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L’insignifiante « attaque » de l’École de Marion Maréchal par les anarchistes

La devanture de l’ISSEP, l’École de science politique de Droite de Marion Maréchal à Lyon, a été abîmée et recouverte de peinture noire. L’action a été revendiquée par un communiqué au style « antifa » anarchiste.

C’est un excellent exemple de la différence de substance entre la Gauche et les anarchistes. Ces derniers contournent les exigences démocratiques, ils en restent à des actions directes symboliques, qui n’interfèrent pas réellement avec le sens des choses.

De quoi s’agit-il en l’occurrence ? Comme on le sait, Marion Maréchal a ouvert une École supérieure privée, l’ISSEP, dont l’importance est très grande. Elle-même se profile comme la future grande dirigeante de la Droite, son école va servir de formation à de nouveaux cadres. On a vu également comment la première lettre interne a été un prétexte pour elle à faire un véritable manifeste stratégique pour le triomphe de la Droite.

> Lire également : Les mots de Marion Maréchal contre l’« hanounacratie »

Il est donc tout à fait juste de parler de cette École, de mener une intense propagande contre elle, de s’y opposer par un nombre très important de moyens. Mais cela doit toujours être politique, et jamais sombrer dans une sorte de gratuité dont le seul sens est de jouer aux chevaliers blancs qui se substituent au peuple.

Telle est précisément la démarche des anarchistes « antifa »,  qui revendiquent une « attaque » contre l’ISSEP dans la nuit du 26 au 27 mars 2019. Cela consiste surtout en une tentative d’effraction, une vitrine fissurée, une serrure forcée et la devanture recouverte de peinture noire, c’est à dire en fait pas grand-chose.

Cela a été jugé suffisant important par les protagonistes pour qu’il en fasse un communiqué, relayé par le « Groupe antifasciste Lyon et Environ », de culture anarchiste.

Cette « attaque » est présentée comme une « réponse à tous les actes racistes, sexistes, homophobes, transphobes, ainsi qu’aux politiques meurtrières anti-migratoires et à l’attentat de ChristChurch perpétré dernièrement.»

La presse de Droite, dont le Figaro, s’est bien sûr empressée de relayer l’information à son tour, en donnant la parole à Marion Maréchal qui « ne cache pas son exaspération » :

«Nous userons de toutes les voix légales pour faire respecter la liberté d’enseignement en France, manifestement bafouée par des milices d’extrême gauche violentes et dont les membres sont connus des services de police. Ceux-ci se croient suffisamment libres pour revendiquer leurs actes sur leur page Facebook. C’est dire leur sentiment d’impunité. En plus de porter plainte, je vais demander un rendez-vous au préfet, au rectorat comme au maire de Lyon pour que des dispositions soient prises contre ce genre de menaces pour la sécurité de mon établissement.»

Vu comment on va dans le mur, il est évident que ce genre d’actions est de la poudre aux yeux. Il s’agit même d’une banalisation de la très grande force de l’extrême-droite. Et ce n’est pas pour rien que le communiqué utilise l’écriture inclusive et reprend toutes les valeurs de la gauche post-moderne, post-historique, parlant notamment des trans.

> Lire également : Marion Maréchal, la réaffirmation politico-culturelle du conservatisme de Droite

On est là dans la négation de la bataille démocratique, la négation de la lutte pour la mobilisation populaire. On est dans une démarche individuelle, qui revendique haut et fort que tout est une question d’individus. C’est la négation de la lutte de classes, alors qu’il y a malheureusement d’énormes tâches à effecteur dans le peuple pour l’éduquer, lui faire passer des valeurs, pour transmettre des messages importants.

Malheureusement, Marion Maréchal a ici une très grande longueur d’avance sur le plan de la compréhension de la bataille pour conquérir les esprits du peuple. Il est vrai que pour la Droite, le travail est plus facile, car se fondant sur la démagogie, appuyant les conservatismes.

Cela n’empêche, il faut être à la hauteur et savoir véhiculer dans la population les valeurs de la Gauche, en considérant que le peuple lui-même doit les assumer, les porter. On ne peut pas contourner cela avec des « recettes » traditionnellement « substitutistes ». L’idée qu’on démolirait l’extrême-droite avec un petit groupe de gens ayant rassemblé leurs volontés est pour cette raison tout à fait étrangère à la Gauche historique.

> Lire également : Que représente l’ISSEP, l’école inauguré par Marion Maréchal ?

Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de travail d’avant-garde à mener – un concept de la Gauche historique par excellence – c’est-à-dire un travail de conscientisation, d’ouverture des espaces où le peuple peut s’engouffrer pour agir. Mais si ce travail est déconnecté du peuple, si son orientation n’est pas en dynamique avec lui, cela ne sert à rien et c’est même contre productif, car cela donne l’impression qu’il y a quelque chose, alors qu’il n’y a rien.

De la même manière que la valorisation idéalisée de l’Union Européenne ne sauvera pas la Gauche, l’action directe ne le fera pas non plus. Ce dont la Gauche a besoin, c’est de reprendre ses valeurs historiques et d’assumer le travail politique dans la population.

Voici le communiqué :

« Dans la nuit du 26 au 27 Mars 2019, nous avons attaqué l’ISSEP, Institut des sciences sociales, économiques et politiques.

Cette école créée par Marion Marechal Le Pen a ouvert en cette rentrée 2018, au sein du quartier de la confluence, dans le but de former la future élite de l’extrême droite identitaire.

Considérez cette attaque comme une réponse à tous les actes racistes, sexistes, homophobes, transphobes, ainsi qu’aux politiques meurtrières anti-migratoires et à l’attentat de ChristChurch perpétré dernièrement.

