Karl Marx a dit que la religion est l’opium du peuple… oui mais il souligne bien que d’un côté c’est une fuite, de l’autre un appel à donner du contenu dans un monde sans contenu. Voici un exemple catholique orthodoxe, la démarche de cette version du catholicisme assumant ouvertement toute une approche mystique.
L’extrait suivant est tiré d’un document de l’Église orthodoxe d’Estonie au sujet de l’eucharistie. Si pour un anarchiste les propos qui y sont tenus sembleront totalement incohérents, par contre pour qui a la perspective de la Gauche historique, tout apparaîtra comme évident à comprendre.
« ‘‘Dans mon Royaume, dit le Christ dans le canon des matines orthodoxes du Jeudi saint, je serai Dieu et vous serez Dieu avec moi’’ (4e Ode du 3e Tropaire).
Car l’homme est à l’image de Dieu ; il est appelé à une ressemblance qui est une participation réelle à la vie divine. L’homme n’est vraiment homme qu’en Dieu.
L’homme n’est vraiment homme que déifié, puisque « Dieu est devenu homme pour que l’homme devienne Dieu en lui » (saint Athanase), puisque l’homme est un animal appelé à devenir Dieu.
L’exigence de s’unir à la source de vie qui fait notre être même ne peut être qu’un événement à l’intérieur de l’Esprit, l’avènement de l’Esprit en l’homme est toujours théomorphique : Dieu l’a créé à son image.
Tout vient de Dieu. L’expérience de Dieu vient aussi de Dieu, car Dieu est plus intime à l’homme que lui-même. Dès lors, chercher Dieu par-dessus tout, c’est amorcer par l’acte de foi un dialogue liturgique générateur d’unité à l’image du Christ, dans lequel ont convergé une fois pour toutes l’expérience de l’homme par Dieu et celle de Dieu par l’homme. Par essence donc, l’homme est un être liturgique.
S’il participe à la vie divine, sa communion se fait à travers une vaste célébration liturgique qui englobe tout le cosmos. Si cette ouverture sur tout ce qui est créé n’existait pas, il n’y aurait pas d’amour possible auquel l’homme prît part concrètement par l’acte liturgique principal, c’est-à-dire la prière, ce centre duquel toute autre action puise sa force et est rendue valide.
C’est à cause de cela que le mystère de la personne humaine devient lieu théologique par excellence, en ce sens que créé à l’image de Dieu, il ne peut se comprendre qu’à la lumière du dogme trinitaire.
Le dogme de la Trinité, cœur de la théologie orthodoxe, devient, de ce fait, la clé de l’anthropologie où l’Ecriture, qui ne perd rien de sa dimension de l’histoire, reçoit un sens eucharistique. C’est parce que le fait divin, c’est-à-dire la Parole, fait irruption dans sa propre existence que l’homme devient « être liturgique ».
Dès lors, l’Evangile ne se limite pas à définir les rapports qui régissent les liens entre le Sauveur et le monde ; il nous fait pénétrer au centre même d’une autre dimension, une relation de divino-humanité qui est aussi relation filiale entre le Père céleste et son Fils unique, l’Esprit Saint étant pour sa part le souffle qui porte les mots et qui ne se laisse saisir et sentir que conjointement avec le Christ.
La divino-humanité s’ouvre au cœur de l’histoire par l’Incarnation du Verbe (…).
C’est pourquoi la théologie orthodoxe sera avant tout une théologie de célébration où l’homme devient le prêtre du monde, le grand célébrant de l’existence. »