Catégories
Politique

Politis : pas un mot sur l’Ukraine et un appel lamentable sur les retraites

Les bobos de gauche accompagnent le capitalisme occidental.

Politis est, comme Regards, une revue qui sert de sas intellectuel à la Gauche réformiste « exigeante », ce qu’on peut appeler la « gauche de la gauche ». Apparemment la gauche de la gauche du capitalisme, car ni dans Politis, ni dans Regards, on ne parle de la guerre en Ukraine ou de l’OTAN.

C’est tout de même marquant : la Droite est ouvertement pro-OTAN, tout comme le Parti socialiste et EELV, et la « gauche de la gauche »… ne dit rien. Qui ne dit mot consent !

Politis : la guerre en Ukraine? Connais pas !

Pour preuve, l’appel de Politis « Pourquoi nous combattons cette réforme » (des retraites), signé par les bobos dans leur version intellectuelle.

Aucune envergure, pseudo moderne, pas un mot bien entendu au sujet d’autre chose que les retraites… C’est historiquement minable.

Et pendant ce temps-là, le Point qui est l’équivalent de Droite de Politis, en bien plus lu et avec bien plus d’influence, appelle à fournir des armes lourdes à l’Ukraine afin que la victoire sur la Russie soit totale.

Le décalage est on ne peut plus complet ! Ou plutôt la convergence. Le capitalisme peut bien aller à la guerre, cette pseudo « gauche » ne demande de son côté que la même chose mais en version « sociale ».

Depuis six ans, Emmanuel Macron s’acharne à imposer au pays une réforme des retraites dont les Français·ses ne veulent pas. Toutes les versions du projet, déjà nombreuses, poursuivent le même but : le report de l’âge légal de départ à la retraite. L’objectif, à rebours de l’histoire sociale, est de faire travailler plus et plus longtemps des femmes et des hommes qui aspirent au repos et à donner libre cours à leurs projets dans un moment privilégié de la vie.

Pour y parvenir, le gouvernement tente de nous enfermer dans une querelle budgétaire et comptable. Ça n’est pas notre sujet. La question des retraites est éminemment politique.

Elle renvoie à des visions profondément divergentes de la vie en société. Nous sommes face à un choix de société structurant et nous refusons celui que le gouvernement veut nous imposer.

La réforme va frapper plus durement ceux qui exercent les métiers les plus difficiles, usants – tant physiquement que psychologiquement –, et qui ont moins de chances de profiter d’une retraite paisible et de s’imaginer un avenir après 64 ans. Le report de l’âge légal n’a aucun effet sur les plus diplômés et fait peser la charge entièrement sur les moins diplômés.

Il pénalise aussi les femmes, qui ont les carrières les plus aléatoires, suspendues, contraintes aux temps partiels, souvent imposés, et qui seront les principales victimes de cette réforme aussi injuste qu’inégalitaire. La différence d’espérance de vie à la naissance entre les 5 % les plus riches et les 5 % les plus pauvres est en France de 13 ans pour les hommes et de 8 ans pour les femmes.

Il est donc urgent que l’on donne au débat sa véritable dimension et son souffle. Derrière tous les faux débats, le projet politique est évident. Pour Emmanuel Macron, il faut séduire la droite pour créer une majorité que les urnes ne lui ont pas donnée. Cet objectif politicien n’est pas notre affaire !

Nous refusons un projet qui vient frapper si violemment nos vies et celles des générations à venir. Nous lui opposons une exigence de justice sociale et écologique, qui dépasse de beaucoup la seule question des retraites.

Pour toutes ces raisons, nous affirmons notre détermination à combattre ce projet de réforme archaïque et terriblement inégalitaire.

Dominique A, auteur, compositeur – Ariane ASCARIDE, comédienne – Patrick AUTRÉAUX, écrivain – Serge AVÉDIKIAN, comédien, cinéaste – Alain BADIOU, philosophe – Étienne BALIBAR, philosophe – Jeanne BALIBAR, comédienne – Lauren BASTIDE, autrice, féministe – François BÉGAUDEAU, écrivain – Lucas BELVAUX, cinéaste – Pierre BERGOUNIOUX, écrivain- Arno BERTINA, écrivain  Laurent BINET, écrivain – Romane BOHRINGER, comédienne – Dominique BOURG,  philosophe – Nicole BRENEZ, historienne du cinéma – Stéphane BRIZÉ, cinéaste – Mireille BRUYÈRE, économiste – Barbara BUTCH, artiste, DJ – Dominique CABRERA, réalisatrice- Julia CAGÉ, économiste – Robin CAMPILLO, cinéaste – Barbara CARLOTTI, autrice, compositrice – Patrick CHAMOISEAU, écrivain – Samuel CHURIN, comédien – Hélène CIXOUS, écrivaine – Maxime COMBES, économiste- Philippe CORCUFF, maître de conférences en science politique – Sylvain CREUZEVAULT, metteur en scène – Alexis CUKIER, philosophe – Alain DAMASIO, écrivain – Valérie DAMIDOT, animatrice de télévision, comédienne – Jean-Pierre DARROUSSIN, comédien – Laurence DE COCK, historienne – Geoffroy DE LAGASNERIE, philosophe – Monté DE LINGUISTICAE, auteur, vidéaste, vulgarisateur – Marie DESPLECHIN, écrivaine – Rokhaya DIALLO, autrice et réalisatrice – Cyril DION, cinéaste – Samia DJITLI, présidente des Trans Musicales – Olivier DUCASTEL, cinéaste – EMMA, dessinatrice – Didier ERIBON, philosophe – Annie ERNAUX, écrivaine – Jean-Michel ESPITALLIER, écrivain – Didier FASSIN, anthropologue et médecin – Éric FASSIN, sociologue – Brigitte FONTAINE, poète – Geneviève FRAISSE, philosophe – Bernard FRIOT, sociologue, économiste – Irène GARCIA GALAN, autrice – Antoine GERMA, scénariste – Brigitte GIRAUD, écrivaine – José-Manuel GONÇALVÈS, directeur artistique – Robert GUÉDIGUIAN, cinéaste – Alain GUIRAUDIE, cinéaste – Émilie HACHE, philosophe –Adèle HAENEL, comédienne – Kaoutar HARCHI, écrivaine – Jean-Marie HARRIBEY, économiste – Liêm HOANG-NGOC, économiste – Christian INGRAO, historien – Sabina ISSEHNANE, économiste – Hugues JALLON, écrivain, éditeur – Agnès JAOUI, comédienne, cinéaste – Gaël KAMILINDI, comédien – Razmig KEUCHEYAN, sociologue – Bernard LAHIRE, sociologue – Mathilde LARRÈRE, historienne – Éloi LAURENT, économiste – Yvan LE BOLLOC’H, comédien – Élisabeth LEBOVICI, critique d’art – Bertrand LECLAIR, écrivain – Pierre LEMAITRE, écrivain, scénariste – Frédéric LORDON, philosophe – Sandra LUCBERT, écrivaine – Jacques MARTINEAU, cinéaste – Corinne MASIERO, comédienne – Nicolas MATHIEU, écrivain – Dominique MÉDA, économiste – Guillaume MEURICE, auteur, humoriste – Christophe MIOSSEC, auteur, compositeur, interprète – Ariane MNOUCHKINE, metteuse en scène – Félix MOATI, comédien – Marie José MONDZAIN, philosophe – Gérard MORDILLAT, romancier, cinéaste – Jean-Marc MOUTOUT, cinéaste – Myr MURATET, photographe – Gérard NOIRIEL, historien – Stanislas NORDEY, metteur en scène – Juliette NOUREDDINE, autrice, compositrice, interprète – Gaëlle OBIEGLY, écrivaine – Lorrain OISEAU, auteur – Mariana OTERO, cinéaste – Yves PAGĖS, écrivain, éditeur – Stefano PALOMBARIN, économiste – Charles PENNEQUIN, poète – Gilles PERRET, cinéaste – Nicolas PHILIBERT, cinéaste – Ernest PIGNON-ERNEST, artiste plasticien – Thomas PIKETTY, économiste – Dominique PLIHON, économiste – Thomas PORCHER, économiste – Christian PRIGENT, poète – Nathalie QUINTANE, écrivaine, enseignante – Philippe QUIRION, économiste – Patrice ROBIN, écrivain – Olivia ROSENTHAL, écrivaine – Christian ROUAUD, cinéaste – Lydie SALVAYRE, écrivaine – Gisèle SAPIRO, sociologue – Régis SAUDER, cinéaste – Hervé SERRY, sociologue – Pablo SERVIGNE, auteur – Yves SINTOMER, professeur de science politique – Bruno SOLO, comédien – Barbara STIEGLER, philosophe – Charles TEMPLON, comédien, metteur en scène – Hélène TORDJMAN, économiste – Anna TOUMAZOFF, militante féministe – Valérie TRIERWEILER, journaliste – Henri TRUBERT, éditeur – USUL, Youtubeur – Serge VALLETTI, auteur de théâtre, scénariste – Thomas VDB, comédien – Gisèle VIENNE, chorégraphe – Sophie WAHNICH, historienne – Jacques WEBER, comédien – Michel WIEVIORKA, sociologue

Les bobos s’agitent afin de faire croire que le « social » est encore possible dans le capitalisme sombrant dans la guerre. Ils sont, au mieux, les idiots utiles de l’OTAN. Et au fond ils le savent très bien. Ils espèrent, comme tous les corrompus au sein de la société capitaliste française, que fondamentalement rien ne changera vraiment !

Catégories
Politique

Le congrès mystère de « Révolution permanente »

On ne sait rien et on n’en saura pas plus.

« Révolution permanente » était une tendance du Nouveau Parti Anticapitaliste ; exclue en 2021, elle a réussi à devenir l’un des principaux pôles « militants » en France à gauche de la gauche. Elle a annoncé un congrès de fondation d’une nouvelle organisation révolutionnaire, congrès qui s’est tenu les 16, 17 et 18 décembre 2022.

Trois textes servaient de fondements à cet effet : un sur l’organisation, un autre sur la situation en France, et enfin un portant sur la situation internationale.

Or, nous sommes le 2 janvier 2023 et « Révolution permanente » n’a toujours rien dit au sujet de ce congrès. Les seuls documents proposés sont des interventions de gens extérieurs présents au congrès, tels l’économiste version « Monde diplomatique » Frédéric Lordon (« Un parti révolutionnaire sert à tout niquer, avec méthode », sic), ou Assa Traoré du « Comité vérité et justice pour Adama ».

Mais on ne sait rien de ce que le congrès a donné. Cela a-t-il été un succès ? Un échec ? Car enfin, on peut imaginer que les personnes présentes n’ont pas tout laissé tomber pour regarder la finale de la coupe du monde 2022 de football France – Argentine.

Cela dit, l’arrière-plan de « Révolution permanente » ce sont des trotskistes argentins, et surtout, de manière plus concrète, « Révolution permanente » vise un public étudiant, petit-bourgeois, par définition versatile et consommateur. Dire qu’on fonde une organisation révolutionnaire avec de tels gens est du suicide.

On peut toujours faire semblant d’être une organisation, nombreuses sont les petites structures hyper « radicales » portées par des petits-bourgeois et des étudiants. Cependant, c’est de l’aventurisme sans portée ni envergure, c’est du « militantisme » et il n’y a pas de programme, pas de fond, rien qui reste réellement dans la société.

Là, « Révolution permanente » a visé trop haut en pensant pouvoir « formaliser » son militantisme. L’idée était de s’ancrer dans le paysage militant français. Sauf que tout cela est artificiel. Il y a toute une scène de gens qui « militent », mais ils sont là où ils sont comme ils pourraient être ailleurs. Cela n’a pas de réel fond politique programmatique.

Dans tous les cas, il n’est pas correct de dire qu’on fonde une organisation révolutionnaire lors d’un congrès, pour ne rien dire à ce sujet. Quinze jours, ne rien savoir à ce sujet, c’est tout savoir. C’est un fiasco.

Si cela avait été un réel échec, cela aurait eu sa dignité, les choses ne vont pas en ligne droite. Cela aurait été une expérience, une contribution sur la voie vers le Socialisme. Là c’est juste un épisode digne d’un feuilleton. Et cela ajoute à la confusion générale.

On dira que la critique est facile, l’art est difficile. Mais c’est « Révolution permanente » qui a affirmé faire un congrès avec plusieurs centaines de personnes pour former la véritable organisation révolutionnaire en France. De ce qu’on voit, la proposition tombe à l’eau : elle n’a été donc qu’une expression de décomposition contribuant à la dépolitisation, à la délégitimation de la Gauche. Ce qui est typique du « militantisme » anarchiste et trotskiste.

Pour une analyse de fond, on peut résumer ainsi : c’est une erreur que de vouloir un « militantisme » de masse organisé au moment où la société française toute entière se replie sur elle-même dans la consommation et la futilité.

