts de migrants à ceux de réfugiés, ce qui est honteux.

Lire également : Le « Manifeste pour l’accueil des migrants » : antipopulaire par excellence

Cela aboutit inévitablement à un populisme tout à fait erroné, qui fournit des armes à l’extrême-droite dans les rangs ouvriers. Car le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez assimile les migrants à des ouvriers.

« Nous ne faisons pas face à une invasion de migrants et notre pays doit accueillir humainement et dignement ceux qui fuient leurs pays. Cela se nomme la fraternité.

Ces salariés font partie intégrante de la classe ouvrière ! »

Or, c’est totalement erroné, car même en admettant que des migrants aillent à l’usine – ce qui ne sera que rarement le cas – cela n’en ferait pas des ouvriers pour autant : formellement, ce serait le cas, mais leur existence serait tout de même coupée encore de la classe ouvrière, de ses traditions. C’est d’ailleurs là l’intérêt de l’immigration pour le patronat.

Ce qui est d’ailleurs valable ici pour les migrants l’est pour toute personne ayant une origine non ouvrière et basculant dans la classe ouvrière : il faut du temps pour prendre ses marques, ses repères, absorber les valeurs ouvrières. D’où les perpétuelles restructurations organisées par le capitalisme pour empêcher la reconnaissance entre ouvriers, l’émergence d’une pensée commune, l’organisation commune.

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D’où l’immigration, non seulement dans les usines, mais en général, et notamment dans les quartiers populaires. Il en va d’une main d’œuvre bon marché, mais également avec un faible niveau de conscience politique, une coupure avec les réalités du pays. Il faut alors de nombreuses années, voire une vie afin qu’une connexion se fasse.

Cela, la Gauche l’a toujours su… quand elle avait des idéaux, ou plus exactement un idéal : l’instauration du socialisme ! Philippe Martinez est coupé de cette tradition. Mais qu’attendre d’un chef syndical, dans un pays où tous les syndicats se revendiquent de la charte d’Amiens de 1906 qui rejette tout débat politique, réduisant les syndicats à des organes traitant les choses sans envergure, simplement localement, ou par branches, divisant la classe ouvrière et le peuple ?

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Le « Manifeste pour l’accueil des migrants » : antipopulaire par excellence

Les médias de la gauche postindustrielle Politis, Regards et Mediapart ont publié un « manifeste » en faveur de « l’accueil des migrants », signé par 150 figures de la bourgeoisie intellectuelle. Assimilant de manière outrancière migrants et réfugiés, dénonçant comme facho qui propose tout type de régulation, le manifeste exige qu’on accepte totalement un phénomène migratoire considéré comme inéluctable et massif à l’avenir.

Pour juger d’une chose, il faut voir de qui elle vient. Le « Manifeste pour l’accueil des migrants » a comme source des philosophes, des écrivains, des professeurs de grandes écoles, des comédiens, des avocats, des éditeurs, des historiens, des sociologues, des présidents d’associations… Cela veut tout dire.

Face aux phénomènes modernes, la gauche postindustrielle, postmoderne, n’a qu’une seule thèse : accompagner. La PMA, la GPA ? Incontournable, il faut accompagner. Le cannabis ? On n’y peut rien, accompagnons. Les migrations ? Il faut accepter et accompagner… C’est la négation de toute utopie, de toute planification, de toute régulation et surtout de toute autorité de gauche, au profit d’un vrai libéralisme sur le plan de la culture, des mœurs, des normes, des principes.

Le « Manifeste pour l’accueil des migrants » publié par Politis, Regards et Mediapart est un exemple de ce discours. Alors que nous vivons depuis de nombreuses années maintenant dans une Union Européenne qui a fait tomber les frontières pour mieux faire avancer le capitalisme, les 150 signataires de ce manifeste prétendent que ce serait révolutionnaire que de refuser toute régulation :

« Il est illusoire de penser que l’on va pouvoir contenir et a fortiori interrompre les flux migratoires. À vouloir le faire, on finit toujours par être contraint au pire. La régulation devient contrôle policier accru, la frontière se fait mur. Or la clôture produit, inéluctablement, de la violence… et l’inflation de clandestins démunis et corvéables à merci. Dans la mondialisation telle qu’elle se fait, les capitaux et les marchandises se déplacent sans contrôle et sans contraintes ; les êtres humains ne le peuvent pas. Le libre mouvement des hommes n’est pas le credo du capital, ancien comme moderne.

Dans les décennies qui viennent, les migrations s’étendront, volontaires ou contraintes. Elles toucheront nos rivages, et notre propre pays, comme aujourd’hui, aura ses expatriés (…). Nous ne composerons pas avec le fonds de commerce de l’extrême droite. La migration n’est un mal que dans les sociétés qui tournent le dos au partage. »

Cela n’est pas de gauche, la Gauche a toujours historiquement considéré les migrations comme un problème, tant pour les travailleurs qui émigrent et perdent leurs familles, leur propre pays, que pour les travailleurs du pays d’accueil qui voient une main d’œuvre bon marché utilisée comme levier pour affaiblir les salaires et diviser les travailleurs en général.

Sous couvert de solidarité, le « Manifeste pour l’accueil des migrants » ne sert qu’à accompagner le pillage des pays du tiers-monde et le dumping social des patrons. De quel accueil parle-t-on de toutes façons ? Les 150 signataires relèvent d’ailleurs de cette nouvelle Gauche pressée de nier l’existence de la classe ouvrière et vivant confortablement, surtout à Paris. Ce sont des philosophes, des écrivains, des professeurs de grandes écoles, des comédiens, des avocats, des éditeurs, des historiens, des sociologues, des présidents d’associations. Vont-ils accueillir qui que ce soit ?

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Et il y a un autre problème, c’est cette fixation sur les migrations. Les signataires prétendent que les migrations ne sont pas un problème. Pourquoi alors en faire un thème en cette rentrée 2018 ? Les signataires prétendent qu’il y en a qui font des immigrés des boucs-émissaires et des migrations la cause de tous les maux. Soit, c’est ce que fait le Front National, désormais Rassemblement National, depuis près de 40 ans. Est-ce là quelque chose de nouveau ?

Non, en réalité, ce manifeste n’est là que comme contribution au discours en faveur des migrations, en faveur de ce thème de la migration devant empêcher l’émergence de la question ouvrière. Les signataires font d’ailleurs exprès d’assimiler les termes de réfugiés et de migrants, qui n’ont rien à voir.

Les médias favorables à ce manifeste n’ont eu d’ailleurs de cesse ces derniers jours de bombarder de fausses accusations le mouvement allemand Aufstehen de Sahra Wagenknecht, l’accusant d’être une expression raciste à gauche de la Gauche. Scandaleux, vain, ridicule ! Mais qu’attendre de mieux de bourgeois vivant à l’écart du peuple, dans des forteresses intellectuelles entièrement institutionnelles, avec des mœurs n’ayant rien à voir avec celles du peuple, sans parler bien entendu de la vie quotidienne ?

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Peut-on réellement leur expliquer que le capitalisme maintient les frontières tout en les faisant tomber en même temps, car l’expansion du capitalisme est à la fois naturelle, sans frontières, et en même temps vecteur d’une concurrence dont les États sont les cibles ? Peut-on leur dire que lorsque des grandes entreprises à l’esprit conquérant contrôlent des États, cela produit les guerres ?

Non, cela est bien trop dialectique pour eux. Leur raisonnement est qu’il faut soutenir la Gauche post-industrielle, post-moderne, pour les élections européennes. Afin de pouvoir, depuis les cafés parisiens, continuer de donner des leçons de morale au monde entier, et de continuer à ce que soit niée l’existence de la classe ouvrière.

> Lire :  Gauche postindustrielle : le « Manifeste pour l’accueil des migrants »

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Gauche postindustrielle : le « Manifeste pour l’accueil des migrants »

Le « Manifeste pour l’accueil des migrants » a été publié les médias de la gauche postindustrielle Politis, Regards et Mediapart. Notre analyse de ce manifeste : Le « Manifeste pour l’accueil des migrants » : antipopulaire par excellence.

Manifeste pour l’accueil des migrants

Partout en Europe, l’extrême droite progresse. La passion de l’égalité est supplantée par l’obsession de l’identité. La peur de ne plus être chez soi l’emporte sur la possibilité de vivre ensemble. L’ordre et l’autorité écrasent la responsabilité et le partage. Le chacun pour soi prime sur l’esprit public.

Le temps des boucs émissaires est de retour. Oubliées au point d’être invisibles, la frénésie de la financiarisation, la ronde incessante des marchandises, la spirale des inégalités, des discriminations et de la précarité. En dépit des chiffres réels, la cause de nos malheurs serait, nous affirme-t-on, dans la « pression migratoire ». De là à dire que, pour éradiquer le mal-être, il suffit de tarir les flux migratoires, le chemin n’est pas long et beaucoup trop s’y engagent.

Nous ne l’acceptons pas. Les racines des maux contemporains ne sont pas dans le déplacement des êtres humains, mais dans le règne illimité de la concurrence et de la gouvernance, dans le primat de la finance et dans la surdité des technocraties. Ce n’est pas la main-d’œuvre immigrée qui pèse sur la masse salariale, mais la règle de plus en plus universelle de la compétitivité, de la rentabilité, de la précarité.

Il est illusoire de penser que l’on va pouvoir contenir et a fortiori interrompre les flux migratoires. À vouloir le faire, on finit toujours par être contraint au pire. La régulation devient contrôle policier accru, la frontière se fait mur. Or la clôture produit, inéluctablement, de la violence… et l’inflation de clandestins démunis et corvéables à merci. Dans la mondialisation telle qu’elle se fait, les capitaux et les marchandises se déplacent sans contrôle et sans contrainte ; les êtres humains ne le peuvent pas. Le libre mouvement des hommes n’est pas le credo du capital, ancien comme moderne.

Dans les décennies qui viennent, les migrations s’étendront, volontaires ou contraintes. Elles toucheront nos rivages et notre propre pays, comme aujourd’hui, aura ses expatriés. Les réfugiés poussés par les guerres et les catastrophes climatiques seront plus nombreux. Que va-t-on faire ? Continuer de fermer les frontières et laisser les plus pauvres accueillir les très pauvres ? C’est indigne moralement et stupide rationnellement. Politique de l’autruche… Après nous le déluge ? Mais le déluge sera bien pour nous tous !

Il ne faut faire aucune concession à ces idées, que l’extrême droite a imposées, que la droite a trop souvent ralliées et qui tentent même une partie de la gauche. Nous, intellectuels, créateurs, militants associatifs, syndicalistes et citoyens avant tout, affirmons que nous ne courberons pas la tête. Nous ne composerons pas avec le fonds de commerce de l’extrême droite. La migration n’est un mal que dans les sociétés qui tournent le dos au partage. La liberté de circulation et l’égalité des droits sociaux pour les immigrés présents dans les pays d’accueil sont des droits fondamentaux de l’humanité.

Nous ne ferons pas à l’extrême droite le cadeau de laisser croire qu’elle pose de bonnes questions. Nous rejetons ses questions, en même temps que ses réponses.

Personnalités signataires :

Christophe AGUITON sociologue, Christophe ALEVEQUE humoriste et auteur, Pouria AMIRSHAHI directeur de Politis, Ariane ASCARIDE comédienne, Jean-Christophe ATTIAS universitaire, Geneviève AZAM économiste, Bertrand BADIE politiste, Sébastien BAILLEUL DG du CRID, Josiane BALASKO comédienne, Étienne BALIBAR philosophe, Ludivine BANTIGNY historienne, Pierre-Emmanuel BARRE auteur, humoriste, Lauren BASTIDE journaliste, féministe, Christian BAUDELOT sociologue, Edmond BAUDOIN auteur, dessinateur de BD, Alex BEAUPAIN auteur, compositeur, interprète, François BEGAUDEAU écrivain, Yassine BELATTAR humoriste, Hourya BENTOUHAMI philosophe, Alain BERTHO anthropologue, Pascal BLANCHARD historien, Romane BOHRINGER comédienne, Benoît BORRITS chercheur militant, Patrick BOUCHAIN architecte, Alima BOUMEDIENE-THIERY avocate, Rony BRAUMAN médecin, cofondateur de MSF, Michel BROUE mathématicien, Valérie CABANES juriste internationale, Hélène CABIOC’H présidente de l’Ipam, Julia CAGE économiste, Robin CAMPILLO réalisateur, Aymeric CARON écrivain, journaliste François CHAIGNAUD chorégraphe, Patrick CHAMOISEAU écrivan, Paul CHEMETOV architecte, Monique CHEMILLIER-GENDREAU juriste, Mouhieddine CHERBIB Respect des libertés, Jean-Louis COHEN historien, Cristel CORNIL enseignante-chercheuse, Marie COSNAY écrivaine, Annick COUPE syndicaliste Alexis CUKIER philosophe Jocelyne DAKHLIA historienne Jean-Michel DAQUIN architecte Françoise DAVISSE réalisatrice, Philippe DE BOTTON président de Médecins du monde, Laurence DE COCK historienne, Fondation Copernic, Catherine DE WENDEN politologue, Christine DELPHY féministe, Christophe DELTOMBE président de la Cimade, Rokhaya DIALLO journaliste, écrivaine, Georges DIDI-HUBERMAN philosophe, Bernard DREANO président du Cedetim Michel DRU anesthésiste réanimateur Françoise DUMONT présidente d’honneur de la LDH Annie ERNAUX écrivaine, Éric FASSIN sociologue, anthropologue, Corentin FILA comédien, Geneviève FRAISSE philosophe, Bernard FRIOT économiste, philosophe, Isabelle GARO philosophe, Amandine GAY réalisatrice, Raphaël GLUCKSMANN essayiste, Yann GONZALEZ réalisateur, Robert GUEDIGUIAN réalisateur, Nacira GUENIF sociologue, anthropologue, Janette HABEL politologue, Jean-Marie HARRIBEY économiste, Serge HEFEZ psychanalyste, Cédric HERROU militant, associatif Christophe HONORE réalisateur, Eva HUSSON réalisatrice, Thierry ILLOUZ auteur, avocat pénaliste, Pierre JACQUEMAIN rédacteur en chef de Regards, Geneviève JACQUES militante associative, Chantal JAQUET philosophe, JULIETTE chanteuse, parolière, compositrice, Gaël KAMILINDI pensionnaire de la Comédie-Française, Pierre KHALFA syndicaliste, coprésident de la Fondation Copernic, Cloé KORMAN écrivaine, Bernard LAHIRE professeur de sociologie à l’ENS de Lyon, Nicole LAPIERRE anthropologue et sociologue, Mathilde LARRERE historienne, Henri LECLERC président d’honneur de la LDH, Raphaël LIOGIER sociologue, philosophe, Isabelle LORAND chirurgienne, Germain LOUVET danseur étoile de l’Opéra de Paris, Gilles MANCERON historien, LDH, Philippe MANGEOT enseignant, Patrice MANIGLIER philosophe, Philippe MARLIERE politologue, Roger MARTELLI historien, directeur de la publication de Regards, Christiane MARTY ingénieure-chercheuse, Fondation Copernic, Corinne MASIERO comédienne, Gustave MASSIAH altermondialiste, Nicolas MAURY comédien, Marion MAZAURIC éditrice, Caroline MECARY avocate, Philippe MEIRIEU pédagogue, Phia MENARD jongleuse, performeuse, metteur en scène, Céline MERESSE présidente du CICP, Guillaume MEURICE auteur, humoriste, Pierre MICHELETTI médecin, écrivain, Jean-François MIGNARD secrétaire général de la LDH, Véronique NAHOUM-GRAPPE anthropologue, Stanislas NORDEY directeur du Théâtre national de Strasbourg, Ludmila PAGLIERO danseuse étoile à l’Opéra de Paris, Willy PELLETIER sociologue, Fondation Copernic, Nora PHILIPPE auteure, réalisatrice Thomas PIKETTY économiste, Edwy PLENEL journaliste, président et cofondateur de Mediapart, Emmanuel POILANE président du CRID, Thomas PORCHER économiste, Didier PORTE humoriste, Mathieu POTTE-BONNEVILLE philosophe, Olivier PY auteur, metteur en scène et directeur du Festival d’Avignon, Bernard RAVENEL historien, Éric REINHARDT écrivain, Prudence RIFF co-présidente du FASTI, Michèle RIOT-SARCEY historienne, Vanina ROCHICCIOLI présidente du Gisti Paul RODIN directeur délégué du festival d’Avignon, Marguerite ROLLINDE politologue spécialiste du Maghreb, Alexandre ROMANES cirque Romanès, Délia ROMANES cirque Romanès, Paul RONDIN directeur délégué du Festival d’Avignon, Alain RUSCIO historien, Malik SALEMKOUR président de la LDH, Sarah SALESSE avocate, Christian SALMON écrivain, Odile SCHWERTZ-FAVRAT ex-présidente de la Fasti, Denis SIEFFERT président de la SAS Politis, Catherine SINET directrice de la rédaction de Siné Mensuel, Evelyne SIRE-MARIN magistrat, Romain SLITINE enseignant à Sciences Po, Pierre TARTAKOWSKY président d’honneur de la LDH, Lilian THURAM fondation Lilian Thuram-Éducation contre le racisme, Sylvie TISSOT sociologue, Michel TOESCA acteur, réalisateur, Marie TOUSSAINT militante associative, présidente de Notre affaire à tous, Assa TRAORE comité Adama, Enzo TRAVERSO historien, Catherine TRICOT architecte-urbaniste, Aurélie TROUVE altermondialiste, agronome, Fabien TRUONG sociologue, Michel TUBIANA président d’honneur de la LDH, Dominique VIDAL-SEPHIHA journaliste, Jean VIGREUX historien, Thierry VILA écrivain, Arnaud VIVIANT écrivain, critique littéraire, Sophie WAHNICH historienne, Jacques WEBER comédien, Serge WOLIKOW historien.

Associations signataires :

Assemblée citoyenne des originaires de Turquie (ACORT), Auberge des migrants, Bureau d’accueil et d’accompagnement des migrants (BAAM), CCFD – Terre solidaire 93, Centre d’études et d’initiatives de solidarité internationale (CEDETIM), Centre international de culture populaire (CICP), Coalition internationale des sans-papiers et migrants (CISPM), Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT), Coordination 75 des sans-papiers, Coordination 93 de lutte pour les sans-papiers, CSP92, DIEL, Fédération des associations de solidarité avec tous·te·s les immigré·e·s (Fasti), Fédération des tunisiens pour une citoyenneté des deux rives (FTCR), Gisti, Initiatives pour un autre monde (IPAM), La Cimade, Ligue des droits de l’homme, Respect des Libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie, Roya citoyenne, Syndicat des avocats de France (SAF), Union juive française pour la paix (UJFP), Utopia 56.

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Aufstehen et la reconquête en Allemagne du peuple passé à l’extrême-droite

L’un des objectifs de la Gauche est de reconquérir les secteurs populaires qui sont passées à l’extrême-droite, en considérant non pas que ces gens sont « débiles », mais qu’ils expriment quelque chose qui a été dévié dans une mauvaise direction.

Sahra Wagenknecht

Les événements de Chemnitz à l’est de l’Allemagne ont rappelé le caractère vital de cette question. La mort d’une personne tuée par un migrant à coup de couteau a provoqué des rassemblements en série à l’appel de l’AFD, avec une forte présence de nazis et une série d’incidents, d’agressions racistes. Des milliers de personnes ont participé à ces rassemblements, happés par la dénonciation populiste, tendanciellement pogromiste.

Sahra Wagenknecht n’a pas participé au rassemblement de 65 000 personnes à Chemnitz contre les initiatives nazies, considérant que l’objectif n’est pas de marquer le coup, mais bien de reconquérir la base populaire. Voici comment dans une interview au média Watson, elle explique la démarche de son mouvement Aufstehen à ce sujet.

« Je ne pense également pas qu’on renforce sa position contre le radicalisme de droite et le néo-fascisme en étant dans une ville particulière, un jour précis (…). Des initiateurs d’Aufstehen étaient à Chemnitz [au rassemblement anti-nazi] (…).

Il ne s’agit pas de la question des nazis, qui font le salut hitlérien dans la rue et traquent les gens ayant l’air différent. Ils concernent l’État de droit. Il en va de beaucoup de gens qui votent AFD aujourd’hui et vont en partie également aux manifestations organisées par l’entourage de l’AFD.

Qui les catalogue comme nazis se rend la vie trop facile, car beaucoup d’entre eux votaient encore il y a quelques années SPD ou Die Linke (…). Je veux qu’on reconquiert la rue à Pegida et aux gens de droite. Actuellement, le gouvernement est en permanence soumis à une pression de droite. Nous avons besoin d’avoir enfin de nouveau un mouvement avec des revendications sociales dans les rues (…).

Je veux empêcher que par colère et mécontentement, des gens se fassent piéger par les droites. C’est un développement qui fait peur lorsqu’une manifestation à laquelle participent des nazis parvient à regrouper 7000 personnes. Il n’y avait pas cela auparavant et je ne veux pas accepter une telle évolution (…).

Quand je vois qu’une majorité en Allemagne veut une politique plus sociale, alors je trouve cela très encourageant. Cela montre que l’esprit de l’époque n’est pas de droite. Que nous avons une majorité qui soutient ce qui était de par le passé une politique classique de gauche.

Le souci est que malgré ce rapport, cette majorité, nous avons dans les parlements [national et régionaux] toujours des droites toujours plus fortes. L’AFD n’a aucunement l’intention de s’impliquer pour davantage de justice en Allemagne. Ce n’est pas du tout dans son agenda. C’est pourquoi il faut faire face à cette tendance (…).

Nous défendons le droit d’asile, et ce sans conditions, qui est pourchassé doit recevoir une protection. Pour le reste, l’immigration doit être régulé et limité. Pour la migration économique, il faut faire attention à ce que cela n’aboutisse pas au dumping des salaires (…).

Il n’y a pas seulement comme alternative des frontières totalement ouvertes ou une fermeture totale. Une position raisonnable se tient naturellement entre les deux. Et nous devons toujours avoir en tête les conséquences de notre politique dans les pays d’origine.

Pour le moment, il se passe que nous engageons les couches moyennes qualifiées des pays pauvres, que nous amenons par exemple ici leurs médecins, comme s’il n’y avait là-bas pas de malades.

Nous renversons les frais de formation vers les pays pauvres. C’est quelque chose sans aucune responsabilité et cela n’a rien à voir avec l’internationalisme (…).

Les plus pauvres de ce monde n’obtiennent rien de frontières ouvertes. Qui crie famine au Yémen, qui crie famine au Sahel, n’a aucune chance d’arriver en Europe. Au lieu de cela, ce sont les couches moyennes qui viennent. Cela rend ces pays encore plus pauvres. Et cela permet à l’économie ici de faire des économies sur les formations et de comprimer les salaires. »

Die Linke

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Delphine Batho préside Génération Écologie et abandonne la Gauche

Alors qu’elle annonçait son départ du Parti socialiste, Delphine Batho avait expliqué en mai 2018 qu’elle prendrait la tête du mouvement Génération Écologie. Sa présidence est maintenant officielle depuis la convention nationale de Nantes le dimanche 9 septembre 2018. De ce fait, elle abandonne sa tradition politique de gauche et rend caduque sa démarche au service de l’écologie.

Delphine Batho a un parcours de gauche tout à fait typique. Elle a présidé l’organisation lycéenne FIDL, s’est faite remarquer pendant un mouvement de jeunesse concernant l’éducation en 1986 puis a assuré la vice-présidence de SOS racisme, avant de devenir cadre du Parti socialiste.

Elle a voulu se présenter à la direction de ce parti en janvier 2018, et présidait le groupe « Nouvelle Gauche » à l’Assemblée Nationale avant son départ en mai 2018.

Une écologie non partisane

C’est donc un revirement qu’elle opère en rejoignant une organisation marquée à droite, qui a par exemple produit le Ministre et soutien fidèle d’Emmanuel Macron, François de Rugy. Cela d’autant plus que lors de l’écartement de sa candidature à la direction du Parti socialiste en janvier dernier, elle parlait encore de la Gauche et s’exprimait par rapport à la Gauche.

> lire également Delphine Batho : “Mitterrand, réveille-toi, ils sont devenus fous !”

En fait, Delphine Batho est typique de ces politiques qui ont fait ou voulu faire de l’écologie un thème en tant que tel, de manière non partisane en apparence, mais tout à fait soumise à la réalité sociale et économique du capitalisme en réalité.

Les membres des « Verts » ont historiquement toujours vu ce problème et ont systématiquement cherché à justement s’affirmer « de gauche », bien que cela a en fin de compte surtout servit l’opportunisme de quelques individus.

Le discours de Delphine Batho n’est pas celui-là. Elle explique maintenant que :

« Génération Écologie devient le parti de l’écologie intégrale. Pour nous, c’est l’impératif écologique qui doit déterminer toutes les décisions de politique économique, les choix sociaux éducatifs, culturels, etc. On est en rupture complète avec les visions qui voient l’écologie comme un département ministériel parmi d’autres. On met cet enjeu au centre de tout. Nous voulons faire émerger une force nouvelle dans le paysage politique. »

L’écologie est présentée comme ayant une existence propre, se suffisant à elle-même, en dehors des cadres idéologiques traditionnels.

C’est une définition anti-politique, qui revient à neutraliser la question écologique en lui ôtant sa dimension subversive et critique vis-à-vis du système en place. Et en se rendant volontairement vulnérable par rapport à la Droite sur le plan politique et sur le plan des valeurs.

Écologie et utopie de gauche

Pour la Gauche, le socialisme est censé représenter le projet de société de manière globale, intégrant toutes les questions, tous les sujets. L’écologie, de ce point de vue, n’est qu’un aspect de la critique du capitalisme puisque c’est l’essence même de l’économie de marché et de la privatisation des profits qui empêche d’adopter un rapport correct à la Nature.

Il y a eu, et il y a encore, la nécessité d’avoir une affirmation culturelle écologiste spécifique. C’est indispensable pour les personnes afin de porter un style de vie et une radicalité subjective à la hauteur des enjeux historiques pour la planète Terre. C’est aussi nécessaire politiquement, parce que sans ça les exigences écologiques peuvent rapidement fondre ou être relativisées par rapport à telle ou telle nécessité économique ou sociale.

Pour autant, cette affirmation culturelle écologiste ne suffit pas. Ce n’est qu’un aspect de la critique et de l’utopie de gauche.

La démarche portée par Génération Écologie est exactement l’inverse de cela.

Culturellement, on peut dire que c’est le grand vide, et politiquement il n’y pas de rapport avec les classes populaires et la classe ouvrière. Il n’y a pas du tout un style, une attitude « écolo », mais plutôt un appareil politique intégré aux institutions et abordant la question de manière technique, bourgeoise.

La preuve d’ailleurs est que cette organisation qui revendique 2000 membres n’est pas capable d’avoir un site internet digne de ce nom proposant un véritable contenu. Sa seule actualité est en fait de soutenir Nicolas Hulot, puis de souhaiter « bon courage» à François de Rugy qui le succède au ministère de la transition écologique et solidaire.

Il faut en effet une grande arriération sur le plan culturel pour s’imaginer comme elle le fait qu’en 2018, « l’écologie est de plus en plus majoritaire culturellement dans la société ». Bien sûr que les gens en général ne veulent pas laisser une planète poubelle à leurs enfants ou peuvent-être affectés par exemple à l’idée que les océans sont de plus en plus des grandes poubelles à la merci du plastique de l’industrie.

Mais enfin cela ne suffit pas à faire un engagement culturel permettant le changement. C’est au mieux un constat pessimiste n’aboutissant pas à grand-chose, quand ce n’est pas finalement un prétexte au cynisme et au relativisme.

> lire également Delphine Batho “sur le Front de l’Écologie”

Delphine Batho se retrouve là car elle a échoué à gauche. Elle n’a jamais fait le choix de la radicalité mais a toujours pensé que le système était réformable, qu’on pouvait arriver à quelque chose avec les institutions et les grandes entreprises.

Elle s’est donc retrouvé confronté à des enjeux immenses, sans avoir les moyens d’y faire face. Sur le plan personnel, elle a très mal vécu de se retrouver confrontée à des lobbies. C’était d’ailleurs l’objet de son éviction du Ministère de l’écologie sous François Hollande, après qu’elle avait critiqué le budget de son administration et compris que cela répondait à des influences privées.

« Est-il normal que le PDG de Vallourec, Philippe Crouzet, ait annoncé ma chute prochaine voilà des semaines aux États-Unis ? » avait-elle demandé de manière franchement dégoûtée à l’époque.

Son point de vue et sa démarche sont strictement équivalents à ceux de Nicolas Hulot. Il y a la même focalisation sur la question des lobbies, la même « neutralité » transpartisane, et surtout la même incapacité à être à la hauteur des enjeux malgré des constats tout à fait pertinents et réalistes.

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Une radicalité dans la forme seulement

En abandonnant la Gauche, Delphine Batho abandonne aussi sa capacité à se rendre utile et à servir la planète Terre. Sa démarche restera peut-être confidentielle, mais elle risque aussi de faire perdre beaucoup de temps et d’énergie écologiste.

Le problème avec des gens comme Delphine Batho, c’est que le discours propose une grande radicalité dans la forme, mais il n’y a pas derrière les moyens idéologiques et culturels de les assumer.

Cela est tellement évident lorsqu’on lit une telle déclaration, engagée en apparence, mais tellement naïve et soumise au mode de production capitaliste quand on voit ce qui est proposé ensuite :

« L’anthropocène, c’est la guerre. C’est le nom qu’on donne à cette nouvelle ère, dans laquelle nous sommes, en train de détruire le vivant et les conditions qui permettent l’existence humaine sur terre. Aucune institution internationale, aucune institution démocratique ne résistera aux guerres pour l’énergie, pour l’eau. On voit ce que cela entraîne aujourd’hui en termes d’impact sur les mouvements de population et migratoires. C’est une logique de déstabilisation profonde de toutes les sociétés et des institutions démocratiques.