Nous attaquons la montée en puissance dans le monde entier de l’extrême droite et du populisme.
Nous attaquons les laboratoires institutionnels des théories qui influencent ce climat nauséabond et mortifère.
Nous attaquons le renforcement sécuritaire dans nos villes, nos quartiers, nos mouvement sociaux, aux frontières de leur monde.
Nous attaquons tout ce qui sert et alimente le maintien du capitalisme par des moyens totalitaires et répressifs.
Nous attaquons cette pensée bourgeoise qui maintient et alimente les oppressions tout en développant leurs privilèges.
Nous attaquons ce qui neutralise toute perspective d’une émancipation commune, nous retranche dans nos individualités, nous pousse à la concurrence entre peuples et au sein de nos classes.

Nous ne cesserons jamais d’attaquer toutes les faces du fascisme que ce soit dans le centre historique du vieux Lyon ou dans la smart city de Confluence, nous continuerons de combattre les groupuscules violents qui usent de traditionalisme à des fins communautaires et identitaires ainsi que cette élite pensante qui se fait une place dans un quartier aseptisé, ultra sécurisé, ultra libéral, réel prototype d’un monde Orwellien.
Des gen.te.s dynamiques et motivé.e.s »

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Le procès du meurtre de Clément Méric

Nous vivons dans une société où l’État n’est pas neutre : il vise à neutraliser, condenser, comprimer toutes les idées ou démarches subversives par rapport aux valeurs dominantes. Il n’est donc guère étonnant que le procès du meurtre de Clément Méric ait consisté en une démonstration de force institutionnelle, entièrement dépolitisée, faisant passer les prolétaires pour des demeurés et réduisant le fascisme à une brutalité de quelques voyous.

Le meurtre de Clément Méric avait déjà posé un vrai casse-tête à l’époque. Pierre Carles du magazine Siné mensuel avait alors dans un article constaté avec amertume que l’État et les médias avaient mis en place tout un dispositif idéologique pour diffuser le mépris anti-prolétaire et anti-immigré, en valorisant le parcours de Clément Méric, étudiant à Sciences Po, fils d’enseignants d’université et engagé dans la scène anarchiste parisienne.

Comment faire ? D’un côté, il y a d’authentiques prolétaires, mais s’étant fourvoyés. De l’autre, des antifascistes, mais liés à la bourgeoisie intellectuelle, à des valeurs libertaires typiques des centres-villes et des universités. Et tous sont, de toutes façons, farouchement anti-socialistes et anti-communistes.

La juge a naturellement prolongé le choix initial. Le procès n’a cessé de chercher à faire passer des prolétaires de province pour des demeurés, des arriérés, tout en effaçant totalement la question de l’inévitable sens de la révolte, ainsi, bien sûr que la déviation de la révolte.

Alors que ces prolétaires sont devenus nazis dans des zones culturellement anéanties. Que beaucoup d’entre eux, et c’est un paradoxe frappant, ont des origines immigrées. Et les observateurs ont été frappés par cela : ces nazis ne connaissaient même pas vraiment leur dossier, s’exprimaient de manière spontanée avec des mots simples et loin d’être forcément bien choisies pour leur propre situation.

Il est aussi nécessaire de remarquer que le meurtrier de Clément Méric était à l’origine impliquée dans une structure de soutien aux animaux montée à l’extrême-droite, comme sa compagne. Qu’avec sa nouvelle compagne il entend désormais monter un refuge, un autre accusé a pareillement parlé de travailler avec des animaux.

Bref, on avait là « des proles de chez proles », comme le dit la formule. Et quand on est de Gauche, on reconnaît cette nature prolétarienne, on ne saurait la mépriser. Quand on est de Gauche, on raisonne comme en Italie après 1922 et en Allemagne après 1933 : pourquoi des prolétaires ont-ils pu se tromper comme cela ?

Évidemment, la juge n’allait pas faire un procès pour expliquer pourquoi des prolétaires auraient dû devenir communistes au lieu de nazis. Ce n’est pas son objectif, qui est de neutraliser toute politique.

La nature prolétarienne des nazis en question ne l’intéressait que dans une seule mesure : faire systématiquement ressortir un mépris, une posture hautaine et arrogante, envers les prolétaires passant en procès, qui ont été scrutés « psychologiquement », « socialement », sans jamais analyser la réalité matérielle d’où ils viennent.

Il s’agissait de les écraser, non pas en tant que nazis, mais en tant que prolétaires qui ont osé faire irruption devant un tribunal. Tout de même, la juge a osé couper la parole à un avocat lors de sa plaidoirie finale – une chose jamais vue -, ainsi que condamner quelqu’un à sept ans de prison pour complicité de coups mortels, sans avoir porté de coups lui-même, c’est-à-dire pour simplement le fait d’avoir été là. Cela aurait été impossible face à des bourgeois.

De la même manière, la circonstance aggravante du coup de point américain a été retenue contre Esteban Morillo condamné à 11 ans de réclusion criminelle, alors qu’il n’y a pas d’expertise formelle à ce sujet ni de témoignages concordants, tandis qu’il y a plusieurs expertises et témoignages affirmant l’inverse.

La culpabilité est votée à la majorité et à bulletin secret par six jurées et trois magistrats sur la base de leur intime conviction. La délibération a durée dix heures et il est difficile d’en comprendre le résultat d’un point de vue strictement judiciaire et moral, à moins de considérer les choses en termes de classe et de comprendre que la Cour d’Assise n’a aucun caractère populaire malgré ses prétentions.