Il y a eu un million de personnes sur les Champs-Elysées à Paris le soir du 31 décembre 2022 ! C’est lamentable, et c’est ça la réelle tendance de fond. « Révolution permanente » paie le prix de ne rien comprendre à la vie quotidienne des gens dans le 24 heures sur 24 du capitalisme, dans un capitalisme en crise depuis 2020.

Catégories
Politique

« Révolution permanente » fonde son parti : la situation internationale (3)

Un troisième aspect du projet : la situation internationale.

De par le titre du document de préparation de fondation du nouveau parti, La guerre en Ukraine et l’accélération des tendances aux crises, guerres et révolutions, on s’attend à ce que « Révolution permanente » pose les choses stratégiquement au niveau des rapports internationaux.

Ce n’est pas le cas, ce qui avait déjà été analysé ici (Guerre en Ukraine: l’absence d’autocritique de « Révolution permanente »). En effet, la guerre n’est jamais conçue comme inéluctable, mais toujours seulement comme un chemin possible, plus exactement comme une péripétie.

La présentation du document est la suivante :

« La guerre en Ukraine a exacerbé les tensions géopolitiques entre les principaux pôles du système mondial, tout en ouvrant la perspective d’une grave crise économique. Des éléments qui accélèrent les tensions et la crise des régimes et laissent présager de nouvelles explosions de la lutte des classes. »

C’est l’inverse qu’il eut fallu dire. Il n’aurait pas fallu dire :

« La guerre en Ukraine a exacerbé les tensions géopolitiques entre les principaux pôles du système mondial, tout en ouvrant la perspective d’une grave crise économique. »

Mais :

« Une grave crise économique ouvre la perspective de tensions géopolitiques entre les principaux pôles du système mondial, qui a exacerbé la guerre en Ukraine. »

Pareillement, il n’aurait pas fallu dire :

« Des éléments qui accélèrent les tensions et la crise des régimes et laissent présager de nouvelles explosions de la lutte des classes. »

Mais :

« De nouvelles explosions de la lutte des classes laissent présager la crise des régimes et les tensions qui accélèrent les éléments [mentionnés]. »

A voir une telle introduction, qui renverse la réalité, on comprend la nature du document, qui est une simple analyse « géopolitique ».

Le coeur de l’économie politique proposée c’est de dire que la situation est mauvaise :

« Plus la base matérielle deviendra restreinte, plus la lutte entre les classes et les groupements différents pour le partage des revenus nationaux sera acharnée. »

Et d’ensuite d’expliquer que par conséquent des choses vont se passer, et d’essayer de les deviner au moyen d’évaluations « géopolitiques ». Il y a ainsi des lignes et des lignes sur la situation des fronts militaires dans le conflit en Ukraine, sur ce que fait telle puissance, ce que fait telle autre puissance, etc.

Ces analyses « géopolitiques » sont le plus souvent fausses d’ailleurs : il est expliqué que la superpuissance américaine ne veut pas une défaite complète de la Russie et essaierait même par conséquent de calmer le régime ukrainien ! Mais comment peut-on dire une chose pareille ?

Il en découle, forcément, qu’est alors dénoncé la thèse comme quoi nous assistons à la troisième guerre mondiale, thèse défendue sur agauche.org.

« Révolution permanente » dit ainsi :

« La dynamique de la guerre en Ukraine, et en particulier les premières difficultés de l’armée russe, ont conduit les États-Unis à la percevoir comme une opportunité stratégique d’affaiblir la Russie, de mettre l’UE sous leur commandement en revitalisant l’OTAN, et de se positionner dans le conflit avec la Chine en alignant ses alliés dans cette lutte pour l’hégémonie.

C’est pourquoi, bien que du point de vue de l’action militaire, il soit resté strictement limité au territoire ukrainien (c’est-à-dire que nous ne sommes pas confrontés à une « troisième guerre mondiale » comme certains le disent), il s’agit d’un conflit de dimension internationale. »

On lit également :

« La guerre entre l’Ukraine et la Russie a accéléré la dislocation de ce qui restait de l’ordre mondial jusqu’au début de cette année. Toutefois, nous ne sommes pas encore entrés dans la troisième guerre mondiale, qui ne se produirait que si les grandes puissances, telles que les États-Unis, la Chine et la Russie, s’affrontaient ouvertement. »

C’est là une analyse formelle et fausse. Croire que la troisième guerre mondiale commence quand les protagonistes déclarent la guerre officiellement, c’est en rester à la forme et rejeter le fond, c’est ne rien comprendre au marxisme.

Affirmer que la guerre en Ukraine est un « conflit de dimension internationale » est une stupidité qui découle d’une telle approche.

Et que propose par conséquent « Révolution permanente » ? Eh bien puisque l’enjeu n’est pas la guerre mondiale, ce sont les revendications sociales : il faut faire mieux que les néo-réformistes.

« Révolution permanente » s’imagine ainsi révolutionnaire, alors que c’est une variante du néo-réformisme, comme en témoigne son incompréhension des enjeux historiques.

Cela se lit avec ce point mis en avant, qui est une citation de propos de Claudia Cinatti lors de la discussion internationale du 19e congrès du Parti des Travailleurs Socialistes d’Argentine :

« Depuis la crise capitaliste de 2008, il y a eu deux grandes vagues de lutte de classe, qui se sont étendues au niveau international avec des inégalités. La première, en réponse directe aux effets de la Grande Récession, a connu son point culminant avec le Printemps arabe, une rébellion généralisée contre les dictatures arabes pro-américaines, déclenchée par rien de moins que la hausse du prix du pain.

Cette vague a trouvé son expression en Europe avec le mouvement des Indignados en Espagne et les dizaines de grèves générales en Grèce, capitalisées surtout par les organisations néo-réformistes comme Podemos et Syriza.

La deuxième vague a commencé en France en 2018 avec la mobilisation des gilets jaunes contre la hausse des carburants, qui s’est transformée en une rébellion majeure contre le gouvernement Macron.

Cette vague a atteint l’Amérique latine avec le soulèvement en Équateur (contre la hausse du prix des carburants ordonnée par le FMI), les protestations et grèves nationales en Colombie et la révolte au Chili en octobre 2019, qui aurait pu ouvrir la voie à la révolution mais n’a pas dépassé le caractère de révolte, canalisée par la Constituante puis par le gouvernement Boric.

Cette vague s’est interrompue à cause de la pandémie de coronavirus, mais après les premiers confinements, la lutte des classes est revenue en force, aux États-Unis notamment, avec le déclenchement du mouvement Black Lives Matter, un processus de mobilisations en réponse au meurtre de George Floyd, un Afro-américain tué par la police, auquel plus de 25 millions de personnes ont participé.

Dans le contexte d’inégalité et de précarité croissantes aggravé par la pandémie, l’inflation – qui touche surtout les prix des aliments et des carburants – agit comme un déclencheur de conflits sociaux et politiques.

Nous voyons ainsi déjà les premières réponses ouvrières et populaires à cette nouvelle situation. Elles vont de luttes pour les salaires chez des secteurs de la classe ouvrière organisée à des révoltes et des soulèvements. »

Les gilets jaunes, première expression d’une vague révolutionnaire mondiale, qui aurait réussi « une rébellion majeure contre le gouvernement Macron?

Quel fantasme ! Voilà où mène le rejet de la compréhension réelle de la situation mondiale, qui est celle de la bataille pour le repartage du monde.

Catégories
Politique

Scission d’un NPA qui se brise sur la crise

Il n’a pas compris que le monde avait changé.

Le monde a totalement changé en 2020 avec la pandémie, et il continue de changer à grande vitesse. Le capitalisme continue sa vie sous perfusion, alors qu’on se précipite dans la 3e guerre mondiale. Tout s’accélère, à tous les niveaux, et en même temps tout stagne.

Il faut beaucoup de finesse et d’outils afin d’être en mesure d’appréhender cela, et le Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) fondé en 2009 n’a rien de tout ça. La raison est simple : c’est une structure à vocation purement militante, dont le mot d’ordre est vogue la galère. On milite et puis on voit.

Le résultat est une convergence permanente avec le secteurs du capitalisme permettant le plus une remise en cause du conservatisme, ce que nous appelons sur agauche.org le turbocapitalisme. Autrement dit, à l’instar des Démocrates aux États-Unis, le NPA surfe sur les nouveautés « subversives » du type LGBT ou les migrants, alors que ce sont juste des espaces nouveaux pour le marché capitaliste.

Pour que ça tienne, il ne faut surtout pas penser, le NPA est donc obligé de tout le temps surenchérir dans le populisme anticapitaliste et de pratiquer du militantisme en mode fuite en avant. Cela produit une hystérie interne ininterrompue.

Cette situation du NPA a produit un psychodrame lors de son congrès des 9, 10 et 11 décembre 2022 à la Bourse du travail de Saint-Denis. 210 délégués y représentaient 1466 votants, pour un peu plus de 2000 militants revendiqués. Le rapport des forces donnait la chose suivante :

Plate-forme A6,21 %91 voix – 13 délégués
Plate-forme B48,50 %711 voix – 102 délégués
Plate-forme C45,29 %664 voix – 95 délégués

La plate-forme A revendiquait le maintien de l’unité du NPA. La plate-forme B rassemblait la direction historique issue de la Ligue Communiste Révolutionnaire qui a donné naissance au NPA.

La plate-forme C est en opposition à cette direction historique. Elle l’accuse de vouloir être, dans l’espoir d’apparaître comme un pôle radical étant la véritable solution, absolument de la partie auprès de la NUPES, de Jean-Luc Mélenchon, des socialistes. La plate-forme C veut faire la même chose mais totalement en dehors de la Gauche gouvernementale.

Cette situation était particulièrement désagréable humainement parlant, puisqu’on parle de gens qui « militent » et qui n’ont aucun recul, et ne veulent pas en avoir. Cela a donc terminé en mépris, haine, rancoeur, etc., sans que personne ne l’emporte réellement de par le rapport de force à 50/50.

C’est ce qui a provoqué le départ du congrès de la Plate-forme B, pour continuer toute seule le NPA dans un contexte considéré comme celui de fortes mobilisations sociales.

Elle espère pour cela profiter d’une continuité formelle, puisqu’elle profite de l’ensemble des porte-paroles du mouvement : Philippe Poutou, Olivier Besancenot, Christine Poupin et Pauline Salingue. On parle là de gens liés à la LCR : Christine Poupin y a adhéré en 1980, Olivier Besancenot en 1991, Philippe Poutou en 2000, Pauline Salingue adhère aux jeunes de la LCR en 2001 avec ses deux parents à la LCR.

La plate-forme C dit exactement la même chose : elle aussi entend continuer toute seule le NPA dans un contexte considéré comme celui de fortes mobilisations sociales.

Tout cela n’a guère de sens, mais pour ces gens il n’y a pas besoin d’en avoir. On n’a pas affaire à une Gauche programmatique, mais à des réseaux militants qui se la jouent révolutionnaires en apparence alors que leurs activités sont toujours finalement syndicales ou associatives. C’est on ne peut plus urbain, jeune, petit-bourgeois ou bourgeois, avec toujours un pied dans le monde universitaire, du côté des étudiants comme des chercheurs et professeurs.

C’est la vaine agitation gaspillant les énergies, avec une démarche très facile à caricaturer pour l’extrême-Droite. C’est un exemple à ne pas suivre!

Et cela s’effondre forcément sur les écueils de la crise. La crise du capitalisme ouverte en 2020 exerce une pression terrible, sur tous les plans, sur tout le monde. Il y a ceux qui savent y faire face, d’une manière ou d’une autre, et ceux qui sont mis de côté, d’une manière ou d’une autre.

Le NPA n’a pas été à la hauteur ici, au point de ne même pas avoir vu la crise, de s’imaginer que tout est comme avant ! Le résultat est le ratatinement – on ne peut même pas parler d’effondrement, là cela aurait eu au moins sa part de dignité.

Catégories
Politique

« Révolution permanente » fonde son parti : la situation française (2)

Un second aspect du projet : la situation de la France.

Le groupe « Révolution permanente » annonce la formation d’un nouveau parti fin décembre 2022. Il justifie cela par la nécessité de rassembler la contestation révolutionnaire. Que dit le document sur la France au sujet de la situation présente?

On trouve un panorama de la France qui est, de prime abord, le même que présenté sur agauche.org, et même lire ce que dit « Révolution permanente » prête à sourire. La France serait une puissance déclinante, en perte de vitesse, débordée par l’Allemagne, frappée par la crise.

Sa situation va être celle de l’instabilité, plus rien n’est même de son ressort, elle est dépassée par les événements.

Tout cela est vrai. C’est résumé ainsi :

« Comme le reste de l’Europe, la France est frappée par la crise économique et l’aiguisement des tensions entre puissances dans le cadre de la guerre en Ukraine. Cette situation vient aggraver des éléments de déclin de sa puissance.