Pour moi, c’est ça le vrai clivage. Il est entre les Terriens, c’est à dire ceux qui sont lucides sur cette situation et qui veulent y apporter une solution et ceux qui sont dans le camp des « écocideurs », qui font preuve ou d’aveuglement ou, c’est plus grave, de cynisme, dont le chef au niveau planétaire est Donald Trump. »

Et donc, plus loin :

« Génération Écologie, c’est le contraire des Verts. Ils ont eu leur chance et l’ont laissé passer. Ils sont devenus un des partis de gauche. Moi, j’inscris l’écologie intégrale dans la définition d’un nouveau clivage entre ceux qui sont les promoteurs des logiques destructrices de l’anthropocène et ceux qui sont des Terriens. Les Verts, ils ont passé leur temps à taper sur Nicolas Hulot au lieu de l’aider, de créer les rapports de force dans la société, dans le paysage politique, pour pousser. Comme je l’ai fait sur les néonicotinoïdes, sur le glyphosate. Ils ont passé leur temps à l’affaiblir.

Ça n’a pas rendu service à la cause et donc, en fait, la direction nationale des Verts est devenue une machine à trahir l’écologie. Et ils ne se sont jamais attelés à la question fondamentale qui est, et c’est mon projet, comment on rend l’écologie majoritaire en France. Avoir un président de la République qui soit pour l’écologie, un Premier ministre qui soit pour l’écologie, un ministre des Finances qui soit pour l’écologie, etc. Et ça ça passe par un travail de fond sur la crédibilité économique et sociale d’un projet qui place cette question-là au centre de tout. »

Delphine Batho critique ouvertement la Gauche et s’écarte de la tradition de changement politique vers le socialisme, vers une société nouvelle débarrassée du profit individuel et des valeurs de la bourgeoisie.

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« Le communisme est la question du XXIe siècle »

Dans le cadre de son congrès extraordinaire du 23 au 26 novembre 2018, le Conseil National du Parti Communiste Français propose un texte devant servir de base commune de discussion.

Ce texte est censé refléter et synthétiser le point de vue majoritaire des adhérents. Il représente en l’occurrence surtout le point de vue de la direction incarnée par Pierre Laurent et Ian Brossat. Il n’a été voté que par 49 des membres du Conseil National sur 91 votants et 168 membres, ce qui montre qu’il y a d’importantes tensions au seins de ce parti.

La proposition du base commune que nous reproduisons ci-dessous sera soumise au vote des adhérents du PCF avant le congrès. Ceux-ci pourront choisir entre celle-ci ou l’une des trois autres bases communes alternatives ayant obtenus une reconnaissance officielle. Deux autres textes ont été proposé mais n’ont pas recueillis les critères suffisants. Ils ne sont que des contributions sans caractère officiel.

Rédigé sous la forme de 48 thèses, ce texte de la direction du PCF est très généraliste et vague, il n’affirme pas grand chose. Il y a cependant une  orientation « européenne » très affirmée.

Le texte ne s’inscrit clairement pas dans la tradition du mouvement ouvrier et de la classe ouvrière. Le mot « ouvrier » n’est présent que deux fois. Une fois de manière vague en parlant de « mouvement ouvrier » et une autre fois pour diluer « l’ouvrier » dans « la classe des salarié·e·s ».

PCF Proposition de base commune du conseil national

 

Le communisme est la question du XXIe siècle

 

BASE COMMUNE DU CONSEIL NATIONAL

Nous entrons dans un moment historique d’immenses bouleversements. Depuis plusieurs décennies, les puissances du capital ont renforcé leur mainmise sur le monde, allant même jusqu’à répandre le mythe de leur domination éternelle : la « fin de l’histoire ». La crise systémique qui touche désormais le capitalisme fracasse sous nos yeux cette légende  : l’histoire a repris sa marche. Dans les convulsions de notre époque et alors même que de nouveaux krachs menacent, rien n’est écrit du futur de notre planète et de notre humanité : les forces du capital cherchent par tous les moyens la voie de la préservation de leur domination, ne reculant devant aucune guerre, aucun pillage, aucun saccage ; les courants réactionnaires se déchaînent, des mouvements populistes se présentent comme des recours… N’en chemine pas moins, objectivement, la nécessité du dépassement du capitalisme, tout comme l’ambition de dépassement des systèmes de domination patriarcal et raciste qui s’imbriquent pour le pire. Beaucoup d’alternatives se cherchent, se tentent, se construisent, depuis la mobilisation mondiale des femmes avec le mouvement #metoo/balancetonporc jusqu’aux expérimentations des fablabs, en passant par la lutte des Togolais·es·pour leur liberté, les jeunes États-unien·ne·s mobilisés pour l’interdiction des armes, le mouvement social pour la défense du service public ferroviaire, les mobilisations antiracistes ou le prix Nobel de la paix octroyé aux militant·e·s de l’interdiction des armes nucléaires.

En France, cependant, alors même que l’autoritarisme d’Emmanuel Macron est fortement contesté, le parti qui porte en son cœur cette alternative de dépassement a essuyé dans la dernière période des revers historiques qui exigent de produire toute la nouveauté que la période appelle, changer résolument tout ce qui doit l’être pour entrer, à la hauteur des défis de notre monde, dans un nouveau siècle. C’est la raison profonde de notre congrès extraordinaire. Il nous faut trouver les voies d’essor de ce communisme de nouvelle génération qui conjugue démocratie poussée jusqu’au bout et orientation révolutionnaire visant à sortir enfin de la société de classe, à relever jusqu’au bout le défi écologique, à assurer la paix et le libre développement de la personne humaine dans toutes ses dimensions. Ainsi, pour le PCF, le moment est venu de déployer hardiment le combat communiste, de renouveler en profondeur sa stratégie politique et d’engager toutes les transformations nécessaires de son organisation.

Le capitalisme nous entraîne au désastre

Thèse n° 1 : Le capitalisme est aujourd’hui un frein majeur au développement de l’humanité.

L’humanité a atteint un stade de développement qui lui permet de répondre à des défis hier encore inimaginables, de la sonde Rosetta posant Philae à 510 millions de km jusqu’au développement inédit des nanotechnologies. La révolution numérique amplifie chaque jour cette dynamique. Pourtant, maints grands besoins de l’humanité restent sans réponse alors que nous disposons, comme jamais jusqu’ici, des savoirs, savoir-faire et ressources pour y répondre. C’est la folle boussole du capitalisme, aimantée par le seul taux de profit, qui est aujourd’hui cette criminelle cause de souffrances et d’humiliations, cet insupportable frein au développement de toute l’humanité qui nous empêche de faire ce que nous concernent des pouvons et savons pourtant faire.

Thèse n° 2 : Le capitalisme entraîne l’humanité et notre planète vers l’abîme, à vitesse accélérée : la crise écologique et anthropologique qu’il génère prend des proportions inédites.

Le capitalisme, guidé par cette insatiable et aveugle soif de profit et d’accumulation, met en péril l’humanité et notre environnement : bouleversements
climatiques – source immédiate de risques gigantesques –, paradis fiscaux supports de la circulation de tous les trafics, pollutions alarmantes, fraude des trusts généralisée, réduction inédite de la biodiversité (-58 % d’espèces vertébrées en 40 ans), maltraitance des humains allant jusqu’à la marchandisation des corps (gestation pour autrui, trafic d’organes et même renouveau de la traite d’humains), déforestation massive (129 millions d’hectares en 25 ans)…

Le capitalisme menace le devenir même de l’humanité à échéance de moins en moins lointaine. « Après moi le déluge ! Telle est la devise de tout capitaliste », écrivait Marx dans Le Capital. Le propos prend, de nos jours, une actualité tragique. Qui peut penser que l’humanité et notre planète pourront résister des décennies durant à ce régime de choc capitaliste ?

Thèse n° 3 : Le capitalisme mondialisé fait face à des transformations inédites.

La phase actuelle de développement et de crise du capitalisme est marquée par des transformations de très grande ampleur : expansion territoriale et polarisation entre centres dominants et périphéries dominées ; privatisation et marchandisation progressive de toutes les activités humaines ; financiarisation des économies et création monétaire massive au service des marchés financiers ; concentration de la propriété dans un petit nombre d’actionnaires à la tête de firmes multinationales gigantesques et augmentation des dividendes versés aux actionnaires et des intérêts payés au banques ; restructuration des entreprises et transformations des systèmes productifs ; transformation de l’organisation du travail afin de déposséder totalement les travailleurs·euses de la maîtrise et de la finalité de leur travail ; politiques libérales renforcées, singulièrement en Europe dans la dernière décennie ; libéralisation des échanges pour réduire les barrières tarifaires et abaisser les normes sociales ou écologiques. La révolution informationnelle, qui commence déjà à franchir un nouveau stade, notamment avec l’intelligence artificielle, est centrale pour notre combat communiste car elle accélère ces transformations autant qu’elle peut permettre leur dépassement.

Thèse n° 4 : Le capitalisme dépossède de pouvoir un nombre inédit d’humains.

Le capital se concentre aujourd’hui dans un nombre de mains qui n’a jamais été aussi étroit. Quelques firmes transnationales – souvent à base nord-américaine – concentrent pouvoir et argent à échelle mondiale. En France même, elles représentent la moitié des emplois des entreprises.

Elles s’affirment comme des acteurs de premier plan, se soustrayant aux souverainetés populaires et allant même jusqu’à s’opposer et s’imposer aux États. Des plateformes privées (Facebook, Google…) en viennent à s’arroger des prérogatives régaliennes, sans aucun contrôle démocratique, tout en échappant à peu près à toute imposition. Propriétaires d’innombrables données personnelles, elles en font un usage marchand visant à accroître leurs profits, au mépris des libertés.

Pour le capital, la démocratie est une entrave. Ainsi, les développements nouveaux du capitalisme en viennent à faire reculer toutes les conquêtes partielles en matière de démocratie et de liberté. Alors que la révolution des connaissances appelle comme jamais le pouvoir du grand nombre, ils concentrent celui-ci dans des mains toujours moins nombreuses.

Thèse n° 5 : Le développement du capitalisme aggrave la crise de sens dans laquelle il enfonce l’humanité.

Faire de tout une marchandise : c’est la logique capitaliste. La généralisation de la marchandisation, sous l’effet d’une intense lutte de la classe dominante, se déploie à marche forcée. Cela vide toutes les valeurs et nourrit une profonde crise de civilisation. Le seul objectif d’une vie humaine devrait être de « devenir milliardaire » ou d’acquérir une Rolex avant 50 ans. Si certain·e·s s’épuisent à courir après ces objectifs si vides, la crise de sens touche désormais des pans très larges des sociétés humaines.

C’est particulièrement sensible dans le domaine du travail. Pour que quelques-un·e·s fassent des profits toujours plus gigantesques, on empêche des millions d’individus de travailler correctement, quand on ne les amène pas à effectuer un travail qu’ils savent sans utilité voire dangereux pour autrui et pour eux-mêmes. Tous les secteurs sont concernés, depuis l’agriculture jusqu’aux métiers de la santé en passant par les industries.

Thèse n° 6  : Le capitalisme présente des signes de péremption de plus en plus marqués.

Le principe selon lequel, dans le travail, celui qui possède décide de tout et impose à celui qui ne possède pas ce qu’il doit faire et comment il doit le faire est au cœur de la logique capitaliste d’aliénation. C’est une injustice que nous dénonçons de longue date. C’est, aujourd’hui, un principe lourdement mis en difficulté par le mouvement réel de l’humanité. C’est l’efficacité même qui commande que les travailleuses et les travailleurs réfléchissent eux-mêmes au travail à accomplir. Le travail prescrit de l’extérieur est un frein au développement global et, désormais, à certains égards, un frein au profit capitaliste lui-même. Face à cette contradiction montante, certains secteurs dynamiques du capitalisme sont obligés de ruser : Google permet ainsi à ses ingénieurs de consacrer 20 % de leur temps de travail payé à de libres projets personnels. Bien sûr, c’est pour mieux s’assurer de la propriété de ceux-ci en cas de succès, mais quel aveu de péremption des logiques capitalistes !

Oui, celles et ceux qui produisent doivent diriger et non obéir. Oui, « le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous ».

Thèse n° 7 : C’est à une crise systémique que le capitalisme est confronté.

Le fait économique majeur de la décennie qui a suivi la crise financière de 2007-2008 est que le système capitaliste poursuit une spéculation financière effrénée. Les institutions mises en place après le choc de la crise financière de 2008 n’ont cessé de développer les contradictions qu’elles prétendaient résorber. Le capitalisme vit désormais sous perfusion d’argent gratuit distribué sans critère aux spéculateurs par les banques centrales : la Réserve fédérale américaine et la Banque centrale européenne distribuent chaque mois plusieurs dizaines de milliards de dollars et d’euros à taux nul aux banques et aux grands groupes. Ces sommes considérables – qui pourraient être si utilement dépensées – alimentent ainsi les profits bancaires, alourdissant le coût du capital tout en préparant un nouveau krach avec les énormes bulles spéculatives qu’elles nourrissent. À l’heure où les signes d’une nouvelle crise financière se multiplient, élever le niveau de conscience concernant l’utilisation de l’argent par les banques et mettre en débat cet enjeu dans les luttes est une priorité pour les communistes.

La crise systémique, c’est l’impasse. Impasse sur l’emploi, sur les services publics, sur les droits sociaux, sur le type de croissance. C’est l’impasse en matière d’écologie. C’est l’impasse pour la sécurité des peuples qui demandent à vivre en paix. C’est l’impasse sur la démocratie…

Cela rend impérieux un processus de dépassement du capitalisme, la sortie, pour l’humanité, de cette préhistoire.

Le communisme est à l’ordre du jour de ce siècle

Thèse n° 8 : Relevons le défi écologique et anthropologique. Changeons de cap : l’humain d’abord !

Nous, communistes de France, proposons une alternative à ce désastre. Le profit et l’accumulation ne peuvent commander le présent et le devenir de l’humanité et de notre planète.

Les humains et les ressources naturelles sont considérés comme des moyens au service du profit de quelques-un·e·s ; nous voulons, quant à nous, remettre les choses à l’endroit et placer l’humain d’abord. C’est ce que nous appelons l’écommunisme. La boussole doit être celle du bien-vivre, du développement durable de l’humanité, de la réponse à ses besoins, potentiels et aspirations, incluant nécessairement la dimension écologique. Ceux-ci ne sauraient être définis abstraitement, une fois pour toutes, ou, d’une façon technocratique, par un marché, un parti ou une administration : ils doivent être définis collectivement dans la délibération démocratique.

Thèse n° 9 : Face à l’accaparement de tout par quelques-un·e·s, poussons à fond l’appropriation par le plus grand nombre.

Ces ruptures d’ampleur qu’appelle le mouvement réel de notre monde ne peuvent s’opérer en laissant les mêmes pilotes en place. La classe des propriétaires des grandes structures économiques ne peut décider seule de ce qu’on produit, où et comment on le fait et, cerise sur le gâteau, en retirer les bénéfices. Celles et ceux qui travaillent et créent les richesses doivent acquérir les pouvoirs leur permettant de décider.

L’appropriation par le plus grand nombre est à l’ordre du jour : nationalisations authentiques (et non simples étatisations hors d’atteinte du pouvoir populaire) donnant la grande place à celles et ceux qui travaillent dans ces secteurs, les usagers et la Nation elle-même ; développement de structures et de services publics démocratisés à échelles locale, nationale, continentale, mondiale  ; développement inédit de l’économie sociale et solidaire  ; développement volontariste des « communs », ces structures qui se multiplient sous nos yeux, notamment dans le domaine numérique, en marge de l’État et des marchés.

Thèse n° 10 : Pour le développement intégral des individus.

Parce que notre société reste, fondamentalement, une société de classes et que l’oppression de classe est sexuée, elle ne permet pas le développement plein et entier de la personne, dans toutes ses dimensions. L’actuelle division du travail épuise les individus sans leur laisser le temps de développer d’autres aspects de leur personnalité. Les politiques d’éducation et de formation, telles qu’elles sont conçues, empêchent de plus en plus de jeunes d’accéder à une culture de haut niveau et de développer leur créativité. Au nom de la rentabilité, le travail est privé de son sens ; la pensée, la création, le sport sont sommés de se soumettre à la loi du marché. Nombre de nos loisirs sont même réduits à des divertissements uniformisés. Au-delà, on enferme les personnes dans des rôles ; on les assigne à des identités.

Au contraire, notre combat communiste place en son cœur l’ambition du libre développement de la personne dans toutes ses dimensions. C’est un enjeu de justice : nous sommes toutes et tous capables d’apprendre, de créer, d’innover : pourquoi certain·e·s en seraient-ils privé·e·s ? Au-delà, c’est une nécessité politique, économique, civilisationnelle : pour faire face aux défis productifs d’aujourd’hui et de demain, pour permettre effectivement l’activité citoyenne de direction collective, pour que chacune et chacun, par son libre développement, puisse donner toute sa mesure et, par là, faire croître comme jamais le libre développement collectif.

Cela appelle à transformer radicalement l’éducation pour qu’elle réponde à cette ambition. Cela appelle une forte réduction du temps de travail, appuyée sur les formidables gains de productivité, ouvrant la voie à des possibilités inédites de développement de la personne et une organisation nouvelle des temps de la vie.

Thèse n° 11 : Pour une société d’êtres humains égaux et libres, face à la mise en scène d’un « choc des civilisations ».

Le chaos du monde actuel est propice à la montée de toutes les haines. Dans le monde et dans toute l’Europe, le racisme redevient, à grande échelle, un des instruments de la domination de classe  : exacerber la concurrence des exploité·e·s et des dominé·e·s. Inégalités sociales, précarisation du travail, assignations territoriales dans des quartiers délaissés de la République, discriminations racistes structurelles (embauche, logement, contrôle au faciès) se conjuguent pour mettre à l’index, en état de sous-citoyenneté, une part croissante de la population, et singulièrement de la jeunesse, injures quotidiennes à nos principes républicains.

L’idéologie dominante propose un portrait caricatural et très appauvri de l’humanité, réduite à une division raciste et religieuse en quelques blocs civilisationnels censément homogènes : c’est le prétendu « choc des civilisations » (« l’Occident » serait blanc et chrétien, alors que son histoire est beaucoup plus plurielle ; le « monde arabe » serait tout uniment musulman ; etc.).

Profondément anticolonialistes, anti-impérialistes de la première heure, partisans décidés de l’émancipation individuelle et collective, nous rejetons ces manœuvres qui divisent artificiellement celles et ceux qui ont intérêt à s’unir, en même temps qu’elles humilient et briment des millions d’individus, ramenés à une couleur de peau, une religion réelle ou supposée, une « civilisation » présentées comme des menaces ou des crimes. Nous affirmons l’égalité de tous les êtres humains et récusons toutes les grilles de lecture racistes. Nous combattons le système de domination raciste, toutes les violences – y compris policières – et toutes les discriminations – y compris territoriales. Il est urgent de porter un antiracisme qui revendique l’égalité de traitement pour toutes et pour tous, qui agit contre toutes les formes de discriminations, d’humiliations et d’oppressions, qui combat avec force l’offensive xénophobe, antimusulmane, antisémite et contre toutes les formes de racisme.

La mise en scène de ce « choc des civilisations » est une entrave au libre développement de chacun·e, dans la complexité et la diversité de ses origines et trajectoires, de ses opinions, de ses croyances. Se libérer de ces chaînes relève de notre combat communiste, comme condition et manifestation du développement de l’humanité tout entière.

Thèse n° 12 : Pour une humanité débarrassée de la domination patriarcale, pour des femmes et des hommes égaux et libres.

La domination patriarcale est un puissant frein au développement de l’humanité. L’indépendance économique des femmes par le travail, le renforcement de leur formation, conquêtes majeures au sein du capitalisme, rendent cette moitié de l’humanité chaque jour plus actrice de sa vie et de l’humanité entière. Cela manifeste aux yeux de toutes et tous son égale capacité et dignité. Les tactiques patronales de discrimination visant à faire des économies sur le dos des femmes en rétribuant moins celle-ci à travail de valeur et de qualifications égales sont de moins en moins supportées et apparaissent pour ce qu’elles sont : une inégalité systémique, une injustice d’un autre temps.
L’ampleur des campagnes #metoo/balancetonporc révèle à la fois la gravité et le caractère structurel des violences faites aux femmes – elles sont très nombreuses, de tous âges et tous milieux sociaux, à en être victimes – comme la puissance d’un refus  : celui d’être considéré comme un objet. Pour atteindre l’égalité et laisser la personnalité de toutes et tous se développer librement, notre combat appelle à s’émanciper de ces dominations. Les combats féministes bouleversent l’ensemble des rapports sociaux, la place assignée à chacune et chacun ; ils permettent à l’ensemble de la société de faire un bond en avant.

Dans le même sens, la progression des droits des personnes lesbiennes, gays, bi, transgenres, intersexuées (LGBTI+), fortement discriminées elles aussi par le système patriarcal, inimaginable il y a un demi-siècle encore, est le signe qu’une société nouvelle cherche à éclore.

Aujourd’hui, ces conquêtes, inachevées, sont fragiles et peuvent être remises en cause. Ainsi, notre combat communiste vise non seulement à les conforter, mais à leur donner une ampleur neuve, dans une société de liberté, d’égalité, de dignité.

Thèse n°13 : Pour un monde de paix.

Le monde est bouleversé sous la pression des appétits capitalistes et impérialistes, par les
guerres. Cela le rend dangereux à un point inconnu depuis la fin de la Guerre froide. Les nationalismes et obscurantismes voient leur vigueur redoubler, se présentant comme des réponses alternatives à une mondialisation capitaliste brutale et dépourvue de sens ; ils mènent les peuples dans d’aussi meurtrières impasses. La « fin de l’Histoire » n’a pas eu lieu ; cette fable élaborée alors que le capitalisme semblait triompher, dans les années 1990, a été pleinement invalidée par le mouvement de l’Histoire même. Le capitalisme, dans sa phase mondialisée, génère au contraire de violentes contradictions qui aiguisent les tensions et nourrissent des foyers de guerre partout sur la planète. Les traités de libre-échange qui se multiplient à l’écart des décisions souveraines dessinent des zones d’affrontements qui accumulent des stocks alarmants d’armements. Et la menace nucléaire est à nouveau brandie dans des formes nouvelles.

D’Erdogan à Trump en passant par Netanyahou ou Poutine, redouble d’actualité l’analyse de Jaurès : le capitalisme porte en lui la guerre « comme la nuée dormante porte l’orage ».
La paix ne peut pas s’épanouir au milieu de la guerre économique. La survie et le développement de l’humanité permettent et requièrent au contraire l’essor des coopérations internationales dans un cadre de paix et de droit. Elle est conditionnée par un indispensable dialogue sanctionné par des instances internationales modernisées et démocratisées, par une refondation progressiste de la construction européenne qui doit s’émanciper de l’OTAN. La France doit s’inscrire de façon active dans le processus d’interdiction des armes nucléaires, engagé en juillet 2017, par une très large majorité (132 États) de l’assemblée générale de l’ONU.

La paix, le désarmement et tout ce qui les nourrit s’avèrent ainsi des enjeux cardinaux de notre combat.

Thèse n° 14 : Pour une France hospitalière et fraternelle, une Europe solidaire.

Les enjeux migratoires sont au cœur de notre époque et représentent un véritable défi mondial. Aucun pays n’échappe aujourd’hui à ces enjeux, enjeux qui relèvent de choix politiques réfléchis. Il s’agit donc pour les institutions internationales, États et citoyen·ne·s, de travailler à définir des solutions communes dans une démarche d’accueil, de devoir d’humanité et de co-développement. Si le droit à la mobilité est reconnu par la Déclaration des droits de l’homme, des migrations forcées ne cessent d’augmenter. Seul un tiers de la population mondiale arrive à faire valoir son droit à la mobilité, et les drames humains se multiplient. Notre responsabilité est d’accueillir les migrant·e·s avec dignité, dans le respect des droits internationaux et des conventions des droits de l’enfant.

Au moment où l’Europe consacre des milliards d’euros à la « sécurisation des frontières », la France doit porter un autre espoir, celui de la patrie des droits de l’homme, du droit à la circulation pour toutes et tous, de l’ouverture du droit d’asile aux réfugié·e·s économiques et climatiques, d’ouverture de voies légales de migration, de politiques volontaristes d’accès au droit au travail, à la santé, aux transports, au logement, à l’apprentissage du français. De plus, la France doit s’investir pleinement pour un pacte mondial de solidarité sur les enjeux migratoires, l’année où l’ONU appelle à des initiatives.

 En France, un combat stratégique

Thèse n° 15 : La France présente des dimensions stratégiques pour notre combat.

Sixième puissance mondiale, la France est de ces nations qui peuvent peser sur le cours du monde. Que la lutte des classes y tourne à l’avantage des possédant·e·s ou des travailleurs et travailleuses, et les conséquences peuvent s’en faire sentir pour de nombreux peuples dans le monde. Les luttes y prennent ainsi une portée qui dépasse les seules frontières hexagonales.

Emmanuel Macron tente aujourd’hui d’utiliser le rayonnement international de la France et sa puissance d’intervention militaire extérieure pour retrouver un rôle de leader du « camp occidental », à l’égal de Trump. Cet effort est vain ; il est même dangereux car il n’est pas mis au service de la construction d’un nouvel ordre du monde fondé sur la justice, le droit, la coopération et la paix. Notre pays a pourtant des atouts pour jouer, en grand, ce rôle de progrès.

Parmi les grandes puissances capitalistes, la France présente une configuration singulière. Malgré les réactions, reniements et répressions, la France reste intimement marquée par le souffle de sa Grande Révolution, de ses révolutions du XIXe siècle, de ses intenses luttes de classes du XXe, de ses mobilisations féministes. Notre peuple en porte un puissant héritage : de sa devise républicaine à la Sécurité sociale en passant par son ancrage laïque, le préambule de 1946 ou la vivacité de ses organisations révolutionnaires syndicales et politiques. Les luttes sociales et politiques en 2018 en témoignent de manière vivante.

Cette configuration, singulière en Europe et dans le monde, fait de notre pays, au cœur du monde capitaliste, une terre qui appelle le déploiement offensif de notre combat communiste.

Thèse n° 16 : La France est au cœur d’un affrontement de classe visant à saborder tous les leviers de modernité conquis de haute lutte : défendons-les, développonsles, ressourçons-les.

Activement soutenu par le grand capital financier et ses relais médiatiques, qui en ont fait leur nouveau champion, le Président de la République a réussi en 2017 à capter le besoin de renouveau de la société française. Mais son « nouveau monde » montre son vrai visage : inégalitaire, brutal et autoritaire, tout entier dédié aux grands intérêts capitalistes. Même rhabillé en start-up, le modèle Macron tape toujours plus dur. Derrière les masques, c’est le vieux monde capitaliste.

La Sécurité sociale, les services publics sont des conquêtes majeures, leviers originaux de modernité arrachés par le combat de classe. Ils n’ont cessé d’être l’objet d’attaques de la part du patronat et leur originalité s’est parfois émoussée quand il aurait fallu la renforcer. Nous sommes aujourd’hui confronté·e·s à une lutte de très haute intensité visant à les liquider purement et simplement, pour faire place nette à une domination de classe sans frein. Le pouvoir Macron, c’est la volonté de pousser le plus loin possible l’adaptation de notre pays à la domination capitaliste mondialisée de ce siècle.
Ces conquêtes doivent, au contraire, être précieusement préservées, ressourcées dans une appropriation populaire effective et amplifiées pour répondre aux défis posés par notre temps. Il ne s’agit pas de normaliser la France au regard des appétits capitalistes internationaux mais de pousser plus loin tout ce qu’elle compte de modernité.
Communistes, nous ne défendons pas le vieux monde et ses lourdes limites. Nous voulons
prendre appui sur les conquêtes d’hier et le mouvement profond d’aujourd’hui pour relever les défis du siècle posés à l’humanité. À celles et ceux qui produisent les richesses de prendre, enfin, les affaires du monde en main.

Les chemins révolutionnaires dans la France de notre temps

Pour une mise en mouvement consciente du plus grand nombre pour des objectifs de conquête

Thèse n° 17 : Il existe, en France, une puissante aspiration populaire à de grands changements mais le mouvement populaire reste trop faible.

La mise en mouvement du plus grand nombre, créatrice et consciente, est la condition sine qua non du mouvement communiste. La construction de cette mise en mouvement se trouve ainsi placée au cœur même de notre pratique politique. Nous pouvons nous appuyer, aujourd’hui, sur une puissante aspiration populaire à de grands changements. Le statu quo est tellement rejeté que l’homme des principales forces du capital, Emmanuel Macron, a dû intituler son livre de campagne présidentielle « Révolution ». Malgré le déferlement médiatique soutenant chacune de ses contre-réformes, il ne parvient pas à obtenir d’adhésion majoritaire. La dureté de bien des vies, la conscience diffuse des périls, la crise de non-sens du capitalisme mondialisé, la curiosité qui se développe autour des notions de « communs », le regain d’intérêt pour les
idées de Marx ou le communisme dans la jeunesse en constituent d’autres signes. Pour autant, le mouvement populaire effectif est encore trop faible. Nous avons des obstacles à lever.

Thèse n° 18 : Développer la conscience de classe est un enjeu stratégique.