Ce procès a ainsi été dépolitisé, ce n’est pas le fascisme qui a été frappé, mais des prolétaires qui ont été broyés pour l’exemple… dans une démarche anti-prolétaire. C’était inévitable, à moins de ne pas comprendre la nature de la société et de s’imaginer que l’État est « neutre ».

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La réponse de Dieudonné face à « Jeunesse contre la Haine Haute-Savoie »

Il y a quelques mois, le 14 avril 2018, l’humoriste antisémite Dieudonné prévoyait de jouer à Annecy (Haute-Savoie).

Dieudonné

Un groupe de jeunes progressistes nommé « Jeunesse contre la Haine Haute-Savoie » a prit la décision de lancer une véritable offensive face à Dieudonné. N’étant que très peu nombreux, et avec des moyens limités, ces derniers ont dû mener une bataille pour empêcher sa venue. Ce ne fut pas chose aisée, face au libéralisme ainsi qu’à l’antisémitisme ayant gangrené la gauche.

Ces jeunes progressistes ont donc tracté dans les rues d’Annecy, essayant d’alerter la population locale face à cette menace, et ont également lancé une pétition…

Ce n’est qu’après une campagne médiatique qu’un certain écho est revenu : un peu plus de 200 personnes avaient signé la pétition le 14 avril 2018 et plusieurs élus locaux avaient également apporté leur soutien, ce qui avait permis d’annuler la réservation de la salle où Dieudonné devait initialement se produire.

Il a alors rusé, pour finalement se produire dans un champ.

>> La page Facebook Jeunesse-contre-la-haine-Haute-Savoie

Les idées progressistes de « Jeunesse contre la Haine Haute-Savoie » ayant réussi à contrer l’installation de Dieudonné dans un cadre « officiel » , mais n’ayant pas réussi à mobiliser la population locale montrent deux choses très importantes :

  • premièrement, que la gauche est en totale décomposition, incapable de s’en tenir à ses idées fondamentales, tel le progressisme ;
  • deuxièmement, que sans un appui dans les masses populaires, on ne peut que freiner les idées réactionnaires, et non les stopper.

Vincent Lapierre, « journaliste » pour Égalité et Réconciliation TV, le média d’Alain Soral, a réalisé une vidéo gratuite de plus de 23 minutes en compagnie de Dieudonné, et une version payante plus longue, qui n’a comme seul but que de faire passer Dieudonné pour une victime du système et « Jeunesse contre la Haine Haute-Savoie » comme une « obscure association », qui ne « représente qu’elle-même ». Elle se représente visiblement si bien « elle-même », qu’elle a réussi, même avec une large supériorité numérique des fans de Dieudonné dans la région, à empêcher sa venue dans une salle.

Dans cette vidéo, on y voit d’abord Vincent Lapierre poser des questions aux spectateurs.

Ces questions font référence au texte de la pétition proposée par « Jeunesse contre la Haine Haute-Savoie » posant la question : «  Trouvez-vous que Dieudonné est antisémite ? »

Les personnes interrogées répondent qu’ « il faut sans cesse se remettre en question » et ajoutent que Dieudonné n’est pas antisémite.

Tout le reportage est filmé de manière à faire croire que « Jeunesse contre la Haine Haute-Savoie » est derrière tout ça, menant un véritable délire complotiste. À partir de la troisième minute de la vidéo, on apprend que la salle à Annecy sera annulée pour Dieudonné, et nous avons une véritable impression de surprise et d’émotion : le caméraman a choisi de faire un plan rapproché sur Hervé, la personne s’occupant de la réservation des salles pour Dieudonné, au moment où ce dernier semble inquiet.

S’ensuivent plusieurs minutes de dialogue entre Hervé et Vincent à propos d’Annecy.

On y voit Hervé inquiété par la victoire des idées progressistes.

Par la suite, Vincent interroge Dieudonné sur la manière dont il vit cela. Ce dernier répond en osant se comparer à l’un des plus grands écrivains et dramaturges français :

«  Molière en d’autres temps, qui était chassé par le roi à un moment donné parce qu’il a pas dû faire rire et donc il se retrouve sur les routes avec sa roulotte, bah c’est un peu ça ».

Ce passage montre une nouvelle fois le caractère complotiste de Dieudonné, le roi étant ici « Jeunesse contre la Haine Haute-Savoie ».

Nous voyons bien là qu’il cherche à discréditer le groupe de jeunes progressistes, en se basant uniquement sur le nombre de mentions « j’aime » sur leur page Facebook.
C’est pathétique.

Il ne s’attaque même plus à un contenu, mais à la forme… De même, il ajoutera à propos de l’interdiction de son spectacle : « est-ce que c’est vraiment la police[qui a fait pression sur le propriétaire de la salle], ou pas ? » rajoutant, en moins de deux minutes, une nouvelle théorie délirante. Durant les 16 minutes suivantes, on y suit Dieudonné cherchant un lieu pour sa représentation, qui finalement sera un champ à 12 km d’Annecy.

Dieudonné et Alain Soral au tribunal
Dieudonné et Alain Soral au tribunal

Dieudonné a eu besoin d’une vidéo de 23 minutes et d’un article sur « Égalité et Réconciliation TV » pour dire que ces attaques ne l’atteignaient pas, alors qu’on sait que ce dernier n’en menait pas large quant au devenir de sa représentation à Annecy.

Cela sera finalement une demi-victoire pour « Jeunesse contre la Haine Haute-Savoie », qui a réussi à tenir sa ligne, à freiner Dieudonné dans son élan, ainsi qu’à bien l’importuner pendant quelque temps.