C’est le cas notamment de sa position en Europe, qui subit le contrecoup du basculement allemand vers une politique de plus en plus unilatérale. Ce changement de stratégie a été symbolisé par le choix de l’Allemagne d’initier une remilitarisation de son pays.

Non seulement ce renforcement de l’Allemagne sur le terrain politique international vient remettre en cause la position française de leader européen sur le terrain militaire, mais elle affaiblit le couple franco-allemand qui était un point d’appui essentiel pour l’influence française en Europe. »

Très bien, bravo ! Sauf que cette explication est abandonnée au bout de quelques paragraphes. Ce qu’on trouve après pendant des lignes qui n’en finissent pas, cest une dénonciation d’Emmanuel Macron et du « macronisme ».

Tout ça pour ça ?!

C’est assez typique des gens qui nous lisent et que nous influençons, directement ou indirectement. Ils prennent les grandes idées. Seulement, ils n’ont pas le niveau pour les assumer, alors ils agissent en contrebandiers.

On passe ainsi d’un haut niveau de perspective à des propositions d’un niveau faible, associatif, syndicaliste.

Ici, on passe d’une lecture historique-stratégique d’une France en déclin à un catalogue de luttes sociales qui depuis plusieurs années formeraient soit-disant une formidable actualité révolutionnaire, avec toujours les « gilets jaunes » en centre de mire.

C’est totalement incohérent. On passe de la notion de crise comme générale, complète, absolue même si on veut… à un combativité présentée comme « révolutionnaire » alors qu’elle est néo-réformiste.

Autrement dit, si l’on veut caricaturer, le texte commence en disant de manière succincte que c’est la fin du monde et que les carottes sont cuites pour la France, pour ensuite tartiner pendant des pages qu’il faut concurrencer la NUPES, la gauche gouvernementale en général.

C’est typique : au lieu de voir une crise historique, une crise du mode de production capitaliste, le néo-réformisme se tourner vers la crise gouvernementale, ou bien de régime.

Voici ce qui est proposé comme solution par « Révolution permanente » :

Une orientation qui défende un programme offensif pour refuser de payer la crise, mais qui ne se limite pas au terrain économique.

Contre l’offensive autoritaire et le durcissement du régime, utilisé pour attaquer nos droits, il faut exiger d’en finir avec la Vème République et ses dispositifs d’exception et défendre un programme démocratique radical, à commencer par la suppression de l’institution présidentielle, du Sénat et la création d’une chambre unique concentrant les pouvoirs législatifs et exécutifs dont les membres seraient élus pour deux ans et révocables.

Dans une période de crise où les attaques pleuvent contre les personnes minorisées, le mouvement ouvrier doit également reprendre haut et fort les revendications de celles et ceux qui luttent contre les oppressions, en s’alliant avec les mouvements anti-racistes, féministes, LGBT ainsi qu’avec la jeunesse, organisée dans le mouvement étudiant ou le mouvement écologiste.

Ces mouvements, au sein desquels des ailes radicales se détachent, reprenant à leur compte la question de la « grève » appliquée à leurs luttes, ont joué et continueront à jouer un rôle important dans l’opposition au gouvernement. Porter en leur sein une politique pro-ouvrière mais aussi révolutionnaire sera décisif. »

C’est là typique du néo-réformisme : il est parlé de crise d’ampleur, et la solution serait de modifier le régime en s’appuyant sur des contestations sociale. Et tout cela est présenté comme révolutionnaire… Quelle escroquerie, si caractéristique d’une lecture petite-bourgeoise du monde!

Catégories
Politique

« Révolution permanente » fonde son parti : l’organisation (1)

Un premier aspect du projet : la forme de la structure.

Issu du Nouveau Parti Anticapitaliste (dans lequel on trouve notamment Olivier Besancenot et Philippe Poutou) dans lequel il était une tendance, le groupe « Révolution permanente » annonce la formation d’un nouveau parti fin décembre 2022.

Des comités, rassemblant 400 personnes, se sont montés à ce sujet, débattant de trois textes :

Il est important de se confronter à ces documents, car il s’agit là d’une proposition stratégique pour la révolution en France. Soit c’est juste d’une manière ou d’une autre et il faut soutenir cela d’une manière ou d’une autre, soit c’est erroné et alors il faut le critiquer d’une manière ou d’une autre.

Cela dépend de ce qui est principal et il faut juger sur pièces, même si naturellement le nouveau parti fera immanquablement partie de la « Fraction trotskyste – Quatrième Internationale (FT-QI) », un regroupement international dont la principale base est en Argentine.

Que dit « Révolution permanente »? Que le nouveau parti est un facteur de recomposition à l’extrême-gauche :

« Dans un contexte de reflux de ce courant et de crise et marginalité des principales organisations de l’extrême-gauche, poser aujourd’hui la nécessité d’une refondation de la gauche révolutionnaire est décisif. Celle-ci doit offrir aux nouvelles générations militantes qui se politisent et se radicalisent un cadre politique et organisationnel, et permettre d’engager un renforcement substantiel des révolutionnaires et de leur capacité à influer sur les évènements à venir. »

Est-ce juste? Non, ça ne l’est pas. Ce qu’on a d’ici exposé, c’est la conception d’ultra-gauche opposée à la Gauche historique. Au lieu de mettre en avant les idées, la conscience politique, on met en avant le spontanéisme et l’actionnisme.

C’est une ligne capitularde sur le plan du combat des idées, au nom de pouvoir « influer sur les événements » à tout prix.

Comment « Révolution permanente » conçoit-il la crise? Il est expliqué que :

Depuis 2016, un nouveau cycle de lutte des classes s’est ouvert en France. Celui-ci a vu s’enchaîner des mobilisations de quasiment tous les secteurs des travailleurs, mais de façon dispersée et désynchronisée : les grands bastions du privé et la jeunesse en 2016, les cheminots et la fonction publique en 2018, les secteurs paupérisés de la France périurbaine avec les gilets jaunes, les travailleurs des transports principalement en 2019 pour les retraites, de nombreuses entreprises du privé dans le cadre de luttes contre les licenciements et pour les salaires à partir de la fin du premier confinement en 2020. Des mobilisations ouvrières auxquelles il faut ajouter les dynamiques de la jeunesse, lycéenne et étudiante, mobilisée dans ses lieux d’étude et dans la rue pour le climat, contre les violences sexistes, pour les droits LGBT ou contre le racisme et les violences policières.

2016 a marqué un saut dans la crise organique en France, avec l’enchaînement par le gouvernement Hollande-Valls d’une offensive liberticide sans précédents à la suite des attentats de 2015 et d’une réforme pro-patronale du code du travail qui a entraîné un mouvement interprofessionnel puissant

Il est totalement absurde de voir en l’année 2016 un tournant de quoi ce soit. C’est là attribuer à des contestations petites-bourgeoises comme « Nuit debout », les LGBTQ, les « post-coloniaux » ou ensuite les « gilets jaunes » une valeur révolutionnaire subjective, alors qu’en réalité c’est 2020 qui ouvre objectivement la période de la crise fondamentale du capitalisme.

Quelle forme d’organisation prône « Révolution permanente »? Cela n’est pas clair du point de vue français. Il est dit :

« Il est évident qu’une forme de centralisation est indispensable. C’est pourquoi la nouvelle organisation se dotera d’une direction politique, élue par le congrès selon les règles établies dans la charte statutaire.

Cette centralisation n’est cependant pas contradictoire avec la plus large démocratie interne, avec la possibilité pour chaque militant de contester l’orientation proposée par la direction et de chercher à convaincre l’organisation, à condition, bien entendu, de ne pas faire obstacle à la mise en œuvre de l’orientation une fois que celle-ci a été adoptée par une majorité de militants. »

On aurait pu commencer directement par là. En effet, le nouveau parti, avec une telle démarche, ne peut pas exister en France. En Argentine, peut-être, mais en France ce n’est même pas la peine d’y compter.

Pourquoi? Parce qu’il n’y a pas le droit de tendance.

Non pas que le droit de tendance soit une bonne chose, bien au contraire. Mais il n’existe que trois courants pouvant assumer l’absence de droit de tendance, et « révolution permanente » n’en fait pas partie.

Les socialistes français et l’ensemble du courant trotskiste qui, dans les faits, se rattache à cette tradition « socialiste français », considèrent le droit de tendance comme absolument sacré.

Partant de là aucun parti ne peut se monter en France du côté socialiste ou trotskiste sans droit de tendance. C’est impossible en raison du poids des traditions et de la vision du monde.

Il y a des courants anti-droit de tendance, mais ils relèvent inversement de la tradition communiste, au sens le plus large.

En fait, on ne trouve pas non plus de droit de tendance dans la social-démocratie historique. Il n’y a jamais eu de droit de tendance dans la social-démocratie allemande, autrichienne, tchèque etc. avant 1914, et même après dans la social-démocratie devenue réformiste, ce droit de tendance n’a pas existé, et ce jusqu’à aujourd’hui. Mais en France il n’y a jamais eu de social-démocratie, seulement un « socialisme français » né du rassemblement assumé des tendances différentes en 1905.

Pour ces raisons historiques, on ne trouvera pas de droit de tendance du côté de la tradition communiste :

  • dans les mouvements liés au PCF des années 1980, parce ce qui compte c’est la « tradition » (PRCF, PCRF) ;
  • dans le maoïsme avec le PCF(mlm) au nom de la centralité de l’idéologie produisant une ligne rouge (et une seule) ;
  • dans le courant dit pro-albanais qui se pose comme constructif, unificateur, anti-idéologique, anti-sectaire (PCOF, Unité communiste ou encore les restes du « PC maoïste » fondé par un renégat du maoïsme passé au PCOF et inventant ensuite un maoïsme « albanais »).

« Révolution permanente », au-delà des erreurs subjectives de fonder un mouvement rassembleur de la « nouvelle » contestation, fait face ici à un obstacle insurmontable. De par sa base sociale, petite-bourgeoise dans l’esprit et pour la plupart y compris dans le fond, le « démocratisme » en son sein prédomine, et le droit de tendance est incontournable.

Il n’est ainsi pas possible de monter en France un parti centralisé à partir d’un tel matériau humain.

Catégories
Politique

Révolution permanente : contre la Gauche historique

Le trotskisme cherche à se renouveler.

Révolution permanente a tenu son université d’été avec 500 personnes, ce qui est une grande défaite du point de vue numérique pour cette organisation trotskiste. On parle en effet de la seule structure « militante » qui a su, ces derniers mois, impulser une réelle dynamique. Cependant, l’époque n’est pas du tout à un essor « militant », bien au contraire même.

Notons tout de suite quelque chose d’important : Révolution permanente prétend être un nouveau phénomène, une nouvelle vague militante pour la première fois depuis 40 ans, avec des centaines de personnes dans une organisation tout à fait nouvelle. C’est tout à fait faux.

Tous les 5-10 ans, il y a une nouvelle structure « militante » qui se développe, récupérant plein de gens de partout pour les épuiser rapidement et finir par s’étioler. Il suffit de penser à la très grande vague d’adhésion et d’activisme qu’a connu le syndicat d’esprit anarchiste CNT au début des années 2000, ou encore le Nouveau Parti Anticapitaliste à la toute fin des années 2000. Auparavant, dans les années 1990, on avait eu également Socialisme International, ou bien les Jeunesses Communistes Révolutionnaires – Egalité. Des militants très nombreux, aguerris, hyperactifs, hyperproductifs. Qu’en reste-t-il ? Strictement rien.

Révolution permanente est justement sortie du Nouveau Parti Anticapitaliste au milieu de l’année 2021, après avoir tenté de pousser son propre candidat à la présidentielle, ce qui a fait du bruit mais n’a pas été concrétisée par un développement. L’université d’été a été prétexte pour parler de former une « nouvelle » organisation révolutionnaire, cela avait d’ailleurs déjà été annoncé en juin 2022. Révolution permanente a annoncé que cette nouvelle organisation sera fondée durant l’automne, sous la forme d’un « Parti ». Voici le meeting de l’université d’été par ailleurs, qui comptabilise moins de mille vues.

C’est que Révolution permanente est, comme toute structure trotskiste, fondée sur une lecture cosmopolite des choses. Il est parlé des choses en général et toute question ne pourrait avoir qu’une réponse mondiale, dans un horizon lointain, très lointain. C’est d’ailleurs une structure dépendante de la Fraction trotskyste – Quatrième Internationale, dont la base est en Argentine et sa seule nature est revendicative, suivant le principe du « Programme de transition » de Léon Trotski où en mettant de l’huile sur le feu des revendications, on arriverait par miracle à une « révolution » mondiale.