La mise en mouvement du plus grand nombre implique une élévation du niveau de conscience des intérêts en présence. L’idéologie dominante s’emploie à diviser la grande classe des salarié·e·s. Pourtant, les conditions objectives pour une alternative au système capitaliste sont aujourd’hui particulièrement aiguisées, notamment du fait d’une concentration inédite de la classe capitaliste. Face à elle, et par-delà ses mille nuances – de l’ouvrier à la chercheuse en passant par le chômeur, le cadre ou la caissière –, la classe des salarié·e·s est unie objectivement, dans sa subordination aux grands propriétaires qui, seuls, décident et profitent véritablement. L’émergence des « auto-entrepreneurs » dans la dernière période n’est pas synonyme de création d’une classe aux intérêts distincts. Leurs intérêts sont ceux des salarié·e·s. Face à la concentration actuelle du capital apparaissent même des possibilités d’alliance très fortes avec nombre de travailleurs indépendants et de petits patrons, eux aussi soumis au pouvoir d’une classe dominante de plus en plus étroite.

Pourtant, force est de constater que cette classe n’a pas conscience de ses intérêts communs. En effet, une des principales forces de la politique de la classe capitaliste, celle d’Emmanuel Macron en témoigne, est qu’elle parvient à diviser de manière significative les salarié·e·s et simultanément à faire adhérer une partie d’entre eux aux thèses patronales. Ainsi, les différences de statuts ou la domination patriarcale sont utilisées pour tirer les droits des travailleurs·euses vers le bas, les différentes méthodes managériales et le développement de l’intéressement accentuent la mise en concurrence les salarié·e·s et la participation aux bénéfices se fait au détriment de l’augmentation des salaires. Ainsi, la mise en mouvement créatrice des salarié·e·s et de leurs allié·e·s de classe appelle une intense bataille idéologique pour faire croître une large conscience de classe.

Thèse n° 19 : Développer l’alliance de toutes celles et de tous ceux qui ont intérêt à l’extinction des dominations pour, ensemble, parvenir à les faire reculer.

Par-delà même ces structurants intérêts de classe, nous visons à rassembler toutes celles et tous ceux qui ont intérêt au dépassement du capitalisme et au libre développement de la personne. Le sort réservé à la jeunesse de notre pays, aux femmes, aux étranger·e·s, à celles et ceux que l’idéologie dominante tend à présenter comme des ennemis de l’intérieur en raison de leur couleur de peau ou de leurs croyances réelles ou supposées ; tout nous appelle à travailler ensemble et, ensemble, combattre ces dominations dont l’extinction serait profitable à toutes et tous. Ce sont des questions de tout premier ordre et des préoccupations majeures pour des millions de personnes dans notre peuple, prêtes à se mobiliser en plus grand nombre encore, depuis Parcoursup jusqu’aux violences policières, en passant par #metoo/balancetonporc ou
la chasse aux migrant·e·s.

Au-delà, nous visons à rassembler toutes celles et tous ceux que la République délaisse dans les banlieues, les quartiers populaires, le péri-urbain ou la ruralité. Nous promouvons une République de l’égalité dans tous les territoires.

Thèse n° 20 : Notre stratégie communiste s’ancre dans les luttes concrètes pour engager le dépassement du capitalisme.

C’est dans les luttes concrètes, sur tous les terrains, que se construisent les possibilités d’un dépassement réel du système capitaliste. C’est dans le mouvement réel, dans ces luttes et dans le combat pour y porter des alternatives que s’ancre notre stratégie révolutionnaire, ce processus multiforme fait de succès partiels mais aussi de possibles reculs, de victoires de longue portée et de ruptures, d’élévation progressive des objectifs de conquête à mesure que se construisent et évoluent les rapports de forces.

Aussi, nous devons déployer notre présence, notre visibilité, notre activité dans un plus grand nombre de bassins de vie et d’emplois, en appréhendant la réalité dans ses contradictions, en développant notre autonomie de pensée et d’actions, pour être d’abord identifié·e·s pour ce que nous sommes et pour le changement de société que nous portons.

Les questions qui font le quotidien de notre peuple soulèvent toutes des questions politiques qui peuvent être utilement nourries de l’apport communiste.

Thèse n° 21 : La mise en mouvement populaire, pour grandir, a besoin de victoires.

Travaillons, à toutes échelles, à en obtenir et popularisons-les. Le fatalisme s’est répandu dans de larges couches de notre société. C’est le fruit d’une dure bataille idéologique mais aussi d’une succession factuelle d’échecs de mobilisations. La lutte trouve un écho plus vigoureux et large quand on peut l’espérer victorieuse. Il est, dès lors, stratégique, à toutes échelles, de penser des batailles qui visent à être gagnées et s’en donnent les moyens, que nous en soyons à l’initiative ou que celles-ci soient déjà en cours. Pour partielles qu’elles puissent être, ces victoires ne peuvent devenir des leviers d’une mise en mouvement plus large qu’à la condition d’être connues et popularisées.

Thèse n° 22 : Faire grandir cinq transformations révolutionnaires constitutives de notre projet communiste.

Nous sommes à l’écoute et en appui des mouvements de notre peuple que nous tâchons de pousser le plus loin possible, en nous y impliquant avec esprit de suite et cohérence de sens global. En outre, notre programme reste celui développé dans « La France en commun ».

Au vu des aspirations de notre peuple, de ce qu’il identifie comme devant faire l’objet de mobilisations, comme des défis objectifs que nous identifions pour la période actuelle et à venir, nous nous engageons pour obtenir de nouvelles conquêtes qui contribuent à faire grandir cinq grandes transformations révolutionnaires constitutives de notre projet communiste.

• Ouvrir la porte au communisme dans la production et le travail. Le pouvoir de décider ce qui est produit, d’organiser le travail, d’utiliser les bénéfices est confisqué par une poignée de grands actionnaires qui ruinent notre pays, ses travailleurs et travailleuses, à l’image de ceux de Carrefour, groupe qui verse des dividendes records, prévoit près de 4 000 licenciements et impose des bas salaires à celles et ceux qui, par leur travail, assurent sa richesse.

À l’échelle mondiale, les assauts ne sont pas moindres et ont aussi des effets en France (1,4
milliard de personnes vivent avec moins de 5 $ par jour, 73 % de la population mondiale
n’ont pas de protection sociale adaptée…). L’heure est venue de faire grandir les pouvoirs de décision économique pour les travailleurs, travailleuses et usagers, en France, en Europe et dans le monde. Dans le même mouvement, nous portons l’ambition de garantir à chacune et chacun le droit à un travail émancipé et à du temps libéré. Alors que l’utilisation capitaliste de la révolution numérique conduit à des destructions massives d’emplois et au développement effréné de la précarité jusqu’à l’uberisation des activités, décidons au contraire, collectivement, de l’usage que nous voulons en faire. Les potentialités de cette révolution permettent, en effet, de tout autres perspectives : développer de nouveaux métiers, réduire le temps de travail au profit d’autres activités humaines, pour dépasser le marché du travail avec la création d’une sécurité de l’emploi et de la formation.

• Engager la révolution écologique. Cet enjeu est souligné dans nos textes de congrès depuis plusieurs décennies. L’urgence de la situation appelle cependant une montée en puissance de notre part sur ce front, dans la suite des assises communistes de l’écologie : dans notre pays, près de 50 000 décès prématurés sont dus à la pollution atmosphérique ! L’heure est venue de développer un nouveau mode de production, de nouveaux modes de consommation, de nouveaux modes de déplacement. Cela passe par la relocalisation d’activités économiques, la lutte contre les perturbateurs endocriniens, la relance massive des secteurs de l’industrie (transport, isolation…) comme de la recherche loin du démantèlement auquel nous assistons, l’introduction de critères sociaux et écologiques ambitieux et contraignants pour les entreprises, la détermination démocratique et la maîtrise publique des énergies – à commencer par l’énergie nucléaire qui doit être absolument placée, pour être viable, à l’écart des logiques de l’argent – la refonte du modèle agricole français avec une réduction des intrants chimiques, le développement de services publics démocratisés, un nouveau modèle d’échanges internationaux fondés sur la coopération, loin des accords de libre-échange généralisés et d’une division internationale des processus productifs écologiquement insoutenable. Cette lutte, d’emblée, s’inscrit du local au mondial, avec les peuples mobilisés des pays en développement qui exigent que les pays riches et industrialisés, responsables du
réchauffement climatique, s’acquittent de leur dette écologique

• Faire reculer les dominations patriarcales, combattre le racisme et faire échec aux nationalismes. Dans les discours et dans les faits, ces dominations vivaces défigurent notre pays, génèrent discriminations, humiliations et souffrances. Il est urgent de faire grandir la conscience que le fait d’être français n’implique pas une couleur de peau ni une religion, et réciproquement. Face aux Zemmour, Finkielkraut, à la «  Manif pour tous  » et autres puissantes offensives réactionnaires, notre agenda place haut les combats à mener pour l’égalité professionnelle, le droit à disposer de son corps, le juste partage des pouvoirs, le libre développement de chacune et de chacun, en France et dans le monde.

• Protéger et développer les services publics. Les capitalistes veulent tout privatiser, tout
transformer en marchandise. Ils font subir un traitement de choc aux services publics en
les privant de moyens humains, financiers et en soumettant leur gestion au dogme de la
rentabilité jusqu’à les entraver dans leurs missions. La situation de l’hôpital public en est le
témoin. Nous devons au contraire les promouvoir pour répondre aux besoins humains et relever le défi écologique : pas de démocratie ni de métiers d’avenir sans système éducatif à la hauteur de la révolution des connaissances ; pas d’accès aux soins pour toutes et tous, pour une protection sociale du XXIe siècle sans service public de santé et secteur public du médicament ; pas de réponse au défi climatique sans service public de l’énergie ou du transport ferroviaire. Le statut de la fonction publique est essentiel pour relever ces défis car il garantit l’égalité, l’indépendance et la responsabilité des fonctionnaires.

• Prendre le pouvoir sur l’argent. C’est une question objectivement incontournable et, de plus en plus, perçue comme telle. Nous pourrions ainsi envisager des batailles d’ampleur contre l’évasion fiscale et viser à briser plusieurs de ses mécanismes comme le « verrou de Bercy ».

Au-delà, prendre le pouvoir sur l’argent nécessite la connaissance précise des activités bancaires, la constitution d’un secteur bancaire public incluant des nationalisations, une maîtrise populaire du crédit, une réorientation radicale de la Banque centrale européenne pour placer son pouvoir de création monétaire au service des besoins du plus grand nombre. Enfin, il nous faut travailler à forger une monnaie commune mondiale pour échapper à la domination du dollar et permettre au grand nombre des humains de maîtriser leur monnaie commune.

À la conquête des pouvoirs

Thèse n° 23 : Il n’y a pas d’émancipation politique sans émancipation culturelle.

Le capitalisme prend les allures d’une forme de dictature de la pensée dont l’ambition est d’imposer son hégémonie culturelle en s’emparant des imaginaires. Des œuvres, des langues, des lieux, des festivals, des artistes disparaissent tandis que de grands groupes globalisés font main basse sur la production artistique, sur les médias et le web. Ils fabriquent et diffusent massivement des « produits culturels » standardisées et uniformisés. Pris au piège de l’austérité et minés par les critères libéraux, les établissements culturels publics voient leur liberté de création, leur esprit critique, leur fonction citoyenne, menacés. C’est d’autant plus dangereux que néolibéralisme et néopopulismes convergent du même pas obscurantiste. L’élitisme et le populisme culturel apparaissent comme une arme pour parler au nom du peuple tout en lui refusant
le droit de se construire en acteur de sa propre histoire. Remettre l’art, les savoirs, la culture et l’éducation populaire au cœur de notre combat émancipateur, reconquérir une hégémonie culturelle progressiste sont des enjeux majeurs de la construction d’une nouvelle conscience de classe et d’une alternative à la destruction capitaliste comme à la haine populiste. À l’ordre de la marchandise, du divertissement, du repli identitaire, opposons le risque de la création, l’ambition de la démocratie culturelle, comme de l’ouverture au monde pour construire un nouvel universalisme de liberté, d’égalité et de fraternité.

Thèse n° 24 : Nous sommes confronté·e·s à une nouvelle phase de concentration autoritaire des pouvoirs.

Peinant à susciter l’adhésion, les forces dominantes sont tentées par l’autoritarisme. De puissants systèmes médiatiques aux mains des puissances d’argent contrôlent un flot continu d’informations. Des transnationales nées de la révolution numérique étendent leur emprise dans des domaines inédits. La démocratie, en crise, est mise en danger. Faute d’avoir une prise réelle sur les décisions, des millions de citoyennes et de citoyens se retirent du jeu démocratique.

En France, Emmanuel Macron veut franchir une étape majeure dans la concentration des pouvoirs. Dans l’entreprise, toutes ses lois visent à priver les salarié·e·s et leurs syndicats de droit d’intervention. Il veut aussi une nouvelle concentration institutionnelle : moins de pouvoirs pour les communes, moins de parlementaires et de pouvoir au parlement, toujours plus pour un État aux mains d’une technocratie financière. Une présidentialisation monarchique sert de levier à une recomposition politique lourde : un pouvoir toujours plus éloigné du contrôle populaire. Nous opposons à cela une conception de la politique fondée sur l’accroissement des pouvoirs du plus grand nombre.

Thèse n° 25  : Nous visons la conquête du pouvoir d’État pour faire croître les pouvoirs du plus grand nombre.

Dans la mondialisation capitaliste, le rôle des États reste majeur et le Parti communiste français ne saurait se désintéresser de l’État français, 6e puissance mondiale. Nous avons déjà détenu une petite part du pouvoir d’État, ce qui a puissamment contribué à apporter des transformations profondes à notre pays  : droit de vote et d’éligibilité des femmes, Sécurité sociale, statut général de la fonction publique, nationalisations, loi de solidarité et de renouvellement urbains… Dans une situation qui appelle des transformations plus radicales encore, mêlant processus au long cours, seuils et ruptures, le Parti communiste français vise plus que jamais la conquête du pouvoir d’État.

Pour autant, le PCF ne vise pas à se substituer simplement à une autre force à la tête de cette machinerie. Cette conquête vaut pour nous en ce qu’elle s’inscrit dans notre combat visant à ce que ceux et celles qui produisent les richesses gagnent le pouvoir de décider. Nous visons, dans ce sens, la constitution d’une nouvelle République.

Thèse n° 26  : Notre stratégie de conquête des pouvoirs ne se limite pas à l’État national.

Tout le pouvoir ne réside pas, ni n’a vocation à résider dans l’État. Les lieux de pouvoir sont pluriels. Nous visons la conquête de pouvoirs des salarié·e·s à l’échelle de l’entreprise. Nous visons la conquête de pouvoirs dans les différentes institutions, trop souvent fermées à l’initiative et au contrôle populaires. Nous visons la conquête de pouvoirs dans les collectivités. Dans ce sens, nous aspirons à une décentralisation des pouvoirs au plus près des citoyennes et des citoyens et nous mobilisons contre le démantèlement de la démocratie de proximité.

L’Union européenne est devenue, par sa construction au service des marchés et sous domination des grandes puissances, un niveau clé de la lutte de classe. Pour nos peuples et pour changer le cours de la mondialisation, des transformations fondamentales dans ses orientations, institutions financières et de coopération politique – donc des ruptures avec les traités actuels – sont un objectif stratégique. Nous nous battons à la fois pour une autre politique de la France en Europe, et pour des fronts européens dans les institutions et en dehors d’elles. Nous pensons notre action à l’échelle continentale avec le Parti de la gauche européenne, le groupe GUE/NGL et toutes les coopérations progressistes engagées jusqu’ici et à engager dans la prochaine période pour ouvrir des fronts victorieux.

Face à un capitalisme mondialisé, nous pensons notre action à l’échelle mondiale, avec les
forces politiques progressistes mais aussi les mouvements de la société émancipateurs comme #metoo/balancetonporc ou la lutte, mondiale, contre les géants du numérique (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft…) pour leur soumission à l’impôt et l’appropriation de nos données. Notre démarche stratégique est fondamentalement internationaliste. La part internationaliste de notre combat doit être renforcée face à des stratégies, de fait, pensées et mises en œuvre à cette échelle.

La croissance de la force communiste est un objectif stratégique ; le rassemblement majoritaire, un chemin incontournable.

Thèse n° 27 : Les élu·e·s communistes sont un atout précieux dans ce combat.

Dans notre stratégie révolutionnaire, les milliers d’hommes et de femmes engagés au Parti
communiste qui assument des responsabilités dans les institutions sont un atout majeur. Qu’ils y soient majoritaires ou non, ils sont des points d’appui précieux pour les luttes progressistes : ils en sont directement partie prenante, au plus près des habitantes et habitants, articulant réponses immédiates et perspectives de transformation profonde. Au-delà, face aux attaques du capital, aux politiques d’austérité et de concentration autoritaire des pouvoirs, ils tiennent une place singulière dans l’action, mêlant résistance et expérimentations, en lien privilégié avec le grand nombre des citoyennes et citoyens.

Ainsi, acteurs de rassemblements, à tous les échelons et dans toutes les configurations, les
élu·e·s communistes sont une des conditions de progression de nos idées, de nos combats, du mouvement populaire de progrès.

Pleinement communistes, pleinement rassembleurs pour de nouvelles majorités politiques

Thèse n° 28  : Pour une mise en mouvement populaire permanente  : initiative communiste et fronts d’unité populaire.

La construction de mouvements populaires, d’expérimentations sociales, de majorités politiques capables de réaliser concrètement l’avancée des aspirations émancipatrices de notre peuple est le cœur de notre stratégie. L’émancipation des travailleurs est l’œuvre des travailleurs eux-mêmes : cela dit clairement la transformation révolutionnaire démocratique que nous visons. Par ses propositions, sa capacité d’analyse et d’initiative, le Parti communiste se place au service de ce mouvement émancipateur. Il n’y a pas de formule politique intangible capable d’enfermer ce mouvement de création continu. Le combat communiste, la lutte de classes la plus large mise en mouvement populaire appellent des mobilisations politiques aux configurations évolutives et multiformes.
Ces constructions, majoritaires ou suffisamment amples pour entraîner le mouvement de la société, supposent d’impulser en même temps la politisation et l’intervention populaire la plus large possible et l’initiative communiste dans la société. Nous avons souvent du mal à déployer les deux, ce qui fragilise les rassemblements en construction ou en limitent la portée.

L’initiative communiste dans les luttes populaires doit être déployée avec plus d’audace et de constance, ce qui nécessite des changements dans l’animation de notre parti et dans les liens que nous entretenons à la société.

La politisation des mouvements populaires nécessite plus d’initiatives et d’engagement au service du débat populaire, plus d’espaces à créer pour lui permettre de se déployer, et de combattre la tendance à la délégation vers d’autres du débat politique ou à l’ignorance de ces enjeux.

Pleinement communistes et pleinement rassembleurs, c’est la ligne de conduite que nous devons nous atteler à mettre en œuvre. Les alliances politiques ou électorales sont pour nous un des moyens et non une fin au service de ces objectifs.
Notre stratégie est donc indissociablement initiative communiste pour des luttes populaires transformatrices et construction de fronts d’unité populaire pour porter ces luttes et les rendre victorieuses. C’est une création continue, qui ne saurait être intégralement planifiée à l’avance mais qui doit être mieux impulsée, évaluée et coordonnée en permanence.

Thèse n° 29  : Le Front de gauche a finalement échoué, non sans rencontrer des succès.

Lors de son Congrès de 2008, le PCF appelait à la constitution de « fronts les plus larges possibles visant des objectifs politiques précis », s’appuyant sur « une construction unitaire permanente avec des cadres, des fronts, des alliances adaptés aux contenus portés et aux échéances affrontées ». De cette impulsion initiale naît le Front de gauche.
Cette construction originale a motivé l’engagement de dizaines de milliers de personnes, l’espoir de millions d’autres, autour du programme « L’humain d’abord » diffusé à plus de 500 000 exemplaires.

Pour autant, dès le début du Front de gauche, nous avons été confronté·e·s à une difficulté : là où nous voulions construire de larges fronts, nous avons dû, au gré des échéances électorales et au nom de la préservation du rassemblement, nous contenter d’un front réduit à la dimension d’alliance de forces politiques aux stratégies de plus en plus divergentes. Nous avons manqué d’initiatives pour impulser une intervention populaire pérenne dans des fronts de lutte sectoriels portant des plateformes politiques de transformation sociale. Cela a renforcé à la fois l’illusion d’un Front de gauche comme potentiel parti, auquel adhérer directement, et celle d’alliances conçues comme ne pouvant concerner que des forces en tous points d’accord avec nos propres objectifs.
De 2012 à 2015 nous n’avons pu ou su renforcer le Front de gauche, ni faire de la profonde
aspiration à l’unité de ses sympathisant·e·s, une force de cohésion empêchant son éclatement et élargissant sa dynamique. Nous n’avons pas pu ou su trouver les moyens et les lieux pour trancher démocratiquement les débats politiques d’orientation.

Nous avons abordé les échéances de 2017 avec deux objectifs politiques assumés, à savoir :

• construire une authentique candidature présidentielle de progrès capable d’accéder au 2e tour et de l’emporter ;

• consolider nos deux groupes parlementaires.

Nous avons échoué à atteindre notre 1er objectif mais rempli le second. Pour autant, nous
avons essuyé, en nombre de voix, un résultat national catastrophique lors du 1er tour des élections législatives.

N’avons-nous pas commis des erreurs d’appréciation sur la situation politique à gauche au début de l’année 2016 ? En particulier, n’avons-nous pas sous-estimé l’état de décomposition des principales forces de cet espace politique, leur rejet global par l’opinion qui englobait jusqu’aux « frondeurs » socialistes ?

La fondation de la France insoumise et la candidature unilatérale de Jean-Luc Mélenchon ont marqué l’acte de décès du Front de gauche. Si le programme porté par cette candidature reprenait une grande partie de « L’humain d’abord », il n’en reste pas moins qu’il en excluait des points essentiels. Cette campagne poursuivait un tout autre objectif stratégique et politique que celui du Front de gauche. Il s’agissait pour la direction de la FI d’utiliser la campagne présidentielle pour construire une nouvelle organisation visant à occuper tout l’espace politique de la gauche – et au-delà – en absorbant, en marginalisant ou en éradiquant toutes les autres forces afin de créer un espace hégémonique « populiste ».

Pour autant, la dynamique dont cette candidature a bénéficié doit beaucoup à l’espoir qu’a incarné le Front de gauche. Si nous n’avons pas pu ou su faire vivre à la hauteur nécessaire notre campagne autonome, entraînant l’effacement de la voix communiste lors de cette élection, nous ne sommes pas pour autant étrangers au résultat de cette candidature qui a semé des illusions mais aussi des graines très positives. Le grand nombre de celles et ceux qui ont voté pour ce candidat était – et demeure – authentiquement mû par une aspiration progressiste profonde. C’est pourquoi nous ne pouvons pas laisser ce potentiel être entraîné dans une aventure « populiste » sans avenir, étrangère aux repères de classes, peu sensible aux exigences de dépassement du capitalisme, encore très marquée de ce point de vue par ses origines sociales-démocrates. À nous de créer les conditions, les cadres et les espaces politiques pour
travailler avec toutes celles et tous ceux qui ont eu le Front de gauche au cœur, avec toutes celles et tous ceux qui se sont mobilisés pour la candidature de Jean-Luc Mélenchon en 2017.

L’échec du Front de gauche s’inscrit lui-même dans une série d’échecs de nos expériences de rassemblement depuis la fin du Programme commun : union à la base, nouveau rassemblement populaire et majoritaire, pacte unitaire de progrès, gauche plurielle, comités antilibéraux. À partir du mouvement de la société française et d’une analyse des échecs rencontrés depuis mars 1978, nous devons construire une nouvelle offre stratégique qui soit un véritable changement de paradigme. Cette stratégie nouvelle ne consiste pas à refaire mieux ce qui a échoué, mais à faire différemment : il s’agit de soutenir et d’impulser en permanence dans la société des mouvements de luttes à visée transformatrice. C’est une démarche stratégique qui doit s’articuler autour des mouvements contradictoires de la société, et guider notre stratégie électorale de
conquête du pouvoir. L’élection présidentielle pose un problème spécifique lourd au PCF depuis 1965. Ce problème croît à mesure que la présidentialisation de la vie politique progresse.

Il nous faut, à la fois, travailler à préparer dès maintenant les échéances de 2022 et mettre en échec les logiques de délégation de pouvoir à un homme providentiel qui vont à l’encontre de toute notre démarche politique.

EN DÉBAT : Bilan

Au-delà de ce qui est écrit dans la thèse sur le bilan du Front de gauche et
des échéances électorales de 2017, des camarades portent des approches
différentes de notre bilan.
Une idée est qu’il faut réaliser un bilan de plus longue portée sur le PCF et les
partis communistes dans le monde depuis la chute du mur de Berlin. Certain·e·s
pensent que nos choix stratégiques désignés par le terme d’ «expérience » de
rassemblement n’ont en fait jamais été révisés depuis le 30e congrès du PCF
à Martigues et que l’abandon du socialisme au profit d’une visée communiste
nous prive des moyens de répondre aux questions que se posent des millions
de gens.
L’idée est avancée que l’échec du Front de gauche tient à un rôle effacé du Parti
et à une priorité donnée aux enjeux électoraux et à la recherche d’alliances, par
rapport aux luttes et à la promotion des idées communistes. Pour d’autres
camarades, cela tient dans le fait d’avoir voulu constituer plusieurs fronts et
non de consolider un front unique, notamment par le biais d’adhésions directes
au Front de gauche.
Concernant les échéances électorales de 2017, le bilan du choix de candidature
et le processus de décision font débat.
Des camarades pensent que le fait de ne pas avoir poursuivi jusqu’au bout
notre volonté de rassemblement des candidats de gauche en réduisant le vote
des communistes à l’alternative entre un candidat communiste et Jean-Luc
Mélenchon est un problème.
Pour d’autres, la décision de ne pas présenter de candidat à la présidentielle
de 2017 et de soutenir le candidat de la France insoumise, les conditions dans
lesquelles cette décision a été prise, et surtout sur ses conséquences, ont
contribué à la promotion du candidat de la France insoumise comme principal
opposant. Une autre idée est que l’absence de nos propositions dans le débat
présidentiel a grandement contribué à notre effacement et à notre échec aux
élections législatives. Des camarades pensent que cette désignation s’est faite
sans la moindre condition politique et que la gestion des parrainages n’a pas
permis de peser pour un accord législatif positif pour le PCF.
Des camarades estiment que l’échec de 2017 tient au fait que la direction de
notre parti cherchait un impossible rassemblement de toute la gauche alors que
la direction de la FI voulait une rupture claire avec un PS rejeté par les milieux
populaires. L’impasse est venue de l’impossibilité d’apporter une solution à ce
différend, conduisant à la rupture. Cela tient à une longue succession d’erreurs
d’appréciation du PCF de la situation politique, notamment sur ce qu’est
devenu le PS, ses électeurs, ainsi que sur les « frondeurs ».

Une autre idée est qu’une fois le choix fait de soutenir Jean-Luc Mélenchon, cette
décision n’a pas été réellement mise en œuvre. Pour certain·e·s camarades, une
campagne communiste autonome de celle du candidat de la France insoumise
n’était pas possible.
Un débat existe aussi sur la caractérisation du programme de la FI en 2017,
«  L’avenir en commun  ». Pour certains camarades, il reprenait l’essentiel du
programme «  L’humain d’abord  ». Pour d’autres, en étaient supprimées des
propositions communistes clés.
Enfin, des camarades estiment que lors des échéances de 2017 nous avons
esquivé la question essentielle du désengagement croissant des citoyen·ne·s
du processus électoral et que cela ne peut que conduire ceux-ci à ne pas se
reconnaître dans notre parti.

Thèse n° 30 : Les forces politiques du capital se recomposent, en force, autour de trois pôles aux porosités marquées.

Les conditions dans lesquelles nous affrontons la période politique ont été bouleversées par les échéances de 2017. Pour autant, la recomposition des forces en présence est encore en cours ; elle n’est pas stabilisée. Nous avons affaire à un projet global et articulé, radicalement pensé, du capital financier pour inscrire la France dans le nouveau désordre planétaire et les concurrences qu’il génère. Pas simplement à une aggravation des attaques de la classe dominante contre les conquêtes du monde du travail et de la démocratie. L’instrument privilégié de ce projet est un césarisme qui profite de la désintégration de l’ordre politique ancien, de la crise de la politique et de la
démocratie représentative, de l’affaiblissement du mouvement ouvrier, de la dislocation de la gauche, de l’inexistence d’une alternative progressiste massivement crédible, de l’estompement des repères à partir desquels se sont noués pendant plusieurs décennies les affrontements politiques et sociaux. Ce projet est d’une portée tout aussi considérable que celui qu’avait, dans un contexte tout à fait différent, porté le gaullisme à la fin des années 1950. Sa visée est, non seulement, de liquider ce qu’il demeure de l’héritage du CNR, mais encore de transformer qualitativement les structures de l’économie du pays, de changer profondément les équilibres institutionnels en asphyxiant les dernières formes de contre-pouvoir ayant subsisté sous la Ve République, d’étrangler le « modèle républicain » français pour lui substituer, dans l’organisation de la vie collective, une logique, inspirée des classes dominantes états-uniennes, le tout adossé à une cohérence idéologique se présentant comme une réponse aux défis de ce début de siècle.
Cela donne une force considérable à LREM dans son entreprise de recomposition au service du regroupement de toutes les forces libérales.

