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Incident militaire russo-britannique en Mer Noire

La tension continue de monter en vue de la prochaine crise russo-ukrainienne.

Au milieu juin il y a eu, en Suisse à Genève, une rencontre entre les présidents américain et russe, Joe Biden et Vladimir Poutine. L’escalade en cours est donc passée par un protagoniste très actif du militarisme mondial, le Royaume-Uni, à l’offensive depuis le Brexit.

Le 23 juin 2021, le destroyer britannique HMS Defender s’est ainsi rapproché de la Crimée, annexée par la Russie. Cette dernière considère, selon les critères internationaux, que l’espace maritime de 12 miles nautiques de large depuis la côte est son territoire national. Or, le HMS Defender s’est placé à dix miles nautiques, soit 18,5 km.

La Russie a averti le destroyer, puis procédé à des tirs de semonce au moyen des navires garde-côtes, puis a envoyé dix minutes plus tard un avion Su-24M afin de larguer quatre bombes à fragmentation hautement explosives de 250 mm le long du parcours du destroyer.

L’ambassadeur britannique à Moscou a été convoqué. De leur côté, les forces britanniques nient d’avoir pénétré l’espace maritime de la Crimée, tout comme d’avoir été pris à partie par la marine militaire russe, parlant d’exercices d’artillerie russe se déroulant au même moment.

On notera les couleurs LGBT du Ministère britannique de la Défense

Cet incident se produit alors que le Royaume-Uni est très actif pour fournir à l’Ukraine des navires militaires ainsi qu’une aide pour construire deux bases navales (une en Mer Noire et l’autre en Mer d’Azov). Il s’agit de la pointe d’une tendance générale, puisque du 28 juin au 10 juillet se déroule en Mer Noire militaires Sea Breeze 2021, des manœuvres militaires avec l’Ukraine et l’OTAN.

L’OTAN vise très clairement à faire de l’Ukraine un élément central dans son dispositif d’affrontement avec la Russie. Le peuple ukrainien doit servir de chair à canon et le pays de zone tampon. En ce sens, les survols des avions-espions de l’OTAN sont ininterrompus (ici le parcours du Usaf Boeing RC-135V Rivet Joint le 23 juin 2021).

La grande opération de militarisation de sa frontière par la Russie s’est ainsi avérée un échec. L’Ukraine a tenu le choc, ne permettant pas une offensive russe, amenant même inversement un soutien militaire massif des Etats-Unis et du Royaume-Uni, avec le renforcement de la perspective de l’intégration de l’Ukraine dans l’OTAN (si ce n’est formellement, du moins techniquement).

Si la Russie était la plus agressive à l’origine, ce sont désormais très clairement les forces américano-britanniques qui poussent pour profiter d’une situation jouant en leur faveur, alors que le nationalisme le plus fantasmatique se déverse en Ukraine.

C’est une preuve de la tendance à la guerre toujours davantage prédominante dans les rapports internationaux ; la crise russo-ukrainienne n’a pas disparu, son affaiblissement relatif ne correspond qu’à une vague nouvelle, plus haute que la précédente, alors que désormais la Biélorussie est totalement isolée par les pays occidentaux en raison de l’affaire de l’avion détourné.

L’élan en ce sens est d’autant plus violent qu’il s’agit à terme pour la superpuissance américaine de se confronter à la Chine. Or l’effondrement du régime russe est un objectif qui doit être réalisé auparavant, afin d’isoler encore plus la Chine, de renforcer le bloc occidental en faisant en sorte que l’Allemagne sorte renforcée et accepte de se placer dans le giron américain, etc.

La guerre est le seul horizon concret du capitalisme en crise.

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L’OTAN annonce l’affrontement avec la Chine et la Russie

C’est littéralement une annonce guerrière.

La réunion du Conseil de l’Atlantique Nord tenue à Bruxelles le 14 juin 2021 a été, comme l’a annoncé son secrétaire Jens Stoltenberg, un « moment charnière ». Pour donner le ton, les dirigeants des 30 pays membres de l’OTAN ont assisté à une cérémonie d’ouverture ayant en son cœur des images figurant l’agenda OTAN 2030. C’est que les années d’ici 2030 ont comme mise en perspective l’affrontement avec la Chine et la Russie, avec l’écrasement de la Russie d’abord. C’est la ligne américaine, qui s’est imposée dans l’OTAN, même si l’Allemagne et son satellite autrichien sont des opposants sur ce point.

Il n’empêche que le communiqué du sommet de Bruxelles est tout à fait clair, reflétant une tendance générale, celle à se placer dans le giron de la superpuissance américaine dans sa guerre programmée avec son challenger chinois. Voici ce qu’on lit notamment, avec certains points mis en gras pour faciliter la lecture. On notera que l’extrait est long, tout en ne représentant qu’une petite partie du document de l’OTAN ; ce qui est ici cité est tellement essentiel qu’il faut vraiment s’y attarder.

On peut d’ailleurs se demander, à la lecture de cela, si en fait la Russie n’a pas échoué dans son opération militaire à la frontière ukrainienne. Les armes américaines continuent de se déverser sur l’Ukraine et la tension est désormais totalement favorable à l’OTAN qui multiplie les initiatives, annonçant ici clairement que l’Ukraine sera intégrée dans son dispositif. Le texte prône littéralement de faire basculer le régime russe, présenté ouvertement comme un « Etat-voyou », justifiant idéologiquement l’affrontement.

Les actions agressives de la Russie constituent une menace pour la sécurité euro-atlantique ; le terrorisme sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations demeure une menace persistante pour nous tous. Des acteurs étatiques et non étatiques mettent à mal l’ordre international fondé sur des règles et cherchent à fragiliser la démocratie dans le monde.

L’instabilité observée au-delà de nos frontières favorise aussi la migration irrégulière et la traite des êtres humains. L’influence croissante et les politiques internationales de la Chine peuvent présenter des défis, auxquels nous devons répondre ensemble, en tant qu’Alliance. Nous interagirons avec la Chine en vue de défendre les intérêts de l’Alliance en matière de sécurité (…).

À notre réunion de décembre 2019, à Londres, nous avons demandé au secrétaire général de mener un processus de réflexion prospective en vue de renforcer encore la dimension politique de l’OTAN, y compris les consultations. Nous prenons acte de l’importante contribution apportée par le groupe indépendant que le secrétaire général a constitué à l’appui de l’initiative OTAN 2030. En conséquence, nous approuvons aujourd’hui, dans le cadre d’OTAN 2030, un agenda transatlantique pour l’avenir (…).

Nous fixer pour but que l’OTAN devienne l’organisation internationale de référence s’agissant de comprendre les incidences du changement climatique sur la sécurité et de s’y adapter (…).

Depuis plus de vingt-cinq ans, l’OTAN s’emploie à bâtir un partenariat avec la Russie, notamment au travers du Conseil OTAN-Russie (COR). Alors que l’OTAN respecte ses engagements internationaux, la Russie continue de porter atteinte aux valeurs, aux principes, à la confiance et aux engagements qui font la substance des documents agréés sur lesquels repose la relation OTAN-Russie.

Nous réaffirmons les décisions que nous avons prises concernant la Russie au sommet du pays de Galles, en 2014, et lors de toutes nos réunions suivantes dans le cadre de l’OTAN. Nous avons suspendu toute coopération pratique, tant civile que militaire, avec la Russie, tout en restant ouverts au dialogue politique. Tant que la Russie ne montre pas qu’elle respecte le droit international et qu’elle honore ses obligations et responsabilités internationales, il ne peut y avoir de retour à la normale.

Nous continuerons de répondre à la détérioration de l’environnement de sécurité en renforçant notre posture de dissuasion et de défense, y compris par une présence avancée dans la partie orientale de l’Alliance. L’OTAN ne cherche pas la confrontation et ne représente aucune menace pour la Russie. Les décisions que nous avons prises sont pleinement compatibles avec nos engagements internationaux, et elles ne sauraient en conséquence être considérées par quiconque comme étant en contradiction avec l’Acte fondateur OTAN­-Russie.

Nous appelons la Russie à révoquer la désignation de la République tchèque et des États-Unis comme « pays inamicaux » et à s’abstenir de toute autre mesure contraire à la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques.

Le renforcement multidomaine, par la Russie, de son dispositif militaire, sa posture plus affirmée, ses capacités militaires innovantes, et ses activités provocatrices, notamment à proximité des frontières de l’OTAN, ainsi que ses exercices d’alerte de grande envergure organisés sans préavis, la poursuite du renforcement de son dispositif militaire en Crimée, le déploiement à Kaliningrad de missiles modernes à double capacité, l’intégration militaire avec le Bélarus, et les violations répétées de l’espace aérien de pays membres de l’OTAN constituent une menace grandissante pour la sécurité de la zone euro-atlantique et contribuent à l’instabilité le long des frontières de l’OTAN et au-delà.

Outre ses activités militaires, la Russie a par ailleurs intensifié ses activités hybrides visant des pays membres ou partenaires de l’OTAN, y compris par l’intermédiaire d’acteurs agissant pour son compte. Il s’agit notamment de tentatives d’ingérence dans les élections et les processus démocratiques de pays de l’Alliance, de pressions et de pratiques d’intimidation sur les plans politique et économique, de vastes campagnes de désinformation, d’actes de cybermalveillance, et de sa complaisance à l’égard des cybercriminels qui sévissent depuis son territoire, y compris ceux qui prennent pour cible des infrastructures critiques, et en perturbent le fonctionnement, dans des pays de l’OTAN.

Il s’agit également d’activités illégales et destructrices menées par les services de renseignement russes sur le territoire de pays de l’Alliance, dont certaines ont causé la mort de concitoyens et engendré d’importants dégâts matériels. Nous sommes pleinement solidaires de la République tchèque et des autres Alliés qui ont été ainsi touchés.

La Russie a continué de diversifier son arsenal nucléaire, y compris par le déploiement d’une panoplie de systèmes de missiles à courte portée et à portée intermédiaire censés exercer une action coercitive sur l’OTAN. Elle a recapitalisé environ 80 % de ses forces nucléaires stratégiques, et elle développe ses capacités nucléaires en cherchant à se doter d’armes innovantes et déstabilisatrices ainsi que de toute une gamme de systèmes à double capacité.

La Russie continue de tenir un discours nucléaire agressif et irresponsable, et elle a accru l’importance qu’elle accordait déjà aux exercices conventionnels déstabilisateurs mettant en jeu des systèmes à double capacité. La stratégie nucléaire de la Russie ainsi que son programme complet de modernisation, de diversification et d’expansion de ses systèmes d’armes nucléaires – y compris l’augmentation du nombre de ses armes nucléaires non stratégiques et leur perfectionnement – contribuent toujours davantage à une posture d’intimidation stratégique se faisant plus agressive. Nous continuerons de collaborer étroitement pour faire face à l’ensemble des menaces et des défis que présente la Russie.

Nous réitérons notre soutien à l’intégrité territoriale et à la souveraineté de l’Ukraine, de la Géorgie et de la République de Moldova à l’intérieur de leurs frontières internationalement reconnues. Nous appelons la Russie à retirer, conformément aux engagements qu’elle a pris au niveau international, les forces qu’elle a stationnées dans ces trois pays sans leur consentement. Nous condamnons fermement, et ne reconnaîtrons pas, l’annexion, illégale et illégitime, de la Crimée par la Russie, et nous dénonçons son occupation temporaire.

Les violations des droits de la personne dont sont victimes les Tatars de Crimée et les membres d’autres communautés locales doivent cesser. Le renforcement massif de son dispositif militaire et les activités déstabilisatrices auxquels la Russie s’est récemment livrée en Ukraine et alentour ont davantage encore exacerbé les tensions et porté atteinte à la sécurité.

Nous appelons la Russie à mettre fin au renforcement de son dispositif militaire, ainsi qu’à cesser d’imposer des restrictions à la navigation dans certaines parties de la mer Noire. Nous appelons également la Russie à cesser d’entraver l’accès à la mer d’Azov et aux ports ukrainiens. Nous saluons la retenue et l’approche diplomatique de l’Ukraine dans ce contexte. Nous nous efforçons de contribuer à la désescalade.

Nous intensifions par ailleurs notre soutien à l’Ukraine. Nous appelons à la pleine application des accords de Minsk par toutes les parties, et nous soutenons les efforts entrepris dans le cadre du format Normandie et du Groupe de contact trilatéral. En tant que signataire des accords de Minsk, la Russie porte une responsabilité importante à cet égard. Nous appelons la Russie à cesser d’attiser le conflit en apportant comme elle le fait un soutien financier et militaire aux formations armées qu’elle appuie dans l’est de l’Ukraine. Nous réitérons notre plein soutien à la mission spéciale d’observation de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) en Ukraine.