Et comme on parle de trotskisme renouvelé, les travailleurs sont vus à travers le prisme post-moderne des « races », des LGBTQ, de la « radicalité » étudiante, d’une liste d’oppressions sous la forme de catalogue, car le socialisme… cela ne « suffit » pas en soi. Daniela Cobet de Révolution permanente dit ainsi :

« Pour renverser le capitalisme, la classe ouvrière, et pas uniquement les prolétaires en bleu de travail, a un rôle central parce qu’elle est au cœur de la production. Mais son combat ne peut se mener qu’en alliance avec l’ensemble des opprimés en lutte, et en portant leurs revendications spécifiques. »

C’est très exactement le discours américain contre le « classisme », le racisme, le sexisme, et autant de « -ismes » que l’on voudra. On a ici des gens qui ne connaissent pas l’Histoire du mouvement ouvrier, qui d’ailleurs la réfutent au nom du trotskisme, et qui accompagnent la diffusion des valeurs libérales et communautaires, bref l’élargissement du marché par l’atomisation individuelle. C’est présenté comme le « véritable » marxisme, la véritable radicalité, alors que c’est anti-historique et cosmopolite, totalement hors-sol et avec un esprit de contestation étudiante.

Révolution permanente racole tellement qu’ils ont réussi à employer à leur service Jean-Marc Rouillan (dont on peut entendre le point de vue ici), ancienne figure de l’organisation de lutte armée Action Directe. Jean-Marc Rouillan avait par ailleurs rejoint le Nouveau Parti Anticapitaliste depuis de nombreuses années et a toujours représenté les pires traditions anarchistes dans Action Directe. C’est un peu le désastre d’ailleurs ici, car on a affaire à une vente opportuniste à la découpe, puisqu’il y a les deux romans de 2022 directement « Action Directe » La Fille de Deauville de Vanessa Schneider (une journaliste et essayiste politique) et La Vie clandestine de Monica Sabolo (Voici, Elle, Grazia, etc.).

Tels sont les temps, où il faut vendre pour exister, racoler pour faire agir, etc. Révolution permanente tente concrètement de suivre les modes capitalistes, principalement américaines, pour se présenter comme l’aile « radicale » d’un libéralisme libertaire en lutte contre toutes les oppressions, notamment la « transphobie ».

C’est la ligne anti Gauche historique. Anasse Kazib, principale figure de Révolution permanente en tant que porte-parole, résume bien cette démarche en disant à l’université d’été que :

« Le stalinisme a transformé le marxisme en caricature, nous on revendique un marxisme qui prend en compte l’ensemble des oppressions, et on veut construire une organisation révolutionnaire à l’image de cette salle, remplie d’ouvrières et d’ouvriers, d’étudiantes et d’étudiants, de femmes, de personnes LGBT, racisées, etc. »

Le prolétariat ne suffit pas, le Socialisme en suffit pas : il faut quelque chose en plus. Cette ligne trotskiste a toujours été le fond même faisant converger trotskisme et fascisme. Et ce n’est qu’un début : moins le prolétariat se bouge, plus il faut des fictions comme les LGBTQ pour prétendre à la radicalité. Et lorsque le prolétariat se bougera vraiment, il y aura encore plus de fictions pour le tromper, pour le pourrir de l’intérieur, pour agir comme cinquième colonne.

Catégories
Politique

Décès d’Alain Krivine, figure majeure de l’opération d’escroquerie trotskiste à la suite de mai 1968

Le succès de l’opération a été immense.

Alain Krivine est tout à gauche

Il est un film qu’il est très utile de voir : Mourir à trente ans, un documentaire de 1982, qui retrace la prétendue naissance de la Jeunesse Communiste Révolutionnaire au milieu des années 1960, avec le jeune Alain Krivine à sa tête. De manière scénarisée, il est expliqué que des jeunes, révolutionnaires sincères, rompent avec le Parti communiste « stalinien », fonde d’eux-mêmes une petite organisation qui réussit de par sa sincérité et son engagement à se formaliser comme une structure politique d’envergure, la Jeunesse Communiste Révolutionnaire, jouant un rôle éminent en 1968, fondant dans la foulée une Ligue Communiste, devenant le Front Communiste Révolutionnaire, puis la Ligue Communiste Révolutionnaire, puis le Nouveau Parti Anticapitaliste (en 2009).

Cette affiche de mai 1974 reprend très exactement ce qui est une narration esthétisée-romantique visant à piéger les gens. Même la page wikipédia de la Jeunesse Communiste Révolutionnaire reprend cette fiction.

En réalité, la Jeunesse Communiste Révolutionnaire a été un montage politique mis en place par les trotskistes du Parti communiste internationaliste. Complètement isolés politiquement après 1945, les trotskistes se sont divisés sur les moyens de se développer. La tendance du Parti communiste internationaliste a opté pour le masque gauchiste, cherchant à recruter à la fois de manière secrète et à proposer des fronts factices pour recruter en trompant. Alain Krivine, né en 1941 et qui vient de décéder, a ainsi été recruté puis a continué d’agir comme « taupe » dans l’Union des Etudiants Communistes, pour organiser une rupture artificielle.

Cela amena la mise en place de la « Jeunesse Communiste Révolutionnaire », calibrée dans une forme théorisée par le trotskiste égyptien Michel Pablo, façonnant le fond de l’approche de la « Quatrième Internationale – Secrétariat unifié ». Il fallait se présenter selon Michel Pablo comme la plus favorable à toute contestation mondiale, suivant le principe que « tout ce qui bouge est rouge », afin d’obtenir du prestige. La Jeunesse Communiste Révolutionnaire avait comme slogan « Ho Ho Ho Chi Minh Che Che Guevara », s’affirmait en soutien des Black Panthers américains, du FPLP palestinien, du FNL vietamien, du FLN algérien (alors au pouvoir), même de la Chine maoïste, bref se présentait comme au centre du « jeu » mondial révolutionnaire, tout en ayant en réalité une idéologie trotskiste récusant par derrière concrètement tout ce qui était soutenu.

Afin de racoler au maximum, la Jeunesse Communiste Révolutionnaire d’Alain Krivine prônait également la promiscuité sexuelle (dénommée « amour libre »), un style branché, le droit de tendances dans l’organisation, etc. Dans ce jeu de la surenchère romantique, la Jeunesse Communiste Révolutionnaire a également affirmé que mai 1968 n’était qu’une répétition générale, cherchant à recruter en manipulant l’impatience révolutionnaire de la jeunesse.

Pour cette raison, elle fut amenée à organiser des structures clandestines non loin de la lutte armée, afin de se donner une aura révolutionnaire, multipliant les petits coups de force symbolique, menant à l’assaut contre un meeting fasciste en 1973 à Paris. Cette manifestation antifasciste ultra-violente, dont les maoïstes furent d’ailleurs une composante très importante (mais oubliée dans la « légende »), amena la dissolution par l’Etat de la Jeunesse Communiste Révolutionnaire / Ligue Communiste.

S’ensuivit alors un retournement complet de la ligne (le film « Mourir à trente ans » raconte justement jusqu’à ce moment-là cette histoire, en la romançant). Il fut adopté une ligne « militante » traditionnelle, avec un fort accent électoraliste et syndicaliste, maintenant une tradition de recrutement romantique en se posant littéralement comme aile gauche du Parti socialiste dans les années 1980. Ce processus d’opportunisme le plus complet se vit ajouter une dimension associative, et la prétention révolutionnaire s’édulcora toujours plus, jusqu’à la transformation en « Nouveau Parti Anticapitaliste » en 2009, rompant formellement avec le trotskisme.

Alain Krivine a accompagné toute cette vaste séquence, de 1968 à sa mort, étant le porte-parole historique seulement officiellement, mais en pratique aux manettes. Il a servi de caution historique légitimant les transformations idéologiques, permettant à son courant de maintenir une grande aura « révolutionnaire » depuis mai 1968, alors que dès 1973 toute la démarche de confrontation avait été jetée aux oubliettes. L’opération du Parti Communiste Internationaliste dans les années 1960 a marché à merveille : le petit groupe d’ultra-gauche a donné naissance à un mouvement « révolutionnaire » de masse – qui s’est en fait totalement intégré au paysage de la révolte fictive dans un capitalisme au consumérisme présent 24h sur 24.

Cela souligne l’importance des moments clefs : mai 1968 a donné cinquante ans d’élan à ce courant trotskiste, qui aujourd’hui est à l’agonie, ayant joué son rôle trompeur et néfaste.

« Mourir à trente ans » a également joué un rôle très important. Il a donné naissance à un mythe, induisant en erreur des jeunes à l’ultra-gauche qui, ne connaissant pas l’arrière-plan manipulateur et fictif, sont amenés à s’imaginer qu’il faut suivre le même « parcours » d’ultra-militantisme activiste pour forcer le cours des choses (avant 2020, tous les cinq ans il apparaissait en France un mouvement de ce type, disparaissant après un certain succès bien évidemment en fait artificiel).

Voici le film Mourir à trente ans, qu’il faut connaître pour sa « narration », et auparavant l’extrait romancé tiré de Mourir à trente ans concernant l’attaque meeting fasciste en 1973.

https://www.youtube.com/watch?v=L2zcAqBD-iA
Catégories
Politique

La candidature d’Anasse Kazib

Le style trotskiste argentin apporte-t-il un air frais ?

En présentant Anasse Kazib à la présidentielle, le « courant communiste révolutionnaire » du Nouveau Parti Anticapitaliste, dont le média est Révolution permanente, va au clash avec l’organisation mère. De son côté le NPA présente Philippe Poutou pour la troisième fois. C’est surtout un pari pour les premiers : celui de parvenir à fonder une nouvelle organisation à l’extrême-gauche, qui soit en mesure d’être moderne, dans l’air du temps et de prendre une large place dans le camp des travailleurs.

Par moderne, il faut clairement entendre quelque chose d’opposé à la Gauche historique. L’idée, c’est de combiner les gilets jaunes, le mouvement « black lives matter », les revendications sociales, les exigences sociétales LGBT, le combat contre « l’islamophobie »… en parvenant (sous une forme inversée) à une « dialectique des secteurs d’intervention », pour reprendre l’expression résumant la stratégie de la Ligue Communiste Révolutionnaire. La différence est que la Ligue Communiste Révolutionnaire dispersait ses militants dans les luttes, dans toutes les directions, dans les années 1980-1990, en espérant que tout se fasse écho. Là, il s’agit de donner un centre à un mouvement éparpillé, de construire l’organisation dans le feu de l’action.

Qui s’intéressera au fond théorique de l’approche peut lire « La catastrophe capitaliste et la lutte pour une organisation mondiale de la révolution socialiste », le manifeste trotskyste à l’origine de la démarche, ou bien se renseigner sur l’Argentin Nahuel Moreno, à l’origine de la variante dite « moréniste » du trotskisme. On parle ici d’une scission du courant dit « pabliste », terme venant de Michalis Raptis dit Pablo, qui a posé les bases de l’idéologie de la Ligue Communiste (Révolutionnaire) française, avant un recentrage.

Tout cela est bien compliqué, mais on peut voir les choses plus simplement. Il y a un grand vide politique : la Gauche française est hors-service. Il y a bien des partis électoralistes et une petite agitation militante, mais c’est sans valeur aucune historiquement, surtout alors que la crise arrive. Il y a donc l’exigence d’établir quelque chose de fort.

Et là, il n’y a pas 36 options. Soit on dit qu’il faut partir du parcours français, du mouvement ouvrier dans ses acquis et on entend réaffirmer la base qui a été corrompue pour X ou Y raisons. C’est la ligne de reconstruction d’un Parti Communiste, avec une évaluation différente de la période et de la source de la corruption, des communistes patriotiques du PRCF, des marxistes-léninistes du PC-RF et des maoïstes du PCF(MLM).

Soit on dit qu’il faut se fonder sur une tendance internationale, car la révolution est mondiale de manière immédiate, et surtout permanente. C’est le choix fait par le courant communiste révolutionnaire du NPA, qui propose ni plus ni moins que de reformer une organisation trotskiste de masse, prenant le relais de feu la LCR, feu le Parti Communiste Internationaliste… mais pas feu Lutte Ouvrière, qui est parvenue à se maintenir. Mais comme Lutte Ouvrière n’est pas mouvementiste, il y a une place à prendre, en théorie.

Il faut pour cela que cela soit juste, ou du moins que cela corresponde à un style français. Et on sait comment le trotskisme, avec son militantisme para-syndical révolutionnaire en mode léniniste, a eu un très important succès dans notre pays, depuis les années 1930 jusqu’aux années 2010. Le style argentin – car le courant communiste révolutionnaire du NPA est très clairement porté par la maison mère argentine – viendrait donc réactiver cela.

On va vite savoir si c’est le cas. Soit dans six mois un an, le pari est réussi et il y a une nouvelle organisation trotskiste avec un véritable écho populaire. Soit ce n’est qu’une illusion « activiste » déconnectée de la réalité nationale française.

