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Tribune de Claire Monod et Guillaume Balas de Génération-s pour l’écologie démocratique et sociale

Claire Monod et Guillaume Balas, responsables nationaux de Génération-s, expliquent dans une tribune initialement publiée par Le Monde (version payante) que l’écologie doit être la matrice de la reformulation des enjeux sociaux et démocratiques. Ils inscrivent leur démarche dans le cadre de la Gauche et son héritage historique, tout en se revendiquant du philosophe de la décroissance André Gorz.

« Il n’y aura pas d’écologie démocratique et sociale, émancipatrice, sans un point de départ clair

Quel été avons-nous passé ? Sans doute un peu trop chaud. Ou trop orageux, voire beaucoup trop pluvieux, sans parler des incendies. En ces mois de juillet et août 2019, nous entrons dans l’histoire incandescente de l’anthropocène par la grande porte. Face à l’urgence, pouvons-nous poursuivre plus longtemps le bricolage et l’impuissance politique sans nous interroger franchement : comment construire une majorité politique écologiste en France ?

Pendant que la prise de conscience fait fleurir les mobilisations de par le monde, l’inaction exaspère, l’inquiétude et l’exigence s’étendent. Partout « fin du mois et fin du monde » cherchent à faire cause commune. Le mouvement s’enclenche, enfin ! Et quoi ? Nous resterions là, si loin des colères et des attentes, cramponnés à des appareils politiques dépassés, après tant de combats communs ?

L’écologie politique doit maintenant passer un cap essentiel, historique, être choisie pour gouverner.

Après s’être diffusée dans les consciences, éparpillée « façon puzzle », affirmée au sein des forces de gauche, elle est devenue l’objet de réinterprétations en tous sens, voire d’opportunismes. De l’environnementalisme « apolitique » aux réminiscences nationalistes autour de la nature, en passant par le centrisme libéral adepte de la croissance verte, le populisme façon « greenwashing » [blanchiment écologique] et jusqu’aux ennemis des Lumières, le drapeau écologiste est aujourd’hui repris – comme l’avait été celui du socialisme au début du XXe siècle –, par bien des « radicalités » y compris la droite ultra-conservatrice et l’extrême droite.

Il n’y aura donc pas d’écologie démocratique et sociale, émancipatrice, sans un point de départ clair. Une filiation avec les combats républicains puis ouvriers qui ont fait la gauche dans l’histoire et dans le monde, mais aussi une rupture franche avec le productivisme. Il y a nécessité à opérer une nouvelle synthèse, fondant écologie, démocratie et justice sociale dans la même matière vivante.

Cette synthèse s’inscrirait dans le sillage de Jean Jaurès (1859-1914) et, plus près de nous, du philosophe André Gorz (1923-2007). Elle dessinerait un nouvel humanisme écologiste, tourné vers la civilisation post-croissance, le respect de la nature et la reconnaissance de ses droits, une répartition des richesses conjuguant l’égalité sociale et environnementale, la transformation du travail et l’élaboration de nouveaux modes de vie.

L’écologie doit être la matrice de la reformulation des enjeux sociaux et démocratiques, vitaux du siècle pour acter la communauté de destin de l’humain et la planète. Il est temps de pousser la voie de cette nouvelle « évidence », de la rendre accessible, populaire et de l’ancrer dans une histoire politique partagée qui lui permette d’accéder – enfin – à la majorité. Car constituer un socle commun idéologique ne suffira pas à construire la grande force, politique et citoyenne capable d’imposer son agenda aux tenants de l’ancien monde, à sa violence, à l’appétit vorace du néolibéralisme, du productivisme et de la financiarisation, aux lobbys destructeurs. Cela ne suffira pas non plus à faire face au recul continu des droits et des libertés.

Revendiquer l’urgence écologique sans en prendre la mesure politique devient une source supplémentaire d’exaspération. Comment rassembler cette force immense ? Comment être à la hauteur historiquement et politiquement ? Dans le contexte pour le moins instable de ce monde hystérisé où domine le « dégagisme » et dont tous les paramètres s’accélèrent – recul démocratique, perte des droits sociaux, effondrement de la biodiversité, dérèglement climatique… –, l’urgence n’est-elle pas d’engager cette dynamique collective, rassembleuse, en s’inscrivant fièrement dans une histoire politique commune réfutant le sectarisme et les étiquettes a priori ?

Une écologie ambitieuse et volontariste, à la hauteur des défis, ne peut plus se contenter de petits succès et de coups d’éclats de loin en loin. Si l’effondrement devient vraiment un horizon et la résilience un projet, il va sans dire que l’urgence de renforcer le cadre démocratique et le contrat social qui garantissent l’égalité et la justice est aussi forte que celle de transformer le modèle de développement vers la post-croissance.

Car oui, les perspectives de l’écologie portent fondamentalement sur notre capacité à faire société dans l’interdépendance qui régit le vivant. Nous savons que la combinaison de ces priorités constitue un potentiel gigantesque. Nous voulons miser sur l’intelligence collective pour répondre à l’indignation et aux colères qui grondent, en France, notamment face au mépris et aux violences qui voudraient les faire taire.

Au nom de ces urgences climatiques, démocratiques et sociales, et au risque de perdre toute crédibilité, il est temps de trouver ensemble, forces écologistes de gauche, les moyens réels pour construire l’alternative, le poids pour peser, la force et la cohérence pour agir. »

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G7 à Biarritz : Emmanuel Macron a fait le choix du style « second Empire »

Emmanuel Macron a choisi la ville de Biarritz pour accueillir le G7 du fait de son prestige aristocratique mondain. C’est le même état d’esprit qui le fait soutenir la chasse à courre : il y a là une alliance de la modernité avec le style ancien, du libéralisme « start up » avec l’aristocratisme grand-bourgeois, afin de maintenir la France dans le passé.

La ville de Biarritz est indéniablement associée à la personne de Louis Bonaparte, dit Napoléon III, au XIXe siècle. Il en avait fait un lieu de villégiature estival, alors que cela devenait en même temps une place mondaine.

Symbole de ce faste néo-aristocratique, l’Hôtel du Palais qui accueillera les chefs d’États ce week-end fut à l’origine érigé pour sa femme l’« impératrice » Eugénie, le bâtiment formant un « E ». On est là dans le luxe tout ce qu’il y a de plus moderne pour l’époque, mais qui se donnait un genre enraciné dans l’histoire, avec des gens se faisant appeler « majesté » et s’entourant des rois et princes d’Europe qui se ruaient volontiers à Biarritz.

Cependant, comme l’avait qualifié Karl Marx, le « règne » de Louis Bonaparte consistait en une parodie de restauration impériale, à une époque où la bourgeoisie, rongée par les divisions entre ses différentes factions, peinait à organiser son pouvoir de manière stable.

Emmanuel Macron rejoue quant à lui une parodie de la parodie, plus de 150 ans après, avec ce sommet à Biarritz. Les services de sécurité ont, d’après la presse, tenté à maintes reprises de le dissuader d’y organiser ce G7, tellement la tâche semblait compliquée. Mais il a obtenu gain de cause, ce qui en dit long sur l’importance symbolique de ce lieu pour sa démarche.

Comme avec son soutien forcené à la chasse, Emmanuel Macron tente de maintenir la France enfermée dans ses traditions réactionnaires, permettant la division de la société en classes. Le style « Biarritz » est alors parfait : il n’est pas ouvertement réactionnaire, mais il n’est certainement pas progressiste non plus. Depuis son expansion moderne au XIXe siècle, la ville représente parfaitement ce mélange des genres, permettant en quelque sorte de moderniser le maintien des traditions.

Le surf contribue largement à cette aura de modernité aujourd’hui, dans un style d’ailleurs complètement forcé : la grande plage de Biarritz est une horreur pour qui veut vraiment surfer, vu le monde et le peu d’espace qu’il y a. Mais l’essentiel est ailleurs puisqu’il s’agit surtout de se montrer, pour sembler faire partie du monde en ayant l’air riche, mais sympa en même temps, ou inversement, sympa mais riche.

C’est de la mondanité tout ce qu’il y a de plus détestable, comme d’ailleurs cet Hôtel du Palais luxueux ostentatoire surplombant la grande plage, qui est une insulte démocratique. Mais contrairement à ce qui peut exister sur la côté d’Azur, il n’y a pas non plus de grands yachts, de résidences bunkerisées complètement coupées du reste de la ville, etc. Il s’agit à Biarritz d’un faste mesuré, s’imaginant acceptable, lié au reste de la société.

Précisons cependant une chose très importante ici : le centre-ville de Biarritz est largement coupée de toutes traditions populaires basques et même de la vie locale d’aujourd’hui. C’est une ville moyenne, constituée pour près de la moitié de résidences secondaires, qui est comme posée au milieu de l’agglomération formée par Bayonne et ses environs.

C’est-à-dire que tout cela est faux de bout en bout, ce que n’est que de l’apparence, de la mondanité superficielle mêlée à du tourisme sans âme. C’est exactement ce dont à besoin le régime, qui ne s’appuie pas sur l’héritage historique et la tradition démocratique en France, mais sur des apparences.