Cette opération politique libère, à droite, un espace de convergences pour les forces de droite radicalisées autour de Laurent Wauquiez et de l’extrême-droite. Si le premier de ces pôles est traversé de crises et mis en difficulté par l’opération LREM, il n’en demeure pas moins particulièrement implanté ; malgré le désastre de la candidature Fillon, son écho continue de porter loin. Le second de ces pôles connaît également une reconfiguration et une réorientation, symbolisée par l’éviction de Florian Philippot et le renforcement d’un discours libéral qui s’encombre moins de masques. Malgré le salutaire et cinglant échec infligé à Marine Le Pen au deuxième tour de l’élection présidentielle, l’enracinement de l’extrême droite reste à un niveau historique et rien n’indique un reflux jusqu’ici.

Cette montée des périls ne s’arrêtera pas d’elle-même ; c’est une puissante alternative de progrès, porteuse d’un fort projet de classe qui, seule, peut lui faire efficacement face, dans la durée.

Thèse n° 31 : Les forces de progrès se recomposent dans la difficulté et l’éclatement.

L’effondrement du PS, marque du discrédit du projet social-démocrate, bouleverse la situation à gauche. Le quinquennat Hollande a abîmé comme jamais l’idée de gauche. De fait, l’identification positive à la référence « gauche » a considérablement faibli, mais celle-ci n’a pas disparu et notre peuple n’a rien de bon à attendre de sa disparition, d’autant que la vérité qui se fait jour sur le projet Macron le révèle au plus grand nombre comme un authentique projet de droite.

La géographie de la gauche s’en trouve d’autant plus chamboulée que la principale d’entre elles, la FI, refuse de s’en réclamer, usant de références multiples et variables dont celles du « populisme » et du « dégagisme ». Pour autant, les forces sociales qui la soutiennent sont majoritairement issues du mouvement de la gauche antilibérale qui s’est amplifié à partir de 2005, et que nous avons contribué à développer. D’autres forces, dans le giron de la social-démocratie, comme le mouvement Génération.s de Benoît Hamon apparaissent.

Aujourd’hui, les repères politiques de celles et ceux que nous ambitionnons de rassembler
sont éclatés et mouvants. La gauche sociale et politique est durablement diverse, comme le montre l’appel du 26 mai. Son rassemblement est nécessaire mais n’y suffira pas. Notre travail de rassemblement se reconstruira d’abord autour de contenus forts répondant aux exigences populaires.

Cette reconfiguration politique n’est pas figée ; elle appelle de notre part ambition et audace.

Thèse n° 32 : Vers un nouveau front social et politique.

Notre stratégie est faite de débats idéologiques, de luttes permanentes, de fronts partiels pour faire reculer le pouvoir LREM et le patronat qui le soutient, pour stopper son offensive de remodelage, pour ouvrir des brèches et construire des avancées concrètes à l’opposé des logiques capitalistes. Nous menons ces luttes à toutes les échelles, locales, régionales, nationale, européenne et mondiale.

Ces mouvements doivent préparer un changement de majorité politique dans le pays. Si les conditions n’en sont pas aujourd’hui réunies, le besoin d’une majorité alternative au pouvoir de Macron est d’ores et déjà posé. Nous avancerons sur le chemin de cette nécessaire reconstruction politique dans les luttes populaires en cours et à venir en faisant grandir l’exigence de transformation des pouvoirs politiques et de leurs orientations.

Quelle perspective pouvons-nous nationalement proposer qui ne renouvelle pas les échecs du passé récent ? Nous savons que les forces sociales et politiques dont la mise en mouvement est nécessaire sont diverses et traversées de débats. Les mobilisations du printemps contre la politique Macron l’ont confirmé.

Nous proposons aux forces disponibles d’expérimenter un nouveau cadre politique, pour continuer de faire avancer cette construction sans nier les débats : la création d’un forum national politique qui pourrait poursuivre le débat politique entre les forces disponibles, animer des campagnes communes, élaborer des constructions programmatiques ou électorales, sans rendre la participation de toutes les forces s’y associant chaque fois obligatoire. Tout en favorisant l’unité d’action politique, il laisserait à chaque force sa pleine et entière liberté d’initiative.

EN DÉBAT : Stratégie

Le débat sur le nécessaire renouvellement stratégique de notre parti et les
« nouvelles initiatives stratégiques » qui en découlent font partie des questions
les plus discutées par les communistes.
Les leçons qu’il convient de tirer du bilan du Front de gauche, de son échec
final, de notre score historiquement bas aux législatives, de la difficulté et de
l’éclatement dans lequel se trouvent les forces de gauche sont ardemment
débattues.

Au-delà des idées exprimées dans les thèses de la base commune, plusieurs
idées sont avancées  : les premières portent sur la relance de l’initiative
communiste. Pour les uns, le texte fait insuffisamment place à la relance de
l’initiative communiste et du projet communiste en lien avec les luttes, alors
même que le rassemblement sur des contenus doit être au cœur de toute
reconstruction.

Aussi, notre priorité stratégique doit être de réarmer idéologiquement le
mouvement populaire et de le construire politiquement, secteur par secteur,
par la constitution de fronts de lutte et de plateformes qui unissent sur des
objectifs précis. Cela implique une autonomie de la force communiste pour
réhabiliter les enjeux de classe jusqu’à ce qu’ils dominent les enjeux identitaires
et deviennent la matrice de la recomposition de la gauche.
Une autre idée estime au contraire que c’est l’insuffisante analyse des
mouvements de transformation émergents dans la société, producteurs de
modernité, qui place le PCF en marge.

Pour initier de nouvelles luttes offensives, la base commune avance 5
transformations révolutionnaires constitutives de notre projet communiste.
Sont-elles à la hauteur, pertinentes et, surtout, déclinées en termes
opérationnels  ? Des camarades pensent que non et souhaitent que le débat
soit poussé.

La seconde idée débattue porte sur la proposition de «  forum politique
national » : elle est jugée par certain·e·s prématurée et inadaptée.
Prématurée parce que les conditions pour qu’y prévalent des contenus
transformateurs ne sont pas réunies tant que nous ne reprendrons pas
l’offensive sur ces contenus. Inadaptée parce qu’elle ressemble à ce que nous
avons déjà fait et que ce forum risque de reproduire les échecs antérieurs.
L’avenir de la gauche fait aussi débat.

Nous donnions au Front de gauche l’objectif de supplanter au sein de la
gauche les forces sociales-libérales. Mais aujourd’hui, c’est la dislocation, voire
la disparition de la gauche qui est en jeu. Au moment où le projet Macron se
révèle profondément de droite, mettons-nous l’objectif de sa reconstruction au
centre de la stratégie et comment ?

À ce propos, l’idée est avancée que nous devons prendre différemment en
compte la nouvelle géographie de la gauche et l’émergence de la FI, qui
marquerait l’arrivée en tête de la gauche d’un projet de portée anticapitaliste.
La FI se trouve ainsi placée face au défi du rassemblement de la gauche sauf à
occasionner une désespérance supplémentaire. Nous avons une responsabilité
particulière, notamment dans les échéances locales à venir en raison de notre
implantation, pour poser la question de ce rassemblement, mener la bataille de
la reconquête pour une gauche aujourd’hui très affaiblie.

En somme, des thèses de la base commune et des idées avancées ressort l’idée
que nous devons poursuivre jusqu’au congrès le débat de notre renouvellement
stratégique. Nous sommes loin d’être au bout de ce débat.

Thèse n° 33 : Nous avons vocation à être présent·e·s à toutes les élections.

Avec la perspective de nourrir cette mise en mouvement consciente du plus grand nombre pour des objectifs de conquête, nous avons vocation à être présent·e·s à toutes les élections, y compris à l’élection présidentielle.

L’analyse concrète des différentes situations concrètes doit nous amener à déterminer les modalités précises de cette présence. Pour autant, dans le calendrier hyperprésidentialisé de la Ve République, nous devons préparer dès à présent l’ensemble de la période quinquennale et démontrer la pertinence de notre présence à toutes les échéances.

Les deux prochaines échéances qui nous attendent, élections européennes en mai 2019 et municipales en 2020, doivent être préparées dès maintenant à partir de leurs caractéristiques propres et des objectifs qu’elles peuvent permettre de faire avancer.
Les élections européennes auront lieu en mai prochain. Nous sommes en campagne avec un contenu de classe – portant les intérêts populaires contre ceux de la finance – et internationaliste – mettant en valeur le besoin d’une France libre de dire non et à l’offensive pour construire sans attendre des coopérations de développement commun à géométrie choisie. Cette orientation est la réponse progressiste à la fausse alternative entre « intégrationnisme » néolibéral de Macron et nationalisme tout aussi néolibéral du FN, les deux revers de la médaille capitaliste.

Dans le contexte d’un rejet populaire puissant des politiques de l’Union européenne, de crise des partis du consensus libéral au profit d’une droite encore plus réactionnaire ou de mouvements comme LREM, et de percées critiques des extrêmes droites, l’alternative réside dans notre capacité à créer un rapport de forces aux élections en faveur d’exigences sociales fortes.

Jeunes comme retraité·e·s, salarié·e·s comme indépendant·e·s, militant·e·s de la paix comme écologistes, féministes comme antiracistes, toutes et tous confrontés dans leurs combats aux traités et politiques de l’UE, doivent trouver dans les européennes de 2019 une occasion de porter leurs idées eux-mêmes aux côtés de candidats communistes incorruptibles face aux pouvoirs de l’argent, combatifs et déterminés à placer toujours l’humain et la planète au cœur de leurs actions. C’est ainsi qu’est construite notre liste, qui reste ouverte à de nouvelles jonctions avec le mouvement social et les partis de la gauche de transformation sociale et écologique. Nous travaillons à faire élire des député·e·s européen·ne·s communistes et issus de ces luttes de progrès dans la perspective d’un groupe de gauche confédéral, large et rassemblé au
parlement européen.

Pour les élections municipales, des rassemblements très larges sont possibles sur la base de projets promouvant la commune, les services publics, la démocratie locale, élaborés au plus près des citoyennes et citoyens. Dans ce cadre, il nous faudra travailler à une cohérence métropolitaine de notre stratégie. Bien avant la constitution de listes, c’est autour de projets locaux et d’une bataille nationale contre les plans de liquidation et l’asphyxie financière du pouvoir communal que nous voulons engager sans attendre le combat.

Le Parti communiste entre dans un nouveau siècle

Thèse n° 34 : Révolutionner le PCF pour révolutionner le monde.

Pour porter le combat communiste dans un monde qui change vite, et mettre en œuvre cette nouvelle stratégie, le Parti communiste français doit se révolutionner. Il doit réinventer son projet, sa démarche, ses pratiques, son organisation. Nous savons que cela ne se décrète pas. Nous avons de nombreux atouts mais beaucoup est à changer également. Ni table rase, ni simple continuation, mais évolution révolutionnaire : voilà ce qui guide nos transformations. Ce n’est pas la première fois que nous en parlons : nous avons engagé ces transformations en 2008, en décidant de demeurer le Parti communiste. Notre parti a changé, il s’est rajeuni, renouvelé, il reste une force essentielle, mais il s’est aussi affaibli. Au dernier congrès, conscient·e·s que nos transformations étaient insuffisantes, nous avons adopté un relevé de décisions. Il était ambitieux ; l’évaluation de sa mise en œuvre est à engager dans toutes les organisations du PCF
mais nous pouvons déjà estimer que nous avons peiné, collectivement, à le mettre en œuvre. Cette fois, il faut sauter le pas.

Thèse n°35 : Un parti démocratique pour l’engagement du plus grand nombre.

Pour faire échec aux ambitions du capital et promouvoir une alternative révolutionnaire, une ample mise en mouvement consciente est nécessaire. Celle-ci, pour prendre toute sa mesure et atteindre une dimension de masse, appelle une organisation démocratique rassemblant largement et coordonnant intelligences, expériences et énergies dans la durée.

C’est pour cette raison que nous travaillons à faire du Parti communiste l’organisation de la politisation populaire, de l’appropriation par le plus grand nombre des clés d’intelligibilité du monde, des intérêts qui s’y affrontent et des voies de sa transformation.

Il s’agit ainsi de contribuer à ce que travailleurs et travailleuses construisent eux-mêmes les chemins de leur émancipation, dans la maîtrise des enjeux et dans l’action.
Cette orientation fondamentalement démocratique est inséparable de notre conception de la mise en mouvement populaire et du rôle du PCF dans celle-ci.
Dans cet esprit, nous travaillons à faire du Parti communiste un parti de masse, ancré dans de larges couches de la société, en prise avec les souffrances, les oppressions, les discriminations, tout comme avec les colères, les espoirs et les luttes qui s’y déploient.
Pour atteindre cet objectif, nous visons à faire du collectif militant conscient et actif une force qui peut s’appuyer sur la réflexion et l’expérience de tou·te·s et de chacun·e. Parce que nous cherchons à avoir une analyse et une action pertinentes, nous devons mobiliser l’apport de chaque communiste. Nous pensons la voie de notre efficacité en visant un Parti communiste comme intellectuel collectif, ouvert sur la société. Cela implique de stimuler le débat, la production et la circulation d’idées et d’initiatives, d’amplifier leur coordination et leur mise en commun.

Thèse n° 36 : Un parti pour ne plus se laisser dominer, exploiter, aliéner.

Nous sommes le parti de celles et ceux qui produisent les richesses, face à ceux qui accumulent les dividendes. Quel que soit leur statut, elles et ils trouvent au Parti communiste l’organisation de lutte des classes. Le Parti communiste, sans exclusive, cultive sa singularité dans le paysage politique en étant une force à la disposition des milieux populaires.

Nous sommes le parti de celles et ceux que les dominations patriarcales et racistes briment et tentent d’abaisser. Au Parti communiste, elles et ils relèvent la tête et se battent pour la justice et la dignité.

Nous sommes le parti de celles et ceux qui ne s’en laissent pas conter sur le « capitalisme vert » et savent qu’il faut engager dès maintenant cette révolution écologique. Au Parti communiste, elles et ils s’organisent pour ce combat écologique.
Nous sommes le parti de celles et ceux qui ont l’internationalisme au cœur. Au Parti communiste, elles et ils militent pour la paix, la liberté et l’égalité des peuples.

Thèse n° 37 : Un parti pour la jeunesse qui veut s’engager, penser et construire un nouveau monde.

En respectant son indépendance d’organisation, nous soutenons, partout, le rayonnement du Mouvement jeunes communistes de France. Celui-ci s’est considérablement renforcé ces dernières années ; il est un point d’appui important pour la jeunesse dans toutes ses mobilisations.

Les communistes soutiennent cette dynamique en favorisant le développement d’espaces
d’accueil, de soutien logistique et d’échanges politiques avec le MJCF.
Levier de transformation de la société, les jeunes peuvent trouver au PCF une structure de lutte pour gagner leur avenir. Le PCF crée les conditions de leur accueil, en prenant en compte leurs aspirations et modes d’engagement spécifiques, en leur offrant aussi bien des possibilités de formation qu’un répertoire d’actions adapté.

Thèse n° 38 : Pour un parti féministe.

Les freins à la mise en place du livret ressource pour amplifier la lutte contre les violences
sexistes et sexuelles et du dispositif associé, mais au-delà le manque d’ambition pour la mise en responsabilité et la participation des femmes dans le Parti doivent être dépassés. Nous devons tirer toutes les conséquences du fait que le mouvement féministe, en plein essor mondialement, est un des plus puissants leviers d’émancipation. Il est temps de sortir des déclarations « il manque des femmes », « les femmes ne veulent pas être candidates » et dépasser le constat qu’aujourd’hui 45 % des adhérents sont des adhérentes, mais que 80 % des secrétaires fédéraux sont des hommes. L’égalité femmes/hommes doit être un axe de travail dans le pôle Vie du Parti. Créons des binômes paritaires, des coprésidences, des commissions locales féministes. Engageons un autre mode de répartition des tâches politiques plus participatif, plus partagé, y compris dans le temps, qui favoriserait les femmes.

Thèse n° 39 : Pour un parti de masse et de proximité.

Si un de nos objectifs est d’investir les luttes existantes pour en pousser le potentiel de transformation révolutionnaire, notre structuration comme notre nombre sont essentiels. Ainsi, le nombre d’adhésions que nous réalisons, le nombre de personnes à qui nous proposons l’adhésion et, de fait, le nombre de camarades mobilisé·e·s pour la proposer sont des éléments cruciaux dans notre volonté de conquête sociale et politique. Aussi, le renforcement du PCF ne se pose pas, d’abord, comme une question interne mais bien comme un élément indispensable au développement d’un large mouvement pouvant rendre possible l’alternative dont la France a besoin. Dans ce sens, nous lançons une grande campagne d’adhésions « Cent ans d’avenir » :

un appel national aux hommes et femmes de progrès. Faisons cause commune : c’est ce que peuvent décider des dizaines de milliers de personnes dans les deux ans à venir. Tous ensemble et dans toute la France, en 2020, nous fêterons le centenaire de notre parti et l’ouverture d’un nouveau siècle de combat communiste. Nous préparons dès à présent cette grande année de fêtes populaires. C’est un plan de travail qu’il faut élaborer dans toutes les structures du PCF, en démocratisant la question de l’adhésion, en développant des outils en ce sens, en fixant des objectifs et en faisant suivi, évaluation et points d’étape. Un temps national doit être consacré à cette question recensant notamment les expériences locales positives grâce auxquelles les militant·e·s communistes, par leur présence régulière contribuent déjà grandement au renforcement de notre organisation. En s’appuyant sur des luttes locales donnant à mobiliser sur des objectifs précis, les communistes gagnent en crédibilité, en audience et en contacts. Ceux-ci
devraient faire l’objet d’un suivi régulier sur le long terme dans notre objectif de renforcement.

Pour autant, notre nombre ne prend toute sa force que dans notre capacité à nous organiser, dans la proximité, dans l’ensemble du territoire. Nous devons donc travailler à des objectifs de déploiement du PCF. La question de la proximité est essentielle pour tisser contact humain et rapport de confiance dans la durée. C’est un atout décisif pour être pleinement dans les luttes, rayonner dans la société, peser sur les rapports de forces et, au-delà de nous-mêmes, mettre en mouvement largement. Pour cela, l’organisation de proximité des communistes doit viser partout où cela est possible l’échelle humaine : le quartier, la commune, le canton rural ou le lieu de travail. Cette proximité est également un élément indispensable pour permettre à chaque communiste de trouver sa place dans le PCF, au-delà du livret d’accueil des nouveaux adhérent·e·s que nous mettons en place.

Thèse n° 40  : Un parti pour faire toute sa place à la politique dans les lieux de travail.

Si de nouvelles formes d’exploitation apparaissent (« ubérisation », « auto-entreprenariat »…), l’entreprise demeure le cadre essentiel de l’opposition capital-travail. Des millions de salarié·e·s y sont confronté·e·s aux bas salaires, à la précarisation, la mise en concurrence, l’exploitation. C’est aussi le lieu où, par l’activité syndicale, se construit la solidarité revendicative, où prend corps la force du mouvement social. Pour autant, les difficultés de l’organisation à l’entreprise, au plan syndical comme au plan politique s’aiguisent.

À l’heure où la question du sens et du pouvoir dans l’entreprise est posée, à l’heure où l’appropriation de celle-ci par celles et ceux qui y travaillent s’invite à l’ordre du jour de l’humanité, il nous faut retravailler la question de l’intervention communiste à l’entreprise, dans un registre spécifique qui ne saurait se confondre avec l’activité syndicale. Les difficultés sont grandes mais nous devons être sensibles aux dynamiques positives enregistrées notamment parmi les cheminot·e·s dans le cadre de leur grande mobilisation : des cellules se sont créées, renforcées, redynamisées. Nous relançons, avec volontarisme, un secteur national dédié à l’activité dans les lieux de travail avec, comme premier objectif, de travailler à la mise en lien et au recensement des camarades des mêmes branches d’activité, avec la volonté de mettre en place un·e référent·e pour chacune de ces branches. Comme prévu dans le relevé de décisions, nous consacrerons un Conseil national à cette question.

Thèse n° 41 : un parti de la formation pour changer le monde.

Notre politique de formation doit nous permettre de remplir trois objectifs. Primo, élargir le nombre d’individus en maîtrise de concepts, de gestes, d’outils pour donner pleine mesure au libre rayonnement de chaque adhérent·e dans la société. Deuxio, permettre de faire vraiment de notre nombre une force active, un intellectuel collectif, par un haut niveau de culture commune partagée. Tertio, prendre hardiment le chemin d’un Parti communiste aux couleurs de toute la société, en se dotant de directions, à tous niveaux, n’étant pas le reflet passif des inégalités de tous ordres.

Dans ce sens, la formation devient une priorité d’organisation appelant une active formation de formateurs afin de démultiplier nos forces en la matière, la mise au point et en circulation de livrets et vidéos. Outre les stages de base et les stages à destination des cadres nationaux que nous souhaitons renforcer, nous développons, à échelle régionale, une nouvelle catégorie de stages à destination de tous nos cadres locaux et départementaux, dans l’esprit de ce qui est expérimenté actuellement. Nous développons à tous les niveaux de notre organisation des formations sur les violences sexistes et sexuelles pour lesquelles nous affirmons une tolérance zéro.

Les enjeux de formation sont de grande importance pour le PCF comme pour notre objectif stratégique de mise en mouvement populaire.

Thèse n° 42 : Un parti de solidarités concrètes.

Parce que le combat politique ne se résume pas, pour nous, au maniement de grands mots et de petites phrases, nous avons multiplié les initiatives de solidarité concrète dans la dernière période : ventes de fruits et légumes, marchés solidaires, aide aux devoirs, voyages à la mer…
Ces initiatives, par-delà l’aide effective qu’elles apportent, peuvent constituer des portes d’entrée pour l’engagement politique et donner de la force et de l’incarnation à nos batailles. Elles s’inscrivent dans notre bataille de politisation et de mise en mouvement populaires. C’est cet aspect que nous devons renforcer en faisant mieux encore de ces moments, avec esprit de suite, des portes d’entrée pour les grandes questions politiques.

Thèse n° 43 : Des campagnes identifiantes, identifiées et évaluées.

La démultiplication des campagnes nationales, fédérales, locales à laquelle viennent s’ajouter les exigences de l’actualité, ne permet pas toujours la claire identification de notre message par celles et ceux à qui nous nous adressons. En outre, une impression d’inconstance ou d’inachevé se répand pour les communistes qui mènent ces campagnes.
Concevoir une approche nouvelle de nos campagnes, alliant réactivité et esprit de suite, tout en restant au plus près des préoccupations locales concrètes, est essentiel. Travaillons à partir des idées forces de notre projet, telles que nous les exposons dans les premières parties de ce texte. Elles peuvent constituer des fils rouges, que nous veillons à décliner dans la diversité de nos campagnes ou de nos initiatives liées à l’actualité.
Ces objectifs font l’objet d’évaluation collective et de points d’étape.

Thèse n° 44  : Des réseaux nationaux d’initiative pour changer concrètement le
monde.

Les adhérentes et adhérents du PCF ont vocation à être organisés au sein de cellules, sections et fédérations. Sans qu’il s’agisse de créer une organisation nouvelle, nous développons des réseaux d’initiative thématiques pour coordonner plus efficacement les richesses militantes de notre parti et accroître son rayonnement effectif. Ces réseaux nationaux sont en effet ouverts à toutes les femmes et tous les hommes de progrès, offrant à ceux-ci la possibilité d’une expérience militante avec les communistes sans exiger un engagement global. Ils visent en outre à mieux faire circuler l’information pertinente pour un thème donné, en lien avec un secteur de travail (ou plusieurs), ou encore à organiser une campagne particulière. Il s’agit de libérer la prise d’initiatives des communistes, de les mettre en lien avec des personnes ressources sur un sujet, tout en nourrissant concrètement une mise en mouvement populaire large.

Pérennes ou ponctuels, ces réseaux doivent permettre d’élargir le nombre de personnes avec lesquelles nous avons un lien, d’approfondir le lien avec des contacts et aussi de démultiplier le nombre d’hommes et de femmes – communistes ou non – mis en mouvement.

La nouvelle plateforme numérique du PCF facilite cette mise en réseau.

Thèse n° 45 : Une plateforme pour mettre en réseau toutes les énergies communistes.

La révolution numérique a bouleversé la manière de faire de la politique, les relations sociales, les représentations et la construction des opinions. Elle a créé de nouveaux processus et lieux de politisation. Il nous faut nous en saisir pleinement. Il s’agit de se doter de nouveaux outils politiques. Nous mettons en œuvre une stratégie numérique globale afin d’acquérir une force de frappe sur la place publique numérique en maîtrisant l’articulation de celle-ci avec la place publique du monde physique, afin d’aider à la mise en mouvement, dans un cadre coordonné, nos adhérent·e·s et nos sympathisant·e·s.

Avec cet objectif nous lançons la plateforme numérique du PCF fin octobre 2018.

Celle-ci sera également un lieu-ressource pour les sympathisant·e·s, adhérent·e·s et responsables de notre parti, en permettant à chacune et chacun d’ouvrir un compte « Mon PCF ». Dans cet espace, sont regroupées des informations utiles – différentes selon qu’on soit sympathisant·e ou adhérent·e – avec, pour les communistes, un lien permettant d’enrichir nos propositions et, pour toutes et tous, un espace personnel où on pourra préciser centres d’intérêt et aspirations militantes, pour gagner en efficacité d’action et favoriser la mise en mouvement efficace.

Ces espaces constituent également des centres de ressources personnalisés pour suivre les initiatives proches de son domicile.

Il s’agit avec la plateforme de se donner les moyens de faire passer une personne d’un engagement dans une campagne numérique (pétition, abonnement à une lettre électronique…) à une action politique pérenne aux côtés du PCF ou en son sein. L’ouverture de la plateforme s’accompagnera de la mise en œuvre d’un plan massif de formation à l’usage politique des outils numériques dans notre parti.

Thèse n° 46 : Une stratégie de communication pour un nouvel écho au PCF.

La communication actuelle de notre organisation doit connaître un saut qualitatif pour s’affranchir de notre triple déficit : problème d’image, manque de permanence et atomisation profonde. L’objectif est de donner à voir la modernité du PCF et du combat communiste. Il nous faut améliorer notre réactivité à l’actualité en développant notamment notre porte-parolat et mener des campagnes de communication dans la durée, à l’appui de nos campagnes politiques. L’enjeu est double : produire des contenus idéologiques de qualité en lien avec le renouveau de la pensée marxiste et travailler à leur diffusion massive, notamment grâce à l’outil vidéo ; parallèlement, développer une communication plus large qui s’adresse à la fois à celles et ceux qui nous écoutent, tout en visant à élargir notre discours aux « communistes qui s’ignorent ». Les idées de bonheur et d’émancipation, la crédibilité du PCF à accéder au pouvoir et la refonte de notre signature « L’humain d’abord » sont au cœur de cette nouvelle stratégie de communication. Les éléments innovants du combat communiste et de notre stratégie doivent être appuyés par une communication redéfinie, notamment en direction des salarié·e·s et des femmes, et avec une priorité donnée à la jeunesse, celle-là même qui dans les enquêtes se déclare la plus ouverte à la question du communisme. Les modalités d’incarnation du PCF donnent à voir l’objectif de rajeunissement de l’image de notre parti. Pour unifier notre communication, nous créons une plateforme de maquettage en ligne, une charte graphique, une nouvelle symbolique, voire un nouveau logo. À l’issue de notre congrès un grand plan de formation en communication sera lancé en s’appuyant sur des référents régionaux.

Thèse n° 47 : Un parti de la bataille idéologique et de l’éducation populaire.

Des centaines de milliers de personnes cherchent à mieux comprendre le monde dans lequel ils évoluent, à identifier des clés d’intelligibilité. C’est une aspiration large ; c’est un enjeu politique majeur.

Dans ce sens, le PCF initie une Université permanente, intégrant les potentialités numériques de diffusion. Autour de quatre thèmes déployés dans l’année, celle-ci propose, chaque semaine, une conférence. Cette initiative n’est pas à destination des seuls communistes  ; nous la faisons connaître largement autour de nous, notamment, parmi la jeunesse, toutes celles et tous ceux qui cherchent.

Il s’agit d’ancrer fortement et visiblement le PCF dans une démarche d’éducation populaire, avec des retours incessants entre pratique et théorie dans une démarche de recherche-action. Dans ce sens, des déclinaisons régionales peuvent être envisagées.

Ces universités participent à la bataille idéologique, comme l’université d’été, nos productions, revues (Cause commune, revue d’action politique du PCF mais aussi Progressistes et Économie et Politique) et les précieux journaux progressistes de notre pays – à commencer par l’Humanité et l’Humanité Dimanche dont la diffusion militante est un enjeu majeur.

Thèse n° 48 : Pour des directions plus efficaces et plus démocratiques.

Pour être de mieux en mieux le parti de l’action populaire, animée par une activité militante de proximité dans tout le territoire, nous avons besoin d’une conception renouvelée des directions plus efficaces dans l’impulsion de l’initiative communiste.

D’ores et déjà notre parti permet à des milliers de femmes et d’hommes, notamment issus des milieux populaires, de prendre des responsabilités militantes et électives et d’être des leviers pour un large engagement dans notre pays. C’est un enjeu important que d’avancer plus loin dans ce sens, en particulier en permettant à des jeunes d’accéder à des responsabilités.

Les attentes des communistes envers leurs directions sont fortes : l’aptitude à impulser des initiatives nationales et locales qui contribuent au rayonnement des idées communistes, à conduire des batailles dans la durée et les évaluer, à générer un travail collectif, à fournir tous les éléments leur permettant de décider souverainement. Concernant notre parole nationale, en particulier, les communistes demandent plus de clarté, de visibilité, de cohérence dans les choix effectués et plus d’efficacité et de combativité.

