Un sondage publié ce dimanche 5 mai 2019 donne la liste menée par Raphaël Glucksmann et soutenue par le Parti socialiste en dessous des 5 % requis pour avoir des élus aux Européennes. Cela serait un grand échec politique pour la Gauche française si aucune de ses listes ne parvenait à obtenir des députés européens.
Les sondages valent ce qu’ils valent et on peut même penser qu’ils sont très critiquables dans la mesure où ils influencent injustement les campagnes électorales. En attendant, ils existent et ils participent de la réalité, tout en la reflétant au moins dans les grandes lignes.
La grande information politique d’hier était donc ce sondage donnant la liste emmenée par Raphaël Glucksmann ( ENVIE D’EUROPE ÉCOLOGIQUE ET SOCIALE ) sous la barre des 5 %, soit le seuil minimum pour avoir des élus.
L’enquête réalisée par l’institut Harris Interactive-Epoka pour les médias RTL, Le Figaro, et LCI-TF1 donne la liste à 4,5 %, en recul de 0,5 point par rapport à l’enquête précédente. C’est border-line comme ont dit, et si on peut penser que cela se situe dans la marge d’erreur, que c’est rattrapable avec une bonne dynamique de campagne pendant trois semaines, le signal est néanmoins très clair.
Force est de constater que la Gauche est tombée très bas en France. Son principal parti, le PS, ne présente même pas de tête de liste, et se retrouve maintenant menacé par un sondage de soutenir une liste qui fera chou blanc.
C’est que la Gauche est dispersée, elle n’a pas été en mesure de s’entendre. Ni Ian Brossat, tête de la liste liée au PCF ( POUR L’EUROPE DES GENS CONTRE L’EUROPE DE L’ARGENT ), ni Benoît Hamon, tête de la liste liée à Génération-s ( LISTE CITOYENNE DU PRINTEMPS EUROPEEN AVEC BENOÎT HAMON SOUTENUE PAR GÉNÉRATION.S ET DÈME-DIEM 25 ), n’ont su aller dans le sens de l’unité.
À elles trois, ces listes cumulent pourtant aux alentours de 10 %, en fonction des sondages. Ce n’est pas énorme, mais au moins cela serait significatif, marquant un pôle de la Gauche, établissant une dynamique nécessaire pour faire face à l’extrême-droite.
C’est malheureusement tout l’inverse qui se passe. En plus d’être rongée de l’intérieur, la Gauche est attaquée par les flancs, surtout par son flanc droite en fait. Yannick Jadot, qui conduit la liste EUROPE ÉCOLOGIE, explique partout qu’il n’est surtout pas de gauche, mais un sorte d’équivalent d’Emmanuel Macron en un peu moins libéral. Il entraîne cependant avec lui beaucoup de gens de gauche, notamment des personnes qui sont ou étaient liées aux Verts.
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C’est d’ailleurs exactement la même chose pour l’ancienne socialiste Delphine Batho, présente sur la liste URGENCE ÉCOLOGIE, qui avait expliqué récemment qu’elle n’est plus de gauche.
Il se passe bien-sûr la même chose avec la formation de Jean-Luc Mélenchon, la France insoumise, qui assume ouvertement le populisme plutôt que la gauche, mais attire à elle une partie de l’électorat de la gauche. La tête de la liste LA FRANCE INSOUMISE, Manon Aubry, n’est pas de gauche mais entend bien s’accaparer des voix pour faire un score important et mettre la Gauche dans les cordes.
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À gauche de la Gauche, si l’on peut dire les choses ainsi, il y a les listes LUTTE OUVRIERE – CONTRE LE GRAND CAPITAL, LE CAMP DES TRAVAILLEURS menée par Nathalie Arthaud de Lutte ouvrière et PARTI RÉVOLUTIONNAIRE COMMUNISTES menée par
Antonio Sanchez, issu du PCF. Cela ne représente toutefois a priori pas grand-chose et ces personnes n’ont de toutes manières, traditionnellement jamais fait le choix de l’unité à Gauche, à part pour des visées électoralistes.
Cela n’est pas tout. La Gauche, en étant incapable de se positionner comme un pôle clair et dynamique aux yeux de la société française, favorise de surcroît un éparpillement des initiatives. Il y a parmi les 33 listes déposées officiellement pour les élections du 26 mai prochain, beaucoup de petites listes que l’on pourrait qualifier de « thématiques » et qui pourraient séduire des gens de gauche.
C’est le cas par exemple de la liste « animaliste », de la liste « décroissance », de la liste censée représenter les jeunes ( ALLONS ENFANTS ) ou encore les questions liées au numérique ( PARTI PIRATE ), et même d’une certaine manière des « listes gilets jaunes ».
Tout cela relève de problématiques qui devraient être largement assumées par la Gauche, qui attirerait alors à elle les initiatives, pour former un grand élan démocratique et populaire dans la société française. Il en est de même évidemment de l’écologie, qui n’a pas de raison d’être considérée de manière autonome, mais doit faire partie de la proposition d’ensemble de la Gauche.
C’est d’ailleurs ce que disent tant Raphaël Glucksmann que Benoît Hamon et Ian Brossat, sauf que la dynamique de gauche n’est pas suffisamment puissante pour que cela se traduise concrètement, ici dans les votes, et autrement dans les pratiques quotidiennes et les préoccupations politiques concrètes.
La Gauche donc, risque de se retrouver bien mal dans trois semaines, avec un score très faible et une incapacité à faire front face au grand succès d’extrême-Droite qui se profile. Si, de son côté, l’extrême-Droite connaît aussi de nombreuses listes, celles-ci sont bien plus l’illustration d’une dynamique générale que d’un éparpillement. La liste PRENEZ LE POUVOIR, LISTE SOUTENUE PAR MARINE LE PEN de Jordan Bardella du Rassemblement national est promise à un très gros score et pourrait même obtenir le meilleur score en France, devant la liste représentant la majorité présidentielle.
La Gauche ne sera en mesure d’y faire face qu’en faisant front, en assumant ses valeurs historiques liées au mouvement ouvrier, en assumant le Socialisme, en assumant de vouloir réellement changer la vie pour emmener avec elle les classes populaires vers de meilleurs lendemains.
N’avoir aucun député européen à l’issue de ces élections ne changerait pas grand-chose à la donne politique et à la possibilité de construire un Front populaire dans les années à venir. Cela serait toutefois un échec symbolique retentissant pour la Gauche, qu’il vaudrait probablement mieux éviter.