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Escalade en Ukraine: la France se lance dans la sinistre partie

La France s’aligne sur l’OTAN.

Le 20 novembre 2021, le média institutionnel russe RT, dans sa version anglophone, a publié un article d’un universitaire norvégien intitulé… « La guerre Russie – OTAN devient toujours plus inévitable ». C’est un message d’une agressivité très claire. Naturellement, l’article dit que la situation est imposée par l’expansion de l’OTAN – ce qui est une partie de la vérité. Même s’il n’y avait pas l’expansionnisme russe, l’OTAN vise de toutes façons à faire tomber la Russie. Pour cela, l’Ukraine sert littéralement de porte-avions et l’OTAN ne cesse d’envoyer du matériel, de fournir des instructeurs militaires, etc.

Le président russe Vladimir Poutine a tenu un discours portant notamment voire principalement sur ce sujet, le 18 novembre 2021, au ministère russe des Affaires étrangères. Il a expliqué que l’OTAN cherchait la confrontation et qu’elle ne portait pas attention aux inquiétudes russes quant à son élargissement en Europe de l’Est. Les « lignes rouges » dont il avait parlé récemment ne sont prises en compte que de « manière superficielle » et il a souligné l’importance de ce qui se passe en mer Noire.

« Nos partenaires occidentaux aggravent la situation en livrant des armes modernes et létales à Kiev et en menant des exercices militaires provocants en mer Noire et dans d’autres régions proches de nos frontières, a déclaré le président russe. 

En ce qui concerne la mer Noire, cela dépasse vraiment certaines limites. Des bombardiers stratégiques volent à 20 kilomètres de nos frontières et transportent, comme on le sait, des armes très dangereuses. »

Et que fait l’École de guerre française dans la foulée ? Elle annonce que vient d’avoir lieu une simulation d’une intervention de l’armée française dans la région de la mer d’Azov, c’est-à-dire en mer Noire (la mer d’Azov, peu profonde, est imbriquée entre différents pays depuis la mer Noire). C’est une affirmation ouverte du militarisme français, avec un alignement sur l’OTAN et un soutien au militarisme du nationalisme ukrainien.

De leur côté, les médias américains considèrent que la guerre est prévue pour janvier (plus ou moins au plus tard) et qu’en tout cas il est clair et net qu’en l’état de la situation, il y aura un conflit.

Il faut bien saisir ce que cela implique. Vu le degré de conflictualité, il est clair alors que la Russie visera à récupérer toute la partie orientale de l’Ukraine, là où les locuteurs russes sont majoritaires, et encore au sens le plus large possible, puisqu’il s’agit d’aller jusqu’à la Transnistrie et de protéger tout le flanc nord de la Crimée.

L’idée est qu’en effet l’Ukraine va basculer dans l’Otan, donc autant jouer le tout pour le tout. Les troupes russes qui s’accumulent à la frontière avec l’Ukraine rendent cette hypothèse tout à fait plausible… Plus que plausible. Il faut ici rappeler que pour la Russie, l’Ukraine n’existe pas en tant que nation et que le texte de Vladimir Poutine à ce sujet doit même être étudié par les soldats.

Le massacre à la tronçonneuse de l’Ukraine espéré notamment par le courant « eurasien« 

Dans tous les cas, l’Ukraine est une nation qui serait la première victime de la guerre. Aux mains des nationalistes et d’une sorte de couche capitaliste ultra-bureaucratique dans un pays pauvre et entièrement corrompu, elle bascule dans le giron américain, avec en face une Russie qui ne reconnaît pas la légitimité de son existence.

Et il est devenu clair que la France est devenue partie prenante et qu’elle n’est plus dans l’attentisme comme l’est l’Allemagne, qui aimerait ménager la Russie. La France espère la défaite de la Russie et s’aligne pour profiter du gâteau. C’est de l’impérialisme comme à la veille de 1914.

Il faut que tous les partisans de la Gauche historique saisissent l’importance de ce qui se déroule et joue le rôle d’aiguillon pour faire progresser les consciences dans ce moment dramatique de l’Histoire. Ce n’est pas pour rien que personne – à part agauche.org – n’aborde ce thème. C’est trop brûlant, c’est trop essentiel, il y a trop de choses en jeu.

C’est justement de là qu’il faut partir (et non pas y arriver péniblement en constatant qu’il y a une guerre, ce que feront les populistes et l’ultra-gauche qui vivent dans leur bulle, déconnectés de la réalité, totalement hors-sol). L’Histoire existe et elle a une ampleur immense. Qui n’est pas à la hauteur est condamné intellectuellement, moralement, politiquement, culturellement, psychologiquement, physiquement même, de par l’ampleur des désastres.

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L’expansionnisme russe anti-ukrainien et sa base idéologique «eurasienne»

L’idéologie vise à justifier le rôle impérial – hégémonique de la Russie.

L’idéologie « eurasienne » de la Russie est extrêmement complexe, elle mêle religion, nationalisme, nostalgie de l’empire russe des tsars, mysticisme asiatique… C’est totalement pittoresque et farfelu, mais très fonctionnel pour l’Etat russe. Il est vrai qu’on connaît en France une variante de « l’eurasisme », avec le « national-bolchevique » Édouard Limonov qui a été une certaine star dans certains milieux intellectuels parisiens. Mais c’est Alexandre Douguine qui est la véritable figure tutélaire de cette mouvance, qui à la fois est reconnu officiellement par l’Etat russe, et à la fois non.

Nous reproduisons ici le précieux article à ce sujet, publié dans la revue pdf Crise (numéro 12, avril 2021).


Né en 1962, Alexandre Douguine est le principal théoricien nationaliste russe ; il avait notamment fondé en 1993, avec Edouard Limonov, le Parti national-bolchevique. Son importance idéologique est ensuite devenue immense dans la vision du monde de l’expansionnisme russe en général.

Alexandre Douguine fournit en effet les éléments idéologiques justifiant l’ensemble des manœuvres russes pour satisfaire ses ambitions et permettre de former des alliances en ce sens. Et l’idée de base est relativement simple, même si elle est ornée de justifications métaphysiques, religieuses, mystiques, etc.

La Russie ne serait pas un pays, mais un pays continent, où viendrait s’enliser tout ce qui vient des États-Unis. Cela signifie que tout ce qui s’oppose aux États-Unis doit, logiquement, venir s’appuyer sur la Russie, rentrer en convergence avec elle.

C’est un appel ouvert aux pays capitalistes de moyenne taille cherchant à s’arracher à l’hégémonie américaine, tels l’Allemagne et la France, mais aussi aux pays semi-féodaux semi-coloniaux, telle la Turquie, l’Iran ou encore la Syrie.

Mais c’est surtout un moyen de s’étendre territorialement, comme avec le Donbass et la Transnistrie.

L’Eurasie ou la Russie comme continent

Dans la conception d’Alexandre Douguine, la Russie aurait été irriguée par les invasions asiatiques et est ainsi devenue porteuse d’une psychologie impériale supra-nationale, de type conservatrice « révolutionnaire ».

Le vaste territoire impliquerait la psychologie de la conquête, de l’expansion, d’une virilité guerrière ; l’existence de multiples communautés au sein de ce vaste territoire s’associerait à l’idée de petites sociétés conservatrices repliées sur elles-mêmes au sein de l’empire.

La Russie, cœur d’un large territoire appelé « l’Eurasie », mêlerait ainsi les religions catholiques orthodoxe et musulmane, dans un élan communautaire opposé à l’esprit insulaire de la Grande-Bretagne et des États-Unis, bastion du protestantisme « matérialiste » et individualiste.

Le bien serait porté par la Russie ancrée dans la terre, le mal serait porté par les Anglo-saxons et leur puissance maritime.

Une lecture apocalyptique

La conception « eurasienne » se fonde directement sur le catholicisme orthodoxe avec une insistance très grande sur la dimension apocalyptique. On est, tout comme dans le national-socialisme, dans la tentative de fournir l’idée d’une révolution totale… mais de manière contre-révolutionnaire.

Voici comment Alexandre Douguine présente sa vision à une revue conservatrice révolutionnaire belge en 1991 :

« Après la perestroïka, il adviendra un monde pire encore que celui du prolétarisme communiste, même si cela doit sonner paradoxal.

Nous aurons un monde correspondant à ce que l’eschatologie chrétienne et traditionnelle désigne par l’avènement de l’Antéchrist incarné, par l’Apocalypse qui sévira brièvement mais terriblement.

Nous pensons que la “deuxième religiosité” et les États-Unis joueront un rôle-clef dans ce processus. Nous considérons l’Amérique, dans ce contexte précis, non pas seulement dans une optique politico-sociale mais plutôt dans la perspective de la géographie sacrée traditionnelle.

Pour nous, c’est l’île qui a réapparu sur la scène historique pour accomplir vers la fin des temps la mission fatale.

Tout cela s’aperçoit dans les facettes occultes, troublantes, de la découverte de ce continent, juste au moment où la tradition occidentale commence à s’étioler définitivement.

Sur ce continent, les positions de l’Orient et de l’Occident s’inversent, ce qui coïncide avec les prophéties traditionnelles pour lesquelles, à la fin des temps, le Soleil se lèvera en Occident et se couchera en Orient. »

L’eurasisme originaire renversé

L’eurasisme n’a pas été inventé par Alexandre Douguine, qui développe son point de vue au tout début des années 1990.

C’est initialement une conception délirante provenant de milieux ultra-conservateurs à la fin du XIXe siècle, comme le moine Constantin Léontiev qui voit en « l’asiatisme » un support à la religion catholique orthodoxe face au monde moderne, alors que l’historien Nikolaï Danilevski pense que ce support se trouve à l’opposé dans le panslavisme (« La Russie et l’Europe », 1869).

Le baron Roman von Ungern-Sternberg tenta, pendant la guerre civile suivant la révolution russe, de former une armée blanche nommée la « division sauvage » au moyen de cavaliers de la partie asiatique de la Russie, dans un syncrétisme orthodoxe-bouddhiste littéralement apocalyptique d’ailleurs soutenu par le Dalaï-Lama.

Puis cet espoir de revivifier le conservatisme russe au moyen d’un soutien extérieur a été développé par des émigrés russes fuyant la révolution d’Octobre 1917 établis en Bulgarie.

Le géographe et économiste Piotr Savitsky, le pionnier de cette idéologie, considérait que l’Eurasie était un « lieu de développement » façonnant un mode de pensée continental, non océanique, les Russes passant dans l’esprit des steppes grâce aux Mongols.

On trouve à ses côtés le linguiste Nikolai Troubetskoï, le théologien Georges Florovski, le critique musical Piotr Suvchinski ; ce groupe publia en 1921 Exode vers l’Orient, renversant les arguments anti-bolcheviks des sociaux-démocrates occidentaux. Ceux-ci accusaient les bolcheviks, c’est-à-dire les sociaux-démocrates russes, d’être trop orientaux dans leur approche ; les eurasistes affirmèrent que les bolcheviks ne l’étaient pas assez.

Des émigrés russes à Prague développèrent la même année une conception très similaire, avec la publication commune Orientations ; ce fut également le cas de George Vernadsky, le fils de l’immense savant Vladimir Vernadsky, qui devint professeur d’université aux États-Unis.

Après 1991, cette idéologie fut récupérée par le régime post-soviétique… Cependant, l’eurasisme est renversé. Alors qu’initialement il s’agissait de soutenir la Russie en appuyant son propre conservatisme par des aides extérieures, asiatiques, désormais la Russie se veut le bastion du conservatisme prêt à épauler les autres.

Une idéologie impériale

L’eurasisme a un aspect impérial : la Russie serait le seul moyen, de par son poids, de s’opposer au « monde moderne ». Il faut donc se tourner vers elle, d’autant plus qu’elle serait naturellement encline à abriter des communautés très différentes.

L’eurasisme s’oppose ainsi aux affirmations nationales, il est d’ailleurs de ce fait résolument opposé au romantisme slave. Il affirme une logique communautaire, où une sorte d’empire protège ses communautés intérieures vivant selon ses valeurs traditionnelles.

La Tchétchénie, avec son président qui est polygame, revendique son identité islamique précisément au nom d’une telle intégration communautaire dans une Russie « continent ».

Il ne s’agit pas d’une idéologie de type nationaliste classique, mais d’une logique impériale-syncrétiste, ce qui fait que n’importe qui n’importe où en Europe ou en Asie peut prétendre que « sa » communauté doit relever de l’approche eurasienne.

De manière « philosophique », on peut dire que les tenants de l’Eurasie opposent un espace au temps du libéralisme : c’est un anti-capitalisme romantique, une révolte irrationaliste contre le monde moderne.

Le « récentisme », une variante de l’eurasisme

Les « récentistes » sont un aspect de l’idéologie eurasiste. Ce sont des illuminés affirmant que la chronologie historique telle qu’on la connaît est fausse ; les civilisations antiques auraient en réalité existé durant le moyen-âge et c’est au 16e-17e-18e siècles qu’il y aurait eu une réécriture du passé.

Il y aurait ainsi au moins 800 années d’événements en trop ; la guerre de Troie serait en réalité une écriture poétique des Croisades, Jésus aurait été crucifié au 11e siècle, les Hittites seraient les Goths, Salomon serait le Sultan ottoman Soliman le Magnifique, etc.

Le fondateur du récentisme est le mathématicien russe de haut niveau, Anatoli Fomenko, né en 1945, qui affirme qu’il faut étudier l’histoire au moyen des statistiques, notamment afin d’éviter les « copies fantômes » relatant les mêmes faits historiques de manière « différente ».