Nous soulignons qu’il importe que soient assurés la sécurité et l’accès total et sans entrave de cette mission sur l’ensemble du territoire de l’Ukraine, y compris la Crimée et la frontière russo-ukrainienne, comme le prévoit son mandat. Nous appelons en outre la Russie à revenir sur sa décision de reconnaître les régions géorgiennes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud en tant qu’États indépendants, à appliquer l’accord de cessez-le-feu conclu en 2008 par l’entremise de l’UE, à mettre fin à la militarisation de ces régions, ainsi qu’aux tentatives de séparation forcée de celles-ci du reste de la Géorgie par la construction, qui se poursuit, d’obstacles s’apparentant à des frontières, et à mettre un terme aux violations des droits de la personne, aux détentions arbitraires et au harcèlement de citoyens géorgiens.

Nous réitérons notre ferme soutien en faveur des discussions internationales de Genève. Nous appelons également la Russie à prendre part de manière constructive au processus de règlement de la question de la Transnistrie. Nous sommes déterminés à soutenir les réformes démocratiques de la République de Moldova et à lui fournir une aide dans le cadre de notre initiative de renforcement des capacités de défense et des capacités de sécurité se rapportant à la défense.

Nous restons ouverts à un dialogue périodique, ciblé et substantiel avec une Russie qui soit disposée à mener des échanges au sein du COR sur la base de la réciprocité, en vue d’éviter les malentendus, les erreurs d’appréciation ou les escalades involontaires, et à accroître la transparence et la prévisibilité. Les réunions du COR nous ont aidés à communiquer clairement nos positions, et nous nous tenons prêts pour sa prochaine réunion. Nous continuerons d’axer notre dialogue avec la Russie sur les questions d’importance critique auxquelles nous sommes confrontés.

Le conflit en Ukraine et alentour est pour nous, dans les circonstances actuelles, le premier point à l’ordre du jour. L’OTAN reste déterminée à faire bon usage des lignes de communication militaires existant entre elle et la Russie afin de favoriser la prévisibilité et la transparence et de réduire les risques, et elle appelle la Russie à faire de même. Nous continuons d’aspirer à établir une relation constructive avec la Russie, lorsque ses actions le permettront (…).

Les dépenses de défense hors États-Unis ont augmenté en valeur réelle pendant sept années consécutives, ce qui vient appuyer notre responsabilité partagée de fournir des capacités à l’Alliance. Tous les Alliés ont accru leurs dépenses de défense en termes réels, et cette tendance est appelée à se poursuivre. D’ici à la fin de l’année, les Alliés européens et le Canada auront investi 260 milliards de dollars des États-Unis supplémentaires par rapport à 2014.

Par ailleurs, dix Alliés devraient consacrer cette année au moins 2 % de leur PIB à la défense. Environ deux tiers des Alliés prévoient d’atteindre ou de dépasser l’objectif des 2 % d’ici à 2024. En outre, 24 Alliés consacrent plus de 20 % de leurs dépenses de défense aux équipements majeurs, y compris la recherche et développement y afférente, et, selon leurs plans nationaux, 27 Alliés atteindront l’objectif des 20 % d’ici à 2024 (…).

Nous investissons dans nos capacités militaires afin de relever les défis nouveaux et persistants dans tous les milieux d’opérations. Nous continuons de mettre en place un éventail de capacités robustes et sophistiquées dans tous les milieux, y compris des forces et des capacités plus lourdes, davantage dans le haut du spectre, faisant appel aux technologies de pointe et mieux soutenues, au niveau de disponibilité opérationnelle requis. Nous continuerons d’améliorer et d’adapter la soutenabilité, la déployabilité et l’interopérabilité de nos capacités pour faire face à un environnement stratégique exigeant et pour mener des opérations du haut du spectre (…).

L’OTAN reste lucide quant aux défis que présente la Russie, y compris l’augmentation du nombre des armes nucléaires non stratégiques russes et leur perfectionnement (…).

Le maintien par la Russie d’une posture militaire agressive, son refus de respecter pleinement les obligations qui lui incombent en vertu du Traité sur le régime « Ciel ouvert », et le fait qu’elle applique encore de manière sélective le Document de Vienne et n’applique plus depuis longtemps le Traité sur les forces armées conventionnelles en Europe continuent de porter atteinte à la sécurité et à la stabilité de la zone euro-atlantique. Les Alliés appellent la Russie à revenir à la mise en œuvre intégrale et au respect, dans la lettre et l’esprit, de l’ensemble de ses obligations et engagements internationaux, ce qui est indispensable pour restaurer la confiance et la transparence militaire et pour accroître la prévisibilité dans la région euro-atlantique. Nous appelons en particulier la Russie à faire preuve d’ouverture et de transparence (…).

Les ambitions déclarées de la Chine et son assertivité présentent des défis systémiques pour l’ordre international fondé sur des règles et dans des domaines revêtant de l’importance pour la sécurité de l’Alliance. Nous sommes préoccupés par celles des politiques coercitives qui ne correspondent pas aux valeurs fondamentales inscrites dans le traité de Washington.

La Chine accroît rapidement son arsenal nucléaire, se dotant d’un plus grand nombre d’ogives et de vecteurs sophistiqués pour établir une triade nucléaire. Elle fait preuve d’opacité dans la mise en œuvre de la modernisation de son appareil militaire et dans celle de sa stratégie de fusion militaro-civile publiquement déclarée. Elle coopère par ailleurs avec la Russie dans le domaine militaire, notamment en participant à des exercices russes dans la zone euro-atlantique.

Nous restons préoccupés par le fait que la Chine manque souvent de transparence et a fréquemment recours à la désinformation. Nous appelons la Chine à respecter ses engagements internationaux et à agir de manière responsable au sein du système international, notamment dans les milieux spatial, cyber et maritime, en conformité avec son rôle de grande puissance (…).

Nous réitérons la décision prise en 2008 au sommet de Bucarest concernant l’Ukraine, à savoir que ce pays deviendra membre de l’Alliance, le plan d’action pour l’adhésion (MAP) faisant partie intégrante du processus ; nous réaffirmons tous les éléments de cette décision, ainsi que les décisions ultérieures, y compris celle qui prévoit que chaque partenaire sera jugé en fonction de ce qu’il aura accompli. Nous restons déterminés dans notre soutien au droit de l’Ukraine de décider librement de son avenir et de l’orientation de sa politique étrangère, sans ingérence extérieure (…).

Nous nous félicitons de la coopération qui s’exerce entre l’OTAN et l’Ukraine concernant la sécurité dans la région de la mer Noire (…).

Les Balkans occidentaux sont une région d’importance stratégique pour l’OTAN, comme l’attestent la coopération et les opérations que nous y menons de longue date (…). La coopération étroite et mutuellement bénéfique qu’entretient l’Alliance, en matière de sécurité, avec la Finlande et la Suède – partenaires bénéficiant du programme « nouvelles opportunités », qui partagent nos valeurs et qui contribuent aux opérations et missions dirigées par l’OTAN – s’est accrue dans un large éventail de domaines.

C’est la guerre qui s’annonce ici, ou plutôt qui est en train d’être mise en place. C’est la bataille pour le repartage du monde.

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Politique

L’affaire du maillot de football ukrainien

Un mot d’ordre fasciste sur le maillot reflète un véritable problème de fond.

Le championnat d’Europe de football se tient en juin 2021 et l’équipe d’Ukraine utilise pour ce faire un nouveau maillot, ce qui est la règle, à la fois traditionnelle et commerciale. Une partie de son territoire étant occupée par la Russie, l’Ukraine en a profité pour présenter une carte du pays sur le maillot, en respectant évidemment les frontières conformément au droit international, montrant donc fort logiquement comme territoire ukrainien le Donbass (occupé par les séparatistes pro-Russie) et la Crimée (occupée et annexée par la Russie).

Seulement voilà, le régime ukrainien est sur une base fanatiquement anti-russe, anti-gauche, et s’est permis une provocation tout à fait banale pour lui, mais inacceptable pour l’UEFA, l’organisme international du football, qui s’est empressé de demander à ce qu’il soit mis un terme à cela, une fois compris l’ampleur du désastre. La Russie avait également mis de l’huile sur le feu, et pour cause.

Le col du maillot contient en effet deux mots d’ordre : « Gloire à l’Ukraine! » et « Gloire aux héros! ».

Or, ces deux slogans sont ceux des troupes fascistes ukrainiennes ayant soutenu l’invasion nazie de l’URSS. C’est là qu’on voit la catastrophe qu’est le régime ukrainien, corrompu et passé sous la coupe des États-Unis.

« Gloire à l’Ukraine! » (Slava Ukraini!) est initialement un mot d’ordre patriotique, provenant d’un poème de l’auteur national ukrainien Taras Chevtchenko. Les fascistes ont récupéré ce mot d’ordre, en y ajoutant un second, « Gloire aux héros » (Heroiam slava!). On parle ici de « l’Organisation des nationalistes ukrainiens » (OUN) fondée en Autriche en 1929, qui mettra ensuite en place une Armée insurrectionnelle ukrainienne (UPA) convergeant avec l’Allemagne nazie.

C’est à la fondation de l’UPA que les deux mots d’ordre sont devenus des salutations : la première personne dit « Gloire à l’Ukraine », la seconde « Gloire aux héros », ou bien simplement « Gloire! » et « Gloire », avec d’ailleurs le salut romain comme norme, dans la tradition fasciste. Après 1945, les deux mots d’ordre furent interdits en URSS ; après l’effondrement de l’URSS en 1991 et jusqu’à la fin des années 2000, il y a ensuite une montée en puissance en Ukraine de « Gloire à l’Ukraine! », qui s’installe vraiment à partir des années 2000 et est devenu en 2018 la salutation militaire courante.

Les années 2010 ont également été marquées par une association toujours plus grande de ce mot d’ordre à « Gloire aux héros », notamment depuis l’Euro-Maïdan et l’activisme effréné de l’extrême-Droite, notamment de l’organisation « Svoboda » (Liberté).

L’affirmation de ces mots d’ordre sur le maillot national est donc terrible, cela reflète la main-mise toujours plus grande d’une idéologie nationaliste fantasmagorique sur l’Ukraine. C’est le triomphe d’un fanatisme délirant, où le mal consiste en ce qui est russe ou socialiste. La Russie n’a pas de mal, malheureusement, à en profiter pour sa démagogie visant à justifier son expansionnisme. C’est une situation insupportable pour les démocrates et le peuple ukrainien.

Et surtout cela fait du peuple ukrainien de la chair à canon alors que les Etats-Unis et l’OTAN comptent faire s’effondrer le régime russe.

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Guerre

La Biélorussie isolée et sous pression de l’OTAN

Une pierre de plus à l’édifice monstrueux de la guerre.

La crise biélorusse est désormais entièrement superposée à la crise ukrainienne et on en a un triste exemple avec le passé de l’opposant biélorusse Roman Protassevitch, dont l’arrestation a été la motivation pour la Biélorussie du détournement d’un avion au motif qu’il y aurait eu une menace d’attentat. Le régime biélorusse a d’ailleurs fini par sortir du placard un communiqué de menace provenant… du Hamas palestinien, à travers la Suisse, envoyé après l’arraisonnement de l’avion. Cela ne tient pas du tout, naturellement.

Il semble donc, par contre, acquis que Roman Protassevitch ait été un membre, en 2015-2015, du bataillon néo-nazi Azov opérant au sein de l’armée ukrainienne (et devenu un régiment de la garde nationale directement supervisé par le ministre de l’Intérieur ukrainien). L’information a bien entendu été balancée par la Russie et après des dénégations initiales, un haut responsable du bataillon Azov a confirmé cela, en expliquant que Roman Protassevitch avait agi comme journaliste. Le problème, c’est que les images de lui en armes ou avec un t-shirt néo-nazi ne disent pas la même chose…

Tout comme l’Ukraine, la Biélorussie se retrouve ainsi coincée entre des forces pro-OTAN et des forces pro-russes, qui sont tous les deux hideuses. Cela fait deux cibles (très proches géographiquement) de la bataille pour le repartage du monde. Et cela se passe dans une tension extrême afin d’obtenir ou de maintenir l’hégémonie.

Depuis son arrestation, Roman Protassevitch apparaît ainsi dans une courte vidéo où il semble se « repentir », alors qu’il semble à peu près clair que les forces de répression biélorusses l’ont maltraité, tout comme le sont les 426 opposants déjà emprisonnés. Un jeune de 17 ans, Dima Stakhovsky, vient d’ailleurs de se suicider dans sa cellule ; il avait été condamné à quinze ans de prison pour émeute.

Et, après l’appel de l’Union européenne à isoler l’espace aérien biélorusse, ce qui n’est pas une obligation formelle pour les États membres, certains pays ont franchi le pas, tels la France, le Royaume-Uni, la Pologne, la Lituanie, la Lettonie, l’Estonie, la Suède, la République tchèque, l’Ukraine. On notera d’ailleurs que la France a mit cela le jeudi 27 mai 2021, seulement, sans crier gare, obligeant l’avion de la compagnie d’aviation biélorusse Belavia réalisant la liaison Minsk-Barcelone venant de décoller à tourner en rond pour vider son carburant et à retourner d’où il était parti.