En singeant le style « second Empire », Emmanuel Macron s’imagine justement rendre le régime acceptable pour la population, en jouant tout autant sur la tradition que l’apparente modernité. Il faut bien voir ici d’ailleurs que, si « Napoléon III » était pleinement ancré dans les préoccupations « modernes » et urbaines de son époque, il appuyait son pouvoir sur la paysannerie parcellaire, pas suffisamment consciente pour rejoindre le prolétariat des villes, mais pas suffisamment satisfaite pour rejoindre la bourgeoisie.

C’est exactement cet entre-deux qui intéresse Emmanuel Macron, qui appuie totalement l’hégémonie de la Droite, tout en étant parvenu par la Gauche, en l’ayant fait exploser de l’intérieur. Biarritz, ville de Droite, mais dirigée par le Modem, est donc un lieu de choix pour sa démarche passéiste et moderne à la fois.

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Paul-François Paoli : les renégats de la Gauche, ferments du «conservatisme révolutionnaire»

Toute une génération d’intellectuels passés par la Gauche, surtout celle du PCF, s’est retrouvée désorientée et est passée à Droite, au nom du « réalisme ». Il s’agirait de se plier à l’homme du commun, le type lambda, qui serait bien incapable de raisonner en termes d’idéologie et qui aurait bien raison. Le journaliste Paul-François Paoli en fait partie.

Lefigaro.fr, sur sa partie « vox », cherche à impulser une dynamique idéologique conservatrice révolutionnaire. Une récente interview est ainsi intitulé pas moins que « La gauche est devenue le camp du conformisme, le conservatisme celui de la transgression ».

De manière très intéressante, l’interview en question est celle de Paul-François Paoli, pour sa réception du prix de l’Institut de France pour son livre autobiographique Confession d’un enfant du demi-siècle.

Ce parcours est celui de beaucoup d’intellectuels ayant un certain succès en ce moment et surfant sur la vague « conservatrice révolutionnaire ». C’est donc une personne de Droite qui a rejoint le PCF… après mai 1968. Il n’a donc pas rejoint le grand foisonnement d’extrême-gauche alors, pourtant bien plus entreprenant et critique des fondements de la société.

Paul-François Paoli reconnaît lui-même d’ailleurs avoir fait partie d’un bouillon de culture, dont le PCF n’était qu’une figure massive à l’arrière-plan. Ses propos sont vraiment intéressants :

« J’ai adhéré aux jeunesses communistes à 15 ans à Aix-en-Provence, ville bourgeoise s’il en est. Nous étions dans les années 1975 et j’étais fasciné par la dramaturgie révolutionnaire. J’avais éprouvé enfant, en côtoyant des enfants d’ouvriers ou d’immigrés, la réalité indicible d’un mépris social qui confine parfois à une forme de racisme.

Et puis je me suis rendu compte que les communistes et les gauchistes étaient souvent habités par la haine et le ressentiment. Dans les années 1970 il était pratiquement impossible en France de ne pas être de gauche dans le milieu de la culture. En 1974 les congressistes de la JOC (Jeunesse ouvrière chrétienne) avaient accueilli Georges Marchais le poing levé en chantant l’internationale. C’est dire! »

L’ambiance était donc électrique historiquement, mais Paul-François Paoli faisait partie de la frange la plus conservatrice, la plus mesurée. Cela reflétait son caractère étranger au projet socialiste de la Gauche et voilà pourquoi il est sorti par la Droite, et non par la Gauche. Le fait qu’il ne distingue pas les membres du PCF des « gauchistes », qui culturellement étaient très éloignés, montre bien qu’il ne comprenait pas grand-chose, pour ne pas dire rien, de tout le fond idéologique de la Gauche alors.

Nul étonnement alors à ce que les références de Paul-François Paoli soient donc désormais Marcel Gauchet, René Girard et Jean Claude Michéa. On est étonné qu’il ne cite pas Alain Soral, car cela correspondrait parfaitement au tableau.

Ce tableau, c’est celui d’intellectuels liés d’une manière ou d’une autre au PCF, qu’il voyaient dans les années 1970 comme le seul horizon politique. Ils se voulaient plus à gauche que les socialistes (déjà énormément de gauche, bien plus que Jean-Luc Mélenchon aujourd’hui). Cependant, ils n’avaient aucune connaissance des « gauchistes », qui pourtant disposaient de solides traditions et d’un certain bagage intellectuel.

Ils ont donc navigué dans le PCF, mais étant des intellectuels, ils avaient une approche radicalement coupée des traditions du mouvement ouvrier, que le PCF arrangeait et réarrangeait d’ailleurs à l’époque, en fonction de ses besoins électoraux, avec le Programme commun avec les socialistes en toile de fond.

Ces intellectuels allaient dans le sens du vent et lorsque le vent a cessé de souffler, ils n’ont gardé du PCF que sa pesanteur, associée à une dénonciation du libéralisme désormais de plus en plus ancrée à droite. Le PCF, lui, a fait le chemin inverse, supprimant toute pesanteur pour s’ouvrir de manière entière au courants intellectuels nouveaux, post-communistes, entièrement favorable au libéralisme culturel.

Plus le PCF s’écartait entièrement de la vie quotidienne des ouvriers, plus les intellectuels « conservateurs révolutionnaires » prétendaient en être les porte-paroles. Il suffit de lire Eric Zemmour ou Natacha Polony pour y retrouver de manière régulière une sorte d’éloge du passé, y compris de la base du PCF, considérée comme un monolithe hostile à toute transformation.

Difficile de ne pas voir ici que, au-delà de toute considération sur leur nature et leurs différences notables, les organisations « gauchistes » avaient raison de souligner le caractère bloqué de la base du PCF, enlisé dans un mode de vie intégré dans le capitalisme. Il suffit de voir les stands des marchands de canon, de TF1, etc. à la fête de l’Humanité des années 1980 pour le constater.

Toute cette histoire d’intellectuels renégats reste encore à écrire. Sur le plan des idées, ces gens ayant quitté le PCF par la Droite ont été un puissant ferment idéologique, jouant un rôle important, loin d’être fini, ne faisant peut-être même que commencer.

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Didier Guillaume, PS, habitué des corridas et ministre de l’agriculture d’Emmanuel Macron

Littéralement toute la Gauche s’offusque, à juste titre, de la présence de deux ministres à une corrida. C’est cependant malheureusement un exemple de plus du verbalisme contestataire sans grand fondement.

Le souci : la Gauche n’a jusqu’à présent rien fait contre la corrida, ni d’ailleurs en faveur des animaux en général. Qui plus est, le ministre principalement concerné par l’affaire vient du Parti socialiste, auquel il a appartenu pratiquement 40 ans. Et il est déjà allé à des corridas avant…

La corrida est quelque chose d’infâme et pour assister sans se révolter à un tel spectacle odieux, il faut avoir perdu une sacrée capacité à l’empathie, ce qui est plus qu’inquiétant. Il est donc scandaleux que la Gauche n’ait jamais interdit les corridas. Elle en avait l’occasion, que ce soit avec la vague populaire de 1981 ou encore avec la « vague » de 2012 avec François Hollande, avec aux mains de la Gauche une large majorité des départements, la quasi totalité des régions, le parlement et le Sénat.

Cependant, la Gauche est gangrenée par les valeurs de la Droite et ce depuis bien longtemps. Elle ne s’est donc jamais opposée à la corrida et on peut être humainement assez dégoûté de voir tout le monde à Gauche dénoncer les deux ministres y étant allé, à Bayonne, sans aucune autocritique. Surtout que le principal argument employé est que Didier Guillaume est ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation et à ce titre responsable de la condition animale.

Allons donc ! Qu’a fait la Gauche pour les animaux jusqu’à présent ? Rien ! Et elle continue de ne rien faire. L’abolition de l’expérimentation animale n’est même pas au programme, alors que cela devrait être une valeur de base de la Gauche. Dénoncer Didier Guillaume est donc trop facile.

Surtout que celui-ci vient de la Gauche. Responsable des jeunes socialistes de la Drôme, il est le coprésident du comité de soutien départemental à François Mitterrand… en 1981. Il est premier secrétaire fédéral de la Drôme du PS de 1986 à 1997. On lit bien : de la Drôme. Un département où la culture de Gauche est très alternative.

C’est un premier problème. Il y a une faille culturelle à Gauche. Le second souci, c’est que Didier Guillaume a été, entre autres, sénateur PS de 2008 à 2018 et même président du groupe socialiste au Sénat de 2014 à 2018. Ce n’est donc pas n’importe qui… et il est passé avec armes et bagages chez Emmanuel Macron !

Pour enfoncer le clou, ce n’est pas la première fois non plus que Didier Guillaume va à une corrida. Cela veut dire quoi, qu’avant c’était acceptable, et plus maintenant ? En quoi donc la présence à une corrida de Didier Guillaume, le ministre de l’Agriculture et Jacqueline Gourault, la ministre de la Cohésion des territoires, a-t-elle quelque chose de nouveau ?