Catégories
Politique

Le Courant Communiste Révolutionnaire veut former un Parti trotskiste

Ce courant est en train de rompre avec le Nouveau Parti Anticapitaliste.

C’est une polémique concernant un secteur bien particulier de la Gauche, mais dont la nature préfigure peut-être un thème important de demain. Il s’agit en effet de la question du « Parti », c’est-à-dire de l’organisation centralisée autour de principes bien déterminés. Le thème du Parti avait largement disparu ces dernières années, ou plus exactement ces dernières décennies. Il réémerge lentement mais sûrement, avec des organisations plus ou moins restreintes mais toutes se proposant comme un « canal » vecteur des bases de ce que doit être un Parti (on parle principalement ici du PRCF, du PCRF et du PCF(mlm), prenant respectivement comme modèle le PCF des années 1970-1980, des années 1960-1970 et des années 1940-1950).

La polémique dont on parle ici concerne le Nouveau Parti Anticapitaliste, dont une tendance, le Courant Communiste Révolutionnaire qui publie Révolution permanente, est en train de se faire dégager pour avoir clairement pris trop d’autonomie. Cependant, il y a à l’arrière-plan une conception fondamentalement différente de la notion de « Parti ». Le NPA assume de ne pas assumer cette forme, dans la tradition de la « Ligue Communiste Révolutionnaire » dont elle est issue, alors que le Courant Communiste Révolutionnaire prône de plus en plus l’établissement d’un Parti de type trotskiste.

Voici un extrait d’une critique faite à une autre tendance du NPA, L’étincelle (issue de Lutte Ouvrière où elle fut l’opposition de 1996 à 2008), qui publie Convergences Révolutionnaires. Le principe d’un NPA « abri » des courants trotskistes en perdition depuis dix ans est dénoncé au profit d’une réaffirmation idéologique assumée. C’est la ligne de la Fraction Trotskyste pour la Quatrième Internationale à la quelle appartient le Courant Communiste Révolutionnaire. Cette tendance troskiste est issue d’une scission de 1988 du courant trotskiste dit « moreniste » (de l’Argentin Nahuel Moreno).

« De notre point de vue, après plusieurs années de lutte de classes et de l’émergence d’une nouvelle génération ouvrière, en partie jeune et n’ayant pas sur ses épaules les défaites du passé, nous pensons qu’il existe en France un espace pour la construction d’une organisation révolutionnaire qui se propose de regrouper le meilleur de cette avant-garde autour d’un projet politique révolutionnaire clair et offensif.

Votre affirmation selon laquelle il n’y a pas encore les conditions pour la construction d’un parti révolutionnaire, en plus d’être anti-léniniste, permet surtout d’évacuer d’un revers de main tout bilan de ces dernières années de la lutte des classes et les expériences de construction des uns et des autres.

Ce n’est en aucun cas de l’auto-proclamation que de dire que ce n’était pas une fatalité que de passer à côté de tous ces phénomènes, de la loi travail aux gilets jaunes, en passant par la grève contre la réforme des retraites, ou encore les mobilisations antiracistes de la jeunesse.

Le renforcement du CCR, qui en 2016 était un petit noyau de militants essentiellement étudiants, est pour nous la démonstration, certes modeste et insuffisante au regard des défis qui sont les nôtres, qu’il n’était pas impossible de réussir à organiser quelques secteurs de cette avant-garde, à condition d’avoir un projet politique révolutionnaire et clairement délimité.

De notre point de vue, si le NPA avait eu dans son ensemble cette stratégie et cette politique, la réalité de l’extrême-gauche aujourd’hui pourrait être bien différente de la situation actuelle.

La routine de la diff de boîte et des discussions avec les collègues autour de la machine à café dont vous revendiquez un savoir-faire millénaire n’est heureusement pas la seule façon de militer et la classe ouvrière mérite davantage d’audace et de créativité de la part des révolutionnaires à un moment où la crise capitaliste va très probablement donner lieu à des explosions sociales encore bien plus importantes que celles auxquelles nous avons pu assister depuis 2016.

Elle mérite aussi une organisation politique qui soit autre chose qu’une succursale vaguement anticapitaliste de LFI, ou même un parapluie commun (de plus en plus étroit) censé protéger différentes petites chapelles trotskistes des intempéries de la réalité.

Catégories
Politique

« La catastrophe capitaliste et la lutte pour une organisation mondiale de la révolution socialiste »

Un manifeste d’un mouvement trotskiste international.

« La catastrophe capitaliste et la lutte pour une organisation mondiale de la révolution socialiste » est le manifeste de la Fraction Trotskyste-Quatrième Internationale. En France, c’est le Courant Communiste Révolutionnaire du Nouveau Parti Anticapitaliste qui la représente. En voici un résumé des thèses, en considérant qu’il est toujours intéressant de se tourner vers le document complet (par ailleurs très long).

Conformément à la tradition trotskiste il faut une Internationale pour relier les groupes actifs.

« La crise économique, sociale et politique ainsi que le dynamisme de la lutte des classes à échelle internationale renforcent l’urgence de la nécessité d’avancer dans la construction d’un Mouvement pour une Internationale de la révolution socialiste. »

Il y a une nouvelle génération porteuse de luttes.

« Le manifeste que nous publions aujourd’hui, rédigé par la Fraction Trotskyste – Quatrième Internationale, se propose de relancer le débat sur la nécessité d’un Mouvement pour une Internationale de la révolution socialiste. Il s’adresse à l’avant-garde de la jeunesse, du monde du travail et de tous les opprimés qui a pris part aux récentes vagues de rébellions populaires et aux grèves générales dans différents pays. Il s’adresse à celles et ceux qui ont été à la tête de luttes emblématiques comme Black Lives Matter aux Etats-Unis, comme la rébellion populaire chilienne, la lutte contre le coup d’État en Bolivie, la lutte des Gilets jaunes et les grandes grèves contre la réforme des retraites en France, la lutte du mouvement des femmes dans le monde entier, les occupations de terre, les grèves et les blocages (…).

De nouvelles générations ont émergé au cours des combats de ces dernières années, tant dans le cadre de mobilisations ouvrières qu’autour de revendications spécifiques du mouvement des femmes, qui a connu des avancées fondamentales en termes de capacité de lutte et d’organisation. D’autres mouvements ont également gagné en importance, à l’instar de la mobilisation contre la crise écologique, au sein de laquelle la jeunesse joue un rôle central »

La crise a commencé en 2008.

« La pandémie a conduit à un saut dans la crise économique mondiale, qui était irrésolue depuis 2008, après la faillite de Lehman Brothers. Une fois de plus, les États ont sauvé leurs entreprises alors que des millions de personnes perdaient leur emploi ou étaient obligées de travailler dans des conditions précaires (…).

Les nouveaux secteurs de la jeunesse, des femmes et du monde du travail qui aujourd’hui commencent à lutter pour un ensemble de revendications dont la résolution intégrale et définitive est impossible dans le cadre du capitalisme, peuvent être le point d’appui pour une nouvelle recomposition de la gauche révolutionnaire à échelle internationale.

Nous nous référons tout particulièrement à ce que l’on appelle aujourd’hui la « génération Z », composée de jeunes âgés de 16 à 23 ans et qui avaient moins de 10 ans lorsque la crise de 2008 a éclaté. »

La classe ouvrière doit s’allier aux « secteurs opprimés ».

« A travers différents mécanismes, allant de l’annualisation des heures de travail, la constitution de comptes-temps dans les entreprises et d’autres outils de précarisation et d’attaques contre les conquêtes du monde du travail, le capitalisme a démontré qu’il ne développe la technologie qu’à condition que celle-ci permette d’accroître ses profits, et non en fonction des besoins de la population.

Cette puissance sociale du monde du travail ne peut gagner que si elle entreprend de liquider le capitalisme impérialiste. Sur cette voie, elle doit s’articuler politiquement avec les revendications de l’ensemble des secteurs opprimés (…).

Depuis le Collectif inter-gares [en France], hérité de la grande grève ferroviaire de 2018, et le Comité Vérité et Justice pour Adama, nous avons défendu, dès les premières actions des Gilets jaunes, ce qui s’est appelé le « Pôle Saint-Lazare ». Ce pôle de travailleurs, de jeunes et de secteurs des quartiers populaires, appelait à marcher ensemble, depuis la gare Saint-Lazare, pour ensuite rejoindre les Gilets jaunes et manifester avec eux, sur la base de ses propres revendications (…).

Dans le même sens, nous entendons souligner l’importance qu’il y a à articuler les combats du monde du travail aux mouvements des femmes et des personnes LGBTI qui se sont massivement développé, à travers le monde. »

La défense des libertés démocratiques est un axe essentiel.

« En tant que révolutionnaires, nous luttons pour une démocratie ouvrière basée sur les organes d’autodétermination des masses exploitées. Nous nous situons en première ligne de la lutte contre toute attaque contre les libertés démocratiques. Dans l’État espagnol, aux côtés de nos camarades du Courant Révolutionnaire des Travailleuses et Travailleurs (CRT), nous avons défendu les revendications légitimes du mouvement démocratique en Catalogne pour le droit à l’autodétermination qui s’est exprimé ces dernières années à travers de multiples manifestations de masse, des mobilisations de la jeunesse et le référendum du 1er octobre 2017. »

Le Programme de transition de Léon Trotski est valide à condition de l’actualiser.

« Les revendications les plus immédiates que nous avons mises en avant doivent s’articuler à d’autres, de caractère transitoire anticapitaliste. Elles doivent chercher à construire un pont entre la conscience actuelle des masses et l’objectif du socialisme de façon à garantir de manière pleine et entière la mise en place des revendications que pose le développement de la lutte des classes. La crise du logement conduit à l’expulsion de millions de familles pauvres de leur domicile, avec la complicité des forces de répression.

Face à cela, nous exigeons l’expropriation des logements vides du parc immobilier contrôlé par les grandes entreprises de façon à répondre à cette crise. Nous exigeons également, entre autres, la nationalisation des entreprises stratégiques sous contrôle ouvrier dès lors que ces entreprises augmentent les tarifs des services dans les quartiers populaires. A travers ce programme, nous cherchons à unifier les revendications du monde du travail et à encourager le développement des luttes sectorielles en les liant à une lutte généralisée contre le gouvernement et l’État.

Les problèmes d’articulation entre les revendications de classe et celles d’autres secteurs populaires ont également été abordés par Léon Trotsky, dans les années 1930, dans sa théorie de la révolution permanente et dans le Programme de transition. Le monde d’alors était plus agraire et rural et moins urbain et industriel qu’aujourd’hui. La théorie de la révolution permanente n’oppose pas la lutte pour des revendications sociales ou démocratiques spécifiques à la révolution et au socialisme. Bien au contraire. En soulignant l’importance de ces revendications comme moteurs de la mobilisation des masses, elle rappelle que leur application intégrale et définitive est impossible si on la détache d’une lutte contre le capitalisme qui vise à en finir avec la propriété privée des moyens de production et qui conduise la société vers le communisme. »

La tentative de se tourner vers les mouvements populistes de gauche a été une erreur.

« Les expériences telles que celle du gouvernement Syriza, qui a appliqué le plan d’ajustement de la Troïka, ou de Unidas PODEMOS, qui s’est transformé en une béquille du PSOE au gouvernement, ont montré que les tentatives de canaliser les luttes sociales avec des formations politiques opportunistes, qui proposent des réformes minimales dans les cadres du système en éludant toute remise en cause de la propriété capitaliste, est le meilleur moyen pour que les revendications de ces mouvements soient écrasées ou détournées. »

Catégories
Politique

« Comment Joseph Staline a soutenu la création de l’État d’Israël »

Le média Révolution permanente lance une polémique idéologique.

Manifestation du Parti Communiste d’Israël à Tel-Aviv, 1948

« Comment Joseph Staline a soutenu la création de l’État d’Israël » est le titre d’un article du média Révolution permanente, qui lance une polémique opposant concrètement Trotsky à Staline, au sujet de l’État israélien. En effet, le premier État à avoir reconnu Israël est l’URSS de Staline et l’État israélien n’a tenu que grâce aux livraisons d’armes tchécoslovaques, soit d’un pays républicain traditionnel mais avec une immense influence communiste et soviétique.

D’où la condamnation par Révolution permanente :

« Staline a commis de multiples crimes contre la classe ouvrière dans le monde entier. Un de ses crimes fut le soutien apporté à la fondation de l’Etat d’Israël, à l’époque où les trotskystes dénonçaient le sionisme et ses conséquences pour les populations arabes comme pour les travailleurs juifs. »

C’est très étrange comme positionnement, pour deux raisons assez évidentes. La première, c’est que cette polémique est vide, sans aucune actualité. Il y a un côté gratuit, comme pour se présenter plus anti-sioniste que les anti-sionistes, avec au passage une dénonciation de Staline (ou l’inverse, on ne sait pas trop).

