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Politique

La « Jeune Garde » dans la revue Politis

C’est un tournant pour toute une mouvance.

La revue Politis, qui exprime un point de vue anti-libéral selon un point de vue gauche moderniste, a publié un numéro faisant la part belle au groupe « la Jeune Garde« . C’est là quelque chose de très intéressant, car c’est là une contribution assez importante à la liquidation de la Gauche historique.

La Jeune Garde, qui existe à Lyon, Paris et Strasbourg, est un mouvement qui se définit par l’antifascisme. Son nom est une référence indéniable à la chanson socialiste d’avant 1914 qui s’est prolongée chez les socialistes et les communistes par la suite, et jusqu’aux années 1990 dans différentes organisations d’extrême-Gauche. Le groupe utilise également le symbole des trois flèches qui fut employé par la social-démocratie allemande des années 1930 et autrichienne des années 1930 et 1950 (voire jusqu’à aujourd’hui).

C’est très paradoxal, car dans sa démarche, la Jeune Garde n’a rien à voir avec le mouvement ouvrier. En effet, on ne parle pas ici d’une structure en mode partidaire, sur une base idéologique avec une insistance sur la conscience du monde, mais d’une mouvance s’appuyant sur un style.

Ce style est celui des ultras du football, avec un mélange fumigènes – marques de mode appréciés dans les stades (comme Stone Island) – focalisation sur la police (en mode « ACAB ») – esprit de bande – photos de groupes sur les réseaux sociaux – coups de poing.

Les coups de poing se déroulent en l’occurrence contre l’extrême-Droite : le groupe est originaire de Lyon, une ville où l’extrême-Droite n’hésite pas à parader et à agresser, jusqu’au cutter à la barre de fer, comme encore tout récemment (voir ici et ).

Il faut bien saisir qu’on parle ici d’un mouvement de masse : il existe de nombreux groupes ayant le même style que la Jeune Garde, mêlant pour cette raison le style ultra au rap, à du militantisme anarchiste et syndicaliste, etc. Mentionnons notamment le Groupe Antifasciste de Lyon dont des activistes ont été arrêtées ces derniers jours, jusqu’à sur leur lieu de travail, pour des affrontements avec l’extrême-Droite lors d’une manifestation anti-pass (voir le communiqué du groupe ici).

Le symbole des trois flèches provient de la social-démocratie allemande, mais arrive sans doute ici par l’intermédiaire du RASH, un regroupement international anarchiste et communiste de skinheads antifascistes (sans rapport donc avec le symbole originel non plus)

Pour cette raison, il y a également dans toute cette mouvance des gens largement influencés par la Gauche historique et aborder même cette question n’a pas de sens pour les gens de cette mouvance, qui ont une approche spontanéiste, non idéologique ni partisane. Le principe est de combattre le racisme et les structures d’extrême-Droite, de se revendiquer des classes populaires, tout le reste semble très lointain pour la plupart.

Cela fait que, pour beaucoup de jeunes étudiants cherchant à rejoindre la « gauche radicale », la seule chose qui existe vraiment à leurs yeux est cette mouvance. D’où, forcément, l’intérêt qu’y voit Politis, d’autant plus que la Jeune Garde a passé un cap en parvenant à systématiser son approche, au point de disposer d’un porte-parole (ce qui est extrêmement courageux à Lyon de par les agressions d’extrême-Droite).

Du point de vue de la Gauche historique, il ne faut par contre pas s’attendre à quelque chose d’élaboré ; comme on le voit dans une interview dans la revue hipster Vice ou bien dans une interview au site La Horde, où l’on a on a cette définition suivante de l’antifascisme par le groupe parisien de la Jeune Garde:

« L’antifascisme c’est lutter contre les idées racistes, xénophobes, islamophobes, sexistes, antisémites, transphobes et homophobes »

Cette définition fera soupirer quiconque a ses racines dans la Gauche historique, pour qui le fascisme est une expression historique d’un capitalisme en crise cherchant des solutions par la guerre. Mais sans nul doute les gens de cette mouvance diront qu’ils n’ont rien contre cette définition et c’est bien là tous les avantages et les défauts d’une telle mouvance, ballottée dans les idées, influencée par l’extrême-Gauche comme par des théoriciens universitaires, suivant les modes activistes tout en cherchant une certaine loyauté populaire.

Cela étant, la valorisation par Politis fait passer un cap, car là on est dans le néo-réformisme assumé, on est dans une prétention à élaborer un nouveau discours « antifasciste », à remplacer ce qui a existé dans le passé car tout serait périmé, etc. C’est donc l’apogée pour cette mouvance, mais en même temps sa fin car toute ossification implique sa disparition comme « style » activiste.

Soit elle prolonge le tir et adopte un réformisme néo-anarchiste, totalement influencé par les valeurs libérales du post-modernisme, soit c’est le maintien d’une ligne du « coup de poing » et c’est l’écrasement, en raison du substitutisme et de l’aventurisme, par la combinaison de la répression étatique et des agressions d’extrême-Droite.

C’est le prix à payer quand on suit une ligne d’ultra-Gauche, qu’on rejette la Gauche historique et sa démarche programmatique-consciente.

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Écologie

Le Sénat détricote la proposition de loi sur la maltraitance animale

La société française ne peut faire que semblant de changer les choses pour les animaux.

Le Sénat, c’est un peu la voix de la « vieille France », car en pratique c’est le parlement des notables élus locaux, où les forces traditionnelles sont toujours majoritaires. Il n’est donc pas étonnant que sur un sujet aussi actuel et brûlant que la question animale, il ait joué son rôle réactionnaire.

En l’espèce, il y avait une proposition de loi sur la maltraitance animale, votée par l’Assemblée nationale (c’est-à-dire les députés) avec comme mesure phare la fermeture d’ici à 2024 des animaleries. C’est un peu la moindre des choses, car ces lieux sont une barbarie : des animaux isus d’élevages visant le profit (voire de traffics), mal sevrés, stressés, mis en vitrine comme des peluches, puis des achats compulsifs conduisant à une absence de responsabilité et d’engagement réel vis-à-vis des animaux.

Bien souvent, ces animaux finissent délaissés, prisonniers d’une maison ou d’une cage, et dans le pire des cas, ils sont lâchement abandonnés.

La période du confinement a été de ce point de vue une catastrophe. Cet été 2021, la SPA dite de Paris, qui n’est pas le seul réseau de refuges, loin de là, a annoncé avoir recueilli 17 000 animaux. C’est abominable. Mais cela n’empêche pas le Sénat donc, de réviser la proposition de loi en préférant défendre le commerce des animaux, en s’opposant à l’interdiction de la vente d’animaux de compagnie en animalerie.

Le rapporteur LR de la proposition de loi, Anne Chain-Larché, a eu des mots très provocateurs pour dénigrer la protection animale (qui est résumée ici à la seule SPA, preuve qu’elle n’y connaît rien) :

« Nous entendons bien dans chacun de ces amendements la voix de la SPA. Mais je considère que la SPA n’a pas le monopole de la bientraitance. »

C’est que tout cela est bien trop lourd à porter pour une société française refusant de regarder les animaux dans les yeux, s’obstinant à penser qu’ils ne sont que des meubles un peu particuliers.

Quelques sénateurs de gauche ou dit écologistes ont bien sûr exprimé leur opposition, en rappelant quelques vérités.

Mais tout cela ne mène pas bien loin, car il n’y a aucune perspective nouvelle et concrète visant à changer réellement le rapport aux animaux dans notre société. Il ne s’agit pas de faire confiance aux « éleveurs » plutôt qu’aux animaleries-magasins, il faut toute une révolution des mentalités pour que change réellement le sort des animaux.

Cela, pour le vouloir, il faut avoir la culture de la rupture avec un monde superficiel, un monde cynique, un monde du paraître, un monde où l’insensibilité a une grande part. C’est la culture de la Gauche historique.

Le débat parlementaire sur la maltraitance animale n’a d’ailleurs de toute façon pas mené de manière démocratique : il faudrait d’abord à la base une véritable expression de l’opinion public à ce sujet.

Mais pour cela, il faudrait bien sûr qu’il existe une réflexion publique, ce qui n’est pas du tout le cas, loin de là. La France s’imagine un grand pays d’universalité, de culture et de progrès social, mais il a surtout une population à la foi ultra libérale et aux mentalités ringardes dans le rapport à la vie quotidienne.

D’où une situation où rien n’avance pour les animaux, à part en apparence. Et encore, pour les animaux en liberté, il n’y a même pas d’apparence de changement. C’est une catastrophe et il faut changer tout cela, absolument, résolument.

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Société

Grève des fonctionnaires le 5 octobre 2021

Le bloc CGT, CGT FO, FSU, Solidaires et FA-FP prennent leurs rêves pour la réalité.

C’est tout à fait exemplaire de comment les mentalités n’ont pas changé malgré la crise, alors que tout a changé. Les syndicats, n’existant concrètement que par la fonction publique, s’imaginent encore et toujours les seuls protagonistes sociaux. Il n’y a toujours pas d’effort vers les travailleurs du privé (sans parler des usines), ni de considérations culturelles et politiques (et ce alors que la Droite et l’extrême-Droite vont ici de succès en succès).

Les syndicats se permettent même de dénoncer la vaccination obligatoire, se plaçant ainsi en porte-à-faux avec la société et les gens les plus conscients à Gauche. Mais quand on dit les syndicats, on ne parle pas de la CFDT (qui assume de ne pas être contestataire et qui est désormais le premier syndicat en France) ni de la CFE CGC (qui regroupe les cadres) : ceux-là en profitent pour rester à l’écart et gagner des points.

C’est exemplaire d’un panorama avec des réformistes-modernistes concrets et non hors-sol, et des contestataires qui ont une portée utopique mais sont totalement déconnectés et finalement simplement corporatistes.

Voici le communiqué :

« Les organisations syndicales représentatives de la Fonction publique CGT, FO, FSU, Solidaires et FA-FP appellent l’ensemble des fonctionnaires et agents-es publics à cesser le travail le 5 octobre 2021 et à participer aux mobilisations organisées avec le secteur privé.