Notons que ce dernier prévoit à nouveau de jouer à Annecy, le 14 mars 2019. Cette fois, il n’aboutira à rien et ne fera même pas de « spectacle » dans un champ !

> À lire ailleurs : une présentation de « Jeunesse contre la Haine Haute-Savoie » par le site annecygauche.noblogs.org

 

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Ammerschwihr et la situation des campagnes alsaciennes

En 2010, lors des élections régionales, gagnées de justesse par la droite en Alsace, alors que l’essentiel des régions basculaient à gauche dans les mains du Parti Socialiste, le Front National a enregistré à cette occasion une défaite relative en perdant 3 sièges pour n’en conserver que 5 au Conseil Régional, qui pilote les moyens et les missions délégués par l’Etat.

En particulier, le responsable local du FN, Patrick Binder, père de 6 enfants, travaillant dans la comptabilité et condamné en 2011 à 3 mois de prison avec sursis pour insultes à caractères antisémites et racistes, a pu maintenir son mandat, avec celui de son épouse d’ailleurs.

Depuis, la situation a évolué en Alsace comme dans le reste de notre pays, avec un renforcement du vote pour l’extrême droite, et en particulier du FN, et un effondrement de la gauche, notamment avec les dernières élections présidentielles et législatives de 2017.

On le voit sur les cartes présentées ici, la situation est la suivante : dans un contexte d’abstentionnisme généralisé, les villes tendent à concentrer les électeurs entendant que le régime se poursuive sous une forme libérale, plutôt centriste depuis la victoire d’Emmanuel Macron.

Les périphéries urbaines et les campagnes voient elles une explosion de la tendance à voter pour le FN.

On retrouve ici l’un des grands thèmes mis en avant comme clef par le « matérialisme dialectique » : la production d’une contradiction historique villes/campagnes et une tendance à la segmentation sociale sur le plan territorial qui s’accroit.

Le danger que soulignent ces résultats électoraux, est qu’ils montrent qu’une partie de l’extrême droite a compris cela. Il leur est apparu de plus en plus clair que les contradictions territoriales, mais aussi professionnelles, entre le travail manuel et le travail intellectuel, étaient une conséquence du libéralisme bourgeois et que ces contradictions allaient en s’aggravant.

Face à l’effondrement de la Gauche, qui occupait traditionnellement cet espace, le FN en particulier a mis cela en avant, et de manière de plus en plus affirmée ces derniers mois notamment avec la création dissidente des « Patriotes » de Florian Philippot ou le dernier Congrès du FN début mars 2017 durant lequel Marine Le Pen, seule candidate à la Présidence de son Parti, à clairement exprimé la volonté de se saisir de cet enjeu et d’occuper cet espace politique.

Évidemment, l’extrême droite ne peut ni saisir correctement cette problématique, ni donc y faire face concrètement. Mais elle peut y trouver un terrain où développer ses thèses populistes, en dénonçant sur cette base une soi-disant fracture entre « mondialistes » et « patriotes », dont l’essor métropolitain des villes serait par exemple une conséquence de la « mondialisation nomade », c’est-à-dire du capitalisme financier et « non régulé ».

Il ne faudra pas encore pousser très loin pour entendre parler « d’oligarchie », de la « banque » et bientôt des « Juifs ». Sur ce point néanmoins, les nécessités idéologiques de la lutte contre l’islamisme, lui-même violemment antisémite, modèrent toutefois pour l’instant les velléités explicitement antisémite du FN et de sa ligne.

Dans ce contexte, il est donc intéressant de saluer cette initiative spontanée de la jeunesse d’un village alsacien du Piémont vosgien, Ammerschwihr, dans le département du Haut-Rhin.

Ammerschwihr est un petit village d’environ 1800 habitants, très typique du vignoble alsacien.

Le village se situe à proximité de la ville de Colmar, principal bassin d’emploi de ses habitants, et vit pour le reste du tourisme, de par le caractère « iconique » de ses paysages, et de la production de vin en coopérative de petits et moyens propriétaires, notamment en la matière, ceux-ci s’appuient sur la réputation du terroir de la colline de Kaefferkopf, qui bénéficie de la part de l’Etat de la reconnaissance d’un label particulier et du classement en « grand cru ».

En outre, sur le ban de la commune, on trouve aussi le lieu-dit des « Trois-Epis », où les catholiques locaux ont développé une tradition de pèlerinage à la Vierge Marie depuis la fin de la terrible Guerre de Trente Ans au XVIIème siècle, et où la MGEN (Mutuelle Générale de l’Education Nationale) a installé un vaste centre médical de repos des personnes en suivi d’opération chirurgicales ou nécessitant une hospitalisation de convalescence.

La communauté de ce village n’est donc absolument pas marginalisée, on peut même dire qu’il s’agit ici d’un exemple presque caricatural de campagne développée avec un certain succès par l’intégration capitaliste.

C’est peut-être une des raisons qui a poussé Parick Binder à choisir ce village pour illustrer l’affiche de sa campagne électorale en 2010. Mais ceux sont justement aussi ces mêmes raisons qui ont produit de l’incompréhension et le rejet de la part d’une partie significative de la population et notamment de sa jeunesse.

La jeunesse de ce village a refusé en effet le discours intolérant et nationaliste du FN de manière créative et expressionniste en produisant une chanson explicitement engagée dans une perspective populaire, festive, joyeuse, assumant le métissage et la culture alsacienne, le vivre ensemble dans un esprit de paix, parce que les thèses de dénonciation populistes du FN contre la « mondialisation », l’immigration ou les attaques libérales, n’y faisaient pas écho à la réalité locale.