Prenant par exemple les textes historiques de la Rome antique et de la Rome médiévale de manière statistique, il les compare et considère par exemple que la première est une « copie » de la seconde.

Et il explique que la falsification de la chronologie historique vise à « cacher » que, jusqu’à la fin du moyen-âge, le monde avait comme base une « horde russe » de type slave et mongole, qui aurait d’ailleurs même colonisé l’ouest américain ! Les Ukrainiens, les Mongols, les Turcs… seraient une composante historique de cette « horde russe ».

Le récentisme, idéologie relativiste jusqu’au délire, est le prolongement de l’eurasisme comme vision « civilisationnelle », où la Russie serait à travers l’Eurasie la vraie porteuse de la civilisation. L’Histoire est réécrite s’il le faut.

Le club d’Izborsk et les milieux du pouvoir

L’eurasisme ne réécrit pas seulement l’Histoire passée : il prône des orientations dans le temps présent, ce qui est sa véritable fonction en tant qu’idéologie justifiant l’expansionnisme russe. Un élément-clef est ici joué par le Club d’Izborsk.

Izborsk est une localité du nord-ouest de la Russie où l’on trouve des tumulus slaves du 6e siècle et une forteresse historique ayant entre le 12e et le 16 siècle résisté à huit sièges. C’est un symbole de la « résilience » russe, de son caractère « imprenable ».

Le Club d’Izborsk, qui est très lié à Vladimir Poutine et dont fait partie Alexandre Douguine, est le lieu de synthèse « géopolitique » de l’eurasisme. C’est là où sont produits les conceptions concrètes de l’eurasisme, les objectifs d’un expansionnisme agressif au nom d’un « traditionalisme technocratique », qui « allie modernisation technologique et conservatisme religieux ».

Le club dit d’ailleurs ouvertement que :

« Le club d’Izborsk est inclus dans des réseaux de pouvoir influents qui lui permettent de diffuser ses idées.

En juillet 2019, le président du club, Alexander Prokhanov, a été invité au Parlement pour projeter son film « Russie – Une nation de rêve », dans lequel il promeut sa vision d’une mythologie scientifique et spirituelle nationale.

Le club d’Izborsk est également proche de personnalités clés de l’élite conservatrice, comme l’oligarque monarchiste Konstantin Malofeev ou le directeur de l’agence [spatiale] Roskosmos, Dmitri Rogozin. Enfin, il est proche du cœur du complexe militaro-industriel. Témoin de ces liens, le bombardier à missiles stratégiques Tupolev Tu95-MK, qui a été baptisé Izborsk en 2014. »

Ce club a publié une déclaration à sa fondation en janvier 2013 :

« Afin de prévenir une catastrophe imminente, nous appelons tous les hommes d’État qui apprécient l’avenir de la Russie à agir comme un front patriotique et impérial uni, opposé à l’idéologie libérale de la mondialisation et à ses adhérents qui agissent dans l’intérêt de nos ennemis géopolitiques.

L’aspect le plus important de notre unité est la compréhension correcte de la difficile situation actuelle. La Russie a besoin d’une fusion de deux énergies puissantes issues des idéologies « rouge » et « blanche » du patriotisme russe.

Cette fusion implique l’introduction dans la structure et le système de l’activité de l’État d’un puissant élément de justice sociale hérité de l’URSS, et un retour aux valeurs orthodoxes − spiritualité chrétienne et universalité de la Russie traditionnelle.

Une telle synthèse rendra notre pays et notre puissance invincibles, nous permettra d’offrir à l’humanité une voie universelle de développement social basée sur l’expérience de la civilisation russe.»

Une idéologie d’alliance

Si l’on regarde les idéologies des « républiques populaires » de Donetzk et Lougansk dans le Donbass, elles témoignent dans un mélange de religiosité orthodoxe et de nostalgie « soviétique » sur un mode impérial. Elles sont dans la ligne droite du Club d’Izborsk et de l’eurasisme.

Un militaire français engagé comme volontaire dans les forces armées de la « République populaire » de Donetzk présente de la manière suivante la mentalité des combattants :

« Ici, les fantasmes hégémoniques d’une Russie blanche, d’un empire soviétique, d’une Europe chrétienne sont incompatibles avec la réalité d’un front où se battent ensemble dans la même tranchée des européens, caucasiens, ouzbeks, tatars, tchétchènes, asiatiques, des orthodoxes, musulmans, païens, athées, des communistes, nationaux-bolcheviques, impériaux, cosaques, anarchistes etc. »

Il est du propre de l’eurasisme de considérer que l’idéologie est un moteur idéaliste personnel et que la question concrète est celle d’un « front » anti-libéral. C’est valable au niveau des États : en 2014 a été fondée l’Union économique eurasiatique avec la Biélorussie, le Kazakhstan et la Russie, rejoints par l’Arménie ; les idéologies des États biélorusse, russe et kazakh sont directement « eurasiennes » d’ailleurs.

Ces États se veulent les bastions d’un conservatisme impénétrable à « l’occidentalisme », avec un idéalisme conservateur. Et cet anti-« occidentalisme » serait populaire et donc révolutionnaire.

Il n’est pas difficile ici de voir justement qu’en Europe il existe de nombreuses structures « conservatrices » mais « révoltées » qui convergent directement avec l’eurasisme (comme en France La France Insoumise, le PRCF, l’hebdomadaire Marianne, Égalité & Réconciliation), ou bien convergent avec malgré des réticences concernant l’Islam (le Vlaams Belang en Belgique, Marine Le Pen en France).

La question de l’alliance avec les républiques séparatistes en Ukraine a cependant amené le premier grand défi.

Alexandre Douguine et la partition de l’Ukraine

Dans une interview de 2014 à une revue conservatrice autrichienne, Alexandre Douguine expliqua que l’Ukraine était condamnée, en raison de l’appel de l’eurasisme pour sa « meilleure » partie.
C’est là très exactement l’idéologie de l’expansionnisme russe aux dépens de l’Ukraine.

Il dit :

« Professeur Douguine, le 1er janvier 2015, l’Union Économique Eurasienne deviendra une réalité. Quel potentiel détient cette nouvelle organisation internationale ?

L’histoire nous enseigne que toute forme d’intégration économique précède une unification politique et surtout géopolitique. C’est là la thèse principale du théoricien de l’économie allemand,

Friedrich List, initiateur du Zollverein (de l’Union douanière) allemand dans la première moitié du XIXe siècle.

Le dépassement du « petit-étatisme » allemand et la création d’un espace économique unitaire, qui, plus tard, en vient à s’unifier, est toujours, aujourd’hui, un modèle efficace que cherchent à suivre bon nombre de pays.

La création de l’Union Économique Eurasienne entraînera à son tour un processus de convergence politique. Si nous posons nos regards sur l’exemple allemand, nous pouvons dire que l’unification du pays a été un succès complet : l’Empire allemand s’est développé très rapidement et est devenu la principale puissance économique européenne.

Si nous portons nos regards sur l’Union Économique Eurasienne, on peut s’attendre à un développement analogue. L’espace économique eurasien s’harmonisera et déploiera toute sa force. Les potentialités sont gigantesques.

Toutefois, après le putsch de Kiev, l’Ukraine n’y adhèrera pas. Que signifie cette non-adhésion pour l’Union Économique Eurasienne ? Sera-t-elle dès lors incomplète ?

Sans l’Est et le Sud de l’Ukraine, cette union économique sera effectivement incomplète. Je suis d’accord avec vous.

Pourquoi l’Est et le Sud ?

Pour la constitution d’une Union Économique Eurasienne, les parties économiquement les plus importantes de l’Ukraine se situent effectivement dans l’Est et le Sud du pays.

Il y a toutefois un fait dont il faut tenir compte : l’Ukraine, en tant qu’État, a cessé d’exister dans ses frontières anciennes.

Que voulez-vous dire ?

Nous avons aujourd’hui deux entités sur le territoire de l’Ukraine, dont les frontières passent exactement entre les grandes sphères d’influence géopolitique.

L’Est et le Sud s’orientent vers la Russie, l’Ouest s’oriente nettement vers l’Europe.

Ainsi, les choses sont dans l’ordre et personne ne conteste ces faits géopolitiques.

Je pars personnellement du principe que nous n’attendrons pas longtemps, avant de voir ce Sud et cet Est ukrainiens, la “nouvelle Russie”, faire définitivement sécession et s’intégrer dans l’espace économique eurasien.

L’Ouest, lui, se tournera vers l’Union Européenne et s’intégrera au système de Bruxelles.

L’État ukrainien, avec ses contradictions internes, cessera pratiquement d’exister. Dès ce moment, la situation politique s’apaisera. »

Alexandre Douguine prônait ainsi que les séparatistes pro-russes en Ukraine établissent une « Nouvelle Russie » dans tout l’Est du pays. Ce fut même le plan initial du séparatisme pro-russe.

Toutefois, les défaites militaires amenant une perte de territoire et de ce fait l’incapacité à conquérir la partie orientale de l’Ukraine amena un « gel » en 2015 du projet, alors qu’en novembre 2014 est limogé le gouverneur de la « République populaire » de Donetzk, Pavel Goubarev.

Alexandre Douguine fut parallèlement mis de côté en Russie, considéré comme allant trop loin dans la logique du conflit avec l’occidental, nuisant ainsi à une partie des oligarques profitant largement du capitalisme occidental.

Alexandre Douguine au club d’Izborsk

Dans un article du 9 avril 2021 pour le club d’Izborsk, intitulé « La géopolitique de la Nouvelle-Russie sept ans après », Alexandre Douguine formule le point de suivant au sujet de la crise du Donbass.

« En 2014, c’est-à-dire il y a 7 ans, la Russie a fait une énorme erreur de calcul. Poutine n’a pas utilisé la chance unique qui s’est présentée après [la révolte pro-occidentale de la place] Maidan, la prise de pouvoir de la junte à Kiev et la fuite de Ianoukovitch en Russie.

Cohérent dans sa géopolitique, le Président n’a pas été fidèle à lui-même cette fois-ci. Je le dis sans aucune réjouissance, mais plutôt avec une profonde douleur et une rage sincère.

Cette occasion manquée a été appelée « Novorossiya » [Nouvelle-Russie, un nouvel « État » dans l’Est de l’Ukraine], « printemps russe », « monde russe ». Sa signification était la suivante :

– Ne pas reconnaître la junte de Kiev, qui avait pris le pouvoir lors d’un coup d’État violent et illégal,

– demander à [Viktor] Ianoukovytch [alors président ukrainien et destitué lors de l’Euromaïdan] de se lever pour restaurer l’ordre constitutionnel,

– soutien au soulèvement dans l’est de l’Ukraine,

– introduction de troupes à la demande du président légitime (modèle Assad),

– établir le contrôle sur la moitié du territoire ukrainien,

– mouvement sur Kiev (…).

Le rejet d’un tel développement était motivé par un « plan astucieux ». Sept ans plus tard, il est clair qu’il n’y avait, hélas, aucun « plan astucieux ». Ceux qui l’ont préconisé étaient des scélérats et des lâches (…).

C’est alors, et précisément pour ma position sur la Novorossiya, que le Kremlin m’a envoyé en disgrâce. Qui dure jusqu’à aujourd’hui (…).

Le projet Novorossiya a été esquissé par Poutine lui-même, mais il a immédiatement été abandonné (…).

La Syrie a été une manœuvre géopolitique réussie et correcte, mais elle n’a en rien supprimé ou sauvé l’impasse ukrainienne. Une victoire tactique a été obtenue en Syrie.

C’est bien. Mais pas aussi important qu’une transition vers un effort eurasien complet pour restaurer une puissance continentale. Et cela ne s’est pas produit. La Nouvelle Russie était la clé (…).

Aujourd’hui, après l’arrivée brutale de Biden à la Maison Blanche, les choses sont revenues là où les choses s’étaient arrêtées en 2014 (…).

Seule l’armée ukrainienne a pu, en 7 ans, se préparer, se rapprocher de l’adhésion à l’OTAN et élever une génération entière de russophobes radicaux.

Pendant tout ce temps, le Donbass a été dans un état de flottement. Oui, il y a eu de l’aide ; sans elle, il n’aurait tout simplement pas survécu. Mais pas plus que ça (…).

Au cours des 20 dernières années, la Russie a tenté de trouver un équilibre entre deux vecteurs.

– continental-patriotique et

– modéré-occidental.

Il y a 20 ans déjà, lorsque Poutine est arrivé au pouvoir, j’ai écrit que cet exercice d’équilibre serait extrêmement difficile et qu’il valait mieux choisir l’Eurasie et la multipolarité.

Poutine a rejeté − ou plutôt reporté indéfiniment − le continentalisme ou s’en rapproche au rythme d’un petite cuillère par heure. Ma seule erreur a été de suggérer qu’une telle tiédeur ne pouvait pas durer longtemps. C’est possible et c’est toujours le cas. Mais tout a toujours une fin.

Je ne suis pas sûr à 100% que c’est exactement ce qui se passe actuellement, mais il y a une certaine − et très significative – possibilité (…). Je dis simplement que si Kiev lance une offensive dans le Donbass, nous n’aurons pas la possibilité d’éviter l’inévitable. Et si la guerre ne peut être évitée, elle ne peut être que gagnée.

Ensuite, nous reviendrons sur ce qui a été décrit en détail dans le livre « Ukraine. Ma guerre » − c’est-à-dire à la Novorossiya, le printemps russe, la libération finale de la sixième colonne [= « c’est-à-dire les libéraux au pouvoir, les oligarques et une partie importante, sinon la majorité, de l’élite russe qui, bien que formellement loyale au cours patriotique du président Poutine, est organiquement liée à l’Occident], la renaissance spirituelle complète et finale de la Russie.