Emmanuel Macron ne soutient-il d’ailleurs pas ouvertement la chasse ? À un moment il faut tout de même se rappeler que la Gauche, c’est la Gauche et la Droite, la Droite ! Les propos du député du Cher, François Cormier Bouligeon (LREM), sur Twitter, sont un bon exemple ici :

« Soutien total à mon ami @dguillaume26 en prise avec une vilaine polémique fomentée par les partisans d’une triste société aseptisée qui veulent nous imposer de manger de steacks de soja et boire de l’eau tiède ! Et ne comprennent rien à la portée symbolique des rituels. »

On dira : oui mais Didier Guillaume est également responsable de la condition animale, du « bien-être animal », en tant que ministre de l’agriculture. Soit. Mais quelle est la condition animale en France ? Elle est dramatique et correspond ainsi tout à fait à la présence d’un ministre de l’agriculture à une corrida.

S’offusquer est donc particulièrement ridicule. À lire les responsable de la Gauche scandalisés, on a l’impression qu’ils sont tous devenus vegans. On se doute que ce n’est pas du tout le cas… et on l’aura compris, la Gauche n’est ici tout simplement pas au niveau et c’est le règne de la démagogie.

Elle cherche à utiliser ce qu’elle peut, sans se soucier d’aucune crédibilité. Qui la ridiculise aux yeux des gens. Prenons Julien Bayou, porte-parole d’Europe Écologie-Les Verts. Il a affirmé la chose suivante :

« Le ministre de l’Agriculture lui-même est responsable du bien-être animal et il devait annoncer des pistes pour améliorer les questions de condition animale. Pourtant, il se prête à un spectacle lugubre où il s’agit de traumatiser et finalement de massacrer des taureaux comme si c’était un spectacle. C’est évidemment rigoureusement contradictoire avec tous les discours et les attentes sur la question du bien-être animal. Ce gouvernement doit tenir parole ou alors arrêter de nous bassiner les oreilles avec de grands discours sur l’écologie et le bien-être animal. Au bout d’un moment, il faut agir. »

Soit ! Mais alors pourquoi EELV n’a-t-il rien dit contre la corrida depuis des années et notamment lorsqu’il était au gouvernement dans la « gauche plurielle » ? Pourquoi rien n’a été dit lorsque Noël Mamère, député écologiste, avait expliqué dans un de ses livres en 2002 qu’il appréciait tant la corrida que la chasse ?

Car ce n’est pas comme s’il n’y avait pas de nombreux gens s’étant fait cassés la figure pour s’être opposé aux corridas. Ce n’est pas comme si la corrida n’était pas dénoncée ardemment par certains milieux à Gauche (et comme le dessinateur de Charlie Hebdo Charb, mort assassiné).

En fait, il aura fallu un ministre qui aura été au Parti socialiste pendant presque 40 ans pour que la Gauche découvre la corrida. C’est dramatique. Et au-delà de cela, il faudra se rappeler cet épisode, lorsque demain il faudra exiger de tous ces beaux-parleurs qu’ils s’engagent vraiment contre la corrida !

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Audrey Pulvar à Aix-en-Provence avec le PCF le vendredi après-midi pour parler d’écologie, à La Rochelle avec le PS dès le lendemain matin

Le PCF organise son université d’été 2019 à Aix-en-Provence du 23 au 25 août et Audrey Pulvar est mise en avant comme une invitée de marque pour parler d’écologie lors du premier débat le vendredi après-midi. Elle sera présente dès le lendemain matin à La Rochelle, à 800 km de là au campus d’été du PS pour un autre débat sur l’écologie…

Le PCF, ce parti historique de la Gauche, qui a été très implanté dans la classe ouvrière et a connu de nombreux intellectuels et scientifiques à ses côtés, n’est plus que l’ombre de lui-même. Il n’est pas mort, mais c’est tout comme. Car inviter et mettre en avant Audrey Pulvar pour parler d’écologie à son université d’été, il fallait le faire !

Quel est le rapport entre cette bobo parisienne et l’écologie ? Est-elle une scientifique aguerrie défendant la planète depuis de nombreuses années ? Est-elle une militante de terrain, rompue à la confrontation au capitalisme écocidaire ? Rien de tout cela, comme chacun le sait. Cette bourgeoise portant des lunettes en écaille de tortue à plusieurs milliers d’euros issues de la « Maison Bonnet » a simplement été présidente de la fondation Nicolas Hulot pour la nature et l’homme, dont personne ne sait d’ailleurs très bien à quoi elle sert.

Évincée par le retour de Nicolas Hulot à la tête de sa fondation (il paraît qu’ils ne s’entendent pas bien), elle a finalement monté un « fonds de dotation pour l’Afrique » nommé AfricanPattern. On est là dans une démarche bourgeoise typique, dans le caritatif mondain qui brasse du vent pour se donner bonne conscience. Il est incroyable de voir que le PCF n’a rien trouvé de mieux comme invitée que cette ancienne présentatrice sur de nombreuses chaînes de télévision puis directrice du très bobo magazine Les Inrockuptibles.

Cela en dit long sur l’état de la Gauche à notre époque. D’autant plus qu’elle n’est pas une simple invitée parmi tant d’autres, mais elle est mise en avant dans la présentation de l’université d’été comme une sorte de faire-valoir d’un tournant vers l’écologie :

« L’écologie tiendra une grande place à l’université d’été : nous accueillerons ainsi Audrey Pulvar, présidente (2017-2019) de la Fondation pour la nature et l’homme, à l’occasion d’un grand débat avec Fabien Roussel sur le climat et les voies à dégager pour emporter cette bataille de haute importance. Le regard de scientifiques sera, comme chaque année, précieusement sollicité. Mais cette question mérite aussi d’être abordée sous l’angle des marches pour le climat et de leur écho : nous y accorderons toute l’attention nécessaire à partir des premiers travaux menés sur ces mouvements. »

Tout cela est d’autant plus affligeant qu’Audrey Pulvar ne fera que passer en coup de vent à Aix-en-Provence puisqu’elle est annoncée dès le lendemain matin à 9h30 pour un débat au campus du PS à La Rochelle.

C’est non seulement pas très écolo comme façon de faire, mais en plus cela en dit long sur l’engagement et la démarche d’une telle personne, qui mise sur sa notoriété pour se placer et se faire inviter, alors qu’elle ne représente rien du tout, n’a aucune démarche de fond.

L’écologie n’est pour elle qu’un créneau qu’elle a choisi un beau jour en trouvant cela porteur. Elle fait partie de ces gens très actifs sur les réseaux sociaux pour s’offusquer de tout et n’importe quoi en s’imaginant avoir un impact. La pseudo « affaire du siècle » qu’elle avait lancée avec d’autres ONG pour soi-disant intenter une procédure contre l’État pour inaction écologique est typique de sa démarche.

Quand on est de Gauche, on ne peut que détester ce genre de personnage. La Gauche, si elle veut se réconcilier avec les classes populaires, devra dresser un solide rideau de fer entre elle et ce genre de figure bobo insupportable.

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Le campus d’été du PS à La Rochelle aura lieu du 23 au 25 août 2019

Dans deux semaines aura lieu le campus du Parti socialiste à La Rochelle, du 23 au 25 août 2019. Cet événement, qui s’appelait auparavant « université d’été », a longtemps été une institution pour le PS et il était connu qu’il s’y déroulait de nombreuses tractations en « off ». Cela faisait trois ans qu’il n’existait plus, illustrant la grande crise que traverse ce parti qui avait également été contraint de vendre son siège historique de la rue de Solférino à Paris.

Le premier secrétaire Olivier Faure mise sur cet événement pour redonner de la visibilité à son organisation en impulsant une nouvelle dynamique. Le format de ce campus est présenté comme moderne et plus démocratique, alors que le rendez-vous de La Rochelle s’était transformé d’après lui « en concours d’éloquence au mieux, et en bal des égos au pire ».

Le thème central de cette première édition sera « pour un avenir écologique et social ». La question des élections municipales de mars 2020 sera cependant le sujet principal de ces trois jours ; c’est un enjeu fondamental, voire vital pour le PS qui est avant tout une structure électorale.

D’après la presse, plusieurs structures de gauche dont Place publique, le Parti radical de gauche, le PCF et probablement Génération-s devraient y participer. Cela ne figure toutefois pas dans le programme officiel sur le site dédié.

Voici le programme général :

Vendredi 23 août, à partir de 13H00 : ouverture des travaux

Samedi 24 août, 18H00 : Discours d’Olivier Faure, Premier secrétaire du Parti socialiste

Samedi 24 août, 20H00 : Banquet et soirée conviviale

Dimanche 25 août, 10H00 : Échanges de questions/réponses avec Olivier Faure, Premier secrétaire du Parti socialiste et la direction du Parti

Dimanche 25 août, 12H00 : Clôture des travaux

Le détail des ateliers, débats, formations n’est pas disponible publiquement à ce jour, mais un « avant-goût des intervenants » est proposé sur le site : campus19.fr/un-avant-gout-des-intervenants

On reconnaîtra des thèmes classiques de la Gauche urbaine et intellectuelle, pour ne pas dire bobo, avec beaucoup d’universitaires et bien sûr aucun ouvrier.