Il y aurait beaucoup à dire bien sûr à propos des limites de tout cela, notamment la banalisation irresponsable de la consommation d’alcool, d’autant que le « collectif » à l’origine de la chanson a encore produit une autre vidéo faisant l’apologie des « fêtes des caves » et de leur consommation outrancière de vin.

Il faut ajouter sur ce point, qu’à l’origine de la mobilisation, on trouve un jeune propriétaire vigneron justement, Arnaud Geschickt et sa famille. On peut aussi voir encore l’absence de toute vue d’ensemble, une certaine naïveté, tenant aussi sans doute au jeune âge des participants à ce collectif.

Mais ce qui compte, c’est que ces jeunes ont eu raison de se révolter, ils ont été correctement touché par l’esprit populaire, se sont saisi des codes expressionnistes des jeunes des villes dans leur style, ont développé grâce à leur niveau d’éducation et leurs valeurs une volonté d’exprimer politiquement et rationnellement le rejet de l’extrême droite.

Dommage qu’ils le fassent, par conséquent, sur une base petite bourgeoise, d’un village d’une campagne que l’on pourrait percevoir « heureuse » échappant partiellement à l’esprit décadent, compétitif et agressif dans lequel baigne plus souvent et plus complètement la jeunesse des métropoles alsaciennes comme Mulhouse ou Strasbourg particulièrement.

Pourtant, Ammerschwihr est aussi une campagne cernée par la production massive d’alcool, exposée aux pesticides, où malgré tout l’ennui, le désœuvrement pousse à la consommation d’alcool, de drogues comme le cannabis ou les drogues de synthèses et où existe et se développe aussi la violence dans les familles.

La base depuis laquelle ces jeunes défient musicalement le FN est donc fragile, il ne faut pas aller bien loin d’Ammerschwihr pour rencontrer une jeunesse alsacienne malheureusement plus travaillée par le nationalisme et les idéologies d’extrême droite.

Bien entendu, tout cela n’était pas le propos visé par cette chanson et cette mobilisation. Mais cela explique le fait qu’elle ait été finalement et malheureusement vaine. Le groupe réuni par cette expérience n’a pas su approfondir sa démarche collective, s’engager dans le long terme, générer un organisme de lutte sur la base de l’espace qu’il a réussi à ouvrir et c’est finalement volatilisé en l’absence de vocation à durer.

Toutefois, cet exemple souligne l’importance pour les gens de gauche de prendre le temps d’étudier le terrain dans lequel vit notre peuple, autour de soi et dans la situation générale de notre société, de relever les choses qui vont dans le bon sens, d’encourager les espaces d’expression démocratiques et populaires aspirant à se libérer du carcan étouffant de la société bourgeoise.

Et de le faire en mesurant les bases, les limites, les perspectives et les faiblesses de ces expressions, non pour les rejeter, mais les faire progresser, les renforcer, vers la démocratie, en élevant le niveau de conscience de chaque personne en partant du réel et le niveau d’engagement du plus grand nombre.

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Annecy : non à Dieudonné le 14 avril 2018

Dieudonné est toujours actif, cherchant avec un  certain succès à contourner la vaste opposition démocratique qui lui fait face. Il était il y a quelques jours, le 30 mars 2018, à la salle des fêtes de Bayeux, au grand dam de son maire Patrick Gomont qui a tenu à préciser :

« Je tiens ici à réaffirmer que la Ville de #Bayeux ne cautionne en aucun cas la venue de Dieudonné, hier à la Comète. La salle a été réservée sous une fausse identité et lors de la réservation, la billetterie indiquait Caen puis les spectateurs recevaient le lieu exact de la représentation par sms.

Je dénonce ces pratiques malhonnêtes dont cet individu use pour tromper les communes, dont la Ville de Bayeux, qui ne veulent pas de lui en représentation. L’équipe municipale se réserve le droit de porter plainte. »

Le lendemain, il était à Rouen, puis ensuite à Serqueux. A chaque fois quand on achète le billet, on est informé que le lieu sera au maximum dans les 20 km de la ville mise en avant et qu’on sera prévenu quelques heures auparavant par texto.

Il y a désormais le même risque à Annecy le 14 avril. Dieudonné a essayé de louer la salle de l’Arcadium, qui était déjà prise. Mais il est évident que seule une mobilisation vaste peut faire pression pour qu’il n’y ait pas de réactions après la tenue d’un spectacle – en réalité surtout une tribune politique – de Dieudonné.

Voici l’appel fait à Annecy justement pour une telle mobilisation, par Jeunesse contre la haine, avec une pétition comme intermédiaire pour relayer l’appel, qui espérons le se déploiera également dans les communes avoisinantes.

« Le 14 avril prochain, l’ « humoriste » antisémite Dieudonné a prévu une date à Annecy pour sa nouvelle tournée.

Jeunesse contre la haine Savoies appelle donc le maire d’Annecy, Mr. Jean-Luc Rigault à faire interdire son spectacle à Annecy.

Dieudonné a été condamné pour  » incitation à la haine raciale « .

Mais malgré cela, il relance une tournée cette année, dans toute la France.
De plus, son geste « la Quenelle » est un geste ouvertement antisémite et homophobe, puisqu’il s’agit d’une sodomie, ce geste ressemble au salut nazi, étant d’après la LICRA un salut nazi inversé.

D’après Dieudonné, le monde est contrôlé par les lobbys sionistes, il est proche d’Alain Soral et Robert Faurisson (ayant été eux-mêmes condamnés à plusieurs reprises, soit pour injures raciales, soit pour diffamation raciale).