Subissant depuis des années des politiques publiques d’austérité qui ont dégradé considérablement leurs conditions de travail et leur pouvoir d’achat, les fonctionnaires et agents-es publics s’inscrivent dans les revendications portées sur le plan interprofessionnel, notamment :

• l’augmentation générale des salaires par la revalorisation du point d’indice et l’amélioration de la grille indiciaire, ainsi que des mesures fortes pour gagner l’égalité professionnelle,

• l’arrêt des suppressions de postes et des recrutements partout où c’est nécessaire,

• l’abandon du projet de loi 3DS, des restructurations et le maintien et le développement de services publics de proximité,

• l’arrêt des emplois précaires et la mise en place d’un plan massif de titularisation et/ou de CDIsation,

• l’engagement que la réforme portant sur un régime universel des retraites ou la remise en cause des régimes spéciaux est abandonnée.

Tout en réaffirmant que la priorité doit être à la mise en œuvre des moyens indispensables pour protéger la santé de la population et des salariés-es en particulier, dont fait partie aujourd’hui la vaccination à laquelle chacun doit pouvoir accéder, nous rappelons qu’il est inacceptable de sanctionner un-e agent-e sur un plan professionnel au regard de choix personnels, le tout sans possibilité de débat contradictoire par la saisine des CAP ou CCP.

C’est pourquoi, nos organisations refusent toute suspension des agents-es et interruption de leur rémunération et demandent le retrait de cette disposition du projet de loi.

Elles revendiquent davantage de moyens pour la santé et l’hôpital public et, globalement, des budgets 2022 en rupture avec les politiques d’austérité.

Face à un Président de la République et un Gouvernement qui continuent de faire la sourde oreille aux revendications portées par les organisations syndicales des travailleurs-euses, il est temps de nous faire entendre !

Nos organisations syndicales apportent leur soutien à toutes les mobilisations en cours notamment à l’Éducation nationale le 23 septembre prochain [l’appel date du 17] et en solidarité avec les retraités-es le 1er octobre 2021, processus de lutte qui doivent converger le 5 octobre prochain.

Ensemble, public, privé, soyons solidaires et prenons notre destin entre nos mains !

En grève et aux manifestations le 5 octobre 2021 ! »

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Politique

Ne jamais insulter l’avenir, en sachant de quoi il sera fait

Peu importe les illusions du moment, il faut envisager les choses sur le long terme.

Il y a historiquement deux gauches en France : une qui est électorale, carriériste, portée par des gens qui ont des valeurs mais qui sont ravis de s’insérer dans une vie bourgeoise tranquille, et une qui est syndicaliste, peu évoluée, prompt au simplisme et qui se complaît dans des discours d’autant plus contestataires qu’il ne se passe rien.

Il est temps de construire une nouvelle Gauche, qui s’inscrit vraiment dans la réalité, tout en conservant ses valeurs. Ce n’est évidemment pas facile, parce qu’il y a le risque de l’opportunisme d’un côté, de l’isolement « radical » de l’autre. Il faut être à la fois avec les gens et surtout pas avec eux, il faut avoir une vie normale et, en même temps, surtout pas une vie normale.

Il ne faut pas céder aux appels sucrés d’un plan de carrière, pas plus qu’il ne faut s’enfermer dans un petit milieu coupé de la réalité où les idées fonctionnent en cercle fermé.

C’est d’autant plus vrai que l’avenir appartient à la vraie Gauche, celle qui porte les valeurs historiques. Les raisons sont d’une double nature: d’abord, le capitalisme vit à crédit et il va chercher à faire payer ce crédit aux travailleurs. La crise sanitaire a coûté une fortune, coûte une fortune, coûtera une fortune au capitalisme. Le niveau de vie des travailleurs va baisser et là il y aura de moins en moins de marge de manœuvre pour le capitalisme à visage humain.

Ensuite, la marche à la guerre est inexorable. Il suffit de lire la presse pour entendre parler, de plus en plus, de tensions, d’escalade militaire, d’un affrontement sino-américain comme bataille pour la position dominante dans le monde. Et lorsque la guerre s’impose, plus rien n’est pareil, aucune pierre ne reste posée au même endroit.

Le sondage fait en ligne par Le Figaro fin septembre 2021 aborde directement la question de la guerre

Le paradoxe est que, pour être présent dans les futures terribles circonstances, il ne faut pas fermer certaines portes, il ne faut pas bloquer les perspectives permettant d’agir dans l’avenir. Du choix de ces portes dépendent les capacités optimales ou au contraires très faibles d’agir par la suite.

Prenons un exemple concret. Il était impératif d’appeler à voter Emmanuel Macron contre Marine Le Pen pour le second tour de la présidentielle en 2017. Pourquoi? Parce que c’est un marqueur essentiel, dont on aura besoin par la suite. C’est une manière de s’adapter à la prochaine configuration, où le fascisme ne sera pas seulement relativement là, mais absolument.

De la même manière, il faut regarder ce que fait la Gauche réformiste, d’ailleurs très affaiblie. Pourquoi, parce qu’elle sera encore là à moyen terme, alors que tous les mouvements post-gauche, populiste, comme par exemple La France Insoumise, ne le seront plus, ou ne seront de toutes façons pas crédible.

Le terme de crédibilité est essentiel, parce que c’est le concept qui décide de tout !

A quoi servirait en effet qu’il existe une situation de contestation générale, si la Gauche historique n’est pas crédible? Celui qui l’emporte est toujours celui qui possède le plus de crédibilité, parce qu’il transporte plus de force sociale, parce qu’il véhicule davantage de valeurs à même de répondre à la crise.

C’est pourquoi dans une situation de crise, le camp qui l’emporte, ce sont les réformistes ou l’extrême-Droite, ou bien la Gauche historique!

Alors il faut toujours savoir quelle porte il y a besoin de laisser ouverte, quelle porte est à fermer, et si on se trompe, on ne peut pas avancer, ou pas adéquatement… Et tout cela, bien entendu, ne peut pas se faire sans erreurs, incompréhensions, difficultés… Mais au bout, il y a vraiment le moyen de gagner, de faire vaincre la Gauche historique, à travers la crise, de battre les réformistes et l’extrême-Droite!

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Guerre

Escalade militaire au Kosovo

La Serbie est obligée de réagir, mais converge avec la Russie.

La situation au Kosovo a connu une très intense transformation en très peu de temps. Le Kosovo, c’est une région balkanique d’un peu moins de deux millions d’habitants qui a appartenu à l’ex-Yougoslavie et qui a obtenu son indépendance en pratique en 1999 grâce à l’OTAN, au grand dam de la Serbie qui revendique ce territoire comme lui revenant historiquement.

Les États-Unis servent depuis de puissance tutélaire à ce nouveau pays (depuis 2008) totalement satellisé où il y a la seconde base militaire américaine la plus grande en Europe.

La base américaine Camp Bondsteel au Kosovo

Il y a une population majoritairement albanaise au Kosovo, l’Albanie ayant d’ailleurs diffusé un intense nationalisme dans la région depuis plusieurs décennies (l’Albanie de Enver Hoxha était un régime farouchement nationaliste-ethnique albanais). Les Serbes vivent dans le Nord du pays, formant 15% de la population totale.

Ce qui a mis le feu aux poudres, c’est d’ailleurs la décision du Kosovo de ne plus reconnaître les voitures ayant des plaques serbes. Cela implique, de fait, d’obliger la population serbe à se soumettre à l’État du Kosovo, que la Serbie ne reconnaît pas et que les Serbes du Kosovo veulent éviter.

Il y a donc eu dix jours de protestation de la part de la population serbe, jusqu’à un pic de tension. La Serbie a alors envoyé des blindés à la frontière, le président serbe Aleksandar Vucic a lancé un ultimatum à l’OTAN et publié un message Instagram soulignant que la Serbie était avec les Serbes du Kosovo…

Le ministre serbe de la Défense Aleksandar Vulin et l’ambassadeur russe en Serbie Aleksandar Bocan-Harchenko sont allés rendre visite aux troupes serbes à la frontière, deux avions de chasse serbe ont survolé à basse altitude la frontière… L’OTAN a réagi en remplaçant la police des frontières du Kosovo par sa propre mission, la KFOR…

Bref, c’est une véritable escalade militaire qui est strictement parallèle au conflit Russie-Ukraine. Il faut se rappeler ici que la Russie et la Serbie sont très proches historiquement, que la Chine a une présence massive en Serbie… La Serbie est d’ailleurs clairement elle-même un satellite russo-chinois, avec une situation telle que l’émigration est une norme depuis longtemps d’ailleurs (un Serbe sur trois vit à l’extérieur du pays et il existe des communautés serbes massives en Allemagne, en Australie, en Autriche, en Suisse).

Il faut souligner également que la Serbie est historiquement un des grands bastions du mouvement ouvrier depuis le début du 20e siècle. Il est vrai malheureusement que le nationalisme serbe est terriblement puissant et brutal, pour ne pas dire sanglant, et qu’il a ainsi démoli bon nombre de traditions.

Si on ajoute à cela un nationalisme albanais extrêmement développé et fanatique, on a tous les ingrédients pour une situation de tension très forte, pouvant largement aller à la guerre parallèlement au conflit russo-ukrainien. Il s’agit d’ailleurs aussi d’un avertissement russe pour montrer que la région était instable et que s’il y avait une guerre Ukraine-OTAN/Russie, ce serait le brasier régional.

Tout cela, naturellement, ne peut que sembler particulièrement obscur aux Français, qui ont énormément de mal avec les Balkans et avec tous les peuples de l’Est en général, qui leur semblent pittoresques, douteux, étranges, voire dangereux ou semi-barbares. Et pourtant il est capital d’y comprendre quelque chose : faut-il rappeler que la première guerre mondiale s’est déclenché en raison des volontés hégémoniques dans les Balkans, avec comme arrière plan la compétition mondiale pour le repartage du monde?

Et soulignons aussi, dans une même perspective régionale balkanique, que mardi 28 septembre 2021 le premier ministre de Grèce Kyriákos Mitsotákis était à Paris, qu’il a annoncé l’achat de trois frégates, avec Emmanuel Macron apportant son soutien complet, avec en perspective la guerre contre la Turquie.

Il n’est pas une semaine, voire un jour, sans que la tendance à la guerre ne s’exprime. L’engrenage se renforce toujours plus, implacablement.

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Politique

Allemagne : 25% pour les sociaux-démocrates et triomphe du référendum berlinois pour exproprier les grands promoteurs

Un signal qui est fort.

Les élections du 26 septembre 2021 en Allemagne ont été particulièrement serrées, mais finalement les sociaux-démocrates l’ont emporté avec 25,7% des voix. Leur progression s’est faite notamment aux dépens du parti à sa gauche, Die Linke, juste en-dessous de 5% désormais, mais c’est un marqueur que, contrairement à la France, il existe une Gauche réelle et concrète en Allemagne.