Le campus est ouvert aux sympathisants du PS et pas seulement aux adhérents ou élus. L’inscription (hors hébergement) coûte entre 30€ et 60€ et peut se fait en ligne : evenements.parti-socialiste.fr/ue-2019

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Énorme fiasco pour l’extrême-gauche et les anarchistes à Nantes

La manifestation à Nantes ce samedi 3 août 2019 n’a réuni que peu de monde, malgré cinq semaines de campagne intense dans la ville et malgré le tapage fait au niveau national relayant la thèse anarchiste d’une « attaque policière » de la Fête de la musique qui serait « l’aboutissement d’années de violences et d’impunité pour les forces de l’ordre ».

L’agitation de l’extrême-gauche et des anarchistes dénonçant des violences policières et un État policier ne prend pas. Le spectacle devenu traditionnel de casseurs saccageant le centre-ville de Nantes a bien eu lieu, mais cela reste anecdotique, insignifiant. La police n’a dénombré que 1 700 manifestants l’après-midi, pour 39 placements en garde à vue, alors qu’il y avait des personnes venues d’ailleurs, parfois même d’autres pays, pour ce qui avait été annoncé comme un besoin de recueillement important de la population nantaise.

Non pas qu’il n’y ait pas eu ces dernières semaines une certaine émotion à propos de Steve Maia Caniço de la part de beaucoup de nantais, surtout de jeunes gens des milieux culturels et alternatifs vivant à proximité du centre. Mais justement, malgré cela, malgré des discussions récurrentes aux terrasses des cafés, malgré des banderoles « Steve » arborées par certaines boutiques plus ou moins alternatives, malgré des messages d’artistes lors de concerts, malgré des affiches partout en ville pendant cinq semaines, il n’y a eu que quelques centaines de personnes au rassemblement pacifique du matin et tout au plus quelques milliers l’après-midi.

L’extrême-gauche et les anarchistes avaient pourtant un boulevard pour mobiliser, d’autant plus qu’ils avaient le soutien au moins passif des autorités de la ville et des institutions culturelles comme le Voyage à Nantes. La Préfecture n’a pas interdit le rassemblement, non déclaré comme c’est l’usage dans cette ville, mais l’a simplement cantonné aux grands axes habituels. Il y a même eu deux adjoints (PCF) de la maire socialiste qui se sont exprimé ouvertement contre la police, avec quasiment mot pour mot le même discours que les anarchistes de « Nantes révoltée ».

Seulement voilà, quand il n’y a pas de fond, quand on fait de la parodie de contestation, du supermarché de la révolte, cela ne mène à rien. Le petit-bourgeois nantais peut bien être d’accord pour ne pas aimer la police, mais il n’ira pas pour autant lui jeter des cailloux dessus en criant « Castaner, Assassin » à la manière d’un gilet jaune ! Encore moins si c’est pour saccager les infrastructures d’un festival de rue, comme l’ont fait ces idiots de casseurs.

– Les installations du festival Aux heures d’été qui ont été détruites –

Les masses populaires quant à elles regardent cela de très loin, avec une certaine sympathie pour le jeune Steve bien sûr, mais en considérant cette affaire somme toute comme un fait divers dramatique. On pourra regretter la passivité populaire, cette tendance à trop se tenir à distance de l’actualité politico-culturelle, mais pas sa rationalité.

Cette rationalité, ce bon sens populaire, est précisément ce que n’ont pas l’extrême-gauche et les anarchistes, dont les propos ne sont que grotesque, mauvaise foi et irrationalisme. Il faut d’ailleurs souligner ici à quel point la société française est perméable à cet irrationalisme, notamment à Gauche et dans les milieux intellectuels, cultivés, engagés socialement (ce qui revient en fait quasiment au même).

Il n’y a qu’à voir cet emballement autour du rapport de l’IGPN, que tout un tas de gens dénoncent hardiment alors qu’ils ne l’ont même pas lu et qu’ils n’ont absolument aucune idée du rôle de cette instance policière. La « police des polices » dit, dans son style formel typiquement bourgeois propre aux administrations françaises, qu’elle n’a pas d’élément lui permettant de prouver que la police est directement responsable de la mort de Steve. La belle affaire !

En vérité, personne n’a pour l’instant d’élément tangible et précis liant directement l’action de la police à la chute du jeune homme dans la Loire et ce n’est d’ailleurs aucunement le rôle de l’IGPN d’enquêter là-dessus. Il y a une enquête ouverte par le parquet pour homicide involontaire, une commission d’enquête parlementaire va probablement voir le jour, une enquête administrative est enclenchée, etc. Mais peu importe la réalité, ce qui compte est de s’offusquer, de ruer dans les brancards, pour ne surtout pas remettre en cause quoi que ce soit de la société française. Tout ce qui est excessif est insignifiant, dit l’expression.

L’extrême-gauche et les anarchistes ne sont ici que les idiots utiles de la petite-bourgeoisie radicalisée, qui maintient la fiction d’une opposition au régime. Cela produit en fait tout l’inverse, renforce le régime et même pire, pousse une partie des classes populaires dans les bras de l’extrême-Droite qui a un boulevard pour apparaître comme le parti de l’ordre.

À la Gauche en face de montrer qu’elle est un ordre nouveau, en portant le Socialisme comme seul et unique chemin vers une société pacifiée et authentiquement démocratique.

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La famille de Steve Maia Caniço ne soutient pas les rassemblements aujourd’hui à Nantes

La famille du jeune Steve Maia Caniço a expliqué qu’elle ne soutenait pas les rassemblements qui doivent avoir lieu aujourd’hui à Nantes. L’extrême-gauche et les anarchistes qui organisent ces rassemblements ne mènent pas un combat démocratique et populaire, mais se servent de la moindre occasion pour dérouler leur fiction d’une répression policière systématique et d’un État policier.

C’est la crainte de débordements violents qui a rebuté la famille de Steve Maia Caniço, disparu dans la nuit du 21 au 22 juin dernier et retrouvé sans vie dans la Loire il y a quelques jours. Par le biais de son avocat, elle a fait savoir qu’elle « ne soutenait pas du tout » les appels à manifester ce samedi 2 août. Maître Cécile de Oliveira a même expliqué que le deuil des parents est « abîmé par le fait que Steve devient un enjeu politique très fort », parlant de colère de la part des proches qui considèrent « une forme de confiscation de la mémoire » de leur fils et frère.

Les mots sont très forts. La sœur du jeune homme s’est livrée plus en détail, affirmant ne surtout pas vouloir que le nom de Steve puisse être associé de près ou de loin à des violences, craignant qu’ensuite certains osent faire un amalgame entre des violences et ce qui s’est passé sur le quai Wilson.

Personne n’est dupe en effet des appels sous les mots d’ordre « ni oubli, ni pardon » ou encore « contre les violences policières ». Ce sont évidemment des prétextes pour « casser du flic » et quelques vitrines, de la part de gens dont l’obsession est de croire que « tout le monde déteste la police ».

Ces appels sont soutenus par tout un tas de personnes plus ou moins radicales, depuis les bobos du mouvement Place publique jusqu’aux populistes de la France insoumise. Le PCF est particulièrement mobilisé sur cette affaire, l’un de ses responsables nationaux parlant même de « meurtre d’État ».

Les membres de la section locale du PCF interviennent volontiers à la télévision pour faire de tout cela une affaire d’État, mettant en cause le ministre de l’intérieur et le gouvernement, appelant à des démissions, etc. Il y a eu dans le même genre cette Une pittoresque de L’Humanité hier matin, titrant « Steve : la vérité, toute la vérité », illustrée par une photo sur fond noir « Justice ! ».

Tous ces gens n’ont-ils donc rien d’autre à dire sur la marche actuelle du monde, la tendance à la guerre, la montée du fascisme, l’écocide, pour à ce point ruer dans les brancards en prenant prétexte d’un tel accident dramatique ?

La famille a raison d’être en colère face à ce qui est une opération de récupération odieuse, anti-populaire, faisant de Steve Maia Caniço un totem pour masquer une absence totale de contenu et de perspective politique.

Il est légitime de réclamer la vérité sur les circonstances du décès, c’est même une exigence démocratique fondamentale et c’est d’ailleurs ce que dit la famille. Tout porte à croire que le jeune homme est tombé à l’eau suite à l’intervention policière qui a dégénéré et il y a de toutes manières beaucoup de choses à dire sur cette intervention policière elle-même, dont l’issue reflète bien le chaos dans lequel s’enfonce de plus en plus notre société.