Tout ceci nous oblige à repenser nos directions, à réfléchir à nos fonctionnements, aux outils dont nous nous dotons, aux coopérations nouvelles que nous initions et aux liens entre la direction nationale et les fédérations départementales grâce à des coordinations régionales.

Nous avons besoin de directions davantage en prise avec les réalités de la société, représentatives de la diversité du salariat, de la ruralité et des grandes agglomérations, associant des camarades engagé·e·s dans le mouvement social, des élu·e·s, des animateurs·trices du Parti. Pour cela le fonctionnement des directions doit évoluer pour tenir compte de la vie réelle de leurs membres, de leur temps disponible, afin de permettre la participation et l’engagement de toutes et tous.

Ainsi des moyens décuplés doivent être déployés pour créer les conditions de l’accès des
femmes aux responsabilités, conformément à nos statuts qui prévoient la parité dans toutes les instances de direction.

Le travail du congrès doit adopter une démarche totalement nouvelle. La commission des candidatures aura pour première mission d’animer le débat dans tout le Parti sur la conception nouvelle de nos directions, notamment du dispositif national de direction nécessaire. Concernant la direction nationale, elle travaillera à la réduction du nombre de ses membres, pour améliorer son mode de fonctionnement et de prise de décisions qui clarifiera les rôles respectifs du Conseil national, du Comité exécutif national et du ou de la secrétaire national·e. Nos statuts devront être rediscutés et modifiés après un bilan partagé à l’occasion du 39e congrès.

EN DÉBAT : Directions

La situation nous appelle à revisiter, sans aucun a priori, l’ensemble de nos
fonctionnements. Nous ressentons la nécessité de modifier la conception de
nos directions pour mettre en œuvre nos choix politiques, stratégiques et faire
vivre le débat démocratique au sein de notre organisation.

Des insatisfactions s’expriment quant au rôle et au fonctionnement de la
direction nationale notamment.

Il est donc nécessaire de clarifier les rôles respectifs du Conseil national et du
Comité exécutif national et de réfléchir :

à la façon d’améliorer le fonctionnement démocratique du Conseil
national pour en faire plus et mieux l’instance d’élaboration des positions
et des initiatives nationales ;

à la mission du CEN ;

au rôle qui revient au ou à la secrétaire national·e.

Des camarades avancent l’idée que, pour parvenir à modifier notre fonctionnement, il est nécessaire de renouveler profondément la direction nationale, jusqu’au secrétaire national.

D’autres considèrent que les questions auxquelles nous sommes confronté·e·s sont politiques, avant d’être des questions de personnes, et que le débat ne peut se poser en ces termes.

De même, les rôles respectifs des conseils départementaux et des exécutifs départementaux et leur fonctionnement doivent être repensés.

La redéfinition de ces rôles porte à reconsidérer la composition de ces instances : quels sont les différents profils à rechercher, en fonctions des tâches à accomplir, des besoins et objectifs politiques ?

Pour une autre organisation de travail du Conseil national, ne faut-il pas imaginer
une équipe d’animation en charge de préparer ses réunions, en amont, pour fournir à chaque membre les ressources nécessaires au débat et à la prise de décisions ?

Pour améliorer le fonctionnement global de la direction nationale, faut-il donner un nouveau rôle à la réunion des secrétaires départementaux ? Lequel ?

Pour des instances en prise avec la réalité de la société, il faut aussi définir des modes de fonctionnement différents (le processus de prise de décisions, le format des réunions, la collégialité, les horaires, les outils …) avec le double objectif de permettre la participation de camarades en activité professionnelle, et la prise de responsabilité vraiment effective des femmes pour une mise en pratique réelle de la parité.

Comment y parvenir ?

Comment et à quel moment évaluer les décisions prises, leur mise en œuvre, les campagnes, les initiatives décidées et impulsées par les directions nationales et locales ?

S’il est nécessaire d’interroger la constitution et le fonctionnement de chaque collectif de direction – de la section jusqu’au plan national – il nous faut aussi examiner la question de la prise de responsabilités à tous les niveaux, de ce que cela implique notamment de capacité d’animation et de prise d’initiatives, la conception que nous en avons. Beaucoup de sections, de fédérations sont, dans les faits, confrontés à la difficulté de cette prise de responsabilités.

Des propositions existent pour aller vers des binômes paritaires, ou
générationnels, ainsi que des modes de fonctionnement qui évitent que toutes
les questions reposent sur le ou la premier·e responsable.

C’est avec ambition et détermination que les communistes s’inscrivent dans les combats et les défis de leur temps.

Le Parti communiste est le parti de toutes celles et tous ceux qui souhaitent construire un monde de justice et de paix !

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Immigration : Jean-Luc Mélenchon désavoue Djordje Kuzmanovic

« Le point de vue qu’il exprime sur l’immigration est strictement personnel. Il engage des polémiques qui ne sont pas les miennes. » Voici les précisions envoyées par Jean-Luc Mélenchon au Nouvel Obs, suite aux propos de Djordje Kuzmanovic de La France insoumise, consistant en une véritable dissociation politique.

Djordje Kuzmanovic

Ce dernier, l’une des principales figures de La France insoumise, s’était dans l’interview exprimé favorablement sur le mouvement allemand Aufstehen de Sahra Wagenknecht. Voici ses principaux propos, qui reprennent la ligne historique du mouvement ouvrier pour tenter de se démarquer de la « gauche » postmoderne.

« Il y a maintenant trente ans, la social-démocratie a choisi de construire l’Union européenne libérale plutôt que de défendre les classes populaires. Pour se distinguer de la droite, cette gauche s’est concentrée sur des questions sociétales – le féminisme, les droits LGBT et les migrants – qui, d’ailleurs, ne sont pas spécifiquement « de gauche ». Bien sûr, ces sujets ne doivent pas être écartés, mais ils ne peuvent être séparés de ce qui doit être pour la gauche le cœur de son combat politique : la défense des classes populaires et la lutte contre le capital.

Sur la question migratoire, en particulier, la bonne conscience de gauche empêche de réfléchir concrètement à la façon de ralentir, voire d’assécher les flux migratoires, qui risquent de s’accentuer encore du fait des catastrophes climatiques. Plutôt que de répéter, naïvement, qu’il faut « accueillir tout le monde », il s’agit d’aller à l’encontre des politiques ultralibérales – ce que la social-démocratie a renoncé à faire (…).

La France est un pays de migrations. Mais, depuis 2012, avec l’accélération de la mondialisation, les inégalités s’accroissent et les dégâts environnementaux sont de plus en plus irréparables ; sans oublier l’explosion démographique. Cet ébranlement du monde jette les gens sur les routes et nous oblige à penser les choses différemment. Cependant, nous continuons d’insister sur le fait que ce ne sont pas les migrants qui posent problème, mais bien les destructions économiques qui poussent des millions de personnes à quitter leur pays ou leur région de naissance (…).

Les « no-borders » et l’extrême droite parlent toujours des migrants originaires de l’Afrique du Nord ou subsaharienne. Ces populations sont en réalité minoritaires par rapport aux flux migratoires européens qui sont le produit du dumping social en Europe. Les travailleurs polonais ne subissent pas l’arrivée de migrants africains, mais bien celle de travailleurs ukrainiens (…).

Lorsque vous êtes de gauche et que vous tenez sur l’immigration le même discours que le patronat, il y a quand même un problème… Ce que nous disons n’a rien de nouveau. C’est une analyse purement marxiste : le capital se constitue une armée de réserve. Lorsqu’il est possible de mal payer des travailleurs sans papiers, il y a une pression à la baisse sur les salaires. Cette analyse serait d’extrême droite ? Vous plaisantez.

Il faut engager une régularisation massive des sans-papiers de façon à obliger les employeurs à payer des salaires décents et que les salariés soient sur un pied d’égalité face à la loi. Enfin, il faut remédier au dumping social intra-européen. S’il y a un appel d’air, il vient du patronat qui maximise ses profits en exploitant la misère du monde. »

Tout cela ne fait somme toute qu’exprimer le point de vue classique, historique, du mouvement ouvrier. La Gauche, cela n’a jamais été le libéralisme ou l’anarchisme, mais la gestion de toutes les choses au moyen de la planification, le contrôle de tous les aspects de la vie sociale et culturelle par le peuple lui-même.

Seulement, lorsque Sahra Wagenknecht dit cela, elle a une crédibilité. Elle a toujours eu un discours servant de vecteur à des valeurs qui sont, peu ou prou, celles de la RDA historique. Les termes qu’elle choisit, les choses qu’elle met en valeur… tombent souvent en adéquation avec des points de repère historiquement à Gauche.

Mais lorsque c’est Djordje Kuzmanovic qui s’exprime, là cela tient moins. Il n’a jamais en effet tenu de discours avec les valeurs du mouvement ouvrier ou son histoire, à part quelques références romantiques à Jean Jaurès ou la Commune de Paris de 1871. C’est d’ailleurs quelqu’un qui est croyant, allant à l’église catholique orthodoxe russe Saint-Serge à Paris. C’est également un ancien militaire qui a été en Afghanistan et assume parfaitement l’Armée française ; c’est aussi « l’orateur national sur les questions géopolitiques » de La France Insoumise et rien que parler de géopolitique en dit déjà long.

Djordje Kuzmanovic est ainsi un souverainiste de gauche, qui surfe sur un thème et qui reprend des codes, mais pas quelqu’un assumant la mouvement ouvrier historique et ses valeurs. D’ailleurs, s’il était logique avec lui-même, il aurait rompu depuis longtemps avec La France Insoumise, qui est un vecteur très important des valeurs postmodernes, postindustrielles qu’il prétend dénoncer.

Jean-Luc Mélenchon n’a-t-il pas désigné Emmanuel Macron, il y a quelques jours, comme le « plus grand xénophobe qu’on ait », pour finalement aller à sa rencontre plus tard dans la même journée et parler d’une « légère exagération marseillaise » ?

C’est là du populisme et en acceptant cela, Djordje Kuzmanovic témoigne qu’il n’est finalement lui-même qu’un populiste.

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Le procès du meurtre de Clément Méric

Nous vivons dans une société où l’État n’est pas neutre : il vise à neutraliser, condenser, comprimer toutes les idées ou démarches subversives par rapport aux valeurs dominantes. Il n’est donc guère étonnant que le procès du meurtre de Clément Méric ait consisté en une démonstration de force institutionnelle, entièrement dépolitisée, faisant passer les prolétaires pour des demeurés et réduisant le fascisme à une brutalité de quelques voyous.

Le meurtre de Clément Méric avait déjà posé un vrai casse-tête à l’époque. Pierre Carles du magazine Siné mensuel avait alors dans un article constaté avec amertume que l’État et les médias avaient mis en place tout un dispositif idéologique pour diffuser le mépris anti-prolétaire et anti-immigré, en valorisant le parcours de Clément Méric, étudiant à Sciences Po, fils d’enseignants d’université et engagé dans la scène anarchiste parisienne.

Comment faire ? D’un côté, il y a d’authentiques prolétaires, mais s’étant fourvoyés. De l’autre, des antifascistes, mais liés à la bourgeoisie intellectuelle, à des valeurs libertaires typiques des centres-villes et des universités. Et tous sont, de toutes façons, farouchement anti-socialistes et anti-communistes.

La juge a naturellement prolongé le choix initial. Le procès n’a cessé de chercher à faire passer des prolétaires de province pour des demeurés, des arriérés, tout en effaçant totalement la question de l’inévitable sens de la révolte, ainsi, bien sûr que la déviation de la révolte.

Alors que ces prolétaires sont devenus nazis dans des zones culturellement anéanties. Que beaucoup d’entre eux, et c’est un paradoxe frappant, ont des origines immigrées. Et les observateurs ont été frappés par cela : ces nazis ne connaissaient même pas vraiment leur dossier, s’exprimaient de manière spontanée avec des mots simples et loin d’être forcément bien choisies pour leur propre situation.

Il est aussi nécessaire de remarquer que le meurtrier de Clément Méric était à l’origine impliquée dans une structure de soutien aux animaux montée à l’extrême-droite, comme sa compagne. Qu’avec sa nouvelle compagne il entend désormais monter un refuge, un autre accusé a pareillement parlé de travailler avec des animaux.

Bref, on avait là « des proles de chez proles », comme le dit la formule. Et quand on est de Gauche, on reconnaît cette nature prolétarienne, on ne saurait la mépriser. Quand on est de Gauche, on raisonne comme en Italie après 1922 et en Allemagne après 1933 : pourquoi des prolétaires ont-ils pu se tromper comme cela ?

Évidemment, la juge n’allait pas faire un procès pour expliquer pourquoi des prolétaires auraient dû devenir communistes au lieu de nazis. Ce n’est pas son objectif, qui est de neutraliser toute politique.

La nature prolétarienne des nazis en question ne l’intéressait que dans une seule mesure : faire systématiquement ressortir un mépris, une posture hautaine et arrogante, envers les prolétaires passant en procès, qui ont été scrutés « psychologiquement », « socialement », sans jamais analyser la réalité matérielle d’où ils viennent.

Il s’agissait de les écraser, non pas en tant que nazis, mais en tant que prolétaires qui ont osé faire irruption devant un tribunal. Tout de même, la juge a osé couper la parole à un avocat lors de sa plaidoirie finale – une chose jamais vue -, ainsi que condamner quelqu’un à sept ans de prison pour complicité de coups mortels, sans avoir porté de coups lui-même, c’est-à-dire pour simplement le fait d’avoir été là. Cela aurait été impossible face à des bourgeois.

De la même manière, la circonstance aggravante du coup de point américain a été retenue contre Esteban Morillo condamné à 11 ans de réclusion criminelle, alors qu’il n’y a pas d’expertise formelle à ce sujet ni de témoignages concordants, tandis qu’il y a plusieurs expertises et témoignages affirmant l’inverse.

La culpabilité est votée à la majorité et à bulletin secret par six jurées et trois magistrats sur la base de leur intime conviction. La délibération a durée dix heures et il est difficile d’en comprendre le résultat d’un point de vue strictement judiciaire et moral, à moins de considérer les choses en termes de classe et de comprendre que la Cour d’Assise n’a aucun caractère populaire malgré ses prétentions.

Ce procès a ainsi été dépolitisé, ce n’est pas le fascisme qui a été frappé, mais des prolétaires qui ont été broyés pour l’exemple… dans une démarche anti-prolétaire. C’était inévitable, à moins de ne pas comprendre la nature de la société et de s’imaginer que l’État est « neutre ».

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« Communisme » : le congrès extraordinaire du PCF de novembre 2018

Le Parti Communiste Français va tenir son congrès extraordinaire en novembre 2018 et son déroulement risque d’être assez particulier, en raison de la cristallisation de nombreuses oppositions à la direction. Après 1989, celle-ci a impulsé une ligne sociale-gouvernementale balançant par-dessus bord toujours plus des traditions de la base, au nom du maintien des élus et d’une existence à travers l’union de la gauche.

Cela a eu indéniablement un succès, au sens où le PCF a maintenu son existence et une présence réelle dans les institutions. Le développement de la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon est venu toutefois troubler cette démarche, son populisme attirant pas moins que la moitié de la base du PCF, l’autre moitié ayant peur de se faire phagocyter.

À cela s’ajoute une lisibilité électorale toujours plus faible, avec comme résultats des scores de 1,93% à la présidentielle de 2007 et 2,72% aux législatives de 2017.
Ce qui est en jeu désormais, c’est l’existence du PCF comme organisation « indépendante » : le choix de se lancer seul aux Européennes, avec Ian Brossat comme tête de liste, est la tentative de jouer le tout pour le tout.

Or, Ian Brossat a une ligne sociale-européenne qui déplaît fortement à une partie de la base, qui voit là une tentative de la direction de forcer une orientation bien déterminée, aux dépens des opposants. La direction n’avait d’ailleurs réussi à proposer une « base commune » en vue du congrès extraordinaire qu’avec 49 voix sur 91.

Cette « base commune » proposée par la direction y va pourtant très fort dans la radicalité verbale. Intitulée « Le communisme est la question du XXIe siècle », elle parle de dépassement du capitalisme et de maintien des « conquêtes de classe », exige des « nationalisations authentiques (et non simples étatisations hors d’atteinte du pouvoir populaire) », constate que « la classe des salarié·e·s est unie objectivement, dans sa subordination aux grands propriétaires qui, seuls, décident et profitent véritablement ».

Cependant, attention ! Il ne s’agit pas de la reprise du discours du PCF des années 1970 ou 1980. Pour la direction du PCF, dont l’université d’été reflète le style et l’approche intellectuelle, le « communisme » est une sorte de contrepoids démocratique au capitalisme, consistant en une mobilisation pour prendre le dessus sur « l’argent ».

Le mot « socialisme » ne revient par conséquent pas dans le document, à part pour affirmer que certains dans le PCF regrettent que ce concept ait disparu. A l’inverse, le rôle des élus est souligné, ainsi que les nécessités de pression populaire.

C’est-à-dire que le PCF veut se profiler comme force de l’idéal, de l’utopie, comme force anticapitaliste, sans aucunement proposer de transition, d’État socialiste, de contre-valeurs. C’est là la rupture fondamentale avec le mouvement ouvrier qui exigeait une société socialiste allant au communisme.

La question de la transition a, on le sait, donné naissance aux anarchistes-communistes, aux socialistes et aux communistes, qui s’opposent sur sa nature et sur son rythme. Cependant, le moment de transition n’était pas nié, il était plus ou moins raccourci, défini différemment, etc.

Avec le PCF on est ici dans quelque chose de tout à fait différent et l’écriture inclusive employée en donne l’origine : ses thèses sont celles d’intellectuels comme l’italien Toni Negri et le français Alain Badiou, voire même en poussant légèrement le bouchon comme le français Julien Coupat et le courant dit « communisant » de l’ultra-gauche.

Le « communisme » serait déjà là, comme force associative des gens d’en-bas ; il n’y aurait pas besoin d’idéologie ni d’organisation, mais simplement de bonne volonté pour établir des rapports qui « dépasseraient » le capitalisme. Quiconque a eu la possibilité de discuter avec des zadistes ou des gens de Nuit debout connaît bien cette approche par excellence petite-bourgeoise, au sens d’une négation tant de l’État que de la réalité du capitalisme comme type de production bien déterminé à l’échelle de la société toute entière.

La direction du PCF entend se profiler comme force utopiste maniant un discours totalement idéaliste au sujet du communisme, afin de maintenir son existence en récoltant les voix des couches sociales hostiles au renforcement du capitalisme et à l’augmentation de la pression sociale, sans pour autant faire de la classe ouvrière la clef de toute solution.

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La « gauche » postindustrielle en panique devant Aufstehen

L’émergence d’Aufstehen en Allemagne pose un réel souci à une gauche française passée avec armes et bagages dans le camp des valeurs postindustrielles et postmodernes. Un retour aux sources sur le plan des valeurs comme le propose Aufstehen ne peut que déplaire fortement à une gauche française pour qui le seul combat, c’est supprimer toute norme.

En 1931, la SFIO faisait une proposition de loi exigeant que les entreprises n’embauchent pas plus de de 10 % de travailleurs étrangers. C’est qu’à l’époque, la Gauche savait que les entreprises préféraient une main d’œuvre immigrée corvéable à merci, car sans conscience de classe, sans capacité d’organisation, sans niveau culturel élevé, plutôt que des travailleurs s’inscrivant dans un parcours historique bien déterminé.

C’est la raison pour laquelle la « gauche » postindustrielle et moderne est en panique complète devant l’initiative allemande d’Aufstehen, qui a avant-hier officialisé ses positions. Le Monde parle d’une « gauche antimigrants », Libération d’un « mouvement qui reprend les accents de l’extrême-droite sur la question migratoire », le Huffpost parlant d’une « gauche radicale et anti-migrants ».

Dans une de ses brèves publiées hier affirmant que Aufstehen serait « à plat ventre devant des idées réactionnaires », Lutte Ouvrière a présenté comme suit ce mouvement :

« Sahra Wagenknecht, députée Die Linke, classé à l’extrême-gauche au Bundestag allemand, vient d’annoncer la création du mouvement Aufstehen (Debout) avec comme axe politique la limitation du nombre de migrants et de réfugiés. »

Avant-hier, c’est Ian Brossat qui pour le PCF se lançait dans une attaque du même type, assimilant de manière ouverte migrants et réfugiés :

« En Allemagne, certains représentants politiques empruntent une pente dangereuse. C’est le cas de Sarah Wagenknecht, ancienne présidente du groupe Die Linke (gauche radicale) au Bundestag, qui vient de créer un mouvement populiste anti-migrants, « Aufstehen ».

Honte à elle et à tous ceux qui, se prétendant de gauche, adoptent un discours anti-migrants. Je salue nos camarades de Die Linke qui ne cèdent pas à cet appel à adopter le même discours que l’extrême droite s’agissant des questions migratoires.

Faire des réfugiés les boucs émissaires de la crise est une ignominie sans nom. Pendant ce temps-là, les capitalistes qui pratiquent le nomadisme sur fond de dumping social et fiscal dans une totale impunité peuvent continuer à délocaliser et à broyer vies et territoires en toute tranquillité.

Les progressistes d’Europe ont mieux à faire que plagier les arguments éculés de l’extrême droite selon lesquels les étrangers nous volent notre pain ou font baisser nos salaires. Il nous faut au contraire consacrer notre énergie à trouver des issues positives à la crise de l’accueil que vit l’Europe depuis trois ans.

C’est ce à quoi s’emploie le PCF, en proposant d’une part d’ouvrir des voies légales pour permettre l’arrivée en bonne condition des réfugiés qui fuient la guerre et la misère, et d’autre part qu’une clé de répartition européenne impose à l’ensemble des vingt-sept de prendre part à l’accueil et au devoir de solidarité.

Ian Brossat, chef de file du PCF pour les élections européennes »

On peut remarquer que Ian Brossat parle ici de capitalistes pratiquant le nomadisme, un terme classique du national-socialisme, les capitalistes étant assimilés aux Juifs censés être des « nomades ».

Cependant, il faut surtout noter qu’en réalité et contrairement aux propos de Ian Brossat, Sarah Wagenknecht se prononce en faveur de l’accueil des réfugiés, faisant simplement et logiquement la distinction entre ceux-ci et les migrants.

De toutes façons, la question des réfugiés ou des migrants, contrairement à ce que laissent entendre toutes ces réactions, n’est absolument pas centrale dans le positionnement d’Aufstehen. C’est un thème important, néanmoins ce n’est pas du tout un axe politique, comme le prétend Lutte Ouvrière.

Et pour cause ! Aufstehen, qui a dépassé les 110 000 personnes s’inscrivant dans sa démarche, n’est pas un parti politique. C’est un mouvement transversal unissant le maximum d’initiatives pour développer des thèmes sociaux et pacifistes, afin de renforcer la Gauche en demandant aux partis de prendre en compte les points de vue exprimés.

Le texte fondateur et introductif rendu public avant-hier explique ainsi simplement que les écarts de richesse sont devenus immenses en Allemagne, alors qu’il y a davantage de richesses, et qu’on est ainsi ramené aux différences sociales de l’époque de l’empereur Guillaume.

Rien que cette allusion culturelle à l’empire, à la hiérarchie aristocratique littéralement fantastique décrite admirablement en 1914 dans le roman de Heinrich Mann Le Sujet de l’Empereur, place Aufstehen dans le camp antifasciste, inacceptable pour la Droite. Il faut se souvenir que le drapeau du IIIe Reich reprend directement les couleurs du second Reich (le noir, le blanc et le rouge).

Et ce sont les profiteurs, ceux qui ici sont pour Emmanuel Macron des « winners », qui sont dénoncés :

« Ce sont avant tout les grandes entreprises et leurs propriétaires qui sont les gagnants de la mondialisation, du libre-échange, de la privatisation et du marché commun européen. Pour les riches, la promesse « Europe » a été remplie. Qui dispose de hautes qualifications et est mobile peut utiliser les nouvelles libertés.

A l’opposé de cela, exactement la moitié de la population en Allemagne a un salaire réel plus faible qu’à la fin des années 1990. Beaucoup de gens concernés voient en la permissivité et l’immigration avant tout une concurrence accrue et des emplois mal payés. Pour les employés des pays de l’Est travaillant dans les abattoirs allemands ou les soins pour personnes âgées, c’est également avant tout l’exploitation qui est devenue sans limites.

Et pendant que les monopoles s’arrosent de grandes dividendes, les plus pauvres se disputent pour les restes.

Depuis que l’État social ne fournit plus de sécurité suffisante, beaucoup se battent seuls pour eux-mêmes. Qui perd son job ou bien est mis à l’écart par de longues maladies se retrouve rapidement tout en bas (…).

Les dangers globaux grandissent. Dans les rapports internationaux, la loi du plus fort militairement remplace toujours plus les négociations et la diplomatie. Les guerres sont menées de manière effrénée, afin d’obtenir des matières premières convoitées ou bien d’élargir des zones d’influence géopolitique. Cela est particulièrement vrai des États-Unis. »

Pacifisme assumé et orientation sociale complète, telle est la logique d’Aufstehen, et il saute aux yeux que sa dirigeante, Sahra Wagenknecht, s’appuie sur la tradition socialiste allemande.

L’objectif de Sahra Wagenknecht n’est cependant pas un bouleversement social, mais un État social réparateur des liens sociaux. C’est un réformisme assumé, désireux de revenir aux traditions social-démocrates des années 1970.

Un tel projet est-il viable aujourd’hui? En tout cas, on ne peut qu’être étonné que la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon ait salué la naissance officielle d’Aufstehen. La démarche populiste de « la FI » n’a rien à voir avec la tentative de libérer la parole populaire et Aufstehen ne prône pas comme les Insoumis une géopolitique agressive, bien au contraire.

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Ian Brossat du PCF et la défense de l’Union européenne

Ian Brossat sera le chef de file du PCF pour les prochaines élections européennes avec une position social-libérale qui n’est pas celle de la classe ouvrière. Sa ligne est de défendre l’Union européenne en expliquant que celle-ci pourrait être différente, plus sociale et moins libérale, avec un accent mis sur la défense de l’immigration.

L’Union européenne, c’est un grand marché organisé par des capitalistes pour faire du capitalisme, qui s’est structuré avec des institutions antidémocratiques. Si la Gauche n’avait pas autant abandonné la classe ouvrière, il serait impossible pour elle de ne pas rejeter franchement un tel projet.

Ian Brossat représente un tel recul de la culture ouvrière du PCF que sa position consiste aujourd’hui à carrément défendre l’Union européenne.

Lors d’un passage à la radio, il a exprimé cela de manière très nette :

« Je ne suis pas favorable à une sortie de l’Union européenne, mais je suis favorable à ce que l’Europe porte autre chose qu’une politique libérale. »

Il n’y a pourtant aucune raison pour la Gauche de ne pas vouloir sortir de l’Union européenne. C’est même relativement un détail dans le cadre d’une conquête d’un pouvoir démocratique et populaire, tellement c’est évident qu’il faut faire complètement autre chose.

La classe ouvrière a résolu depuis très longtemps cette question : la lutte et la conquête du pouvoir ont lieu dans le cadre national, mais la bataille doit s’organiser au niveau international. Il n’a jamais été question de s’organiser conformément aux alliances conclues entre les classes dirigeantes des différents pays.

Assumer de manière unilatérale le thème de l’« Europe », c’est par définition trahir l’internationalisme ouvrier. Il n’y a absolument aucune raison pour la Gauche de se lier moins au peuple algérien, qui ne fait pas partie de l’« Europe », qu’au peuple néerlandais, par exemple.

A moins bien entendu de n’être qu’un outil pour valoriser le capitalisme à visage humain, qui serait tellement idéal que tout le monde devrait venir y vivre… Ian Brossat correspond entièrement à cela, pour sa version parisienne. Jamais Paris ne s’est aussi embourgeoisé que ces dernières années, mais Ian Brossat est là pour maintenir la fiction d’un Paris engagé, populaire, écologiste, etc.

Le problème qui s’est posé à la Gauche cependant, c’est qu’il existe une tendance dans les classes dirigeantes qui rejette l’Union européenne, en affirmant le nationalisme.

Pour ne pas être mêlée à cette tendance, la plupart des forces de Gauche, dont le PCF, ont alors adopté une position très mesurée sur la question, en critiquant les traités européens, mais en prônant de manière floue une « Europe » qui pourrait être autre chose.

On a alors eu des positions alambiquées critiquant les institutions européennes, les textes européens, les pratiques de l’Union européenne, mais ne tranchant jamais la question de manière ferme et internationaliste.

Les libéraux en ont profité pour pas été capable de boycotter le referendum et s’est laissée imposer un thème qui n’est pas le sien. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre la position du Parti Commumener une intense bataille idéologique sur la question de l’« Europe » et en faire un horizon indispensable pour tous ceux qui ne seraient pas réactionnaires. C’est la ligne d’Emmanuel Macron. Ian Brossat en est une force d’appoint.

Car un moment clef dans l’histoire politique de notre pays a été le référendum sur la Constitution européenne en 2005. La Gauche s’est retrouvée prise au piège, accablée par les modernistes pro-« Europe » d’un côté et torpillée par les populistes anti-« Europe » de l’autre. Qu’elle appelle à voter « oui » ou « non », elle renforçait forcément l’une ou l’autre des tendances.

La Gauche n’a pas été capable de boycotter le referendum et s’est laissée imposer un thème qui n’est pas le sien. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre la position du PCF aux élections européennes de 2019 avec sa liste menée par Ian Brossat.

En tant que tel, ce n’est pas nouveau pour le PCF de dire qu’il faudrait une autre « Europe ». Le parti a même déjà été très loin dans cette position, en proposant en 2014 un projet de « refondation » de l’Union européenne très élaboré.

