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Écologie

« Emmanuel Macron a fait plus pour la chasse française qu’aucun de ses prédécesseurs »

La fédération nationale de la chasse a tenu son congrès. Étaient présents non pas simplement deux ministres, voire trois, mais carrément quatre membres du gouvernement. C’est qu’il s’agit de maintenir la France profonde enfermée dans ses traditions réactionnaires.

Le président de la République Emmanuel Macron est un ardent ami des chasseurs, il leur a promis beaucoup de choses avant les élections, notamment l’organisation d’un tourisme cynégétique. Alors que l’opposition à la chasse à courre est devenue populaire grâce à AVA – Abolissons la Vénerie Aujourd’hui, il a mis tout son poids pour appuyer la contre-offensive, couvrant de ce fait la violence des partisans de la chasse à courre.

> Lire également : AVA : une force démocratique contre la chasse à courre

Rappelons également qu’à partir du premier juillet, le permis de chasser va coûter moitié moins cher, que les espèces vont dépendre de « gestions adaptatives » (pour faire sauter les éventuelles protections), qu’à partir de janvier 2020 il y aura une « police de la nature ».

Là, au congrès de la fédération nationale de la chasse à Paris, à la salle de la Mutualité, Emmanuel Macron a envoyé quatre membres du gouvernement. Il y avait ainsi trois ministres : celui de l’agriculture, Didier Guillaume, celui des Collectivités locales, Sébastien Lecornu, celui de la Transition écologique, François de Rugy. À cela s’ajoute la secrétaire d’État à la Transition écologique Emmanuelle Wargon.

On peut être certain que c’est bien le choix du président de la République : l’arrière-plan ne laisse aucun doute à ce sujet. Willy Schraen, le pittoresque président de la fédération des chasseurs, pour ne pas dire grotesque aux yeux de gens de Gauche, a tenu des propos dénués d’ambiguïté à ce sujet :

« Le président de la République, Emmanuel Macron, a fait plus pour la chasse française qu’aucun de ses prédécesseurs. »

François de Rugy a tenu lui aussi, à la fin du congrès, des propos résolument clairs :

« Je veux sortir des débats théoriques, même théologiques, des postures. Il y a un autre climat qu’il y a quelque temps. »

Mais c’est là un vœu pieux. AVA – Abolissons la Vénerie Aujourd’hui a littéralement fait briser la chape de plomb concernant la chasse à courre et ce faisant a révélé la nature des chasseurs en général. Il est vrai qu’avec les gilets jaunes, ce thème est passé au second plan de l’actualité et de la réflexion de beaucoup. Mais c’est désormais un marqueur très fort, qui restera.

> Lire également : Les chasseurs doivent comprendre le sens de la chasse à courre

Et justement par rapport au caractère improductif des gilets jaunes, il y a lieu de voir l’importance de la culture, et donc notamment de la chasse, ce pilier de la réaction y compris dans une large partie du peuple. Tout est faux dans la chasse : l’esprit communautaire, la volonté de destruction, le rapport dévoyé à la nature, pour ne pas dire terroriste… La liste serait trop longue.

Les chasseurs peuvent donc être très heureux du fait qu’ils aient désormais le soutien ouvert du régime ; effectivement vu ainsi, c’est un triomphe pour eux. Mais c’est d’une valeur faible et uniquement temporaire ; ni Emmanuel Macron, ni le gouvernement, pas même l’État français ne peuvent faire face à l’opposition à la chasse qui est désormais cristallisée et grandit.

On peut même dire que l’opposition à la chasse grandit dans cette adversité, ce qui est inévitable, car elle ne peut être que portée par la Gauche, dans un grand combat pour les valeurs, pour se débarrasser notamment aussi de tous ces restes du passé qui portent la barbarie.

Il n’y a pas au 21e siècle de place pour la chasse, cette activité immorale, dont on ne sait pas s’il faut dire qu’elle est avant tout grossière ou vulgaire. Et on sera toujours étonné de voir Emmanuel Macron, qui s’est toujours voulu si moderne, soutenir corps et âme une telle monstruosité passéiste. Cela en dit long sur ce qu’est la modernité pour lui : un prétexte au libéralisme partout et tout le temps.

À ce titre, la Gauche doit se débarrasser de tout libéralisme culturel et être en mesure de faire des choix assumés. Que le combat contre la chasse, sans même parler de la chasse à courre, ne soit pas au programme de toute la Gauche, est une trahison sur le plan des idées et une capitulation face aux tendances réactionnaires de notre pays.

> Lire également : le dossier chasse à courre

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Politique

Communiqué du Groupe communiste au Sénat contre la mobilisation des militaires de Sentinelle

Le Groupe communiste républicain citoyen écologiste (CRCE) au Sénat a produit un communiqué dénonçant la mobilisation des forces de l’opération Sentinelle pour le prochain samedi des gilets jaunes.

Il est rappelé par ces sénateurs, comme par la plupart des intervenants à Gauche, que ce recours à l’Armée n’est pas conforme à la pratique républicaine qui distingue la Police, qui relève du civil, c’est-à-dire d’un cadre démocratique particulier, de l’Armée, qui relève de la guerre.

La déclaration du gouvernement quant à la mobilisation de ces forces relève en grande partie de l’effet d’annonce, d’un pas de plus dans le grotesque, dans l’ambiance grotesque du pays en ce moment. Il est en effet expliqué par le Ministre de l’intérieur que le préfet de police pourra s’appuyer sur ces militaires, mais qu’ils « ne doivent en AUCUN CAS participer au maintien de l’ordre », et donc qu’ils devront en cas de besoin… appeler la Police.

Cela est absurde, et on aura bien compris que cela vise surtout à renforcer une posture, de manière politicienne, afin d’apparaître comme le parti de l’Ordre, alors qu’en réalité presque rien n’avait été décidé pour empêcher la casse samedi dernier, comme l’ont largement expliqué, franchement ou à demi-mots, les représentants policiers.

Il n’en reste pas moins que cette annonce du recours à l’Armée dans le cadre d’une manifestation sociale est inacceptable sur le plan politique, de part ce que cela sous-tend en arrière plan comme remise en cause du cadre démocratique.

Ainsi, une personnalité comme Ségolène Royale, qui n’avait déjà pas grand-chose de gauche, s’écarte définitivement de la Gauche en déclarant à ce propos :

« Je me suis demandée pourquoi ça n’avait pas été fait plus tôt », ajoutant que « les black blocs ne sont pas des terroristes mais ils sèment la terreur. Et donc c’est la même chose. »

Le recours à l’Armée dans le cadre d’une manifestation raisonne à Gauche comme un danger fascisant, et réveille la mémoire de la grande répression de 1948 faisant intervenir l’Armée. Plusieurs mineurs avaient été tués par les militaires dans le nord de la France après de grandes grèves.

Voici le communiqué du Groupe communiste républicain citoyen écologiste au Sénat :

« Emmanuel Macron doit renoncer au recours à l’armée à l’occasion de l’Acte 19 des Gilets jaunes

Emmanuel Macron a annoncé sa décision de recourir aux militaires de Sentinelle pour, dans le cadre de l’Acte 19 des Gilets jaunes, « sécuriser les points fixes et statiques conformément à leur mission ».

Contrairement à ce qui a été affirmé par Benjamin Griveaux, porte-parole du gouvernement, à l’issue du Conseil des ministres, ces militaires aucunement formés au maintien de l’ordre et équipés d’un matériel de guerre seront de fait associés à l’action de la police.

C’est une décision grave qui marque une étape inquiétante dans la surenchère sécuritaire en cours.
L’interdiction de manifester, la compétition malsaine entre le pouvoir et la droite la plus dure pour bomber le torse face au mouvement des Gilets jaunes, menacent de porter atteinte aux libertés fondamentales et en premier lieu au droit de manifester.

Les sénatrices et les sénateurs du groupe CRCE l’ont dit et répété, ils condamnent les destructions et les violences qui surviennent lors de certaines manifestations. Cette casse dessert le mouvement.
Mais ils ont également souligné l’attitude du pouvoir qui pousse à une escalade potentiellement dévastatrice pour notre pays.

Les sénatrices et les sénateurs du groupe CRCE estiment que le Parlement doit être informé et consulté pour une si grave décision.

En tout état de cause, Emmanuel Macron doit respecter la pratique républicaine en matière de maintien de l’ordre qui en réserve l’exercice à la police et à la gendarmerie.

Ils rappellent à cet égard que depuis 1921, le maintien de l’ordre dans le cadre des manifestations est confié à la gendarmerie et à la police.

Ce pouvoir a en effet été transféré, par un vote à l’Assemblée nationale, de l’armée aux effectifs de gendarmerie mobile.

Groupe CRCE au Sénat, le 21 mars 2019 »

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Écologie

La Gauche devrait épauler les antispécistes du procès de Lille

Le procès des « antispécistes » ayant dégradé des vitrines et parfois attaqué par le feu des boucheries et des restaurants vient de se tenir à Lille. La Gauche a raté une occasion de s’exprimer sur un thème important… Elle peut encore le faire.

Trois femmes d’environ trente ans et un jeune homme sont passés en procès à Lille pour leurs actes commis dans le nord de la France : antispécistes, c’est-à-dire en combat contre la domination d’une espèce par une autre (le « spécisme »), ils ont visé des boucheries et des restaurants, cherchant à dégrader et à attirer l’attention sur leur cause.

L’image qu’ils ont donné d’eux au procès est celle de novices en politique, ayant des idées mais se demandant comment ils ont pu terminer au tribunal, voire même s’interrogeant sur leurs propres actes. On l’a compris, ils n’ont pas été véritablement protagonistes de ce qu’ils ont fait. Ils se sont saisis d’une question importante, cela les a dépassés et ils ont agi avec les moyens du bord sur le plan intellectuel et pratique.

Il serait donc tout à fait juste que la Gauche s’engage pour protéger ces gens de la vindicte des bouchers, charcutiers, restaurateurs… qui veulent une peine « exemplaire » et entendent bien que les amendes soient faramineuses, deux restaurateurs demandant pas moins d’ailleurs que 500 000 euros chacun.

La Gauche devrait épauler les antispécistes du procès de Lille, en leur fournissant les clefs pour comprendre ce qu’est l’État, l’économie, les choix de société, bref la politique. C’est un peu tard car le procès est passé, mais il est encore en temps de s’exprimer assez fortement pour ne pas que ces gens soient véritablement écrasés par quelque chose qui les dépasse.

Si en effet la Gauche ne s’est pas saisie de la question des animaux – ce qui est un erreur fondamentale – il n’en reste pas moins que celle-ci est d’une importance énorme, que cela soit sur le plan économique ou moral. Les quatre antispécistes vont se retrouver seuls face à toute l’industrie liée aux animaux, c’est-à-dire pour dire les choses expressément, face à toute l’industrie capitaliste liée aux animaux. À quoi s’ajoutent bien sûr tous les conservateurs de notre pays, tous les fanatiques du terroir, bien sûr tous les chasseurs, bref tous les réactionnaires.

On peut cependant partir du principe que la clémence, la mansuétude, la compréhension est un sentiment partagé chez les gens voyant bien qu’il y a un problème. Il faut donc que la Gauche s’exprime de manière correspondante à ce sujet et soit en phase avec ce qui représente une valeur positive : celle de la solidarité avec ceux et celles qui n’acceptent pas le monde tel qu’il est et cherchent des solutions concrètes.

Ce qui rend les choses bien difficiles, naturellement, c’est que la Gauche française est en miettes et que sur le plan des valeurs elle est contaminée par toute une série de mœurs libérales ou traditionnelles, selon. Il y a ainsi trop de gens à gauche qui tolèrent les chasseurs par libéralisme, voire pratiquent la chasse par « tradition ». On a ici un véritable problème, d’ailleurs tout à fait exemplaire de ce qui nuit à la Gauche.

On voit mal de ce fait comment la Gauche, qui n’est même pas capable de dénoncer la chasse à courre, pourrait s’exprimer en défense d’accusés antispécistes, alors que la remise en cause de la condition animale va encore plus loin. Mais peut-être que comme c’est plus loin, c’est d’autant plus facile à comprendre.

Personne ne pourra faire l’économie d’une réflexion et d’une modification de ses pratiques par rapport aux animaux dans les prochaines décennies. Et si l’antispécisme est une philosophie qui vaut ce qu’elle vaut, rien en attendant ne s’oppose sur le plan des valeurs de gauche à une pratique du végétalisme, du véganisme ; ne pas utiliser de produits testés sur les animaux ne devrait pas être bien difficile à comprendre comme démarche pour des gens de Gauche !

Voilà pourquoi, au-delà de ce qu’on peut penser des antispécistes de Lille sur leur démarche et leur philosophie, la Gauche devrait épauler ces personnes se retrouvant en première ligne dans un combat qui les dépasse de par son ampleur : c’est à la politique de prendre les choses en main.

> Lire ailleurs :

  • Le reportage sur le procès de La Voix du Nord :

Lille La prison requise contre deux défenseurs des animaux qui avaient attaqué des commerces

  • Le reportage sur le procès de France 3 Hauts-de-France :

Lille : 6 et 10 mois de prison ferme requis contre deux militants antispécistes

  • Un article sur le procès de La Terre d’abord :

Procès des antispécistes de Lille : Candide face aux juges

  • Le site du Comité de soutien aux activistes antispécistes :

Comité de Soutien aux Activistes Antispécistes

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Politique

Aurore Lalucq, symbole des ennemis intérieurs de la Gauche

Aurore Lalucq était la porte-parole de Génération-s, mais n’ayant pas la seconde place de la liste aux Européennes, elle a rejoint la liste de Place publique et du Parti socialiste. C’est un exemple tout à fait représentatif de comment les opportunistes pourrissent la Gauche.

Il ne faut pas s’étonner que les anarchistes soient si nombreux dans notre pays quand on voit quelle image donne la Gauche avec des gens comme Aurore Lalucq. Alors qu’elle était la porte-parole de Génération-s, elle a tout plaqué du jour au lendemain, pour rejoindre une autre liste électorale. Tout en prétendant continuer à faire partie de Génération-s ! C’est pitoyable, mais malheureusement tout à fait représentatif de l’état d’esprit de ces gens surdiplômés avides de carrière et coupés de tout lien avec la Gauche historique.

Benoît Hamon paie ici cher le prix de son laxisme libéral sur le plan des idées. En intégrant Aurore Lalucq à son équipe lors des primaires socialistes en 2016, il a eu la faiblesse d’intégrer une intellectuelle hors de tout parcours militant : voilà ce que cela donne. On ne se coupe pas impunément de la vision du monde de la Gauche historique. Et quand on récupère des gens « qui tombent du ciel », il faut bien se douter qu’il s’agit là d’opportunisme, pas de convergence de valeurs, il ne faut pas être naïf tout de même !