C’est un chemin très difficile. Mais nous n’avons probablement pas d’autre issue. »

Pas d’espace pour l’Ukraine

La ligne dure appliquée par la Russie au début avril 2021 indique un retour à la ligne d’Alexandre Douguine. On est dans une perspective annexionniste agressive, plus dans une temporisation comme choisie en 2014. C’est bien évidemment la crise générale qui est la source du renforcement de la fraction la plus agressive de l’expansionnisme russe.

Et dans une telle approche eurasiste, l’Ukraine n’a pas le droit à l’existence, pour deux raisons.

La première tient à ce que dans une perspective purement « eurasiste », l’Ukraine est une petite Russie, une annexe, qui ne peut exister face au « libéralisme » que comme communauté inféodée à l’État-continent. L’expansionnisme russe peut en fait légitimer n’importe quelle subversion en prétendant que les forces « saines » prennent le dessus et qu’il s’agit de les soutenir – en attendant la suite.

La seconde, c’est que la nature nationale ukrainienne n’est finalement qu’une sorte d’accident, de malentendu, la Russie étant le véritable noyau civilisationnel authentique.

La Russie-continent s’imagine ainsi avoir une vocation expansionniste naturelle, allant de l’Atlantique à l’Oural. Et l’Ukraine est sur sa route.

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Offensive de novembre 2021: l’Arménie à un pas de l’effondrement

Les affrontement de la mi-novembre 2021 sont un avertissement.

Il se joue pour l’Arménie une dangereuse partie qui risque bien de l’emporter en tant qu’État. Le mardi 16 novembre, les forces armées de l’Azerbaïdjan, qui avaient conquise par une guerre technologique de grande envergure l’essentiel du Haut-Karabagh arménien l’an passé, ont attaqué massivement le territoire arménien dans la région du Siunik, soit le sud du pays.

L’offensive a été soudaine et massive, les affrontements ayant duré 24 heures, coûtant la vie à des dizaines de soldats des deux côtés, avant qu’un cessez-le-feu, imposé par la Russie, ne gèle à nouveau la situation.

Cette offensive fait suite directement à toute une série d’attaques régulières menées par les troupes azerbaïdjanaises depuis un an dans le secteur. Les incursions, les tirs sur les habitations, les routes ou même les animaux relevant du bétail, n’y ont quasiment pas cessé, maintenant une pression constante sur la région.

Pour le régime ultra-chauvin du président azerbaïdjanais Ilham Aliev, les choses sont claires. Il s’agit d’abord d’étrangler ce qui reste de la population arménienne du Karabagh, qui compte officiellement 120 000 habitants, contre 150 000 avant la guerre, en l’isolant toujours plus de son lien avec l’Arménie.

L’ambassadeur en France de l’Azerbaïdjan s’est d’ailleurs exprimé le mois dernier lors d’une série de rencontres visant à promouvoir la politique de son pays, avec une réactivation du groupe d’amitié parlementaire « les Amis de l’Azerbaïdjan », ainsi qu’une exposition de photographies sur le thème, d’un cynisme baroque très suggestif, « Karabagh en temps de paix ». Tout cela s’inscrit dans une plus large offensive en Europe, notamment appuyée sur la Suisse et le Luxembourg.

C’est dans le cadre de cette offensive diplomatique, peu couronnée de succès néanmoins, que l’ambassadeur d’Azerbaïdjan en France, Rahman Mustafayef, a présenté le plan de Bakou concernant les Arméniens du Karabagh : il a été dit que le Karabagh devait devenir une « zone multiethnique » et il a même quantifié les choses : 750 000 azéris d’un côté et 25 000 Arméniens de l’autre.

Mais de toute façon, il est clair qu’il n’y aura ni 120 000, ni 25 000 Arméniens dans le Karabagh azéri. Il n’y en aura tout simplement aucun, car l’objectif poursuivi depuis des décennies par le régime vise à l’anéantissement systématique de tout ce qui peut de près ou de loin évoquer la composante arménienne de l’Azerbaïdjan.

L’épuration ethnique, par l’exode et l’étranglement territorial progressif, qu’espère le régime de Bakou se double d’autre part de la volonté de connecter directement le territoire de l’Azerbaïdjan à celui la de la Turquie. Ce qui passe par la conquête d’une façon ou d’une autre du Siunik.

Sur le papier, cela n’a rien d’impossible. La région ne compte que 150 000 habitants, soit moins de 5% de la population d’Arménie, avec un vieillissement très marqué et une tendance massive à l’exode. Cela est encore plus vrai concernant le sud de la province, autour de la ville de Kapan en particulier, sur laquelle la pression est maximale depuis l’an passé. L’armée azerbaïdjanaise est même parvenue un temps à occuper l’aéroport de cette ville.

Pour l’Azerbaïdjan, le sud de l’Arménie est une cible pour a minima imposer un « corridor » sous son contrôle entre le Nakhitchevan et le reste du territoire azerbaïdjanais, voire même un territoire potentiellement annexable de facto.

L’agression azerbaïdjanaise illustre donc la logique jusqu’auboutiste du régime de Bakou qui entend poursuivre son effort de guerre contre l’Arménie sans relâcher la pression. En cela, il est poussé par la Turquie, dont le ministre de la Défense, Hulusi Akar, ainsi que le ministre des Affaires Étrangères, Mevlut Cavusoglu, ont immédiatement pris nettement position en faveur de l’agression.

Il faut souligner qu’en arrière-plan la Turquie a relancé l’ancien forum de coopération des États turcophones le 12 novembre dernier, en posant un nouveau cadre clairement offensif : une nouvelle charte, un nouveau nom (Organisation des États turcophones), et a tenté de mettre la pression sur les anciennes Républiques soviétiques d’Asie centrale pour qu’elles prennent justement partie dans le conflit au Karabagh et fassent bloc avec l’Azerbaïdjan contre l’Arménie.

Malgré l’agressivité de la Turquie, l’Azerbaïdjan a néanmoins rapidement reculé face aux réactions de la Russie et de l’Iran, dont l’hostilité à son égard ne fait que croître. Aux États-Unis et en Europe les réactions indignées n’ont pas aussi tardé, et la rhétorique ciblant hostilement la Turquie s’est renforcée.

Par exemple, Éric Zemmour n’a pas manqué de s’exprimer par un tweet ouvertement agressif, en prenant partie pour l’Arménie.

D’une manière générale, on a donc une double dynamique du renforcement de la tendance à la guerre en l’espèce : d’une part se dessine des blocs de plus en plus antagonistes, dont la confrontation devient toujours plus ouverte et directe, et d’autre part on a une construction de l’ennemi, les Arméniens d’un côté, la Turquie de l’autre, qui s’envenime.

Les Arméniens, en particulier du Karabagh, mais aussi désormais d’Arménie (notamment du sud du Siunik), sont chaque jour un peu plus menacés dans leur existence. La guerre « hybride » qui vise à les pousser à la fuite, en leur imposant un rapport obsidional (c’est-à-dire une mentalité de quelqu’un vivant dans une cité assiégée) permanent et insupportable, ne va sans doute pas encore tenir bien longtemps avant que des civils ne soient ouvertement et massivement pris comme cibles, d’abord au motif d’objectifs limités, comme le serait par exemple la prise de Kapan en Arménie, puis de manière de plus en plus large et ouverte.

C’est là la logique même de la guerre impérialiste une fois élancée. Le risque pour les Arméniens n’est pas seulement leur écrasement. C’est leur anéantissement qui est en jeu. Il faut le dire clairement.

Et dans ce rapport sinistre, les puissances capitalistes ou semi-capitalistes ne sont bien entendu d’aucun secours. Piégées dans leur propres contradictions et dans leur rhétorique « géopolitique » guerrière, elles n’appuient l’Arménie que pour mieux la précipiter dans le gouffre, ou en faire l’alibi de leur propre mobilisation nationaliste en faveur de la guerre contre la Turquie et son bloc.

Les peuples d’Azerbaïdjan et d’Arménie sont donc dans une poudrière qui emportera l’un et l’autre au bout du compte. La responsabilité de la Gauche est donc ici toujours davantage gigantesque à chaque pas accompli en direction de la guerre, à mesure que la logique des blocs s’affirme et avec elle, l’engrenage meurtrier et la construction déshumanisante de l’ennemi.

L’amitié entre les peuples doit être assumée sous la bannière du drapeau rouge, les va-t-en guerre désarmés et punis.

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La Russie détruit un vieux satellite avec un tir d’essai militaire

La guerre aura aussi lieu dans l’espace.

Le gouvernement Russe a procédé lundi 15 novembre 2021 à un tir antisatellite. Il s’agissait de détruire, comme cible d’un d’essai militaire, un appareil soviétique Kosmos-1408 inactif, en orbite autour de la terre depuis 1982.

Le tir a provoqué une pluie de débris identifiables, répartis en environ 1500 morceaux qui ont contraint, selon la procédure standard, l’équipage de la station spatiale internationale à se réfugier dans les vaisseaux d’évacuation. Ce genre de débris atteignent des vitesses très élevées, risquant de provoquer des dégâts considérables.

Bill Nelson, dirigeant de la NASA, l’agence spatiale américaine qui fonctionne indirectement au service de l’armée américaine, s’est dit « scandalisé » par cette « action irresponsable et déstabilisatrice » mettant « en danger non seulement les astronautes américains et des partenaires internationaux dans l’ISS, mais aussi ses propres cosmonautes ».

En fait, les réactions ont afflué depuis le monde entier face à ce geste militaire assumé, y compris de la part de la France via sa ministre des Armées dénonçant « les saccageurs de l’Espace » ayant « une responsabilité accablante en générant des débris qui polluent et mettent nos astronautes et satellites en danger ».

Toutefois, ces réactions ne sont essentiellement pas d’ordre pacifistes, écologistes et scientifiques, mais surtout d’ordre politico-militaires. Il s’agit de dénoncer une puissance concurrente, dans le cadre de la grande tendance à la guerre pour le repartage du monde. La Russie, certes, a une responsabilité immense en procédant ainsi à une telle démonstration de force ayant une véritable visée stratégique militaire. Elle assume de pouvoir transformer l’espace en un immense champs de bataille en procédant à des tirs antisatellites.

Les détracteurs de la Russie, États-Unis en tête, ne sont toutefois pas en reste, disposant également d’une capacité de destruction antisatellite et ayant déjà procédé à plusieurs tirs d’essais militaires antisatellite (dont le dernier en 2008). Du côté de la France, la capacité de tirs antisatellite est une préoccupation majeur pour la nouvelle armée de l’air et de l’espace, qui assume ses ambitions depuis son officialisation en juillet 2020. L’Armée française a d’ailleurs mis en scène en mars dernier un wargame très sérieux pour simuler une guerre spatiale contre la Russie.

Il s’agit en tous cas pour la Russie avec son tir d’essai militaire de montrer en pratique qu’elle n’a pas peur de frapper, qu’elle a les moyens de le faire facilement et rapidement. Un tel tir est pourtant complexe à mettre en œuvre puisqu’il faut viser un objet en mouvement rapide sur une orbite spatiale. C’est en tous cas un enjeu majeur pour une puissance secondaire telle la Russie, qui a besoin de pouvoir nuire efficacement face à la superpuissance américaine, dont le réseau satellitaire est aussi déterminant stratégiquement que fragile opérationnellement.

La Russie, en tant puissance challenger, et potentielle alliée de la superpuissance émergente chinoise, envoie donc un message très clair au monde quant à sa capacité de tir spatial, quitte à assumer de contribuer dangereusement à la pollution spatiale.

Cette pollution spatiale est un véritable désastre, accentuée bien sûr par ce nouveau tir, mais déjà bien réelle et conséquente depuis des années. Il existe une véritable poubelle en orbite autour de la Terre. La perspective d’une guerre mondiale se déroulant aussi dans l’espace aggraverait considérablement cette pollution, qui pourrait même astreindre l’humanité à rester bloquée sur Terre pendant des années et des années avant de pouvoir nettoyer.

C’est donc vers une véritable catastrophe que notre monde se dirige. Telle est l’actualité à notre époque.

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Le Royaume-Uni et les Etats-Unis préparent l’opinion publique à la guerre contre la Russie

Les préparatifs psychologiques sont incessants.

Il y a eu pour la période du 12 au 14 novembre 1 889 violations du « cessez-le-feu » au Donbass, contre seulement une vingtaine du 14 au 16. Mais le matériel de guerre ukrainien est toujours activement transporté aux frontières, la Suède a décidé d’envoyé des formateurs militaires, et le Royaume-Uni est allé encore plus loin. Non seulement il fera de même, mais sa presse ne cesse de raconter que la Russie va lancer une invasion.

Le chef d’état-major de l’armée britannique, Nick Carter, a également expliqué que le risque de guerre accidentelle avec la Russie était encore plus grand qu’au moment de la guerre froide avec l’URSS! C’est dire comment l’opinion publique britannique est travaillée au corps, alors que le secrétaire d’Etat à la défense britannique Ben Wallace est justement en visite en Ukraine.

Le Royaume-Uni a également officialisé un prêt à l’Ukraine pour qu’elle lui achète des navires de guerre et des missiles (une frégate, deux chasseurs de mines, huit navires avec des missiles). Et le ministre des affaires étrangères ukrainien Dmitry Kuleba a averti ses homologues français et allemand Jean-Yves Le Drian et Heiko Maas qu’il fallait tout de suite organiser le soutien militaire futur à l’Ukraine contre la Russie, car dans le feu de l’action il n’y aura plus le temps.