Le président du Parlement européen David Sassoli a également proposé d’afficher la photo de Roman Protassevitch dans tous les aéroports de l’Union européenne, la Roumanie de renommer la rue de l’ambassade de Biélorussie à Bucarest du nom de Roman Protassevitch, Emmanuel Macron appelant à se confronter avec la Russie :

« Nous avons besoin de recadrer très profondément notre relation avec la Russie pour ne pas être simplement réactif mais définir une stratégie de court, moyen et long terme compte tenu du fait que l’espace de sécurité européen passe par une discussion exigeante avec la Russie. »

L’opposition est frontale et l’objectif des pays de l’OTAN très clair : il s’agit de parvenir à faire tomber le régime biélorusse, pour l’arracher à l’orbite russe. En ce sens, l’Union européenne compte prendre des mesures contre des entreprises et le secteur bancaire biélorusse. Heiko Maas, ministre allemand des Affaires étrangères, parle d’une « spirale de sanctions » qui va se mettre en place : l’Allemagne, qui a freiné tout soutien à l’Ukraine, espère par contre clairement avoir le dessus pour prendre le contrôle de la Biélorussie.

D’où la déclaration commune dans le cadre du G7 :

« Nous, les ministres des Affaires étrangères du G7, soit l’Allemagne, le Canada, les États-Unis d’Amérique, la France, l’Italie, le Japon et le Royaume-Uni, ainsi que le haut représentant de l’Union européenne, condamnons fermement l’acte sans précédent des autorités bélarusses, qui ont arrêté le journaliste indépendant Roman Protassevicht et sa compagne Sofia Sapéga après avoir forcé le vol FR4978 dans lequel ils se trouvaient à atterrir à Minsk le 23 mai.

Cet acte a mis en danger la sécurité des passagers et de l’équipage du vol. Il s’agissait également d’une atteinte grave aux règles régissant l’aviation civile. Nos pays, et nos citoyens, dépendent du fait que chaque État agit de manière responsable en remplissant ses obligations en vertu de la Convention de Chicago, afin que les avions civils puissent opérer en toute sécurité. Nous demandons à l’Organisation de l’aviation civile internationale de se pencher d’urgence sur ce manquement à ses règles et à ses normes.

Cet acte représente également une grave attaque contre la liberté de la presse. Nous demandons la libération immédiate et inconditionnelle de Roman Protassevicht, ainsi que de tous les autres journalistes et prisonniers politiques détenus au Bélarus. 

Nous renforcerons nos efforts, notamment par l’intermédiaire de nouvelles sanctions le cas échéant, afin de veiller à ce que les autorités bélarusses assument la responsabilité de leurs actes. »

L’OTAN est évidemment ouvertement de la partie, avec un communiqué où Roman Protassevitch est présenté comme un « journaliste » (les médias parlant même d’un simple blogueur!) :

« 1. Le Conseil de l’Atlantique Nord condamne fermement le détournement vers Minsk (Bélarus), le 23 mai, d’un vol de la compagnie Ryanair qui reliait Athènes à Vilnius, ainsi que le débarquement forcé et l’arrestation de Roman Protassevitch, éminent journaliste bélarussien qui se trouvait à bord, et de Sofia Sapega.

Cet acte inacceptable, qui a mis en danger la vie des passagers et membres d’équipage, constitue une violation grave des normes régissant l’aviation civile. Nous nous associons à ceux qui réclament en urgence une enquête indépendante, qui serait menée notamment par l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI). Nous approuvons les mesures prises par les Alliés, à titre individuel ou collectif, en réaction à cet incident.

2. La détention de M. Protassevitch est un affront aux principes de la liberté d’opinion politique et de la liberté de la presse. Le Bélarus doit relâcher M. Protassevitch et Mme Sapega immédiatement et sans condition.

Les pays de l’OTAN engagent le Belarus à respecter les libertés et droits fondamentaux de la personne et à se conformer aux règles qui fondent l’ordre international. Les Alliés sont solidaires de la Lettonie à la suite de l’expulsion injustifiée de diplomates lettons. »

La Biélorussie a par contre des appuis. Le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis a affirmé qu’il n’y avait aucune preuve que des agents secrets aient été à bord du vol Athènes-Vilnius. La Chine est du côté biélorusse, et la Turquie a fait en sorte que la déclaration de l’OTAN soit moins brutale qu’elle ne devait l’être initialement.

Quant à la Russie, dont la Biélorussie est largement un satellite, elle refuse à ce que les avions allant chez elle évitent la Biélorussie, d’où des annulations pour Air France et Austrian Airlines.

La confrontation est ainsi très clairement posée et cette fois on n’est plus simplement dans un affrontement Ukraine-Russie, mais littéralement face à un incendie régional, voire européen.

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Crise ukrainienne: la Biélorussie déroute un vol aérien

Un acte de piraterie correspondant à l’ampleur de la crise.

Depuis les célébrations du 9 mai, très importants dans les pays de l’ex-Union Soviétique, il y a une immense propagande nationaliste en Ukraine, au point que même le président Volodymyr Zelenski est accusé d’être un serviteur masqué de la Russie ! En fait, ce sont les forces pro-américaines qui ont pris le dessus et toutes les digues ont cédé dans la démarche anti-russe, anti-communiste, anti-Gauche en général d’ailleurs. C’est une véritable chasse aux sorcières où toute une série de personnes sont dénoncées à tort ou à raison comme des relais de la Russie.

De l’autre côté, on n’est pas en reste, naturellement. La Russie, dans le prolongement de son déplacement massif de troupes à la frontière ukrainienne, accélère la livraison de passeports russes dans les « républiques » séparatistes de Donetzk et Louhansk, ainsi que la reconnaissance des diplômes universitaires, des associations sportives qui désormais concourent en Russie même, etc. La propagande anti-ukrainienne de ces « républiques » tourne à plein régime.

Quant à la Biélorussie, qui s’était intégrée à la crise Ukraine-Russie dans un second temps (à partir du 17 avril avec l’annonce qu’un coup d’Etat américano-polonais avait été déjoué), elle a procédé à une vague massive d’arrestations et de condamnations. Ce qui est marquant ici, c’est que les opposants au régime dictatorial biélorusse sont des gens comme tout le monde, pas vraiment politiques et par conséquent d’autant plus en panique devant une répression brutale. C’est extrêmement sordide, même si évidemment les opposants convergent de manière concrète avec les Etats-Unis qui cherchent à renverser le régime.

Et on a atteint cependant un certain cap avec l’initiative biélorusse du 23 mai 2021 de détourner un avion de la compagnie Ryanair. Il y avait à son bord un opposant biélorusse, Roman Protassevitch, avec sa femme.

La Lituanie se trouve au nord-ouest de la Biélorussie et sa capitale Vilnius étant à l’Est du pays, le trajet le plus court depuis Athènes passe au-dessus de la Biélorussie

Rappelons ici que la présidentielle biélorusse du 9 août 2020, gagnée par Alexandre Loukachenko au pouvoir depuis 1994, avait été prétexte à une révolte démocratique largement passée dans le giron des pays occidentaux. Roman Protassevitch, un opposant qui avait notamment travaillé pour l’organisme américain Radio Free Europe/Radio Liberty en version biélorusse, avait alors été le rédacteur en chef de la chaîne Nexta sur Telegram, qui appelait à se soulever contre le régime. Il opérait depuis la Pologne où il s’était installé, un pays ultra-agressif sur le plan de l’expansionnisme.

Lors du parcours du vol Athènes-Vilnius, au moment du passage au-dessus de la Biélorussie, quatre personnes de nationalité russe ont provoqué une bagarre et affirmé qu’il y avait une bombe à bord. Un avion militaire biélorusse, un Mig-29, a alors intercepté l’avion et l’a forcé à se poser… L’opposant et sa femme ont été arrêtés bien entendu, les espions ne reprenant pas l’avion.

Les États de l’Union européenne sont évidemment fous de rage devant ce qui relève d’un acte de piraterie. La présidente lituanienne Gitanas Nausėda a appelé l’OTAN à réagir, le premier ministre polonais Mateusz Morawiecki a parlé d’un « acte sans précédent de terrorisme d’État ». L’ambassadeur de Biélorussie à Paris a également été immédiatement convoqué au ministère français des Affaires étrangères, alors que le ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a affirmé de son côté que :

« Le détournement par les autorités biélorusses d’un vol de Ryanair est inacceptable. Une réponse ferme et unie des Européens est indispensable. »

Le Secrétaire d’État américain Anthony Blinken a publié un message de protestation où le soutien à un soulèvement est évident :

« Nous sommes avec le peuple biélorusse dans ses aspirations pour un avenir libre, démocratique et prospère, et soutenons leur appel pour ce que le régime respecte les droits humains et les libertés fondamentales. »

Et il faut noter l’appel fait en commun par les présidents des commissions parlementaires de plusieurs pays. On parle ici de la République tchèque, de l’Allemagne, de l’Irlande, de la Lituanie, de la Lettonie, de la Pologne, du Royaume-Uni et des Etats-Unis.

Il est demandé à ce que l’espace aérien biélorusse soit confiné, que l’OTAN et Interpol se mobilisent, que des élections libres supervisées de l’extérieur soient tenues en Biélorussie.

Hasard de calendrier… ou pas, le secrétaire britannique à la Défense Ben Wallace a déclaré que la Russie était « la menace numéro un » pour la Grande-Bretagne.

La Russie a quant à elle salué la « brillante opération spéciale » par l’intermédiaire du député russe Viatcheslav Lysakov, au nom de la Douma…

C’est là dans la continuité de la crise Ukraine-Russie qui a commencé et qui est l’expression de la tendance à la guerre dans le cadre de la crise sanitaire, économique, écologique… Le conflit n’a été repoussé que pour prendre davantage d’ampleur.

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Guerre

Crise ukrainienne: les États-Unis s’imposent

L’Ukraine est en passe de devenir un protectorat américain.

La situation est toujours aussi brûlante en Ukraine. Le matériel militaire continue de s’accumuler, les escarmouches et les petits bombardements ne s’arrêtent pas. Voici un rapport officiel de l’OSCE, chargé d’observer la situation. Le rapport du 6 mai montre que le nombre de « violations du cessez-le-feu » et celui des explosions ont été bien plus importants que les sept et les trente jours précédents.

Les troupes ukrainiennes sont particulièrement volontaires ces derniers jours, d’ailleurs, profitant d’aides internationales leur permettant de renforcer les possibilités d’une option de reconquête violente. Voici une image montrant l’impact d’une bombe ukrainienne ayant atterri dans un jardin d’enfants dans le quartier Petrovsky de Donetsk.

Voici des images de la ligne de front, il s’agit des séparatistes filmés par un drone ukrainien.

Et ces lignes connaissent quelques lieux de passage, plus ou moins fermés. Et également des lieux importants se retrouvant au mauvais endroit. Les cimetières de la population du Donbass qui se trouvent près de la ligne de front viennent par exemple d’être fermés pour des raisons de sécurité.

Il faut ici également avoir en tête qu’il y avait, avant la pandémie de COVID-19, des centaines de milliers de personnes passant les « frontières » entre la partie occupée par les séparatistes et l’Ukraine. Pratiquement la moitié des deux millions de personnes au Donbass sont des retraités, payés par l’Ukraine, cherchant de quoi vivre dans la partie non occupée…

Il s’agit de gens bien réels, vivant dans la misère, pris entre le marteau et l’enclume… 16 mineurs restent d’ailleurs au fond d’une mine en protestation de leurs salaires non payés dans la « République populaire de Louhansk »…

Ce qui n’empêche pas qu’au Donbass, les deux pseudos « républiques populaires » sont évidemment toujours aussi actives dans l’idéalisation de leur régime et dans leur propagande pro-russe, comme en témoigne cette banderole « Donbass russe » placée au cœur de la ville de Donetzk le 7 mai 2021.

Il y a aussi les incessants appels à ce que l’Est de l’Ukraine soit « libéré », il y a la prochaine tenue à Donetsk d’un Forum international mondial de la jeunesse Eurasia, etc.

Il y a évidemment aussi une grande mobilisation dans ces « républiques populaires » en raison des célébrations du 9 mai, jour de la victoire soviétique sur le nazisme. Conformément à l’idéologie de ces deux régimes, il y a un syncrétisme nationaliste russe / nostalgie impériale qui est mis en avant, tout ce qui est ukrainien devant disparaître. La langue ukrainienne a d’ailleurs été définitivement mis de côté chez les séparatistes en 2020.

Du côté ukrainien, malheureusement, la propagande nationaliste est tout aussi forcenée, puisqu’on a droit à une réécriture de l’histoire avec l’intégration dans les forces alliées des troupes armées nationalistes de Stepan Bandera, le fasciste ukrainien initialement allié aux nazis puis cherchant à se tourner vers les États-Unis.

Des États-Unis qui viennent d’ailleurs littéralement de transformer l’Ukraine en protectorat à l’occasion de la visite le 6 mai 2021 du secrétaire d’État américain Anthony Blinken.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky et le secrétaire d’Etat américain Anthony Blinken

Anthony Blinken a expliqué que :

« Les États-Unis sont déterminés face à l’agression russe et dans leur soutien aux réformes nécessaires pour assurer un avenir souverain, démocratique et prospère à l’Ukraine. »

Traduit en langage clair, cela signifie que l’Ukraine doit briser les oligarques et passer sous supervision américaine pour les réformes. En échange, les États-Unis fournissent toujours plus de matériel pour se protéger de la Russie, notamment les missiles anti-tanks javelins.