> Lire également : Place publique fait un hold up sur le Parti socialiste

Naturellement, Aurore Lalucq justifie son revirement en disant qu’elle veut… l’unité. C’est le discours traditionnel des opportunistes, ceux-ci prétendent toujours se mettre au service de l’urgence, ils affirment toujours que les différences sont gommées par une situation exceptionnelle, etc. Dans Libération, elle explique qu’il n’y a sur le fond aucune différence entre Place publique et Générations, et que si elle fait ce qu’elle fait, c’est par états d’âme :

« La désunion me pèse, m’empêche de dormir. »

Tant d’hypocrisie n’est pas seulement sidérant, c’est surtout criminel et de telles personnes sont des machines à faire gagner l’extrême-droite. Ces gens sans morale, allant dans le sens du vent, sans aucune valeur, sont la plaie de la Gauche. Benoît Hamon a fait une faute morale en accordant de la place à une telle personne, il n’a pas ici fait mieux que le Parti socialiste avec ses mauvaises manières.

Et le pire dans tout cela, c’est qu’Aurore Lelucq vit de son parasitisme, car toute son aura d’intellectuelle pille largement les réseaux et l’image de la Gauche. C’est ainsi une économiste « spécialiste de la monétarisation et de la financiarisation de la nature, de la transition sociale-écologique et de la régulation bancaire », comme le dit Wikipédia. Ce qui signifie qu’elle se présente comme un experte indispensable et se permet ainsi de donner des leçons à la Gauche dans les domaines des banques et de l’écologie, notamment par l’intermédiaire de son think tank, l’Institut Veblen.

Aurore Lalucq avait déjà préparé son départ, en étant présente, sans avertir personne de Génération-s, au meeting de Place publique le 29 janvier 2019 à Paris. Elle y a dit, entre autres :

« Je nous trouve collectivement minables, je nous trouve collectivement irresponsables face à l’histoire. »

Si collectivement il y a encore débat, Aurore Lalucq aurait pu mettre la phrase au singulier et employer le terme d’individuellement, cela aurait été parfait. Elle est minable, et pire qu’irresponsable, responsable, car elle sait très bien ce qu’elle fait : elle soigne sa carrière, la possibilité de devenir député européenne bientôt, ministre plus tard, renforçant encore davantage son statut d’économiste « de son époque ».

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Politique

Les 10 propositions du PCF pour la France

Les 10 propositions du PCF pour la France :

« Face au mouvement des Gilets jaunes, aux mobilisations populaires, le président de la République a du ouvrir un grand débat national. Celles et ceux qui se sont exprimés y ont porté un message clair. Ils disent vouloir vivre dignement et être respectés. Ils disent que le travail doit payer. Ils disent que les injustices sociales et fiscales sont une honte. Ils disent, à l’échelle de leurs quartiers, de leurs lieux de travail, qu’ils veulent pouvoir décider. Ils disent que la fin du mois ne doit pas être opposé à la fin du monde. Ils attendent des réponses fortes et ambitieuses.

Avec cet objectif, le Parti communiste français présente 10 grandes propositions pour l’avenir de la France.

POUR UNE VIE DIGNE ET ÉPANOUIE

1 Hausser le Smic (20%), augmenter les salaires et les minima sociaux. Contraindre les entreprises à l’égalité professionnelle femmes-hommes. Porter les retraites à 1400 euros minimum

La France est devenue un pays de bas salaires et de contrats précaires. Les femmes en sont les premières victimes. Et trop de jeunes se débattent avec des petits boulots sous-payés. Il est temps que l’État réunisse une conférence nationale pour les salaires, la reconnaissance des qualifications, l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, le pouvoir d’achat des retraités.

2 Organiser un plan de lutte contre l’exclusion et la grande pauvreté. Rembourser les soins à 100%, indexer les retraites sur le salaire moyen

A la Libération, dans un pays dévasté, les Français ont conquis la Sécurité sociale et cela a contribué au redressement national. Aujourd’hui, quand quelques actionnaires et banquiers confisquent les richesses, la Sécu peut être consolidée et étendue. Et le système solidaire de retraites, fondé sur la répartition, doit être pérennisé et garanti.

POUR LA RELANCE ET POUR L’ÉGALITÉ

3 Lancer un grand plan d’urgence pour la reconstruction des services publics

Éducation nationale, hôpitaux, transports, petite enfance, énergie… : les services publics ne sont pas une « charge » mais un investissement pour l’avenir. Il faut en finir avec le dogme de la libre concurrence qui les détruit et fait de beaucoup de nos territoires des déserts. Il est urgent de les reconstruire au plus près des citoyens, et de recruter massivement des agents pour les faire fonctionner.

4 Nationaliser une grande banque privée, au service de l’emploi, de la renaissance industrielle, de la transition écologique

Les banques financent massivement la spéculation, les délocalisations, l’évasion fiscale, les investissements polluants. Les crédits doivent au contraire aller, avec des taux très bas, aux investissements qui créent des richesses et des emplois, qui développent les biens communs. La nationalisation d’une grande banque privée serait un levier important en ce sens.

POUR LA PLANÈTE ET LE CLIMAT

5 Prioriser les transports collectifs publics, avec extension de la gratuité pour les transports locaux. Doubler la part du fret ferroviaire, contre le tout-route

L’humanité est en péril. La production et les services doivent donc être réorientés vers un développement social et écologique. Cela passe par une effective priorité aux transports collectifs publics, décarbonés et accessibles à toutes et tous. Il faut en finir avec les politiques qui encouragent le transport routier au détriment de l’exigence écologique.

6 Rénover énergétiquement un million de logements et les bâtiments publics

Pour lutter contre le dérèglement climatique, il ne suffit pas de signer les accords de Paris puis de passer à autre chose. Il faut s’en donner les moyens. Une grande politique publique en faveur de la rénovation énergétique des logements et établissements publics serait une première avancée. Ce serait aussi un levier pour l’emploi et la relance de l’économie.

POUR LA JUSTICE FISCALE

7 Supprimer la TVA sur les produits de première nécessité, rendre l’impôt plus juste et progressif

Les impôts non progressifs (TVA, TICPE, CSG) représentent 67% des recettes fiscales. Les petits paient plus que les gros. Il faut les supprimer (TVA sur les produits de première nécessité) ou les abaisser fortement. L’impôt sur le revenu doit être calculé sur 9 tranches (contre 5 actuellement). L’impôt sur les sociétés doit devenir plus progressif, et être modulé selon les politiques d’emploi et d’investissement des entreprises.

8 Rétablir l’ISF, taxer les dividendes. Atteindre le zéro fraude fiscale. Supprimer le CICE et réorienter cet argent vers les PME et TPE

Une redistribution juste et efficace des richesses, c’est possible. En rétablissant l’ISF (4 milliards d’euros), en taxant les revenus purement financiers des entreprises et des banques (47 milliards), en agissant enfin contre l’évasion fiscale (80 milliards). Le CICE, qui ne crée pas d’emplois et est accaparé par les actionnaires, doit être supprimé et son montant (40 milliards en 2019) affecté à des prêts aux PME et entreprises qui investissent et créent des emplois.

POUR UNE RÉPUBLIQUE D’INTERVENTION CITOYENNE

9 Rendre le pouvoir au Parlement contre la monarchie présidentielle. Instaurer un référendum d’initiative populaire. Mettre en place des pouvoirs décisionnels des salariés à l’entreprise

Les citoyens veulent pouvoir décider. Diminuer les pouvoirs présidentiels, c’est doter le Parlement de nouveaux pouvoirs pour représenter mieux le peuple, et c’est aussi restituer aux collectivités locales les moyens d’agir. 500 000 électeurs doivent pouvoir faire soumettre à référendum des lois sur l’organisation des pouvoirs publics ou la politique économique et sociale. Les salariés ont besoin de nouveaux moyens d’intervention sur les choix des entreprises, à commencer par un droit de veto et de contre-propositions face aux plans de licenciements.

POUR EN FINIR AVEC L’AUSTÉRITÉ EUROPÉENNE

10 Sortir du pacte budgétaire européen : priorité aux dépenses sociales et écologiques

Les besoins vitaux des peuples et les impératifs écologiques ne peuvent plus être corsetés par un pacte antidémocratique, obsédé par l’équilibre budgétaire à n’importe quel prix et la réduction des dépenses publiques. C’est de coopération pour des dépenses d’avenir, socialement et écologiquement utiles, dont nous avons besoin, avec une Banque centrale européenne finançant à 0% un fonds européen de développement solidaire. »

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Politique

Tribune de plusieurs membres de Génération.s en réponse à Yannick Jadot

[Tribune publiée dans le Journal du Dimanche ]

L’écologie porte en elle l’indispensable adaptation de nos modes de vie, de production et de consommation aux limites de la planète. C’est une promesse d’harmonie, de justice et de bien vivre. Chaque année pourtant, le ‘jour du dépassement’ à partir duquel le prélèvement opéré par nos sociétés est supérieur à la capacité de la planète à se régénérer avance. Le climat se dérègle, les écosystèmes disparaissent, l’humanité trinque, les plus fragiles en premier. Cette fuite en avant est d’abord le résultat de choix politiques qui refusent de procéder aux indispensables arbitrages et continuent de favoriser la cupidité et le court terme.

La course au profit – et donc le libéralisme – est antinomique avec la vision d’un monde équilibré et pérenne dans lequel le partage équitable de ressources préservées et la répartition des richesses sont les meilleurs remparts contre les conflits et la prédation de notre écosystème vital.

Nous sommes écologistes donc de gauche, nous portons un projet, une éthique d’action, une grille de lecture du monde, et une vision inscrite dans la durée qui lie indéfectiblement les dimensions environnementales et sociales, sans primat de l’une sur l’autre. Nous sommes engagé.es pour que les plus démuni.es ne soient pas les exclu.es de la mutation du monde et que la transition écologique soit d’abord une opportunité pérenne pour chacun.e de vivre bien sur une planète préservée.

Nous nous réjouissons que cette vision ait gagné une partie de celles et ceux qui, venu.es de la gauche classique, lui offrent aujourd’hui un horizon renouvelé, un idéal d’égalité, de justice et de démocratie à l’échelle de la planète et des générations futures. La rupture effectuée avec le productivisme, le culte de la croissance et la foi aveugle en la technique salvatrice permet une convergence idéologique et l’invention d’une culture commune. Politiquement, nous l’entendons comme une promesse d’élargissement attendue par l’opinion publique et une réponse structurée, à vocation majoritaire, potentiellement bien plus forte, apte à s’attaquer au fléau libéral comme à la gangrène nationale-populiste.

Nous affirmons que se revendiquer écologiste sans s’assumer ‘de gauche’ est une impasse, mener des combats environnementalistes sans porter au même niveau les valeurs de justice sociale est un leurre. S’en remettre à l’économie de marché c’est imaginer que la concurrence pourrait permettre l’égalité, que la somme des initiatives individuelles pourrait mener à un optimum collectif ou que la poursuite des intérêts particuliers pourrait protéger les biens communs et leur accès universel. Quand quelques dizaines de personnes détiennent autant de richesses que la moitié de l’humanité, la démonstration de l’illusion libérale n’est plus à faire, celle de son incompatibilité avec les politiques écologiques non plus.

Pourtant, certaines ambiguïtés profondes ressurgissent récemment. En s’affirmant ‘ni de droite ni de gauche’ et compatibles avec ‘l’économie de marché’ certains écologistes choisissent d’épouser les orientations des Verts allemands dont le nomadisme politique permet des alliances à géométrie variable avec tantôt les conservateurs tantôt les sociaux-démocrates. Ce faisant ils rompent avec cette écologie politique historiquement ancrée dans le camp progressiste et les valeurs de gauche, en France et ailleurs, au profit d’un repli essentiellement environnementaliste.

Cette attitude régressive se veut ‘pragmatique’ c’est-à-dire fondée sur la méthode dite des ‘petits pas’, ou plutôt des faux pas, qui peut s’accommoder de beaux discours et de petites décisions. Cette politique sans résultat ni sur le climat ni sur la biodiversité fait perdre un temps désormais compté pour la planète quand les politiques radicales menées localement font leurs preuves.

Nous ne nous résignons pas à ce que le bien vivre, soit l’apanage de celles et ceux qui ont les moyens, dans une société où manger bio, acheter véhicule propre ou isoler son logement serait le privilège de quelques un.es. Nous croyons à la nécessité d’en finir avec un système capitaliste qui réduit le vivant à une donnée économique et dévaste notre santé, les forêts, les océans, l’air et la biodiversité et, disons-le, la survie même de l’humanité, tant que cela contribue au profit de court terme d’une minorité.

L’écologie politique est systémique. Elle propose une vision et des solutions globales qui par leur humanisme, leur ancrage dans les luttes sociales, leur rejet des inégalités, leur universalisme ne peuvent appartenir qu’à une pensée de gauche. Nous en ferons un Manifeste qui sera publié prochainement.

Ecologistes, nous œuvrons au rassemblement et nous réjouissons que l’écologie politique ne soit plus le pré carré d’une seule formation minoritaire. En nous engageant auprès du mouvement Génération.s, nous sommes fier.es de porter une écologie sans ambiguïté, fidèles à l’ambition historique de réunir les diverses composantes de l’écologie politique, dans sa globalité environnementale, sociale et démocratique. De la faire grandir et se répandre toujours plus dans la société pour enfin conquérir une majorité culturelle et d’action.

Les signataires :

Pascal Baudont, conseiller municipal d’Arradon (56)
David Berly, militant écologiste, Paris
Michel Bock, maire-adjoint honoraire Guyancourt (78)
Alice Brauns, responsable Comité Ville Génération.s (50)
Dominique de Broca, militante écologiste Paris
Yves Contassot, conseiller de Paris et Métropolitain Grand Paris
Isabelle Couradin, co-responsable du pôle Ecologie du CN de Génération.s
Jean-Luc da Lage, militant écologiste, Paris
Patrice Lanco, militant écologiste, Paris
Anne Laure Fabre Nadler, vice-présidente du Conseil départemental de la Gironde (33)
Suzanne Grandpeix, militante écologiste, Paris
Frédéric Guerrien, conseiller d’arrondissement Paris 20e
Pierre Japhet, maire-adjoint Paris 11e
Claire Monod, conseillère régionale d’Ile-de-France
Clément Pequeux, membre CN de Génération.s
Stéphane Saubusse, conseiller départemental de Gironde (33)
Pierre Serne, conseiller régional d’Ile-de-France
Damien Zaversnick, membre CN de Génération.s
Julien Zloch, co-responsable du pôle Ecologie du CN de Génération.s

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Politique

Place publique fait un hold up sur le Parti socialiste

Le Parti socialiste, pour la première fois depuis 1979 et les élections européennes, n’aura pas l’un de ses représentants comme chef de file d’une liste de Gauche. Cette année, c’est Raphaël Glucksmann qui sera le numéro un, avec en échange la moitié des places de la liste accordée au Parti socialiste.