D’ailleurs, Berlin a réalisé quelque chose de très fort, de très marquant. Un référendum a en effet eu lieu le même jour que les élections nationales, concernant pas moins que l’expropriation des grands promoteurs immobiliers. Il est le produit du rassemblement de 346 000 signatures permettant son organisation officielle.

La source du référendum est simple à comprendre. La chute du mur a fait de la ville de Berlin la capitale du jour au lendemain, la sortant de son statut de ville à part. Résultat, depuis 20 ans, elle connaît l’assaut des grands promoteurs immobiliers, qui ont investi plus qu’à Paris et à Londres réunis, les loyers grimpant en moyenne de 85 % en un peu plus de dix ans.

Cela joue particulièrement dans une ville où pratiquement 90% des gens sont locataires et où l’existence passée de très nombreux squats – une centaine dans les deux vagues historiques des années 1980-1990 (voir ici la carte) – implique une contestation puissante sur ce thème.

Le référendum – qui n’a pas d’implication légale et est juste une force de proposition – appelait à « socialiser » 240 000 logements en expropriant les grands promoteurs immobiliers que sont Deutsche Wohnen, Vonovia, Akelius, Covivio SE, DVI, Adler Group SA, TAG Immobilien AG, Pears Global Real Estate et d’autres.

Sont en fait concernées toutes les entreprises possédant plus de 3 000 logements. Vonovia compte d’ailleurs prendre le contrôle de Deutsche Wohnen, ce qui formerait un monstre capitaliste possédant plusieurs centaines de milliers de logements!

On attend d’ailleurs de disposer d’une liste de telles entreprises en France, cela serait plus qu’intéressant.

Et, donc, le référendum a été victorieux. Sur 2 447 600 inscrits, 1 835 115 ont voté (soit 74,98 %), avec 56,4 % de soutien à l’expropriation (et 39 % contre).

Dans l’esprit, le mouvement pour l’expropriation, qui a été très bien organisé comme on s’en doute, est une sorte de mélange de l’aile gauche des sociaux-démocrates (visant à remettre en cause la direction berlinoise par ailleurs contrôlant la mairie), de hippies alternatifs à l’allemande, de post-autonomes, bref de toute une scène berlinoise (dont la marque de vêtements Irie Daily est représentative).

Ce n’est pas pour rien qu’à Berlin, les 34 restaurants et cafétérias universitaires ne proposent que des plats végétariens ou vegans, en soutien aux animaux et au climat. Il y a une forte tradition d’implication et de confrontation.

Le thème de l’expropriation est ainsi ouvertement assumé et, comme on le voit, avec succès. Bien entendu cela n’a pas de conséquence directe et au final le vote n’amène rien de concret, tout comme d’ailleurs même l’expropriation impliquerait un rachat (pour autour de 30 milliards d’euros) et non une socialisation par la force, sans contrepartie, une réelle expropriation.

Mais tout de même, quel signal, quel marqueur de pour la Gauche! C’est du réformisme, mais un réformisme qui dit qu’il veut mettre les capitalistes au pas. C’est quelque chose !

Alors que nous, en France, on doit se contenter pour le thème du logement des story-telling de Paris, la ville grande-bourgeoise, où Ian Brossat, le délégué PCF au logement, parade sur les réseaux sociaux en présentant régulièrement quelques bienheureux choisis au compte-goutte…

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Politique

Le Parti Communiste d’Autriche fait 29% dans la seconde ville du pays

Il s’agit de la ville de Graz.

Le Parti Communiste d’Autriche a quatre particularités historiques bien à lui. Né en novembre 1918, il est ainsi le premier Parti Communiste fondé à la suite de la révolution d’Octobre. Par contre, il a paradoxalement toujours été pratiquement inexistant en Autriche, en raison du poids immense de la social-démocratie dont Vienne est historiquement le bastion et qui a toujours eu une ligne à la fois très à gauche et culturelle.

Pourtant, lors de l’accession de l’Autriche à l’indépendance du pays en 1955, il fait partie des quatre partis politiques signataires de la nouvelle constitution et il tient donc particulièrement à ce prestige. Cela doit à la présence soviétique, mais également au fait que dans les années 1930, les communistes autrichiens ont été les seuls sur le terrain politique à affirmer que l’Autriche était une nation distincte de l’Allemagne.

Enfin, c’est aussi un parti qui a été au cœur des magouilles avec les pays de l’Est durant les années 1960-1980, principalement la République Démocratique Allemande; il a ainsi alors été à la fois littéralement inexistant politiquement au niveau national avec quelques milliers d’adhérents et possesseur de centaines de millions d’euros.

Se maintenant avec difficulté après 1989, il a réussi le tour de force de s’imposer pas moins que dans la seconde ville d’Autriche, Graz, en Styrie. Cette ville d’un peu moins de 300 000 habitants est devenu son bastion, à force d’un travail local important l’amenant même, lors des élections municipales du 26 septembre 2021, à obtenir 29,11% des voix.

Il est vrai que même la tête de liste, Elke Kahr, a été particulièrement surprise d’un tel haut score, même si le Parti Communiste d’Autriche faisait en fait d’habitude déjà 20%. Il y a un vrai ancrage et un faisceau de valeurs rendant un ancrage culturel réel.

Cela reflète concrètement une tendance de fond en Autriche où, à l’opposé d’en France, tant les sociaux-démocrates que le Parti Communiste d’Autriche font un « retour aux fondamentaux » en parlant ouvertement des travailleurs, et surtout en s’adressant directement les gens au niveau de la vie quotidienne.

Au-delà de la question de l’idéologie, il y a une perspective de filiation avec le mouvement ouvrier qui est ouvertement assumé et possède surtout de solides traditions.

Le Parti Communiste d’Autriche à Graz pour ses cent ans, avec le drapeau rouge et le marteau et la faucille

Il faut cependant remarquer que ce qui est vrai pour la Gauche l’est également pour la Droite et l’extrême-Droite. Chaque force dispose de ses traditions, ses bastions ; ainsi les élections en Haute-Autriche le même jour était un triomphe pour la Droite (37,6%), alors que l’extrême-Droite perd un tiers mais reste massive (19,9%), avec également 18,6% pour les sociaux-démocrates, 12,2% pour les Verts, 6,2% pour un parti anti-vaccin et 4,2% pour des néo-libéraux (le Parti Communiste d’Autriche n’existant pas électoralement à part à Graz!).

Au Tyrol, le Parti Communiste d’Autriche n’est même pas en position de présenter une liste ; à Vienne il fait 2%. Comme le pays est qui plus est fédéral, avec une décentralisation administrative massive, cela forme littéralement autant de petits royaumes indépendants.

Il est en tout cas intéressant de voir que la « peur du rouge » n’existe pas chez les gens, tout est une question de travail mené. C’est particulièrement important comme exemple alors qu’Europe Ecologie Les Verts prône une ligne « citoyenniste » refusant tout marqueur à gauche.

Et cela montre aussi qu’il est tout à fait possible d’écraser l’extrême-Droite, s’il y a les bons leviers. La Gauche qui s’assume, c’est celle qui gagne, et inversement.

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Société

Isolement et contention : « la honte de la psychiatrie »

La situation fait froid dans le dos.

La psychiatrie a de moins en moins de moyens, dans une société toujours plus marquée par la folie. Comme en plus la source du problème – le capitalisme – n’est pas vu, la situation empire. Dans une société toujours plus cynique, cela produit des brutalités, pour se débarrasser rapidement des problèmes (ou plutôt des gens eux-mêmes), en mode marche ou crève.

C’est contre ces brutalités que s’élève cette tribune parue dans Le Parisien.

Il faudrait ici une Gauche puissante pour faire une véritable enquête, un réel travail de fond, comme dans les années 1970.

Les assises de la santé mentale et de la psychiatrie se tiendront les 27 et 28 septembre sans que certains thèmes majeurs n’y soient abordés.

La honte en psychiatrie, c’est l’inflation des contentions physiques (l’équivalent des camisoles de jadis) et des isolements psychiatriques. Cette honte est celle des professionnels qui attachent et qui enferment, faute de mieux. Cette honte est celle des usagers et de leurs familles qui vivent des situations indignes et traumatisantes. Attacher et isoler redouble et aggrave les isolements psychiques et sociaux des personnes déjà fragilisées par leurs troubles psychiques.

L’inflation des contentions s’est faite progressivement à mesure que les moyens matériels, physiques et humains s’amenuisaient. Le contrôleur général des lieux de privation de liberté le rappelle à longueur de rapports.

Cette inflation a aussi été permise par une dé-formation des professionnels en psychiatrie qui, plutôt que de soulager les grandes angoisses avec des paroles et du lien en plus des traitements chimiques, s’est appuyée sur des procédures standardisées et déshumanisées telles qu’elles sont actuellement valorisées dans les hôpitaux.

En juin 2020, le Conseil constitutionnel a demandé au gouvernement de revoir une première fois le contrôle des prescriptions de contention et d’isolement pour se mettre en conformité avec la loi. Toute contention et isolement nécessitant l’intervention du juge des libertés.

Le ministre de la Santé a fait passer ce texte de loi réformant le contrôle des isolements et contentions dans la loi de financement de la sécurité sociale en 2020…

Ce qui n’a pas grand-chose à voir avec le thème, celui que tout citoyen peut se faire attacher à un lit de force de plus en plus souvent aux urgences, dans les Ehpad et en psychiatrie !

Au printemps 2021, pour la deuxième fois, le Conseil constitutionnel a déclaré inconstitutionnel la loi édictée par le gouvernement six mois plus tôt !

Et pour la deuxième fois, aucun débat national concernant ce qu’attacher et enfermer veut dire dans notre pays. Dans les pratiques, il est évident qu’attacher quelqu’un de force à un lit n’est jamais thérapeutique.

Ce n’est pas et ce ne sera jamais un soin, au mieux c’est une mesure d’empêchement d’une atteinte physique à l’intégrité d’une personne. Enfermer quelqu’un dans une chambre n’est pas non plus un soin en tant que tel, il est ce qui peut permettre que des soins démarrent quand les personnes sont trop mal pour supporter le contact avec elle-même et avec autrui.

L’enfermement peut être une amorce de ce qui permettra les soins, si la relation humaine est l’organisateur des soins. Des associations de familles tel que le fil conducteur psy appellent à une abolition de la contention.

Certain pays comme l’Islande l’ont déjà fait. Sans volonté politique d’envergure et sans une obligation de moyens pour les hôpitaux psychiatriques visant à enrayer ce phénomène délétère, les sangles et les portes continueront de se resserrer et de se fermer sur nos concitoyens. Il est urgent qu’un débat national s’ouvre sur la question.