Le régime ukrainien s’empresse bien entendu d’accepter, alors qu’il y a en plus des visites ininterrompues de responsables politiques, tels les ministres des affaires étrangères du Benelux.

La ministre des affaires étrangères belge Sophie WIlmes, en Ukraine le 7 mai 2021

Et depuis le début de la crise, il y a un mois, de très nombreux pays se sont lancés dans une opération de soutien ouvert à l’Ukraine, avec même l’expulsion de diplomates russes. Voici une carte pour comprendre l’ampleur de la réaction en chaîne lancée par la mobilisation militaire russe à la frontière avec l’Ukraine.

En orange clair, il y a les pays prenant ouvertement partie pour l’Ukraine, de manière très volontaire. Il manque la Turquie sur cette carte, alors qu’elle a vendu des armes dont des drones. En orange foncé il y a la Finlande et la Suède qui ont une posture anti-russe formant la base de leur démarche idéologique. La Suède a par exemple rétabli le service militaire en 2017, de manière ouverte contre la Russie.

En gris foncé, en plus de la Russie, il y a les soutiens à celle-ci, qui s’opposent à des sanctions, refusent poliment mais fermement d’aider l’Ukraine, etc. Il s’agit de la Serbie, de la Hongrie, de l’Allemagne et de son satellite autrichien, et de la France.

(Source de la carte freepik)

On voit aisément que si début avril on avait un conflit « local », en un mois on a eu une mobilisation telle que cela a concerné toute une large partie de l’Europe.

Et, à cela, il faut également ajouter les accrochages entre le Tadjikistan et le Kirghizistan, du 28 avril au 1er mai 2021, qui ont fait 31 morts, plus de 230 blessés et produit 10 000 réfugiés.

C’est le prix à payer pour repousser une crise : celle-ci revient, d’autant plus violente. Car évidemment le pseudo-retrait de l’armée russe à la frontière ukrainienne n’a évidemment pas eu lieu, quelques milliers de soldats seulement partant à quelques heures de train, laissant tout leur matériel.

On ne peut pas reculer dans la bataille pour le repartage du monde. Seuls les peuples du monde peuvent empêcher cette tendance, en brisant le militarisme et son moteur capitaliste.

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Guerre

Vladimir Poutine et la « ligne rouge » non définie, l’annexion du Donbass se profile

Le président russe fait comme si de rien n’était, pour masquer l’offensive de l’expansionnisme russe.

Il y a de nombreux points concernant le 21 avril, aussi sont-ils ici présentés de manière concise pour s’y retrouver :

1. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a promulgué une loi permettant d’intégrer les réservistes de l’armée en 24 heures sans passer par l’officialisation de la mobilisation.

2. Le ministère ukrainien des Affaires étrangères a considéré comme plausible une offensive russe au nord de la Crimée.

3. Le ministère russe des Affaires étrangères a convoqué l’ambassadeur américain adjoint, après que l’ambassadeur ait déjà été poussé à retourner dans son pays pour « consultations ».

4. La pseudo « république populaire » de Lougansk a émis un timbre « un demi-million de passeports » célébrant l’acquisition de la nationalité russe par 500 000 personnes dans le Donbass ; son président Leonid Pasechnik a affirmé que la quasi totalité des citoyens de la « République populaire » entendait devenir russe. Voici sa déclaration :

« Plus d’un demi-million d’habitants du Donbass sont devenus citoyens de la Fédération de Russie. Ce fait suggère que le peuple de la République Populaire de Lougansk a fait son choix, dans les conditions d’un blocus absolu de Kiev, à la fois économique, politique et médiatique.

Au nom de tous les habitants de la République, je tiens à exprimer ma gratitude aux employés du ministère de l’Intérieur de la République Populaire de Lougansk, du département du service des migrations, ainsi qu’à tous les départements pour le bon travail, grâce auquel nous avons des résultats impressionnants en si peu de temps. 

Le ministère de l’Intérieur de la République Populaire de Lougansk a fait tout son possible dans le processus de délivrance des passeports de notre République pour l’entrée ultérieure dans la citoyenneté de la Fédération de Russie. Le travail titanesque de nos départements a permis de réaliser le désir des habitants du Donbass – devenir citoyens de la Russie.

Je voudrais également remercier la Direction principale des questions de migration du Ministère de l’intérieur de la Fédération de Russie. De leur côté, les collègues russes ont tout fait pour que les habitants du Donbass fassent partie de la grande Russie.

Pour nous, un passeport russe n’est pas seulement un document, mais une confirmation de plus que la Russie ne nous abandonne pas. Par ce choix, notre peuple démontre que le néo-fascisme, qui est devenu la base principale de l’Etat actuel du régime de Kiev, est pour nous catégoriquement inacceptable. Au monde entier, nous avons clairement et résolument démontré notre choix, incarné dans le document rouge d’un demi-million de personnes.

Je ne peux que commenter la déclaration du président ukrainien concernant sa volonté de rencontrer Vladimir Poutine dans le Donbass. Monsieur Zelensky, vous n’avez pas le droit moral d’organiser des rendez-vous chez nous.

Vous appelez sans vergogne Donbass le vôtre, sachant que vous avez déjà vendu la terre ukrainienne. Avant de pointer à nouveau votre arme sur nous, réfléchissez à la façon dont cela se déroulera pour vous. Les Russes n’abandonnent pas les leurs! »

« Nous forgeons de nouveaux citoyens », « Nous n’abandonnons pas les nôtres », avec des images tirés d’ouvrages de Vladimir Maïakovski et une signature de Vladimir Poutine (à l’origine de la facilitation de l’obtention du passeport russe au Donbass, en 2019).

5. Dans son adresse annuelle à la nation, qui a duré plus d’une heure, le président Vladimir Poutine a parlé de la crise sanitaire, de la baisse drastique possible des émissions de CO2, de l’éducation, d’une autoroute traversant tout le pays, d’une aide financière aux familles avec enfant, des récoltes, etc. en restant entièrement sur le terrain des questions intérieures, sauf tout à la fin pour trois propos. Le premier concerne la Biélorussie.

« La Russie a certainement ses propres intérêts que nous défendons et que nous continuerons de défendre dans le cadre du droit international, comme le font tous les autres États. Et si quelqu’un refuse de comprendre cette évidence ou ne veut pas dialoguer et choisit d’avoir avec nous un ton égoïste et arrogant, la Russie trouvera toujours un moyen de défendre sa position.

Dans le même temps, malheureusement, tout un chacun dans le monde semble être habitué à la pratique de sanctions économiques illégales à motivation politique et aux tentatives brutales de certains acteurs d’imposer leur volonté à d’autres par la force.

Mais aujourd’hui, cette pratique dégénère en quelque chose d’encore plus dangereux – je fais référence à l’ingérence directe récemment révélée au Bélarus dans une tentative d’orchestrer un coup d’état et d’assassiner le président de ce pays. Dans le même temps, il est typique que même de telles actions flagrantes n’aient pas été condamnées par l’ensemble du soi-disant Occident. Personne ne semble prendre cela en compte. Tout le monde prétend que rien ne se passe.

Mais écoutez, vous pouvez penser à ce que vous voulez, disons, du président ukrainien [Viktor] Ianoukovitch ou de [Nicolas] Maduro au Venezuela. Je le répète, vous pouvez les aimer ou ne pas les aimer, y compris Ianoukovitch qui a failli être tué aussi et a été retiré du pouvoir par un coup d’État armé.

Vous pouvez avoir votre propre opinion sur la politique du président bélarussien Alexandre Loukachenko. Mais la pratique consistant à organiser des coups d’État et à planifier des assassinats politiques, y compris ceux de hauts fonctionnaires – eh bien, cela va trop loin. C’est au-delà de toutes limites. »

6. En Biélorussie, un très important nombre de hauts fonctionnaires du ministère de la Défense de la Biélorussie se sont rendus au siège de ce ministère, alors que le bâtiment du ministère de l’Intérieur a été marqué par une très importante présence des forces de sécurité. Le président biélorusse Alexandre Loukachenko est quant à lui à Moscou le 22 avril.

7. Le second point de politique internationale abordé par Vladimir Poutine dans son adresse annuelle à la nation consiste en une allusion à l’Ukraine et aux pays Baltes dans leur rapport aux États-Unis, au moyen d’une métaphore utilisant le Livre de la jungle, de Rudyard Kipling.

« Tout ce temps, les mouvements hostiles à l’égard de la Russie se sont également poursuivis sans relâche. Certains pays ont adopté une routine inconvenante où ils s’en prennent à la Russie pour quelque raison que ce soit, le plus souvent, sans aucune raison.

C’est une sorte de nouveau sport de qui crie le plus fort. À cet égard, nous nous comportons de manière extrêmement retenue, je dirais même modestement et je le dis sans ironie. Souvent, nous préférons ne pas répondre du tout, pas seulement à des mouvements hostiles, mais même à une impolitesse pure et simple. Nous voulons entretenir de bonnes relations avec tous ceux qui participent au dialogue international.

Mais nous voyons ce qui se passe dans la vraie vie. Comme je l’ai dit, de temps en temps, ils s’en prennent à la Russie, sans raison.

Et bien sûr, toutes sortes de petits Tabaquis courent autour d’eux comme Tabaqui a couru autour de Shere Khan – tout est comme dans le livre de Kipling – hurlant pour rendre leur souverain heureux. Kipling était un grand écrivain. »

8. Le troisième propos de Vladimir Poutine est menaçant et cryptique, avec une ligne rouge que la Russie tracera d’elle-même.

« Nous voulons vraiment maintenir de bonnes relations avec tous ceux qui sont engagés dans la communication internationale, y compris, soit dit en passant, avec ceux avec qui nous ne nous entendons pas ces derniers temps, pour ne pas dire plus. Nous ne voulons vraiment pas brûler les ponts.

Mais si quelqu’un prend nos bonnes intentions pour de l’indifférence ou de la faiblesse et a l’intention de brûler ou même de faire sauter ces ponts, il doit savoir que la réponse de la Russie sera asymétrique, rapide et dure.

Ceux qui sont à l’origine de provocations qui menacent les intérêts fondamentaux de notre sécurité regretteront ce qu’ils ont fait d’une manière qu’ils n’ont pas connu depuis longtemps.

En même temps, je dois juste être clair, nous avons suffisamment de patience, de responsabilité, de professionnalisme, de confiance en soi et de certitude dans notre cause, ainsi que de bon sens, lorsque nous prenons une décision de quelque nature que ce soit.

Mais j’espère que personne ne songera à franchir la «ligne rouge» vis-à-vis de la Russie. Nous déterminerons nous-mêmes dans chaque cas spécifique où il sera tracé. »

9. L’adresse à la nation de Vladimir Poutine se termine par des considérations sur la modernité et la modernisation de l’armée russe, comme le premier régiment muni du missile balistique intercontinental super-lourd RS-28 Sarmat en 2022, le laser Peresvet visant les équipements de visée électro-optique tels ceux des drones ou des satellites, le Burevestnik qui est un missile de croisière à propulsion nucléaire, le drone-torpille à tête nucléaire Status-6 Poseidon…

10. Vladimir Poutine n’a ainsi pas mentionné les troupes à la frontière avec l’Ukraine, ni le Donbass.

11. Les rassemblements des opposants soutenant Alexeï Navalny dans les grandes villes russes ont échoué, ne rassemblant que quelques milliers de personnes malgré l’appel à une bataille finale du « bien » contre « l’indifférence ».

12. La République tchèque a exigé le retour en Russie de ses vingt diplomates expulsés, sans quoi il y aurait de nouvelles expulsions de diplomates russes. Maria Zakharova porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, a répondu en disant :

« Nous suggérons que Prague garde les ultimatums pour les relations à l’intérieur de l’Otan. Un tel ton à l’égard de la Russie est inacceptable. »

13. L’Ukraine est en grave manque de diesel, notamment pour les trains, en raison de l’arrêt de l’approvisionnement par le russe Rosneft et les opérations de maintenance à la raffinerie biélorusse de Mozyr.

14. Les troupes russes et ukrainienne continuent de s’accumuler à la frontière.

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Guerre

Ukraine: un 21 avril 2021 de tous les dangers

L’expansionnisme russe ouvre les hostilités avec un discours de Vladimir Poutine, le président ukrainien ayant posé sa ligne au préalable.

Le président russe Vladimir Poutine tient un discours le 21 avril, à midi à Moscou, et en amont, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a lui-même tenu un discours à la nation le 20 avril.