C’est un véritable « deal » et ce qui est très grave, c’est qu’on le sait depuis vendredi matin, alors que ce n’est que le samedi que le Conseil National du Parti socialiste l’a décidé, à 128 voix pour, 5 contre, 3 abstentions – il y est censé avoir pourtant plus de 300 membres !

Stéphane Le Foll n’a d’ailleurs pas attendu pour ruer dans les brancards et a décidé d’abandonner le bureau national du Parti socialiste avant sa tenue. Bon, la vérité c’est que cela fait bien longtemps qu’il n’assistait plus à ses séances ; cela fait partie des psychodrames du Parti socialiste et du folklore de ses tambouilles internes.

Lui-même fait par ailleurs partie de la droite du Parti socialiste ; néanmoins, difficile de lui donner tort au sujet de Place publique, avec ses propos tenus au Figaro :

« C’est une mauvaise plaisanterie. Les écologistes restent écologistes, Benoît Hamon reste Benoît Hamon, Jean-Luc Mélenchon reste Jean-Luc Mélenchon et nous, les socialistes, nous devrions nous effacer derrière Raphaël Glucksmann sans débat interne, sans aucune base idéologique et politique, sans ligne stratégique ? (…)

Mais de quoi parlons-nous ? Ce mouvement inconnu de tous n’a ni ligne, ni portée, ni consistance ! Claire Nouvian est certes une écologiste respectable, mais elle est radicale. Or je suis convaincu que l’on ne change pas une société contre son peuple. Mon écologie passe par l’adhésion des couches modestes, pas par les menaces et la contrainte. Quant à Raphaël Glucksmann, je respecte son parcours, assez divers, mais ce n’est pas le mien. Élu d’un village de 256 habitants à 23 ans, j’ai toujours été fidèle à mes convictions socialistes. »

Stéphane Le Foll a absolument raison : Place publique ne repose sur aucune rationalité. C’est une structure parisienne d’intellectuels et d’artistes coupés de toute réalité politique militante, de tout lien avec la population en général. Stéphane Le Foll a raison de souligner le besoin d’une base idéologique et politique, d’une ligne stratégique. C’est là la base de la politique, et encore plus à Gauche où la rationalité est le maître-mort.

En revanche, on n’est pas obligé de penser comme Stéphane Le Foll que « l’écologie radicale » serait un ennemi politique. Cela n’a aucun sens que de dire cela en 2019, ou plus exactement c’est un vil populisme, un manque de courage de dire la vérité aux gens et de leur expliquer qu’il va falloir tout changer.

Quoiqu’il en soit, dans tous les cas, si l’on peut être en désaccord avec Stéphane Le Foll et le Parti socialiste, on ne peut pas être d’accord avec Place publique, qui ne dit absolument rien, n’est pas structurée tel un parti politique, repose sur du vent. 28 000 « adhérents » revendiqués – les adhésions se font gratuitement et en lignes, mais aucun vote interne, aucun processus de décision. On ne peut d’ailleurs que trouver ridicule la position de l’économiste Thomas Porcher qui prétend « découvrir » cela que maintenant :

« Quand on a créé PP, on avait une promesse : mettre les citoyens au cœur des institutions en rassemblant toutes les forces de gauche. Aujourd’hui, on se retrouve cornérisé avec le PS, quelques petites chapelles, comme l’Union des démocrates et des écologistes [UDE], et un mouvement de centre droit, Cap21, qui a fait campagne pour Emmanuel Macron ! Olivier Faure, le premier secrétaire du PS, a annoncé que toutes les tendances de son parti seraient représentées : ce sera une liste d’apparatchiks, pas de citoyens. C’est pourquoi je préfère quitter Place publique. »

Cela n’est néanmoins pas faux. D’où sort Raphaël Glucksmann pour avoir le droit de prendre la tête, sans aucune discussion ni choix de la base, d’une liste avec le Parti socialiste, Cap 21, Nouvelle Donne, le Parti radical de Gauche ? C’est là encore du populisme.

> Lire également : Place publique de Raphaël Glucksmann : les bobos veulent sauver leur peau

La vérité, c’est que la peur de la raclée était trop forte au Parti socialiste, la tentation de passer l’orage à l’abri trop forte. C’est sans doute faux, car un Parti socialiste qui aurait réaffirmé ses fondamentaux et fait du nettoyage aurait pu aisément réapparaître sur la scène française, d’autant plus avec l’appui des partis socialistes des autres pays. D’ailleurs, dans des pays comme l’Allemagne ou l’Autriche, il y a un coup de barre à gauche.

Il est vrai que dans ces deux derniers pays, il y a une tradition historique de la social-démocratie, alors qu’en France le Parti socialiste a historiquement surtout été un appareil électoral, et ce déjà à l’époque de la SFIO. Cependant, la question de fond est la même : repartir à gauche, ou pas ? Le Parti socialiste a raté un virage historique, tout comme sa gauche qui a fait l’erreur de s’enliser dans une version post-moderne sans traditions avec Génération-s, ou bien en rejoignant La France Insoumise.

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La tribune de Martine Aubry et ses proches appelant au rassemblement autour de Raphaël Glucksmann et Claire Nouvian

[ Tribune publiée initialement sur nouvelobs.com ]

« Nous appelons, avec Martine Aubry, tous ceux qui veulent une Europe social-écologique au rassemblement autour de Raphaël Glucksmann et Claire Nouvian.

Le 26 mai prochain, l’Europe a rendez-vous avec elle-même. La défiance à l’égard de l’Europe n’a jamais été aussi forte. Les reniements et la distance entre les institutions et les citoyens mettent aujourd’hui en péril l’idéal d’une génération.

Les libéraux et les nationalistes n’incarneront jamais la solution à une situation qu’ils ont créée et qu’ils font vivre. Ils se partagent les responsabilités de l’échec. D’un côté, le refus systématique de placer les femmes et les hommes au centre de la construction européenne, et de l’autre, le reniement permanent des valeurs fondatrices de l’Union Européenne, nous ont conduits face à un nouveau mur.

La gauche doit aussi assumer ses responsabilités. Trop longtemps, sous couvert d’une prétendue gouvernance du compromis en Europe, elle a fourni un alibi à une politique libérale et d’austérité qui ne profite qu’à quelques-uns, quand tous devraient se sentir Européen.

Depuis plusieurs mois, le dialogue est engagé avec Place Publique pour ne pas faire de ce 26 mai un jour noir pour les droits fondamentaux au sein de l’Union. Nos valeurs de justice, de progrès, d’égalité sont les mêmes. Nous faisons, ensemble, de la transition écologique et sociale, ainsi que de la refondation démocratique, nos priorités. Nous avons une conviction commune : jamais l’Europe n’a eu autant besoin de politique, de débat, et d’idées novatrices.

La France va mal, l’Europe va mal. Nous avons donc une responsabilité immense : réinventer une gauche du XXIe siècle, qui place la justice, l’égalité, l’écologie et le progrès au cœur de son projet en Europe, pour que chacun se reconnaisse enfin dans l’Union au-delà des seuls gagnants de la mondialisation.

Depuis de nombreuses années, avec Martine Aubry, notre engagement est sans faille pour le dialogue et le rassemblement des gauches et des écologistes. Nous avons toujours refusé l’idée de « gauches irréconciliables ». Pour nous, l’écologie sera sociale ou échouera, le socialisme sera écologique ou disparaîtra, la démocratie s’appuiera sur la société ou s’affaiblira.

Ce rassemblement pour lequel nous avons toujours œuvré, est aujourd’hui plus que nécessaire. L’élection européenne est une élection à un tour : on ne peut pas espérer se compter au premier et se rassembler au second. Or, la gauche aujourd’hui n’est pas seulement divisée, elle est fragmentée. Sans rassemblement, ce qui la guette n’est pas l’affaiblissement, mais l’effacement.

Dans ce contexte, nous avons accueilli positivement l’initiative citoyenne de Raphael Glucksmann et Claire Nouvian, pour construire ce rassemblement autour de dix combats communs identifiés par un travail collaboratif auquel nous avons participé.

Nous retenons parmi celles-ci : un plan d’urgence pour le climat de 500 milliards d’euros d’investissement sur cinq ans sortis du calcul des déficits, une politique commerciale au service de l’emploi et de la lutte contre les inégalités commençant par la suspension du Ceta, une harmonisation sociale intégrant un salaire minimum européen, plus de justice sociale par imposition européenne sur les hauts patrimoines et une TVA à taux zéro pour les produits de première nécessité, la lutte contre l’évasion et l’optimisation fiscale avec la mise en place d’un impôt européen taxant les profits des Gafa et multinationales dans les pays où ils sont réalisés, la défense de la santé de tous en Europe par la limitation des intrants chimiques dans nos sols et l’interdiction du glyphosate, la démocratisation de l’Union avec un Parlement qui fixe les objectifs économiques et un budget de la zone euro doté de ressources propres et capable de mener une politique d’investissements.

Pour nous, il existe des biens publics européens et mondiaux, que les Etats dans leur forme actuelle ne peuvent traiter seuls. Il en va ainsi de la sauvegarde de notre planète, de la qualité de l’air, de la dignité et du progrès humain. Cette vision doit être au cœur de nos combats communs.

Aujourd’hui, Raphaël Glucksmman et Claire Nouvian, avec courage et sens des responsabilités, proposent de conduire le rassemblement de tous ceux qui veulent une Europe social-écologique. Nous y répondons favorablement et dès demain, lors du conseil national du Parti Socialiste, nous joindrons la parole aux actes en votant en faveur de cette perspective et en appelant les autres formations politiques de gauche et de l’écologie à en faire de même.

Oui, pour surmonter les divisions mortifères, nous le disons sans détour, nous sommes prêts à ce que, pour une fois, le Parti socialiste, n’impose pas l’un des siens comme tête de liste à un scrutin national. L’effacement serait de ne pas être au-rendez-vous de l’Histoire. L’effacement serait, le 26 mai, de nous replier sur nous-mêmes, compter nos divisions en espérant être, au mieux, le premier des derniers.

Au contraire, faire honneur à nos valeurs, à nos combats, pour nous socialistes, à ce moment précis de notre histoire, c’est nous ouvrir aux autres, accepter la main tendue sans rien n’exiger pour nous-mêmes d’autre que la perspective, en conjuguant les talents d’où qu’ils viennent, que la social-écologie devienne la grande force politique des élections européennes.

Depuis des mois, nous appelons de nos vœux le rassemblement. Aujourd’hui, il devient possible : alors, en avant !

Tony BEN LAHOUCINE, 1er fédéral de l’Indre ; Isabelle DAHAN,1ère fédérale adjointe des Hauts de Seine, conseillère municipale à Bois Colombes ; Camille GANGLOFF, Adjointe au maire de Strasbourg, 1ère fédérale déléguée Bas Rhin, Membre du conseil National, Jean Marc GERMAIN, Secrétaire National à l’International et à la mondialisation ; Cécilia GONDARD, 1er fédéral des Français de l’étranger, Secrétaire National à l’égalité femmes-hommes et lutte contre les discriminations ; Annie GUILLEMOT, sénatrice du Rhône, Membre du Bureau National ; Arnaud HADRYS, Secrétaire Général HES Socialistes LGBT, Membre du Bureau National ; Antoine HOME, 1er fédéral du Haut Rhin, Maire de Wittenheim ; André LAIGNEL, maire d’ISSOUDUN, 1er Vice-président délégué de l’Association des Maires de France ; François LAMY, membre du Bureau National ; Carole LE STRAT, membre de la Commission Nationale du Contrôle Financier ; Antoine RAVARD, Membre du Conseiller Fédéral du PS Nord ; Rafika REZGUI, Conseillère départementale 91, Conseillère municipale Chilly-Mazarin, Membre du Bureau National ; Vincent TISON, Conseiller municipal Joué-les-Tours, Membre du Bureau National ; Sylvine THOMASSIN, maire de BONDY, membre du Conseil National ; Stéphane TROUSSEL, Président Conseil départemental 93, Secrétaire National aux Nouvelles Solidarités, Parcours de Vie et Innovation Sociale ; Roger VICOT, Maire de LOMMES, Membre du Conseil National et Fatima YADANI, Conseillère municipale Paris, Membre du Bureau National. »

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« Les jours heureux », le programme du Conseil National de la Résistance du 15 mars 1944

Il y a 75 ans, 15 mars 1944 le Conseil National de la Résistance votait à l’unanimité son programme pour la libération nationale et la reconstruction du pays. Assez court, il consiste dans sa première partie en un manifeste mobilisateur pour la Résistance et dans sa seconde partie en un programme de gouvernement, qui fut largement appliqué par la suite. 

Il est très souvent fait référence à ce document à Gauche lorsqu’on parle d’acquis sociaux en France et de leur remise en cause. Ce fut en effet une base, permettant un grand élan de modernisation du pays.

Le CNR regroupait des mouvements de la Résistance avec différentes sensibilités, les deux grands syndicats, la CGT sous influence communiste et la CFTC sous influence sociale-chrétienne, ainsi que le Parti communiste, le Parti socialiste, les Radicaux, la Droite républicaine et les Démocrates-chrétiens.

Les communistes y jouèrent un grand rôle, permettant une sorte de grand compromis entre la Gauche et les gaullistes, allant dans un sens très favorables aux classes populaires. Plusieurs ministres communistes au gouvernement participèrent à l’élaboration ou organisèrent directement la Sécurité sociale, les régimes de retraites par répartition, les conventions collectives et les comités d’entreprise, la nationalisation de grandes entreprises comme Renault ou la création d’EDF, etc. De grandes figures de la Gauche comme Frédéric Joliot-Curie ou Henri Wallon participèrent aux politiques de recherche scientifique ou à l’Éducation nationale.

L’URSS et l’Armée rouge jouissaient à l’époque d’un grand prestige dans les classes populaires et la classe ouvrière était largement organisée par le parti communiste, très fort numériquement bien que largement affaiblit par la guerre. Cela permettait un rapport de force très favorable à la Gauche, rendant possible des compromis historiques améliorant directement la vie des classes populaires.

Il faut cependant bien voir qu’il ne s’est pas agit en France d’un régime de Démocratie Populaire comme cela a pu exister en RDA et dans plusieurs pays de l’Est. Les institutions capitalistes françaises n’étaient pas ébranlées, ni même dépassée, mais il était surtout question de le rétablir comme elles étaient prétendument avant la guerre, avec simplement un contenu plus social et plus démocratique. L’Occupation et le régime de Vichy était considéré comme simplement une page à tourner :

« Ainsi sera fondée une République nouvelle qui balaiera le régime de basse réaction instauré par Vichy et qui rendra aux institutions démocratiques et populaires l’efficacité que leur avaient fait perdre les entreprises de corruption et de trahison qui ont précédé la capitulation. Ainsi sera rendue possible une démocratie qui unisse au contrôle effectif exercé par les élus du peuple la continuité de l’action gouvernementale. »

Voici donc ce document dans son intégralité :

LES JOURS HEUREUX, PAR LE C.N.R.
PROGRAMME D’ACTION DE LA RÉSISTANCE

Née de la volonté ardente des Français de refuser la défaite, la RÉSISTANCE n’a pas d’autre raison d’être que la lutte quotidienne sans cesse intensifiée. Cette mission de combat ne doit pas prendre fin à la Libération. Ce n’est, en effet, qu’en regroupant toutes ses forces autour des aspirations quasi unanimes de la Nation, que la France retrouvera son équilibre moral et social et redonnera au monde l’image de sa grandeur et la preuve de son unité.