La seconde, plus secondaire mais néanmoins importante, est que cela ne rime à rien. Tout le monde sait très bien que le mouvement ouvrier, dans son histoire, a rejeté le sionisme, étant donné que c’est un nationalisme faisant un choix identitaire « au-delà des classes », même s’il y a eu de fortes tendances pro-communistes. Dans l’Internationale Communiste, il a été demandé à ces forces pro-communistes de faire un choix et Staline n’a jamais eu d’autres positions, comme d’ailleurs le prouvent les campagnes d’arrestations de gens accusés d’être des agents sionistes en URSS, après 1948, alors qu’Israël avait choisi le camp américain.

Le mouvement communiste pro-Staline en Israël avait une ligne similaire de dénonciation du sionisme comme idéologie.

« La lutte contre le sionisme n’a rien à voir avec l’antisémitisme. Le sionisme est l’ennemi de l’ouvrier, tant de celui de confession hébraïque que celui qu’il ne l’est pas » Joseph Staline

Alors pourquoi l’URSS a-t-il reconnu l’État israélien ? Tout simplement en raison de la destruction des Juifs d’Europe. En 1945, 250 000 Juifs sont sans abri en Europe de l’Ouest et ne savent pas où aller, sortant pour la plupart des camps. 10 000 choisissent de rester en Allemagne, 80 000 de partir aux États-Unis qui décident de les accueillir, 130 000 de partir en Israël. La problématique juive devient un thème incandescent de la politique internationale. L’ONU décide d’une partition, que l’URSS soutient, considérant qu’il y avait une perspective démocratique.

On peut considérer que cela a échoué et que cela ne pouvait qu’échouer, de par la nature du projet sioniste. Mais l’URSS n’a pas reconnu le sionisme, il a reconnu des gens vivant à un endroit, dans un contexte historique particulier, ce qui n’a rien à voir. L’article de Révolution permanente dit qu’il ne fallait pas une telle reconnaissance, au nom de la ligne de la « révolution permanente ». Mais il n’y a pas de « révolution permanente », il y a la réalité. Et cette réalité indiquait que dans la population juive mondiale, Staline avait un immense prestige en 1945, les communistes apparaissant comme ceux ayant vaincu les nazis.

Encore faut-il reconnaître les Juifs comme des êtres de chair. Et c’est là le problème : de par les traditions antisémites, les Juifs sont aisément une « abstraction ». D’où l’étonnement par exemple des anti-sionistes de papier devant la passivité des Israéliens face aux bombardements sur Gaza, alors qu’en même temps le Hamas leur envoie des centaines de roquettes. A un moment, il faut être sérieux et analyser la réalité, en suivant deux lignes : la démocratie et le peuple. Là on voit facilement que la révolution palestinienne sans les femmes palestiniennes et sans toucher les travailleurs israéliens, cela ne marchera jamais.

Mais les phraseurs n’ont pas besoin d’analyser la réalité. Ils ont juste besoin de phrases.

Catégories
Politique

Le cinquantième congrès de « Lutte Ouvrière »

L’organisation trotskiste Lutte Ouvrière a organisé en décembre 2020 son cinquantième congrès, dans un contexte évidemment très particulier.

Le véritable nom de Lutte Ouvrière, c’est l’Union communiste (trotskyste). Lutte Ouvrière est le nom de son journal, un nom qui vient lui-même de l’ancien nom de l’organisation, Voix Ouvrière, née en 1956 et interdite à la suite de mai 1968, comme plusieurs autres structures d’extrême-Gauche.

Cependant, c’est surtout en 1970 que cette organisation a réellement commencé à exister et à s’implanter dans le paysage français. Si les maos français ont eu énormément de mal à se structurer, malgré un grand écho avec la Gauche Prolétarienne, les trotskistes ont su se structurer de manière très rigoureuse et perpétuer leurs activités pendant longtemps.

Ce sont d’ailleurs trois organisations trotskistes qui prédominent à l’extrême-Gauche à partir du début des années 1970 et jusqu’à la fin des années 1990, et Lutte Ouvrière en fait partie. Si on voulait faire du travail syndicaliste à Force Ouvrière ou à l’UNEF, en se tournant vers le Parti socialiste, on allait dans les rangs de l’Organisation Communiste Internationaliste, la plus importante des organisations, vivant cependant à la marge des autres et étant monolithique.

Si on voulait un mode de vie décadent, avec l’amour libre, du romantisme sud-américain en appréciant Che Guevara, avec un activisme débridé en mode blouson de cuir et organisation de bons coup, avec en même temps un droit de tendances très prononcé, on allait à la Ligue Communiste Révolutionnaire.

Si par contre on voulait une approche à la fois sobre et livresque, avec une formation pratique fonctionnant par paliers, un certain sens de la conspiration, l’idée de préparer matériellement le grand soir en se tournant vers les travailleurs, c’était Lutte Ouvrière.

Dans la tête des gens, et même si c’est une caricature, l’OCI c’était une secte, la LCR un bordel efficace, Lutte Ouvrière les moines soldats. Lutte Ouvrière a usé et abusé de cette image en allant recruter à la sortie des lycées les plus prestigieux, avec l’idée de profiter de jeunes bourgeois « trahissant » leur classe.

La fête annuelle à Presles, à 30 km de Paris, relève également d’une mobilisation festive où l’image donnée est celle de quelque chose de très structurée, de très encadrée. Être à Lutte Ouvrière, c’était devoir s’habiller comme les travailleurs, sans aucune extravagance, avec un vocabulaire normé, pour se fondre dans le paysage.

C’était un moule et c’est ce qui fait que de toutes les organisations depuis les années 1970, c’est la seule à disposer d’une continuité impeccable dans sa presse avec Lutte Ouvrière, dans l’organisation des conférences Léon Trotski à Paris, ainsi que dans son organe théorique Lutte des classes ou encore la participation systématique aux élections.

Si ce moule s’est largement libéralisé, les fondamentaux n’ont pas changé. La programmatique reste entièrement fondée sur le programme de transition de Léon Trotski et les réflexes d’ultra-gauche reviennent à la moindre occasion. Lors du 50e congrès, il a été souligné que le confinement face à la pandémie n’était pas une solution, que l’État profitait de la situation pour embrigader et manipuler. De la même manière, Lutte Ouvrière est pour l’amour libre et contre le mariage, rejette la résistance armée anti-nazie pendant la seconde guerre mondiale, rejette l’idée d’un parti dirigeant au profit d’une démocratie ouvrière, etc.

En un certain sens, Lutte Ouvrière est la seule organisation qui a réussi à assurer une continuité depuis mai 1968. C’est d’ailleurs un danger pour elle, car la question qui en découle, c’est : tout ça pour ça ?

Cela n’ébranlera pas les rangs de Lutte Ouvrière, qui s’est toujours posée comme l’organisation en attente que les choses se décantent. Mais était-ce juste ou bien est-ce avoir raté la systématisation du capitalisme dans la société française ces cinquante dernières années ?

Les prochaines années, marquées par la crise, montreront ce qu’il en est : soit Lutte Ouvrière joue un rôle conforme à son orientation prise il y a cinquante ans, soit elle s’effondre pour n’avoir été qu’un accompagnement du capitalisme moderne.

Catégories
Politique

La «loi de sécurité globale»: discours baroques pour la «transition»

À défaut de critique de la société, la dénonciation gouvernementale est de mise et la « loi de sécurité globale » offre une course dans la démagogie. Celle-ci suit en pratique le « programme de transition » de Léon Trotsky.

On a atteint le fond niveau caricature. Pour Jean-Luc Mélenchon, le fait que l’État ne soit pas capable d’établir un réel second confinement ne compte pas : ce qui compte ce sont les élections et il faut donc dénoncer, quitte à inventer.

« Un régime autoritaire se met en place. Avec la loi «sécurité globale», les macronistes sont en train de mettre la France en cage. »

Il est vrai qu’il l’a dit lors de son premier meeting numérique, qui fut un succès avec plus de 200 000 personnes. Il faut bien trouver quelque chose à dire qui porte, à défaut d’avoir une critique de la société. On ne soulève pas les foules avec les droits des animaux ou la remise en cause de la société de consommation. Alors on dénonce le gouvernement et surtout le chef de l’État, profitant de la personnalisation de la Ve République.

Une telle démagogie est très rentable dans notre pays. Elle n’engage à rien, elle permet de jouer à se faire peur, de se donner une image très offensive ; c’est une petite passion à bas prix.

Naturellement, si on charge trop la barque, cela se voit tout de même. Enfin, si cela permet d’exister… Pour le Groupe Marxiste Internationaliste, par exemple, on est d’ailleurs au bord du grand soir. Non seulement il y a des grèves… mais même des manifestations ouvrières ! Et ce n’est pas tout : elles sont violemment réprimées, à coups de matraque et même de balles en caoutchouc ! Surréaliste.

« Les migrants, les grévistes et les participants des manifestations ouvrières savent que c’est bien la police républicaine ou les compagnies républicaines de sécurité qui distribuent les coups de matraque et tirent les balles en caoutchouc ! »

Pour la fraction l’Etincelle membre du NPA, on est pareillement à la veille du grand soir :

« Les dirigeants des États pourront peut-être faire taire, un temps, des journalistes ou des militants. Mais la répression n’a jamais pu faire taire une population déterminée. Tôt ou tard, un quelconque préfet sera contraint d’envoyer un message à ses chefs, comme le fit le chef des flics du tsar en février 1917 : « L’ordre n’a pu être rétabli à Petrograd ». Le plus tôt sera le mieux ! »

Il faudrait d’ailleurs, comme le demande Combattre pour le socialisme, un « gouvernement ouvrier » immédiat de remplacement :

« Pour le retrait/abrogation de la loi Sécurité Globale dans son intégralité ! Pour l’abrogation de la LPR, deux attaques d’une rare violence contre les libertés démocratiques ! Front Unique des organisations du mouvement ouvrier (CGT, FO, FSU) et UNEF ! Pour défaire Macron, qu’elles appellent à une : grande manifestation nationale au siège du pouvoir ! »

C’est là qu’on se dit : tout de même, il y a un dénominateur commun trop clair depuis Mélenchon jusqu’à ces groupes. Ce dénominateur commun, c’est le programme de transition de Léon Trotsky, un texte classique du trotskisme, pour ne pas dire d’ailleurs le texte classique. Son sous-titre résume bien l’objectif de l’ouvrage : « La mobilisation des masses autour des revendications transitoires comme préparation à la prise du pouvoir ».

Cette transition n’est pas celle menant à la révolution, mais à la phase révolutionnaire : il s’agirait de charger à fond quelques revendications pour prendre la direction du mouvement de masse. Une fois cela fait, on passe au programme révolutionnaire.

Cela revient strictement à ajouter de l’huile sur le feu en tentant de dépasser les revendications faites, comme en ce moment où le Nouveau Parti Anticapitaliste réclame le « désarmement de la police ».

Et c’est exactement le sens de la mobilisation du 28 novembre 2020, qui est une rencontre traditionnelle entre une Gauche gouvernementale, républicaine (voire « républicaniste ») et une gauche trotskiste cherchant à déborder à coups de revendications ciblées. Le 28 novembre a été un vrai fantôme des années 1980 !

Catégories
Écologie

Lutte Ouvrière prend position de ne pas prendre position sur la chasse

Lutte Ouvrière fait un exposé sur la chasse, mais repousse le problème à après la révolution.

Dans son organe théorique Lutte de classe, du mois de novembre 2020, Lutte Ouvrière aborde une question très importante, celle de la chasse. L’article, très documenté, est intitulé « La chasse, son business, les chasseurs et leur défense de la nature ». Il fournit de nombreuses informations intéressantes sur la chasse depuis 1789 et donc il vaut le détour.

Il est par contre incompréhensible dans son positionnement. On a en effet ici un exemple de contorsion typique de la Gauche rejetant la vie quotidienne. Le ton est toujours le même : il y a de la vérité de part et d’autre, tout est mal fait, ce n’est qu’après la révolution que etc.

Cela n’a évidemment aucun sens, comme le révèle ce court extrait, qui est trompeur car le document de Lutte Ouvrière est le fruit d’un vrai travail, mais enfin il faut quand même une vision du monde. On lit ainsi :

« Concernant la chasse, la question n’est pas d’en être partisan ou adversaire, de même qu’il est stupide de se positionner, comme le font les porte-parole de l’écologie politique, en défenseurs de la nature en l’opposant aux activités humaines.

Comme l’écrivait Engels, « nous ne régnons nullement sur la nature comme un conquérant règne sur un peuple étranger ».