La Russie n’est pas en reste non plus : elle vient de mettre en place des facilités d’importation et d’exportations de produits en provenance du Donbass séparatiste. C’est une manière d’accentuer l’intégration économique (puisque c’est comme s’il n’y avait plus de frontières) et d’exercer toujours davantage de pression contre l’Ukraine. Et en détruisant un vieux satellite soviétique au moyen d’un missile, la Russie a fait une démonstration de force militariste à ce niveau.

De toutes façons le but de la Russie est de désagréger l’Etat ukrainien, que ce soit au moyen de pressions militaires et économiques, d’une intense propagande, ou bien la guerre. Il faut dire que pressée par la crise, la Russie est dans un expansionnisme débridé et qu’elle entrevoit une possibilité de conquête. L’Etat ukrainien est totalement corrompu, le niveau de vie le plus bas d’Europe, les lois ne sont pas appliquées à quiconque à des moyens financiers un tant soit peu important, l’extrême-Droite est hyperactive alors qu’une partie de la population ne respecte de toutes façons pas le régime en raison de ses attachements culturels à la Russie.

Inversement, le Royaume-Uni et les Etats-Unis veulent affronter la Chine et s’il y a moyen pour eux d’affaiblir son allié russe en utilisant l’Ukraine comme chair à canon… Il y a donc tous les ingrédients pour la guerre. Ce n’est pas par choix ou calcul, c’est une tendance générale, et cette tendance contient également du choix et du calcul. Et le peuples sont passifs, soit parce qu’ils n’ont pas compris qu’il y aurait la guerre… Soit parce qu’ils l’ont déjà intégré en leur for intérieur. Il y a ici une véritable cassure entre l’ouest et l’est de l’Europe.

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L’Ukraine au bord du gouffre

L’escalade régionale amène une situation intenable.

Cela fait quelques jours que les Etats-Unis déversent l’information qu’il existe un mouvement de troupes russes en direction de l’Ukraine. Cette dernière prétend de son côté qu’il n’y a pas de mouvement de troupes et que c’est une intox russe. Les Etats-Unis ont pourtant maintenu le cap et intensifient de manière très forte leur accusation, parlant désormais d’invasion russe comme réelle menace, comme pour préparer l’opinion publique, alors que l’Ukraine amène elle-même depuis plusieurs jours des composantes armées près des pseudos « républiques populaires » du Donbass, dont de l’artillerie lourde.

Qui plus est, il y a quelques jours, Dmytro Iaroch a été nommé nommé conseiller du commandant en chef de l’armée ukrainienne. On parle ici du chef historique du « Secteur Droit », l’une des principales organisations fascistes ukrainiennes. Le drapeau du « Secteur Droit » flotte d’ailleurs sur le barrage devant le village de Staromarievka repris il y a quelques jours aux « républiques populaires » séparatistes. Ce sont les couleurs historiques des fascistes pro-nazis durant la seconde guerre mondiale.

On notera d’ailleurs qu’il existe une véritable organisée des fascistes ukrainiens de se massifier dans les académies militaires. Et sur les réseaux sociaux, Dmytro Iaroch a posté le message suivant à ses partisans nationalistes le 10 novembre 2021, notamment les « volontaires nationaux » dont il a été le responsable officiel dans l’armée :

« Il est possible que dans un avenir proche, votre expérience et votre potentiel militaire, de combat, organisationnel et humain, votre forte motivation et votre position d’État soient à nouveau nécessaires à l’Ukraine »

De la même manière, en Pologne l’opinion publique est chauffée à blanc contre la menace d’invasion russe et biélorusse. Il a même été annoncé que le nombre de soldats de l’armée polonaise devait bientôt pas moins que doubler! C’est dire le militarisme en cours. L’armée polonaise doit passer à 250 000 hommes (au lieu de 110 000), comme l’a annoncé le premier ministre Jaroslaw Kaczynski parlant des vélléités « impériales » russes.

Le 11 novembre était d’ailleurs le jour de l’indépendance polonaise, avec par conséquent traditionnellement des fortes mobilisations nationalistes, notamment de l’extrême-Droite, et également une allocution télévisée très offensive du président Andrzej Duda. Car il y a bien entendu la problématique migratoire actuelle, la Biélorussie ayant littéralement importé et laissé passé de nombreux migrants qui s’amassent dans des conditions sordides à la frontière polonaise, avec des interventions en série des militaires, garde-frontières et policiers polonais pour les bloquer.

C’est un drame humain qui se joue, avec des migrants encore une fois utilisés comme outil de déstabilisation. L’Ukraine envoie d’ailleurs de son côté 8 500 soldats à sa frontière avec la Biélorussie, alors que cette dernière a annoncé que ses frontières étaient désormais surveillées par son aviation et celle de la Russie. Le président biélorusse Alexandre Loukashenko a menacé également de fermer le gazoduc Yamal-Europe, qui alimente depuis la Russie à la fois la Pologne et l’Allemagne, alors qu’ont été immédiatement stoppées les négociations pour que l’Ukraine importe du charbon biélorusse après que la Russie ait il y a quelques jours cessé les siennes. L’Ukraine a demandé à la Slovaquie de l’aider pour l’électricité et espère une aide américaine.

Le chef de la « république populaire » de Donetzk, Denis Pouchiline, a de son côté affirmé le 11 novembre que :

« Nous devons nous préparer, nous préparer et nous préparer à la détérioration de la situation en première ligne. »

Il a également annoncé le même jour l’intégration de la « doctrine russe » dans la constitution : le Donbass serait russe, la langue doit être le russe, l’Eglise orthodoxe est un pilier national russe, etc. C’est là conforme aux volontés russes d’annexion de ce territoire ukrainien.

La Russie a par ailleurs dénoncé la présence de navires de guerre de l’OTAN en mer Noire, alors qu’il y a le 12 novembre 2021 une réunion des dirigeants des ministères des Affaires étrangères et de la Défense de la France et de la Russie à Paris en marge d’une conférence internationale sur la Libye.

Tout cela est catastrophique, comme expliqué depuis le départ avec les articles sur le conflit Russie-Ukraine. On est dans un contexte de crise et on marche littéralement à la guerre, à grande vitesse. La bataille pour le repartage du monde a déjà commencé et l’engrenage littéralement impérialiste accélère son rythme.

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Vers l’affrontement Maroc – Algérie

La crise force les deux régimes à se combattre.

Il y a eu ces derniers mois une énorme tension entre l’Algérie et le Maroc, au point que les relations diplomatiques ont été rompues. La chronologie de l’escalade de juillet à octobre 2021 fait froid dans le dos.

Et désormais, on a le prétexte de la guerre, puisque le Maroc a pris une initiative meurtrière et, on s’en doute, indirecte. Ont été en effet visés deux camions algériens en Mauritanie non loin de la zone contrôlée par le Front Polisario au Sahara Occidental. Ce Front a lutté depuis 1973 contre l’Espagne, puis à partir de 1976 contre le Maroc, ce dernier occupant 80% du pays.

Le Maroc compte annexer la zone et vient récemment de se voir reconnu ce territoire par la superpuissance américaine en échange de la reconnaissance de l’Etat israélien. L’Algérie refuse depuis cinquante ans l’initiative marocaine, soutenant le Front polisario.

C’est la raison pour laquelle le Maroc a visé le 1er novembre 2021 les deux camions, considérés comme liés au Front. Trois algériens ont été tués dans une opération menée de manière névralgique, au moyen de drones. Officiellement, l’Algérie n’est donc pas concernée directement à part pour ses ressortissants, mais l’arrière-plan est très clair.

L’agence officielle de presse algérienne APS a affirmé que « leur assassinat ne restera pas impuni », car c’est « nouvelle manifestation d’agressivité brutale qui est caractéristique d’une politique connue d’expansion territoriale et de terreur » de la part du Maroc. Le communiqué de l’agence de presse se termine même par des propos ouvertement militaristes et fanatiques :

« Les trois victimes innocentes de cet acte de terrorisme d’Etat rejoignent, en ce glorieux jour du 1er Novembre, les Martyrs de la Libération nationale. »

Les médias algériens ont annoncé que la réponse serait cruelle, les sondages algériens – plus ou moins bidons bien sûr – donnent 79% en faveur d’une réponse militaire.

Le parlement algérien a tout de suite appuyé les initiatives du président algérien et ce quelles qu’elles soient (il faut l’accord du parlement algérien pour une opération extérieure) :  il « adhère à toute entreprise qui sera menée par le président de le république pour défendre notre patrie et châtier l’état terroriste qui n’a pas hésité à tuer les innocents pour servir ses ambitions de domination et d’expansion ».

Le ministre des affaires étrangères Ramtane Lamamra a parlé d’un acte de « terrorisme d’Etat », en appelant à l’ONU et l’Union africaine, ainsi que la Ligue des Etats arabes et l’Organisation de la coopération islamique.

L’ambiance est électrique et les propos de Kader Abderrahim, professeur à Sciences-Po Paris à TV5 monde en témoignent:

« J’ai toujours pensé qu’il n’y aurait pas de conflit ouvert entre le Maroc et l’Algérie. Je suis plus mesuré aujourd’hui. Tous les indicateurs sont au rouge. Nous ne sommes pas à l’abri d’un dérapage qui pourrait enflammer la région. »

On a même un ancien officier de l’armée de l’air d’Algérie, Mokhtar Mediouni, qui a appelé le Front Polisario a semer « le désordre et la terreur dans la société marocaine ». C’est symptomatique de comment les va-t-en-guerre des deux pays considèrent que la stabilité du leur passe par la déstabilisation de l’autre.

Il faut bien comprendre que les deux régimes sont KO. Le Maroc voit ses richesses pomper par une sorte de bourgeoisie bureaucratique enchevêtrée à la monarchie et liée notamment à la France, espérant s’en tirer par une sorte de modernisation libérale et une pression politique incessante. L’Algérie est une dictature militaire depuis une indépendance directement confisquée par les colonels et après avoir profité des ressources naturelles, l’économie est à bout de souffle.

Il est d’ailleurs étonnant que Révolution Permanente, au sujet de ce conflit, n’imagine pas vraiment comme possible la guerre et présente l’Algérie comme anti-coloniale. Plus personne ne peut croire une telle fiction.

D’ailleurs, l’Algérie et le Maroc représentent 61% des importations d’armes en Afrique. Ces Etats corrompus, exerçant une odieuse dictature sur leurs peuples, sont en crise, ils agonisent. Ils sont en passe d’être emportés par l’Histoire et ils cherchent à s’en sortir par le nationalisme et la guerre.

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Chronologie des tensions Algérie Maroc de juillet à octobre 2021

L’escalade actuelle a une base solide.

La présente chronologie déborde du cadre direct Algérie-Maroc, mais on y trouve les éléments pour comprendre la crise actuelle. Elle est tirée de la revue pdf Crise (Analyse de la seconde crise générale du mode de production capitaliste) n°16.

13-14 juillet 2021 : rencontre virtuelle du Mouvement des non-alignés en Azerbaïdjan, où le ministre algérien des affaires étrangères Ramtane Lamamra souligne la nécessaire indépendance du Sahara Occidental occupé par le Maroc et le délégué permanent du Maroc auprès des Nations Unies Omar Hellal a appelé à « l’indépendance du peuple kabyle » en Algérie.

18 juillet 2021 : l’Algérie rappelle son ambassadeur au Maroc.

25 juillet : le président tunisien Kaïs Saïed limoge le gouvernement, gèle le parlement, suspend l’immunité des députés et prend les pleins pouvoirs.

18 août 2021 : l’Algérie décide de réviser ses relations avec le Maroc.

24 août 2021 : l’Algérie rompt les relations diplomatiques avec le Maroc en accusant celui-ci d’être à l’origine d’incendies meurtriers en Kabylie en liaison avec des mouvements séparatistes.

14 août 2021 : visite du ministre algérien des affaires étrangères, Ramtane Lamamra, à son homologue turc Mevlut Cavusoglu ; il est parlé de feuille de route et de convergence concernant les questions de la Libye, de la Tunisie et de l’Afrique en général.

9 septembre 2021 : le ministre algérien des affaires étrangères Ramtane Lamamra explique lors d’un Conseil de la Ligue arabe qu’ « une analyse de la situation nous fait comprendre que certains cherchent à s’attribuer des rôles influents dans la structure de l’ordre régional et international en établissant des alliances dangereuses dans l’unique but de réaliser des acquis immédiats au détriment des nobles objectifs du système de l’action arabe commune ».

Il y a « des parties [qui] recourent à l’aide et la puissance d’un ennemi historique pour attenter aux frères et s’attaquer directement aux voisins ». L’Agence de presse algérienne APS explique que ces propos font « allusion aux actes perpétrés par le Maroc qui s’allie avec l’entité sioniste pour entamer les intérêts de l’Algérie ».

Ramtane Lamamra s’est rendu dans les jours suivant à Niamey au Niger, Nouakchott en Mauritanie, Le Caire en Égypte, Kinshasa en République démocratique du Congo (qui préside actuellement l’Union africaine, Brazzaville au Congo-Brazzaville (qui préside le Haut comité africain de suivi du dossier libyen).

12 septembre 2021 : début en Azerbaïdjan des manœuvres militaires « Trois frères » avec des forces armées de la Turquie, de l’Azerbaïdjan et du Pakistan.