Aussi les représentants des organisations de la RÉSISTANCE, des centrales syndicales et des partis ou tendances politiques groupés au sein du C.N.R., délibérant en assemblée plénière le 15 mars 1944, ont-ils décidé de s’unir sur le programme suivant, qui comporte à la fois un plan d’action immédiate contre l’oppresseur et les mesures destinées à instaurer, dès la Libération du territoire, un ordre social plus juste.

I – PLAN D’ACTION IMMÉDIATE

Les représentants des organisations de RÉSISTANCE, des centrales syndicales et des partis ou tendances politiques groupés au sein du C.N.R. expriment leur angoisse devant la destruction physique de la Nation que l’oppresseur hitlérien poursuit avec l’aide des hommes de Vichy, par le pillage, par la suppression de toute production utile aux Français, par la famine organisée, par le maintien dans les camps d’un million de prisonniers, par la déportation d’ouvriers au nombre de plusieurs centaines de milliers, par l’emprisonnement de 300.000 Français et par l’exécution des patriotes les plus valeureux, dont déjà plus de 50.000 sont tombés pour la France.

Ils proclament leur volonté de délivrer la patrie en collaborant étroitement aux opérations militaires que l’armée française et les armées alliées entreprendront sur le continent, mais aussi de hâter cette libération, d’abréger les souffrances de notre peuple, de sauver l’avenir de la France en intensifiant sans cesse et par tous les moyens la lutte contre l’envahisseur et ses agents, commencée dès 1940.

Ils adjurent les gouvernements anglais et américain de ne pas décevoir plus longtemps l’espoir et la confiance que la France, comme tous les peuples opprimés de l’Europe, a placés dans leur volonté d’abattre l’Allemagne nazie, par le déclenchement d’opérations militaires de grande envergure qui assureront, aussi vite que possible, la libération des territoires envahis et permettront ainsi aux Français qui sont sur notre sol de se joindre aux armées alliées pour l’épreuve décisive.

Ils insistent auprès du Comité Français de la Libération Nationale pour qu’il mette tout en œuvre afin d’obtenir les armes nécessaires et de les mettre à la disposition des patriotes. Ils constatent que les Français qui ont su organiser la RÉSISTANCE ne veulent pas et d’ailleurs ne peuvent pas se contenter d’une attitude passive dans l’attente d’une aide extérieure, mais qu’ils veulent faire la guerre, qu’ils veulent et qu’ils doivent développer leur RÉSISTANCE armée contre l’envahisseur et contre l’oppresseur.

Ils constatent, en outre, que la RÉSISTANCE Française doit ou se battre ou disparaître; qu’après avoir agi de façon défensive, elle a pris maintenant un caractère offensif et que seuls le développement et la généralisation de l’offensive des Français contre l’ennemi lui permettront de subsister et de vaincre.

Ils constatent enfin que la multiplication des grèves, l’ampleur des arrêts de travail le 11 Novembre qui, dans beaucoup de cas, ont été réalisés dans l’union des patrons et des ouvriers, l’échec infligé au plan de déportation des jeunes français en Allemagne, le magnifique combat que mènent tous les jours, avec l’appui des populations, dans les Alpes, dans le Massif Central, dans les Pyrénées et dans les Cévennes, les jeunes Français des maquis, avant garde de l’armée de la Libération, démontrent avec éclat que notre peuple est tout entier engagé dans la lutte et qu’il doit poursuivre et accroître cette lutte.

En conséquence, les représentants des organisations de RÉSISTANCE, des centrales syndicales et des partis ou tendances politiques groupés au sein du C.N.R. déclarent que c’est seulement par l’organisation, l’intensification de la lutte menée par les forces armées, par les organisations constituées, par les masses, que pourra être réalisée l’union véritable de toutes les forces patriotiques pour la réalisation de la libération nationale inséparable, comme l’a dit le Général De Gaulle, de l’insurrection nationale qui, ainsi préparée, sera dirigée par le C.N.R, sous l’autorité du C.F.L.N, dès que les circonstances politiques et militaires permettront d’assurer, même au prix de lourds sacrifices, son succès.

Ils ont l’espoir que les opérations de la Libération du pays, prévues par le plan de l’état major interallié, pourront ainsi être, le cas échéant, avancées grâce à l’aide apportée par les Français dans la lutte engagée contre l’ennemi commun, ainsi que l’a démontré l’exemple glorieux des patriotes corses.

Ils affirment solennellement que la France qui, malgré l’armistice, a poursuivi sans trêve la guerre, entend plus que jamais développer la lutte pour participer à la libération et à la victoire.

***

Pour mobiliser les ressources immenses d’énergie du peuple français, pour les diriger vers l’action salvatrice dans l’union de toutes les volontés, le C.N.R décide :

D’inviter les responsables des organisations déjà existantes à former des comités de villes et de villages, d’entreprises, par la coordination des formations qui existent actuellement, par la formation de comités là où rien n’existe encore et à enrôler les patriotes non organisés.

Tous ces comités seront placés sous la direction des comités départementaux de la libération (C.D.L). Ils seront soumis à l’autorité des C.D.L qui leur transmettront, comme directives, la plate-forme d’action et la ligne politique déterminée par le C.N.R.

Le but des ces comités sera, à l’échelon communal, local et d’entreprise, de faire participer de façon effective tous les Français à la lutte contre l’ennemi et contre ses agents de Vichy, aussi bien par la solidarité et l’assistance active à l’égard des patriotes sous l’impulsion et le soutien donnés aux revendications vitales de notre peuple. Par dessus tout, leur tâche essentielle sera de mobiliser et d’entraîner les Français qu’ils auront su grouper à l’action armée pour la Libération.

Ces comités devront, selon les circonstances et en se conformant aux instructions données par les C.D.L, appuyer et guider toutes les actions menées par les Français contre toutes les formes d’oppression et d’exploitation imposées par l’ennemi, de l’extérieur et de l’intérieur.

Ces comités devront :

1) Développer la lutte contre la déportation et aider les réfractaires à se cacher, à se nourrir, à se vêtir et à se défendre, enlevant ainsi des forces à l’ennemi et augmentant le potentiel humain de la RÉSISTANCE ;

2) Traquer et punir les agents de la Gestapo et de la Milice de DARNAND ainsi que les mouchards et les traîtres ;

3) Développer l’esprit de lutte effective en vue de la répression des nazis et des fascistes français ;

4) Développer, d’une part, la solidarité envers les emprisonnés et déportés; d’autre part, la solidarité envers les familles de toutes les victimes de la terreur hitlérienne et vichyssoise ;

5) En accord avec les organisations syndicales résistantes, combattre pour la vie et la santé des Français pour une lutte quotidienne et incessante, par des pétitions, des manifestations et des grèves, afin d’obtenir l’augmentation des salaires et traitements, bloqués par Vichy et les Allemands, et des rations alimentaires et attributions de produits de première qualité, réduites par la réglementation de Vichy et les réquisitions de l’ennemi, de façon à rendre à la population un minimum de vital en matière d’alimentation, de chauffage et d’habillement ;

6) Défendre les conditions de vie des anciens combattants, des prisonniers, des femmes de prisonniers, en organisant la lutte pour toutes les revendications particulières ;

7) Mener la lutte contre les réquisitions de produits agricoles, de matières premières et d’installations industrielles pour le compte de l’ennemi ; saboter et paralyser la production destinée à l’ennemi et ses transports par routes, par fer et par eau ;

8) Défendre à l’intérieur de la corporation agricole les producteurs contre les prélèvements excessifs, contre les taxes insuffisantes, et lutter pour le remplacement des syndicats à la solde de Vichy et de l’Allemagne par des paysans dévoués à la cause de la paysannerie française.

Tout en luttant de cette façon et grâce à l’appui de solidarité et de combativité que développe cette lutte, les comités de villes, de villages et d’entreprises devront en outre:

a) Renforcer les organisations armées des Forces Françaises de l’Intérieur par l’accroissement des groupes de patriotes : groupes francs, francs-tireurs et partisans, recrutés en particulier parmi les réfractaires ;

b) En accord avec les états majors nationaux, régionaux et départementaux des F.F.I, organisées milices patriotiques dans les villes, les campagnes et les entreprises, dont l’encadrement sera facilité par des ingénieurs, techniciens, instituteurs, fonctionnaires et cadres de réserve, et qui sont destinés à défendre l’ordre public, la vie et les biens des Français contre la terreur et la provocation, assurer et maintenir l’établissement effectif de l’autorité des Comités départementaux de la Libération sur tout ce qui aura été ou sera créé dans ce domaine pour le strict rattachement aux F.F.I dont l’autorité et la discipline doivent être respectées par tous.

Pour assurer la pleine efficacité des mesures énoncées ci-dessus, le C.N.R prescrit de l’état major national des Forces Françaises de l’Intérieur, tout en préparant minutieusement la coopération avec les Alliés en cas de débarquement, doit :

1) Donner ordre à toutes les formations des F.F.I de combattre dès maintenant l’ennemi en harcelant ses troupes, en paralysant ses transports, ses communications et ses productions de guerre, en capturant ses dépôts d’armes et de munitions afin d’en pourvoir les patriotes encore désarmés ;

2) Faire distribuer les dépôts d’armes encore inutilisés aux formations jugées par lui les plus aptes à se battre utilement dès à présent et dans l’avenir immédiat ;

3) Organiser de façon rationnelle la lutte suivant un plan établi avec les autorités compétentes à l’échelon régional, départemental ou local, pour obtenir le maximum d’efficacité ;

4) Coordonner l’action militaire avec l’action de RÉSISTANCE de la masse de la nation en proposant pour but aux organisations régionales paramilitaires d’appuyer et de protéger les manifestations patriotiques, les mouvements revendicatifs des femmes de prisonniers, des paysans et des ouvriers contre la police hitlérienne, d’empêcher les réquisitions de vivres et d’installations industrielles, les rafles organisées contre les réfractaires et les ouvriers en grève et défendre la vie et la liberté de tous les Français contre la barbare oppression de l’occupant provisoire.

***

Ainsi, par l’application des décisions du présent programme d’action commune, se fera, dans l’action, l’union étroite de tous les patriotes, sans distinction d’opinions politiques, philosophiques ou religieuses. Ainsi se constituera dans la lutte une armée expérimentée, rompue au combat, dirigée par des cadres éprouvés devant le danger, une armée capable de jouer son rôle lorsque les conditions de l’insurrection nationale seront réalisées, armée qui élargira progressivement ses objectifs et son armement.

Ainsi, par l’effort et les sacrifices de tous, sera avancée l’heure de la libération du territoire national ; ainsi la vie de milliers de Français pourra être sauvée et d’immenses richesses pourront être préservées.

Ainsi dans le combat se forgera une France plus pure et plus forte capable d’entreprendre au lendemain de la Libération la plus grande œuvre de reconstruction et de rénovation de la patrie.

II – MESURES À APPLIQUER DÈS LA LIBÉRATION DU TERRITOIRE

Unis quant au but à atteindre, unis quant aux moyens à mettre en œuvre pour atteindre ce but qui est la Libération rapide du territoire, les représentants des mouvements, groupements, partis ou tendances politiques, groupés au sein du C.N.R. proclament qu’ils sont décidés à rester unis après la Libération :

1 ) Afin d’établir le gouvernement provisoire de la République formé par le Général de Gaulle pour défendre l’indépendance politique et économique de la nation, rétablir la France dans sa puissance, dans sa grandeur et dans sa mission universelle ;

2 ) Afin de veiller au châtiment des traîtres et à l’éviction dans le domaine de l’administration et de la vie professionnelle de tous ceux qui auront pactisé avec l’ennemi ou qui se seront associés activement à la politique des gouvernements de collaboration ;

3 ) Afin d’exiger la confiscation des biens des traîtres et des trafiquants de marché noir, l’établissement d’un impôt progressif sur les bénéfices de guerre et plus généralement sur les gains réalisés au détriment du peuple et de la nation pendant la période d’occupation, ainsi que la confiscation de tous les biens ennemis y compris les participations acquises depuis l’armistice par les gouvernements de l’Axe et par leurs ressortissants dans les entreprises françaises et coloniales de tout ordre, avec constitution de ces participations en patrimoine national inaliénable ;

4 ) Afin d’assurer :

  • l’établissement de la démocratie la plus large en rendant la parole au peuple français par le rétablissement du suffrage universel ;
  • la pleine liberté de pensée, de conscience et d’expression ;
  • la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l’égard de l’État, des puissances d’argent et des influences étrangères ;
  • la liberté d’association, de réunion et de manifestation ;
  • l’inviolabilité du domicile et le secret de la correspondance ;
  • le respect de la personne humaine ;
  • l’égalité absolue de tous les citoyens devant la loi ;

5) Afin de promouvoir les réformes indispensables :

a) Sur le plan économique :

  • l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie ;
  • une organisation rationnelle de l’économie assurant la subordination des intérêts particuliers à l’intérêt général et affranchie de la dictature professionnelle instaurée à l’image des États fascistes ;
  • l’intensification de la production nationale selon les lignes d’un plan arrêté par l’État après consultation des représentants de tous les éléments de cette production ;
  • le retour à la nation des grands moyens de production monopolisés, fruit du travail commun, des sources d’énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d’assurances et des grandes banques ;
  • le développement et le soutien des coopératives de production, d’achats et de ventes, agricoles et artisanales ;
  • le droit d’accès, dans le cadre de l’entreprise, aux fonctions de direction et d’administration, pour les ouvriers possédant les qualifications nécessaires, et la participation des travailleurs à la direction de l’économie.

b) Sur le plan social :

  • le droit au travail et le droit au repos, notamment par le rétablissement et l’amélioration du régime contractuel du travail ;
  • un rajustement important des salaires et la garantie d’un niveau de salaire et de traitement qui assure à chaque travailleur et à sa famille la sécurité, la dignité et la possibilité d’une vie pleinement humaine ;
  • la garantie du pouvoir d’achat national par une politique tendant à la stabilité de la monnaie ;
  • la reconstitution, dans ses libertés traditionnelles, d’un syndicalisme indépendant, doté de larges pouvoirs dans l’organisation de la vie économique et sociale ;
  • un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’État ;
  • la sécurité de l’emploi, la réglementation des conditions d’embauchage et de licenciement, le rétablissement des délégués d’atelier ;
  • l’élévation et la sécurité du niveau de vie des travailleurs de la terre par une politique de prix agricoles rémunérateurs, améliorant et généralisant l’expérience de l’Office du blé, par une législation sociale accordant aux salariés agricoles les mêmes droits qu’aux salariés de l’industrie, par un système d’assurance contre les calamités agricoles, par l’établissement d’un juste statut du fermage et du métayage, par des facilités d’accession à la propriété pour les jeunes familles paysannes et par la réalisation d’un plan d’équipement rural ;
  • une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours ;
    le dédommagement des sinistrés et des allocations et pensions pour les victimes de la terreur fasciste.

c) Une extension des droits politiques, sociaux et économiques des populations indigènes et coloniales.

d) La possibilité effective pour tous les enfants français de bénéficier de l’instruction et d’accéder à la culture la plus développée quelle que soit la situation de fortune de leurs parents, afin que les fonctions les plus hautes soient réellement accessibles à tous ceux qui auront les capacités requises pour les exercer et que soit ainsi promue une élite véritable, non de naissance mais de mérite, et constamment renouvelée par les apports populaires.