Volodymyr Zelensky a souligné l’unité du pays, au-delà du fait de parler différentes langues (« l’ukrainien, le russe, le tatar de Crimée, le hongrois ou la langue des signes »). L’Ukraine voudrait la paix, mais serait prête à se défendre, d’ailleurs l’Ukraine de 2021 ne serait plus celle de 2014. Le volontarisme est très présent, c’est une constante du régime, qui n’hésite pas à régulièrement souligner que l’Ukraine résisterait à une attaque russe, voire qu’elle gagnerait. C’est très clairement de l’auto-intoxication nationaliste. Il y a à la frontière une armée russe avec 110 000 hommes, une armée ukrainienne avec moitié moins d’hommes et du matériel qui a une génération de retard, ainsi que pas d’aviation.

Le président a pourtant expliqué le 20 avril :

« Nous n’avons pas peur, car nous avons une société incroyable qui est prête pour la mobilisation de masse des volontaires, qui va tout donner, tout trouver et tout apporter. Jour et nuit, dans la chaleur et le gel. »

C’est ici une allusion au seul recours en cas d’attaque russe : la levée de 200 000 hommes passés par l’armée et déjà formés, prêts à s’ajouter aux 120 000 soldats répartis dans le pays. C’est possible mais nullement assuré et les propos lyriques du président sont tout à fait représentatifs de l’idéalisme du régime ukrainien, qui a perdu pied avec la réalité. D’ailleurs, Volodymyr Zelensky n’a jamais eu l’idée de foncer à l’ONU pour en appeler aux peuples du monde. Il pense que les avions-cargos militaires régulièrement envoyés des États-Unis, du Canada et du Royaume-Uni ces derniers jours vont suffire à assurer aux combattants ukrainiens de quoi tenir.

Cette orientation a été soulignée dans le discours, le président ukrainien rappelant qu’il s’était tourné vers les dirigeants occidentaux, vers l’OTAN. Quant à la rupture avec la Russie, même si il est souligné qu’il faut éviter la guerre et ses millions de mort, elle est assumée. Volodymyr Zelensky a précisé qu’il était prêt à rencontrer Vladimir Poutine au Donbass, mais en même temps il a clairement dit que les pays n’ont plus rien à voir :

« L’Ukraine et la Russie, malgré leur passé commun, envisagent l’avenir différemment. Nous sommes nous. Vous êtes vous. Mais ce n’est pas forcément un problème, c’est une opportunité. »

Le président joue avec le feu en agissant ainsi. Son point de vue est en effet le même que celui de la Russie, mais inversée. En effet, la Russie considère l’Ukraine comme son annexe (la Grande-Russie et la Petite-Russie), la démarche étant désormais associée à la stratégie « eurasienne », où elle serait la colonne vertébrale d’un continent conservateur hébergeant de multiples communautés (on peut voir à ce sujet le très documenté article L’expansionnisme russe anti-ukrainien et sa base idéologique « eurasienne »).

L’Ukraine a la démarche inverse, l’amenant à intégrer « l’occident » de manière généralisée. Or, en adoptant cette ligne, Volodymyr Zelensky ne fait que pousser à une sorte de partition de l’Ukraine, ce qu’il prétend refuser. Car avec une telle ligne, il converge clairement avec un plan possible de la superpuissance américaine et de la Russie pour couper le pays en deux.

Et tant le romantisme « occidental » que celui « anti-occidental » ont leurs partisans en Ukraine, les deux idéologies se nourrissant des faiblesses de l’autre, entraînant une spirale irrationnelle et la soumission soit aux puissances occidentales, soit à la Russie. L’Ukraine ne peut qu’imploser dans une telle situation. Le piège est total, c’est soit Charybde, soit Scylla, ou pire les deux et la fracture de la nation ukrainienne.

En fait, la démarche de Volodymyr Zelensky n’a de sens que s’il ne croit pas en ce qu’il dit et que le régime ukrainien pense réaliser une offensive victorieuse. C’est suicidaire.

De plus, une grande rumeur veut d’ailleurs que le 21 avril, dans son discours, Vladimir Poutine proposera que la Fédération de Russie accueille en son sein non seulement les pseudos-républiques populaires de Donetzk et de Lougansk, mais également la Biélorussie. L’Ukraine serait alors automatiquement une cible.

Rappelons également que le Conseil de la Fédération de Russie est convoqué (depuis deux semaines) le 23 avril, pour un vote « en urgence » quant à une proposition du président russe. Juridiquement, cela ne peut que concerner la loi martiale, l’état d’urgence, l’envoi de forces armées hors du pays, ou bien évidemment une question « cadre » comme des éventuelles « adhésions » à la Fédération.

Et Gennady Zyuganov, président du Comité central du Parti communiste de la Fédération de Russie, a notamment déjà approuvé l’envoi prochain de troupes russes au Donbass. Si l’on ajoute les libéraux-démocrates (en fait nationalistes) et le Parti pro-Poutine, une large majorité des élus converge donc en faveur de l’expansionnisme russe.

Le 21 avril s’annonce infernal dans ce qu’il va entraîné, ce qui est déjà annoncé, dans les faits, depuis deux semaines. Agauche.org en parle d’ailleurs depuis le 2 avril, les articles concernant le conflit Ukraine-Russie étant rassemblés sur cette page. De manière isolée, dans l’indifférence générale. Mais en sauvant l’honneur de la Gauche qui sait ce qu’est la guerre et qui en connaît la nature capitaliste.

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Culture

« Rugit, gémit le vaste Dniepr »

Une très belle chanson ayant comme source le poète national ukrainien Taras Chevtchenko.

Taras Chevtchenko, Poutchaïv

Taras Chevtchenko (1814-1861) est la grande figure intellectuelle d’une Ukraine alors arriérée et écrasée nationalement. Poète, mais également peintre, Taras Chevtchenko a élevé la langue nationale ukrainienne en étant étroitement lié au peuple ; opposant au tsarisme, démocrate partisan de l’égalité sociale et de la fraternité des peuples, il eut à faire face à l’exil, à l’emprisonnement.

Les premières strophes de son poème « La cause » sont la base d’une chanson ukrainienne très célèbre, « Rugit, gémit le vaste Dniepr », mis en musique par le professeur et compositeur Danylo Yakovytch Kryjanivsky (1856-1894), dont le succès fut immédiat. Il faut dire qu’il est représentatif de l’esprit national ukrainien, parlant immédiatement au peuple.

Реве та стогне Дніпр широкий,
Сердитий вітер завива,
Додолу верби гне високі,
Горами хвилю підійма.

І блідий місяць на ту пору
Із хмари де-де виглядав,
Неначе човен в синім морі,
То виринав, то потопав.

Ще треті півні не співали,
Ніхто ніде не гомонів,
Сичі в гаю перекликались,
Та ясен раз у раз скрипів.

Rèvè ta stog’nè Dnipr chyrokyï
Sèrdytyï vitèr zavyva,
Dodolou vèrby g’nè vysoki,
Horamy khvylïou pidiïma.

I blidnyï missiats na tou porou
Iz khmary dè-dè vygliadav,
Nènatchè tchovèn v synim mori,
To vyrynav, to potopav.

Ch’tchè trèti pivni nè spivaly,
Nikhto nidè nè homoniv,
Sytchi v haiou pèrèklykalys’
Ta iassèn raz ou raz skrypiv.

Rugit et gémit le vaste Dniepr,
Furieusement hurle le vent,
Il courbe les hauts saules jusqu’à terre,
Lève des vagues pareilles à des montagnes.

Et la lune blême à ce moment
Émerge ici ou là d’un nuage
Comme une barque dans une mer bleu sombre
Qui tantôt se cabre, et tantôt plonge.

Les coqs n’ont pas encore chanté trois fois,
Personne nulle part n’a fait de bruit,
Les chouettes dans le bois se sont répondu
Et le frêne a grincé de temps à autre.

Voici également le poème Le testament de Taras Chevtchenko.

Quand je mourrai, enterrez-moi
Dans une tombe au milieu de la steppe
De ma chère Ukraine,
De façon que je puisse voir l’étendue des champs,
Le Dniéper et ses rochers,
Que je puisse entendre
Son mugissement puissant.

Et quand il emportera de l’Ukraine
Vers la mer bleue
Le sang des ennemis, alors
Je quitterais les prairies et les montagnes
Et m’envolerai
Vers Dieu lui-même
Pour lui offrir mes prières
Mais jusque-là
Je ne connais pas de Dieu !

Enterrez-moi et debout !
Brisez vos fers,
Et arrosez du sang impur des ennemis
La liberté !
Puis, dans la grande famille,
La famille nouvelle et libre,
N’oubliez pas d’accorder à ma mémoire
Une bonne parole !

Taras Chevtchenko est la grande figure nationale-démocratique ukrainienne ; il témoigne de l’existence de ce pays… que les chauvins « grands-russes » tentent de nier.

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Crises en série et Biélorussie désormais impliquée, en amont d’un conflit imminent

Les aspects de la crise se multiplient, impliquant désormais la Biélorussie, en amont d’un conflit imminent.

Les choses se précipitent dans la crise ukrainienne. Le 17 avril marque un tournant exponentiel. Voici une présentation en quelques points, afin de permettre de s’y retrouver. Chaque élément est à lui seul horriblement annonciateur.

1. Les services secrets russes ont affirmé avoir arrêté deux Biélorusses, liés à la Pologne et les États-Unis, qui auraient prévu d’assassiner le président biélorusse Alexandre Loukachenko et ses enfants. Cela rentrerait dans le cadre d’un coup d’État par l’intermédiaire de réseaux dans l’armée biélorusse, qui aurait été prévu pour le 9 mai 2021, lors de la cérémonie de la victoire sur les armées nazies. Alexandre Loukachenko a affirmé que cette tentative a été orchestrée par la CIA.

2. La Russie a fortement conseillé à John Sullivan, ambassadeur américain à Moscou, de rentrer dans son pays pour « consultations ». Devant son refus, il y a de nombreuses rumeurs d’expulsion.

3. La Russie a annoncé le 17 avril l’expulsion d’un haut diplomate ukrainien arrêté la veille alors qu’il aurait cherché à se procurer des documents classifiés. Ont été également expulsés dix diplomates américains, suite aux sanctions américaines. L’Ukraine a répondu en expulsant un haut diplomate russe.

4. La République tchèque a annoncé l’expulsion de 18 employés de l’ambassade russe accusés d’espionnage et de l’explosion d’usines d’armement en 2014 ; la Russie a affirmé que la République tchèque comptait même fermer l’ambassade russe.

5. L’aviation militaire russe a envoyé en Crimée 50 unités : des avions de combat (Soukhoï Su-27 et Soukhoï Su-30), des bombardiers (Soukhoï Su-24 et Soukhoï Su-34), des avions d’assaut (Soukhoï Su-25SM3). La flotte russe a amené deux navires de guerre et 15 bateaux de dimension plus restreinte ; pratiquement toutes les navires russes de débarquement sont en Crimée.

5. Dans la république populaire de Donetzk, les abris sont préparés, ainsi que les hôpitaux ; les bâtiments officiels ont des sacs de sable systématisés pour leur protection ; les circuits de ravitaillement des supermarchés sont fortement perturbés.

6. Les photos du conseil de sécurité russe tenu le 16 avril par vidéo montre le général Valéri Guérassimov,  chef de l’État-Major général des forces armées, dont la présence n’est pas une obligation.

7. La porte-parole de l’opposant russe Alexeï Navalny, récemment emprisonné et en grève de la faim depuis le 31 mars, a affirmé que celui-ci était en train de mourir et que ce ne serait plus qu’une question de jours.

8. Les réseaux sociaux russes font part de très nombreux vols d’hélicoptères militaires à basse altitude, jusque dans les villes.

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Guerre

La visite en France du président ukrainien Volodymyr Zelensky littéralement passée sous silence

Le tandem franco-allemand considère l’Ukraine plus comme encombrante qu’autre chose.

Les forces de l’ordre étaient particulièrement nombreuses, nerveuses et lourdement armées aux abords de l’Élysée le 16 avril 2021, en raison de la visite du président ukrainien Volodymyr Zelensky. On sent qu’il fallait que soit évité, à tout prix, le moindre événement remarquable. Et les médias ont dans cette perspective à peine mentionné cette visite, voire l’ont passé sous silence, à peu près comme les réseaux sociaux de l’Élysée et des Affaires étrangères françaises.

C’est qu’en fait la visite était prévue depuis longtemps, mais que la France n’en voulait en fait plus du tout. D’où le silence à ce sujet, d’où le fait qu’Emmanuel Macron ait expliqué au président ukrainien que pour l’adhésion de son pays à l’OTAN, il faudrait attendre la prochaine réunion de l’OTAN. D’où aussi la petite visioconférence avec la chancelière allemande Angela Merkel, pour que le président ukrainien comprenne que le tandem franco-allemand, il ne faudra pas compter dessus pour du concret.

Emmanuel Macron a donc dit merci d’être passé (дякую – diakouïou)… et au revoir.

C’est ce qu’on appelle le service minimum. Volodymyr Zelensky a dû être blême, alors que les forces séparatistes se moquent naturellement de ce soutien se réduisant à quelques mots en ukrainien. Le président ukrainien savait que la France et l’Allemagne refuseraient de s’engager en raison du poids de la Russie, mais avoir dû faire face à tant de cynisme, alors que tout indique une prochaine annexion russe du Donbass, les 20-23 avril 2021…

Il faut vraiment qu’on soit en période de crise générale, de crise à tous les niveaux, pour qu’un tel degré de tension produise autant de cynisme et de jeu « géopolitique ». Et pendant ce temps-là, les troupes russes continuent de s’accumuler.