22 septembre 2021 : l’Algérie n’autorise plus les avions civils et militaires marocains à la survoler, alors qu’elle ne renouvelle pas le contrat d’acheminement de gaz algérien jusqu’à l’Espagne via le gazoduc Maghreb Europe passant par le territoire marocain.

25 septembre 2021 : à l’assemblée des Nations-Unies le Premier ministre malien Choguel Kokalla Maïga explique que « La nouvelle situation née de la fin de Barkhane, plaçant le Mali devant le fait accompli et l’exposant à une espèce d’abandon en plein vol, nous conduit à explorer les voies et moyens pour mieux assurer la sécurité de manière autonome avec d’autres partenaires ».

Le ministre russe des affaires étrangères Sergueï Lavrov a confirmé que le Mali avait pris contact avec des sociétés privées russes (servant de forces militaires, par ailleurs présentes au Syrie, au Soudan, en Libye, en République centrafricaine et au Mozambique, en Guinée et au Tchad).

28 septembre 2021 : la France annonce la réduction drastique de visas pour les ressortissants du Maroc, de l’Algérie et la Tunisie, au motif que ces pays ne reprennent pas leurs ressortissants expulsés. Conférence de presse du président français Emmanuel Macron et du premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis annonçant un partenariat stratégique.

29 septembre 2021 : l’ambassadeur français à Alger est convoqué et se voit notifier une protestation du gouvernement algérien.

1er octobre 2021 : l’Iran, qui accuse l’Azerbaïdjan de collusion avec Israël, mène de vastes manœuvres militaires à la frontière avec l’Azerbaïdjan, nommées Fatehan-e Khaybar (les conquérants de Khaybar, du nom du village d’une tribu juive conquise par Mahomet).

2 octobre 2021 : Le Monde relate des propos du président français Emmanuel Macron lors d’une rencontre deux jours plus tôt avec des petits-enfants de familles liées à la guerre d’Algérie : il parle d’une haine de la France de la part « du système politico-militaire qui s’est construit sur cette rente mémorielle ». Il dit également que le « système algérien est fatigué, le [mouvement de contestation lancée en 2019 et nommé] Hirak l’a fragilisé ».

Enfin, il dénonce la Turquie : « La construction de l’Algérie comme Nation est un phénomène à regarder. Est-ce qu’il y avait une nation algérienne avant la colonisation française ? Ça, c’est la question. Il y avait de précédentes colonisations. Moi, je suis fasciné de voir la capacité qu’a la Turquie à faire totalement oublier le rôle qu’elle a joué en Algérie et la domination qu’elle a exercée. Et d’expliquer qu’on est les seuls colonisateurs, c’est génial. Les Algériens y croient ».

Le jour même, l’Algérie rappelle son ambassadeur à Paris et ferme son espace aérien aux avions militaires français.

3 octobre 2021 : l’ambassadeur français à Alger est convoqué et se voit notifier une protestation du gouvernement algérien. 80 militaires de l’armée algérienne participent à des manœuvres avec la Russie en Ossétie du Nord. La Russie est le premier fournisseur de l’armée algérienne et sa part a augmenté de 64% entre 2016 et 2020.

4 octobre 2021 : Omer Celik, porte-parole du Parti de la Justice et du Développement du président turc Recep Tayyip Erdoğan, dénonce Emmanuel Macron : « si vous deviez faire une déclaration sur un pays en particulier, pourquoi mariez-vous le nom de la Turquie, de notre président et de l’Empire ottoman dans cette affaire ? »

6 octobre 2021 : en visite à Bamako une seconde fois depuis le 28 août pour rencontrer le colonel putschiste pro-russe Asimi Goïta, le ministre algérien des affaires étrangères Ramtane Lamamra déclare que « le président de la République Abdelmajid Tebboune m’a dépêché auprès du Président de la transition et auprès du Premier ministre pour témoigner la solidarité agissante de l’Algérie au peuple, au gouvernement malien, en cette période de l’histoire contemporaine de votre nation avec laquelle nous
avons un destin commun ».

7 octobre 2021 : le ministre algérien des affaires étrangères Ramtane Lamamra explique à l’agence de presse turque Anadolu, en marge du sommet Italie-Afrique, qu’il était nécessaire de dénoncer « très fortement » et « très fermement » la position française, et que « quelle que soit la crise que traversent les relations algéro-françaises, elle n’aura pas d’impact sur les relations de l’Algérie avec des pays frères comme la Turquie ». Il a souligné que la Turquie était un « acteur international très important ».

[Le 10 octobre 2021 le président algérien Abdelmajid Tebboune menace le Maroc d’une « guerre sans fin » dans une interview télévisée.

En novembre, l’Algérie a annoncé que le groupe public Sonatrach ne reconduirait pas le contrat du gazoduc passant par le Maroc et alimentant l’Espagne en gaz.]

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Pêche: l’agressivité française envers le Royaume-Uni

On se croirait en 1914, avec des antagonismes de plus en plus violents et récurrents.

Le gouvernement français a pris des décisions très radicales à l’encontre du Royaume-Uni pour protester sur la question de la pêche dans les eaux anglo-normandes. Une liste de mesures de « rétorsion » a ainsi été annoncée mercredi 28 octobre 2021 dans un communiqué conjoint du ministère français de la Mer et du secrétariat aux Affaires européennes.

Il y est question d’interdire, à partir du 2 novembre, aux navires de pêche britanniques de débarquer dans leurs ports habituels en France. Cette mesure de blocus est un véritable acte de guerre commerciale, typique des relations franco-anglaise depuis des siècles. Il s’agit d’une décision très agressive de la part de la France, qui entend faire plier de force le gouvernement britannique en menaçant son économie.

Cela est d’autant plus agressif que les ministères en question ont annoncé d’autres actions, dans un communiqué hallucinant de par le ton provocateur employé :

C’est un véritable chantage, avec une opération assumée de harcèlement des opérateurs économiques britanniques sur le territoire national et des transporteurs à destination du Royaume-Uni, avec même la menace de couper le courant (les îles anglo-normandes dépendent d’un câble sous-marin les reliant à la France pour la fourniture énergétique). C’est un chantage typique d’une escalade guerrière, du même genre (à une moindre échelle) que ce qui existe en mer de Chine, ou (de manière assez équivalente) les tensions concernant les îles grecques au large de la Turquie.

On notera d’ailleurs que ce chantage français est illégal : l’accord européen concernant le Brexit prévoit un protocole très précis pour ce genre de désaccord, mais n’autorise certainement pas une telle salve de mesures unilatérales.

Les propos tenus par la France sont en tout cas sans équivoque. La secrétaire d’État français aux Affaires européennes, Clément Beaune a dit la chose suivante (et il faut vraiment souligner le caractère belliqueux d’une telle déclaration) :

« Maintenant, il faut parler le langage de la force parce que je crains que, malheureusement, ce gouvernement britannique ne comprenne que cela. »

Cela alors que le gouvernement français s’est vanté dans la journée via un communiqué officiel, largement relayé par la presse, d’avoir forcé le contrôle d’un premier navire britannique, puis ensuite d’avoir dérouté et saisi un chalutier britannique qui n’était pas en règle. Il s’agit d’une simple opération de police maritime, tout à fait anecdotique en pratique. Mais c’est prétexte à faire monter la tension.

La question elle-même de la pêche dans les eaux anglo-normande n’est de toutes façons également qu’un prétexte, d’ailleurs. Cela ne concerne que quelques dizaines de petits bateaux, à l’activité quasi-artisanale.

L’accord du Brexit prévoit une licence pour pêcher dans les eaux territoriales britanniques, avec la fourniture de la preuve que l’activité était déjà exercée à cet endroit depuis des années. C’est le principe du Brexit, de la sortie du marché commun européen : le Royaume-Uni a choisi la voie du nationalisme et entend logiquement avoir la main sur ses eaux territoriales.

En pratique, une grande partie des chalutiers français concernés ont ainsi déjà obtenu leur licence, et pour les autres, les autorités britanniques accusent la France de retenir volontairement les documents demandés, justement pour faire monter la pression.

La France par contre entend en quelque sorte faire « payer » le Royaume-Uni, en mettant la pression sur la question des eaux territoriales anglo-normandes, qui sont plus proches de la France que de l’Angleterre.

Ce qui est certain en tous cas, c’est qu’il y a une opération délibéré en France d’escalade sur la question, comme avec ces propos du porte-parole du gouvernement français :

« Ce que nous constatons aujourd’hui, c’est qu’il manque quasiment 50% des licences auxquelles nous avons droit. C’est une situation qui n’est pas acceptable et je le dis clairement, notre patience atteint ses limites. »

Un tel chiffre de 50 % est invraisemblable, il ne correspond même pas à la situation décrite par la France il y a près d’un mois de cela, alors que de nouvelles licences ont été accordées depuis. L’agressivité française à l’encontre du Royaume-Uni est ici très claire et a comme sens d’aller au conflit.

Cela doit être dénoncé avec la plus grande vigueur par la Gauche française. Le silence à ce sujet serait criminel : l’escalade guerrière est chaque jours plus évidente, la grande bataille pour le repartage du monde est chaque jour plus facile à voir, à sentir, à redouter.

La France n’est pas en reste, d’autant plus qu’il s’agit d’une puissance secondaire dans le monde, mais s’imaginant encore bien plus grande qu’elle ne l’est. C’est typiquement ce genre de pays qui permet le déclenchement des guerres, à force d’agressivité, à force d’actes d’hostilités, qui sont pour eux le seul moyen d’exister.

La ministre de la Mer, Annick Girardin, a beau se défendre en disant « ce n’est pas la guerre, c’est un combat ». En pratique, le mot guerre est prononcé, et c’est bien d’une escalade de type militariste dont il s’agit.

Bien entendu, il ne s’agit pas de prétendre que la question se pose, directement et immédiatement en 2021, d’une guerre entre la France et le Royaume-Uni. Mais il se dessine par contre, de manière concrète et actuelle, une tendance générale à la guerre, dont la France est largement partie prenante. Cet épisode anti-britannique en est une manifestation très claire, reflet d’une guerre larvée, prélude au conflit armé.

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Guerre

Donbass : offensive ukrainienne avec pour la première fois l’emploi d’un drone

La déstabilisation est massive.

C’est la première fois qu’en Europe un drone est employé dans un conflit armé. Le grand précédent a eu lieu dans le Caucase, dans le cadre de la guerre indirecte entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie en 2020, avec la seconde guerre du Haut-Karabagh entre l’Azerbaïdjan et l’Artsakh, la rébublique séparatiste arménienne. Les drones ont été décisifs pour la victoire de l’Azerbaïdjan. Par la suite ils ont été employés en Afrique du Nord, en Libye, pareillement de manière décisive pour les forces pro-turques.

Dans le cas du Donbass, il faut penser que la ligne de front ressemble à un mélange de la zone interdite autour de Tchernobyl et les tranchées de la guerre de 1914-1918. Il y a un statu quo marqué par des tirs de snipers, des tirs d’artillerie, le déploiement de mines et des opérations de déminages, le tout dans un décor plus ou moins post-apocalyptique.

L’affrontement est limité par ce qu’on appelle le protocole de Minsk du 19 septembre 2014, d’ailleurs renforcé en juillet 2020. L’emploi de certaines armes est interdit et elles sont censées se trouver à au moins 30 kilomètres. Ce n’est évidemment pas vraiment respecté. L’Ukraine a cependant franchi un cap en employant le 26 octobre 2021 un drone d’un haut niveau de technicité, un Bayraktar TB2 acheté à la Turquie, afin de bombarder un parc de chars, un obusier et un dépôt pétrolier.

L’utilisation du drone a été confirmée par le chef d’état-major de l’armée ukrainienne, Valery Zalujny, alors que le facebook de l’armée ukrainienne a même publié une vidéo de l’opération. Il n’est parlé que de l’opération contre des obusiers, à la suite de bombardements (où un soldat ukrainien a été tué et un autre blessé), le drone n’ayant officiellement « pas franchi la ligne de contact ».

La nuit précédente avait également eu lieu une démonstration de force avec des tirs de mortiers, d’artillerie, de lance-grenades sur toute la ligne de front. Il y a même eu une offensive dans la « zone grise » entre l’Ukraine et les « républiques populaires » du Donbass, l’Ukraine récupérant le village de Staromaryevka. L’OSCE qui surveille le « cessez-le-feu » depuis des années parle de 205 violations en 24 heures.

C’est là ainsi une offensive ukrainienne, avec un processus d’escalade. Pour donner l’ambiance en Ukraine, on peut penser aux propos d’Alexeï Arestovitch, représentant ukrainien au sein du groupe trilatéral sur le Donbass, expliquant que son pays travaillait à des missiles pour être en mesure d’atteindre Moscou, ou bien le décapitation d’une statut de soldat soviétique à Lviv, une ville à l’ouest du pays qui relève du bastion nationaliste ukrainien.

Il y a également, voire surtout, l’annonce prochaine de l’établissement d’une commission dédiée partenariat stratégique américano-ukrainien. C’est le ministre des affaires étrangères Dmytro Kuleba qui l’a annoncé le 27 octobre 2021, le lendemain de l’emploi du drone. Le nationalisme ukrainien et la superpuissance américaine cherchent l’escalade.

La Russie a de son côté dénoncé une violation de l’accord de Minsk, épaulée par l’Allemagne qui a fait la même accusation. C’est que la mise en place du gazoduc germano-russe Nord-Stream 2 doit bientôt entrer en fonctionnement et il s’agit de tout faire pour qu’il n’y ait pas d’obstacle à ce niveau.