Ainsi sera fondée une République nouvelle qui balaiera le régime de basse réaction instauré par Vichy et qui rendra aux institutions démocratiques et populaires l’efficacité que leur avaient fait perdre les entreprises de corruption et de trahison qui ont précédé la capitulation. Ainsi sera rendue possible une démocratie qui unisse au contrôle effectif exercé par les élus du peuple la continuité de l’action gouvernementale.

L’union des représentants de la RÉSISTANCE pour l’action dans le présent et dans l’avenir, dans l’intérêt supérieur de la patrie, doit être pour tous les Français un gage de confiance et un stimulant. Elle doit les inciter à éliminer tout esprit de particularisme, tout ferment de division qui pourraient freiner leur action et ne servir que l’ennemi.

En avant donc, dans l’union de tous les Français rassemblés autour du C.F.L.N et de son président, le général De Gaulle !

En avant pour le combat, en avant pour la victoire, afin que VIVE LA FRANCE !

LE CONSEIL NATIONAL DE LA RÉSISTANCE

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Élections européennes 2019 : la Gauche unie ou éparpillée façon puzzle

Il faut bien trouver une image pour montrer ce qui risque d’advenir à la Gauche si elle ne parvient pas à l’unité. Ce sera l’éparpillement façon puzzle.

L’expression est douteuse, car elle relève d’une logique mafieuse et de ce grave travers français du goût gratuit pour le pittoresque. Il n’empêche qu’elle est ici adéquate : si la Gauche n’est pas unie aux élections européennes de 2019, elle va se retrouver éparpillée façon puzzle. Rappelons d’où vient cette étrange image, à savoir du film culte (mais qu’on peut ne pas aimer) Les tontons flingueurs, où Bernard Blier alias « Raoul Volfoni » dit la chose suivante :

« J’vais lui faire une ordonnance et une sévère… J’vais lui montrer qui c’est Raoul. Aux quatre coins d’Paris qu’on va l’retrouver éparpillé par petits bouts, façon puzzle. Moi, quand on m’en fait trop j’correctionne plus : j’dynamite, j’disperse, j’ventile. »

En 2019, point de Raoul : c’est la Gauche elle-même qui s’auto-dynamite, se disperse elle-même, se ventile par choix. Parce que les gens de Gauche se croient dans les années 1990 ou 2000, dans une société stable où il est suffit de gérer en disant vaguement le contraire de la Droite. Les carriéristes ont bien compris que tout avait changé et ont pris la poudre d’escampette, passant souvent dans le camp d’Emmanuel Macron.

D’autres, sincères, se sont retrouvés désorientés et ont capitulé. Ceux et celles qui avaient des idéaux se sont noyés dans l’amertume et d’autres, plus friables sur le plan des idées, ont rejoint le populisme de Jean-Luc Mélenchon. Tout cela pour dire que ce qui reste ne pèse pas lourd ; il n’y a plus grand monde.

Et il y en aura encore moins si on rate les « millenials ». Cependant, encore faut-ils que ceux-ci sachent que la Gauche existe et dans l’état actuel des choses, c’est l’unité où l’éparpillement façon puzzle. Et tout le monde y a intérêt, pour survivre.

Le Parti socialiste ne peut pas se présenter sous son propre nom, tellement il est dévalorisé dans l’opinion publique. Génération-s est inconnu d’une vaste partie de la population y compris de secteurs pouvant sympathiser. Le PCF est travaillé par tellement de courants internes que s’il part tout seul et qu’il fait un score misérable, il se fractionne.

Europe Écologie – Les Verts a un dirigeant qui pousse, mais rien comme structures derrière lui : il suffit de lui donner la tête de liste et les volontés de parcours solitaire cesseront d’elles-mêmes.

Il serait donc logique de s’unir, pour résister ensemble à une vague de Droite, et il serait parfaitement cohérent aussi de s’ouvrir à toute la Gauche en général, y compris l’extrême-gauche dans la mesure où celle-ci n’est pas devenue une ultra-gauche historique. Il suffirait d’un drapeau rouge et du mot ouvrier pour réinscrire plein de monde dans une démarche politique réelle.

Comme ce sont de plus les élections européennes, les valeurs servant de dénominateur commun sont vraiment faciles à trouver et ce serait un premier pas pour la suite. Autrement, ce sera un premier pas pour une traversée du désert… Voire une traversée du désert avec qui plus est une brutale répression de Droite, voire d’extrême-droite, voire du militarisme, du fascisme, vu comment tout va vite.

Car c’est là le fond de la question. On sait à quel point la Gauche, historiquement, n’a saisi son identité commune malheureusement bien souvent qu’alors que la menace fasciste planait ou qu’il avait déjà pris une forme monstrueuse très concrète. Et si on doit avoir un critère pour savoir qui est de Gauche aujourd’hui, ce serait la réponse « oui » à la question « Le fascisme est-il une menace réelle, et non une fantasmagorie ? ».

Il faut donc assumer l’unité, car sans cela, à l’échec succéderait la honte sur le plan des responsabilités face à l’Histoire. Il faut l’unité pour protéger la Gauche et prévoir les choses positives de demain, mais aussi pour former un avertissement au peuple de France : si celui-ci cède à la démagogie, au populisme, ce sera la catastrophe !

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Sahra Wagenknecht et Rosa Luxembourg

Sahra Wagenknecht, figure de la Gauche allemande, assume très clairement les thèmes de la Gauche historique.

« Aliéné et humilité n’est pas seulement celui qui n’a pas de pain, mais aussi celui qui n’a pas part aux grands biens de l’humanité » (Rosa Luxembourg) Plus haut : « Aujourd’hui, Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht ont été assassinés il y a cent ans. Les deux sont une grande inspiration pour moi. Contre toutes les oppositions ils se sont posés contre le militarisme et la guerre, ils sont restés fidèles à eux-mêmes et étaient en même pourtant profondément humain. Leurs luttes sont actuelles jusqu’à aujourd’hui : la justice et la liberté restent encore en 2019 le grand objectif. »

À l’occasion du centenaire de l’assassinat de Rosa Luxembourg, la radio publique Norddeutscher Rundfunk a posé quelques questions à Sahra Wagenknecht.

Voici l’une des questions-réponses, relevant d’une approche qui intéressera ceux et celles s’intéressant aux positions de cette dirigeante actuelle de la Gauche allemande.

NDR : Ce qui s’est passé pour Rosa Luxembourg, à l’origine une social-démocrate, pendant sa période d’emprisonnement, relèverait aujourd’hui du concept de radicalisation. Elle a dans ses derniers écrits clairement appelé aux armes et à la lutte. Cela ne peut pas être aujourd’hui la mise en perspective, n’est-ce pas ?

Sahra Wagenknecht : Rosa Luxembourg n’a pas appelé aux armes, bien au contraire. Elle appartenait dans le Parti à ceux qui se sont massivement refusé à ce qu’on tente de changer les choses par la violence des armes.

Elle a largement promu la participation aux élections – malheureusement, elle n’a pas eu la majorité à ce sujet lors du premier congrès du Parti Communiste d’Allemagne.

Rosa Luxembourg était une démocrate de bout en bout, seulement le système d’alors n’était pas démocratique : nous parlons ici toujours de l’Empire, nous parlons du fait que la révolution de novembre a été finalement freinée et annulée, alors qu’il s’agissait de déposséder du pouvoir les élites qui avaient commencé cette guerre et en avaient également profité.

Son meurtre est également la preuve de comment la démocratie a été mise de côté alors. Dans une démocratie, les opposants n’ont pas le droit d’être assassinés, et cela n’est arrivé qu’en connaissance de cause de la part des forces réactionnaires, mais également de gens comme Gustav Noske, donc de sociaux-démocrates.

Cela a été une époque où beaucoup de choses diffèrent d’aujourd’hui, parce que le système politique était encore un autre. Mais en ce qui concerne les rapports économiques, il y a beaucoup de parallèles jusqu’à aujourd’hui.

 

> Lire également : Allemagne : Sahra Wagenknecht lance une Gauche non postmoderne

 

 

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« Grands patrons VS citoyen.nes » : le non-débat proposé par Benoit Hamon

Benoit Hamon a publié un appel à cinq « grands patrons » pour venir « débattre » avec cinq « citoyen.nes » le 19 mars à Montreuil. Cela n’a aucune chance d’aboutir et est en contradiction totale avec les valeurs de la Gauche historique, avec la tradition liée au mouvement ouvrier.


L’information est passée quasiment inaperçue, tellement cela paraît loufoque. Dans une lettre rendue publique sur les réseaux sociaux de son mouvement, le leader de Génération-s appel les PDG de Carrefour, de Total et de Vinci, l’Administrateur-Directeur général de la BNP ainsi que le Président de Bayer France à venir débattre contre « cinq représentants de la France qui travaille pour [eux] : infirmière du service public, agriculteur, caissière de supermarché, retraité ou cadre ».

Ces derniers sont bien sûr censés faire partie des gilets jaunes – quitte à être dans le populisme – pour mener ce débat nommé de manière grandiloquente « Grands patrons VS citoyen.nes ». On a même une date et un lieu, le 19 mars à 20h à la Marbrerie de Montreuil, cette ville de plus en plus petite-bourgeoisie « bobo » qui n’a rien de très « gilets jaunes ».

Cela n’aura jamais lieu bien sûr, car on imagine très bien que ces « grands patrons » ont bien d’autres préoccupations que de venir discuter avec un petit mouvement de la Gauche post-moderne, crédités de 2 % dans les sondages. Il s’agit surtout pour Génération-s d’une sorte de coup marketing, ou plutôt d’une tentative de coup, car on se demande bien ce qui a pu passer par la tête des personnes qui ont pensé que c’était une bonne idée.

Mais le problème justement, c’est qu’il n’y a plus d’idées. Il n’y a que de vagues « valeurs » qui seraient « sociales », « humanistes » ou « citoyennes », mais plus rien qui se rapproche de la Gauche historique, de ses réelles valeurs, et surtout de ses idées. Sans ça, jamais une telle initiative n’aurait-été possible.

En l’occurrence, la Gauche, c’est-à-dire la tradition liée au mouvement ouvrier, n’a jamais pensé qu’il fallait d’une manière ou d’une autre « convaincre » les patrons. Ce qui compte est le rapport de force, car il s’agit d’une lutte des classes. Que l’on soit plutôt social-démocrate, en imaginant une transition lente et institutionnelle, ou plutôt communiste, en pensant à une révolution modifiant le régime, dans tous les cas il s’agit d’arracher le pouvoir à la bourgeoisie. La question de « débattre » avec ses représentants les plus symboliques ne se pose même-pas, car elle est absurde par nature.

Insistons d’ailleurs ici sur cette notion de « représentants les plus symboliques », parce que ces grands PDG convoqués par Benoît Hamon ne résument aucunement la réalité sociale, culturelle, économique, idéologique, politique, de la bourgeoisie. Tout au plus en est-ce qu’un aspect partiel.

Résumer le problème de la répartition des richesses à quelques grands patrons, ou autres « 1 % », ce n’est ni plus ni moins que du populisme. C’est un moyen de paraître radical, avec un discours « ultra », alors qu’en vérité cela fait l’impasse sur la grande majorité de la bourgeoisie.

Le problème des classes populaires, ce n’est pas seulement la minorité d’ultra-riches qui vit de manière parasitaire dans une quasi-bulle au-dessus de la société. Le problème des classes populaires est que la domination de la bourgeoisie, c’est-à-dire des centaines de milliers de personnes en France, voir quelques millions suivant ce que l’on considère, est érigée en norme, avec un système de valeurs et d’idées qui leur permettent de s’accaparer les richesses sans être remis en cause.

Tout cela est une question de mode de production, qu’il faut changer à la base, pour planifier la production des marchandises dans un sens conforme aux intérêts des classes laborieuses et de la planète, ce qui en fin de compte revient au même.

Si l’on pense cela, alors on se fiche bien de l’avis des dirigeants de Carrefour, Total, Vinci, BNP ou Bayer France, dont la mission n’est que de faire tourner la machine à profit, au détriment justement des classes laborieuses et de la planète.

Benoît Hamon est censé savoir cela, car il vient du Parti socialiste où l’on s’appelle « camarades » et dont le nom contient le mot « socialisme », qui signifie justement ce que l’on vient de rappeler. Le problème est que Benoît Hamon et les gens qu’il représente n’ont plus aucune confiance dans les traditions de la Gauche et dans le mouvement ouvrier.

Ce qui leur reste n’est plus qu’une vaine tentative d’apparaître démocratique, en imaginant que cela suffira pour être populaire, car les classes populaires sauraient reconnaître leurs intérêts si les choses sont présentées suffisamment démocratiquement. On imagine que c’est pour cela qu’il propose aux cinq « grands patrons » qu’il convoque de venir exposer leur démarche :

« Plutôt que de sombrer dans une invective stérile, afin de dissiper les fausses informations quand elles existent, pour défendre votre entreprise, votre politique salariale et sociale, expliquer vos investissements dans les énergies fossiles mais aussi vos initiatives philanthropiques en faveur de l’écologie ou de l’éducation, votre conception de l’intérêt général et pour vous permettre de participer au débat national, je vous invite à un échange inédit. »

Sauf que cela n’a aucun sens, d’abord parce que ce débat n’aura jamais lieu, mais surtout parce que la question ne se pose pas en ces termes. Avec ce non-débat, Génération-s se met en fait au niveau des gilets jaunes, qui n’auront eu de cesse en dix-sept week-ends d’affilée de râler, sans jamais se donner les moyens de changer le monde pour de vrai.