Et il ajoutait, en citant plusieurs exemples des conséquences désastreuses du mode de production capitaliste sur l’environnement : « Ne nous flattons pas trop de nos victoires sur la nature, elle se venge sur nous de chacune d’elles. » (Dialectique de la nature, 1883). »

Intellectuellement, déjà, il est absurde pour des trotskistes de citer la « Dialectique de la nature », œuvre dont le concept élémentaire est à la base de l’approche du marxisme propre à l’URSS de Staline dans son interprétation de Lénine. Mais surtout la citation semble dire le contraire de ce que dit Lutte Ouvrière, car plutôt que de considérer que la chasse n’a pas d’impact sur la nature si forte, on peut très bien en déduire à l’inverse que la chasse est une prétention humaine qui va très mal terminer.

D’ailleurs, en cette période de pandémie, il est fort regrettable de ne pas aborder cette question des animaux sauvages pour chassés, sans parler des questions sautant aux yeux de l’humanité actuelle, mais apparemment pas de Lutte Ouvrière : la question de la valeur en soi de la vie sauvage, des forêts, etc.

De toutes manières, au-delà même de toutes ces questions, il y a celle de la dénonciation des beaufs, en bref de la vie quotidienne, et cela Lutte Ouvrière n’en veut pas. Pour elle, toute réponse est faussée car le capitalisme contamine tout. Il faudrait donc analyser les choses de manière neutre et se tourner vers la seule question, celle de la révolution.

Mais qu’est-ce que la révolution si ce n’est le fruit des contradictions d’une société ? Et comment peut-on être de Gauche sans considérer que le refus de la chasse est justement le produit d’une contradiction entre le passé et l’avenir ?

Lutte Ouvrière refuse d’être partisan, au nom d’une position « objective » qui n’existe pas, qui est une négation de l’existence de la société, des Français, de l’existence de ceux-ci dans leur rapport à la réalité, notamment naturelle. Exister, c’est forcément être partisan, parce que le moindre acte s’inscrit dans des rapports, positifs ou destructeurs. En refusant de prendre partie Lutte Ouvrière s’exonère d’une analyse des rapports dans la vie quotidienne… C’est une grossière erreur.

Catégories
Politique

Jean-Luc Mélenchon veut être le Cincinnatus de la Gauche

Les tambouilles-magouilles ont repris en cette rentrée et Jean-Luc Mélenchon dit ouvertement qu’il doit être le dictateur temporaire à Gauche pour rétablir celle-ci.

Fondée en février 2016, La France Insoumise s’est tout de suite posé comme objectif de siphonner tout ce qui relève de la Gauche en terme d’associatifs, de syndicalistes, de militants. Usant d’arguments populistes et démagogiques, le mouvement a alors permis à Jean-Luc Mélenchon de faire 19,58 % aux présidentielles d’avril 2017. L’ennemi, c’était en apparence le réformisme, mais en pratique surtout tout ce qui relevait de la Gauche historique.

Le mouvement est depuis retourné à sa source, se résumant à des activistes sans impact notable à part en certaines places fortes électorales et la question est bien entendu désormais de savoir que faire. Jean-Luc Mélenchon a envie de retenter les présidentielles, mais il sait que désormais il ne peut plus y aller frontalement. Il a un petit capital électoral et compte en profiter. Il s’ensuit un rapprochement discret et délicat entre une partie des socialistes et Jean-Luc Mélenchon.

C’est Lionel Jospin qui a servi pour cette articulation, une amabilité entre ex-trotskistes (du courant lambertiste, historiquement tourné vers le PS et la CGT-FO). Dans son livre Un temps troublé, sorti début septembre 2020, Lionel Jospin ne tarit pas d’éloges : Jean-Luc Mélenchon y est valorisé comme un brillant orateur, un admirateur de François Mitterrand, un homme réaliste sachant faire des compromis, intelligent, mais victime de son tempérament, etc.

Dans le Nouvel Obs (du 3 au 9 septembre 2020), Lionel Jospin dit encore de Jean-Luc Mélenchon qu’il a :

« su conquérir ce qu’il désirait : être reconnu, hors des bornes du Parti socialiste, pour son talent, ses intuitions politiques, son sens du verbe, et il a créé son propre mouvement, un mouvement qui compte. »

Cela a amené, dans le numéro suivant (du 10 au 16 septembre 2020), une discrète petite interview, en page 44. Discrète, mais un symbole très important : le Nouvel Obs est l’organe de la « gauche caviar », des cadres et banquiers de gauche, où les conceptions de Keynes et l’action sociale est valorisée entre des publicités et articles de consommation upper class (restaurants, montres, propriétés, voitures, habits, etc.).

Pourquoi ouvre-t-il la porte à Jean-Luc Mélenchon ? Par tentative évidemment d’aller à un compromis. Les socialistes auraient bien besoin d’une figure de proue pour imposer quelque chose aux élections et faire face à EELV. Jean-Luc Mélenchon n’a-t-il pas après tout passé toute sa vie au Parti socialiste ?

Le Nouvel Obs ouvre donc la porte et même deux fois, puisque l’interview publiée est une version largement remaniée d’une version publiée au préalable en ligne (« En réponse à Jospin, Mélenchon évoque une « nouvelle force politique » pour 2022 »).

Voici comment Jean-Luc Mélenchon propose un compromis aux socialistes :

« Dans le monde militant, les personnalités attentives comme lui sont rares ; encore plus dans les milieux dirigeants. Il [= Lionel Jospin] force le respect. Je ne me suis jamais senti en opposition avec lui, mais en divergence (…).

Au fond, Lionel Jospin est le premier dirigeant socialiste à vous dédiaboliser. Qu’avez-vous ressenti en le lisant ?

Une grande émotion. Il ouvre peut-être une nouvelle séquence, celle du dialogue et du débat respectueux.

Je ne cherche pas à l’instrumentaliser, à lui faire dire en ma faveur ce qu’il ne dit pas. Il existe des différences entre son point de vue, qui est celui d’un social-démocrate avancé, et le mien, celui d’un républicain écologiste anticapitaliste.

Il plaide pour la lucidité. Quelle différence avec tous les autres qui veulent mettre en parenthèses les dix dernières années, sans tirer les leçons ni de leurs effroyables déroutes ni de notre progressive ascension, et qui n’ont jamais répondu à aucune de mes offres d’ouverture !

Lionel Jospin nous voit « sans effroi ». Et il ouvre le dialogue, quoi de mieux ?

(…) Vous opposez le peuple à l’oligarchie, dont Lionel Jospin décrit l’hétérogénéité…

On ne parle pas de la même chose. J’admets la différence entre le patronat national et l’oligarchie. Le patronat national rend possible un compromis social.

C’est impossible avec l’oligarchie qui est consubstantiellement liée à la forme financière et transnationale du capital. Or c’est l’oligarchie qui domine. Elle a mis à son service une caste, c’est-à-dire tout un personnel dans les superstructures de la société qui se voue à la perpétuation du système.

(…) Que proposez-vous ?

C’est une majorité d’adhésion qu’il faut construire. C’est pour ça que je crois aux campagnes longues qui se donnent le temps de convaincre en profondeur. D’autant qu’il s’agit de gouverner dans la catastrophe climatique et la dislocation économique et politique du monde qui sont en cours.

Si je suis candidat, j’arriverai fort de mon bilan électoral, de mon expertise, muni d’un programme ouvert, d’une brillante équipe soudée idéologiquement, et décidée à fonder avec ceux qui l’auront voulu une nouvelle force politique.

Cette force sera celle de la génération suivante. Elle se construira en reformulant le programme et en menant la campagne. Gagnant ou perdant, rien n’aura été fait en vain. Il faut imaginer Cincinnatus heureux. »

Lucius Quinctius Cincinnatus relève de la légende historique romaine : la république est en danger et par deux fois, en 458 et 439 avant notre ère, on cherche un pauvre paysan qui devient dictateur pour rétablir l’ordre face aux ennemis de la République et dès qu’il a fini tout abandonner pour redevenir paysan.

Jean-Luc Mélenchon se propose en Cincinnatus. Il dit en fait : nommer moi candidat et je vous fonde un nouveau Parti socialiste, même si je perds vous en profiterez car moi je ne serai alors plus là. En attendant, de toutes façons je suis le seul « socialiste » à avoir une aura de masse.

Il veut rééditer le coup de François Mitterrand, qui vient du centre-droit mais qui en s’opposant à De Gaulle s’est placé comme la seule figure « populaire » de la Gauche. Il sait aussi qu’il pourra profiter, pour une tel projet, des différents courants trotskistes du NPA soucieux de se sortir de leur bourbier et, qu’à l’inverse, le PCF comprendra que cela ne peut se faire qu’à ses dépens, puisque l’idée, c’est une sorte de congrès de Tours à l’envers, afin de prendre le dessus sur EELV.

Cela se tient. Mais il n’en reste pas moins que c’est une sorte de lecture électoraliste-activiste en vue d’un programme de gestion, autour d’une figure connue, à rebours de la Gauche historique et de sa lecture historique des questions sociales, sur la base de valeurs portées par des partis.

Catégories
Politique

La question animale à l’exemple d’une critique des «abus»

C’est un exemple parlant du fait qu’en ce qui concerne la question animale, on ne peut pas faire semblant. La question a trop d’ampleur, de dignité, de profondeur pour l’aborder « en passant », comme si de rien n’était.

C’est une brève de Lutte Ouvrière, mais il ne s’agit pas de critiquer cette organisation, qui a eu au moins le mérite de chercher à prendre une position sur la question animale (Cause animale, véganisme et antispécisme), même si c’est finalement dans un registre anti-vegan traditionnel.

La voici :

« Élevage de canards dans le Sud-Ouest: Silence dans les rangs

L’association L214 a publié des images d’un élevage de canards dans les Pyrénées-Atlantiques, les animaux baignant dans leurs excréments et des cadavres en décomposition. C’est un ancien salarié qui a donné l’alerte et dénoncé les risques sanitaires pour les travailleurs et pour l’environnement, les excréments se déversant dans un cours d’eau.

Cet élevage avait pourtant reçu la visite de vétérinaires, qui n’y ont rien trouvé à redire ! Une responsable de l’association dénonce la collusion entre certains syndicats agricoles et les pouvoirs publics.

Les patrons de ces élevages-taudis voudraient pouvoir imposer le silence aux travailleurs. Ce sont eux, comme on peut le constater cette fois encore, qui sont les mieux placés pour dénoncer les abus. »

Il n’est pas difficile de comprendre le sens de cette brève. L’idée est simple : si vous cherchez à défendre les animaux, appuyez-vous sur les travailleurs, qui seuls ne dépendent pas des intérêts capitalistes : les patrons, eux, sont prêts à tout. Lutte Ouvrière cherche à happer des pro-animaux dans sa direction.

Sauf que Lutte Ouvrière n’a pas compris que pour les pro-animaux, il ne s’agit pas d’abus, mais de choses inacceptables. En ce qui concerne cet élevage de canards, c’est comme si Lutte Ouvrière disait : les ouvriers des centrales sont les meilleurs alliés des anti-nucléaires, les bouchers les meilleurs alliés des vegans, les militaires professionnels les meilleurs alliés des anti-militaristes, etc.

Et c’est là une question fondamentale : s’agit-il de reprendre la production capitaliste en l’améliorant, en la changeant, ou de modifier fondamentalement la production en s’appuyant sur le niveau déjà atteint en termes de technologie, d’industries, etc. ?

Autrement dit, s’agit-il de nationaliser, socialiser les boucheries, les centrales atomiques, la production de 4×4, les McDonald’s, les Kebab… ou bien de les supprimer ? Le socialisme est-il, finalement, le triomphe politique du syndicalisme général, qui s’approprie les entreprises, ou bien le socialisme est-il l’acte d’une classe et non des ouvriers pris séparément, décidant d’orientations nouvelles, d’une direction nouvelle pour la société ?

Lutte Ouvrière n’a jamais considéré qu’il fallait « révolutionner » la vie quotidienne, c’est donc normal que pour elle un élevage de canards ne peut connaître que des « abus » et non pas être une infamie. C’est pour cette raison que Lutte Ouvrière, dans les années 1970, n’a pas réussi sa fusion avec la Ligue Communiste Révolutionnaire, qui elle prônait la révolution dans la vie quotidienne, mais est passé finalement dans une démarche libérale-libertaire, dont le Nouveau Parti Anticapitaliste est le fruit.

Cette polarisation au sein du mouvement trotskiste au sujet de la question de la vie quotidienne se retrouvait également durant les années 1960 chez les marxistes-léninistes, avec un PCF conservateur et des maoïstes adeptes de la révolution culturelle.

La question animale ramène ce clivage, forcément. C’est d’ailleurs pour cela qu’Eric Dupont-Moretti, le ministre de la Justice pro-chasse, a pu être invité aux journées d’été d’EELV : jamais des gens alternatifs culturellement ne l’auraient fait. EELV a pu le faire, car elle n’est pas pour une révolution de la vie quotidienne.