C’est tout à fait une situation comme avant 1914, avec un jeu des puissances et des nationalismes, du militarisme et des vélléités impérialistes.

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Guerre Politique

L’appel ouvertement militariste et anti-américain d’Eric Zemmour

Les dés sont jetés.

C’était une grande question encore en suspens. Eric Zemmour n’avait pas encore pris position au niveau « géopolitique », se contentant de se positionner en « conservateur révolutionnaire ». Allait-il franchir le pas et assumer la ligne anti-américaine caractéristique des velléités expansionnistes à la française? On pouvait en douter, car il provient de la Droite du 16e arrondissement parisien, qui est traditionnellement totalement pro-américaine, par fascination pour le capitalisme triomphant.

Son parcours le poussait normalement à assumer la ligne du RPR, pro-américain mais gaulliste à la base. Cependant, la crise est passée par là et Eric Zemmour assume un néo-gaullisme forcené. Ce qui prouve deux choses :

– qu’il est poussé par toute une tendance historique;

– que cette tendance se cristallise déjà politiquement pour qu’il puisse tenir des propos militaristes et expansionnistes.

En clair, il y a une véritable opération de la haute bourgeoisie et elle a réussi. Jusqu’à quel point, cela reste à voir, mais en tout cas, en se positionnant de ce fait ouvertement en militariste acharné, il remplace Marine Le Pen à la tête de l’option nationaliste.

Car ce qu’il a dit à Rouen, lors d’un meeting le 22 octobre, est édifiant. Il faut que la France dispose de deux nouvelles frégates et deux nouveaux porte-avions. Pourquoi cela? Parce que:

« Soyons honnêtes : si la France est encore écoutée en Europe et dans le monde, elle le doit à son armée et à sa force de frappe nucléaire. Il n’y a pas de politique étrangère forte sans des armées fortes.

C’est l’assurance de pouvoir frapper n’importe qui, n’importe où, n’importe quand. Peu de pays ont cette capacité. Elle est à portée de main pour la France, arrêtons de tergiverser, saisissons-la! »

Ce timing militariste est évidemment parfaitement calculé, puisque le même jour Valeurs actuelles publiait une tribune signée « Les Militaires avec Zemmour ». De la même manière, Eric Zemmour a dénoncé le tandem franco-allemand de l’Union Européenne et c’est exactement ce qu’a fait Marion Maréchal dans une interview au média américain de type conservateur révolutionnaire IM-1776, publié le 23 octobre.

C’est là une véritable offensive politique et les propos suivants tenus par Eric Zemmour le 22 octobre en définissent bien la nature:

« Rassurez-vous : La France peut rester une grande puissance, à condition qu’elle aussi s’en donne les moyens économiques, diplomatiques et stratégiques. »

« Pour commencer, il faut sortir de cette chimère de la « diplomatie européenne ». Arrêtons d’adapter notre politique étrangère aux pudeurs de Bruxelles et aux intérêts de Berlin. »

« En vérité, Emmanuel Macron veut nous confiner dans une Europe trop petite pour la France. »

« Notre allié américain met nos dirigeants sur écoute et laisse la Turquie nous menacer. Ce même allié américain nous empêche d’établir une relation saine avec la Russie et nous fait perdre des milliards d’euros du contrat des sous-marins australiens. »

« Une grande partie du destin du monde se jouera dans la zone Asie-Pacifique, où la France joue déjà un rôle stratégique grâce à notre espace maritime, grâce à la Polynésie, mais aussi grâce à la Nouvelle-Calédonie, qui doit absolument rester française ! »

Abandon du tandem franco-allemand, la superpuissance américaine considérée comme hégémonique au point d’être néfaste, reprise du lien stratégique objectif « traditionnel » de la France avec la Russie, affirmation de l’expansionnisme impérialiste français au moyen du militarisme. C’est on ne peut plus clair.

Cela a été la ligne de Marine Le Pen, mais sans la cristallisation de la crise et pour cette raison avec une dynamique toujours plus sociale-populiste. C’est du passé et on a désormais une ligne fasciste se développant, portée par la haute bourgeoisie appelant à une grande « reprise en main ».

Quel dommage que cette mise en place se soit déroulée si facilement pour elle. Elle a réussi un grand coup, il faut en avoir conscience. Et cela passe aussi par une compréhension réelle du fascisme et par conséquent un rejet catégorique des courants liés au trotskisme pour qui le fascisme serait un « césarisme » avec un dictateur apparaissant pour « dépasser » les contradictions d’une société bloquée.

Le fascisme, c’est la militarisation et la guerre. Ce n’est pas une militarisation facultative, une guerre hypothétique. C’est une marche inexorable. Seul le socialisme peut s’y opposer, s’y confronter, briser ce processus en le renversant.

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Guerre

Graves incidents militaristes en Méditerranée et dans le Pacifique

Les puissances se testent, s’éprouvent, avant le choc.

Ces derniers jours, une grande vague de tension s’est développée tant en mer Méditerranée que dans le Pacifique. La Grèce accuse la Turquie de coups de pression contre plusieurs de ses îles, les eaux territoriales, ainsi que Chypre. Le ministre grec des affaires étrangères Nikos Dendias n’a pas hésité à affirmer que:

« Notre souveraineté dans la Méditerranée orientale est menacée. La situation peut se transformer en guerre à tout moment. »

Ces propos ont tenus le 14 octobre, jour d’un accord signé par Nikos Dendias avec le responsable des affaires étrangères des Etats-Unis, Antony Blinken, pour un accord de coopération de défense prolongé de cinq ans, qui était auparavant signé chaque année depuis 1990.

C’est une manière pour les Etats-Unis de temporiser l’accord stratégique récent France-Grèce, en se proposant comme grand frère régional notamment par l’intermédiaire de l’OTAN. D’ailleurs, l’accord implique une négociation pour l’implantation d’une base navale américaine pour une longue durée.

Les Etats-Unis ont parallèlement à cette intervention dans la zone Méditerranée mené un coup de semonce important dans la zone Pacifique. Le 15 octobre l’USS Chafee, un destroyer (en français une variante de frégate), a tenté en mer du Japon, à l’Ouest du Pacifique, de pénétrer dans les eaux maritimes russes alors que des exercices militaires russo-chinois devaient s’y tenir quelques heures plus tard.

La frégate russe Amiral Vladimir Tribouts est intervenue pour lui barrer la route et le navire américain n’a changé de direction que lorsque il n’y avait plus que soixante mètres de distance entre les deux.

L’attaché militaire américain a été convoqué par le ministre russe des affaires étrangères.

En réponse, ou pas, la Russie a annoncé le 18 octobre que le premier novembre il n’y aurait plus de bureau russe auprès de l’OTAN, ni de bureau de l’OTAN auprès de la Russie. Il y a quelques semaines, huit responsables russes à Bruxelles auprès de l’OTAN s’en était fait expulser pour espionnage.

La superpuissance américaine témoigne ici de son esprit d’initiative, alors que le secrétaire à la défense américain Lloyd Austin s’est rendu en Géorgie signer un accord stratégique. C’est bien la démonstration que, contrairement à ce que laisse penser l’apparente sortie chaotique en Afghanistan, la superpuissance américaine a toute une stratégie globale et qu’elle agit conformément à cette stratégie dans chaque partie du monde.

L’objectif est d’encercler le challenger chinois et il est évident que l’espoir américain est que la Chine s’empêtre en Afghanistan. Et dans cet encerclement, il y a deux pays qui doivent tomber : l’Iran et la Russie. Comme en ce moment l’économie iranienne s’effondre – les travailleurs viennent de perdre 32% de pouvoir d’achat – et que la Russie connaît une terrible vague prolongée de covid-19, la superpuissance américaine exerce toujours davantage de pression.

Il faut ajouter que l’économie chinoise ralentit elle-même, ayant connu de grandes pénuries d’énergie cet été et en connaissant encore. La superpuissance américaine est ainsi en ce moment le facteur principal de la tendance à la guerre. Elle pousse à ce que l’ensemble vacille et le premier pays qui tombe se fait dépecer avec son aval du moment que la réorganisation qui en ressort rentre dans le cadre de l’encerclement de la Chine.

Plus que jamais, l’affrontement sino-américain prend tout son sens dans le cours dramatique de l’Histoire.

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Guerre

Le général Burkhard fait assumer à la France la « guerre hybride »

Le saut qualitatif est désormais ouvertement assumé.

Le général Burkhard, chef d’état-major des armées depuis moins de cent jours, a exprimé lors d’un point presse la nouvelle stratégie française, qui est d’assumer la guerre « moderne » aujourd’hui qualifié d’hybride pour dire qu’en fait, tout comme juste avant 1914, elle concerne tous les domaines.

Le point presse avait comme prétexte l’audition du général le 6 octobre 2021 par la commission de la défense de l’Assemblée nationale dans le cadre du projet de loi de finances 2022. Naturellement, tout ce qu’a dit le général est passé par le filtre d’une presse totalement acquise aux intérêts agressifs de la France et qui, par conséquent, présentent les choses de manière lisse.

Citons ici Le Figaro :

« Le cycle «paix-crise-guerre» n’est plus opérant, expliquait le général la semaine dernière en recevant quelques journalistes. 

«Il n’y a plus de phases de paix, mais des phases de compétition», auxquelles succèdent des moments «de contestation», caractérisés par la politique du fait accompli.

Il s’agit de «la guerre juste avant la guerre», comme l’annexion de la Crimée par la Russie. Parfois, la contestation peut dériver en «affrontement» militaire qui peut aussi opposer des puissances majeures, complétait Thierry Burkhard.

Mais la plupart du temps, tout se jouera avant. «De grands compétiteurs cherchent à imposer leur volonté durant les phases de compétition», poursuivait-il, en pensant au minimum à la Russie ou à la Chine.

Celles-ci se déroulent sur tous les terrains possibles : militaire, diplomatique, informationnel, spatial, économique, juridique… Les domaines de lutte semblent voués à s’étendre indéfiniment. »

Citons ici Le Monde :

« Alors que la course aux armements ne cesse de s’exacerber partout dans le monde et que les conflits hybrides se multiplient, la formule du nouveau CEMA reflète la volonté d’avancer sur des domaines jusque-là assez marginaux ou peu assumés au sein des armées : notamment l’influence et la lutte informationnelle (lutte informatique d’influence, ou LII).

Des champs d’action sur lesquels la Russie, la Turquie ou encore la Chine sont depuis longtemps positionnées, mais où le général Burkhard souhaite désormais engager la France de façon plus décomplexée, tout en défendant son statut de « puissance d’équilibre ».« 

C’est tout à fait en phase avec les multiples productions visant nommément la Chine et la Turquie ces tous derniers temps (comme le rapport de Sénat sur l’université, l’étude militaire française de 600 pages qui appelle à renverser le gouvernement chinois). C’est la grande hypocrisie : comme la France serait en retard dans la compétition, il faut d’autant plus aller de l’avant. Ce faisant, le fait qu’il y ait une compétition est acceptée.

C’est exactement la même démarche en 1914 : la France ne serait pas belliciste, ce serait uniquement les empires, seulement allemand et austro-hongrois bien sûr car l’empire russe était alors un allié. Et là cela recommence avec le même discours : on ne veut pas, mais on est obligé, on ne peut pas faire autrement, etc.

Et le général Burkhard est ici très clair, puisqu’il assume de parler de conflit de « haute intensité » et parle ouvertement de recruter largement pour l’armée dans dix ou vingt ans. Pour faire une guerre en effet, il faut des soldats et ce n’est pas avec la jeunesse française du début du 21e siècle que c’est possible… Il faudra donc brutaliser la société, la militariser, pour disposer de troupes fraîches.

D’où le terme de hybride, qui veut tout et rien dire, permettant de dire que la guerre est partout et qu’il faut donc militariser.

La France assume, en cette rentrée 2021, comme avec l’alliance avec la Grèce venant d’être signé, de rentrer entièrement sur la grande scène de la bataille pour le repartage du monde.

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Guerre

Un rapport de Sénat sur l’université dénonce la Chine et la Turquie

Le document reprend mot pour mot les accusations du rapport de l’Institut de Recherche Stratégique de l’École Militaire.

C’est un rapport universitaire de plus de 240 pages, intitulé « Rapport d’information fait au nom de la mission d’information sur les influences étatiques extra-européennes dans le monde universitaire et académique français et leurs incidences ». Il vient de paraître et reprend mot pour mot les concepts du document « Les opérations d’influence chinoises » de  l’Institut de Recherche Stratégique de l’École Militaire de l’armée française. Il est absolument évident que ces documents ont été écrit de concert. Le parallélisme va jusqu’aux exemples d’opposition aux influences et ingérences.

Le rapport du Sénat ne s’en cache pas il est vrai dans la mesure où les auteurs du rapport militaire ont même été auditionnés et il est souligné comme référence. Et c’est là ce qui est le plus grave : le rapport du Sénat est clairement un outil de dénonciation de la Chine et de la Turquie.

Ce qu’il appelle à faire est dans la même logique. Il faut former les esprits à la menace, procéder à une « sensibilisation de l’ensemble de la communauté académique sur les risques liés aux influences extra-européennes ».

Cela veut tout simplement dire commencer dans toute l’université et le monde de la recherche une intense propagande militariste pour renforcer l’idéologie de la compétition pour le repartage du monde.