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«Pour une renaissance européenne», la tribune politique d’Emmanuel Macron

Le président français Emmanuel Macron publie aujourd’hui une tribune dans la presse des 28 pays de l’Union européenne, après avoir été en direct sur la télévision italienne dimanche soir. C’est un positionnement « européen » très fort, qui devrait lancer les débats en vue des élections, obligeant la Gauche à rentrer dans un débat de fond.

C’est une tribune assez courte, exposant le propos tout à fait classique d’un libéral partisan de l’Union Européenne comme « grand projet » moderne. Cela représente néanmoins une affirmation politique forte, qui marque le lancement de la campagne de son parti pour les élections européennes de mai prochain, et par la même de la campagne en général en France.

Que dit Emmanuel Macron, en s’adressant à tous les Européens ? Il dit deux choses : d’une part, qu’il y a une grande crise démocratique en Europe, avec une tendance au repli qui menace les sociétés dans leur fondement même ; d’autre part, qu’il faudrait la renaissance du « projet » européen, comme fer de lance du progrès.

C’est une affirmation très claire, synthétique, palpable, cohérente par rapport à sa démarche, qui est donc sur la table. Elle existe à côté de la proposition nationaliste, dans ses différentes variantes. Cela forme une orientation générale, une vision du monde qui est proposé, et qui consiste en bien plus qu’un catalogue de revendications.

Cela pose la nécessité pour la Gauche de s’affirmer elle aussi, afin d’avoir son projet, sa vision, sur cette grande table du débat politique.

Beaucoup de choses ont été dites à Gauche, mais il s’agissait surtout de constituer des listes, ou de tenter d’en constituer. Cela fut un échec, il n’y a pas d’unité, et cela rendra d’autant plus compliqué l’expression d’une vision. C’est pourtant indispensable.

La chose est compliquée, il est vrai, surtout qu’on a vraiment l’impression que les différentes forces à Gauche n’ont rien d’autre à dire que : « oui à l’Europe, mais plus sociale et écolo ».

Le problème est qu’Emmanuel Macron dit peu ou prou la même chose, mais de manière beaucoup plus convaincante, ou en tous de manière plus conforme à ce qu’est réellement l’Union Européenne.

Il faudrait s’organiser contre les « GAFA », les géants du numérique ? Pas de problème dit-il, en proposant « une supervision européenne des grandes plateformes (sanction accélérée des atteintes à la concurrence, transparence de leurs algorithmes…) » et évoquant même la question des impôts qui ne sont pas, ou presque, payés par ces grands groupes. Il faudrait se prémunir contre les lobbies de l’agroalimentaire ? Pas de problème là encore, selon lui, puisqu’il propose une « force sanitaire européenne », ainsi qu’une « évaluation scientifique indépendante ».

Il en est de même sur le plan social, où il propose d’en finir avec ce problème des travailleurs détachés avec un « bouclier social lui garantissant la même rémunération sur le même lieu de travail ».

Emmanuel Macron va même encore plus loin sur le plan écologique avec la prétention, absolument pas crédible, d’une ambition « 0 carbone en 2050 » et d’une « division par deux des pesticides en 2025 ».

La seule différence serait en fait sur la question de l’immigration, où les gens de gauche disent globalement « toujours plus », alors qu’Emmanuel Macron a bien compris que ce discours n’est pas acceptable pour les classes populaires, et parle de régulation et de frontières qui « protègent ».

La question se pose donc pour la Gauche de savoir s’il faut se mettre à la remorque de cette « renaissance » européenne, ou bien s’il faut au contraire proposer une vision du monde propre, nouvelle, réjouissante, et surtout concrète, cohérente.

Le piège à éviter étant bien sûr celui du repli nationaliste, avec cette grande difficulté pour la Gauche qui est d’avoir un regard critique sans pour autant céder aux chauvinismes, aux « brexits », aux raccourcis populistes, etc.

Voici donc la tribune d’Emmanuel Macron :

«Pour une renaissance européenne»

Citoyens d’Europe,

Si je prends la liberté de m’adresser directement à vous, ce n’est pas seulement au nom de l’histoire et des valeurs qui nous rassemblent. C’est parce qu’il y a urgence. Dans quelques semaines, les élections européennes seront décisives pour l’avenir de notre continent.

Jamais depuis la Seconde Guerre mondiale, l’Europe n’a été aussi nécessaire. Et pourtant, jamais l’Europe n’a été autant en danger.

Le Brexit en est le symbole. Symbole de la crise de l’Europe, qui n’a pas su répondre aux besoins de protection des peuples face aux grands chocs du monde contemporain. Symbole, aussi, du piège européen. Le piège n’est pas l’appartenance à l’Union européenne ; ce sont le mensonge et l’irresponsabilité qui peuvent la détruire. Qui a dit aux Britanniques la vérité sur leur avenir après le Brexit? Qui leur a parlé de perdre l’accès au marché européen? Qui a évoqué les risques pour la paix en Irlande en revenant à la frontière du passé? Le repli nationaliste ne propose rien ; c’est un rejet sans projet. Et ce piège menace toute l’Europe: les exploiteurs de colère, soutenus par les fausses informations, promettent tout et son contraire.

Face à ces manipulations, nous devons tenir debout. Fiers et lucides. Dire d’abord ce qu’est l’Europe. C’est un succès historique: la réconciliation d’un continent dévasté, dans un projet inédit de paix, de prospérité et de liberté. Ne l’oublions jamais. Et ce projet continue à nous protéger aujourd’hui: quel pays peut agir seul face aux stratégies agressives de grandes puissances? Qui peut prétendre être souverain, seul, face aux géants du numérique? Comment résisterions-nous aux crises du capitalisme financier sans l’euro, qui est une force pour toute l’Union? L’Europe, ce sont aussi ces milliers de projets du quotidien qui ont changé le visage de nos territoires, ce lycée rénové, cette route construite, l’accès rapide à Internet qui arrive, enfin. Ce combat est un engagement de chaque jour, car l’Europe comme la paix ne sont jamais acquises. Au nom de la France, je le mène sans relâche pour faire progresser l’Europe et défendre son modèle. Nous avons montré que ce qu’on nous disait inaccessible, la création d’une défense européenne ou la protection des droits sociaux, était possible.

Mais il faut faire plus, plus vite. Car il y a l’autre piège, celui du statu quo et de la résignation. Face aux grands chocs du monde, les citoyens nous disent bien souvent: «Où est l’Europe? Que fait l’Europe?». Elle est devenue à leurs yeux un marché sans âme. Or l’Europe n’est pas qu’un marché, elle est un projet. Un marché est utile, mais il ne doit pas faire oublier la nécessité de frontières qui protègent et de valeurs qui unissent. Les nationalistes se trompent quand ils prétendent défendre notre identité dans le retrait de l’Europe ; car c’est la civilisation européenne qui nous réunit, nous libère et nous protège. Mais ceux qui ne voudraient rien changer se trompent aussi, car ils nient les peurs qui traversent nos peuples, les doutes qui minent nos démocraties. Nous sommes à un moment décisif pour notre continent ; un moment où, collectivement, nous devons réinventer politiquement, culturellement, les formes de notre civilisation dans un monde qui se transforme. C’est le moment de la Renaissance européenne. Aussi, résistant aux tentations du repli et des divisions, je vous propose de bâtir ensemble cette Renaissance autour de trois ambitions: la liberté, la protection et le progrès.

Défendre notre liberté

Le modèle européen repose sur la liberté de l’homme, la diversité des opinions, de la création. Notre liberté première est la liberté démocratique, celle de choisir nos gouvernants là où, à chaque scrutin, des puissances étrangères cherchent à peser sur nos votes. Je propose que soit créée une Agence européenne de protection des démocraties qui fournira des experts européens à chaque État membre pour protéger son processus électoral contre les cyberattaques et les manipulations. Dans cet esprit d’indépendance, nous devons aussi interdire le financement des partis politiques européens par des puissances étrangères. Nous devrons bannir d’Internet, par des règles européennes, tous les discours de haine et de violence, car le respect de l’individu est le fondement de notre civilisation de dignité.

Protéger notre continent

Fondée sur la réconciliation interne, l’Union européenne a oublié de regarder les réalités du monde. Or aucune communauté ne crée de sentiment d’appartenance si elle n’a pas des limites qu’elle protège. La frontière, c’est la liberté en sécurité. Nous devons ainsi remettre à plat l’espace Schengen: tous ceux qui veulent y participer doivent remplir des obligations de responsabilité (contrôle rigoureux des frontières) et de solidarité (une même politique d’asile, avec les mêmes règles d’accueil et de refus). Une police des frontières commune et un office européen de l’asile, des obligations strictes de contrôle, une solidarité européenne à laquelle chaque pays contribue, sous l’autorité d’un Conseil européen de sécurité intérieure: je crois, face aux migrations, à une Europe qui protège à la fois ses valeurs et ses frontières.

Les mêmes exigences doivent s’appliquer à la défense. D’importants progrès ont été réalisés depuis deux ans, mais nous devons donner un cap clair: un traité de défense et de sécurité devra définir nos obligations indispensables, en lien avec l’OTAN et nos alliés européens: augmentation des dépenses militaires, clause de défense mutuelle rendue opérationnelle, Conseil de sécurité européen associant le Royaume-Uni pour préparer nos décisions collectives.

Nos frontières doivent aussi assurer une juste concurrence. Quelle puissance au monde accepte de poursuivre ses échanges avec ceux qui ne respectent aucune de ses règles? Nous ne pouvons pas subir sans rien dire. Nous devons réformer notre politique de concurrence, refonder notre politique commerciale: sanctionner ou interdire en Europe les entreprises qui portent atteinte à nos intérêts stratégiques et nos valeurs essentielles, comme les normes environnementales, la protection des données et le juste paiement de l’impôt ; et assumer, dans les industries stratégiques et nos marchés publics, une préférence européenne comme le font nos concurrents américains ou chinois.

Retrouver l’esprit de progrès

L’Europe n’est pas une puissance de second rang. L’Europe entière est une avant-garde: elle a toujours su définir les normes du progrès. Pour cela, elle doit porter un projet de convergence plus que de concurrence: l’Europe, où a été créée la sécurité sociale, doit instaurer pour chaque travailleur, d’Est en Ouest et du Nord au Sud, un bouclier social lui garantissant la même rémunération sur le même lieu de travail, et un salaire minimum européen, adapté à chaque pays et discuté chaque année collectivement.

Renouer avec le fil du progrès, c’est aussi prendre la tête du combat écologique. Regarderons-nous nos enfants en face, si nous ne résorbons pas aussi notre dette climatique? L’Union européenne doit fixer son ambition – 0 carbone en 2050, division par deux des pesticides en 2025 – et adapter ses politiques à cette exigence: Banque européenne du climat pour financer la transition écologique ; force sanitaire européenne pour renforcer les contrôles de nos aliments ; contre la menace des lobbies, évaluation scientifique indépendante des substances dangereuses pour l’environnement et la santé… Cet impératif doit guider toute notre action: de la Banque centrale à la Commission européenne, du budget européen au plan d’investissement pour l’Europe, toutes nos institutions doivent avoir le climat pour mandat.

Le progrès et la liberté, c’est pouvoir vivre de son travail: pour créer des emplois, l’Europe doit anticiper. C’est pour cela qu’elle doit non seulement réguler les géants du numérique, en créant une supervision européenne des grandes plateformes (sanction accélérée des atteintes à la concurrence, transparence de leurs algorithmes…), mais aussi financer l’innovation en dotant le nouveau Conseil européen de l’innovation d’un budget comparable à celui des États-Unis, pour prendre la tête des nouvelles ruptures technologiques, comme l’intelligence artificielle.

Une Europe qui se projette dans le monde doit être tournée vers l’Afrique, avec laquelle nous devons nouer un pacte d’avenir. En assumant un destin commun, en soutenant son développement de manière ambitieuse et non défensive: investissement, partenariats universitaires, éducation des jeunes filles…

Liberté, protection, progrès. Nous devons bâtir sur ces piliers une Renaissance européenne. Nous ne pouvons pas laisser les nationalistes sans solution exploiter la colère des peuples. Nous ne pouvons pas être les somnambules d’une Europe amollie. Nous ne pouvons pas rester dans la routine et l’incantation. L’humanisme européen est une exigence d’action. Et partout les citoyens demandent à participer au changement. Alors d’ici la fin de l’année, avec les représentants des institutions européennes et des États, mettons en place une Conférence pour l’Europe afin de proposer tous les changements nécessaires à notre projet politique, sans tabou, pas même la révision des traités. Cette conférence devra associer des panels de citoyens, auditionner des universitaires, les partenaires sociaux, des représentants religieux et spirituels. Elle définira une feuille de route pour l’Union européenne traduisant en actions concrètes ces grandes priorités. Nous aurons des désaccords, mais vaut-il mieux une Europe figée ou une Europe qui progresse parfois à différents rythmes, en restant ouverte à tous?

Dans cette Europe, les peuples auront vraiment repris le contrôle de leur destin ; dans cette Europe, le Royaume-Uni, j’en suis sûr, trouvera toute sa place.

Citoyens d’Europe, l’impasse du Brexit est une leçon pour tous. Sortons de ce piège, donnons un sens aux élections à venir et à notre projet. A vous de décider si l’Europe, les valeurs de progrès qu’elle porte, doivent être davantage qu’une parenthèse dans l’histoire. C’est le choix que je vous propose, pour tracer ensemble le chemin d’une Renaissance européenne.

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Yannick Jadot fait en sorte qu’EELV tourne le dos à la Gauche

Alors qu’Europe Écologie – Les Verts est historiquement un partenaire de la Gauche gouvernementale, son dirigeant Yannick Jadot a décidé de la placer sur une orbite « réaliste », c’est-à-dire d’en faire le grand remplaçant du Parti socialiste des années 1990-2000.

En Allemagne, un grand conflit avait frappé les Verts après leur émergence. Les realos, partisans de compromis, se voyaient confrontés aux fundis, accusant les premiers de compromissions. C’était un conflit entre deux tendances historiques de la Gauche allemande et ayant fourni les troupes aux verts : les partisans de la marche dans les institutions d’un côté, les anciens maoïstes de l’autre. Les premiers se tournaient vers les sociaux-démocrates, les seconds vers les autonomes dont Berlin-Ouest était le grand bastion avec sa centaine de squats ; finalement, les premiers ont gagné.

Les Verts français n’ont jamais eu ce parcours tourmenté, car ils ne viennent pas de la Gauche alternative, mais de différents milieux apolitiques pour qui l’écologie était surtout une critique culturelle de la civilisation industrielle. C’est, pour caricaturer, la même idéologie que les premiers magasins bios ou les promoteurs des magnétiseurs, des cours de yoga, etc. C’est un fond plutôt mystique, très ancré dans la perspective pétainiste.