C’est cela même la question de fond de ce qui se déroule en ce moment à l’arrière-plan, la fracture entre ceux qui veulent rester dans un certain cadre et ceux qui veulent rompre avec lui. La question animale apparaît ici comme l’aspect le plus flagrant, car le plus clivant, le plus net dans le traçage » des frontières.

Catégories
Politique

Une situation compliquée au NPA

Le Monde a publié un article à sensation sur un NPA au bord de la scission. C’est une manière apolitique de voir un véritable mouvement de fond sur le plan des idées.

Le Monde a publié un article racoleur intitulé « Le Nouveau Parti anticapitaliste menacé d’implosion », avec beaucoup de sensationnalisme. Le journal avait déjà présenté en 2012 le conflit entre la « majo » et les minoritaires avec beaucoup de bile (« Au NPA, bataille autour de l’héritage financier de la LCR »). Il faut y voir une part de rancœur, puisque la personne qui a écrit l’article, Sylvia Zappi, a été elle-même une militante pendant toutes les années 1980 de la Ligue Communiste Révolutionnaire, l’ancêtre du NPA.

Durant ces années, la LCR était une organisation extrêmement sérieuse, avec des permanents, des cadres de très haut niveau, une capacité d’intervention d’une grande efficacité. La LCR est partie avec succès à la conquête des « mouvements sociaux », notamment des structures associatives, et c’est justement cela qui a produit le NPA. Cela a marqué toutes les années 1990, avec l’apogée dans les années 2000. En 2007, Olivier Besancenot obtenait alors 1,5 million de voix aux élections présidentielles, dans le prolongement de cette image à la fois sociale et urbaine, non-idéologique et concrète. C’est très exactement la stratégie que mène actuellement le PTB en Belgique.

Le Nouveau Parti Anticapitaliste remplace alors la LCR en février 2009, avec pratiquement 10 000 personnes impliquées alors dans cette structure, soit trois fois plus que la LCR. Tout a cependant tout de suite raté. Il aurait fallu le double d’adhérents pour noyer les « militants » politiques et associatifs, voire le triple. Au lieu de cela, l’ambiance a été rapidement une bataille de tendances et de courants, avec de concurrences locales et au niveau de la direction. Le NPA a pratiquement été paralysé dès le départ et il est devenu inexistant électoralement, alors qu’il avait été pensé que justement c’était acquis à ce niveau.

En même temps, cela a fait un formidable d’appel d’air pour pratiquement toutes les organisations trotskistes, qui ne parvenaient plus à tracer de perspectives. Elles ont trouvé dans le NPA une certaine orientation de masse et se sont fondés là-dessus pour se développer et se structurer. L’une des formes les plus développées est autour du média Révolution permanente, produit par le Courant Communiste Révolutionnaire. L’année dernière s’est également fondée l’alternative communiste révolutionnaire.

Le choix de « communiste révolutionnaire » est évidemment une allusion à la LCR et au trotskisme en général (qui se définit comme « communiste » mais dans une version « révolutionnaire »). Cependant, il ne faudrait pas croire une seconde que l’objectif est de refonder la LCR. Il s’agit de fonder un NPA bis, qui aurait les mêmes principes que le trotskisme anglais, notamment avec le SWP (qui relève par contre d’un autre courant du trotskisme, il y en a à peu près sept désormais). C’est un mélange d’autogestion de type libertaire, avec par contre une lecture marxiste de l’État et une tactique trotskiste des revendications sociales.

Si l’on regarde bien, l’influence de cette démarche a été énorme et pratiquement toute l’extrême-Gauche a adopté cette approche, et ce même dans les cas où elle ne revendique pas du trotskisme (OCML-VP, UCL, PCM, etc.). L’idée est de se raccrocher à un « mouvement social » (donc évidemment les gilets jaunes), de soutenir la CGT, d’avoir des principes anti-oppressifs (racisme « systémique », « LGBT » etc.), de pratiquer le populisme au maximum (contre les policiers, les ministres, le président…) et de recruter (notamment sur les réseaux sociaux) en se présentant comme toujours plus revendicatif. Un NPA bis pourrait indubitablement disposer d’un certain écho.

Les « historiques » de la LCR n’ont par contre aucune envie de repartir sur ce qu’ils voient comme de vieilles lunes. Ils ne sont pas contre les interprétations postmodernes du marxisme, mais de là à devoir les porter soi-même, c’est une autre histoire. Ils sont pour une « realpolitik », quelque chose de pragmatique, des avancées au moyen de « coups » (comme les élections municipales à bordeaux avec Philippe Poutou, les interventions médiatiques d’Olivier Besancenot, etc.) Ils pensent qu’il suffit d’attendre pour voir La France Insoumise s’enliser et le NPA former une alternative crédible… à condition de tenir.

Comme on le voit, ce sont deux visions très sérieuses, très élaborées, et on ne peut nullement l’aborder comme le fait l’article du Monde. Le congrès du NPA en 2020 sera d’ailleurs forcément riche en points de vue, même si dans le contexte actuel, dans pratiquement six mois, cela veut dire que c’est dans une éternité.

Catégories
Politique

En 2009, naissait le NPA

En février 2009, naissait le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) avec un écho très large et une véritable dynamique de fond. Dix ans après, on s’aperçoit que cette organisation s’est totalement enlisée dans les valeurs post-modernes.

La naissance du Nouveau parti anticapitaliste s’est déroulée sous les meilleures auspices en 2009. Il s’agissait en effet du « dépassement » d’une organisation avec des cadres éprouvés, la Ligue communiste révolutionnaire (LCR). Solidement structuré, disposant de nombreux permanents, profitant d’une expérience à tous les niveaux, la LCR avait acquis une hégémonie véritable « à gauche de la gauche » à la fin des années 1980 et au début des années 1990.

Tout en perdant toujours plus son identité trotskyste, elle se renforçait dans tout le paysage associatif et son candidat aux élections de 2008, Olivier Besancenot, obtenait même 4,1 % des voix, soit 1,5 million de personnes le soutenant. Lorsque la LCR procéda à sa dissolution en janvier 2009, elle avait un peu plus de 3 000 membres ; deux jours plus tard le Nouveau parti anticapitaliste s’élançait et recrutait en masse, arrivant à plus de 9 000 membres.

Mais, en étant objectif, on peut voir que personne n’a compris ce qu’était le NPA. L’idée était telle pourtant que toute la gauche de la Gauche aurait pu rejoindre ce mouvement, qui n’a désormais plus que 2 000 membres, dont la moitié réellement concernée. L’ultra-gauche et la Gauche post-moderne n’existaient alors pas vraiment et il y avait un vrai vivier : en 2002, Olivier Besancenot avait déjà dépassé le million de voix, et Arlette Laguiller même les 1,5 million.

Les anarchistes n’étaient pas foncièrement hostiles au NPA et il y avait même déjà des « animalistes » prônant qu’on y adhère. Pourquoi alors n’a-t-il pas réussi à émerger, alors qu’en même temps Jean-Luc Mélenchon parvient avec succès à imposer le Front de Gauche et bientôt La France insoumise ? Au point d’ailleurs qu’il y eut trois vagues de départ de la NPA vers Jean-Luc Mélenchon (2009, 2011, 2012). Rappelons aussi que Jean-Luc Mélenchon avait proposé une alliance au NPA pour les Européennes de 2009.

La raison est simple : le NPA a gagné. Le NPA vient d’une tradition trotskiste prônant l’amour libre, les tendances, l’orientation autour des mouvements sociaux, la conquête des droits individuels, l’absence de formalisation autour d’une idéologie. Or, tout cela a triomphé. Le NPA et ses ancêtres ont été à l’avant-garde de la Gauche post-moderne et celle-ci existe désormais.

Tout le monde sait bien que les mœurs, au sein de la Ligue communiste avant-hier, de la Ligue communiste révolutionnaire hier, du NPA aujourd’hui, sont profondément libérales, c’est-à-dire foncièrement décadentes. La « Gauche » post-moderne est exactement ainsi. Il n’y a donc plus de place pour le NPA, qui ne peut que se ratatiner sur lui-même.

Ses membres ne savent d’ailleurs plus trop quoi en faire, puisqu’il ne reste que ceux liés d’une manière ou d’une autre à l’héritage trotskiste de la LCR, telle la majorité qui regroupe la moitié des voix et est très pro-zadiste, refusant tout « professionalisme » de la politique, à l’instar du sympathique mais ridicule Philippe Poutou.

Le reste du NPA reste bien plus affirmatif quant à cette tradition, ou bien plus syndicaliste. Il est aussi particulièrement divisé, travaillant souvent littéralement de manière indépendante (Anticapitalisme et révolution, Courant communiste révolutionnaire, Démocratie révolutionnaire, l’Étincelle).

Or, le souci principal est que si la majorité, à l’origine du projet de NPA, est pour aller dans le sens d’une unité très à gauche dans un sens gouvernemental (même si ce n’est pas dit ouvertement et que c’est une sorte de rêve combinant marxisme et anarchisme), les autres courants sont très hostiles à cette approche. Ils sont plus sur la ligne de Lutte ouvrière qui réfute tout « gouvernement transitoire », seulement ils ne peuvent pas rejoindre Lutte ouvrière car celle-ci s’arc-boute sur elle-même. Elle espère survivre suffisamment pour passer son tour et voir les cartes rebattues dans le futur.

Le NPA est donc littéralement coincé. En sortir reviendrait pour ses tendances à ne pratiquement plus exister, l’union étant le seul moyen de tenir. Mais rester, c’est pourrir sur pied et ne pas être capable de formuler de stratégie… C’est la preuve que quand culturellement, on baigne dans un milieu à la fois universitaire, étudiant, petit-bourgeois, on est dans un tel libéralisme qu’on ne peut qu’accompagner l’évolution des mœurs, mais en rien maintenir une identité et un cadre de gauche.

Catégories
Politique

Jean-Luc Mélenchon résolument pour la «PMA pour toutes», en parlant de «fin du patriarcat»

Jean-Luc Mélenchon s’était exprimé à l’Assemblée nationale lors des débats sur l’extension de la PMA. On aurait pu s’attendre à une dénonciation, puisque tout de même ce sont les libéraux qui la mettent en place et qui en ont défini le contenu. Ce n’est pas le cas : il soutient entièrement la mesure de La République en marche.

Jean-Luc Mélenchon vient du trotskisme. Par conséquent, il est culturellement contre la notion de famille naturelle et fort logiquement en faveur de la « PMA pour toutes ».

Reprenant les arguments historiques de l’ultra-gauche trotskiste, il y voit un rejet de l’institution familiale et même une victoire sur le patriarcat ! Voici ce qu’il a dit :

« Il n’y a pas de vérité biologique, il n’y a qu’une vérité : elle est sociale et culturelle. »

« Oui c’est la fin du patriarcat, des femmes mettront des enfants au monde sans l’autorisation des hommes. »

« Je suis d’accord avec Marine Le Pen sur ce point : ce n’est pas un projet de bioéthique, c’est une réforme de la filiation. Elle proclame que le patriarcat est fini, que la propriété des hommes sur le corps des femmes est terminée. »

« De quoi voulez-vous protéger l’enfant ? De l’absence de père ? C’est un préjugé, la filiation n’a jamais été autre chose qu’un fait social et culturel. La paternité a toujours été une présomption. »

La tradition culturelle de Jean-Luc Mélenchon est ici évidente, car jamais la Gauche historique n’a rejeté la famille. C’est l’ultra-gauche, anarchiste puis anarchiste et trotskiste, qui a fait de « l’amour libre » son cheval de bataille, combattant comme « réactionnaire » les valeurs de la Gauche historique.

Il devrait pourtant sauter aux yeux que la « PMA pour toutes » est le pur produit d’une société capitaliste promouvant l’individualisme le plus complet. La réforme instaurant l’extension de la PMA ne tombe pas du ciel et pourquoi donc Jean-Luc Mélenchon, qui passe son temps à critiquer le régime, lui trouve-t-il subitement toutes les vertus ?

Cela souligne l’importance de la philosophie, de la question de la vie quotidienne. Le fait est que la Gauche a été totalement infiltrée par le libéralisme sur le plan de la culture et des mœurs. Quand on voit que des gens s’imaginent de gauche alors qu’ils défendent ou prônent même la prostitution ou la pornographie, on voit à quel point on est tombé sur la tête.

Cependant, Jean-Luc Mélenchon n’est pas le produit de cette Gauche post-moderne, post-industrielle, post-nationale des années 2000. Son point de vue plonge très clairement dans l’ultra-gauche trotskiste. Ce qui ne change par ailleurs pas grand-chose au problème. Car que dire face à quelqu’un tellement galvanisé par la société de consommation qu’il en arrive à penser qu’il n’y a pas de « vérité biologique » ?