Et que faut-il attendre de l’université et du monde de la recherche ? Strictement rien en ce qui concerne une opposition anti-guerre. Les milieux universitaires et académiques se présentent très souvent comme étant de gauche, mais en réalité ce sont les parasites de l’État et ils appellent à un État social afin de continuer à en profiter. Leur raisonnement est corporatif et ces milieux sont totalement coupés tant des gens « normaux » que du mouvement ouvrier.

Il ne faut rien attendre non plus des différents courants « rebelles » para-universitaires (tels la mouvance du site Lundi.am, la Jeune Garde, etc.), parce que dès que les choses vont se tendre, ces gens disparaîtront dans la nature, se repliant sur leur vie privée, profitant d’une certaine aisance.

Il est absolument clair, pour une raison de classe sociale, que les gens qui délirent en mode migrants – LGBT – transexuels – décolonisation et autres lubies ne feront jamais face à la question de la guerre – parce qu’ils sont entièrement intégrés dans la démarche libérale du capitalisme.

Il y a ici en fait une inévitable cassure entre le monde intellectuel et le monde du travail, et cela ne peut bien entendu ressortir en bien que si le monde du travail assume les questions intellectuelles, les arrache aux milieux universitaires et académiques, ou du moins fait plier ses rares éléments les plus avancés.

Mais en dehors de toute fiction, il faut s’attendre à un tournant pratiquement impérialiste des milieux universitaires et académiques, parce que l’État va leur imposer ce mode de raisonnement et eux, en tant que parasites, vont totalement se plier aux injonctions, parce qu’ils ne savent pas faire autre chose.

Cela va changer beaucoup de chose, parce que cela va être un vecteur de ligne « impérialiste » et cela aura beaucoup d’écho. En même temps, cela rendra les choses très claires et à l’avenir une véritable ligne de classe se produira dans l’université, alors qu’elle a disparu depuis plus de cinquante ans.

Cela montre, en tout cas, à qui en doutait, que l’État français est moderne et efficace quand il s’agit de prendre l’initiative et d’aller de l’avant dans la compétition mondiale ; il sait se réorganiser, profiter de l’ensemble de ses structures. Toute naïveté en ce domaine est suicidaire.

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Guerre

La France se lance dans le conflit gréco-turc

La France est alliée à la Grèce pour le prochain conflit maritime.

C’est une situation qui est à la fois nouvelle et dans le prolongement de ce qui s’est déroulé ces derniers mois. La Grèce s’arme, la Turquie s’arme, et la France fournit les armes à la Grèce, en se posant également comme allié. Cela a pris un tournant officiel, bien que non public, à la fin du mois de septembre avec la visite en France des plus hautes représentants officiels grecs (le premier ministre accompagné des ministres de la Défense et des Affaires étrangères).

Si des armes ont été achetées à cette occasion – des frégates et des avions de chasse – il y a surtout un partenariat stratégique qui a été signé et dont le document n’est pas rendu public, ce qui a justement été dénoncé par le PCF(mlm) comme un pacte secret (Pacte militaire secret franco-grec : préparez-vous au grand défi de la guerre franco-turque!).

C’est que l’article 2 du partenariat stratégique dit que si l’un des pays est attaqué, l’autre le soutiendra y compris de manière militaire. Comme en théorie c’est déjà le cas normalement puisqu’il y a des accords entre les pays de l’Union européenne, entre les pays de l’OTAN, c’est qu’on parle ici d’une alliance pour la prochaine guerre maritime.

Il ne faut pas, en effet, s’imaginer que l’armée turque va envoyer ses tanks en Grèce ou inversement. C’est bien entendu possible, mais un regard sur la carte montre aisément que là n’est pas le centre du problème.

Car, si l’on regarde bien, on peut s’apercevoir qu’il y a de nombreuses îles grecques qui sont très proches de la Turquie. Il y a donc d’incessants conflits territoriaux. On a frôlé l’affrontement militaire en 1987 et en 1996 déjà.

Source Wikipédia

Un autre problème qui s’ajoute est Chypre, que la Turquie occupe en partie, que la Grèce considère comme lui revenant de droit, avec pareillement autant de contentieux pour les frontières maritimes

En bleu : zone revendiquée par la Grèce et Chypre
En rouge : zone revendiquée par la Turquie

Voici comment le quotidien Le Monde présente cette question en 2020 :

« Premièrement, celle de « mer territoriale ». Depuis 1982, la largeur des eaux territoriales peut atteindre 12 milles depuis les côtes (environ 22,2 km) et l’État y dispose des mêmes droits que sur son territoire terrestre.

Dans le cas de la Turquie et de la Grèce, la limite est fixée à 6 milles depuis 1936. Si la Grèce décidait d’étendre sa mer territoriale à 12 milles, comme elle l’a laissé entendre ces dernières semaines et comme le droit l’y autorise, les Turcs ne pourraient plus traverser la mer Égée sans passer par les eaux grecques, tant les îles sont nombreuses.

Ce serait « un motif de guerre », a prévenu la Turquie début septembre.

La seconde notion d’importance est celle de zone économique exclusive (ZEE), instaurée par la convention dite de Montego Bay de 1982. D’une largeur maximale de 200 milles (environ 370 km), la ZEE assure à l’État côtier un droit exclusif à l’exploration, à l’exploitation et à la gestion des ressources de la zone. Dit autrement : tout ce qui est découvert dans la ZEE d’un pays lui appartient.

Si un État démontre que son territoire terrestre se prolonge sur le fond des océans au-delà des 200 milles de la ZEE, il peut également demander à étendre ce qu’on appelle son « plateau continental » jusqu’à 350 milles (650 km) et en exploiter ainsi le sol et le sous-sol. »

Cette présentation tout à fait neutre est exemplaire de toute une éducation faite en France à ce sujet, parce que la France, puissance de seconde zone par rapport à la superpuissance américaine et son challenger chinois, vise d’autant plus la Turquie qui est à sa portée et qui plus est dans une zone méditerranéenne toujours considérée comme essentielle.

Tout est fait pour pousser l’opinion publique dans le sens d’une position « naturelle » de la France en Méditerranée, avec une hégémonie qui en découlerait – il suffit de penser à comment la France s’arroge perpétuellement un droit de regard très prononcé sur le Liban.

Et là, avec une alliance officielle de la France avec la Grèce – officielle, mais en même temps « secrète » – on est dans la préparation du conflit, en posant les bases pour celui-ci. Et cela dans l’indifférence complète de l’opinion publique, dépolitisée, prisonnière de la consommation ininterrompue et sans esprit du capitalisme.

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Taiwan : provocations aériennes chinoises début octobre 2021

La pression monte sur l’île.

Il y a peu de sens à dire qu’il y a des provocations chinoises contre Taiwan, car Taiwan est chinoise, le pays étant fondé de manière artificielle par la faction pro-américaine de la guerre civile. Taiwan développe depuis un discours de plus en plus tourné vers une réécriture de l’Histoire, comme il y a peu en arguant que des traditions des habitants viendraient des Philippines. Tout est fait pour se séparer de la Chine et d’ailleurs la superpuissance américaine vise clairement la partition de la Chine en de multiples entités (d’où le soutien aux Ouïghours, qui ne forment pas la majorité des musulmans chinois par ailleurs).

Inversement, la Chine continentale, désormais capitaliste avec un Etat ultra-centralisé, compte bien engloutir Taiwan pour démontrer qu’elle va devenir une superpuissance et que toute la zone pacifique doit être sous son hégémonie. Pour cette raison, des avions militaires de la Chine continentale pénètrent régulièrement l’espace aérien de Taiwan, en toute illégalité.

L’année 2020 avait déjà établi un record en ce sens, avec 380 intrusions. Mais là, début octobre 2021, on en est déjà à quasi 500, avec notamment 38 le premier octobre (anniversaire de la fondation de la République Populaire de Chine), dont un bombardier H-6 à capacité nucléaire, puis 39 le 2 octobre, puis 13 le 3 octobre.

Les intrusions du premier octobre ont également été marquées par une avancée plus poussée, marquant le début d’un encerclement symbolique de l’île.

La question n’est, à vrai dire, pas de savoir si la Chine continentale va chercher à occuper Taiwan, mais quand. La Chine veut devenir une superpuissance et pour avancer à marche forcée, le nationalisme agressif est un aspect essentiel du dispositif idéologique. La prise de Taiwan symboliserait, cela est vrai, l’unité nationale chinoise retrouvée. Mais ce n’est qu’apparence : cela refléterait surtout que la Chine va dans le sens d’une prise de contrôle de la zone indo-pacifique.

Il y a d’ailleurs en ce moment une remontée en force de la présence de troupes chinoises à la frontière indienne, et l’Inde réinstalle des troupes également, alors que les troubles jusqu’aux affrontements ont été une constante ces derniers temps. La présence chinoise en Afghanistan semble également se renforcer toujours davantage, l’Etat chinois attendant le moment propice pour officialiser son importance là-bas.

On peut noter aussi que les Etats-Unis ont lancé une grande campagne ces dernières semaines pour mettre la Chine sous pression. Les médias américains ont développé l’argumentaire que la Chine allait s’effondrer en raison du manque de natalité, faisant que la population va devenir vieillissante, que technologiquement le pays est en retard, etc.

La superpuissance américaine et son challenger chinois sont en pratique sur un ring et se dévisagent, s’invectivant pour influencer l’autre et le pousser à la faute. L’idée américaine est de faire en sorte que la Chine se précipite, elle qui cherche inversement à gagner le plus de temps possible.

Les commentateurs sont d’ailleurs unanimes ici pour souligner que Joe Biden agit directement dans le prolongement de Donald Trump. C’est que telle est la constante de l’hégémonisme américain.

Taiwan va devenir les prochaines années, les prochains mois même, un abcès de fixation : la Chine continentale y voit un tremplin pour son hégémonie régionale, la superpuissance américaine une sorte de forteresse faisant barrage à son challenger.

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Manœuvres militaires iraniennes à la frontière avec l’Azerbaïdjan

L’Iran fait directement face à l’Azerbaïdjan, le Pakistan et la Turquie.

C’est un nouveau front qui s’ouvre, et qui vient s’ajouter au conflit Russie/Ukraine et à la zone de conflit indo-pacifique. Les pays les plus directement concernés sont l’Iran, l’Azerbaïdjan, la Turquie et le Pakistan, mais en fait tout le Caucase est impliqué, ainsi que la Russie.

Comme on le sait, l’Azerbaïdjan a récupéré le Nagorny-Karabakh, dans le cadre d’une guerre rapide ayant affaibli une Arménie déjà dans une situation particulièrement tourmentée. Or, à cette occasion, le président turc Recep Tayyip Erdogan est venu à Bakou pour le défilé militaire célébrant la victoire, le 10 décembre 2020.

Il a, à cette occasion, récité un poème célébrant le panturquisme – contenant des vers exprimant le regret que le peuple azéri soit coupé en deux. L’auteur est le célèbre poète Bahtiyar Vahabzade (1925-2009), bien que cela ne soit pas certain.

Il faut comprendre ici cet aspect de l’Orient compliqué. Les Azéris sont de culture turque, au point que la Turquie souligne le mot d’ordre Iki devlet, Tek millet, c’est-à-dire deux Etats, une nation. Mais l’Azerbaïdjan est un pays en grande partie musulman chiite, comme l’Iran, et non pas comme la Turquie. Par contre, c’est un Etat très tourné vers la laïcité, comme la Turquie avant ces dernières décennies. Il suffit de voir la candidate de l’Azerbaïdjan à l’Eurovision 2020 pour comprendre que l’Islam n’a pas un poids majeur dans les mœurs.

Et, pour compliquer le panorama, il y a davantage d’Azéris en Iran qu’en Azerbaïdjan. La plus grande erreur qu’on puisse faire sur l’Iran est de l’assimiler d’ailleurs aux Perses (une erreur qu’avait fait le Shah d’Iran par ailleurs). Pour encore plus compliquer les choses, il y a d’ailleurs en Iran une Azerbaïdjan occidentale, mais elle est peuplée surtout… de Kurdes.

L’Iran, historiquement, est très ennuyée par les possibilités de troubles que l’Azerbaïdjan pourrait fomenter, même si elle se sent proche de l’Azerbaïdjan chiite, surtout face à la Turquie. Mais en août 2021 des camionneurs iraniens ont été maltraités par des militaires d’Azerbaïdjan alors qu’ils se rendaient Arménie. L’Azerbaïdjan compte en fait faire cesser le passage clandestin de camions vers l’Arménie et la Russie.

Et, surtout, il vient d’y avoir des manœuvres militaires communes de l’Azerbaïdjan, de la Turquie et du Pakistan, trois pays frontaliers de l’Iran. Elles ont été même nommées « les trois frères ».

Pire encore, la veille du début des manœuvre, le quotidien Yeni Safak qui exprime le point de vue du gouvernement a interviewé un membre du parlement d’Azerbaïdjan qui a sobrement expliqué… que bientôt l’Iran n’existerait plus !

L’Iran a donc subitement activé elle-même des manœuvres, le premier octobre 2021, à la frontière avec l’Azerbaïdjan. C’est la première fois qu’une telle chose est réalisée depuis la fin de l’URSS.

C’est que l’Iran a compris qu’elle risquait d’être prise à la gorge, d’autant plus que l’Azerbaïdjan a de très bons rapports avec l’État israélien qui fait tout pour faire tomber le régime iranien, jusqu’aux opérations de sabotage. L’État israélien vise notamment des navires, ainsi que du personnel technique contribuant au projet nucléaire iranien.