Tout cela a été passé par-dessus bord avec l’émergence mondiale de l’écologie, aboutissant à faire des Verts un parti de carriéristes bobos des centres-villes, alliés au Parti socialiste pour qui il s’agissait d’un soutien idéal. L’exemple reflétant cet état d’esprit est Cécile Duflot lors du sommet de Copenhague, en 2009. Elle se fait filmer par les journalistes en train de prendre le train, mais est à Paris le lendemain pour le journal de treize heures. Elle est donc arrivée à Copenhague au bout de quinze heures de train pour reprendre l’avion pour un voyage de deux heures.

Comme le Parti socialiste est désormais dans les choux, Europe Écologie – Les Verts avait le choix de soit participer à la recomposition de la Gauche, soit tenter de formuler une propre ligne politique. C’est le second choix qui a été fait, Yanick Jadot se faisant le chef de file d’une approche favorable « à la libre entreprise et l’économie de marché », mais critique sur le libre-échange au niveau mondial. Il vient de publier Aujourd’hui tout commence, pour formaliser le tout. Dans une interview au Point, un média de Droite, il le résume de la manière suivante :

« Dans ce livre, j’explique à quel point le repli derrière nos frontières nationales ne serait protecteur de rien. Bien entendu que les écologistes sont pour le commerce, la libre entreprise et l’innovation. Mais le commerce doit se construire dans le respect de chacun, des hommes et de la nature, et non pas en abusant de dumping environnemental, social ou fiscal. »

Il n’est pas bien difficile de voir que Yannick Jadot espère récupérer les déçus du Macronisme. Il tente de se placer comme un Emmanuel Macron qui aurait assumé d’aller au conflit ouvert avec Donald Trump sur la question du réchauffement climatique, un Emmanuel Macron qui n’aurait pas soutenu ouvertement les chasseurs, un Emmanuel Macron qui « réussirait » le pari européen.

En étant mauvaise langue, on pourrait dire qu’il fait du Benoît Hamon, en moins social et en plus écologiste. Dans tous les cas, c’est quelque chose qui n’a rien à voir avec la Gauche historique.

Europe Écologie – Les Verts fait de l’écologie un support pour une relance du capitalisme, en affirmant que c’est le seul moyen pour l’écologie qui sinon n’existerait pas. C’est une simple capitulation devant les immenses enjeux, ce qui va de pair avec une trahison par rapport à la Gauche.

 

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Génération-s et les élections européennes : « Hope is back »

Génération-s a présenté ses principaux candidats pour les élections européennes. Avec comme mot d’ordre « Hope is back », témoignant d’un entre-soi très propre, très policé, totalement en décalage avec la réalité ouvrière, populaire.

C’est terriblement décevant pour qui espérait que, tout de même, Génération-s porte une certaine modernité, à défaut d’assumer le patrimoine historique de la Gauche. La liste présentée par Génération-s pour les élections européennes de 2019 relève d’un positionnement bobo outrancier, et même pas masqué. La lettre de Guillaume Balas et Claire Monod annonçant la mise en place de la liste se termine même par un « Hope is back », c’est-à-dire « L’espoir est de retour ». C’est là tout un symbole de l’esprit de l’entre-soi de gens des milieux associatifs et liés historiquement au Parti socialiste ; le décalage avec la réalité populaire est énorme.

Le fait que la « votation citoyenne » soit expliquée seulement dans une interview de Benoît Hamon dont l’accès est payant sur le site du Monde annonçait déjà cette orientation. Le document « Un New Deal pour l’Europe Printemps Européen », toujours en cours d’élaboration, ne contient en 43 pages pas une seule fois les mots capitalisme, bourgeoisie, ouvrier. Il faut rappeler ici à Benoît Hamon ce que Pierre Mauroy a déclaré peu avant la terrible défaite de Lionel Jospin en avril 2002 :

« Pour le premier et le deuxième tour, il faut des gestes à l’égard du mouvement populaire. Il faut utiliser les mots de travailleur, d’ouvrier ou d’employé. Ce ne sont pas des gros mots! »

Cela n’a cependant aucune chance d’avoir de l’écho, car la liste des 30 personnes en tête de liste (sur 79) relève précisément de cette liste d’après 2002, avec des racines bien ancrées dans le Parti socialiste.

Il y a ainsi l’eurodéputée Isabelle Thomas, dont le parcours est « exemplaire » ou du moins typique, étant cadre du syndicat étudiant UNEF-ID à partir de 1981, au Parti socialiste à partir de 1983, une des fondatrices de SOS racisme en 1984. Vice-présidente de l’UNEF-ID au moment de la campagne contre Devaquet en 1986, elle est propulsée par François Mitterrand à la direction du Parti socialiste. Elle a rejoint Génération-s dès le départ, ce qui est également le cas de l’eurodéputé Guillaume Balas, qui avait rejoint le Parti socialiste en 1991.

On a également Laura Slimani, ancienne responsable du Mouvement des jeunes socialistes, et Mehdi Ouraoui, qui a fait l’école normale supérieure et donné des cours à Sciences-Po, en étant un des responsables du Parti socialiste à partir de 2005. On trouve Michel Pouzol, né en 1962 et ayant quant à lui adhéré très tard au Parti socialiste, en 2007 seulement, dont il est député de 2012 à 2017. Il a été l’un des porte-paroles de Benoît Hamon pour la présidentielle et a rejoint Génération-s trois mois après sa fondation. Il a été notamment ouvrier au départ, puis vendeur et formateur à la FNAC, professeur au Cours Florent à Paris, scénariste, et même figurant dans Ma 6-T va crack-er de Jean-François Richet.

Il y a l’appoint d’associatifs : Eric Pliez, président du SAMU social qui regroupe plusieurs associations, Françoise Sivignon qui a été présidente de Médecins du monde en France, dont a été bénévole Naïma Charaï qui a été très active dans différentes associations. On trouve également Salah Amokrane, responsable de Takticollectif qui agit dans les « quartiers populaires » et a fait partie de la liste « Motivé-e-s » lancée à Toulouse par le groupe Zebda en 2001.

L’agrégé d’histoire Pierre Serne vient quant à lui d’Europe écologie – Les verts, dont Aurore Lalucq a été une sympathisante avant de rejoindre Benoît Hamon pour la présidentielle.

On a ici des profils entièrement coupés de la classe ouvrière et de la Gauche historique ; on ne trouve grosso modo que des cadres historiques du Parti socialiste, des éléments post-Gauche historique d’après 2002, des associatifs. Croire que cela peut faire le poids, en termes d’idéologie, de culture, de perspective, dans un climat explosif comme celui de la France, ce n’est même pas un doux rêve, c’est de l’inconscience.

Quel intérêt Benoît Hamon a-t-il eu de valoriser les gilets jaunes si ce n’est même pas pour proposer une ligne populaire, un engouement militant pour un projet de changement de société ? Croire qu’une petite-bourgeoisie éduquée et propre sur elle peut maîtriser le cours des choses en s’appuyant sur l’idéal européen est un pur suicide.

Dans l’état actuel des choses, la Droite va briser la Gauche de manière terrible aux prochaines Européennes !

 

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Benoît Hamon annonce que Génération-s part seul aux élections européennes de 2019

Benoît Hamon avait lancé la « votation citoyenne » ; il considère que la Gauche n’a pas répondu et que les initiatives de Place publique sont viciées par des accords masqués avec le Parti socialiste. Il a par conséquent annoncé que Génération-s présenterait demain sa liste pour les élections européennes. C’est regrettable car l’unité à Gauche est un combat qui ne pouvait par définition pas s’exprimer aussi rapidement.


Le combat pour l’unité de la Gauche, alors que s’obscurcissent les nuages politiques sur l’Europe, est primordial et malheureusement, les considérations d’appareil ont fini par triompher sur les bonnes volontés. La Gauche est en fait tellement faible qu’il y a une fuite en avant, avec l’idée que plus on fait de bruit, plus on peut surnager et l’emporter sur les autres. C’est absurde et c’est pourtant par exemple bien le sens de la lettre du PCF à Génération-s annonçant son refus de participer à la votation citoyenne.

> Lire également : L’appel de Benoît Hamon en faveur d’une votation citoyenne pour l’union de la Gauche

Benoît Hamon s’est démené comme un diable pour l’unité, il faut le reconnaître, mais il a fini par capituler lui aussi. Les médias ont annoncé que lui et Guillaume Balas ont appelé Thomas Porcher et Raphaël Glucksmann de Place publique, notamment pour leur reprocher ce qu’ils considèrent un accord à la base avec le Parti socialiste. C’est un peu hypocrite, car c’était évident à la base même, de par le caractère incontournable du Parti socialiste. La vérité est que l’unité à Gauche face à la menace du raz-de-marée de Droite ne peut pas aller sans alliance avec le Parti socialiste, même si cela fait mal au cœur.

Si on est pas content, on fait mieux et la question du Parti socialiste sera réglée, après. Benoît Hamon a décidé de régler cette question avant. C’est une erreur, annoncée de plus dans une interview au Parisien. Ce n’est pas là une approche correcte. Qui plus est, au lieu d’annoncer vouloir chercher à exprimer la Gauche en général, Benoît Hamon a décidé que la seule chose qui aurait droit de cité, c’est le hamonisme, résumé en quatre points :

– politique écologique commune,
– droit européen à l’IVG,
– taxe européenne sur les robots,
– revenu universel d’existence.

On peut discuter comme on le veut de ces thèmes, les trouver importants ou pas, valables ou pas, force est en tout cas de reconnaître qu’ils sont extérieurs à la tradition historique de la Gauche et qu’ils relèvent d’une approche post-moderne définie par le social dans l’économie et le libéral dans la politique.


C’était bien la peine que Benoît Hamon annonce que les gilets jaunes peuvent laisser voir quelque chose de formidable pour balancer par-dessus bord la moindre possibilité de critique du capitalisme. C’est là laisser le champ libre à l’extrême-droite dont la démagogie contre le « capitalisme ultra-libéral » va être de plus en plus forte.

Benoît Hamon a tout à fait raison, par conséquent de dire que :

« Moi, je veux être fidèle au peuple de la gauche et de l’écologie : pour cela, je suis constant dans mes valeurs, sincère dans mes combats et innovant dans mes idées. »

Cependant, ses idées ont décroché de la Gauche historique tout autant que celles de Jean-Luc Mélenchon. À l’un le post-modernisme, à l’autre le populisme. Benoît Hamon reste éminemment sympathique, mais il fait l’erreur de croire qu’il peut porter quelque chose de « nouveau ».

 

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La réponse du PCF à Génération-s et Benoît Hamon

Le PCF a rendu public sa réponse à Génération-s et Benoît Hamon, à la suite de la proposition de votation citoyenne pour unifier la Gauche pour les élections européennes de 2019.

La voici :

A l’attention de Benoît Hamon et de la direction de Génération.s

Cher·e·s Amis,

Par voie de presse puis dans un courrier, Benoît Hamon, au nom de Génération.s, vient d’inviter les différentes forces de gauche à s’engager collectivement, en vue des élections européennes, dans une « votation citoyenne pour l’Union ». De leur côté, les animateurs et animatrices de Place publique ont rendu publique une proposition de « dix combats communs ».

C’est l’occasion, pour le Parti communiste français, de vous redire dans quel état d’esprit il aborde le moment présent.
Vous ne l’ignorez pas, notre inquiétude est grande devant la situation de la gauche, à quelque cent jours du scrutin des européennes, alors que le pays traverse une crise sociale et démocratique sans précédent.

Les exigences populaires sur les salaires, les retraites, le pouvoir d’achat, les services publics, la justice fiscale, la lutte contre l’évasion fiscale et les inégalités, l’écologie, la transition de nos modèles économiques appellent d’amples rapports de force pour faire reculer les logiques concurrentielles, financières, de déréglementation qui dominent aujourd’hui la construction européenne.
Oui, pour y parvenir, tout doit être fait pour porter haut la colère qui s’exprime en France et en Europe. Oui, il faut unir le plus grand nombre possible de forces et de citoyen·ne·s pour combattre la politique du pouvoir en place, pour reconquérir notre souveraineté face aux décisions prises par les gouvernements, par Bruxelles et par la BCE.
Oui, il est urgent de rompre avec la logique de traités européens qui donnent la priorité à la finance et creusent un déficit démocratique nourrissant les tentations de la haine et du repli, pour construire de nouvelles politiques de solidarité et d’égalité s’opposant aux choix présentement mis en œuvre.

Cela exige de la clarté dans les réponses portées et une forte envie d’union.

Puisque nous échangeons à propos de l’échéance électorale du 26 mai prochain, il n’est tout de même pas inutile de rappeler que c’est la complaisance d’une partie des forces de gauche envers des traités libéraux enfermant l’Europe entière dans l’austérité perpétuelle qui a conduit la gauche, dans son ensemble, au désastre présent.

Ensemble, c’est cette page qu’il conviendrait de tourner résolument.

C’est le sens des propositions que nous formulons, pour notre part. Et c’est l’objectif que poursuit la liste conduite par Ian Brossat, dont nous avons mis la candidature à disposition comme tête d’une liste portée par large rassemblement pluraliste.
La campagne qu’il mène actuellement avec ses colistiers et colistières s’efforce de se faire l’écho des aspirations de notre peuple, et les candidat·e·s, dont nombre ne sont pas adhérents du PCF, ont pour première qualité d’être à l’image de la diversité des combats qui se mènent aujourd’hui dans tout le pays.

Sur le fond comme sur la forme, la proposition de « votation citoyenne » ne nous semble pas permettre la clarté nécessaire à l’unité et à la reconquête. Quant à l’offre des « dix combats communs», il y manque des questions essentielles, et aujourd’hui centrales, dans les mobilisations sociales, quand bien même nous y retrouvons des propositions qui nous sont chères.

Comment promouvoir une nouvelle vision de l’Europe tournant sans ambiguïté le dos à ce qui s’est fait jusqu’alors en son nom, comment remobiliser à gauche des millions de femmes et d’hommes qui ont perdu confiance au fil des renoncements passés, à partir d’une liste dont le programme évacuerait des points cruciaux ? À commencer par la nécessaire bataille pour de nouveaux traités capables de répondre aux besoins des peuples d’Europe et de s’opposer pratiquement à ceux qui existent, dont on sait les conséquences désastreuses pour les populations… Ou encore l’engagement des député·e·s élu·e·s à siéger dans le même groupe au Parlement européen, afin de donner toute leur force aux propositions qu’ils·elles auront auparavant défendues ensemble devant les électeurs…

C’est sur ces questions que nous butons. C’est à partir d’elles que l’union pourrait déjouer l’impasse du face-à face organisé entre les libéraux et l’extrême droite.