La pression sur l’Ukraine monte ainsi de jour en jour. La ville de Kiev a fourni au public une liste des endroits où s’abriter en cas de bombardements… Amenant le commandant en chef de l’armée ukrainienne, Rouslan Khomtchak, à appeler les autorités locales à ne pas contribuer à un esprit de panique dans la population.

De son côté, le chef de la pseudo « République Populaire de Donetzk »,  Denis Pushiline, a annoncé le 16 avril qu’il avait accueilli la veille d’importants membres du Parti libéral-démocrate de Russie. Il s’agit du troisième parti politique en Russie, dont la ligne est nationaliste et conservatrice malgré son nom. Il est dirigé par Vladimir Jirinovski, un peu connu en France en raison de son soutien à Jean-Marie Le Pen.

Le communiqué de la rencontre annonce :

« Hier, le 15 avril, le chef de la République populaire de Donetsk a rencontré le premier vice-président du Comité d’État de l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie pour la défense, membre du Conseil suprême du Parti libéral-démocrate, Alexander Sherine, et le conseiller au chef de la fraction du Parti libéral-démocrate de Russie à la Douma d’État, Alexeï Bychkov. »

Le thème était évidemment la protection des « Russes », dans une définition aussi extensible que le voudra l’expansionnisme russe cherchant à une justification pour l’annexion, voire l’invasion. Qu’en sera-t-il bientôt de l’Ukraine, abandonné comme la Tchécoslovaquie en 1938 ?

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L’Ukraine pense à l’arme atomique, la Russie a 110 000 soldats et 1300 tanks à la frontière…

On entre dans la dernière phase de la préparation, d’ici une semaine les dés seront lancés.

L’Agence de presse RIA Novosti, sous la tutelle du ministère de la presse et de l’information de Russie, a publié le 15 avril 2021 un article halluciné. Car s’il a une part de vérité au sujet du triste jeu de la superpuissance américaine, il propose une vision du monde ouvertement guerrière, avec l’alliance sino-russe contre les États-Unis.

Il est ainsi expliqué dans « L’Ukraine et Taïwan retourneront inévitablement à leurs ports d’attaches » que l’Ukraine et Taïwan sont des jouets pour les « atlantistes » afin de contrer les « Etats-civilisations ». Leur réalité est entièrement fictive, artificielle (ce qui est vrai pour Taïwan, mais totalement délirant pour l’Ukraine) et doit ainsi disparaître.

« La position de l’Ukraine et de Taïwan par rapport aux civilisations dont ils se sont séparés est en effet très similaire – malgré le fait que l’Ukraine est un État reconnu par tous, et que Taïwan est reconnu par presque le monde entier comme faisant partie de la Chine, bien qu’autonome. 

Mais tant Taïwan que l’Ukraine comprennent la nature farfelue de leur «indépendance» – et ne voient aucune garantie de sa préservation à long terme, sauf grâce au soutien des États-Unis. C’est-à-dire qu’ils s’offrent eux-mêmes comme un outil dans la lutte géopolitique, ce qui ne fait qu’augmenter le rejet de leur politique (et ainsi de leur existence) de la part des pouvoirs dont ils se sont séparés.

Bien que la Chine considère officiellement la réunification avec Taïwan comme l’un de ses principaux objectifs, et que la Russie ne se fixe pas formellement une telle tâche par rapport à l’ensemble de l’Ukraine (se limitant au postulat du rétablissement inévitable de l’amitié entre deux peuples frères, pratiquement un seul peuple comme le rappelle constamment Vladimir Poutine), il est compréhensible que les intérêts géopolitiques, nationaux et civilisationnels de la Chine et de la Russie ne laissent pas d’autre chemin que la réunification avec les provinces séparatistes (…).

La Russie ne va pas conquérir l’Ukraine – elle affaiblira l’influence de l’Occident sur elle, surveillera la dégradation de l’élite ukrainienne, travaillera pour sa réintégration, en attendant que le peuple ukrainien se réveille de la tracas des parasites et des intérimaires [au pouvoir]. Dans le même temps, la Russie empêchera toute tentative d’amener deux parties d’un même peuple au conflit dans une véritable guerre fratricide. »

C’est là de l’expansionnisme maquillé derrière des argumentations de civilisation. La nature militariste et agressive d’une telle affirmation est sans ambiguïtés, dans un contexte explosif. Tout commence à se dire ouvertement et le chef suprême de l’OTAN en Europe, le général américain Tod D. Wolters, a ouvertement expliqué que le risque d’invasion russe est « de faible à moyen »…

Dans une interview à la radio allemande Deutschlandfunk, le 15 avril 2021, l’ambassadeur ukrainien Andriy Melnik a quant à lui affirmé qu’en cas d’impossibilité pour son pays de rejoindre l’OTAN, alors il faudrait lui penser à obtenir l’arme atomique, pour assurer sa défense.

Des propos qui font frémir, mais qui sont également une allusion aux accords de Budapest de 1994, que la Russie a bafoué. En effet, ces accords, appelés en fait « mémorandum », disent qu’en échange de l’abandon par l’Ukraine des armes atomiques héritées de l’URSS (alors remis à la Russie) et de sa signature du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, son intégrité territoriale serait garantie par la Russie, les États-Unis et le Royaume-Uni (à quoi s’ajoutèrent la Chine et la France). 

Un autre fait marquant a été l’envoi à Marioupol, au bord de la Mer d’Azov et désormais une cible russe assez claire, du Régiment Azov. Ce Régiment a comme ancêtre le « Bataillon Azov », composé de néo-nazis ayant justement arraché à la ville de Marioupol aux séparatistes pro-russes en 2014 ; il s’agit d’une unité à l’armement très développé, avec des membres relevant clairement du néo-nazisme.

Ces néo-nazis ne représentent rien en Ukraine, d’ailleurs le président ukrainien est juif, le premier ministre l’était également en 2019, c’est même un oligarque juif qui a financé le « Bataillon » initialement… Mais c’est une mouvance ultra-activiste, qui a été très active au moment de « l’Euromaïdan » et qui est une carte dans les mains d’Arsen Avakov.

D’origine arménienne, Arsen Avakov est le ministre de l’Intérieur depuis 2014 ; son poids dans le régime ukrainien est littéralement immense. Le Régiment Azov dépend d’ailleurs du ministère de l’Intérieur.

Le Régiment Azov en partance pour Marioupol

La décision de cet envoi provient de la confirmation de l’information selon quoi la Russie a décidé de fermer le trafic maritime en Mer d’Azov et ce pour une durée illimitée. C’est là avoir toutes les cartes en main pour débarquer sur les côtes du Sud-Est de l’Ukraine : pour l’instant les navires commerciaux ne sont pas concernés, mais le seront automatiquement en cas d’affrontement. Et l’Ukraine a également accusé la Russie de plusieurs provocations en Mer d’Azov les 14 et 15 avril.

La Mer d’Azov est enclavé, rejoignant la Mer Noire par le Détroit de Kerch que la Russie va fermer

On notera au passage que le ministre de la Défense russe, Sergei Shoigu, a précisé que les manœuvres des troupes russes à la frontière ukrainienne cesseraient… fin avril. Ce qui ne veut rien dire puisqu’en raison de la crise prévue pour le 21 avril avec le discours de Vladimir Poutine et le vote du Conseil fédéral russe le 22, le risque de guerre ouverte sera là…

On sait aussi qu’il y aura désormais un autre événement en plus : le 20 avril aura lieu une conférence au Donbass, en présence de représentants des deux « républiques populaires » et de dignitaires russes. Elle est intitulée… « Unité des Russes : protection des droits et des libertés ». L’appel à l’annexion passera ainsi par là.

Le 15 avril aura également été marqué par la convocation l’ambassadeur de Russie à Londres par le ministère britannique des Affaires étrangères, en raison des « activités malveillantes » de la Russie. Le ministre polonais des affaires étrangères a fait de même avec l’ambassadeur russe à Varsovie, annonçant l’expulsion de trois membres de l’ambassade

Quant aux États-Unis, ils ont annoncé le 15 avril également l’expulsion de dix diplomates russes et des sanctions contre 32 personnes et entités (du type entreprise ou administration liées aux services secrets russes) en raison de l’interférence russe avec les élections américaines, ainsi que des sanctions contre 8 personnes pour participation à l’annexion de la Crimée avec la Russie.

Cela fait écho au choix, le 14 avril, de ne pas envoyer des navires de guerre américains en Mer Noire : il est tablé que les sanctions joueront (de fait, le cours du Rouble a pris un petit coup)… Que l’Ukraine fera le sale boulot ou qu’au pire les restes de l’Ukraine seront récupérés.

Navires russes en Mer d’Azov

Ce qui bloque les Etats-Unis, c’est également l’Allemagne et la France, surtout la première qui entend bien doubler son pipeline de gaz avec la Russie, le Nord Stream 2 s’ajoutant au premier Nord Stream. D’où le scandale avec Ursula von der Leyen révélé le 15 avril.

Cette Allemande qui est la présidente de la Commission européenne avait reçu le 7 avril une invitation du président ukrainien, Volodymyr Zelensky, pour assister à la cérémonie du 30e anniversaire de l’Ukraine post-soviétique, avec la mise en place d’une plate-forme internationale sur la Crimée.

Non seulement elle a répondu par la négative, mais contre tout respect du protocole elle a laissé son chef de cabinet répondre, qui plus est de manière très cynique :

«Malheureusement, la présidente n’est pas en mesure de donner une réponse positive à votre invitation en raison d’un agenda particulièrement chargé les jours en question. Merci d’avance de votre compréhension »

Le président du Conseil européen Charles Michel s’est empressé d’assurer que lui serait là mais ce que cela signifie est clair. Le « recul » de l’interventionnisme américain correspond au fait que l’Allemagne a dit non à un soutien généralisé à l’Ukraine.

L’Ukraine est seule. Et à sa frontière, la Russie a amené 110 000 soldats, 330 avions, 240 hélicoptères, 1300 tanks, 3700 drones, 1300 unités d’artillerie, 380 lance-roquettes multiples…

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Une Ukraine dans l’attente de l’offensive russe

Désormais la question est de savoir quand l’opération russe va commencer.

Les troupes russes… continuent de s’accumuler à la frontière ukrainienne, comme ici (de manière masquée) des unités de la 9e brigade de contrôle de la garde, qui s’occupe des communications entre les troupes. Et on notera que la 56e brigade d’assaut aérien de la garde est présente en Crimée, soit une importante unité d’élite ayant notamment combattu lors des deux guerres de Tchétchénie.

L’offensive russe semble toujours plus à l’ordre du jour. Et paradoxalement en apparence, les États-Unis commencent à se désengager. Le directeur de la CIA William Joseph Burns a affirmé le 14 avril au Sénat américain que désormais les troupes russes étaient opérationnels pour une incursion limitée en Ukraine. Mais en même temps l’envoi de deux navires de guerre américains en Mer Noire a été annulée. Officiellement cet envoi n’avait pas été confirmé, mais la Turquie avait annoncé leur prochaine arrivée, la Russie répliquant que la sécurité de ces navires pourrait être compromise s’ils se rapprochaient des côtes russes.

Et le président américain Joe Biden a proposé une réunion à la Russie pour discuter de nombreux thèmes comme l’Ukraine, la Russie répondant qu’elle étudierait la question. C’est là une remise à plat américaine qui est étrange… à moins qu’il n’y ait, comme pour les accords de Munich en 1938, un partage de l’Ukraine qui soit prévue par les États-Unis et la Russie. C’est tout à fait possible.

Qui plus est, une rumeur a été lancée qu’en raison de prétendus exercices militaires, la Mer d’Azov serait fermé aux bateaux non russes à partir du 24 avril. La Mer d’Azov est exactement entre le Donbass et la Crimée : autant dire que cela signifierait un débarquement russe et une invasion pour relier les deux zones arrachées à l’Ukraine, avec la formation d’une « Nouvelle Russie » à l’Est de l’Ukraine.

Cette question du débarquement russe se retrouve dans un exemple anecdotique, mais très significatif. France 24, qui est un média étatique français, donc significativement encadré sur ce qu’il raconte, a publié le 14 avril un article intitulé Ukraine : Marioupol ne veut pas se retrouver de nouveau dans le viseur de la Russie.

Marioupol, au bord de la mer et qui se situe tout proche de Donetzk, est présentée comme une « ville stratégique qui vit avec l’ennemi à ses portes ». Le choix des mots est ici important : l’auteur de l’article, Gulliver Cragg, est britannique et « ennemi à ses portes » est une traduction de « Enemy at the gates », soit le nom en anglais du film Stalingrad de Jean-Jacques Annaud, sorti en 2001. Cela montre l’ampleur dramatique de l’approche d’un journaliste qui, pourtant, en même temps, explique que :

« Nous sommes encore très loin de la guerre totale de 2014, mais nous sommes aussi très loin du cessez-le-feu de 2020 « 

C’est naturellement incohérent et cette incohérence se retrouve dans tous les commentateurs qui observent une situation qui, en fait, les dépasse. En toute objectivité, il est évident que la Russie veut au minimum annexer les deux pseudos républiques populaires de Donetzk et Louhansk, voire même si possible provoquer une vague offensive pour former une « Nouvelle Russie » à l’Est de l’Ukraine.