Dieudonné n’est pas un humoriste mais un antisémite !
Interdisons son spectacle partout !  »

En plus d’être un antisémite, Dieudonné ne cache plus ses liens avec les néo-nazis, comme avec Faurisson, qui en plus d’avoir été condamné pour son négationnisme* , et proche de Rivarol (journal nationaliste) et on a pu l’apercevoir au banquet de Rivarol.

Signez la pétition et partagez la : https://www.change.org/p/jean-luc-rigault-dieudonn%C3%A9-ne-fait-rire-que-les-antis%C3%A9mites 

Il s’agit d’une initiative de Jeunesse Contre La Haine Savoies, pour toute remarque vous pouvez les contacter via :

Facebook
-Twitter : @jclh_savoies
-Mail : jclh.savoies@gmail.com

*Négationnisme: Doctrine niant la réalité du génocide des Juifs par les nazis, notamment l’existence des chambres à gaz.

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Le « Bastion social » et ses locaux à Lyon, Strasbourg, Chambéry, Aix-en-Provence, Marseille

« Si nous voulons incarner la transmission de la flamme devant brûler au sein de chaque âme européenne, alors nous devons être des soldats politiques, tant physiquement qu’intellectuellement. »

Ce discours, on le connaît : c’est celui de l’extrême-droite des troupes de choc, des bandes armées, des milices menant des opérations d’agression. C’est le style des chemises noires italiennes de Benito Mussolini, des chemises brunes d’Adolf Hitler. Et c’est le mythe d’une Europe « nationaliste » qui était le grand projet nazi du début des années 1940.

Or, c’est une réalité toujours plus prégnante en France et cela a une cause bien déterminée. Quand la gauche n’est pas capable de développer une ligne culturelle, elle laisse des espaces béants à la confusion qui permet l’émergence de l’extrême-droite, avec des thèmes « sociaux » nationalistes.

On l’a vu avec Alain Soral, avec Dieudonné, ces dernières années, et désormais on peut le voir avec le mouvement « Bastion Social », qui dispose d’un local à Lyon (Le Pavillon Noir), ainsi qu’à Strasbourg (L’Arcadia), Chambéry (L’Edelweiss), Aix-en-Provence (La Bastide), et compte en ouvrir un à Marseille (Le Navarin) le 24 mars 2018.

L’idée de ce mouvement est de fédérer les activistes d’extrême-droite non plus politiquement, mais culturellement, en s’appuyant sur des locaux, si possible sous la forme de ce qui est appelé une « occupation non-conforme ». En clair, l’objectif est si possible de réaliser un squat d’extrême-droite à visée culturelle, associative.

Cette stratégie vise directement à faire un mouvement de contestation non-institutionnel, en se donnant une aura de radicalité, comptant profiter du fait que la gauche universitaire ou anarchiste vit en cercle fermé et profite souvent des espaces culturels et intellectuels institutionnels pour exister matériellement.
Une conférence de presse a ainsi été tenue il y a peu à Strasbourg et celle-ci a été justifiée notamment ainsi par le « Bastion Social » :

« La conférence de presse avait pour objectif de rappeler quelques vérités sur ce torrent médiatique qui a sévit autour de notre local [à Strasbourg]. Je rappelle que M. Ries, maire de Strasbourg, subventionne à hauteur de 23 000€ par an un local d’extrême gauche, le Molodoï, avec l’argent public et qu’il a également financé 500 000€ de ses travaux. »

Voici la version du Molodoï, qui assume tout à fait, sans voir de problèmes, à ce que la mairie soutienne un projet pourtant censé être alternatif, ce qu’il n’est par définition pas, pour recevoir une somme pareille.

« Rapidement, lorsqu’il a fallu chiffrer nos désirs nous nous sommes rendu compte de notre incapacité à financer les travaux. Dès lors nous nous sommes tournés vers la municipalité qui, depuis le premier bail emphytéotique signé en 1991 accompagne financièrement le projet associatif Molodoï à l’aide d’une subvention annuelle de fonctionnement.

Le montage financier, à hauteur de 500 000 euros, nécessitera que la ville de Strasbourg soit porteuse du projet de chantier et donc que nous abandonnions temporairement notre emphytéose.

Muni d’un bail précaire -dûment négocié- dont la durée de validité s’adaptait à la durée des travaux, nous avions ainsi la garanti de retrouver notre emphytéose lors de la remise des clefs de fin de chantier.

Nous y sommes et vous allez découvrir un lieu qui n’est pas métamorphosé mais embelli. La seule concession que nous ayons dû faire est le paiement annuel d’un forfait de 3000€ soit un « loyer » de 250€ mensuel.

Les grincheux/euses parleront d’une augmentation de plus de 200% puisque depuis 1994 le forfait n’était que de….15€ annuels ! Les joyeux/euses souligneront qu’avec un nouveau bail de 20 ans et une salle toute fraîche, ce forfait nous coûtera 60 000€ pour un investissement de 500 000€ de travaux…

D’autres nouveautés vous attendent : nous proposons un service supplémentaire aux associations utilisatrices qui souhaitent vendre de la bière pression. Une tireuse 4 becs est désormais installée en permanence au bar de la salle. Mais attention, le prix de la bière étant beaucoup plus cher au litre (2,40€ à la pression pour 1,32€ en bouteille) les associations n’auront pas d’obligation de fonctionner avec la tireuse et pourront continuer avec le bon vieux système des 75 cl.

Car nous souhaitons instamment que les associations gardent à l’esprit la nécessité de pratiquer des prix les plus bas possible : le Centre Autonome Jeune Molodoï doit rester un lieu de cultures alternatives, abordable pour tous et ne doit pas participer à la gentrification du quartier. Nous serons vigilant.e à ce que les prix d’entrée et les prix des boissons ne s’envolent pas au prétexte de servir des bières exotiques.