Cependant, jamais il n’a exprimé directement un attachement à l’Union européenne telle quelle. Parler de « refondation » ou dire ne pas être favorable à une sortie, ce n’est pas exactement la même chose.

Lors de l’université d’été du PCF à Angers, sur une vidéo diffusée en direct par un membre, le chef de file aux futures élections expliquait de manière plus précise sa position :

« Si le débat se résume à ça, nous ne pouvons pas nous situer dans une alternative qui serait une alternative entre “pro” et “anti” européens parce que très concrètement, si être “pro” européen c’est être favorable à l’ensemble des traités qui régissent l’Union européenne, évidemment que nous ne sommes pas européens, mais si être “anti” européen c’est être favorable au repli national, nous ne sommes pas favorables au repli national.

De la même manière, si être partisan de l’ouverture, c’est être partisan du libre échange généralisé conduisant à faire rentrer au sein de l’Union européenne n’importe quel produit réalisé n’importe comment à n’importe quelle condition sociale et environnementale, nous ne sommes pas favorables à ça.

Mais si être partisan de la fermeture cela signifie rejeter l’accueil des migrants, évidemment que nous sommes partisans de l’ouverture, bien au contraire.

Donc, la question qui nous est posée c’est bien de faire exploser ce faux clivage qu’on cherche à nous imposer à l’occasion de cette bataille des élections européennes.

D’ailleurs, quand on s’y pose quelques instants, cette opposition est en réalité une gigantesque arnaque. Quand on regarde le fond, ils nous disent qu’il y aurait une opposition qui structurait tout entre “pro” et “anti” européens, mais enfin, quand même !”

Une telle position, qui est une justification de sa défense de l’Union européenne, passe évidemment très mal à la base du Parti Communiste Français et provoque de nombreuses tensions.

En fait, le PCF se retrouve avec Ian Brossat dépourvu d’une expression propre. Car ce qu’il dit ne consiste ni plus ni moins qu’en la position sociale-libérale traditionnelle du Parti socialiste.

Cela n’est pas étonnant de part ses fonctions puisqu’il baigne totalement dans ce milieu avec ses responsabilités à la Mairie de Paris. Quand il évoque l’élection de Bertrand Delanoë en 2001, il dit tout naturellement « on », c’est-à-dire qu’il fait partie intégrante de cette dynamique dont Anne Hidalgo est aujourd’hui l’héritière, et dont il est un porte-parole.

Il s’agit là d’une grande métropole d’un pays riches qui, comme d’autres dans le monde, se sont choisi des maires « modernes » et « ouvert d’esprit », qui se sentent à l’étroit dans les frontières nationales et font de la libre circulation des personnes un thème primordial.

Ian Brossat est lui-même un habitant de Montmartre, le quartier bourgeois-bohème de Paris par excellence. Il est « ouvert d’esprit », et d’ailleurs il explique qu’il trouve cela très bien qu’il y ait un foyer de migrants à côté de chez lui.

C’est pour cela qu’il précisait à la radio sur RMC que, bien qu’il soit contre les politiques de travailleurs détachés, « Ça ne veut pas dire qu’on ne doit pas venir. » Et il ajoutait :

« Moi ça ne me dérange pas qu’il y ai des gens de toutes nationalités qui travaillent dans nos champs. Mais ils travaillent avec un contrat français. »

On a là une expression libérale typique, dans une forme « light », mais néanmoins anti-ouvrière. C’est-à-dire qu’il souhaite faire venir de la main-d’œuvre étrangère pour faire dans les champs le « sale boulot » que les travailleurs français n’acceptent plus de faire sans rien dire.

Cela en dit long sur l’état de déliquescence de la Gauche française.

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L’appel « Le plus grand défi de l’histoire de l’humanité »

Le journal Le Monde a publié un appel écologiste faisant suite à la démission de Nicolas Hulot. Il est demandé à l’État à ce que l’écologie devienne prioritaire, quitte à faire des mesures impopulaires. Une vision technocratique niant la question du contenu de l’écologie, et ce pour une raison : les signataires sont surtout des gens du spectacle, au train de vie relevant du gaspillage et de l’ostentatoire.

L’appel « Le plus grand défi de l’histoire de l’humanité » a un titre qui sonne juste, il ne saurait être apparaître autrement que grotesque à la vue de ses signataires : des gens du spectacle comme Alain Delon et Carla Bruni, qui utilisent quelques scientifiques comme caution morale. Car le mode de vie de ces signataires reflète parfaitement la nature destructrice du capitalisme, leur bilan carbone est désastreux.

Et même au-delà, le contenu de leurs activités n’est jamais allé dans le sens d’une remise en cause générale ; au contraire même, leur existence sociale doit tout à un système qui justement détruit la planète. Faire un appel à l’État plutôt que d’en appeler à la transformation de la société en dit long à ce sujet.

Il n’y a donc aucune crédibilité dans l’appel, et encore moins à demander des mesures « impopulaires », ce qui résonne encore une fois comme un appel des ultra-privilégiés à ce que les gens normaux se serrent la ceinture. Cela nourrit le populisme et le ressentiment, au lieu de faire progresser le débat sur le contenu de l’écologie, la nature des problèmes.

Il est intéressant également de voir que cet appel se produit en contournant la question de la chasse. Car ce sont les chasseurs qui ont chassé Nicolas Hulot et qui se présentent même comme les « vrais écologistes ». Se dire écologiste et ne pas désigner cet ennemi que sont les chasseurs, cela n’a pas de sens !

Tribune. Quelques jours après la démission de Nicolas Hulot, nous lançons cet appel : face au plus grand défi de l’histoire de l’humanité, le pouvoir politique doit agir fermement et immédiatement. Il est temps d’être sérieux.

Nous vivons un cataclysme planétaire. Réchauffement climatique, diminution drastique des espaces de vie, effondrement de la biodiversité, pollution profonde des sols, de l’eau et de l’air, déforestation rapide : tous les indicateurs sont alarmants. Au rythme actuel, dans quelques décennies, il ne restera presque plus rien. Les humains et la plupart des espèces vivantes sont en situation critique.

Pas trop tard pour éviter le pire

Il est trop tard pour que rien ne se soit passé : l’effondrement est en cours. La sixième extinction massive se déroule à une vitesse sans précédent. Mais il n’est pas trop tard pour éviter le pire.

Nous considérons donc que toute action politique qui ne ferait pas de la lutte contre ce cataclysme sa priorité concrète, annoncée et assumée, ne serait plus crédible.

Nous considérons qu’un gouvernement qui ne ferait pas du sauvetage de ce qui peut encore l’être son objectif premier et revendiqué ne saurait être pris au sérieux.

Nous proposons le choix du politique – loin des lobbys – et des mesures potentiellement impopulaires qui en résulteront.

C’est une question de survie. Elle ne peut, par essence, pas être considérée comme secondaire.

De très nombreux autres combats sont légitimes. Mais si celui-ci est perdu, aucun ne pourra plus être mené.

Isabelle Adjani, actrice ; Laure Adler, journaliste ; Pedro Almodovar, cinéaste ; Laurie Anderson, artiste ; Charles Aznavour, chanteur ; Santiago Amigorena, écrivain ; Pierre Arditi, acteur ; Niels Arestrup, acteur ; Ariane Ascaride, actrice ; Olivier Assayas, cinéaste ; Yvan Attal, acteur, cinéaste ; Josiane Balasko, actrice ; Aurélien Barrau, astrophysicien (Institut universitaire de France) ; Nathalie Baye, actrice ; Emmanuelle Béart, actrice ; Xavier Beauvois, cinéaste ; Alain Benoit, physicien (Académie des sciences) ; Jane Birkin, chanteuse, actrice ; Juliette Binoche, actrice ; Benjamin Biolay, chanteur ; Dominique Blanc, actrice ; Gilles Boeuf, biologiste ; Mathieu Boogaerts, chanteur ; John Boorman, cinéaste ; Romane Bohringer, actrice ; Carole Bouquet, actrice ; Stéphane Braunschweig, metteur en scène ; Zabou Breitman, actrice, metteuse en scène ; Nicolas Briançon, acteur, metteur en scène ; Irina Brook, metteuse en scène ; Valeria Bruni Tedeschi, actrice, cinéaste ; Florence Burgat, philosophe ; Gabriel Byrne, acteur ; Cali, chanteur ; Sophie Calle, artiste ; Jane Campion, cinéaste ; Isabelle Carré, actrice ; Emmanuel Carrère, écrivain ; Anne Carson, auteure et professeure ; Michel Cassé, astrophysicien ; Laetitia Casta, actrice ; Bernard Castaing, physicien (Académie des sciences) ; Antoine de Caunes, journaliste, cinéaste ; Alain Chamfort, chanteur ; Boris Charmatz, chorégraphe ; Christiane Chauviré, philosophe ; Jeanne Cherhal, chanteuse ; François Civil, acteur ; Hélène Cixous, écrivaine ; Isabel Coixet, cinéaste ; Françoise Combes, astrophysicienne (Collège de France) ; François Cluzet, acteur ; Gregory Colbert, photographe, cinéaste ; Bradley Cooper, acteur ; Brady Corbet, acteur ; Béatrice Copper-Royer, psychologue ; Marion Cotillard, actrice ; Denis Couvet, écologue ; Camille Cottin, actrice ; Clotilde Courau, actrice ; Franck Courchamp, écologue (Académie européenne des sciences) ; Nicole Croisille, chanteuse ; David Cronenberg, cinéaste ; Alfonso Cuaro, cinéaste ; Willem Dafoe, acteur ; Philippe Decouflé, chorégraphe ; Sébastien Delage, musicien ; Vincent Delerm, chanteur ; Alain Delon, acteur ; Catherine Deneuve, actrice ; Claire Denis, cinéaste ; Philippe Descola, anthropologue (Collège de France) ; Alexandre Desplat, compositeur ; Manu Dibango, musicien ; Hervé Dole, astrophysicien (Institut universitaire de France) ; Valérie Dréville, actrice ; Diane Dufresne, chanteuse ; Sandrine Dumas, actrice, metteuse en scène ; Romain Duris, acteur ; Lars Eidinger, acteur ; Marianne Faithfull, chanteuse ; Pierre Fayet, physicien (Académie des sciences) ; Ralph Fiennes, acteur ; Frah (Shaka Ponk), chanteur ; Cécile de France, actrice ; Stéphane Freiss, acteur ; Thierry Frémaux, directeur de festival ; Jean-Michel Frodon, critique, professeur ; Marie-Agnès Gillot, danseuse étoile ; Pierre-Henri Gouyon, biologiste ; Julien Grain, astrophysicien ; Anouk Grinberg, actrice ; Mikhaïl Gromov, mathématicien (Académie des sciences) ; Sylvie Guillem, danseuse étoile ; Arthur H, chanteur ; Ethan Hawke, acteur ; Christopher Hampton, scénariste ; Nora Hamzawi, actrice ; Ivo Van Hove, metteur en scène ; Isabelle Huppert, actrice ; Agnès Jaoui, actrice, cinéaste ; Michel Jonasz, chanteur ; Camelia Jordana, chanteuse ; Jean Jouzel, climatologue (Académie des sciences) ; Juliette, chanteuse ; Anish Kapoor, sculpteur, peintre ; Mathieu Kassovitz, acteur ; Angélique Kidjo, chanteuse ; Cédric Klapisch, cinéaste ; Thierry Klifa, cinéaste ; Panos H. Koutras, cinéaste ; Lou de Laâge, actrice ; Ludovic Lagarde, metteur en scène ; Laurent Lafitte, acteur ; Laurent Lamarca, chanteur ; Maxence Laperouse, comédien ; Camille Laurens, écrivaine ; Bernard Lavilliers, chanteur ; Sandra Lavorel, écologue (Académie des sciences) ; Jude Law, acteur; Patrice Leconte, cinéaste ; Roland Lehoucq, astrophysicien ; Gérard Lefort, journaliste ; Nolwenn Leroy, chanteuse ; Peter Lindbergh, photographe ; Louane, chanteuse ; Luce, chanteuse ; Ibrahim Maalouf, musicien ; Vincent Macaigne, metteur en scène, acteur ; Benoît Magimel, acteur ; Yvon Le Maho, écologue (Académie des sciences) ; Andreï Makine, écrivain de l’Académie Française ; Abd al Malik, rappeur ; Sophie Marceau, actrice ; Virginie Maris, philosophe ; André Markowicz, traducteur ; Nicolas Martin, journaliste ; Vincent Message, écrivain ; Wajdi Mouawad, metteur en scène ; Nana Mouskouri, chanteuse ; Jean-Luc Nancy, philosophe ; Arthur Nauzyciel, metteur en scène ; Safy Nebbou, cinéaste ; Pierre Niney, acteur ; Helena Noguerra, chanteuse ; Claude Nuridsany, cinéaste ; Michael Ondaatje, écrivain ; Thomas Ostermeier, metteur en scène ; Clive Owen, acteur ; Corine Pelluchon, philosophe ; Laurent Pelly, metteur en scène ; Raphaël Personnaz, acteur ; Dominique Pitoiset, metteur en scène ; Denis Podalydès, acteur ; Pomme, chanteuse ; Martin Provost, cinéaste ; Olivier Py, metteur en scène ; Susheela Raman, chanteuse ; Charlotte Rampling, actrice ; Raphaël, chanteur ; Régine, chanteuse ; Cécile Renault, astrophysicienne ; Robin Renucci, acteur ; Jean-Michel Ribes, metteur en scène ; Tim Robbins, acteur ; Muriel Robin, actrice ; Isabella Rossellini, actrice ; Brigitte Roüan, actrice, cinéaste ; Carlo Rovelli, physicien (Institut universitaire de France) ; Eric Ruf, directeur de la Comédie-Française ; Céline Sallette, actrice ; Rodrigo Santoro, acteur ; Marjane Satrapi, cinéaste ; Kristin Scott Thomas, actrice ; Albin de la Simone, musicien ; Abderrahmane Sissako, cinéaste ; Marianne Slot, productrice ; Patti Smith, chanteuse, écrivaine ; Sabrina Speich, géoscientifique ; Marion Stalens, réalisatrice ; Kristen Stewart, actrice ; Tom Stoppard, dramaturge ; Peter Suschitzky, chef opérateur ; Malgorzata Szumowska, cinéaste ; Béla Tarr, cinéaste ; Gilles Taurand, scénariste ; Alexandre Tharaud, musicien ; James Thierrée, danseur, chorégraphe ; Mélanie Thierry, actrice ; Danièle Thompson, cinéaste ; Melita Toscan du Plantier, attachée de presse ; Jean-Louis Trintignant, acteur ; John Turturro, acteur ; Hélène Tysman, pianiste ; Pierre Vanhove, physicien ; Karin Viard, actrice ; Polydoros Vogiatzis, acteur ; Rufus Wainwright, chanteur ; Régis Wargnier, cinéaste ; Jacques Weber, acteur ; Wim Wenders, cinéaste ; Sonia Wieder-Atherton, musicienne ; Bob Wilson, metteur en scène ; Lambert Wilson, acteur ; Jia Zhang-ke, cinéaste ; Elsa Zylberstein, actrice

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À gauche, et non pas simplement « de gauche »

Le plus grand souci de la Gauche, c’est que depuis le triomphe de la « nouvelle gauche » avec d’un côté François Mitterrand et de l’autre les milieux universitaires, c’est l’idée d’être de gauche qui a triomphé sur le principe d’être à gauche.

Que ce soit avec les socialistes regroupés dans la SFIO avant 1920 ou bien la SFIO et le Parti Communiste – SFIC puis le PCF, il y a toujours eu le principe suivant : une organisation s’appuie sur des principes et une analyse de la société. Il fallait travailler pour être à gauche, en comprenant la situation historique et les rapports économiques.

Avec le pragmatisme gouvernemental, la corruption électoraliste, la soumission au coup d’État de 1958 marquant la fondation de la Ve République, tout cela a disparu. Il s’agirait d’être « de gauche », face à la Droite. Il suffirait finalement d’écouter ce que disent les gens de Droite… et de dire le contraire !

Le souci bien entendu, c’est qu’il y a plein de moyens d’être opposé à la Droite. Il y a ainsi l’extrême-droite, pas les « fachos » mais la vraie extrême-droite, qui veut le triomphe d’un certain idéalisme nationaliste. Il y a aussi la Droite modernisatrice, qui a en horreur la Droite conservatrice. Ce n’est pas pour rien qu’historiquement il y a eu le RPR et l’UDF comme principaux partis de droite en France ! La République En Marche est d’ailleurs une réactivation de l’UDF.

Cela aboutit à ce que des gens s’imaginent de gauche, alors qu’ils ne sont finalement que pour moderniser le capitalisme et c’est cela qui explique que beaucoup de monde se définissant comme de gauche a apprécié les débuts d’Emmanuel Macron, qui allait secouer le « vieux monde » ! Cela reflète une perte de valeurs et un grand problème d’orientation !

François Hollande a été le dernier avatar d’ailleurs de ces menteurs appelant à voter pour eux avec le chantage suivant : si ce n’est pas moi, cela sera la Droite! Il faut se rappeler la véritable démonisation de Nicolas Sarkozy au moment de l’élection de François Hollande. Un tel populisme a liquidé la rationalité à gauche.

Quant à Emmanuel Macron s’oppose à la Droite classique, traditionnelle, mais il n’est pas à gauche pour autant. Il y a plusieurs droites, il y a celle qui préfère le calme du catholicisme et celle qui fait un fétiche de la frénésie des start ups. Il ne suffit pas de dire qu’on n’aime pas les conservateurs : la finance ne les aime pas non plus !

Ce constat est finalement facile à faire une année après l’élection d’Emmanuel Macron comme président, cependant il fallait déjà avoir compris cela avant pour bien en saisir la portée et être capable d’indiquer des chemins pour ramener les gens de gauche à gauche, pour commencer ! L’opposition à la chasse à courre est ici un marqueur incontournable, parce qu’elle attaque les notables dans l’arrière-pays, qu’il remet en cause l’appropriation de la nature par les traditions réactionnaire, et également qu’il exige un rapport nouveau, harmonieux, avec les animaux.

Pourquoi cela arrive-t-il seulement en 2018, alors qu’après 1968 s’est produit toute une critique des valeurs de la société industrielle façonnée par les grandes entreprises et un État à leur service ?

Ce qui s’est passé est finalement simple : les forces intellectuelles ont trahi et se sont précipitées dans les institutions, dans l’art contemporain, dans un véritable business associatif. La classe ouvrière a quant à elle été entièrement bloqué dans des initiatives par l’esprit de cogestion de la CGT et les rêveries autogestionnaires de la CFDT.

Ce qui compte par conséquent, c’est l’esprit de remise en cause de la vie quotidienne dans le capitalisme, mais pas pour aller en arrière, comme le font les zadistes ou les nostalgiques de la France des années 1960. Il s’agit d’assumer la société comme collectivité, c’est-à-dire le socialisme. Et d’être présent sur le terrain de la vie quotidienne!

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Benoît Hamon a-t-il raison d’employer le terme de « pauvrophobe »?

Benoît Hamon a pris la tête de la « fronde » à l’intérieur du Parti socialiste en fondant Génération-s et il a acquis une sympathie certaine chez les progressistes, car on voit bien qu’il cherche sincèrement à faire avancer les choses et les idées. C’est une figure active refusant la passivité et la résignation.

Malheureusement, son projet s’enlise toujours plus, car il vient à l’origine de la droite du Parti socialiste et ne parvient pas à revenir aux fondamentaux : il bascule toujours plus dans le camp de la modernité « posmoderne », « postindustrielle ». Dernier exemple en date : l’utilisation du concept de « pauvrophobe ».

Benoît Hamon est à la base un rocardien, c’est-à-dire un partisan de la « modernité » au sein du Parti socialiste. En ce sens, il préfigure Emmanuel Macron. Son parcours cependant en fait un être engagé et formé à l’école du Parti socialiste, avec ce réalisme froid et technocratique d’un côté, cette fibre sociale de l’autre.

Si l’on prend ainsi Benoît Hamon du côté des idées et de la tradition socialiste, ouvrière, on ne peut que se dire : ce type est une catastrophe. Si on le prend comme un bourgeois progressiste avec une grande fibre sociale et une vraie réflexion sur l’évolution catastrophique du monde, notamment sur le plan de l’écologie, ou encore du rapport aux animaux, on ne peut résolument pas le considérer comme un ennemi.

Les limites de l’horizon intellectuel de Benoît Hamon sont par là-même assez flagrantes. D’un côté, il parle de bourgeoisie… de l’autre, le concept de lutte des classes est pour lui insaisissable. Il ne peut pas dépasser intellectuellement et culturellement le capitalisme.

Ses propos dans une interview accordée au Journal du Dimanche reflètent de manière patente cette limite. Il n’y a pas d’exploitation, mais du « racisme social », pas de la misère provoquée par l’enrichissement toujours plus grands de la bourgeoisie, mais de la « pauvrophobie ».

Cela provoque un populisme anti-Macron à grands renforts de termes anglais censés montrer que le président de la République reflète un modèle « anglo-saxon » : winner, jetlag, ultra-bright, etc.

Emmanuel Macron prépare un plan antipauvreté. Un bon point pour lui ?

Macron, un plan antipauvreté ? Il est pauvrophobe. Il mène une guerre sociale aux gens « qui ne sont rien », comme il dit. Sa rentrée est placée sous le signe du racisme social : il veut punir les chômeurs en touchant au calcul de leurs indemnités. « Et en même temps », il a supprimé l’ISF et l’exit tax. Macron n’est pas le pragmatique ouvert qui prétendait rassembler largement pour réformer. C’est un vrai idéologue qui se méfie intrinsèquement du peuple. Où sont les résultats économiques du ruissellement ?

Il dit pourtant marcher sur deux jambes : libérer et protéger…

Il libère et protège surtout les siens, les winners. Le nouveau monde était une promesse intéressante, mais pas pour remplacer de vieux politiciens par des traders jetlagués qui infligent à ceux qui souffrent leur sourire ultra-bright. Nombre de citoyens espéraient une ère nouvelle de respect, je comprends leur déception face à ce mépris.

Il était inévitable que Benoît Hamon témoigne de cette limite à un moment donné, de par sa formation intellectuelle, ses goûts, sa nature sociale. Quelqu’un qui s’extasie devant l’art contemporain n’a, par définition, plus aucun lien avec la classe ouvrière.

Benoît Hamon est un modernisateur avec une fibre sociale-écologique, voilà pourquoi il tient finalement le même discours libéral sur les frontières qu’Emmanuel Macron, ainsi que sur l’Union Européenne, même si c’est pour revendiquer quant à lui « plus de social ».

Cela en fait quelqu’un d’assez intéressant, une fois qu’on a compris ces limites qui sont, très certainement, celle de la petite-bourgeoisie progressiste plus ou moins proche des centres-villes. Benoît Hamon est d’ailleurs très proche d’Europe Ecologie Les Verts, qui a la même base sociale. Leur unité semble d’ailleurs plus ou moins inéluctable.

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Aurélie Filipetti ou la trahison de la classe ouvrière

Grand espoir de la Gauche, Aurélie Filippetti abandonne la politique : aujourd’hui sort son roman « Les idéaux ». Ce qui est grave, c’est qu’elle pense avoir fait quelque chose, alors qu’elle n’a jamais été qu’un potentiel : sa vie jusqu’à présent n’a été qu’un parcours doré dans les plus hautes instances de l’État français, aux antipodes de la classe ouvrière.


Aurélie Filipetti est à l’origine une femme du peuple. Elle vient de la Moselle, son père était un mineur devenu maire PCF d’Audun-le-Tiche ; sa famille est issue de l’immigration antifasciste italienne fuyant le régime de Mussolini. Son grand-père résistant a d’ailleurs été arrêté par la Gestapo et est mort dans le camp de concentration de Bergen-Belsen, juste après la libération.

Elle en parle dans son roman de 2003 Les Derniers jours de la classe ouvrière, valorisant ses origines sociales tout en ayant un vécu l’en éloignant toujours davantage. Elle fait en effet des études au lycée préparatoire à Metz, pour aller à l’École normale supérieure de Fontenay-Saint-Cloud et devenir agrégé de lettres classiques, ce qui est une des formations les plus conservatrices et traditionnelles qui soit.

Juste après elle adhère aux Verts, qui est un parti typique des centre-villes, en 1999. Dès 2001 elle est membre du cabinet du ministre Verts Yves Cochet, qui s’occupe de l’environnement, ainsi que conseillère municipale dans l’ultra-chic cinquième arrondissement de Paris. En 2003, elle est membre du secrétariat exécutif et porte-parole des Verts-Paris, pour rejoindre du jour au lendemain, en 2006, l’équipe de campagne de Ségolène Royal qui se présente aux présidentielles de 2007.

Elle devient député de Moselle, porte-parole du courant de Ségolène Royal dans le Parti socialiste (« L’Espoir à gauche »), soutient François Hollande en 2011, rejoint son équipe de campagne, en devient le ministre de la culture et de la communication. C’est là un parcours classiquement opportuniste.


Aurélie Filipetti a pourtant une certaine aura à Gauche, en raison de son opposition à François Hollande : en 2014, elle refuse de participer au gouvernement de Manuel Valls et rejoint les députés dits « frondeurs ». Elle soutient dans la foulée Arnaud Montebourg aux primaires ouvertes lancées par le Parti socialiste, puis rejoint le vainqueur Benoît Hamon.

L’histoire s’arrête là ! Car dans la foulée, Aurélie Filipetti perd son mandat de député de la Moselle en 2017, ne recevant que 11,8 % des voix, ce qui est un échec complet pour quelqu’un revendiquant un ancrage historique social et culturel. Elle devient alors professeur à Sciences Po Paris, ce qui nous ramène dans la haute bourgeoisie, puis chroniqueuse pour l’émission On refait le monde de Marc-Olivier Fogiel sur RTL.


Preuve de cet ancrage dans la haute bourgeoisie et l’esprit bourgeois parisien, Aurélie Filipetti a accordé à l’occasion de la sortie de son roman une longue interview aux Inrockuptibles, une revue représentant pratiquement par essence la bourgeoisie parisienne friquée mais se voulant de gauche.

On y découvre que le roman est autobiographique, et qu’elle confond l’histoire de la Gauche avec son propre vécu. Elle n’hésite pas à assimiler sa propre individualité à la Gauche elle-même :

« C’est vrai que quelque chose s’est effondré. Depuis 2007, j’ai vécu dix ans dans le milieu parlementaire, et ça s’est joué là. Surtout ce qui s’est passé en 2017, où tout ce que représentait le socle du fonctionnement du monde politique traditionnel a tout à coup volé en éclats.

Ce n’est pas une révolution, car au fond on assiste au retour du même. Malgré tout, les partis se sont autodétruits de l’intérieur et très rapidement, très brutalement, sans que cela soit prévisible. Qu’est-ce qui fait qu’un monde qu’on croyait très solide disparaît aussi rapidement ?

Bref, j’ai vu l’effondrement d’un certain idéal, d’où le titre [de son roman sortant aujourd’hui]. Mon premier roman s’intitulait Les Derniers Jours de la classe ouvrière, celui-ci c’est un peu « Les Derniers Jours de la classe politique » (sourire).

J’ai vu l’effondrement des usines sidérurgiques de Lorraine, et plus tard, la gauche y a fermé les derniers fours alors que j’étais au gouvernement, ce qui est d’une terrible ironie pour moi. »

Aurélie Filipetti a tellement fait de son parcours un fétiche qu’elle ne conçoit pas que la Gauche a existé avant elle, que sa base est la classe ouvrière qui, d’ailleurs, selon elle, n’existe plus. Pour elle, la Gauche, ce sont des gens ayant fait de hautes études devant participer aux institutions dans un esprit social, sans se faire corrompre.

D’où ses vains reproches à François Hollande comme quoi il serait fasciné par la haute bourgeoisie, ou encore sa critique des grandes écoles permettant aux bourgeois d’intégrer l’appareil d’État. C’est à croire qu’Aurélie Filipetti ne sait pas que cela se passe ainsi depuis plus depuis la fin du 19e siècle et l’organisation moderne de l’État français !

Et quand l’interview se conclut par un appel à la libre-circulation des personnes, à un retour à l’esprit de la Révolution française, on ne peut que voir qu’Aurélie Filipetti a entièrement rompu avec la classe ouvrière.

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Discours d’Olivier Faure au séminaire d’été du Parti socialiste

Hier se concluait trois jours de séminaire pour la Fédération nationale des élus socialistes et républicains (FNESR), c’est-à-dire 300 élus du Parti socialiste. En voici le discours de clôture, prononcé par le député de Seine-et-Marne Olivier Faure, premier secrétaire.

On notera qu’Emmanuel Maurel n’était alors plus présent à La Rochelle : il s’est éclipsé pour aller à Marseille, à l’université d’été de la France insoumise. Il fondera d’ailleurs le 7 septembre un « club » de gauche, en présence de Jean-Luc Mélenchon.

Cher François que nous sommes si heureux de retrouver après l’épreuve de la maladie,

Chers amis chers camarades,

Il y a un an nous étions dans cette salle quelques semaines après une défaite historique. Nous étions là par amitié, par habitude, sans doute aussi pour nous rassurer en démontrant par notre présence à La Rochelle qu’il est des rites immuables.

Nous étions tellement sonnés que nous en avions même oublié de nous diviser… un an plus tard, à la lecture des journaux, je nous retrouve, vivants !

En 2017 nous avons été fracturés. Notre existence même était devenue incertaine. Aujourd’hui nous avons redressé la tête et nous sommes toujours là. Grâce à vous, les élus, nous sommes une force d’alternative, vous montrez chaque jour dans vos territoires qu’un autre chemin est possible, que nous n’avons pas perdu notre force créative.