Les signataires

Dr Mathieu Bellahsen, psychiatre ; Dr Georges Yoram Federmann, psychiatre ; Martine Houlier mère de patiente schizophrène ; Jean-Philippe PERNET, Infirmier ; Laurence Bloch, maman d’une jeune adulte autiste, directrice d’hôtel ; Dr Mathilde Hamonet, interne en psychiatrie ; Yves Gigou, infirmier et auteur ; Malia Klein, psychologue clinicienne ; Clément Vaissié, étudiant en médecine, ancien infirmier en psychiatrie ; Dr Anne Enot, pédopsychiatre ; Dr Patrick Chemla, psychiatre ; Association signataire : le Fil conducteur Psy d’usagers et de soignants ; Dr Valérie Houot, psychiatre ; Dr Jean Paul ; Chardon, psychiatre ; Frédéric Pierru, sociologue ; Dr Elisabeth Lisack, pédopsychiatre ; Dr Tristan Garcia Fons, pédopsychiatre ; Dr Loriane Bellahsen, psychiatre ; Dr Parviz Denis, psychiatre ; Dr Pascale Rosenberg Psychiatre ; Dr Guy Dana, Psychiatre ; Dr Martin Pavelka, pédopsychiatre ; Linda De Zitter, psychologue clinicienne ; Cécile Neffati, psychologue ; Dr Yoann Loisel, psychiatre ; Benjamin Royer, psychologue clinicien ; Dr Anne Enot, pédopsychiatre ; Céline Matthieussent, psychologue clinicienne ; Dr Franck Drogoul, psychiatre ; Dr Hervé Bokobza, psychiatre ; Dr Virginie Cruveiller, pédopsychiatre ; Clélia Gasquet, maîtresse de conférence en géographie de la santé ; Dr Christian Sueur, psychiatre addictologue ; Céline Masson, psychanalyste, professeur des universités ; Dr Martine Garrigou, psychiatre ; Thérèse Petitpierre, psychologue ; Dr Veronique Egal, psychiatre ; Annie Topalov, psychologue clinicienne ; Christian Topalov, sociologue ; Marie Pascale Chevance Bertin, psychanalyste ; Dr Olivier Labergère, psychiatre ; Frédéric Mougeot, sociologue ; Dr Olivier Boitard, psychiatre ; Dr Pierre Zanger, Psychiatre ; Dr Maud Mainfroy, psychiatre ; Dr Pierre Paresys psychiatre ;Dr Catherine Nourry psychiatre retraité ; Dr Jean-Loup Lebreton, psychiatre ; Dr Eliane Calvet, psychiatre ; Marie-Jean Sauret, professeur émérite de psychopathologie clinique ; Dr Jean-Pierre Bouleau, psychiatre ; Dr Jean-Michel Delaroche, psychiatre ; Claire Ballongue, psychologue ; Aurore Gribos, psychologue ; Baptiste Garreau, psychologue clinicien ; André Bitton, retraité, président d’une association d’(ex-)usagers de la psychiatrie ; Dr Marie Allione, psychiatre ; Didier Donstetter, psychologue clinicien psychothérapeute ; Bénédicte Louvet, interne en psychiatrie ; Jenna Madarbaccus, psychologue ; Dr Philippe Gasser, psychiatre ; Michel Bruno, psychologue clinicien ; Pr Pierre Delion, pédopsychiatre, professeur émérite ; Dr Pascal Boissel, psychiatre ; Dr Djamila Mebtouche, psychiatre ; Dr Michele Zann, psychiatre ; Dr Pedro Serra, psychiatre ; Laure Thiérion, psychologue clinicienne ; Marie-Noëlle Godet, psychologue clinicienne; Dr Anne Groussin, psychiatre ; Dr Benoit Blanchard, pédopsychiatre ; Dr Catherine Laval‌, pédopsychiatre ; Jérôme Costes, infirmier en psychiatrie ; Dr Sandrine Deloche, pédopsychiatre ; Dr Laurent Delhommeau, pédopsychiatre ; Dr Anne Kummer, psychiatre ; Adeline Antier éducatrice spécialisée, cheffe de service éducatif ; Virginie Périlhou, infirmière en psychiatrie ; Patrick Estrade, infirmier en psychiatrie ; Florence Hourquebie, Infirmière ; Dr Paul Machto, psychiatre ; Maximilien Valente, interne de psychiatrie ; Marguerite Compagnat, psychologue ; Dimitri Talbot, cadre de santé ; Dr Michel Montes, psychiatre ; Dr Geneviève Hénault, psychiatre ; Fanny Lung, sociologue directrice de la SOFOR ; Catherine Skiredj Hahn, sociologue ; Dr Chantal Potart, psychiatre ; Dr Alexandra De Seguin, psychiatre ; Olivier Esnault, infirmier de secteur psychiatrique ; Dr Catherine Lemoine, psychiatre ; Amandine Vitra, psychologue clinicienne ; Dr Pascale Moins, psychiatre ; Audrey Valade, psychologue clinicienne ; David Thomas, travailleur social ; Estelle Gioan, psychologue clinicienne ; Dr Julien Prorel, psychiatre ; Peirangelo Di Vittorio, philosophe ; Maïder Leroux, psychologue clinicienne ; Jorhann Bouvier, interne en psychiatrie ; Aurélia Khorkoff, psychomotricienne ; Simon Jaunin, psychologue clinicien ;Dr Eliane Proca, psychiatre ; Fred Racine, documentaliste ; Dr Jocelyne Lengronne, psychiatre ; Valérie Waill-Blévis, psychanalyste ;Christine Lartigue, psychologue ;Mathilde Stentelaire, éducatrice spécialisée ; Valérie Joye, psychologue ;Dr Danielle viterbo, psychiatre ; Humberto Estevez Duran, psychologue ; Danièle Silva, psychologue clinicienne ; Dr Delphine Glachant, psychiatre ; Emmanuelle Forner, psychanalyste ; Caroline Bernard, psychologue clinicienne ; Dr Philippe Bichon, psychiatre ; Dr Charles-Olivier Pons, pédopsychiatre ; Dr Christophe du Fontbaré, psychiatre ; Elsa Benetos, interne en psychiatrie ; Edwige Landault, psychologue clinicienne ; Charlotte Barcet, psychologue ; Dr Géraldine Delcambre, psychiatre ; Patrice Marteil, psychologue clinicien ; Flore Verga, psychologue ; Myriam Naval, cadre bancaire ; Dr Emmanuel Venet, psychiatre ; Dr Pierre Jarlan, pédopsychiatre ; Liliana Gonzalez, psychologue clinicienne ; Dr Fatma Farah, psychiatre ; Céline Lefebvre-Israël, psychologue clinicienne ; Dr Paola Velasquez, pédopsychiatre ; Dr Irène Kaganski, psychiatre ; Dr Pascale Beau, psychiatre ; Élise Gauthier, psychologue clinicienne ; Charlotte Clermont , psychologue ; Da’ad de Gunzbourg, psychanalyste ; Dr Nawal Souissi, psychiatre ; Amaury Marecaux, psychologue ; Anne Bourgain, psychologue ; Sabine Hamza, psychomotricienne ; Stéphane de Crépy, psychologue clinicien ; Dr Jean-Christophe Maccotta, pédopsychiatre ; Rosangela, Ribeiro dos Santos, psychologue clinicienne ; Dr Nadia Baba, psychiatre ; Dr Maud Mainfroy, psychiatre ; Monique Zerbib, psychologue clinicienne ; Dr Yves Kaufmant, psychiatre ; Dr Anne Marie Kaufmant, psychiatre ; Brigitte Bonnel, psychologue clinicienne ; Dr Sophie Slovak, pédopsychiatre ; Dr Dominique Bertin, pédopsychiatre ; Dr Morgane Derijard-Kummer, pédopsychiatre ; Dr Fethi Brétel, psychiatre ; Dr Bruno Tournaire Bacchini, psychiatre ; Dr Jean-Pierre Martin, psychiatre ; Dr Laurine Mechali Ringenbach, psychiatre ; Dr Véronique Spahr, pédopsychiatre ; Pr Alain Vanier, psychiatre, professeur émérite des universités ; Dr Jean-Christophe Maccotta, pédopsychiatre ; Dr Roger Ferreri, psychiatre ; Dr Nathalie Lambert, pédopsychiatre ; Dr Stéphane Daure, psychiatre ; Dr Audrey Vanel, psychiatre ; Nelly Derabours, infirmière de secteur psychiatrique ; Jean-Claude Chaise, psychologue et Christine Chaise, enseignante retraitée, parents de malade psychique ; Audrey Le Quilliec, infirmière ; Michel Bruno, psychologue clinicien ; Christina Vincent, psychologue clinicienne ; Maxime Martin, psychologue clinicien ; Anne Élodie Bronisz, psychologue ; Mazet Nadine, psychologue ; Marion Minari, psychologue clinicienne ; Anaïs Ravaud, psychologue clinicienne ; Florent Gabarron-Garcia, psychologue ; Dorine Bertrand, psychologue clinicienne ; Alain Gutton, praticien en hypnose ; Charlotte Clermont , psychologue ; Anne Bourgain, psychanalyste ; Amandine Bachelery, psychopedagogue ; Elizabeth Serin, psychologue clinicienne ; Françoise Sellier, psychologue ; Cécile Pinaire, psychologue clinicienne ; Rhadija Lamrani Tissot, psychanalyste ; Sylvain Bourg, éducateur spécialisé ; Françoise Attiba, psychologue ; Olivier Brisson, psychomotricien.

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Guerre

Une étude militaire française de 600 pages appelle à renverser le gouvernement chinois

L’agressivité est ouverte.

« Les opérations d’influence chinoises » : tel est le titre d’une étude de 646 pages rendue publique par l’Institut de Recherche Stratégique de l’École Militaire de l’armée française (et disponible en Google drive). C’est une œuvre historiquement importante de par sa portée symbolique sur le plan de l’agressivité militariste.

Elle affirme en effet que, désormais, la Chine opère comme la Russie, celle-ci étant considéré comme opérant à tous les niveaux pour gagner massivement en influence. C’est appelé la « guerre hybride » en langage « géopolitique ».