Nous ne nous satisfaisons nullement de l’éparpillement actuel. Si nous entendons répondre avec efficacité à la profondeur des exigences populaires, l’union suppose que nous énoncions ensemble le sens de notre présence future au Parlement européen. À partir d’un engagement clair et concis, tous les débats de construction d’une liste commune pourraient effectivement s’ouvrir.
Nous l’avons déjà dit maintes fois, nous le répétons, tout en étant engagés dans la campagne, nous sommes à tout moment disponibles aux initiatives et rencontres qui permettraient un rassemblement pluraliste, dans la clarté et en pleine transparence devant le pays, de toutes les forces ayant en commun de vouloir s’émanciper de la logique de traités que les peuples rejettent de plus en plus.

Telle est, à nos yeux, la seule manière de rendre possible la construction d’une autre Europe, anti-austéritaire et de progrès social, démocratique et féministe, fondée sur un nouveau modèle de développement durable, associant librement des peuples et des nations souverains, actrice de la paix dans le monde parce qu’elle se dégagerait de sa trop longue soumission à l’Otan.
Ce débat-là, nous le voulons, et nous le croyons toujours possible.

Paris, le 13 février 2019

Fabien ROUSSEL
Secrétaire national de Parti communiste français

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Un sondage ne suffira pas à Benoît Hamon pour unifier la Gauche

Benoît Hamon a lancé une initiative pour une votation citoyenne afin de favoriser l’unité de la Gauche en contournant l’appareil des partis. Ceux-ci n’ont pas accepté la proposition et, par l’intermédiaire d’un sondage commandé directement à l’IFOP, le mouvement Génération.s entend forcer les choses, comme si cela était suffisant.

Les résultats du sondage sont clairs et nullement étonnants : 77 % des électeurs de Gauche seraient pour la proposition de votation citoyenne de Benoît Hamon en vue des élections Européennes. La proportion monte même à 87 % en considérant uniquement les sympathisants d’Europe Écologie – Les Verts et du Parti Socialiste.

On trouvera l’intégralité du sondage sur ce lien.

Cela conforte bien sûr l’idée que nous avions ici qu’en prenant cette initiative en faveur de l’unité, Benoît Hamon exprimait le point de vue de la majorité des gens de Gauche.

> Lire également : L’appel de Benoît Hamon en faveur d’une votation citoyenne pour l’union de la Gauche

Seulement, cela ne suffit pas, car il ne suffit pas de vouloir pour pouvoir. Cette situation est en fait typique de l’état de la Gauche aujourd’hui en France. Elle a subi un énorme revers après le quinquennat de François Hollande qui l’a ébranlée sur ses propres bases, mais elle n’a pas encore saisi l’importance du travail de fond pour se relever.

On peut bien sûr comprendre l’état d’esprit de ces sympathisants qui sont pour l’unité électorale, sauf que cela est d’une certaine manière trop facile. Les dirigeants des appareils ne pourront pas s’en sortir seuls, sans une mobilisation à la base des sympathisants de Gauche.

Ce sondage ne change donc pas grand-chose à l’affaire, il ne modifie nullement la position des appareils qui ont besoin d’un élan bien plus grand pour accepter l’unité, renoncer à une stratégie élaborée alors qu’ils ont déjà mobilisé des personnes dans un sens, établi des projections, budgétisé des choses, etc.

Ce dont a besoin la Gauche, c’est assurément d’un grand débat d’idée, à la base, partout en France, en prenant le temps de confronter les points de vue et de faire un véritable bilan des dernières années, voir même des quarante dernières années si l’on considère que François Mitterrand a réalisé deux présidences institutionnalisant la Gauche, lui faisant perdre sa nature.

On ne va pas se voiler la face ici, il est à peu près évident que c’est déjà trop tard pour les prochaines élections européennes. Par exemple, Ian Brossat, tête de liste du PCF, peut bien dire qu’il est intéressé par l’initiative et annoncer rencontrer Benoît Hamon, son parti a de toutes façons déjà lancé sa campagne, ses thèmes, ses infographies, et même un site internet, europedesgens.fr

On fera les compte en mai, ce qui influencera quelque peu le rapport de force entre les différents courants et les différentes organisations en fonction des scores obtenus. Ceux-ci seront cependant très faibles pour chacun, malheureusement, et il sera de la responsabilité de tous, mais surtout des mieux «lotis », de ne pas reposer sur ses acquis pour au contraire s’ouvrir aux débats, à la recomposition.

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Les motivations de la « doctrine Mitterrand »

François Mitterrand fit en sorte que des centaines d’Italiens liés à la lutte armée dans leur pays purent « recommencer » leur vie. Les raisons pour cela sont aussi complexes sans doute que la philosophie politique de François Mitterrand, mais on peut y voir à la fois un pragmatisme sécuritaire et un certain romantisme révolutionnaire.

François Mitterrand, une fois devenu président de la République, appliqua des mesures symboliques très fortes. L’une d’entre elles fut l’abolition de la peine de mort, une autre encore fut la suppression de la Cour de Sûreté de l’État, et il faut ajouter dans le domaine juridique la grâce des membres du groupe armé Action Directe alors emprisonnés. L’idée était qu’une sorte de nouvelle ère s’ouvrait, qu’il en était terminé avec le règne d’une Droite dure, brutale, anti-populaire. La Gauche était à l’œuvre et par conséquent, il n’y avait plus d’ennemis à Gauche, il fallait que tout le monde se retrousse les manches.

Lorsque des centaines de membres de groupes armés italiens déboulèrent en France, c’est le même principe qui fut appliqué. La doctrine Mitterrand est simple : pas d’extradition. Pour qu’il y en ait une, il faut qu’il y ait eu crime de sang, que les juges italiens le prouvent et le fournissent aux juges français, qui valideront cela ou pas. Autant dire que c’était en pratique casser toute possibilité en ce sens là. Cela implique également par contre, en échange, que les « réfugiés » en France ne commettent pas d’action illégales et s’intègrent dans la société française.

Officiellement, deux raisons furent invoquées. La première, c’est qu’il y avait un système juridique où les « repentis » échappaient à la prison s’ils fournissaient des informations. Celles-ci étaient-elles vraies ? Il n’était pas considéré par la Gauche française qu’on pouvait se fier à une telle démarche. La seconde raison est que le droit italien ne prévoyait pas qu’un procès réalisé en l’absence du prévenu soit recommencé après son arrestation. Ce n’était pas considéré comme juste.

Il n’était de toutes façons un secret pour personne que, pays de l’OTAN, l’Italie pullulait d’activités des services secrets, de mafias ainsi que de regroupements d’extrême-droite menant toute une série d’attentats, tous ces milieux étant plus ou moins liés. L’Italie était alors vue par tout le monde comme le pays malade de l’Europe dominé par un seul parti, la démocratie-chrétienne contrôlant tout l’État, un État par ailleurs toujours instable, toujours prompt à une justice d’exception, avec toujours la menace d’un coup d’État ou en tout cas d’une situation de rupture.

Le Parti socialiste avait en France tout à fait conscience de cela, notamment Claude Estier, bras droit de François Mitterrand. Hors de question pour la Gauche de se lier à l’administration d’un tel État et de lui faire des chèques en blanc.

Officieusement, deux autres raisons peuvent être fournies. La première, c’est une question pratique. Des centaines de personnes se retrouvant sans papier ni argent en France, avec une expérience de la lutte armée et un haut niveau de culture politique, cela risquait d’aboutir à des regroupements pour se fournir des papiers, des logements, de l’argent, le tout illégalement et avec un fond idéologique révolutionnaire. Les services secrets préféraient évidemment éviter cela, le Parti socialiste et le PCF également.

La seconde raison, c’est tout un romantisme révolutionnaire traversant les couches intellectuelles parisiennes, avec une réelle sympathie pour la Cause des personnes ayant fui l’Italie, un peu considérées, si l’on veut, comme les réfugiés de la guerre d’Espagne. Il était en tout cas plus ou moins considéré comme normal d’aider des gens de Gauche, idéalistes peut-être, mais dans une situation d’infortune. François Mitterrand a ainsi mis en place un système que la République Démocratique d’Allemagne, exactement au même moment, organisait pareillement pour les militants de la Fraction Armée Rouge ouest-allemande souhaitant se « réinsérer ». La RDA, par une décision au plus haut niveau, leur fournit une nouvelle identité, un emploi, un logement, une nouvelle vie.

Officiellement, ce n’est qu’à partir de 1985 que François Mitterrand exprima ouvertement ce que les médias qualifièrent de « doctrine ». En pratique, cela faisait plusieurs années que c’était mis en place. Les « réfugiés » vivaient leur vie, s’insérant dans la société française, et même s’ils éprouvaient pour certains des sympathies ou des accords idéologiques avec la lutte armée continuant en Italie sur un mode bien plus mineur qu’auparavant, ils étaient grosso modo entièrement déphasés. Ils construisirent donc au final une nouvelle vie et, si cela n’avait pas vraiment marché, retournaient dans leur pays une fois leur peine disparue aux yeux du droit italien en raison du temps passé depuis.

Ce processus, qui concerna grosso modo un millier de personnes mais surtout un noyau dur d’une centaine de personnes, se prolongea sur plusieurs décennies ; de moins en moins de personnes furent concernées, jusqu’à finalement une petite quinzaine désormais.

> Lire également : La Gauche française doit défendre la « doctrine Mitterrand » face à la Droite italienne

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La Gauche française doit défendre la « doctrine Mitterrand » face à la Droite italienne

Malgré les heurts diplomatiques très violents avec le gouvernement italien, Emmanuel Macron et son exécutif entendent collaborer ouvertement avec lui pour remettre définitivement en cause la « doctrine Mitterrand ». Le symbole est très fort et consiste en une violente attaque contre la Gauche française.

Emmanuel Macron est un partisan acharné du « et en même temps », ce qui le rend difficile à saisir. Il fait jouer du Daft Punk par l’orchestre militaire le 14 juillet, tout en défendant bec et ongles les chasseurs et leur style suranné. Et s’il dénonce ouvertement le gouvernement italien et son populisme, il le soutient entièrement dans son harcèlement concernant les Italiens réfugiés en France dans les années 1970, 1980, voire 1990.

Ces derniers jours, il est en effet beaucoup parlé de la remise en cause ouverte de la « doctrine Mitterrand », qui accorde un asile politique non-officiel à tous les Italiens qui ont participé aux activités de la Gauche ayant choisi de lutter par les armes dans leur pays et ayant par la suite choisi de refaire leur vie dans le nôtre. À l’époque, le Parti socialiste et la Gauche française avaient, pour de multiples raisons, considéré que c’était un devoir que de protéger ces ex-activistes. Aujourd’hui, la Droite italienne voit un espace pour briser cet obstacle et relancer son harcèlement contre tout ce qui est de Gauche en général.

> Lire également : La « doctrine Mitterrand »

Emmanuel Macron et le gouvernement français soutiennent donc cette démarche. Dans une interview au Monde du lundi 18 février 2019, la ministre des Affaires européennes Nathalie Loiseau est explicite :

« Il n’y a aucune raison de s’opposer à une éventuelle extradition (…). Je pense que notre pays a longtemps vécu en sous-estimant le traumatisme qu’a pu être le terrorisme en Italie ou en Espagne et que l’on a traité avec une indifférence, que je ne partage pas, la violence aveugle qui s’est exercée chez certains de nos voisins. »

Le fait de parler de violence aveugle est d’une stupidité ahurissante, surtout après les attentats jihadistes, dont on voit immédiatement qu’ils n’ont rien à voir avec la violence politique des années 1970 et 1980. Il est également intéressant de voir qu’elle mentionne l’Espagne, dont tout le monde sait à Gauche que c’est un pays qui a été très profondément marqué par le franquisme. C’est une volonté de nier que l’Italie et l’Espagne ont une histoire tourmentée… Et ce d’ailleurs jusqu’à aujourd’hui, puisque les responsables indépendantistes catalans viennent de voir leur procès commencer !

Quant à l’Italie, tout le monde sait que ce pays ne s’en sort pas. Et c’est tout de même surprenant : dans ses tourments politiques, le pays est passé de Berlusconi à la Droite la plus assumée, et le gouvernement italien ne se prive pas de dénoncer Emmanuel Macron et le gouvernement LREM… qui soutiennent pourtant les demandes d’extradition !

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On a eu Luigi di Maio, vice-Premier ministre italien, qui en janvier a accusé la France de piller l’Afrique au moyen du franc CFA, en s’appuyant ouvertement sur les arguments du militant d’extrême-droite Kemi Seba, professant un ethno-différentialisme exacerbé et ouvertement antisémite. Et le même, par ailleurs dirigeant du « Mouvement 5 Étoiles » ultra-populiste, est venu début février en déplacement à Montargis, dans le Loiret, comme il l’explique dans un message :

« Aujourd’hui, nous avons fait un saut en France et nous avons rencontré le leader des Gilets jaunes Christophe Chalençon et les candidats aux élections européennes de la liste RIC d’Ingrid Levasseur »

Rappelons que ce Christophe Chalençon parlait encore récemment de groupes para-militaires prêts à rétablir l’ordre dans le pays…

C’est une situation inédite et la France n’a pas moins que rappelé son ambassadeur à Rome, pour la première fois depuis 70 ans, pour « consultations » à Paris, ce qui est en diplomatie un grand signe de protestation. Le communiqué officiel est sans ambiguïtés :

« La France a fait, depuis plusieurs mois, l’objet d’accusations répétées, d’attaques sans fondement, de déclarations outrancières que chacun connaît et peut avoir à l’esprit. Cela n’a pas de précédent, depuis la fin de la guerre. Avoir des désaccords est une chose, instrumentaliser la relation à des fins électorales en est une autre.

Les dernières ingérences constituent une provocation supplémentaire et inacceptable. Elles violent le respect dû au choix démocratique, fait par un peuple ami et allié. Elles violent le respect que se doivent entre eux les gouvernements démocratiquement et librement élus.

La campagne pour les élections européennes ne saurait justifier le manque de respect de chaque peuple ou de sa démocratie. Tous ces actes créent une situation grave qui interroge sur les intentions du gouvernement italien vis-à-vis de sa relation avec la France. À la lumière de cette situation sans précédent, le gouvernement français a décidé de rappeler l’ambassadeur de France en Italie pour des consultations. »

Cela n’empêche donc pas le gouvernement français de répondre favorablement aux pressions de ce même gouvernement au sujet des réfugiés italiens en France. Le ministre de l’Intérieur Matteo Salvini, d’extrême-droite, entend « récupérer » 14 personnes, qui selon lui « boivent du champagne sous la tour Eiffel »… Et le gouvernement français est d’accord pour participer à cette mise en scène de la Droite italienne la plus dure, la plus populiste.

La Gauche française ne peut pas rester passive à moins de se renier. Et cela d’autant plus après l’arrestation au Brésil de Cesare Battisti, qui s’était réfugié là-bas après un long périple depuis la France, qui avait renié sa parole liée à la « doctrine Mitterrand ». Le nouveau président brésilien, de la Droite la plus dure, a immédiatement donné satisfaction au gouvernement italien. Si le gouvernement français s’aligne, cela ne fera qu’appuyer la Droite.