Depuis 2004, le Molodoï embauchait de jeunes ingénieurs son en contrat aidé de deux ans, histoire de se former et de faire ses premiers pas dans une salle polyvalente aux événements multiples.

La politique du gouvernement mettant fin aux emplois aidés (sauf pour la police!) les désignant comme des vestiges d’un temps révolus, nous oblige à embaucher en CDD. Les charges financières vont donc augmenter pour la salle et dans cette perspective, nous avons décidé d’augmenter le forfait « grande sono » de 450 à 500€. »

Subventions et contrats aidés, aides massives aux travaux : il est évidemment impossible de prétendre par la suite être en conflit avec un État si généreux avec soi.

Et cette compromission a un prix, car là-dessus, l’extrême-droite peut asseoir sa légitimité. En disant que, finalement, les gens de gauche apparemment les plus contestataires profitent de l’argent de gens qu’ils sont censés haïr, l’extrême-droite en profite pour discréditer la gauche en général.

La démagogie a alors un vaste espace pour affirmer qu’être de gauche, c’est finalement boire sa bière dans des locaux associatifs au milieu d’étudiants et d’universitaires, en cercle fermé, alors qu’être d’extrême-droite serait véritablement une rébellion.

C’est ce que fait le « Bastion Social » en dénonçant la « finance apatride », en se revendiquant d’une « inspiration nationaliste-révolutionnaire », en se voulant une « troisième voie, tant éloignée du capitalisme destructeur des peuples et des civilisations que du marxisme internationaliste. »

Et son succès tient à quelque chose d’également très important. Le grand problème de l’extrême-droite, c’est la révolution française. L’extrême-droite est historiquement liée au catholicisme et récuse 1789 et le principe de république, notamment avec l’Action française.

Or, cela signifie que le nationalisme ne peut pas profiter du drapeau français comme moyen d’expression, ce qui est un grand handicap politique. D’où l’utilisation des croix celtiques comme symboles pour les nationalistes, du trident pour les nationaux-révolutionnaires.

« Bastion Social » est ici, pour la première fois historiquement depuis 1945 si l’on met de côté le Front National qui lui visait directement à être un mouvement de masse, un mouvement nationaliste jouant sur la « préférence nationale » au nom des couleurs bleu – blanc – rouge.

C’est un changement d’une grande importance, permettant d’être davantage fédérateur. Et qui se justifie idéologiquement par un discours nationaliste européen, où chaque patrie viendrait s’intégrer au projet.
Et dont l’objectif est de manière très claire la constitution de brigades de choc, de confrontation, de provocation.

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« Les journées ouvrières des 9 et 12 Février 1934 »

Voici un extrait de l’ouvrage de Marc Bernard, Les journées ouvrières des 9 et 12 Février 1934 (« L’appauvrissement révolutionnaire de Paris »). Il fut publié dans la foulée de ces journées qui suivent la tentative de coup d’Etat par l’extrême-droite le 6 février 1934.

«  Depuis plusieurs années le centre de Paris, la ville proprement dite, est devenu réactionnaire. Le 6 février on vit ce phénomène curieux se manifester avec une force d’une puissance inouïe, d’un Paris entièrement soumis aux organisations de droite.

Cette brusque volte-face d’une capitale que l’on avait toujours connue à l’avant-garde des révolutions, de cette ville qui avait fait celles de 1793, de 1848, de la Commune, a étonné certains, qui n’ont pas très bien vu les causes de ce changement d’orientation politique.

Les réactionnaires ont triomphé, prétendant avoir conquis Paris à leurs méthodes ; les gens de gauche et d’extrême-gauche ont été navrés et inquiétés par ce reniement de tout un passé de lutte.

La vérité c’est que Paris, peu à peu, et plus particulièrement au cours de ces vingt dernières années, a vu émigrer vers la banlieue sa population ouvrière.

Ce qu’on appelle « la ceinture rouge » s’est formé au détriment des forces révolutionnaires de la capitale, de jour en jour envahie par l’élément bourgeois qui, débordant certains quartiers du centre de la ville, s’est répandu bien au-delà de ses premières frontières, et par la foule de petits-bourgeois : employés, boutiquiers, etc., dont le nombre n’a cessé de croître.

La population ouvrière, artisanale, des faubourgs Saint-Antoine et même dans un certaine mesure de Belleville, Ménilmontant, etc., est allée se grouper dans la banlieue autour des usines ; une partie de cette population, quoique travaillant aux portes de Paris, s’est exilée dans les innombrables lotissements qui entourent la ville, fort éloignés parfois du lieu de leur travail, les moyens de communications rapides ne faisant plus de cet éloignement un obstacle insurmontable.

Cette émigration, sans cesse croissante, explique le changement d’orientation politique de la capitale ; Paris tend, de jour en jour davantage, à devenir une ville d’intellectuels, de bourgeois, de commerçants et d’employés : et l’on sait bien que ce n’est jamais parmi ces gens-là que le socialisme a recruté de nombreux adeptes.

Il est remarquable que, malgré l’énorme avance du socialisme, qui dura jusqu’à ces dernières années dans le monde entier, et particulièrement en France où le nombre d’élus socialistes au Parlement, au Sénat, dans les conseils municipaux de la presque totalité des villes, Paris à peu près seul, ait vu réactionnaires augmenter avec une constante régularité.

En dehors même de la répartition des sièges – monstrueuse iniquité qui exige plus de dix mille votants dans certaines circonscriptions, alors que moins d’un millier suffisent dans d’autres pour élire un conseiller – il n’en reste pas moins vrai que cette émigration ouvrière dans Paris, avec le glissement vers la droite des étudiants, coupés entièrement aujourd’hui du prolétariat.