Par « à tous les niveaux », il faut comprendre par la diplomatie, l’espionnage, l’intimidation, les coups tordus, les coups de force, les médias, l’économie, etc. Naturellement, toutes les grandes puissances font pareil. Cependant, comme en Chine les monopoles sont encore plus puissants que dans les autres pays, et qu’ils tiennent totalement en main l’État, cela rend les choses plus flagrantes, plus directes.

Lorsque Amazon exige, comme ces jours-ci, la légalisation du cannabis aux États-Unis, cela apparaît, aux yeux d’une opinion libérale occidentale, moins arbitraire que les discussions internes du gouvernement chinois– même si cela revient au même dans le fond. La propagande des films hollywoodiens – tels les Marvel – sont « invisibles » pour l’opinion libérale occidentale, à rebours du nationalisme étatique chinois, même si le principe est le même.

Il faut ici simplement comprendre que chaque bloc, même s’il a le même fond capitaliste, critique la forme de l’autre. C’est le sens de la très longue étude qui est une sorte d’organigramme de l’État chinois et de l’éventail de ses initiatives « hybrides ».

Et ce qui est ici essentiel, c’est que l’étude pose la France comme relevant du bloc visé par le challenger, donc comme relevant du bloc dont le leader est la superpuissance américaine. C’est le même point de vue que dans la chronique militariste du Monde, c’est le même point de vue que le think tank qu’on doit qualifier d’impérialiste l’Institut Montaigne (et l’article à ce sujet a d’ailleurs été publié dans Le Monde). Cet institut regroupe hauts fonctionnaires et hauts cadres d’entreprises, en étant financé par LVMH, Total, Vinci et Carrefour ! Difficile d’être plus clair !

C’est là le premier aspect : un choix stratégique et il est considéré comme définitif.

« La prise de conscience, en France, des risques posés par l’influence chinoise est vive et croissante depuis 2019, avec une nette accélération en 2020-2021. C’est dans ce contexte de « réveil français », qui semble désormais irréversible, que s’inscrit la publication du présent rapport en septembre 2021. »

Le second aspect est que le document appelle ouvertement au changement de régime en Chine. C’est tout à fait significatif : un document officiel de l’armée française appelle au renversement du gouvernement chinois et même à la destruction de toutes ses institutions.

Non pas qu’il faille défendre le régime chinois, qui est de type fasciste. Mais critiquer le régime chinois et même vouloir son renversement doit se faire sur une base démocratique, pas avec une mise en perspective militariste au service des couches sociales dominantes des pays riches réfutant le challenger chinois.

L’étude dresse d’ailleurs le panorama de ce qui est présenté comme une déstabilisation générale du monde par la Chine ; c’est un véritable manuel à destination des hauts fonctionnaires, et en même temps une inscription dans le bloc américain, puisque le document est en anglais.

Et la dimension raciste anti-chinoise est très bien calibrée, en prévision des futures campagnes anti-chinoise dans le cadre de la montée des tensions à venir. On a par exemple ce poncif sur l’oriental séducteur – enjôleur et brutal, qui est tout à fait exemplaire cet état d’esprit.

« Pékin vise dans le même temps à séduire et subjuguer, d’une part, et à infiltrer et contraindre, d’autre part. »

Il faut rappeler ici l’importance de la pandémie, qui va servir d’argumentaire pour la superpuissance américaine : c’est la Chine qui serait responsable, c’est elle qui doit payer, etc. On rentre en fait directement dans la phase propagandiste en ce sens.

D’où d’ailleurs l’émergence de contradictions en France sur la manière de s’y prendre. Les auteurs du document ont été obligés de publier un long message pour expliquer que, contrairement aux apparences, ils n’étaient pas pour un blocus total anti-chinois (ce qui est ridicule vu le contenu ouvertement militariste anti-chinois), et cela a provoqué une très violente polémique avec l’Institut de relations internationales et stratégiques, accusé en quelque sorte d’être l’idiot utile de la Chine.

Cela reflète les contradictions au sein des couches dominantes françaises : si la ligne est celle d’un alignement américain malaisé (comme le montre l’affaire des sous-marins australiens), il y a les tenants d’une ligné néo-gaulliste cherchant à trouver un espace (illusoire) entre les deux blocs…

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Guerre

Le rapport français à la Chine : la violente polémique IRSEM/IRIS

L’institut militaire présente l’IRIS comme en convergence avec la Chine.

La publication du document intitulé « Les opérations d’influence chinoises » par l’Institut de Recherche Stratégique de l’École Militaire de l’armée française (IRSEM) a provoqué les foudres de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), un think tank associatif.

L’IRIS a une ligne en effet très différente, résumée comme suit par son président Pascal Boniface :

« Je ne pense pas que la lutte pour la suprématie mondiale qui se déroule entre Pékin et Washington doive interférer sur les positions
françaises et européennes. »

Cette position est à l’image de la nature de l’IRIS. Le président du conseil d’administration est Alain Richard, issu du Parti Socialiste Unifié et ensuite du Parti socialiste… Le président d’honneur est le socialiste Pascal Lamy (ancien directeur général de l’Organisation mondiale du commerce), le vice-président est le socialiste Hubert Védrine (ancien ministre des Affaires étrangères), le secrétaire est Jean Musitelli auparavant administrateur de l’institut François-Mitterrand le, trésorier est Pascal Cherki, socialiste puis Génération-s avec Benoît Hamon…

On a du côté administrateur notamment Pouria Amirshahi, ancien parlementaire, directeur de Politis et ancienne grande figure du syndicat étudiant l’UNEF-ID passé ensuite au Parti socialiste…

Aux côtés par exemple du socialiste Marc-Antoine Jamet, secrétaire général de Louis Vuitton – Moët Hennessy (LVMH), l’ancien conseiller diplomatique de François Hollande Jacques Audibert (désormais secrétaire général du groupe Suez) et de Michel Edouard Leclerc, président du groupe de distribution E.Leclerc.

Bref c’est du capitalisme « social », autrement dit la gauche caviar, et historiquement les socialistes français ont toujours eu d’excellents rapports avec la direction chinoise. L’idée est donc de maintenir une sorte de ligne à la fois sociale et capitaliste agressive en cherchant à éviter le conflit sino-américain… Ce qui est bien entendu inacceptable du point de vue de la ligne actuelle de la France.

Voici la réponse de l’IRIS à l’accusation de l’IRSEM et la contre-réponse de l’IRSEM. Il faut prendre cela comme quelque chose de terrible, car c’est un débat impérialiste au sein des intellectuels au service des couches dominantes… C’est de « géopolitique » qu’il est parlé, de choix au plus haut niveau, contre donc les décisions par en bas, démocratiques, celles du peuple…

On notera absolument le dernier paragraphe de la contre-réponse de l’IRSEM, d’une violence!

CP-IRIS-Reaction-PB-rapport-IRSEM-Def

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Guerre

La chronique militariste-stratégique pro Etats-Unis du Monde

Le cynisme règne en maître.

Le Monde a publié une chronique (payante) à la fois particulièrement militariste et de portée stratégique. Son auteur en est Alain Frachon, éditorialiste de ce quotidien, auquel il appartient depuis 1985. Si la chronique se veut une simple proposition-réflexion, c’est en fait surtout le reflet de la ligne moderniste à la Emmanuel Macron ; ce qui est vraiment nouveau, c’est le fait de le dire ouvertement, de manière cynique.

C’est que l’idée est simple : les États-Unis vont faire la guerre à la Chine et ils vont gagner, il n’y aura jamais d’unité européenne autour du moteur franco-allemand, il faut donc une défense européenne de bas niveau allié aux États-Unis, pour que la France profite d’une part du gâteau chinois.

Voici le titre de la chronique.

« La crise des sous-marins n’est pas une affaire de qualité de navire, c’est un grand pas en avant dans l’affrontement entre la Chine et les États-Unis »

Voici l’annonce cynique de la guerre sino-américaine.

« C’est un grand pas en avant dans l’affrontement sino-américain, d’ailleurs justifié de manière pro-américaine. »

« Le pacte Aukus – Australia, United Kingdom, United States – confirme la priorité stratégique des Etats-Unis : la Chine. »

« La Chine militarise à tout-va les îlots – territoires disputés avec ses voisins – dont elle s’est emparée par la force dans le Pacifique occidental. Elle a multiplié opérations d’espionnage et d’influence politique à Canberra. »

Voici la présentation « géopolitique » de la chronique, dans une démarche totalement cynique.

« L’épisode Aukus devrait confirmer la ligne d’Emmanuel Macron : en ces temps de réorientation des priorités états-uniennes, l’UE doit plus que jamais acquérir un minimum d’autonomie stratégique. Elle doit notamment se doter des moyens de résister à la pression revancharde de la Russie de Vladimir Poutine et d’exister dans un monde de blocs. C’est ce qu’on appelle l’Europe de la défense. »

« Nos partenaires – par ailleurs indifférents aux affaires du Pacifique – rechignent. Ils craignent qu’une telle perspective n’amène les Etats-Unis à s’éloigner plus encore du Vieux Continent.

Quant aux Américains, ils semblent, politiquement, psychologiquement, génétiquement, incapables de soutenir une autonomie stratégique européenne, serait-elle limitée.

Cette orientation serait pourtant conforme à leur nouvel axe stratégique : priorité à l’Asie-Pacifique parce qu’ils estiment que c’est là, face à la Chine, que se joue le maintien de leur leadership mondial. »

Le fait que le quotidien Le Monde montre à quel point on a changé totalement de contexte avec la crise (partir de la pandémie pour arriver à l’économie, puis la politique, les rapports de force entre pays…). Il est parlé de la troisième guerre mondiale comme si de rien n’était.

Une guerre sino-américaine serait un désastre pour l’Humanité – et la seule chose dont il est parlé, c’est de comment la France peut tirer son épingle du jeu. Ce n’est ni plus ni moins que de l’impérialisme – c’est sur des millions de mort d’une guerre que danse cette sinistre chronique du Monde.

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Culture

Le club-mate et la collab avec Trax

C’est là une illustration de la différence entre le milieu alternatif de France et celui d’Allemagne.

Le Club-Mate est une boisson connue dans les milieux de la Gauche qu’on va dire alternative au sens le plus large, où elle est considérée comme une boisson alternative aux sodas et surtout aux boissons énergisantes. Le Club-Mate est, d’une manière assez marquée, le Red Bull du branché. Bientôt apparaîtra également de manière marquée la cascarra, le fruit du café, donnant en infusion une boisson fruitée énergisante, avec un goût proche du café mais en même temps très différent.