Les sound sytem jouant de la techno ce soir là étaient relégués dans cette partie de la ville, sur un quai non sécurisé, dangereux, hors du périmètre officiel de la fête de la musique. La police est intervenue sous les ordres d’un commissaire dénoncé comme brutal, qui a voulu ici faire appliquer administrativement la réglementation, de manière anti-populaire, probablement en sachant très bien que cela allait dégénérer, ce qui a engendré la chute de plusieurs personnes à l’eau.

Pour autant, l’époque exige beaucoup de raison et de lucidité, mais surtout pas des mises en scène de contestation, d’offuscation, qui n’ont d’ailleurs aucun écho dans les masses populaires.

Contrairement à ce que veulent faire croire l’extrême-gauche et les anarchistes, bien relayés par ce qui reste de l’esprit gilet jaune, la police en France n’assassine pas impunément. Elle n’a pas délibérément jeté dans la Loire des jeunes qui écoutaient de la musique et il n’y a aucune opération systématique et gouvernementale visant à généraliser une violence policière contre le peuple.

La mort de Steve est un drame social, pas un drame simplement policier. C’est toute notre époque qui est en crise, c’est la société elle-même qui perd ses fondements.

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L’Union européenne est-elle la cause de l’austérité ?

L’argument principal des chauvins (de type patriotique ou social) est que l’Union européenne serait la cause de l’austérité. En réalité c’est le contraire, elle est le reflet de l’austérité.

L’Union européenne impose des règles et les chauvins disent : ces règles amènent l’austérité. Tout serait de la faute de l’Allemagne qui, parce qu’elle est la seule à pouvoir intervenir de par sa solidité, exige une stabilité la plus grande possible, ce qui aboutit à l’austérité.

Pardon, pardon ! Raisonner avec cette idée que c’est l’Allemagne qui dirigerait l’Union européenne est d’une bien trop grande simplicité. Car cette dernière n’est, dans sa substance, rien d’autre que l’établissement d’un grand marché capitaliste. Il s’agit de dépasser les cadres nationaux pour faciliter les échanges et permettre au capital de mieux se réaliser.

L’idée de cette union – libérale-sociale appuyée par la social-démocratie – est que c’est d’autant plus d’un grand intérêt que cela va avec une croissance générale et par conséquent une stabilité sociale très forte. La fonction de la Commission européenne est ici de gommer les aspérités.

Cela a marché, pendant longtemps. Déjà, jusqu’en 1989, puis avec l’arrivée de la Chine comme usine du monde. Et maintenant que cela marche de moins en moins, cela serait la faute à l’Allemagne ? Ou aux banques, ou à tel secteur financier, ou à tel secteur technologique comme les GAFA ? C’est là nier la réalité économique en se focalisant sur des petits aspects importants certainement, mais pas décisifs.

Pourquoi ? Parce qu’il suffit de regarder les richesses pour voir qu’elles se sont accumulées de manière phénoménale depuis cinquante ans. La véritable question, c’est de savoir ce qu’on fait de ces richesses et pas simplement pour vivre mieux, mais pour se tourner vers ce qui est important : important pour l’humanité, pour la planète, pour l’océan, pour l’humanité de demain, pour la nature, pour les animaux, etc.

Et le problème est que toute orientation collective se heurte au fait que les richesses sont, par définition, individuelles, relevant de la propriété personnelle. On n’a donc pas le droit d’y toucher. Cela, ce n’est pas l’Allemagne qui le dit, ni même l’Union européenne. C’est tout simplement le Droit tel qu’il existe de nos jours.

Or, comme les riches deviennent par définition toujours plus riches, la richesse ayant beau s’accumuler toujours plus, les pauvres deviennent toujours plus pauvres. C’est une tendance irrépressible : sans riches pas de pauvres et inversement. Partant de là, c’est la question de la socialisation qui se pose.

Qu’est-ce que l’austérité dont on parle, alors ? Cela ne concerne qu’une petite partie des richesses, une petite part du gâteau. Mais pourquoi s’étriper sur un petite part, si on peut s’approprier de toutes façons tout le reste du gâteau ?

Pourquoi perdre son temps à négocier un 0,1 %, un 0,2 %, un 0,3 %, alors qu’il est possible de socialiser une très grande partie de l’économie, simplement en disant : vous les monopoles, vous êtes ce que vous êtes, donc désormais vous appartenez à la société toute entière ? Ce qui est à tout le monde est à tout le monde et ce qui est à tout le monde ne peut pas être possédé, au service simplement de quelques uns.

Rejeter ce culte des 0,1 %, 0,2 %, 0,3 %, est d’autant plus important que, qui plus est, l’extrême-droite instrumentalise une telle approche pour diffuser le nationalisme. Pour Jean-Luc Mélenchon, on ne sait plus trop où il en est, mais on peut dire que de toutes façons c’est au moins le nationalisme qui l’instrumentalise, lui et ses acolytes comme François Ruffin.

Car la grande question à l’arrière-plan, c’est celle, historique, de savoir s’il n’y a qu’une seule humanité, qui socialise son activité et agit de manière rationnelle ou bien si c’est la guerre de chacun contre chacun, de chaque entreprise contre chaque entreprise, de chaque pays contre chaque pays

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Emmanuel Macron et l’américanisation de la vie politique française

Les États-Unis sont marqués par une simple opposition entre Démocrates et Républicains, qui traversent toute la vie politique. C’est l’objectif d’Emmanuel Macron, qui se voit en chef de file des Démocrates et cherche à indirectement aider à la formation d’un bloc « Républicain ».

La fin du XIXe siècle a été marqué par la naissance d’une « troisième force » : le parti de la classe ouvrière, qui se distinguait, comme social-démocratie, tant des bourgeois républicains (la « gauche ») que des cléricaux-conservateurs (la « droite »). Cela s’est déroulé, avec plus ou moins de retard, dans tous les pays capitalistes, qu’ils aient des colonies ou non.

Les États-Unis n’ont donc pas échappé au processus, avec un parti socialiste. Celui-ci a échoué à s’installer durablement, malgré de vraies succès. En 1919, il a par exemple 100 000 adhérents. Le souci est qu’il a été en pratique décapité par la répression terrible qui a eu lieu aux États-Unis. Incendies de logements avec les habitants dedans, tirs sur les manifestants, emprisonnements des opposants à la Première Guerre mondiale, etc.

Tout a été fait pour étouffer le mouvement ouvrier, qui plus est toujours plus corrompu par la prédominance grandissante des États-Unis dans le capitalisme mondial. L’une des figures historiques de la tentative de construire une « troisième force », ni « démocrate » ni « républicaine », fut Eugene Debs. Les lointains successeurs de cette option « socialiste » sont en ce moment d’ailleurs fous de rage contre Bernie Sanders, qui lui travaille à la « gauche » des Démocrates, ayant régulièrement pactisé avec eux au cours de sa vie par ailleurs.

C’est que le système américain, fédéral qui plus est, est entièrement structuré sur un énorme système pyramidal. Si on est de gauche, on soutient ainsi « son » candidat, puis quand il a perdu dans un immense processus, on soutient celui le plus proche, puis quand celui-ci a perdu, le moins pire, etc. Au bout du compte, il ne reste que deux vastes blocs qui prétendent qu’eux seuls peuvent atteindre une éventuelle majorité.

Toutes les initiatives sont par conséquent siphonnées. Les tentatives de rupture se concrétisant furent donc très peu nombreuses, car demandant une identité totalement différente mais capable en même temps de disposer d’une certaine base. Les seuls y parvenant s’enlisèrent dans cette double exigence, malgré des succès notables : les Black Panthers pour l’auto-défense dans la communauté afro-américaine, les « Weatherpeople » opérant clandestinement en étant issu de toute une partie du mouvement étudiant des années 1960, les « éco-terroristes » et les pro-libération animale, qui furent considérés début 2000 comme la principale « menace terroriste » dans le pays.

Dans la série Les Simpsons, la mère de Homer est d’ailleurs en fuite depuis des décennies, représentant toute cette subculture alternative, qui n’a pas réussi à percer l’étau de l’opposition entre Républicains et Démocrates. Emmanuel Macron, qui est un ultra-moderniste, cherche à réaliser la même chose en France. Il entend faire de LREM le cœur du libéralisme-social, avec l’ancienne Gauche comme appui, tandis qu’il aiderait la fusion de la Droite et de l’extrême-Droite comme version française des « Républicains ».

C’est évidemment trop grossier pour que cela puisse réussir. Non pas parce que Jean-Luc Mélenchon a compris cela : en effet, La France Insoumise cherche au moyen du populisme à maintenir une « troisième force ». Cela ne marchera pas et tout le monde l’a compris et de toutes façons tout le monde se dit que si cela devait avoir marché, ça l’aurait déjà fait.

La raison de l’échec inévitable d’Emmanuel Macron est qu’une grande avancée historique ne peut pas connaître de retour en arrière unilatéral. Il y a bien entendu des reculs possibles dans la forme, mais substantiellement, les travailleurs ont en France tout à fait assimilé qu’il leur fallait leur propre mouvement et ce politiquement.