Les combats du 6 février furent menés par une foule – en dehors des quelques éléments communistes qui furent rapidement absorbés – où dominait une écrasante majorité bourgeoise. Il suffisait de jeter un regard sur elle pour s’en apercevoir.

Le 12 février devait voir à Vincennes le regroupement des forces prolétariennes et populaires. »

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Politique

1934, quand la Droite faisait rêver…

Lorsqu’on pense aux années 1930 et que l’on est de gauche on pense spontanément au fascisme et au front populaire de 1936. Mais, en France, l’Histoire s’apprend de manière découpée, en section altérant la compréhension des processus de moyen long terme.

En effet, c’est souvent sous l’angle d’un « moment », celui de mai-juin 1936 qu’on parle du Front Populaire, ce qui met dans l’ombre la dynamique interne globale qui a vu émerger cette expérience populaire de gauche.

Car l’arrière-plan de l’unité populaire en 1936, c’est évidemment le 6 février 1934 des ligues factieuses et plus généralement c’est la montée du fascisme en France alors que le pays a aux frontières deux pays fascistes, l’Allemagne (janvier 1933) et l’Italie (mars 1922). L’extrême droite française connaît alors un développement massif et populaire, tandis que que les forces de gauche sont affaiblies.

En 1933-1934, au plan des forces numéraires, alors que la S.F.I.C compte environ 60 000 membres et la S.F.I.O 120 000 adhérents, l’Action Française compte près de 60 000 membres, il y a 90 000 « Jeunes Patriotes » et 180 000 Croix De Feu. Il faudrait aussi mentionner les chemises vertes d’Hervé Dorgères, rassemblant près de 400 000 « fascistes ruraux » agissant dans les campagnes…

A la pointée de l’offensive fasciste en janvier-février 1934, ce sont 130 000 hebdomadaires de l’Action Française qui sont vendus avec une agitation de rue permanente dans Paris.

Pendant le Front Populaire, malgré le recul momentané des forces d’extrême droite, deux principaux partis se partagent le terrain réactionnaire : le Parti Populaire Français de Jacques Doriot et le Parti Social Français du Colonel de La Rocque. Avec Le PPF on a là une véritable machine fasciste, sur une ligne violemment anticommuniste et national-socialiste, rassemblant en 1937, 120 000 adhérents. Le PSF est quant à lui un véritable monument de la culture politique nationale, parti réactionnaire de masse avec plus 500 000 adhérents en 1938.

A ces deux principales forces parlementaires réactionnaires s’ajoute bientôt un groupuscule clandestin pratiquant une stratégie de la tension à coup d’assassinats et d’attentats, le Comité Secret d’Action Révolutionnaire ou dit « La Cagoule ». Ce groupuscule lié à certains secteurs de la haute bourgeoisie maintient des liens lointains avec des personnalités plus ou moins proches du Colonel De La Rocque.

La valse des intimidations violentes et des attentats menés par « La Cagoule » et la « dédiabolisation » du PSF issu des ligues Croix de Feu créé une tension sociale et politique profonde sur le peuple de gauche. Tout en noyautant l’armée, l’enjeu stratégique fut bien de favoriser une profonde tension à l’intérieur de la gauche (comme en 1937 à Clichy ) afin d’appeler à un retour militaire à l’ordre sous la direction des forces fascistes.

Dans cette ligne, à l’agitation militaire et politique s’ajoute le pilonnage idéologique de la société par des fascistes qui tissent des liens et développent une presse à scandale, basée sur des faits divers montés en épingle et analysés sous un angle raciste et antisémite, rappelant ce que l’on nomme aujourd’hui « fachosphère ».

L’hebdomadaire L’Ami du Peuple, fondé par le parfumeur François Coty et qui revendiquait plus de 3 millions de lecteurs est un bon exemple de cette presse populiste. François Coty fonde d’ailleurs en 1933 son propre mouvement appelé « Solidarité Française » , mouvement qui aura une forte implication dans les émeutes anti-parlementaires du 6 février 1934…

Il serait erroné de saisir cette montée du fascisme comme simple « caisse de résonance » des dynamiques étrangères, car c’est bien une dynamique interne au pays qui l’alimente. Un exemple de cela est l’échec des « chemises bleues » fondées en 1926 par Georges Valois, ancien syndicaliste révolutionnaire puis acquis au nationalisme de l’Action Française. Les « Chemises bleues » qui comptent alors 25 000 membres, disparaissent pourtant en 1927, preuve qu’un simple décalque du fascisme italien ne prend pas dans les mentalités et les valeurs françaises.

Ce qui marchera en France, c’est le national-catholicisme , comme le prouve ensuite la politique du régime de Vichy fondée sur un corporatisme maurassien : défendre le « pays réel » identifié aux villages ruraux cimentés par la morale du clergé et le conservatisme de « La Terre ». La prégnance des « chemises vertes » rurales dans les années 1930 a ainsi fourni l’armature politique et idéologique au pétainisme.

Aborder le Front Populaire de 1936-1938 c’est donc nécessairement prendre en compte la vitalité et l’importance des forces fascistes françaises développées sur une base nationale. Il est peu étonnant que la réaction antifasciste unitaire de 1934 se soit élancée essentiellement des campagnes , comme illustration de l’agitation profonde que connaît le cœur de la société française de l’époque.

Les années 1930 ont été l’histoire de la gauche autant que l’histoire de l’extrême droite, et c’est en cela d’ailleurs qu’elles constituent un puissant miroir de notre époque actuelle…