Le Club-Mate utilise de son côté Yerba Maté, une plante d’Amérique du Sud très utilisée en Argentine à la place du café. La boisson a eu un succès gigantesque en Allemagne, où elle est incontournable dans les milieux branchés et alternatifs, son prix étant d’ailleurs très faible (autour d’un euro la bouteille en supermarché).

Ce n’est pas le cas en France, où celle-ci il y a encore quelques années était très rare à trouver, il fallait connaître les « bonnes adresses » pour pouvoir siroter un verre en soirée vibrant au son de l’électro. C’est l’option choisir pour implanter la marque en France justement. Club-Mate France possède ses bureaux dans le Xe arrondissement parisien, proche de Belleville et Ménilmontant, autrefois quartiers ouvriers mais aujourd’hui totalement boboifiés, et s’est livrée récemment à une collab avec le magazine électro français TRAX.

A première vue, cela serait une bonne chose, la boisson essaie de s’identifier à l’électro française, à s’assimiler au milieu « alternatif » à la française… Mais c’est en réalité une démarche purement commerciale, une volonté d’une plus ample promotion du Club-Mate en France. C’est là du marketing pur.

Si Trax est bien sûr une référence en France dans le domaine de l’électro, ce n’est en effet pas le même milieu qu’en Allemagne. En France, TRAX c’est surtout la bourgeoisie branchée parisienne, un milieu décadent et plus dans un esprit alternatif. Bien sûr le magazine propose des nouveautés intéressantes en terme de musique, mais cela reste le Télérama de la musique, quelque chose d’assez libéral, très parisien.

C’est ce même média, qui publiait l’année dernière une tribune « Sauvons la fête » qui demandait à l’été 2020 une réouverture des festivals et des concerts, alors que le monde était au début de la crise liée au Covid-19, et c’est toujours Trax qui publie des articles allant dans le sens de la banalisation du cannabis.

En somme, Trax n’est pas alternatif, contrairement à l’essence du Club-Mate dans son histoire en Allemagne, c’est un média qui est à l’avant-garde de la bourgeoisie parisienne branchée et décadente. Cela en dit ainsi long que Club-Mate France ait cédé à l’esprit commercial pour produire une série limitée de bouteilles avec le magazine français. En France, les milieux « alternatifs » sont dominées par les bobos, les hipsters, la petite-bourgeoisie parisienne, qui n’a aucun contenu alternatif réel justement.

Ce n’est pas une collaboration qui apporte ainsi quelque chose, c’est simplement l’alliance du petit-bourgeois parisien avec l’image, sans contenu, de quelque chose lié à une culture alternative. Tout un drame culturel français se résume ici.

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Société

La pandémie n’a pas stoppé l’étalement urbain

Les villes moyennes ne profitent pas de la situation nouvelle.

Le Courrier des maires et des élus locaux s’est penché sur la question de l’exode depuis les grandes villes. On sait comment il a été parlé d’une prise de conscience que la vie dans les grandes villes a des aspects désagréables ou insupportables.

En réalité, il n’y a rien de tout cela… Sauf à la marge et encore est-ce la marge de couches sociales aisées. Ce qui est inévitable dans le capitalisme, parce que seules ces couches ont une marge de manœuvre (et encore est-elle définie par une approche consumériste bourgeoise). Les autres sont directement façonnées par le capitalisme, sans intermédiaire, par pression.

« Plus une semaine ou presque ne passe sans qu’une association d’élus, un institut de sondages, la presse grand public, un réseau d’agents immobiliers ou un think-tank ne prédisent la dé-métropolisation de la France. La pandémie et son lot de restrictions aurait fait chuter la côte de Bordeaux, Marseille, Paris ou Toulouse auprès des jeunes actifs. Et le développement du télé-travail inciterait aujourd’hui nombre d’entre eux à questionner leurs conditions, lieux et modes de vie.

De nouveaux imaginaires territoriaux seraient d’ores et déjà nés. Plusieurs études et sondages donnent déjà à lire un désir d’ailleurs chez une majorité de citadins. Si bien que la résurrection de Chartres, Joigny, Limoges, Moulins ou Poitiers mais aussi de départements tout entiers comme l’Ain, l’Eure, la Somme ou l’Yonne ne serait plus qu’une question de mois, d’une poignée d’années tout au plus… (…)

 l’emballement est quasi-général. Après avoir conté encore jusqu’à peu la mue de capitales régionales en « métropoles », ChallengesLe MondeLe Nouvel ObservateurLes Echos ne s’embarrassent pas davantage aujourd’hui d’investigations poussées pour crédibiliser cet hypothétique exode urbain (…).

Comment parler d’une dé-métropolisation alors que les départs de Lyon, Marseille ou Toulouse se font encore majoritairement pour leurs grandes banlieues, au sein des mêmes bassins de vie ?

Si l’on se fie aux mêmes données notariales que précédemment, les mobilités inter-départementales et inter-régionales sont en légère hausse, mais demeurent marginales : l’« exode urbain » du trader Parisien s’installant dans le Larzac ou le Morvan après s’y être réfugié lors d’un confinement en 2020 ou 2021 relève encore, pour l’heure, du cliché.

Les rares éléments d’objectivation du phénomène disponibles appellent plutôt à la mesure. Parce que toutes les villes moyennes – qui forment un ensemble hétérogène – n’en profiteront pas, déjà : Bourges, Montbéliard, Sedan ou Tulle continuent à éprouver, semblerait-il, un certain nombre de difficultés.

Dans certains bassins de vie réceptacles d’un flux de citadins plus important qu’à l’accoutumée comme Saint-Brieuc, les équilibres internes font, au demeurant, craindre le pire… Parce que la tentation d’un déménagement concerne, ensuite, certaines catégories d’actifs bien particulières – les cadres supérieurs et professions libérales disposant d’un pouvoir d’achat suffisamment confortable -, et non l’ensemble de la population française. »

Loin d’amener une modification dans le sens d’un retour en arrière, vers un équilibre harmonieux ou du moins moins de déséquilibre, la pandémie amène une décrochage encore plus prononcé.

Et ce décrochage est d’autant moins visible que l’ensemble des médias a en tête la vraie figure dominante, celle du bourgeois aisé, cultivé, capable de faire des « choix » plus ou moins subjectivistes comme celui de partir sur un coup de tête pour changer de vie… parce que, derrière, il a un filet de sécurité, ou bien simplement parce que son subjectivisme est un nihilisme conforme à l’idéologie dominante (tels les trans, les « expats », la cohorte d’étudiants bourgeois allant étudier en Angleterre et aux États-Unis, etc.).

C’est la décadence générale des couches sociales dominantes qui s’expose ici et il y a une telle pression que dans la petite-bourgeoise il y a un effet de mimétisme prononcé, voire même dans les catégories populaires.

Les faits sont cependant têtus et la base matérielle, elle, ne change pas, allant vers une situation toujours plus marquée de crise.

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Société

Emmanuel Macron et la soviétisation au moyen de l’argent magique

La crise impose la socialisation.

C’est un post sur Twitter – ce réseau social véritable plaie où prolifère les avis consommateurs – de quelqu’un relevant de la mouvance anti-pass et anti-vax. En apparence, c’est totalement délirant et d’ailleurs des gens de gauche s’en moquent. En réalité, cela exprime une profonde vérité : la socialisation de l’économie.

C’est en fait un thème récurrent de la petite-bourgeoisie. Elle déteste les grandes banques à la fois par anticapitalisme et par refus de ce qui est général, universel. D’un côté le petit-bourgeois relève du peuple et il n’aime pas les grands capitalistes. De l’autre, il a une mentalité de petit capitaliste et entend préserver la concurrence, d’où le refus et le panique devant ce qui a une dimension sociale générale, complète, socialiste.

C’est cela qui explique pourquoi, pour l’auteur de ce post sur Twitter, Emmanuel Soviet contribue à la « soviétisation des entreprises ». Puisque en effet l’argent magique est public, il est socialisé, il relève de toute la société. Et comme il relève de toute la société en maintenant des entreprises en vie, il transforme celles-ci dans leur substance parce qu’elles existent, à l’arrière-plan, en substance, par ce qui relève de toute la société, de ce qui est collectif.

C’est donc une réappropriation collective de ce qui est particulier et c’est exactement ce que déteste la petite-bourgeoisie qui entend préserver sa petite propriété coûte que coûte.

On remarquera que le petit-bourgeois est ici conscient de la crise : il sait qu’il ne peut pas y avoir de retour en arrière et voilà pourquoi il est d’autant plus hargneux, haineux, paranoïaque. Il sait qu’à un moment il faudra établir une comptabilité et que là rien n’empêche, sur le papier, que la société dise : j’ai porté tout cela à bout de bras, c’est donc à moi.

C’est d’ailleurs ce que la société devrait faire et ce qu’elle fera lorsque la Gauche historique se sera reconstituée. La privatisation des profits et la socialisation des pertes est une véritable contradiction s’exprimant ouvertement dans le cadre de la pandémie.

Cependant, c’est seulement une tendance, du moins pour l’instant. Le Parti Communiste Révolutionnaire de France vient par exemple de sortir son programme et il affirme cette chose tout à fait fausse :

« Dans la France contemporaine, on peut compter un nombre important de puissants monopoles (Vivendi, BNP-Paribas, Lagardère, Michelin, Bouygues, LVMH, Carrefour, Total, Renault, etc.).

L’oligarchie financière accapare pour elle seule l’État.

Ce dernier joue un rôle économique déterminant, par le financement public et la prise en charge des secteurs non rentables pour les capitalistes mais indispensables à l’économie. De plus, le dépeçage des services publics tels que la santé, la poste, l’énergie, les transports, l’éducation ou la recherche, pour en livrer les secteurs rentabilisables au privé, constitue aussi des réponses aux besoins d’augmenter les profits des monopoles. »

On comprend le problème tout de suite: si l’État est entièrement au service des monopoles, alors pourquoi y aurait-il besoin de privatiser ? Et, également, pourquoi y aurait-il encore des droits sociaux ?

Il y a ici une confusion, en raison d’un mode de raisonnement unilatéral typiquement petit-bourgeois (puisque celui-ci « fusionne » l’ouvrier et le bourgeois pour ainsi dire en lui-même) entre ce qui est une tendance et ce qui est un fait accompli.

Et c’est la même confusion qui est au cœur de celui pour qui Emmanuel Macron est un communiste. Que la socialisation de l’économie soit une tendance historique, c’est un fait, et justement il faut que la Gauche historique l’assume… Mais si on l’imagine déjà accompli ou quasiment, alors on déraille et comme les fascistes, on pense que le capitalisme dans un régime libéral équivaut à une sorte de tyrannie communiste… Ce que disaient précisément les fascistes italiens et les nazis allemands.