Même les syndicalistes révolutionnaires de la CNT, malgré leurs succès au tout début des années 2000, n’ont pas réussi à dévier de manière anti-politique ce besoin d’un grand parti de Gauche. D’ailleurs, le Parti socialiste a tout raflé par la suite, malgré sa vacuité et son opportunisme.

Comment la Gauche va-t-elle se reconstituer, alors qu’il y a l’arrière-plan de cette démarche illusoire d’Emmanuel Macron ? Tout va dépendre de la culture historique, de sa remontée à travers une conscience plus forte obtenue par les luttes. Cela va prendre du temps et sera très compliqué, demandant beaucoup de travail, ce qui est inévitablement insupportable à ceux qui n’ont comme objectif qu’une Gauche gouvernementale et électorale.

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Décès de la philosophe hongroise Agnès Heller

Figure éminente de l’école dite de Budapest, la philosophe hongrois Agnès Heller est décédée à l’âge de 90 ans. Elle prolongeait la tradition de Georg Lukacs, philosophe hongrois qui fut très apprécié en France par toute une partie de la Gauche.

Ágnes Heller est rentrée dans un lac pour nager, sans en ressortir ; on pense qu’elle s’est suicidée. Elle était la principale disciple de Georg Lukacs (1885–1971), l’autre grande figure étant le Français Lucien Goldmann, qui a eu du succès dans notre pays au moment de la vague structuraliste.

Elle avait échappée de très peu à la Shoah en Hongrie, dont une large partie de sa famille fut victime. Elle se mit à étudier la physique et la chimie, mais une conférence de Georg Lukacs l’impressionna tellement qu’elle se mit à suivre son enseignement, devenant même en 1955 son assistante.

Georg Lukacs est connu pour sa carrière compliquée. Initialement, c’est un néo-kantien de gauche, qui rejoint la révolution russe et donc la révolution hongroise, tout en relevant du courant publiant la revue centrale-européenne « Kommunismus » et dénoncé par Lénine comme « ultra-gauchiste ».

Il écrit alors une œuvre très connue, « Histoire et conscience de classe », considérée comme un classique du gauchisme. S’inspirant très largement de Kant, il fait de la classe ouvrière une sorte d’être conscient, dont il faudrait justement « pousser » la conscience pour qu’elle devienne « classe pour soi ». Lénine en sera furieux.

Faisant son autocritique, Georg Lukacs devient ensuite un expert des questions de littérature, principalement de la littérature allemande (étant un Juif de Budapest, il est surtout orienté vers l’aire germanophone). Il tente une promotion du réalisme en littérature, mais dans une version « bourgeoise classique » et non « socialiste », ce qui lui vaudra une mise à l’écart au tout début des années 1950.

Il revient sur le devant de la scène avec le « dégel » suivant le rejet de Staline par l’URSS, pour proposer ensuite de plus en plus une sorte de nouvelle philosophie du droit. Ces écrits n’ont jamais été traduits en français, mais ont donné « l’école de Budapest », dont Agnès Heller est la principale représentante.

Elle avait rejoint le Parti Communiste en 1947, mais s’en était fait expulsée dès 1949, en raison de son rejet du matérialisme historique. Son œuvre principale est « L’Homme et la Renaissance », publiée en 1967. Si Georg Lukacs était obsédé par l’idéal bourgeois, Agnès Heller se tourne vers la Renaissance qu’elle voit comme l’affirmation de la pluralité des idées, de l’empathie en direction de la liberté.

Cela l’amena à devenir une dissidente et à quitter la Hongrie, qui fut paradoxalement le pays le plus libéral sur le plan des idées et surtout le plan économique. Surtout, elle était la cheffe de file de l’école dite de Budapest, aux côtés notamment de Ferenc Fehér, György Márkus, et Mihály Vajda. Cette école était ouvertement promue par le régime depuis le début des années 1960.

Il est vrai que la mort de Georg Lukacs en 1971 et les tendances toujours plus ouvertes au libéralisme et au pluralisme firent que l’école de Budapest fut considéré comme devenant encombrante.

Elle fut accueillie les bras ouverts par l’Ouest dès son départ en 1977, devenant immédiatement professeure de sociologie à l’Université de La Trobe à Melbourne, en Australie.

Ce ne fut qu’un bref intermède, car elle succédé à pas moins que Hannah Arendt comme titulaire de la chaire de philosophie de la New School for Social Research à New York, poste qu’elle conserva de 1978 à 1983.

Devenue une figure du pluralisme libéral, Ágnes Heller considérait Viktor Orbán comme un dictateur, mais la Hongrie n’était pas pour elle une dictature.

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François Ruffin en pole position pour avoir «Benito» comme surnom

Les gens de Gauche se tournant vers le nationalisme sont un poison et il est terriblement difficile de trouver un contre-poison efficace. Comment combattre ce qui se prétend social et profite de « l’élan » national ? François Ruffin, en reprenant la Marseillaise, est un exemple terrible d’une telle démarche néfaste. Il est en pole position pour se retrouver sur la même ligne que le fasciste Benito Mussolini.

« Je considère que c’est un symbole qu’on ne doit pas laisser au RN. Je l’ai donc adapté pour en faire un chant de lutte pour aujourd’hui. »

Tel est l’argument de François Ruffin pour reprendre la Marseillaise, en modifiant le texte afin de correspondre à une sorte de nationalisme plébéien. C’est une puissante contribution à la naissance en France d’un mouvement fasciste, c’est-à-dire réfutant la lutte de classes pour prétendre qu’il y aurait une lutte nationale contre une minorité parasitaire.

François Ruffin est à ce titre de plus en plus un petit Benito, car comme Mussolini il vient de la Gauche pour rejoindre le terrain du nationalisme, au nom du « peuple ». À ce rythme-là, d’ici les prochaines présidentielles il aura fondé un nouveau mouvement plébéien, totalement opposé à la Gauche historique et convergeant entièrement avec l’extrême-Droite.

Il n’est guère étonnant que d’ailleurs il ait repris la Marseillaise avec un groupe pseudo punk engagé, « La horde », car on est là dans un esprit correspondant à la petite-bourgeoisie et au lumpenproletariat en même temps. Ce sont même ces faux punks qui ont fait la proposition à François Ruffin de reprendre l’hymne national à l’occasion du 14 juillet !

François Ruffin se trompe d’ailleurs au sujet de l’hymne national. Il dit en effet, en bon populiste :

« En plus, le 14 juillet approche, et j’ai noté un truc, comme élu : ce jour férié est vidé de tout son contenu révolutionnaire. La Bastille et 1789 ne sont pas évoqués lors des cérémonies officielles. Sans doute parce que ce spectre fait encore trembler les bourgeois… »

François Ruffin ne sait donc pas que la fête nationale du 14 juillet ne célèbre pas la prise de la Bastille de 1789. On ne peut pas tout savoir, mais lorsqu’on commence à parler de quelque chose, autant se mettre à niveau…

Il est vrai que François Ruffin se moque de l’histoire et que tout ce qui l’intéresse, c’est une dénonciation démagogique. La chanson utilise tous les poncifs de l’extrême-droite : « Entendez-vous à l’Assemblée, Ces ministres, ces députés », « Les voyez-vous à la télé, Ces milliardaires, ces PDG »…

Naturellement, cette démagogie s’associe aux petits oiseaux et au ciel bleu (« Plus d’hirondelles, plus de moineaux, Plus de sauterelles, et plus d’oiseaux ». Intéressant, cet infantilisme, de la part de quelqu’un qui vient de Picardie et qui n’a jamais pourtant osé dénoncer les chasseurs.

Car s’il y a bien une chose qui démasque François Ruffin, c’est son refus de se confronter aux chasseurs, et donc :

– aux notables ;

– à l’influence culturelle des notables sur la population ;

– aux traditions rétrogrades.

François Ruffin est un plébéien ; il n’est pas quelqu’un qui élève le niveau, qui voit les choses de manière historique. C’est un idéaliste et un populiste, qui prétend aider les gens, alors qu’il les enfonce dans la mesquinerie sur le plan de l’esprit, qu’il les empêche de se discipliner et de se confronter aux véritables problèmes.

La Marseillaise en dénonçant les députés et les riches, en en appelant aux petits oiseaux ? En 2019 ? Certainement pas !

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Il y a 50 ans le 11 juillet 1969, la naissance et renaissance du Parti socialiste

Le congrès d’Issy-les-Moulineaux du Parti socialiste marquait une renaissance après une première constitution deux mois auparavant, marqué entre-temps par un échec électoral complet. Il renaîtra encore une fois avec l’intégration en 1971 de François Mitterrand.

Le 11 juillet 1969, il y a cinquante ans, commençait le congrès d’Issy-les-Moulineaux constitutif du Parti socialiste. Le PS se voulant le continuateur du Parti socialiste SFIO (devenu entre temps surtout « SFIO »), il est considéré comme le 57e congrès, et se déroula jusqu’au 13 juillet, à Issy-les-Moulineaux en banlieue parisienne.