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Jean-Luc Mélenchon, un exemple de silence sur l’Ukraine

Le silence au sujet de l’Ukraine provient d’une conception sociale-chauvine de la France.

Le silence est complet parmi les personnalités politiques françaises quant à la crise en Ukraine. Pareil en ce qui concerne les organisations de gauche ou d’extrême-gauche. C’est que le conflit entre l’Ukraine et la Russie représente une ultime frontière. Les médias ont fini par en parler, car il le fallait bien, alors que les chancelleries de chaque pays choisissait son camp. Mais pour qui fait de la politique, parler de l’Ukraine revient à affronter la question de la guerre.

Or, il est bien plus simple de dénoncer Emmanuel Macron, de participer à des manifestations syndicales en prétendant qu’on veut changer la France dans tel ou tel sens, que de se confronter à la réalité de la France comme grande puissance et à une guerre formant une tendance toujours plus envahissante. Le capitalisme propose une bulle : on peut prétendre en son sein s’agiter comme on le veut, cela ne prête pas à conséquence. Sortir de la bulle, c’est autre chose.

Ainsi, si on veut savoir quel était l’esprit avant 1914 ou en 1939 en France, on a qu’à regarder l’état d’esprit aujourd’hui, c’est du pareil au même. On est dans la croyance en le capitalisme et en la paix qu’il permettrait. La guerre semble non pas seulement impossible, mais inconcevable. Le niveau de conscience des masses est pratiquement nul.

De manière plus machiavélique, le silence correspond à une orientation attendant son heure, par le fait qu’il s’agit de représenter tel chauvinisme contre tel chauvinisme français. Voici par exemple ce que dit Jean-Luc Mélenchon dans une note sur son blog (« L’Ukraine, nouvelle frontière américaine ») le 25 février 2014 :

« Mais ceux qui, en Europe et aux Etats Unis valident les putschs et les insurrections, nous préparent des lendemains furieux d’un bout à l’autre du continent. 

La Russie ne va pas se laisser faire. C’est bien normal.

Le peuple Ukrainien non plus. Sa fraction saine, débarrassé de la tutelle des corrompus qui s’étaient imposés comme leur porte-parole et leur gouvernement, va reprendre l’initiative. On peut donc compter sur une mise en cause populaire de l’extrême droite putschiste qui ce soir tient le haut du pavé aux acclamations de « l’Occident ».

Le danger vient de la violence que tout cela peut déclencher et du risque de partition du pays que l’offensive « occidentale » peut provoquer. »

Vu de 2021, ces propos sont on ne peut plus clairs. C’est une légitimation de l’expansionnisme russe visant à annexer une partie de l’Ukraine au nom d’une « guerre civile » amenant une partie du pays à prendre son indépendance… pour se tourner « naturellement » vers la Russie. C’est très clairement là une expression de convergence avec l’expansionnisme russe.

Pourtant, Jean-Luc Mélenchon garde le silence au sujet de l’Ukraine. Mais c’est qu’il est encore trop tôt pour prendre ouvertement le parti de la Russie. Il s’agit d’attendre le moment – pour essayer de parvenir à une sorte de coup d’État dans les couches dominantes de la société française. Marine Le Pen ne pense pas différemment.

Et Jean-Luc Mélenchon annonçait d’ailleurs déjà en 2014 que les tensions continueraient à s’exacerber (« Avis aux Mickey à propos de l’Ukraine ») le 5 mars 2014 :

« Ne croyez pas que la situation va se détendre. Les intérêts engagés sont trop importants. Anglais, Français, Autrichiens, Allemands : les premières économies de l’Europe sont lourdement engagées en Ukraine et, en Russie, de toutes les façons possibles, les principales. »

C’est là qu’on voit que Jean-Luc Mélenchon raisonne de manière « géostratégique », que sa démarche sociale-chauvine française est directement en convergence avec l’expansionnisme russe. Et c’est comme dans les années 1930 : il y a une bataille au cœur des couches dominantes pour savoir quelle option choisir, alors que les gens restent passifs, ayant capitulé devant les responsabilités démocratiques au nom d’une installation sociale dans une approche petite-bourgeoise.

L’Histoire avance alors malgré tout et le drame vient bousculer une société française chantant « Tout va très bien madame la Marquise », un homme providentiel se proposant alors de sauver le pays, en assumant en fait les choix faits par les couches dominantes. L’histoire de France est riche d’exemples à ce niveau, de Napoléon à Clemenceau, en passant par Napoléon III et jusqu’à Pétain, de Gaulle.

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Tchécoslovaquie 1938, Ukraine 2021

En 1938, la Tchécoslovaquie se faisait abandonner face à un expansionnisme… L’Ukraine craint le même sort.

Tchécoslovaquie 1938, Ukraine 2021, l’Histoire bégaie. Dans les deux cas, l’opinion publique internationale n’est pas là pour garantir l’intégrité territoriale d’un pays menacé, agressé. D’ailleurs, alors que l’Allemagne nazie a détruit l’État tchécoslovaque en 1938-1939, la Russie n’hésite pas à affirmer en avril 2021 qu’en cas de guerre l’État ukrainien serait démantelé. C’est une menace ouverte.

Tout comme à l’époque, l’opinion publique internationale laisse seul un peuple, qui ne sait où se tourner dans son malheur. Il n’y a pas d’aide internationale, il n’y a pas de forces d’interposition, il n’y a que des manigances de part et d’autres, conformément aux intérêts économiques. Le peuple ukrainien est seul.

1938 et 2021, le cynisme des grandes puissances

En 1938, la Tchécoslovaquie se faisait dépecer par l’Allemagne nazie. Le prétexte était qu’une minorité allemande exigeait d’être « protégée ». L’URSS s’est alors mobilisée militairement et a demandé à la France d’intervenir avec elle pour épauler la Tchécoslovaquie, mais celle-ci refusa, tout comme la Pologne et la Roumanie.

Les tristement célèbres accords de Munich dans la foulée marquaient une capitulation face à l’Allemagne nazie, les grandes puissances ne pensant qu’à leurs intérêts. La Tchécoslovaquie pouvait bien disparaître. Ce fut la guerre pour le repartage du monde qui s’ensuivit.

En 2021, l’Ukraine subit le même sort, pareillement dans un contexte de crise capitaliste. Elle est menacée d’être dépecée par l’expansionnisme russe, au nom d’une minorité russe censée être « protégée ». Et les grandes puissances sont indifférentes… Ou alors, comme les États-Unis et la Grande-Bretagne, poussent à un affrontement solitaire contre la Russie, en fournissant du matériel. Mais l’Ukraine peut bien disparaître, à leurs yeux.

Et, qui plus est, l’Ukraine est tombée dans les mains de l’OTAN parce qu’elle est aux mains d’une oligarchie jouant avec le feu du nationalisme pour légitimer son pouvoir. Cela ajoute du drame au drame. Et c’est d’autant plus intolérable. Pourquoi n’y a-t-il aucune expression de solidarité internationale avec l’Ukraine ? La superpuissance américaine déverse-t-elle tellement de dollars, l’expansionnisme russe tellement de roubles ? N’y a-t-il plus de forces prenant le camp du peuple, de la démocratie pour le peuple ?

L’Ukraine, victime d’un affrontement général

Ce qui se joue est pourtant immense. Laisser l’Ukraine seule, c’est capituler devant la tendance à la guerre, devant le cynisme et l’indifférence, devant l’égoïsme national. C’est laisser libre cours aux évaluations géopolitiques, machiavéliques, où les pays ne sont que des pions pour les calculs savants des militaires et des capitalistes.

Si l’Ukraine était aidée, protégée de l’agression russe, préservée de l’hégémonie américaine en faisant un satellite kamikaze, cela ouvrirait une voie nouvelle pour une époque qui a besoin d’une perspective internationale, démocratique, populaire. Si elle ne l’est pas, c’est une première concession à la voie du carnage.

La Gauche doit se mobiliser pour le retrait des troupes de la frontière et l’affirmation internationale unanime de l’intégrité territoriale ukrainienne, s’occupant de la réintégration pacifique et démocratique de la Crimée et du Donbass. Elle doit montrer que le peuple ukrainien n’est pas seul !

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Ukraine: la Russie vise le 21 avril comme date clef

Vladimir Poutine prendra la parole la veille d’un vote du Conseil de la Fédération russe.

Un véhicule de guerre électronique russe au front

Le secrétaire d’État américain Antony Blinken, soit l’équivalent du ministre des Affaires étrangères, a prévenu le 11 avril 2021 qu’il y aurait des « conséquences » si la Russie agit de manière « agressive » à l’encontre de l’Ukraine. Mais ces paroles sont étranges alors que pour les Ukrainiens eux-mêmes, le scénario expansionniste russe procédera de la manière suivante. Le premier ministre de la pseudo république populaire de Donetsk, Denis Pouchiline, va appeler la Russie pour qu’elle reconnaisse cet « État », voire pour demander son intégration à la Russie.

Or, justement, le président russe Vladimir Poutine a prévu de s’adresser le 21 avril tant au parlement russe qu’aux hauts fonctionnaires. Et le lendemain, le Conseil de la Fédération de l’Assemblée fédérale de la fédération de Russie est convoqué afin d’être en mesure de prendre des décisions immédiatement sur demande du président. Ce serait évidemment pour valider l’intégration-annexion. Et les forces mobilisées le sont pour protéger cette opération.

Rappelons que la Russie est bien une Fédération, du moins en apparence… Elle est constituée de 22 républiques, 46 oblasts (c’est-à-dire des provinces), neuf kraïs (c’est-à-dire des territoires), un oblast autonome, quatre districts autonomes et trois villes fédérales. Juridiquement, du point de vue russe, l’intégration de deux « nouvelles » républiques se tient…

Ce plan est tout à fait cohérent. Et il est un terrible piège, car si l’Ukraine considère que c’est cela qui va se passer, elle est obligée d’intervenir avant ou dans la foulée afin de récupérer ses territoires perdues. Si elle le fait avant, elle va être considérée comme l’agresseur… Si elle agit dans la foulée, c’est la guerre à la Russie. La manœuvre expansionniste russe est ici très habile.

2S7 Pion russes en partance pour le front

Reste la question de la Crimée, où là aussi la Russie accumule des troupes… Les possibilités d’une attaque au sud sont tout à fait grandes, pour prendre en étau l’Ukraine de l’Est. Et le matériel de guerre électronique s’accumule particulièrement, ainsi que des bateaux de débarquement passés de la Mer Caspienne à la Mer Noire.

Des troupes en Crimée, dont l’identification d’appartenance à des zones spécifiques sont maquillées, ce la Russie pratique depuis le début pour masquer la provenance, tout en autorisant en même temps les nombreuses photos prises sur le tas

Ce n’est pas la seule pression sur l’Ukraine, car l’OTAN compte bien en faire de la chair-à-canon. On notera d’ailleurs que la ligne de front est régulièrement survolé par des avions de reconnaissance, tel un Northrop Grumman RQ-4 Global Hawk américain, un drone de pratiquement 15 tonnes et 40 mètres d’envergure.

La tension a ainsi passé un cap, on passe au cran au-dessus, de par les forces en présence, des implications diplomatiques, alors qu’en plus tout est clair sur le plan militaire. On est bien plus dans les années 1930 que dans les années 1990.

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Ukraine : l’attachée à la défense de l’ambassade américaine sur le front

C’est un exemple très révélateur de comment l’Ukraine s’est faite aspirée par des Etats-Unis qui utiliseraient bien ce pays comme chair à canon.

Carte exprimant la hantise ukrainienne d’une offensive russe depuis la Crimée et le Donbass, mais également depuis le reste de la Russie voire la Biélorussie

L’Ukraine est menacée dans son existence même par l’expansionnisme russe. Mais elle est en même temps en train de connaître un moment dramatique avec la soumission à l’OTAN qui pousse à la guerre. Voici une photographie de la colonel Brittany Stewart, qui est attachée à la défense auprès de l’ambassade américaine à Kiev. C’est lors de sa visite sur le front le 9 avril 2021.

Sur le côté on reconnaît l’insigne militaire de la 72e  brigade mécanisée ukrainienne, avec au-dessus du crâne l’inscription L’Ukraine ou la mort.

Ici on voit l’attachée à la défense américaine faire le salut militaire devant une tombe, celle de « MIF » comme c’est inscrit en haut sur la pierre tombale. Cela signifie « mythe » en ukrainien et la personne dont c’est la tombe a choisi ce surnom également en allusion à Méphistophélès, personnage du Faust de Gounod qu’il a justement incarné.