On n’en pas fini, en fait, de parler de l’argent magique. Tout simplement parce qu’il n’est pas magique du tout…

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Politique

L’importance de la manifestation antifasciste de Leipzig du 18 septembre 2021

Les antifascistes allemands ne se laissent pas distancer.

A rebours d’une ultra-gauche française ayant choisi de manifester avec les anti-pass, la gauche radicale allemande maintient des fondamentaux en termes de contenu. Il est vrai que la situation est différente puisqu’il y a eu en Allemagne un mouvement anti-mesures et anti-vax multipliant dès le début de la pandémie les initiatives, porté par l’extrême-Droite (comme en France par la suite), la scène antifasciste organisant des contre-rassemblements, par exemple à vélo.

Il y a également une extrême-Droite activiste bien plus virulente et c’est ce qui a amené la manifestation antifasciste du 18 septembre 2021, à Leipzig. A la suite de la chute du mur de Berlin, cette ville s’est ajouté à Berlin et Hambourg comme bastion de la gauche radicale. La manifestation s’est d’ailleurs terminé dans le quartier de Connewitz, bastion de ce qu’on peut appeler la scène post « autonome » allemande.

On trouve à l’origine de la manifestation l’extrême-agressivité policière contre la gauche radicale à Leipzig, avec même une « soko linx », commission spéciale pour la gauche (qui se dit « links » en allemand et s’écrit parfois de manière argotique « linx » à l’extrême-Gauche) multipliant les arrestations, perquisitions, surveillances, etc. Ces enquêteurs anti-gauche radicale sont directement liés à l’extrême-Droite, qui leur fournit même des dossiers sur des militants de la Gauche. Cela rend la situation particulièrement explosive à Leipzig, avec d’importantes confrontations de part et d’autre.

C’est dans ce cadre qu’a été arrêtée Lina, une étudiante accusée d’attaques violente contre des activistes d’extrême-Droite. La manifestation, dont voici la vidéo (on voit bien le cortège à partir de la 22e minute), était en solidarité avec elle. Elle a rassemblé 4 000 personnes.

L’initiative se déroule avant le procès de Lina et les élections parlementaires. La manifestation exige la dénazification des services de sécurité allemand, la dissolution de la commission spéciale de Leipzig et la liberté pour les antifascistes.

Les allusions au marteau dans le cortège font référence au nom qu’aurait eu le groupe auquel appartenait Lina (le « groupe au marteau »). Le groupe aurait utilisé cet outil pour agresser treize activistes d’extrême-Droite entre 2018 et 2020. Lina est considérée comme la dirigeante du groupe et est en prison depuis novembre 2020, trois autres personnes étant également accusées (mais pas emprisonnées en préventive). Tous sont considérés comme ayant formé un groupe criminel (l’équivalent français de l’association de malfaiteurs). La mère de Lina était présente à la manifestation et a pris la parole.

On peut remarquer aussi des blocs assez distincts lors de la manifestation ; cela tient à des options très différentes pour la ligne antifasciste, même si l’ensemble relève de la gauche radicale allemande formant une seule scène. On peut par exemple voir sur la fin les tenants d’une ligne « dure », se cachant avec des parapluies pour se masquer et dont la banderole annonce que le responsable de la commission spéciale va terminer dans le coffre d’une voiture (allusion au chef du patronat allemand et ex nazi Hanns Martin Schleyer terminant ainsi après son enlèvement par la RAF en 1977).

La manifestation se terminant dans le quartier de Connewitz a d’ailleurs culminé avec des barricades, la police intervenant alors très brutalement, ayant été resté à l’écart jusque-là, même si un hélicoptère survolait en permanence la manifestation.

La scène allemande étant conséquente en termes numérique et culturel, il y a évidemment toute une série de produits lifestyle qui sont réalisés en soutien et pour obtenir des fonds, avec le symbole du marteau (« hammer » en allemand qui s’emploie également pour signifier « génial »).

Les différences avec la France sont flagrantes. Tout d’abord le niveau de violence est bien plus élevé en Allemagne de la part de l’extrême-Droite et les institutions penchent clairement vers celle-ci. Le niveau de tension est élevé et la répression réelle, régulière. L’Etat allemand n’hésite pas à arrêter des « politiques » et à la présenter tel quel.

C’est tout à fait différent de la France où l’Etat pratique une « désescalade » symbolique permanente, comme à Nantes où l’ultra-gauche démolit le centre-ville à chaque grande manifestation sans aucune criminalisation ni arrestation.

Il est vrai que la Gauche radicale allemande forme un bloc à part, est ainsi relativement isolée socialement, propose du contenu « sécessionniste », alors que l’ultra-gauche française a un écho réel dans la société mais se limite à « suivre » de manière violemment anti-intellectuelle les protestations en s’imaginant son aile radicale.

Autrement dit, l’ultra-gauche française est petite-bourgeoise populiste et se limite à une approche relevant des ultras du football, alors que la gauche radicale allemande est petite-bourgeoise culturelle et a un patrimoine alternatif issu des autonomes.

L’antifascisme de l’ultra-gauche française est une escroquerie jouant sur les mots (antifascisme étant ici « anti-autoritaire » en mode libéral libertaire), l’antifascisme de la gauche radicale allemande réel, pour des raisons historiques évidemment.

Ce qui est plutôt rassurant en 2021 car cela montre que les antifascistes allemands sont là, qu’ils vont tenir dans la tourmente des prochaines années. Et qu’ils vont apporter des choses dont on pourra apprendre.

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Guerre

Le rappel des ambassadeurs français d’Australie et des États-Unis

Emmanuel Macron est pris à son propre piège.

Le Figaro, dans un éditorial, a réagi à l’affaire des sous-marins et à la naissance de l’AUKUS en disant qu’il était hors de question de rappeler les ambassadeurs ou de sortir de l’OTAN. Et pourtant, dans la foulée, Emmanuel Macron a demandé au ministre des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian de rappeler les ambassadeurs français à Washington et Canberra.

En langage diplomatique, c’est un avertissement qu’une ligne rouge a été franchie. Les ambassadeurs ne reviennent pas avant quelques temps – un jour, un mois, une année, etc. -, pour signaler une certaine dimension antagonique à la question.

Le message officiel du ministre des affaires étrangères est le suivant :

« A la demande du Président de la République, j’ai décidé du rappel immédiat à Paris pour consultations de nos deux ambassadeurs aux États-Unis et en Australie.

Cette décision exceptionnelle est justifiée par la gravité exceptionnelle des annonces effectuées le 15 septembre par l’Australie et les États-Unis.

L’abandon du projet de sous-marins de classe océanique qui liait l’Australie à la France depuis 2016, et l’annonce d’un nouveau partenariat avec les États-Unis visant à lancer des études sur une possible future coopération sur des sous-marins à propulsion nucléaire, constituent des comportements inacceptables entre alliés et partenaires, dont les conséquences touchent à la conception même que nous nous faisons de nos alliances, de nos partenariats et de l’importance de l’Indopacifique pour l’Europe. »

On voit que le ministre met sur le même plan l’abandon du partenariat et l’introduction de la technologie américaine en Australie. C’est que la France joue la carte de « l’intermédiaire », du pays de puissance moyenne favorable à un monde « multipolaire ». Or, l’introduction de la propulsion nucléaire a deux conséquences : à moyen terme, d’autres pays vont demander la même chose, comme la Corée du Sud et le Japon. Qui plus est, l’Australie va aller dans le sens de posséder des bombes atomiques.

C’est là multiplier les puissances de taille moyenne, assumer ouvertement la formation de blocs… autant dire que la France a tout à y perdre dans ses ambitions littéralement impérialistes. Elle dispose, rappelons-le, de la seconde Zone Économique Exclusive du monde en raison de tous ses territoires au Pacifique et elle ne compte pas les perdre. Mais toute militarisation, tout conflit implique de les perdre, au profit de la Chine ou des puissances locales (il faut se souvenir de l’attentat français contre le Rainbow Warrior, dans le cadre de telles contradictions).

La France a d’ailleurs immédiatement pris contact avec l’Inde au niveau diplomatique, des discussions ayant eu lieu entre le ministre français des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian et le ministre indien des Affaires étrangères Subrahmanyam Jaishankar, une rencontre étant bientôt prévue à New York. Il y a même eu un communiqué officiel français à ce sujet :

« M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, s’est entretenu aujourd’hui par téléphone avec son homologue indien, M. Subrahmanyam Jaishankar.

Les deux ministres ont décidé d’approfondir leur partenariat stratégique, fondé sur une relation de confiance politique entre deux grandes nations souveraines de l’Indopacifique. Ils ont également échangé sur la situation en Afghanistan, qui se détériore.

Les deux ministres sont convenus de se revoir à New York la semaine prochaine, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies, pour travailler sur un programme commun d’actions concrètes pour défendre ensemble un ordre international réellement multilatéral. »

Mais c’est là ni plus ni moins qu’une tentative de former un nouveau bloc. En fait, on ne peut pas échapper à la logique des blocs – à moins de s’opposer résolument à la guerre, telle que l’a toujours fait la Gauche historique.

Emmanuel Macron est pris à son propre piège ici, car il s’est posé comme libéral-moderniste faisant « avancer » le capitalisme – et il est dans une situation de crise mondiale où la bataille pour le repartage du monde s’ouvre toujours davantage. Pro-américain par définition, il a été obligé de faire face à un affront diplomatique – mais quelle solution peut-il proposer ?

On voit très bien comment les réactions en France ont été massives sur le plan politique, lors de cette affaire. Cela montre que les prochaines présidentielles vont tendanciellement se jouer sur la ligne stratégique choisie par la haute bourgeoisie française dans une situation mondiale où la guerre est à l’ordre du jour pour la prochaine décennie.

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Politique

Parti socialiste : 72% pour « De la renaissance à l’alternance : pour un printemps de la gauche et de l’écologie »

C’est un succès complet pour le premier secrétaire Olivier Faure.

Le Parti socialiste tient son 79e congrès les 18 et 19 septembre 2021 à Villeurbanne dans l’agglomération lyonnaise ; il devait se tenir les 12 et 13 décembre 2020, mais la pandémie l’a repoussé.

Voici le texte d’orientation présenté par le premier secrétaire socialiste, Olivier Faure, qui a largement obtenu la majorité sur son projet, avec 72,02% des voix des 22 000 membres (ils étaient environ 150 000 il y a quelques années seulement).