En fait, ce congrès constitutif en est un sans en être un. Car formellement, il est la réalisation du congrès précédent, tenue deux mois auparavant, le 4 mai, à Alfortville en banlieue parisienne. Le symbole du poing et de la rose vient de là, et le nom officiel est « Nouveau Parti Socialiste ».

Entre les deux congrès, Gaston Defferre avait fait 5 % aux présidentielles, première source de crise, d’où le second congrès, et même bientôt encore un autre, le fameux congrès d’Epinay, en banlieue parisienne, marquant en 1971 l’intronisation à sa tête de François Mitterrand, resté à l’écart jusque-là.

Ce n’est pas clair, mais cela ne dérange pas les socialistes alors, car ils sont pragmatiques. Il y a bien entendu des conflits d’idées, de tendances. Cela a toujours été secondaire cependant par rapport au critère fondamental des socialistes français : l’appareil électoral. C’est lui qui compte et peu importe son nom. Le Parti socialiste a ainsi pratiquement trois actes fondateurs, voire un quatrième si on prend la SFIO.

À l’arrière-plan, on retrouve tout un mal français. Les socialistes font les élections politiques, la CGT les luttes syndicales et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. C’est cela, l’origine de la faillite historique de la Gauche en France.

Déjà, parce qu’il n’y a pas la primauté de la politique, contrairement à ce qui s’est passé dans les pays ayant connue une véritable social-démocratie, comme mouvement politique de masse. Il faut ici penser à l’Allemagne, l’Autriche, la Tchéquie, etc. Ensuite, parce que l’horizon est électoral et qu’il n’y a aucune volonté d’organiser à la base. Il faudra attendre le PCF des années 1960-1980 pour voir un parti de Gauche atteindre une réelle base de masses profondément ancrée.

Quand on voit cela, on comprend pourquoi le Parti socialiste existe encore : ses membres espèrent un redémarrage conçu comme inévitable historiquement. La soumission à la candidature de Place publique pour les Européennes n’était clairement comprise que comme un petit passe-temps tactique et même une grande partie du PS le regrettait. L’idée, c’est qu’on a toujours besoin d’un PS, avec des technocrates capables de gouverner sans se définir comme de droite et qu’il n’y a que cela de réaliste à gauche en France.

Naturellement, le Parti socialiste de 1969 ne disait pas cela : il voulait la rupture avec le capitalisme. Il affirmait possible une voie socialiste différente de celle du PCF, mais les deux finiront par s’unir, pour finalement ne même plus vouloir le Socialisme.

Il ne faut pas s’étonner quand on voit cela si on n’y comprend plus rien : trois congrès socialistes, pour finalement s’allier avec le PCF, tout cela pour abandonner le principe de l’établissement d’une société socialiste… En politique, on se dit : tout cela pour cela ? Et on passe son chemin…

Pour cette raison, une reconstruction de la Gauche implique la réaffirmation des valeurs de la Gauche historique, ce qui implique de comprendre comment la France n’a pas réussi à produire une social-démocratie historique à la fin du 19e siècle. Tout est une question de matrice politico-culturelle.

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Le piège de la rhétorique patriotique – nationaliste

Toute une partie de la Gauche a capitulé quant à la construction par en bas et compte utiliser les arguments nationaux, patriotiques pour mobiliser. Ce contournement est considéré comme un pragmatisme temporaire. L’exemple d’Aéroports de Paris qu’il faudrait défendre comme un patrimoine national n’est que le début d’une longue série. Nous sommes en plein dans les années 1930.

Il ne faut pas se voiler le face : l’échec à mobiliser sur le terrain du social va amener à la généralisation de l’outil « national ». Il est toujours plus facile de faire de la démagogie que de développer la conscience de la réalité. Car changer les choses forme un processus exigeant. Il faut étudier, se remettre en cause, utiliser des concepts compliqués, se confronter à des gens, en rejeter certains, etc.

Dénoncer, par contre, de manière populiste, donne une bonne impression auprès de tout un nombre de gens. Beaucoup de gens dans ce qui reste de la Gauche ont décidé d’agir ainsi, afin d’obtenir des résultats à court terme.

Il y a la mode, dans certains groupe d’extrême-gauche, de nier les questions théoriques, idéologiques, pour racoler à coups de minimalisme, en se disant qu’en recrutant, il en ressortira bien quelque chose.

D’autres ont choisi l’option syndicaliste. En prétendant gagner des choses à court terme, ils se valorisent et dénigrent ceux qui n’apporteraient rien. L’absence de résultats à moyen terme pétrifie ce genre d’initiative. Mais entre-temps, il s’est passé des années. La CNT était très connue en France comme syndicat engagé et combatif au tout début des années 2000. Il n’en reste pratiquement rien, après un gâchis humain et militant important.

De manière plus significative en termes de surface, il y a une partie de la Gauche qui pense que le seul moyen de mobiliser le plus largement, c’est en en appelant au sentiment patriotique. C’est comme dans les années 1920 en Italie : voyant que le « social » ne marche pas alors que cela le devrait de par l’ampleur des problèmes, il est considéré qu’on pourrait devenir machiavélique et faire comme au billard : en profitant du patriotisme, on pourrait dévier vers le « social ».

Il suffit de lire les arguments contre la privatisation d’Aéroports De Paris pour voir à quel point cette tendance est prégnante. Jean-Luc Mélenchon a été le grand apprenti sorcier de ces dernières années. Mais il est bien connu que le PCF, tout au long des années 1980, a fait la même chose.

Ce qui précède et ce qui suit est affreux. Ce qui précède, c’est la conception qu’il n’y aurait en France qu’une infime minorité responsable des problèmes sociaux. La bourgeoisie n’existe plus, les capitalistes non plus. La question de la propriété disparaît. Il y aurait quelques familles, une oligarchie, une poignée de financiers, qui seraient les seuls coupables. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de situation où une oligarchie existe, seulement on n’est pas du tout dans ce cas de figure.

C’est le grand paradoxe historique. En niant qu’il y ait la bourgeoisie et en prétendant qu’il y ait une oligarchie, la Gauche utilise le nationalisme, amenant une mobilisation de populaire… justement utilisée par une partie de la bourgeoisie pour prendre le contrôle de l’État.

Si l’on regarde bien, en filigrane, c’est cela que craint la Gauche refusant Jean-Luc Mélenchon. La réduction à une opposition entre libéraux et nationalistes, avec une agitation populaire, forme un ensemble amenant à terme la victoire des nationalistes qui utilisent la « révolte » pour s’imposer.

Cette Gauche a donc raison de chercher à éviter cela à tout prix. Elle a raison de vouloir l’unité, la recomposition pour générer une nouvelle alternative, une nouvelle option, empêchant le simple affrontement entre libéraux et nationalistes.

Cependant, on est loin du compte. Toute une partie de cette Gauche est largement contaminée par les valeurs libérales. La grande majorité des gens d’ailleurs assimilent la Gauche à une sorte de variante plus libérale et plus sociale du macronisme. Le refus des valeurs de la Gauche historique a produit François Hollande et celui-ci a produit Emmanuel Macron. Ce n’est pas en revenant à François Hollande ou même ce qu’il y a juste avant lui qu’on va régler les problèmes.

Il ne suffit pas d’être sincère et de chercher à proposer des choses. Si cela avait été le cas, alors Benoît Hamon aurait réussi et si l’on raisonne en termes de logique et pas de politique, c’est lui qui aurait dû l’emporter dans le camp de Gauche. Seulement, il y a un pays qui a une histoire, il y a une bataille des valeurs. Il ne suffit pas de vouloir gérer les choses en cherchant à aller dans le bon sens.

Si l’on regarde d’ailleurs l’Histoire, on peut voir qu’on est mal parti. Comment réussir avec les forces actuelles, quand on voit l’énergie démesurée mobilisée lors du Front populaire, lorsque les socialistes et les communistes avaient de véritables assises de masse ?

Comment réussir, quand on voit que les seuls qui se donnent réellement du mal pour construire, structurer, mettre en place des raisonnements, des idéologies, sont des gens comme Marion Maréchal, Alain Soral, Eric Zemmour, etc. ?

Ce qui se dessine représente un défi immense et la Gauche risque de se retrouver comme celle en Italie au tout début des années 1920 : isolée et traversant un grand désert.

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Manifeste du premier festival des idées

Un « festival des idées » avait lieu ce week-end à la Charité-sur-Loire dans la Nièvre, rassemblant beaucoup de courants de la Gauche ou issus de la Gauche, cherchant l’unité politique. 

1 500 personnes étaient présentes à l’initiative d’un ancien député PS, Guillaume Duval, soutenu par toute la presse qu’on doit qualifier de bobo de gauche, Alternative économique, Politis, L’Obs, Libération, Médiapart, Basta mag, Regards, Le vent se lève.