L’Iran considère d’ailleurs même que l’Azerbaïdjan converge avec l’État israélien dans son opération de déstabilisation. Et conformément à une démarche amenant la confusion entre antisionisme et antisémitisme ou antijudaïsme, les manœuvres, d’ampleur significative (tanks, hélicoptères, drones, etc.), s’appellent Fatehan-e Khaybar, les conquérants de Khaybar.

C’est le nom d’une zone de population juive pillée et soumise par Mahomet à la suite d’une bataille, marquant l’instauration d’un statut de « dhimmi ».

C’est assez exemplaire de la fuite identitaire dans la zone. La Turquie se veut l’héritière de l’empire ottoman, l’Azerbaïdjan nie sa fraternité historique avec l’Arménie, le Pakistan s’invente une origine turque pour justifier sa séparation de l’Inde.

Toutes ces petites puissantes délirent d’autant plus qu’elles deviennent expansionnistes, et leur militarisme converge avec les grandes puissances en compétition pour le repartage du monde.

On notera d’ailleurs, pour encore plus compliquer les choses, que l’Iran est allié à la Russie et que, pourtant, le président turc Recep Tayyip Erdogan vient de se rendre en Russie, avec à la clef l’annonce d’une possible coopération militaire pour la construction de navires, de sous-marins, d’avions de combat. Cela, alors que la Turquie est membre de l’OTAN et un soutien de l’Ukraine…

On l’aura compris : cela part dans tous les sens, comme avant 1914. Il n’y a pas de cohérence, juste une fuite en avant, une compétition, une pression militariste… C’est l’escalade.

D’ailleurs le 30 août 2021, pour la fête nationale turque (marquant la victoire sur l’offensive grecque), le président turc Recep Tayyip Erdogan a posé la première pierre du futur « pentagone » turc…

Il n’aura pas la forme d’un pentagone, mais d’un croissant islamique ; la surface totale sera de 12,6 millions de m², avec 900 000 de surface pour les bâtiments (soit un tiers de plus que le Pentagone américain).

La tendance à la guerre est très claire et c’est le principal aspect de l’évolution du monde.

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Escalade militaire au Kosovo

La Serbie est obligée de réagir, mais converge avec la Russie.

La situation au Kosovo a connu une très intense transformation en très peu de temps. Le Kosovo, c’est une région balkanique d’un peu moins de deux millions d’habitants qui a appartenu à l’ex-Yougoslavie et qui a obtenu son indépendance en pratique en 1999 grâce à l’OTAN, au grand dam de la Serbie qui revendique ce territoire comme lui revenant historiquement.

Les États-Unis servent depuis de puissance tutélaire à ce nouveau pays (depuis 2008) totalement satellisé où il y a la seconde base militaire américaine la plus grande en Europe.

La base américaine Camp Bondsteel au Kosovo

Il y a une population majoritairement albanaise au Kosovo, l’Albanie ayant d’ailleurs diffusé un intense nationalisme dans la région depuis plusieurs décennies (l’Albanie de Enver Hoxha était un régime farouchement nationaliste-ethnique albanais). Les Serbes vivent dans le Nord du pays, formant 15% de la population totale.

Ce qui a mis le feu aux poudres, c’est d’ailleurs la décision du Kosovo de ne plus reconnaître les voitures ayant des plaques serbes. Cela implique, de fait, d’obliger la population serbe à se soumettre à l’État du Kosovo, que la Serbie ne reconnaît pas et que les Serbes du Kosovo veulent éviter.

Il y a donc eu dix jours de protestation de la part de la population serbe, jusqu’à un pic de tension. La Serbie a alors envoyé des blindés à la frontière, le président serbe Aleksandar Vucic a lancé un ultimatum à l’OTAN et publié un message Instagram soulignant que la Serbie était avec les Serbes du Kosovo…

Le ministre serbe de la Défense Aleksandar Vulin et l’ambassadeur russe en Serbie Aleksandar Bocan-Harchenko sont allés rendre visite aux troupes serbes à la frontière, deux avions de chasse serbe ont survolé à basse altitude la frontière… L’OTAN a réagi en remplaçant la police des frontières du Kosovo par sa propre mission, la KFOR…

Bref, c’est une véritable escalade militaire qui est strictement parallèle au conflit Russie-Ukraine. Il faut se rappeler ici que la Russie et la Serbie sont très proches historiquement, que la Chine a une présence massive en Serbie… La Serbie est d’ailleurs clairement elle-même un satellite russo-chinois, avec une situation telle que l’émigration est une norme depuis longtemps d’ailleurs (un Serbe sur trois vit à l’extérieur du pays et il existe des communautés serbes massives en Allemagne, en Australie, en Autriche, en Suisse).

Il faut souligner également que la Serbie est historiquement un des grands bastions du mouvement ouvrier depuis le début du 20e siècle. Il est vrai malheureusement que le nationalisme serbe est terriblement puissant et brutal, pour ne pas dire sanglant, et qu’il a ainsi démoli bon nombre de traditions.

Si on ajoute à cela un nationalisme albanais extrêmement développé et fanatique, on a tous les ingrédients pour une situation de tension très forte, pouvant largement aller à la guerre parallèlement au conflit russo-ukrainien. Il s’agit d’ailleurs aussi d’un avertissement russe pour montrer que la région était instable et que s’il y avait une guerre Ukraine-OTAN/Russie, ce serait le brasier régional.

Tout cela, naturellement, ne peut que sembler particulièrement obscur aux Français, qui ont énormément de mal avec les Balkans et avec tous les peuples de l’Est en général, qui leur semblent pittoresques, douteux, étranges, voire dangereux ou semi-barbares. Et pourtant il est capital d’y comprendre quelque chose : faut-il rappeler que la première guerre mondiale s’est déclenché en raison des volontés hégémoniques dans les Balkans, avec comme arrière plan la compétition mondiale pour le repartage du monde?

Et soulignons aussi, dans une même perspective régionale balkanique, que mardi 28 septembre 2021 le premier ministre de Grèce Kyriákos Mitsotákis était à Paris, qu’il a annoncé l’achat de trois frégates, avec Emmanuel Macron apportant son soutien complet, avec en perspective la guerre contre la Turquie.

Il n’est pas une semaine, voire un jour, sans que la tendance à la guerre ne s’exprime. L’engrenage se renforce toujours plus, implacablement.

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Une étude militaire française de 600 pages appelle à renverser le gouvernement chinois

L’agressivité est ouverte.

« Les opérations d’influence chinoises » : tel est le titre d’une étude de 646 pages rendue publique par l’Institut de Recherche Stratégique de l’École Militaire de l’armée française (et disponible en Google drive). C’est une œuvre historiquement importante de par sa portée symbolique sur le plan de l’agressivité militariste.

Elle affirme en effet que, désormais, la Chine opère comme la Russie, celle-ci étant considéré comme opérant à tous les niveaux pour gagner massivement en influence. C’est appelé la « guerre hybride » en langage « géopolitique ».

Par « à tous les niveaux », il faut comprendre par la diplomatie, l’espionnage, l’intimidation, les coups tordus, les coups de force, les médias, l’économie, etc. Naturellement, toutes les grandes puissances font pareil. Cependant, comme en Chine les monopoles sont encore plus puissants que dans les autres pays, et qu’ils tiennent totalement en main l’État, cela rend les choses plus flagrantes, plus directes.

Lorsque Amazon exige, comme ces jours-ci, la légalisation du cannabis aux États-Unis, cela apparaît, aux yeux d’une opinion libérale occidentale, moins arbitraire que les discussions internes du gouvernement chinois– même si cela revient au même dans le fond. La propagande des films hollywoodiens – tels les Marvel – sont « invisibles » pour l’opinion libérale occidentale, à rebours du nationalisme étatique chinois, même si le principe est le même.

Il faut ici simplement comprendre que chaque bloc, même s’il a le même fond capitaliste, critique la forme de l’autre. C’est le sens de la très longue étude qui est une sorte d’organigramme de l’État chinois et de l’éventail de ses initiatives « hybrides ».

Et ce qui est ici essentiel, c’est que l’étude pose la France comme relevant du bloc visé par le challenger, donc comme relevant du bloc dont le leader est la superpuissance américaine. C’est le même point de vue que dans la chronique militariste du Monde, c’est le même point de vue que le think tank qu’on doit qualifier d’impérialiste l’Institut Montaigne (et l’article à ce sujet a d’ailleurs été publié dans Le Monde). Cet institut regroupe hauts fonctionnaires et hauts cadres d’entreprises, en étant financé par LVMH, Total, Vinci et Carrefour ! Difficile d’être plus clair !

C’est là le premier aspect : un choix stratégique et il est considéré comme définitif.

« La prise de conscience, en France, des risques posés par l’influence chinoise est vive et croissante depuis 2019, avec une nette accélération en 2020-2021. C’est dans ce contexte de « réveil français », qui semble désormais irréversible, que s’inscrit la publication du présent rapport en septembre 2021. »

Le second aspect est que le document appelle ouvertement au changement de régime en Chine. C’est tout à fait significatif : un document officiel de l’armée française appelle au renversement du gouvernement chinois et même à la destruction de toutes ses institutions.

Non pas qu’il faille défendre le régime chinois, qui est de type fasciste. Mais critiquer le régime chinois et même vouloir son renversement doit se faire sur une base démocratique, pas avec une mise en perspective militariste au service des couches sociales dominantes des pays riches réfutant le challenger chinois.

L’étude dresse d’ailleurs le panorama de ce qui est présenté comme une déstabilisation générale du monde par la Chine ; c’est un véritable manuel à destination des hauts fonctionnaires, et en même temps une inscription dans le bloc américain, puisque le document est en anglais.

Et la dimension raciste anti-chinoise est très bien calibrée, en prévision des futures campagnes anti-chinoise dans le cadre de la montée des tensions à venir. On a par exemple ce poncif sur l’oriental séducteur – enjôleur et brutal, qui est tout à fait exemplaire cet état d’esprit.

« Pékin vise dans le même temps à séduire et subjuguer, d’une part, et à infiltrer et contraindre, d’autre part. »

Il faut rappeler ici l’importance de la pandémie, qui va servir d’argumentaire pour la superpuissance américaine : c’est la Chine qui serait responsable, c’est elle qui doit payer, etc. On rentre en fait directement dans la phase propagandiste en ce sens.

D’où d’ailleurs l’émergence de contradictions en France sur la manière de s’y prendre. Les auteurs du document ont été obligés de publier un long message pour expliquer que, contrairement aux apparences, ils n’étaient pas pour un blocus total anti-chinois (ce qui est ridicule vu le contenu ouvertement militariste anti-chinois), et cela a provoqué une très violente polémique avec l’Institut de relations internationales et stratégiques, accusé en quelque sorte d’être l’idiot utile de la Chine.

Cela reflète les contradictions au sein des couches dominantes françaises : si la ligne est celle d’un alignement américain malaisé (comme le montre l’affaire des sous-marins australiens), il y a les tenants d’une ligné néo-gaulliste cherchant à trouver un espace (illusoire) entre les deux blocs…

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Le rapport français à la Chine : la violente polémique IRSEM/IRIS

L’institut militaire présente l’IRIS comme en convergence avec la Chine.

La publication du document intitulé « Les opérations d’influence chinoises » par l’Institut de Recherche Stratégique de l’École Militaire de l’armée française (IRSEM) a provoqué les foudres de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), un think tank associatif.

L’IRIS a une ligne en effet très différente, résumée comme suit par son président Pascal Boniface :

« Je ne pense pas que la lutte pour la suprématie mondiale qui se déroule entre Pékin et Washington doive interférer sur les positions
françaises et européennes. »

Cette position est à l’image de la nature de l’IRIS. Le président du conseil d’administration est Alain Richard, issu du Parti Socialiste Unifié et ensuite du Parti socialiste… Le président d’honneur est le socialiste Pascal Lamy (ancien directeur général de l’Organisation mondiale du commerce), le vice-président est le socialiste Hubert Védrine (ancien ministre des Affaires étrangères), le secrétaire est Jean Musitelli auparavant administrateur de l’institut François-Mitterrand le, trésorier est Pascal Cherki, socialiste puis Génération-s avec Benoît Hamon…

On a du côté administrateur notamment Pouria Amirshahi, ancien parlementaire, directeur de Politis et ancienne grande figure du syndicat étudiant l’UNEF-ID passé ensuite au Parti socialiste…

Aux côtés par exemple du socialiste Marc-Antoine Jamet, secrétaire général de Louis Vuitton – Moët Hennessy (LVMH), l’ancien conseiller diplomatique de François Hollande Jacques Audibert (désormais secrétaire général du groupe Suez) et de Michel Edouard Leclerc, président du groupe de distribution E.Leclerc.

Bref c’est du capitalisme « social », autrement dit la gauche caviar, et historiquement les socialistes français ont toujours eu d’excellents rapports avec la direction chinoise. L’idée est donc de maintenir une sorte de ligne à la fois sociale et capitaliste agressive en cherchant à éviter le conflit sino-américain… Ce qui est bien entendu inacceptable du point de vue de la ligne actuelle de la France.

Voici la réponse de l’IRIS à l’accusation de l’IRSEM et la contre-réponse de l’IRSEM. Il faut prendre cela comme quelque chose de terrible, car c’est un débat impérialiste au sein des intellectuels au service des couches dominantes… C’est de « géopolitique » qu’il est parlé, de choix au plus haut niveau, contre donc les décisions par en bas, démocratiques, celles du peuple…

On notera absolument le dernier paragraphe de la contre-réponse de l’IRSEM, d’une violence!

CP-IRIS-Reaction-PB-rapport-IRSEM-Def

IRSEM-2021-09-21-Reponse-a-la-reaction-de-lIRIS