Olivier Faure prône une coalition sociale-écologiste, de manière assez prononcée pour le dépassement du Parti socialiste comme structure. Il a également déjà été réélu premier secrétaire avec 73% des voix le 16 septembre, le 79e congrès servant simplement de caisse d’enregistrement.

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Politique

Parti socialiste : 28% pour « Debout les Socialistes ! Pour le renouveau »

C’est une défaite pour la minorité socialiste.

Le Parti socialiste tient son 79e congrès les 18 et 19 septembre 2021 à Villeurbanne.

Voici le texte de la minorité socialiste, porté par Hélène Geoffroy, l’ancienne secrétaire d’État à la Ville, maire de Vaulx-en-Velin dans la banlieue de Lyon. Il a recueilli 27,98 % des voix ; Il prône le maintien du Parti socialiste comme organisation basée sur les Fédérations (relativement autonomes).

Hélène Geoffroy a obtenu 27% des voix le 16 septembre 2021 lors du vote pour le premier secrétaire, où le sortant, Olivier Faure, l’a emporté.

TO_A_Debout_les_Socialistes

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Guerre

Réactions françaises acerbes à l’accord AUKUS

La France ne compte pas « perdre son rang ».

Du côté français, c’est un grand traumatisme que l’accord entre les Etats-Unis, l’Australie et le Royaume-Uni. Le Parisien fait un éditorial intitulé « L’affront » (il y est dit que « La crise entre Paris et Washington est maximale »), La Croix ne fait pas dans le pacifisme chrétien avec son article « Sous-marins australiens : la rupture du contrat torpille toute une stratégie française », Le Figaro parle d’un « Trafalgar indopacifique », Le Monde parle d’une « crise diplomatique » entre la France et les Etats-Unis et publie des réponses de journalistes français en opposition à toute  » forme d’autodénigrement »… 

Les commentateurs bourgeois sont unanimes. La France s’est fait simplement mettre de côté et c’est inacceptable, car la France est une grande puissance, etc. Cela fait d’autant plus mal, du point de vue bourgeois qu’un contrat de plusieurs dizaines de milliards d’euros a été perdu.

Et le risque est de tout perdre dans la région. L’image publiée par La Croix dans l’article ultra-agressif « Indo-pacifique : un nouvel axe anglophone pour contrer la Chine » présente bien ce point de vue bourgeois : la France est isolée et a tout à perdre.

Cette image parle d’elle-même : la France devrait trouver des alliés dans le cadre du repartage du monde

Dans les faits, c’est bien une défaite sur tous les plans : économiquement en raison de la perte du contrat, militairement en raison de l’absence d’influence, politiquement en raison d’un rôle dévalorisé. Marine Le Pen, qui représente le secteur le plus agressif de la haute bourgeoisie, n’a évidemment pas raté l’occasion de dénoncer Emmanuel Macron à ce sujet.

Le communiqué est encore plus clair sur le plan de l’agressivité.

Communiqué de Marine Le Pen, candidate à l’élection présidentielle

Après l’annulation par l’Australie du contrat des sous-marins, la France subit un triple désastre :

– un désastre économique avec une perte de plusieurs dizaines de milliards d’euros pour notre industrie ;

– un désastre militaire avec la ruine de la nécessaire coopération stratégique franco-australienne dans le Pacifique ;

– Un désastre politique avec une humiliation publique de la France et une atteinte gravissime à son image de puissance industrielle ;

Un tel échec ne peut rester sans explication. Marine Le Pen, candidate à l’élection présidentielle, demande qu’une commission d’enquête fasse toute la lumière sur ce naufrage.

Elle demande également que l’État prenne toutes les mesures pour pérenniser l’avenir de Naval Group, fleuron de notre outil industriel, si indispensable à l’indépendance de la France.

C’est qu’avec cette affaire, la ligne d’Emmanuel Macron est profondément fragilisée. Il a en effet misé sur un alignement sur les États-Unis et là, il s’est déroulé quelque chose que  le ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a défini comme un « coup dans le dos ».

Encore en juillet 2021, le ministère des affaires étrangères publiait justement l’article « L’espace indopacifique : une priorité pour la France« , où on lit notamment :

« L’Indopacifique s’impose de plus en plus comme l’espace stratégique du XXIème siècle. La montée en puissance de la Chine a bouleversé les équilibres traditionnels.

Alors qu’un certain nombre de menaces persistent (prolifération nucléaire, criminalité transnationale organisée, terrorisme djihadiste, piraterie, pêche illicite…), la compétition sino-américaine s’intensifie et génère de nouvelles tensions.

Le centre de gravité de l’économie mondiale s’est déplacé vers l’Indopacifique. Six membres du G20 (Australie, Chine, Corée du Sud, Inde, Indonésie, Japon) sont présents dans cette zone. Les voies commerciales maritimes qui la traversent sont devenues prépondérantes.

Les principales réserves de croissance mondiales se trouvent dans l’Indopacifique, qui contribuera d’ici 2030 à environ 60% du PIB mondial. Le poids croissant de ces pays dans les échanges commerciaux et les investissements mondiaux se trouvera encore renforcé dans le monde post-Covid. »

Un long dossier de présentation était publié à ce sujet. Tout cela semble bien vain désormais. Quand on pense qu’il y a deux semaines, les ministres des affaires étrangères et de la défense de l’Australie et de la France publiaient une longue déclaration unitaire, évoquant la fourniture de sous-marins français, qu’à la mi-juin le premier ministre australien Scott Morison rendait visite au président français Emmanuel Macron, on voit comment on est bien dans le cadre d’une bataille pour le repartage du monde, avec des retournements brutaux d’alliance.

Le communiqué de l’ambassade d’Australie en France parle d’ailleurs ouvertement de priorité stratégique, c’est-à-dire de subordination aux exigences militaristes de la superpuissance américaine. De fait, depuis la mi-2019 l’Australie va dans les bras des Etats-Unis contre la Chine.

L’un des plus gros problèmes est également que la France n’a rien vu venir. Les États-Unis ont prétendu avoir informé la France de l’alliance UKAUS en juin déjà, mais la France le nie, comme ici le porte-parole de l’ambassade de France à Washington, Pascal Confavreux.

« Nous n’avons pas été informés de ce projet avant la publication des premières informations dans la presse américaine et australienne. »

Vues les réactions de surprise et catastrophées, c’est sans doute vrai et c’est tout la crédibilité de l’alignement français sur les États-Unis qui a pris un terrible coup. C’est ni plus ni moins que la réélection programmée d’Emmanuel Macron qui prend un très rude coup. Le camp du nationalisme et du militarisme a gagné beaucoup de points sur le camp libéral-moderniste aligné sur les États-Unis.

La Gauche historique doit impérativement se reconstituer pour contrer cette tendance !

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Guerre

Instauration de l’alliance Australie – Royaume-Uni – Etats-Unis

L’esprit impérialiste s’exprime ouvertement et l’ennemi, c’est la Chine.

Le 15 septembre 2021 au soir, une conférence vidéo a réuni le président américain Joe Biden, le premier ministre britannique Boris Johnson et le premier ministre australien Scott Morrison. Il a été annoncé une alliance stratégique allant dans les sens d’une unification militaire pour la région indo-pacifique.

Plus précisément, l’alliance Australie – Etats-Unis – Royaume-Uni, présentée sous l’acronyme AUKUS, implique en effet un partage d’information et de technologie, une intégration des connaissances scientifiques liées à la défense et la sécurité ainsi que des bases industrielles et des chaînes d’approvisionnements.

En ce sens, les Etats-Unis vont fournir à l’Australie de quoi mettre en place des sous-marins à propulsion nucléaire ; la seule fois où un tel partage d’un tel type de connaissances a eu lieu, c’était pour le Royaume-Uni en 1958.

Les trois pays sont déjà membres de la  » Five Eyes alliance », avec la Nouvelle-Zélande et le Canada, une collaboration générale au niveau des services secrets. Cette fois, on rentre dans le dur puisqu’il s’agit ni plus ni moins que d’élever le niveau matériel de l’Australie sur le plan militaire dans le cadre de la future confrontation avec la Chine.

D’ailleurs, en plus des sous-marins eux-mêmes, la technologie nucléaire acquise peut également permettre à l’Australie d’aller dans le sens de posséder la bombe nucléaire, même si évidemment elle prétend actuellement ne pas vouloir de prolifération.

On notera que cela implique également l’annulation de la commande effectuée il y a deux ans auprès de la France de douze sous-marins de ce type (pour 31 milliards d’euros). Cela ne peut que déplaire à la France. Et c’est très dangereux pour la Gauche en France, car cette situation va renforcer les excitations militaristes, les fantasmagories stratégiques, les velléités impérialistes d’aller à la guerre.

Car la superpuissance américaine ne veut pas perdre son hégémonie, la Chine veut devenir une superpuissance et obtenir l’hégémonie (le régime tente en ce moment de recadrer les esprits dans un sens nationaliste – étatique d’ailleurs). Le Royaume-Uni veut être aux premières loges de la victoire américaine espérée, d’où le BREXIT.

De son côté, la Russie cherche à maintenir sa position à l’ombre chinoise, alors que l’Allemagne espère compter les points et profiter de son hégémonie en Europe. C’est une véritable course impérialiste comme avant 1914.

Que va faire la France? Au rythme où vont les choses, c’est cette question de savoir se placer dans la bataille pour le repartage du monde qui va devenir de plus en plus central, et il va être essentiel de comprendre ce qui va en être pour la présidentielle 2022.

On notera d’ailleurs qu’aucun des trois pays concernés par l’alliance AUKUS n’a daigné ne serait-ce que faire semblant d’avoir un débat dans le pays à ce sujet. L’information au sujet de l’alliance a filtré quelques heures avant son annonce, toutes les décisions ont été prises par en haut, dans l’esprit de la diplomatie secrète. C’est tout à fait révélateur d’une marche à la guerre et les institutions doivent s’effacer substantiellement devant elle.

Le fait qu’en France les classes dominantes ne soient pas unies sur les choix stratégiques est ainsi une chance, car cela peut permettre de percer cette muraille du secret, des décisions lointaines, comme cela peut être un terrible danger car cela peut renforcer l’attrait, pour faire avancer la marche à la guerre, d’utiliser le nationalisme avec une grande ampleur.

En tout cas, avec AUKUS, on a déjà un bloc de formé pour la guerre pour le repartage du monde. C’est le second bloc clairement défini avec celui Russie-Chine. Les choses vont vite, très vite.