Il s’agit en effet de Wassyl Slipak, ce chanteur d’opéra ayant vécu en France et ayant rejoint les nazis du Pravyï sektor sur le front au moment de la crise au Donbass. On le reconnaît d’ailleurs sur la tombe, avec sa coupe de cheveux à la cosaque.

Pour ajouter à la complexité de la situation, le président ukrainien Volodymyr Zelensky s’est rendu le 10 avril 2021 à Istanbul pour rencontrer le président turc Recep Tayyip Erdogan. Il y a quelques jours, le président ukrainien a fait un passage express au Qatar… Rappelons que le Qatar et la Turquie forment un bloc, celui des « frères musulmans ». Et l’Ukraine a utilisé pour la première fois le 10 avril ses drones de combat achetés à la Turquie, les Bayraktar TB2 SİHA.

Depuis quelques jours, toutes les cartes tactiques s’abattent. Alors que les commentateurs, entre horreur et cynisme, considèrent le risque de guerre a entre 24 et 50%.

Il faut bien d’ailleurs se donner une idée des forces en présence à la frontière Russie-Ukraine, pour saisir l’ampleur du drame qui se joue. Voici des véhicules ukrainiens rejoignant le front, ce sont des tracteurs-érecteurs-lanceurs d’OTR-21 Tochka. On parle ici de missiles balistiques faisant 482 kilos, et datant de l’époque soviétique. L’Ukraine nie les avoir employés en 2014-2014 pour le conflit au Donbass, mais c’est un secret de polichinelle que cela a bien été le cas.

Voici des Typ 9K720 Iskander russes, allant sur le front. Il s’agit du successeur des OTR-21 Tochka envoyés par l’Ukraine. Le poids de ce qui est envoyé est doublé (800 kilos) et l’ordre de précision est de 5-7 mètres. Le décalage avec le matériel ukrainien est de l’ordre d’une génération.

La supériorité russe est en fait complète. Illustrons ce terrible panorama le canon automoteur russe 2S7 Pion, soit le plus lourd au monde dans son genre, avec également le plus gros calibre.

La Russie a déjà bien plus de forces présentes qu’en 2014 au moment de la crise. Le processus enclenché, le recul est difficile, surtout alors que la crise du capitalisme parcoure le monde… L’Ukraine risque d’être une victime d’une nouvelle époque qui s’annonce militarisée, expansionniste, aux visées impérialistes. D’autant plus que ce conflit a comme véritable trame de fond l’opposition frontale du début du 21e siècle, celui entre la superpuissance américaine et son challenger chinois.

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Culture

« Tout le flegme extérieur d’un Zaporogue »

Un extrait du fameux roman Tarass Boulba de l’écrivain ukrainien Nicolas Gogol, présentant les cosaques, qui façonnent la culture nationale ukrainienne en lutte contre les Polonais et les Tatars.

Il y avait déjà plus d’une semaine que Tarass Boulba habitait la setch avec ses fils. Ostap et Andry s’occupaient peu d’études militaires, car la setch n’aimait pas à perdre le temps en vains exercices ; la jeunesse faisait son apprentissage dans la guerre même, qui, pour cette raison, se renouvelait sans cesse.

Les Cosaques trouvaient tout à fait oiseux de remplir par quelques études les rares intervalles de trêve ; ils aimaient tirer au blanc, galoper dans les steppes et chasser à courre. Le reste du temps se donnait à leurs plaisirs, le cabaret et la danse. Toute la setch présentait un aspect singulier ; c’était comme une fête perpétuelle, comme une danse bruyamment commencée et qui n’arriverait jamais à sa fin.

Quelques-uns s’occupaient de métiers, d’autres de petit commerce ; mais la plus grande partie se divertissait du matin au soir, tant que la possibilité de le faire résonnait dans leurs poches, et que leur part de butin n’était pas encore tombée dans les mains de leurs camarades ou des cabaretiers.

Cette fête continuelle avait quelque chose de magique. La setch n’était pas un ramassis d’ivrognes qui noyaient leurs soucis dans les pots ; c’était une joyeuse bande d’hommes insouciants et vivants dans une folle ivresse de gaieté. Chacun de ceux qui venaient là oubliait tout ce qui l’avait occupé jusqu’alors.

On pouvait dire, suivant leur expression, qu’il crachait sur tout son passé, et il s’adonnait avec l’enthousiasme d’un fanatique aux charmes d’une vie de liberté menée en commun avec ses pareils, qui, comme lui, n’avaient plus ni parents, ni famille, ni maisons, rien que l’air libre et l’intarissable gaieté de leur âme.

Les différents récits et dialogues qu’on pouvait recueillir de cette foule nonchalamment étendue par terre avaient quelquefois une couleur si énergique et si originale, qu’il fallait avoir tout le flegme extérieur d’un Zaporogue pour ne pas se trahir, même par un petit mouvement de la moustache : caractère qui distingue les Petits-Russiens [les Ukrainiens par opposition aux Grands-Russes, c’est-à-dire les Russes] des autres races slaves.

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Ukraine-Russie: une actualité qui s’impose

Le conflit entre l’Ukraine et la Russie se pose désormais ouvertement à la face du monde.

La montée en puissance du conflit entre l’Ukraine et la Russie a réussi à percer le silence médiatique ; désormais beaucoup de médias en parlent. Le souci, c’est qu’il apparaît clairement qu’en fait les médias attendaient les positions officielles de leur propre pays. Il est flagrant qu’il n’y a pas d’indépendance dans les orientations, tout est résolument placé dans la perspective du ministère des affaires étrangères de chaque pays.

De plus, cette percée médiatique et ces positions diplomatiques s’exposent surtout parce que désormais les deux blocs apparaissent clairement : l’OTAN d’un côté, avec la superpuissance américaine, et la Russie avec son expansionnisme.

Cela pose la question du jeu des alliances. Ainsi, le 8 avril 2021, Angela Merkel a appelé le président russe Vladimir Poutine, pour demander que ce soit cessée l’escalade militaire. Mais en même temps l’Allemagne et son satellite autrichien se tournent résolument vers le vaccin Spoutnik. Quant à la France, son silence en dit long sur son orientation à la suite de l’Allemagne.

Ce qui n’a pas grand chose à voir avec la position américaine qui a été d’affirmer que des navires militaires seraient envoyés en Mer Noire. Une mer Noire qui va également accueillir de nombreux navires russes, prétendument pour un « exercice ». Une Mer Noire où se trouve la Crimée où était présent le 8 avril le président russe Vladimir Poutine.

Vladimir Poutine dont l’administration présidentielle a comme responsable Dmitri Kozak, qui a expliqué le même jour que :

« Le début des hostilités est le début de la fin de l’Ukraine. »

Une Ukraine qui a désormais refusé que les négociations futures se trouvent à Minsk, la capitale de la Biélorussie. Une Biélorussie qui a commencé à déplacer des troupes à sa frontière avec l’Ukraine. Alors qu’inversement, toujours le 8 avril, le ministre des affaires étrangères polonais, Zbigniew Rau, était à Kiev pour rendre visite à son homologue ukrainien Dmytro Kuleba.

Le ministre letton des affaires étrangères, Edgars Rinkevics, a affirmé de son côté que son pays soutenait l’initiative lituanienne de proposer un plan pour la rentrée de l’Ukraine dans l’Otan. Et l’ambassadeur slovaque à Kiev, Yurii Mushka, a annoncé la mise en place d’une coopération transfrontalière slovaquo-ukrainienne.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a quant à lui visité le front. Alors qu’en face les troupes russes continuent d’affluer.

Rien qu’avec tout cela la Russie a réussi son premier objectif : proposer une vague d’inquiétude et de mobilisation, tout en s’opposant à l’OTAN. Beaucoup pensent que les choses s’arrêteront là, que c’était le but, faire peur pour négocier. Seulement, on est en pleine crise, une crise dont le capitalisme ne se sort pas depuis une année. Et là la guerre pour le repartage du monde exige plus que des négociations, fussent-elles musclées.

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Ukraine: un affrontement devenu celui de l’OTAN et de l’expansionnisme russe

L’OTAN a pris l’initiative et désormais les deux blocs sont devenus unilatéralement antagoniques.

Selon les données apparentes et avec une marge d’erreur significative, on peut considérer que les forces en présence aux frontières de la Russie et de l’Ukraine sont désormais les suivantes:

– les deux pseudos-républiques populaires (de Donetsk et Louhansk) s’appuient sur 30 000 soldats, 500 chars, 1 000 véhicules blindés ;

– les forces russes consistent en 120 000 soldats, 400 chars, 7 600 véhicules blindés ;

– les forces ukrainiennes consistent en plus de 200 000 soldats, 450 chars de combat, 2 500 véhicules blindés.

On peut mettre de côté les forces aériennes, la supériorité russe étant écrasante, tout comme d’ailleurs le niveau technique des armements en général (obusiers, canons, lance roquettes multiples, systèmes anti-chars, etc.).

C’est monstrueux… et les accrochages et utilisations d’artillerie ont également commencé à reprendre à la frontière. Cela commence à avoir une autre signification alors que les troupes sont massivement présentes d’un côté comme de l’autre… Et que désormais l’affrontement est devenu celui de l’OTAN, ayant vassalisé l’Ukraine, avec l’expansionnisme russe.

Le maréchal en chef de l’air britannique Stuart Peach, président du Comité militaire de l’OTAN, s’est ainsi rendu en Ukraine le 7 avril 2021. Il a évidemment appuyé de toutes ses forces les démarches de l’Ukraine pour une adhésion, alors que le site internet de l’OTAN a désormais une version en ukrainien. Rappelons que le 6 avril, le président ukrainien avait mis cette question de l’adhésion sur la table, un véritable saut qualitatif.

Dès lors, la Russie ne parle plus du tout de manœuvres militaires, mais de nécessité opérative. L’Ukraine est ouvertement assimilée à l’OTAN, comme dans ces propos du 7 avril 2021 de Maria Zakharova, porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères:

« Nous considérons cette campagne de désinformation et de propagande comme un moyen pour Kiev de détourner l’attention de ses propres préparatifs militaires dans le Donbass, de son sabotage des accords de Minsk (sur le règlement de la crise au Donbass) et de l’intensification des activités militaires des pays de l’OTAN en Ukraine. »

Et les troupes russes continuent d’affluer du pays tout entier, alors que Dmitri Peskov, le secrétaire de presse du président russe Vladimir Poutine, a expliqué, en faisant allusion aux 600 000 détenteurs de passeports russes à l’Est de l’Ukraine, que:

« assurer la sécurité des citoyens russes est absolument une priorité pour l’Etat russe et le président russe Vladimir Poutine »

Autant dire que les masques sont tombés de part et d’autre et cela implique une polarisation systématique. Le 7 avril, la Lituanie a ainsi dit qu’elle était prête à aider à établir le plan d’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN. C’est la ligne des pays baltes, farouchement anti-russe (et totalement anti-communiste), ouvertement pro-américain.

L’Allemagne a de son côté expliqué que l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN… n’était pas du tout à l’ordre du jour. C’est que l’Allemagne met en place un gazoduc venant directement de Russie, le gazoduc Nord Stream 2 ; commencé en 2018, il n’est pas terminé car les États-Unis ont exercé une pression gigantesque pour l’empêcher.

C’est là l’expression d’une contradiction au sein de l’OTAN. Et le média pro-russe Spoutnik témoigne d’une autre contradiction que la Russie aimerait renforcer, celle entre la France et l’OTAN, d’où son article Adhésion de l’Ukraine à l’Otan: «Les Français sont-ils prêts à mourir pour Donetsk?».

En fait, tant l’OTAN que l’expansionnisme russe jouent sur le fait que l’Ukraine est loin, méconnue… pour en faire un sanglant terrain de jeu. Et l’accumulation d’armements et de troupes ne cesse toujours pas…

La rhétorique de la Russie et de l’Ukraine ne cesse de prendre une ampleur guerrière également. En Russie il y a même eu une émission où des commentateurs ont dit qu’il fallait envoyer des missiles nucléaires contre l’Ukraine… Et, de toutes façons, il est expliqué de manière ininterrompue dans la propagande que l’Ukraine va attaquer, que la Russie envoie des troupes massivement pour se défendre, etc.

Du côté ukrainien, tous les relais de la Russie ont été brisés. Le 5 avril, des sanctions ont été prises contre 10 personnes et de 79 entreprises dont 11 entités russes, accusées de « contrebande ». En réalité, c’est la liquidation de la partie pro-russe de l’oligarchie, dans le prolongement de la mise de côté en février de Victor Medvedtchouk, un oligarque ukrainien très proche du président russe Vladimir Poutine. Ses chaînes de télévision 112 Ukraine, ZiK et NewsOne ont été fermées. Tout ce qui est russe est ouvertement considérée comme hostile.

Les deux blocs se considèrent comme ennemis et il n’y a plus aucun espace de convergence. Les objectifs sont désormais un affaiblissement généralisé du concurrent, pour s’en débarrasser. On est en plein dans la bataille pour le repartage du monde.

https://www.youtube.com/watch?time_continue=7&v=RWJeHVUasLs&feature=emb_title