En 2017, la recomposition a surtout créé la confusion. Après avoir dû voter pour un autre afin de faire barrage au Front National, notre identité était devenue floue. Depuis notre congrès, nous avons engagé notre renaissance. Parce que nous avons été sévèrement battus nous devons changer, produire une nouvelle synthèse, construire un nouveau projet, et d’abord changer nos comportements, prendre conscience que nous réussirons ou que nous disparaîtrons ensemble.

En 2017, certains s’interrogeaient sur notre positionnement, étions-nous dans l’opposition, dans l’opposition constructive, dans le dialogue exigeant, que sais-je encore ? Aujourd’hui, il est devenu clair pour les français que nous sommes dans l’opposition, dans une opposition résolue et déterminée, parce que le pouvoir s’est dévoilé dans ses actes et que son visage n’est pas celui de la gauche, pas celui du socialisme, pas celui de l’humanisme.

Il n’a rien de commun avec nos valeurs, nos idées, nos combats. En 2017, le nouveau Président devait mener une « révolution » et faire entrer la France dans un « nouveau monde ». Ce projet répondait à une demande et il a levé une espérance dans le pays. Mais cette espérance a été trahie. Le fait politique majeur de cette année c’est la trahison par le Président élu, des termes du contrat démocratique noué lors de la présidentielle. Elu pour faire barrage au populisme, il devait être un rempart. Il est devenu une passerelle : antiparlementarisme, défiance vis-à-vis des corps intermédiaires, pouvoir personnel, recul sur le droit d’asile…

Le président a trahi le candidat en abandonnant toute dimension progressiste. Un an après, ce qui devait être un OPNI a été clairement identifié. Le « nouveau monde » se révèle être un mélange de conformisme technocratique et de libéralisme a-démocratique. Rien ne l’y a contraint, ni crise économique, ni circonstances exceptionnelles, c’est son choix. Cette trahison nous donne une responsabilité et une légitimité. Le drapeau du progrès, le drapeau de la République sociale ne nous a pas été repris sur le champ de bataille.

Le rôle historique nous revient de nouveau.

Le progressisme est orphelin, les français ont besoin du retour d’une gauche qui agit, les français ont besoin de notre renaissance. Quel est notre message en cette rentrée :

– Avec les affaires Benalla et Kohler, le dernier masque est tombé, celui de l’exemplarité. Emmanuel Macron n’est pas seulement le Président des riches, il est aussi le Président d’un clan, prêt y compris à faire mentir l’Etat. Les Français l’ont élu en espérant que sa frénésie de pouvoir serait mise au service du pays, pas pour que son autorité serve son clan et son camp. Cette trahison du contrat passé avec les Français nous oblige.

– Un an après notre terrible défaite nous sommes là, notre renaissance est engagée, nous avons repris notre rang au sein des grandes forces d’opposition, et nous allons marteler nos propres propositions comme autant d’alternatives. Oui la gauche et les socialistes sont bien de retour !

Si nous avons retrouvé ce rôle c’est grâce à l’action conjointe des élus et du parti.

Ensemble nous avons organisé la résistance face aux réformes libérales. Votre action dans les territoires a été essentielle pour défendre les solidarités et soutenir le monde associatif. Ensemble nous avons porté haut les valeurs de la France, pour exiger par exemple l’accueil des réfugiés de l’Aquarius.

Et je salue avec vous le courage des positions prises par Martine Aubry à Lille, Carole Delga en Occitanie, Anne Hidalgo à Paris, Johanna Rolland à Nantes et tant d’autres, l’énumération serait trop longue.

Ensemble nous avons rendu toute sa noblesse à l’action du Parlement qui s’est dressé face à l’exécutif, au moment même où le président voulait l’affaiblir, pour réclamer la vérité dans l’affaire Benalla. Et les socialistes ont joué un rôle majeur dans ce combat et je voudrais vous demander de saluer nos députés qui autour de Valérie Rabault ont porté une motion de censure de gauche, et nos sénateurs qui autour de Patrick Kanner et de Jean-Pierre Sueur ont contribué à faire du Sénat la voix de l’exigence démocratique. Merci à tous pour ces combats. Nous n’en avons pas fini !

Certains continuent d’appeler à une inflexion sociale. Mais même l’écho ne leur répond plus. Depuis le discours solennel de Versailles chacun sait qu’il n’y aura aucun rééquilibrage. Ni demain. Ni jamais.

Le discours présidentiel n’est complexe que parce qu’il emprunte ses mots à la gauche – « Société de l’émancipation », « état providence du 21ème siècle » – pour mener une politique de droite !

Pour Emmanuel Macron, l’égalité se résume à l’égalité d’accès au marché. Chaque individu doit pouvoir y contribuer par ses talents. Ensuite c’est le marché qui sélectionne et récompense les mérites de chacun. Les inégalités de revenus ne sont plus un sujet. Seules comptent les « inégalités de destin ». Chacun doit avoir sa chance par la formation, mais ensuite chacun doit accepter le marché pour seul juge.

Le Macronisme est une société à responsabilité où l’Etat limite son intervention aux premiers âges de la vie. Pour Emmanuel Macron, la lutte contre les inégalités ne passe plus par la redistribution des richesses produites. Chacun est « responsable » de son destin, donc de son chômage, de sa pauvreté, de son statut, dès lors que l’Etat a garanti des conditions de départ équitables.

C’est la justification de la réforme de l’assurance chômage qui mettra chaque chômeur devant sa « responsabilité ». Le rôle de l’Etat se limite à fluidifier le marché et à assurer un filet minimal de sécurité pour éviter tout risque d’explosion sociale.

Le modèle Français n’est pas le sien. Il voit dans les décennies passées une suite d’échecs. La solidarité, la redistribution, la lutte contre les inégalités, ne sont pas son affaire. Pour Emmanuel Macron, la vision c’est le marché jusqu’au bout.

Pour nous depuis Jaurès, c’est « la République jusqu’au bout ».

Deux visions du monde. Deux regards sur l’Humanité. Pour nous, le Capital c’est l’Humain. Alors oui chers amis, chers camarades, cette rentrée va être celle d’une force d’opposition, déterminée, offensive. Et les combats vont être nombreux.

Budgétaire évidemment. Le président nous dit : « Pour partager le gâteau, il faut qu’il y ait un gâteau ». Mais sa politique fiscale a coupé les moteurs de la croissance. La consommation des ménages a chuté dès lors que le choix a été fait de leur faire payer à eux, les 45 à 50 milliards de cadeaux fiscaux faits à quelques-uns ! Et comment chacun pourrait-il disposer de sa juste part quand les outils de la répartition sont abandonnés? Les services publics, la fiscalité et même les politiques sociales !

Tout l’argumentaire présidentiel reposait sur un maître mot : l’efficacité. Mais elle est où l’efficacité quand la croissance est trois fois inférieure à celle que nous connaissions à la fin du quinquennat précédent ? Que la création nette d’emplois dans le secteur privé s’est réduite de moitié ? Que l’investissement des entreprises a lui-même baissé de 50% ?

Elle est où l’efficacité quand les dividendes atteignent des niveaux inédits mais qu’on renonce à les taxer au même niveau que le travail ? et que c’est sur les politiques sociales que l’on s’apprête à rogner parce qu’elles coûteraient « un pognon de dingue » !

J’ai eu honte qu’un président Français puisse dire à Versailles : « Quelle gloire peut-on tirer de politiques sociales qui ont condamné à la pauvreté un enfant sur cinq? »

Le macronisme est un syllogisme : les politiques sociales n’ont pas supprimé la pauvreté et bien supprimons les politiques sociales ! Et c’est dans le creux de l’été qu’a été adressée une directive sur l’organisation territoriale des services publics.

Et que dit-elle? Que l’efficacité, c’est une prime d’intéressement pour les préfets qui réduiront les services publics ! L’efficacité c’est – vous ne rêvez pas – de proposer aux serviteurs de l’Etat une prime pour affaiblir l’Etat ! L’efficacité c’est au contraire d’utiliser les marges de manœuvre pour renforcer nos services publics, donner les moyens aux médecins, aux infirmières, aux aides soignantes d’exercer leur métier dans les hôpitaux et les EHPAD…

L’efficacité c’est de lutter contre le pire des gâchis, le gaspillage humain ! L’efficacité c’est d’accompagner les familles qui ne s’en sortent plus, l’efficacité c’est de mettre les moyens pour que l’enseignement supérieur ne soit plus une loterie mais un tremplin pour tous nos étudiants, l’efficacité c’est d’aider les locataires à se loger plutôt que de raboter les APL, l’efficacité c’est de maintenir les emplois aidés dans les associations qui assurent le lien social et qui remettent le pied à l’étrier aux publics les plus éloignés de l’emploi…

Nous proposerons à nouveau à l’automne, comme nous l’avions fait dès 2017 avec Valérie Rabault, un contre-budget qui reviendra sur les cadeaux superflus aux super-riches pour au contraire ouvrir une nouvelle étape dans la lutte contre les inégalités et notamment les inégalités entre territoires. C’est aussi à la retraite que le gouvernement s’apprête à toucher. Le pire est à craindre. Dans une série de déclarations contradictoires, les pensions de réversion ont été supprimées, puis rétablies pour les seules femmes n’ayant pas travaillé, et le président lui-même s’est engagé à ne pas toucher aux pensions existantes mais sans garantie pour l’avenir…

Nous défendrons un système solidaire, par répartition, nous refuserons le basculement vers toute logique assurantielle. Nous défendrons la prise en considération de la pénibilité, les espérances de vie réduites. Nous refuserons toute logique qui conduirait à individualiser le rapport de chacun à sa retraite avec la volonté de casser toute possibilité de revendication collective. Le combat social et le combat économique vont de pair. Face à la loi PACTE, nous proposerons de nouvelles règles de gouvernance des entreprises.

Dans les conseils d’administration le travail doit être reconnu à parité avec le capital. La stratégie des entreprises ne peut plus dépendre de la seule volonté d’actionnaires qui sont le plus souvent totalement étrangers à la vie des sociétés et qui cherchent simplement une rentabilité.

Nous voulons la codétermination pour que soit respectée une vision qui replace le travail, les travailleurs au cœur de la décision. Notre combat sera aussi environnemental. Tout nous alerte et la France devrait donner la priorité à l’économie circulaire, décarbonée, adresser des signes clairs au marché en mettant Ie paquet sur les énergies renouvelables, faire le choix du ferroviaire, respecter sa parole sur le réchauffement climatique, lier enjeux environnementaux et enjeux sanitaires.

C’est une vraie révolution des modes de production qu’il faut atteindre. Impliquant une transition vers l’agro écologie. Garantissant une alimentation de qualité, dans le respect de la planète et un niveau de vie digne à nos agriculteurs qui luttent contre la concurrence à bas coût. Au lieu de quoi : Le gouvernement se félicite d’une condamnation de Monsanto mais renonce à ses propres engagements sur le glyphosate et rejette notre proposition d’indemniser ses victimes?

Le gouvernement entend faire une planète «great again » mais autorise Total à importer 300 000 tonnes par an d’huile de palme. Le gouvernement nous parle de développement durable mais repousse à plus tard le rééquilibrage du mix énergétique. Le gouvernement tire des larmes de crocodile le « jour du dépassement » parce que la planète a déjà consommé ses ressources de l’année, mais met en œuvre par anticipation le traité de libre-échange CETA…

C’est ce même gouvernement qui vient de refuser notre proposition de placer au rang de principe constitutionnel la défense des biens communs face aux multinationales ! Le combat sera aussi institutionnel. Je préfère dire démocratique. Nos institutions doivent évoluer. Mais pas comme le pouvoir actuel nous le suggère en concentrant davantage de prérogatives dans les mains d’un seul et en affaiblissant le Parlement.

Avec Emmanuel Macron, la démocratie se cantonne à la désignation des gouvernants. Les syndicats, les associations, les ONG, les élus locaux et nationaux, les citoyens, tous ceux qui peuvent apparaître comme une force alternative, un contre-pouvoir, sont tenus en lisière. Ce n’est pas notre conception de la République. La République ce n’est pas l’Empire. La souveraineté populaire ce n’est pas le règne d’un seul.

Nous croyons à la confrontation, au dialogue, à la participation. Nous voulons faire de chaque Français, non pas un sujet, pas davantage un simple consommateur, mais un citoyen. L’objectif ce n’est pas l’Olympe pour quelques-uns mais l’agora où chacun prend part à la définition des choix collectifs. Obliger annuellement le gouvernement à solliciter la confiance du Parlement sur son programme, ouvrir un droit d’amendement citoyen, limiter les outils du parlementarisme rationalisé, définir les principes de rangs constitutionnels qui nous permettent de protéger les biens communs, il y a là de quoi faire avancer la démocratie !

Le combat portera également sur les politiques migratoires. Combien faudra-t-il encore d’Aquarius pour que cessent ces trocs ponctuels ? Le temps est venu pour que la France tienne un discours de vérité sur ces mouvements de population qui ne visent pas principalement l’Europe. Nous sommes très loin de toute submersion. Mais nous devons prendre notre part. C’est-à-dire remettre à plat les accords de Dublin qui font peser principalement sur quelques pays l’accueil des réfugiés. Ouvrir une liste de ports et éviter ces images désastreuses de pays qui se renvoient les navires. Décider ensemble d’une répartition équitable entre Etats membres.

Bien sûr, nous devons établir une distinction entre réfugiés relevant du droit d’asile et migrants économiques, mais cette distinction ne peut tenir qu’à la condition de renforcer l’aide au développement et de mener une lutte efficace contre le réchauffement climatique. C’est cette approche globale qui manque cruellement et qui fait le jeu de ceux qui utilisent le désordre actuel pour proposer un ordre qui contredit nos valeurs et nos principes.

Puisque le gouvernement semble incapable de s’emparer de ces enjeux dans la fidélité aux valeurs de la République c’est à nous d’agir, à nous la gauche, à vous, les élus de la République française. J’ai déjà eu l’occasion au début de mon intervention de saluer les actions emblématiques de grandes métropoles, je connais aussi les solidarités du quotidien qui se manifestent dans tant de villes et de communes. Puisqu’il revient aux collectivités, et d’abord aux villes, d’assumer des responsabilités que l’Etat ne prend pas, faisons-le tous ensemble, solidaires, avec les autres élus de gauche.

Je propose aujourd’hui qu’à l’initiative du Parti Socialiste et de la FNESER, nous proposions à tous les élus de gauche, et plus largement à tous les élus humanistes et progressistes, un engagement commun pour l’accueil et l’accompagnement des réfugiés. Il permettra de répartir l’effort d’accueil et d’organiser à l’initiative des territoires, la solidarité nationale, que l’Etat a abdiqué.

Notre agenda politique ne se limite pas à cette rentrée politique en France. Notre agenda il a été fixé par le congrès du Parti Socialiste : engager et accélérer la renaissance, lancer et conduire nos chantiers pour demain disposer d’un nouveau projet, transformer notre parti en lui donnant de nouveaux statuts et une nouvelle vie collective, ouvrir les portes et les fenêtres, redevenir le parti de l’espérance, le parti face à la montée des populismes et des nouvelles inégalités, le parti d’un nouveau projet humaniste et de progrès partagé.

Ce chemin de la renaissance a largement rassemblé les militants et les élus lors de notre congrès. De nouvelles équipes se sont constituées, de nouveaux visages sont apparus. De nouvelles actions sont engagées, notre plate-forme « la ruche socialiste » a été ouverte. Cette démarche de renaissance est ouverte à tous, je dialogue avec les responsables des autres sensibilités et mon rôle est de nous faire, de vous faire, tous travailler ensemble.

Ce n’est pas toujours le plus facile, je suis patient, parfois trop, on me le reproche, mais je sais où je vais. Avec la nouvelle direction nous avons un mandat pour trois ans, et notre programme d’action a été adopté par le Conseil national il y a 3 mois.

Nous avons à l’issue de ces trois ans, trois objectifs clairs : retrouver une crédibilité collective, reconstruire un projet d’alternative pour le pays, redevenir le principal parti de gauche à l’issue du cycle électoral des élections territoriales. Avec cette équipe, avec vous, je suis sur ce chemin, notre chemin. Mon agenda ne sera ni celui des médias ni celui des grognons, ce sera l’agenda fixé par les militants du Parti Socialiste.

J’aurai l’occasion de revenir sur l’ensemble de ces chantiers de la renaissance lors de l’inauguration de notre nouveau siège, à Ivry. Ce rendez-vous sera une fête, une étape de la renaissance, et un moment fort de travail et de réflexion collective avec une université des militants qui se tiendra tout au long des week-ends qui suivront notre installation.

Le cycle d’Epinay est terminé, l’époque Solférino, dont nous sommes fiers, avec ses grands moments est derrière nous. Dans ce nouveau lieu nous allons inventer ensemble un nouveau parti socialiste, nous allons engager une nouvelle histoire collective. L’agenda de la renaissance, ce sera aussi mener à bien notre travail sur le bilan de nos années de pouvoir. J’ai reçu mandat des militants pour mener ce travail et il sera publié en novembre conjointement au travail de la fondation Jean Jaurès.

Ce bilan est un bilan collectif, c’est le bilan de nos années de pouvoir, il plonge ses racines dans une histoire plus longue et s’inscrit dans le contexte de crise du socialisme et de la sociale-démocratie en Europe. Et après une élection où aucun candidat de gauche ne figurait au second tour de l’élection présidentielle.

Sans bilan sincère qui croira que nous avons compris les raisons de notre défaite ? Sans bilan sincère il n’est pas de renaissance possible. François Hollande a – légitimement – sa lecture des cinq années écoulées. C’est sa contribution à l’inventaire. Je n’en partage pas tous les termes. Je crois nécessaire la réhabilitation de notre bilan, de rappeler le contexte national, européen, international, d’en finir avec une certaine forme d’anachronisme, mais je crois aussi nécessaire la reconnaissance de nos erreurs et de nos manques.

Quoi que l’on puisse penser de la campagne du candidat désigné par nos primaires, le séisme a atteint une telle magnitude que rien ne serait pire que de considérer qu’il s’agissait d’un simple accident de parcours. Dans l’interprétation de notre défaite, il y a matière à un débat posé, sans caricatures et sans œillères.

Si nous savons le conduire sans postures, il nous vaudra l’estime de tous. Évitons nous les faux débats. François Hollande est à la fois celui qui nous a conduit à la victoire en 2012, et un acteur de notre présent ; Il joue un rôle important dans le dévoilement de l’imposture macroniste, il contribue au réveil du peuple de gauche, et cette contribution est précieuse.

Il a choisi de redevenir un militant du Parti socialiste. Le compter aujourd’hui dans nos rangs doit être pour nous tous une fierté. Mais le plus sage est de ne pas chercher à l’instrumentaliser pour exister. Je le sais trop averti et trop fin, pour ne rien exclure mais aussi pour ne rien préjuger. Et mon devoir comme chef de parti, notre devoir comme militants socialistes, c’est de nous poser la question de notre renaissance indépendamment de celle ou celui qui nous représentera le moment venu.

Dans cet agenda de la renaissance figurent aussi les élections européennes. Mi-septembre, sur la base du travail conduit par Christine Revault d’Alonnes, Emmanuel Maurel, Clotilde Walter et Boris Vallaud, le bureau national arrêtera le texte qui sera ensuite débattu dans nos fédérations et soumis au vote des militants et des sympathisants sur notre plate-forme. Le 13 octobre nous aurons notre projet. Le 7 et le 8 décembre le PSE adoptera notre plate-forme européenne.

Et au cours de cette période nous choisirons une tête de liste et une liste. Avant la fin du mois de septembre le bureau national en proposera les modalités d’élaboration au Conseil National qui se tiendra le 13 octobre. Les élections européennes auront lieu le 26 mai 2019 dans 9 mois. Les français se moquent aujourd’hui se savoir qui seront les têtes de listes des grandes formations politiques et la majorité d’entre elles n’en ont d’ailleurs pas.

Par contre ils veulent savoir comment l’Europe peut servir à la construction de l’avenir dans un monde menaçant, marqué par de profonds bouleversements, par la toute-puissance des nouveaux monopoles du numérique et par la brutalité des effets du changement climatique. Et c’est d’abord cela qui doit nous intéresser.

Cette étape sera difficile. Emmanuel Macron va chercher à résumer cette échéance à un débat entre « pro » et « anti » européens. Soit très exactement ce qu’attendent les nationalistes, les populistes, trop heureux de se poser comme seule alternative à la politique libérale de l’Union.

Si la construction européenne est une pensée unique alors la voie du chaos devient une option. Le choix que nous devons ouvrir à nos concitoyens, ce n’est pas pour ou contre l’Union européenne, mais la possibilité de construire l’Europe autrement. Souhaitons-nous une Europe qui dérégule nos sociétés ou qui en renforce les protections ? Qui protège nos droits, ou qui en réduise la portée ?

Nous, nous voulons une Europe qui défend ses valeurs et aussi ses intérêts dans le monde de Trump, de Poutine, d’Erdogan, où le rapport de force prévaut sur le multilatéralisme, où le réveil des empires, des nationalismes, des césarismes, ne peut se faire qu’au prix de l’endormissement des démocraties .

Etouffer ce débat, c’est nourrir la défiance envers l’Europe et dérouler un tapis rouge à Salvini, Le Pen et leurs amis. Face aux populistes, face à la droite libérale, l’Europe a besoin de l’affirmation d’une gauche socialiste et sociale-démocrate, écologiste et progressiste. Il ne sera pas possible de la réunir au sein d’une seule liste, le mode de scrutin et la situation politique le rendent illusoire, on peut le regretter, mais cette réalité s’impose.

Pour autant la gauche européenne, et donc la gauche française, doit montrer qu’elle peut se donner des combats communs si elle veut voir se lever une espérance de changement. Ce que nous avons fait en juillet sur la question démocratique, nous devons pouvoir le reproduire sur des sujets d’intérêt général. J’ai il y a quelques minutes évoqué l’initiative que nous devons prendre sur l’accueil des réfugiés.

Je veux donner deux autres exemples :

Sur le glyphosate, nous avons été les premiers à demander une commission d’enquête au Parlement européen et c’est aujourd’hui notre camarade Eric Andrieu dont je salue la persévérance et l’obstination, qui la préside aujourd’hui. Nous pourrions chercher à en tirer gloire pour nous-mêmes. Ce n’est pas notre état d’esprit. Sur un sujet comme celui-là qui engage la santé de nos concitoyens, je propose que nous unissions nos voix et nos forces pour obtenir du gouvernement qu’il suspende l’autorisation des produits à base de glyphosate afin de protéger les femmes enceinte, les nourrissons, les 68 millions de consommateurs français.

Je suggère un second combat commun, faire de l’égalité entre femmes et hommes en Europe un combat emblématique de toute la gauche. Je lance aujourd’hui un appel aux forces politiques et syndicales progressistes pour avancer dans cette bataille essentielle. Commençons par les avancées sociales de la directive « work life balance » auxquelles s’oppose Emmanuel Macron. Cette directive garantit pour l’ensemble des européens, des droits nouveaux sur le congé de paternité, le congé parental et le congé des aidants.

Continuons par un droit à l’IVG universel en Europe déjà voté par le Parlement européen mais bloqué par le Conseil, ce combat porté par le mouvement féministe et mis en avant récemment par Julien Dray. Voilà le visage de l’Europe à laquelle nous croyons. Celle qui harmonise de nouveaux droits, qui favorise l’Egalité entre les femmes et les hommes et permet de préserver la vie privée. Je proposerai dans les prochains jours une initiative ouverte à l’ensemble de ces forces de gauche afin de mener campagne et obtenir que le Gouvernement d’Edouard Philippe revienne sur sa position.

L’Europe sociale n’est pas un mythe mais un combat à mener. Je ne peux achever mon propos sans évoquer les élections municipales, et plus largement la préparation des élections locales de 2020 et 2021. Je l’ai souvent dit il y a un Parti socialiste malade, rue de Solférino et un autre qui continue d’aligner les succès dans les élections partielles.

Et pas seulement en Haute Garonne ! Ce parti c’est celui des territoires. Ceux où l’innovation continue d’être la règle. Et je salue le travail des 14 départements qui sous la direction de Jean-Luc Gleize président du département de la Gironde, expérimente le revenu de base.

Connaître le réel, le comprendre, chercher à l’améliorer, elle est là notre marque de fabrique. Et c’est pour cela que l’échéance probatoire de notre renaissance sera d’abord celle des municipales. Notre message doit être clair, il s’agit de lancer par les territoires un mouvement de renaissance de la gauche, il s’agit de faire de chaque territoire un laboratoire de l’alternative, il s’agit d’inventer de nouvelles solidarités, de nouveaux services publics, d’accélérer la transition écologique, de donner un nouvel élan à l’émancipation par la culture et l’éducation.

Oui il s’agit d’inventer l’avenir dans les territoires, de s’appuyer sur cette réserve inépuisable d’engagement citoyen et de créativité, de nourrir notre renaissance par notre action locale. Une renaissance dans l’action, une renaissance par la preuve. Qu’est-ce qui est le plus crédible, les déclarations d’intention ou de dire que Dijon est une ville zéro pesticides depuis un mandat ? Il ne s’agira pas seulement de faire gagner le Parti Socialiste, il s’agira de faire gagner la gauche, une gauche citoyenne, une coalition des progressistes.

Parce que nous sommes la première force locale à gauche, il nous revient d’engager ce mouvement et de faire des territoires aussi les creusets d’une renaissance citoyenne. Ce rendez-vous des élections municipales de 2020 est capital. C’est pourquoi il doit se préparer dès maintenant. Nous devrons prendre en compte chaque réalité locale, notamment pour les calendriers de désignations, et respecter l’autonomie de nos premiers secrétaires fédéraux et élus qui connaissent leur terrain.

Mais nous devons aussi construire une démarche collective, construire une cohérence politique, partager des lignes forces qui donnent corps à la construction d’une alternative dans nos villes. Je vous propose donc d’élaborer ensemble une charte commune à nos candidats et à ceux qui solliciteront notre soutien. Le parti jouera son rôle, Sarah Proust est notre secrétaire nationale à la reconquête des territoires épaulée par Pierre Jouvet et Sébastien Vincini qui animent le réseau des fédérations.

Mais c’est d’abord à vous, les élus, de vous impliquer pour construire cette charte. J’ai donc demandé à André Laignel, 1er vice-président de l’AMF, et à Sarah Proust de prendre tous les contacts, en lien étroit avec François Rebsamen, pour constituer le collectif d’élus qui pilotera l’élaboration de cette charte. Le parti dégagera des moyens et offrira un véritable service d’appuis aux candidat-e-s en partenariat avec les fédérations.

Et dans un an, à La Rochelle, nous aurons à nouveau une université de tous les militants. Et c’est ici que nous lancerons notre campagne des municipales ! Chers camarades, En politique rien n’est jamais définitif. Il n’y a pas de victoires définitives. C’est ce que les sociaux démocrates avaient fini par oublier. Nous étions persuadés que nos concitoyens n’accepteraient jamais de revenir sur les droits acquis. Que la marche vers le progrès humain était irréversible sur notre continent.

Nous avions pensé que le débat se limiterait à la nécessaire contagion de notre modèle audelà de nos frontières. Et nous n’avons pas vu venir d’autres fractures. Nous n’avons pas vu que nos lignes s’étiraient sur notre droite, sur notre gauche et que bientôt nous serions transpercés. Nous avons perdu le goût de la conquête. Nous nous sommes repliés sur nous-mêmes.

Nous avons préféré les batailles d’appareil aux guerres culturelles, les complots aux combats, les intrigues à l’Histoire. Et nous sommes entrés dans le temps de la défaite. Mais il n’y a pas de défaites définitives non plus. La politique c’est le rocher de Sisyphe. Chaque fois que nous saurons répondre à ces deux impératifs humains que sont le besoin d’être ensemble et d’écrire un avenir pour tous, notre rocher culminera. Chaque fois que nous nous écarterons des Français par de vaines querelles, notre rocher dévalera la pente. C’est ce que j’ai appris de nos victoires et compris de nos défaites.

Tirer les leçons, refuser la résignation, surprendre à nouveau, c’est maintenant notre feuille de route. Nous renouveler dans la fidélité à celles et ceux qui nous ont précédé, c’est maintenant notre devoir. Rien n’a jamais été donné à la gauche. Ce qui a été gagné a été conquis.

Nos ainés avaient le courage de ceux qui mènent le combat juste. Ils savaient qu’ils portaient quelque chose en eux qui ne peut être vaincu. C’est cette force-là, celle des valeurs que l’on défend sans complexe, des causes communes que l’on porte sans chercher à en tirer un bénéfice personnel, qui a donné le goût à des millions de femmes et d’hommes de consacrer leur vie à la gauche. Cette force-là elle est irrésistible !

Vive la gauche, vive la République et vive la France!

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Politique

La lettre de Georges Marchais suite à l’expulsion des maliens du foyer de Vitry

Dans l’Humanité du 7 janvier 1981, le secrétaire général du Parti communiste français George Marchais publiait une lettre ouverte qui fera grand bruit et qui est encore régulièrement citée à notre époque. Il y parlait d’immigration, la présentant sous un regard particulièrement critique.

C’est un exemple montrant comment le PCF a changé depuis, s’éloignant toujours plus de sa base ouvrière. Aujourd’hui, il a adopté la même position que l’Église catholique ou que les anarchistes au sujet des migrations.

En 1980, cela n’était bien sûr pas le cas. C’est que, malgré sa perspective nouvelle allant dans le sens de la soumission à François Mitterrand pour le « leadership » à Gauche, le PCF possédait encore une base ouvrière très forte. Il avait de nombreux liens avec la tradition historique du mouvement ouvrier, l’empêchant de se précipiter dans l’acceptation des phénomènes propres au capitalisme.

La lettre ouverte de George Marchais était une réponse au Recteur de la Mosquée de Paris, qui accusait, avec d’autres, le PCF de racisme.

Cela faisait suite à la fameuse expulsion de Maliens d’un foyer de Vitry-sur-Seine, en banlieue parisienne, deux semaines plus tôt. Il était évident à l’époque que la bourgeoisie manœuvrait pour concentrer un nombre important d’immigrés dans les quartiers ouvriers. Les municipalités communistes étaient particulièrement ciblées et entendaient ne pas se laisser faire.

Dans ce contexte, l’installation en catimini des Maliens au moment des fêtes de Noël avait été vécu comme une provocation insupportable. Ce qui s’était passé est simple : des militants communistes de la ville sont aller déloger de manière virulente les migrants, en leur expliquant qu’ils ne pouvaient pas décemment occuper un lieu qui ne leur était pas destiné.

Car, et cela a son importance, ces derniers venaient de Saint-Maur, qui était du point de vue des ouvriers de Vitry, une ville bourgeoise qui se débarrassait de « ses » Maliens. George Marchais expliqua ensuite dans sa lettre ouverte que le foyer de Vitry était en rénovation et que le mairie le destinait à des travailleurs français.

Le journal communiste local Le Travailleur présentait les choses ainsi :

« Les manifestants étaient là non seulement pour crier leur colère, mais pour mettre devant leurs responsabilités le préfet et le maire de Saint-Maur. Ainsi, avec un bulldozer, ils condamnèrent les grilles du foyer, qui n’auraient jamais dû être ouvertes ; l’eau, le gaz, l’électricité furent coupés… Guy Poussy, notamment, s’est adressé à eux (les Maliens), malgré l’hostilité violente du chef de tribu, pour les appeler à faire preuve de dignité : ‘Vous ne pouvez accepter de prendre des logements qui étaient réservés à de jeunes travailleurs français. Vous êtes de Saint-Maur. Vous devez donc agir avec nous pour être relogés à Saint-Maur. Vous n’avez pas d’autre choix’. »

La manipulation des autorités était donc grossière, et visait directement à diviser le peuple par le racisme, tout en utilisant les migrants pour affaiblir la classe ouvrière française.

Quarante ans après, il est évident que cela a en grande partie fonctionné. La fameuse banlieue rouge ceinturant Paris a été cassé. Il en est de même pour beaucoup de villes françaises où les cités HLM sorties de terre étaient ou étaient en train de devenir des bastions de la classe ouvrière.

Le Parti communiste ne faisait que se défendre, il avait bien vu que la bourgeoisie fabriquait sciemment des ghettos et que les traditions de la classe ouvrière étaient visées.

Cela a en grande partie contribué à l’effondrement du PCF, qui est passé en moins de vingt ans de la plus grande force de gauche, à plus grand chose.

La question de l’immigration a marqué un tournant dans les traditions de la Gauche française. Cette dernière a de plus en plus fait directement le jeu du capitalisme en soutenant ouvertement l’immigration, au prétexte de soutenir les travailleurs immigrés et lutter contre le racisme.

Cela n’a pas commencé en 1980-1981, mais justement cet épisode de Vitry, puis la lettre ouverte de George Marchais, ont marqué un tournant. Cela a permis d’unifier une grande partie de la Gauche et de l’extrême-gauche autour de la critique du PCF et de la défense unilatérale et libérale de l’immigration.

La Gauche a alors cessé d’être de gauche, pour être de plus en plus libérale sur le plan des valeurs, abandonnant toujours plus la classe ouvrière et les petites gens sur les questions économiques.

Le résultat à notre époque est simple. La sociale-démocratie a pris le chemin du capitalisme le plus assumé, avec des personnalités au pouvoir comme François Mitterrand, Lionel Jospin, puis François Hollande.

Les dirigeants des forces historiques de la Gauche qui n’assument pas aussi ouvertement le capitalisme, mais ne le refusent pas pour autant, sont surtout des postmodernes et postindustriels n’ayant pas grand chose à voire avec le socialisme et la classe ouvrière.

Le thème de l’immigration est pour eux un moyen de se prétendre social, tout en refusant de se tourner vers la classe ouvrière. Cela est bien sûr le cas aussi au PCF, avec une figure comme Ian Brossat comme chef de file aux prochaines élections.

La question des réfugiés est alors prise en otage de manière odieuse par ces gens qui mélangent tout et n’importe quoi, prétextant que n’importe quel jeune homme abandonnant son village dans l’espoir d’un avenir meilleur en France serait à mettre sur le même plan qu’une personne fuyant son pays dans lequel elle est persécutée pour ses idées.

De manière coloniale, ils se moquent littéralement du fait que l’immigration, et en l’occurrence, l’émigration, a contribué et contribue encore largement à maintenir des pays dans le sous-développement et la dépendance face aux grandes puissances.

Cela ne les intéresse pas de voir que l’immigration est utilisé par la bourgeoisie pour servir le capitalisme et casser les traditions ouvrières.

Cette lettre ouverte de George Marchais, malgré tout ce qu’on pourrait lui reprocher sur le plan culturel et sur le plan idéologique, a donc le mérite de rappeler des principes essentiels de la Gauche.

C’est un document très intéressant à connaître dans son intégralité, et pas simplement par des citations souvent tronquées et manipulées, dans un sens ou dans un autre.

« Monsieur le Recteur,

Vous m’avez envoyé un télégramme me demandant de condamner le maire communiste de Vitry et mettant en cause la politique de mon parti sur l’immigration. Ce message a été rendu public avant même que j’ai pu en prendre connaissance. C’est pourquoi je vous adresse cette lettre ouverte.

Tenant compte de la charge que vous occupez, je tiens d’abord à vous confirmer ma position, celle de mon parti, sur la religion. Je respecte, nous respectons la religion musulmane à l’égal de toutes les autres. Je sais que des centaines de milliers de travailleurs de mon pays professent l’Islam, qui est l’une des branches vivantes sur l’arbre millénaire de la civilisation.

Je me fais une règle de ne jamais intervenir dans des questions religieuses qui relèvent de la seule conscience des personnes ou des communautés. C’est donc seulement parce que vous avez adopté une position politique sur une question qui nous concerne que je prends la liberté de vous envoyer aujourd’hui, cette mise au point.

L’idéal communiste est effectivement opposé, comme vous voulez bien le reconnaître, à toute discrimination raciale ou religieuse.

Nous pensons que tous les travailleurs sont frères, indépendamment du pays où ils sont nés, de la couleur de leur peau, des croyances, de la culture, des valeurs ou des coutumes auxquelles ils sont attachés. Qu’ils s’appellent Mohamed, Kemal ou Jacques, Moussa, Mody ou Pierre, tous ont un droit égal à la vie, à la dignité, à la liberté.

Nous nous appliquons à nous-mêmes cette loi d’égalité. Tous les travailleurs immigrés, musulmans ou non, membres du Parti communiste français, ont dans ce parti les mêmes droits et mêmes devoirs que leurs camarades français.

Nul plus que nous en France n’a combattu le colonialisme. Pour ne parler que du Maghreb, dès la fondation de notre parti, nous luttions contre la guerre du Rif. Et, plus récemment, nous avons milité pour la constitution du Maroc et de la Tunisise en États indépendants ; nous nous sommes opposés à la guerre menée contre le peuple algérien par les capitalistes français et leurs politiciens, avec la férocité de leurs tortures, de leurs camps, de leurs massacres, de leurs dévastations.

Aujourd’hui, je m’honore d’entretenir de bonnes relations avec les dirigeants du mouvement de libération nationale. Je me suis rendu plusieurs fois en Algérie. J’ai parcouru l’Afrique. Et j’ai l’intention de développer encore cette action.

Je me suis particulièrement réjoui d’avoir contribué, l’été dernier, au nom du Comité de défense des libertés et des droits de l’homme, à la libération d’Abderrazak Ghorbal, le dirigeant syndicaliste tunisien. Avec ce comité, j’espère bien finir par obtenir justice pour Moussa Konaté, travailleur malien persécuté par l’arbitraire policier de M. Giscard d’Estaing.

En France même, c’est la CGT et nous qui combattons énergiquement la politique des patrons et du gouvernement, la surexploitation, les atteintes à la dignité, les brimades et les discriminations odieuses qui frappent les travailleurs immigrés. Nous le ferons toujours. C’est ce que j’ai réaffirmé, en juillet 1980, en m’adressant aux travailleurs immigrés de l’usine Renault à Flins.

Au vu de ces réalités, puis-je vous rappeler cette belle parole : « le feu de l’hospitalité luit pour le voyageur qui distingue la flamme » ?

Pour la clarté, sur le sujet dont parle votre télégramme, il me faut en premier lieu rétablir la vérité des événements.

Votre message fait état d’une « décision précipitée et irréfléchie » que le maire communiste de Vitry aurait prise à l’encontre de travailleurs immigrés maliens. Voilà une condamnation bien hâtive. De fait, l’histoire réelle est inverse. C’est un dimanche, avant-veille de fête, au moment même où les communistes étaient réunis au Bourget pour le soixantième anniversaire de leur parti, qu’un autre maire — non pas communiste, mais giscardien celui-là — a déclenché l’affaire en prenant la révoltante décision de chasser les immigrés maliens de sa ville de Saint-Maur et de les refouler clandestinement sur Vitry.

Pour parvenir à ses fins, cet individu n’a pas hésité à faire forcer — à l’insu du maire de Vitry et sans accord de la commission de sécurité — les issues murées d’un foyer au sujet duquel les négociations étaient officiellement engagées en vue d’y loger de jeunes travailleurs français.

Permettez-moi de vous le dire : comment se fait-il que vous n’ayez pas pris position contre le maire de Saint-Maur ? Je n’ose croire que c’est parce qu’il est un ami intime du président de la République française, qu’il a reçu deux fois en trois ans dans sa mairie. Il me faut bien constater toutefois, avec étonnement, que vous avez été plus prompt à organiser une manifestation contre un maire communiste qu’à prendre à partie les responsables des souffrances des immigrés en France, MM. Giscard d’Estaing, Stoléru ou le président du CNPF.

Aux côtés de la droite et de l’extrême-droite, avec les dirigeants socialistes, la CFDT, la FEN et des groupuscules, vous vous trouvez, je le déplore, au cœur d’une opération politicienne anticommuniste qui prend les immigrés comme prétexte et ne peut en définitive que leur nuire.

Je vous déclare nettement : oui, la vérité des faits me conduit à approuver, sans réserve, la riposte de mon ami Paul Mercieca, maire de Vitry, à l’agression raciste du maire giscardien de Saint-Maur. Plus généralement, j’approuve son refus de laisser s’accroître dans sa commune le nombre, déjà élevé, de travailleurs immigrés.

Cette approbation ne contredit pas l’idéal communiste. Au contraire.

La présence en France de près de quatre millions et demi de travailleurs immigrés et de membres de leurs familles, la poursuite de l’immigration posent aujourd’hui de graves problèmes.

Il faut les regarder en face et prendre rapidement les mesures indispensables. Ce qui nous guide, c’est la communauté d’intérêts, la solidarité des travailleurs français et des travailleurs immigrés. Tout le contraire de la haine et de la rupture.

Certains — qui défendent par ailleurs le droit de vivre au pays pour les Bretons ou les Occitans — prétendent que l’immigration massive de travailleurs est une nécessité, voire un bienfait du monde contemporain. Non, c’est une conséquence du régime capitaliste, de l’impérialisme.

Des millions d’hommes sont contraints au cruel exil en terre étrangère, loin de leur ciel et de leur peuple, parce qu’ils n’ont pas de travail chez eux. Dans beaucoup de leurs pays la colonisation, le développement inégal propre au capitalisme ont laissé des traces profondes ; même dans ceux d’entre eux qui s’engagent sur la voie d’un développement socialiste elles peuvent subsister pendant de nombreuses années.

Ou bien encore les capitalistes qui dominent certains pays exportateurs de main-d’œuvre ne veulent pas ou ne peuvent pas résoudre les problèmes économiques et sociaux de leurs peuples et préfèrent tirer des profits immédiats de l’immigration, tout en affaiblissant par ces départs la classe ouvrière ; ainsi au Portugal ou en Turquie, malgré la lutte des forces les plus conscientes.

Quant aux patrons et au gouvernement français, ils recourent à l’immigration massive, comme on pratiquait autrefois la traite des Noirs, pour se procurer une main-d’œuvre d’esclaves modernes, surexploitée et sous-payée. Cette main d’œuvre leur permet de réaliser des profits plus gros et d’exercer une pression plus forte sur les salaires, les conditions de travail et de vie, les droits de l’ensemble des travailleurs de France, immigrés ou non.

Cette politique est contraire tant aux intérêts des travailleurs immigrés et de la plupart de leurs nations d’origine qu’aux intérêts des travailleurs français et de la France. Dans la crise actuelle, elle constitue pour les patrons et le gouvernement un moyen d’aggraver le chômage, les bas salaires, les mauvaises conditions de travail, la répression contre tous les travailleurs, aussi bien immigrés que français.

C’est pourquoi nous disons : il faut arrêter l’immigration, sous peine de jeter de nouveaux travailleurs au chômage. À cet égard MM. Giscard d’Estaing et Stoléru font le contraire de ce qu’ils disent : ils contribuent à l’entrée clandestine organisée de travailleurs dépourvus de droits et soumis à une exploitation honteuse et inhumaine.

Je précise bien : il faut stopper l’immigration officielle et clandestine, mais non chasser par la force les travailleurs immigrés déjà présents en France, comme l’a fait le chancelier Helmut Schmidt en Allemagne fédérale.

Nous disons également : il faut donner aux travailleurs immigrés les mêmes droits sociaux qu’à leurs camarades français. Nos propositions en ce sens sont les plus avancées qui soient.

Et nous disons encore : il faut instituer un nouvel ordre économique et politique mondial.

Il faut une coopération fondée non sur les exigences de profits des trusts et sur des conceptions colonialistes, mais sur des rapports équitables correspondant en priorité aux besoins d’emploi et de développement de la France et des peuples du tiers monde. Cette question, vous ne pouvez l’ignorer, me tient particulièrement à cœur.

En même temps et dans le même esprit nous disons : il faut résoudre d’importants problèmes posés dans la vie locale française par l’immigration.

En effet, M. Giscard d’Estaing et les patrons refusent les immigrés dans de nombreuses communes ou les en rejettent pour les concentrer dans certaines villes, et surtout dans les villes dirigées par les communistes. Ainsi se trouvent entassés dans ce qu’il faut bien appeler des ghettos, des travailleurs et des familles aux traditions, aux langues, aux façons de vivre différentes.

Cela crée des tensions, et parfois des heurts entre immigrés des divers pays. Cela rend difficiles leurs relations avec les Français.

Quand la concentration devient très importante — ce qui n’a rien à voir, soit dit au passage, avec la notion non scientifique et raciste d’un prétendu « seuil de tolérance » dont nous ne parlons jamais — la crise du logement s’aggrave ; les HLM font cruellement défaut et de nombreuses familles françaises ne peuvent y accéder. Les charges d’aide sociale nécessaire pour les familles immigrées plongées dans la misère deviennent insupportables pour les budgets des communes peuplées d’ouvriers et d’employés.

L’enseignement est incapable de faire face et les retards scolaires augmentent chez les enfants, tant immigrés que français. Les dépenses de santé s’élèvent.

Les élus communistes, dans le cadre de leurs droits et de leurs moyens, multiplient les efforts pour résoudre ces problèmes difficiles au bénéfice de tous. Mais la cote d’alerte est atteinte : il n’est plus possible de trouver des solutions suffisantes si on ne met pas fin à la situation intolérable que la politique raciste du patronat et du gouvernement a créée.

C’est pourquoi nous exigeons une répartition équitable des travailleurs immigrés entre toutes les communes.

Parler à ce propos d’électoralisme, c’est nous faire injure. Notre position ne date pas d’aujourd’hui. Dès octobre 1969, quand j’étais chargé de l’immigration à la direction du Parti communiste français, les maires communistes de la région parisienne et les élus communistes de Paris ont adopté, sur ma proposition, une déclaration dénonçant la concentration des travailleurs immigrés dans certaines villes et demandant une répartition équilibrée.

Si elles avaient été appliquées par le pouvoir, ces mesures, pour lesquelles nous n’avons cessé de lutter, auraient permis d’éviter les difficultés actuelles.

Encore un mot sur le racisme. Rien ne nous est plus étranger que ce préjugé antiscientifique, inhumain, immoral. Non, il n’existe pas de races d’élite et de races inférieures.

Ne partagez-vous pas l’indignation qui me soulève quand je considère les activités malfaisantes des passeurs, des trafiquants, des marchands de sommeil qui entassent des immigrés dans des conditions violant toutes les règles d’hygiène, de sécurité, de voisinage et que M. Stoléru laisse agir sans entraves comme les négriers d’autrefois ? Ce sont des délinquants qu’il faut réprimer.

Et n’éprouvez-vous pas le même dégoût que moi à la lecture d’une « petite annonce » comme celle que le journal «Libération» publiait récemment sous le titre : « Immigrés sex service », et que la décence m’interdit de reproduire ? Comme j’aimerais que nous soyons, chacun au nom de notre idéal respectif, du même côté contre des gens capables de bassesses aussi abominables, et, j’ose le dire, d’une telle barbarie !

Tout ce que la morale humaine réprouve avec force, l’inégalité, l’injustice, le mépris, la cruauté, nous le repoussons, nous le combattons. C’est pourquoi, dans les entreprises et les cités, nous invitons les travailleurs immigrés et français non pas à se combattre entre eux, mais à unir leurs forces contre leurs vrais ennemis communs, les exploiteurs et ceux qui les servent.

Nous les appelons à tracer ensemble le sillon, à l’élargir sans cesse, pour libérer tous les hommes et toutes les femmes de la servitude et de la haine. C’est le sens de notre lutte pour la justice. De très nombreux prolétaires musulmans la comprennent et la soutiennent.

Veuillez agréer, Monsieur le Recteur, mes salutations.

Georges Marchais. »

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Politique

Université d’été 2018 du PCF à Angers

Le PCF tient son université d’été à Angers et à la lecture du programme, on voit qu’il a encore beaucoup d’ambitions. Les thèmes reflètent l’émergence de toute une génération post-post-communiste pour ainsi dire : on est cette fois plus que bien loin de la question ouvrière, du socialisme comme collectivisation des moyens de production. Le PCF s’est maintenu, mais pour servir de tremplin à autre chose, un autre chose en train de se former.

A noter que les salles du campus universitaire ont été renommées pour l’occasion, souvent avec des figures du mouvement décédées il y a peu. On a ainsi les salles :

-Aragon/Arsène-Tchakarian : Louis Aragon est un célèbre écrivain ayant été une figure historique du PCF pendant la Résistance et après, Arsène Tchakarian est quant à lui un résistant, membre des FTP-MOI et décédé le 4 août dernier ;

-Paul-Boccara : Paul Boccara, décédé l’année dernière, était un historien et un économiste qui fut un haut dirigeant du PCF, ayant notamment théorisé sa critique du « capitalisme monopoliste d’Etat » dans les années 1970 ;

-Antoine-Casanova : Antoine Casanova est un autre historien ayant fait partie de la direction du PCF, il est également décédé l’année dernière ;

-Djamila-Bouhired :Djamila Bouhired est une membre du FLN algérien, ayant fait partie des réseaux organisant des attentats meurtriers dans des lieux publics ;

-Benoît-Frachon : Benoît Frachon fut un haut dirigeant du PCF, ayant participé à la Résistance et dirigé la CGT de 1945 à 1967 ;

– Gerda-Taro: Gerda Taro était une photographe connu pour ses photos de la guerre d’Espagne ;

– Marcelle & René-Hilsum : il s’agit d’éditeurs liés au surréalisme ;

– Dolores-Ibarruri : Dolores Ibárruri fut une responsable du Parti Communiste d’Espagne, connu pour son discours où elle lança le mot d’ordre « No pasaran » ;

– Jack-Ralite : Jack Ralite, décédé l’année dernière, fut ministre PCF entre 1981 et 1984 ;

– Jean-Pierre-Kahane, décédé l’année dernière, fut un mathématicien ; membre du PCF depuis 1946, il en avait dirigé la revue Progressistes consacrée notamment aux sciences.

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Politique

Allemagne : Sahra Wagenknecht lance une Gauche non postmoderne

Sahra Wagenknecht, une figure de la Gauche allemande, lancera le 4 septembre 2018 un mouvement intitulé « Aufstehen », c’est-à-dire « Se lever », afin de faire pression sur les partis de Gauche.

La particularité de ce mouvement à naître, qui a déjà la sympathie virtuelle de 80 000 personnes, n’est pas tant de relever d’une certaine forme de populisme, que de se placer ouvertement en dehors des thématiques postmodernes et postindustrielles.

Sahra Wagenknecht affirme en effet notamment que l’ouverture aux migrants avait comme but le dumping social, que cela a renforcé la précarisation sociale des couches les plus défavorisées, que la migration concerne également particulièrement les couches sociales les plus éduquées de pays du tiers-monde qui se voient ainsi littéralement pillés.

Cela provoque évidemment des cris d’orfraie dans le camp postmoderne et postindustriel, qui l’accuse de développer la même approche que l’extrême-droite. En réalité, Sahra Wagenknecht, a parfaitement compris que le risque était désormais le même en Allemagne, où effectivement les couches les plus précarisées du peuple se tournent vers l’AFD (Alternative für Deutschland), le nouveau parti d’extrême-droite.

« Qui veut la démocratie doit arracher le pouvoir à la mafia financière »

Si Sahra Wagenknecht a cette approche particulière, c’est que son parcours n’est pas forcément commun. Née en République Démocratique Allemande, où elle est mal à l’aise avec le système au point de ne pas pouvoir étudier, elle rejoint cependant le SED, le parti ayant dirigé la RDA, au début de l’année 1989.

Puis, elle a participé à l’aile gauche du prolongement du SED, valorisant systématiquement le parcours du mouvement ouvrier en Allemagne, la création de la RDA et ses acquis sociaux, ainsi d’ailleurs que la révolution russe et même l’URSS de Staline. Cette formation reste marquée et l’accusation de « néo-stalinisme » à l’encontre de Sahra Wagenknecht est relativement courante.

Sur le facebook de Sahra Wagenknecht : « Le 8 mai 1945 a été le jour de la libération d’un système hostile à l’humanité, la domination violente national-socialiste. Ce jour doit enfin devenir un jour férié, comme jour du recueillement, de l’avertissement – et du souvenir de combien il est important de s’impliquer pour la paix et la compréhension entre les peuples. Plus jamais la guerre ! Plus jamais le fascisme ! »
Sur le facebook de Sahra Wagenknecht (la photo montre le monument à Volgograd, l’ex-Stalingrad) : « Aujourd’hui il y a 75 ans se terminait la bataille de Stalingrad. En tout la guerre fasciste d’anéantissement a coûté la vie de nombreux millions de victimes du côté soviétique. Mais au lieu de participer à ce jour du souvenir à Volgograd aujourd’hui, le gouvernement explique suite à notre question que la responsabilité pour cette attaque ne doit pas être assumé en général, car elle n’aurait été que « seulement dans certains cas criminelle » et qu’il faut la placer dans le cadre des « opérations militaires ». Cette réécriture de l’histoire est particulièrement dangereuse de par le message qui en ressort – les guerres d’anéantissement sont réprouvés, mais selon cette lecture pas un crime, seulement une situation où peuvent se produire des actes criminels, évidemment des cas particuliers. Cette position est au plus haut point cynique et avant tout dangereuse dans un monde où il y a encore des guerres d’attaque et des innocents tués – que ce soit au Yémen ou à Afrin. L’histoire nous avertit – Plus jamais la guerre ! Plus jamais le fascisme ! »

Au-delà de cet arrière-plan, Sahra Wagenknecht se positionne concrètement sur des revendications sociales très fortes, rappelant fortement celles de la social-démocratie allemande des années 1970. Il reste à voir ce que proposera Aufstehen,

Cependant, si son site ne dit pas encore grand-chose, donne la parole à des gens du peuple qui donnent le ton, et cela se veut absolument moderne, et non postmoderne.

Voir un mécanicien automobile tatoué avec un t-shirt du Sea Shepherd, par exemple, c’est tout de même autre chose que l’image d’Epinal donné par la CGT en France du travailleur borné se résumant aux merguez et aux revendications seulement économiques.

Voici également ce que Sahra Wagenknecht disait en mai 2018 dans une interview à la Frankfurter Woche :

« Die Linke ne doit pas devenir un néo-parti Verts tourné vers le lifestyle qui méprise les traditions et l’identité des « petites gens ».
Nous devons reconnaître que les problèmes auxquels font justement face les plus pauvres au quotidien – la concurrence pour des jobs mal payés et des appartements abordables, le manque de sécurité publique – ne sont clairement pas apparus avec la crise des réfugiés de 2015-2016, mais se sont souvent aggravés avec cela.

Et c’est naturellement un problème quand dans les quartiers les plus pauvres jusqu’à 80 % des enfants allant pour la première fois à l’école ne parlent pratiquement pas l’allemand. Ou bien quand des prédicateurs de la haine d’un Islam radicalisé fournissent déjà à des enfants de cinq ans une vision du monde dirigée contre toutes les valeurs fondamentales de notre vivre-ensemble. »

On est là extrêmement loin de la Gauche en France actuellement, où tant le PS que le PCF ou La France insoumise, sans parler d’EELV ou de Benoît Hamon, sont des partisans acharnés des thématiques postmodernes et postindustrielles. Mais l’avenir ne leur appartient pas : la Gauche ne peut que se réaffirmer par le mouvement ouvrier, son histoire, son parcours, ses valeurs.

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Politique

Alain Soral et le « Raptor », produits de la décadence complète de la société française

À la toute fin du mois de juillet, Dieudonné et Alain Soral ont organisé une conférence de presse payante trois euros pour annoncer que la bastonnade entre le second et le youtubeur « Raptor » aura lieu le 20 octobre. Le « Raptor », lui, était aux Maldives en vacances et a rejeté Dieudonné comme organisateur du combat, accusant Alain Soral d’être un lâche ne répondant pas aux messages textos. Il ne veut plus entendre parler d’Alain Soral par conséquent.

C’est un épisode de plus dans le scénario grotesque de l’affrontement à coups d’insultes, de menaces, de paranoïa et d’inculture entre une extrême-droite tellement raciste anti-arabe qu’elle en fait sa cause unilatérale, et une extrême-droite purement antisémite.

Dignes équivalents hystériques de la gauche « postmoderne » et « postindustrielle », ces gens sont le pur produit, littéralement surréaliste, de la décadence complète de la société française. Dieudonné a ainsi lors de la conférence de presse expliqué que l’État israélien visait à la destruction des nations, des familles, de l’humanité entière, Alain Soral dénonçant David ayant tué Goliath au moyen d’une fronde au lieu de se battre à la loyale !

C’est un exemple assez édifiant de l’anti-civilisation que représente l’extrême-droite, rempli d’individualités cherchant à devenir des porte-paroles plébéiens ayant assez d’écho pour parvenir au pouvoir.

C’est la base intellectuelle, si l’on ose utiliser ce terme, de cette fuite en avant dans l’explication paranoïaque du monde. Incapable de voir la question des idées, le « Raptor » ne voit en Alain Soral qu’un « baboucholâtre », Alain Soral voyant en le « Raptor » le vecteur de réseaux sionistes et de regroupements visant les ratonnades.

Ce sont des équivalents directs de Donald Trump, de cette vague conservatrice radicale cherchant à mobiliser en disant qu’il n’est pas besoin de culture, qu’il suffit de l’identité. Ce n’est même plus du nationalisme, mais une sorte de beauferie radicalisée.

Si jamais on se demande pourquoi beaucoup de gens ont voulu malheureusement croire en Emmanuel Macron aux présidentielles, c’est justement parce que l’image de la construction européenne est de maintenir le flambeau de la civilisation, de renforcer le cadre institutionnel. Face aux tendances de repli identitaire, cela semble plus moderne, même si imparfait…

Benoît Hamon et EELV ont très bien compris cette sensibilité de la Gauche et cherchent à en profiter. Mais c’est une illusion : seul le socialisme peut, réellement, concrètement, balayer l’inculture, établir des normes morales et culturelles.

C’est le capitalisme qui produit les valeurs du « raptor » et d’Alain Soral, avec leur style strictement parallèle à celui des rappeurs véhiculant les pires clichés. C’est le capitalisme qui anéantit la culture et ne tolère que la superficialité.


Tous ces gens doivent être mis au pas ; les attitudes guignolesques sont une insulte à toute une culture accumulée et dont les figures sont notamment Montaigne, Racine ou Diderot. L’existence en 2018 d’une telle expression barbare est un scandale historique.

Il faut réorganiser la société ; l’État doit le faire, mais là il ne le peut pas. Seule la reconstruction de l’État sur une base sérieuse, par la classe ouvrière, avec le peuple à la base, peut empêcher les forces de la déliquescence de triompher.

Il est intéressant d’ailleurs de voir Alain Soral l’avoir relativement senti aussi, en dénonçant lors de la conférence de presse les jeunes ne respectant pas les aînés, appelant à la réconciliation nationale et au refus complet de la guerre civile. Cela, bien entendu, en prenant l’antisémitisme comme idéologie, sur le modèle du national-socialisme allemand.

C’est bien là la risque : si la Gauche authentique – pas celle postmoderne, postindustrielle – n’établit pas le socialisme, la démagogie antimoderne et nationaliste l’emportera, comme dans les années 1930.