On a pu y voir Cécile Duflot d’EELV, Clémentine Autain, Manon Aubry ou Raquel Garrido de la France insoumise, Emmanuel Maurel, proche de la France insoumise, Guillaume Balas de Génération-s ou encore Boris Vallaud, François Lamy et Jean-Marc Germain du Parti socialiste.

Ce n’était pas un événement populaire organisé de longue date sur des bases démocratiques, mais un événement relativement confidentiel pour des gens déjà dans le petit milieu de la Gauche, qui malheureusement tourne sur lui-même, persistant à évoluer à l’écart de la société et des classes populaires.

Voici le Manifeste issu de cette première rencontre, qui annonce probablement d’autre initiatives. On notera que le ton se veut très engagé, mais qu’il ne dit en même temps pas grand chose, n’osant même pas le terme de Socialisme. On y trouvera certainement beaucoup de bonne volonté, mais en tout cas pas celle d’un retour aux fondamentaux de la Gauche historique avec la classe ouvrière comme centre de gravité.

« MANIFESTE DU PREMIER FESTIVAL DES IDÉES

Les périls montent. Nous prenons la parole, car se taire serait renoncer. Nos générations devront faire preuve d’une immense mobilisation de courage, d’imagination et de désintéressement pour faire face.

Pour la première fois dans l’histoire, l’avenir de la vie sur terre est menacé. L’extrême lenteur des décisions, le poids d’intérêts puissants qui ne sont pas ceux des peuples, la cécité et la lâcheté mettent en doute notre capacité à endiguer en Europe et dans le monde les catastrophes écologiques, sociales et démocratiques.

Au même moment, la France est prise en tenaille entre un néolibéralisme autoritaire fasciné par la toute- puissance du marché, et une extrême-droite xénophobe. L’échec de l’un prépare l’arrivée de l’autre.

C’est pourquoi nous appelons à un soulèvement des consciences et à la réunion des forces de l’alternative. La peur tétanise, les certitudes paralysent, mais les idées peuvent changer le monde, quand elles invitent au dépassement des égoïsmes et au bien commun.

CE QUI DOIT CHANGER 

La politique est en panne. Nous devons la changer. Le double langage la discrédite : dénoncer les excès du capitalisme et en même temps signer les traités de libre-échange, c’est une illustration de ce grand écart mortifère. Les classes moyennes et populaires n’y ont pas leur place.

La défiance atteint des sommets. Le mouvement des Gilets jaunes, la révolte sociale la plus large depuis un demi-siècle, n’a reçu aucune réponse à la hauteur des situations intolérables qu’il révélait. Les inégalités et les discriminations rongent notre pays. Nous refusons que ces failles ouvertes séparent sans appel plusieurs France.

Mais s’opposer ne suffit jamais, nous devons nous rassembler pour proposer.

La société doit faire le programme. C’est d’abord à la société d’inventer son futur et ses projets, et non plus aux seuls dirigeants politiques. Elle a tout pour l’écrire : les colères et les utopies concrètes, les solidarités actives et l’excellence collective, le goût de bâtir et le sens de l’intérêt général. Et d’abord l’énergie, les vies, les idées, l’expérience de millions de gens.

Il faut affirmer que l’écologie est un impératif central, le progrès humain le but et non pas une variable d’ajustement, la démocratie un préalable pour réussir les mobilisations et les transitions.

Nous voulons abolir ce pouvoir technocratique et marchand sur nos idées et sur nos vies. Nous appelons à créer un espace démocratique puissant, une communauté de citoyens agissants, pour inventer les nouvelles coordonnées de la politique.

Pour la première fois, proposons aux citoyens, à des femmes et des hommes venus de la société et des territoires, à des innovateurs du quotidien et du terrain de se retrousser les manches, ensemble. C’est en quittant le confort des institutions établies que s’inventent les projets optimistes.

Cette naissance est une promesse, celle d’un nouvel imaginaire qui se construit. Nous ne pensons pas pareil, tant mieux si le but est le même : sans nier les différences, ne cultivons pas les divisions. Sans redouter les controverses, refusons la violence des mots, bâtissons ensemble cette fédération des idées et des projets qui préparent d’autres combats.

Pour gagner cette bataille, il faut faire tomber les murs qui divisent et qui paralysent. Ces murs qui font de l’Europe une forteresse assiégée. Ces murs qui dispersent et condamnent à l’impuissance les gauches éparpillées, les écologistes, les syndicalistes, les mouvements citoyens, et les éloignent des classes populaires.

Il est urgent que cessent les guerres de chapelles. Pour être à la hauteur de la France, en 2022, il n’y aura pas de salut solitaire, mais l’ardente nécessité de se rassembler, afin de transformer l’alternative en alternance. Les partis et les citoyens engagés devront faire l’apprentissage des coalitions. C’est le seul chemin, à un moment où être de gauche, c’est être nécessairement écologiste, et où pour écologiste, il faut impérativement défendre une République sociale.

NOS ENGAGEMENTS 

Le Festival des idées est un événement, pas un mouvement. Ce festival est différent parce qu’il veut rassembler et faire dialoguer citoyens, acteurs de la société civile organisée et responsables politiques. Nous avons démontré ici la vitalité des idées et la capacité d’invention de notre peuple. Quand chacun prend la parole et trouve sa place, l’écoute des autres permet de penser mieux. C’est la représentation de tous qui permet la participation et l’adhésion de chacun.

Femmes et hommes engagés dans le mouvement associatif, des syndicats, des médias, chercheurs, artistes, actrices et acteurs d’entreprises citoyennes, des banlieues et de la ruralité, de l’accueil des migrants, des luttes de la jeunesse ou encore contre la pauvreté : un monde se lève, prêt à prendre toutes ses responsabilités. Vous êtes, nous sommes de ce monde-là.

Pour amplifier ce mouvement, nous travaillerons au cours des prochains mois à des « Idées pour demain », pour les mettre en débat lors de la seconde édition du Festival des Idées en juillet 2020. Nous engageons ce travail intense en mixant les origines, les géographies, les expériences et les savoirs.

Nous appelons à l’éclosion de Festivals des Idées partout où la volonté de faire tomber les murs et d’inventer de nouveaux horizons existe.

Rejoignez notre combat pour penser et pour agir, pour rassembler, associer, coopérer, mener les combats communs, inventer d’autres façons de vivre. Oui, l’espoir est contagieux. »

On retrouvera également la Charte sur le site du festival, permettant de relayer l’initiative dans sa région.

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Politique

Léon Blum, Pour être socialiste (1919)

Il y a 100 ans, le dirigeant de la SFIO Léon Blum publiait cet article destiné aux jeunes, qui est un classique pour la Gauche en France.

« Pour être socialiste

À mon Fils,

Jeunes filles et jeunes gens qui lirez ces quelques pages, je ne vous demande que ceci : lisez avec une entière foi dans la sincérité de l’homme qui s’adresse à vous, lisez avec une attention dégagée des préjugés qui vous enserrent sans doute depuis votre enfance, lisez en laissant se former en vous l’appel de vos consciences dont les rigueurs de la vie n’ont pas encore faussé la voix, lisez avec vos yeux frais et votre esprit libre.

De quoi est né le socialisme ?

Voilà longtemps que les hommes travaillent, souffrent et pensent sur cette terre. Leurs efforts accumulés par les siècles ont créé peu à peu une moralité universelle, ont constitué comme un patrimoine commun de sentiments que chacun de nous porte en soi dès sa naissance, que chacun de vous peut retrouver en lui-même. Nous naissons avec le sentiment de l’égalité, avec le sentiment de la justice, avec le sentiment de la solidarité humaine. Nous savons, avant d’avoir rien appris, et par un instinct qui est l’héritage de nos ancêtres, que nous apparaissons tous en ce monde égaux, avec le même droit à la vie, avec le même droit au bonheur, avec le même droit de jouir des richesses indivises de la nature et de la société. Nous savons qu’il doit exister un rapport permanent, équitable entre nos droits et nos devoirs, entre notre travail et notre bien-être. Nous sentons que notre bonheur n’est pas indépendant de celui des autres hommes, de même que notre travail demeurerait vain sans le leur, mais que leurs souffrances et leurs misères sont les nôtres, que toute injustice qui les atteint doit nous blesser. Nous sentons que la vertu véritable, celle qui procure la pleine satisfaction du cœur, c’est de savoir sacrifier fût-ce notre intérêt présent et notre profit égoïste, au bonheur commun et à la justice future, et que là sont les formes authentiques de cette fraternité que nous enseignaient les religions, de l’immortalité qu’elles nous ont promise.

De quoi est né le socialisme ? De la révolte de tous ces sentiments blessés par la vie, méconnus par la société. Le socialisme est né de la conscience de l’égalité humaine, alors que la société où nous vivons est tout entière fondée sur le privilège. Il est né de la compassion et de la colère que suscitent en tout cœur honnête ces spectacles intolérables : la misère, le chômage, le froid, la faim, alors que la terre, comme l’a dit un poète, produit assez de pain pour nourrir tous les enfants des hommes, alors que la subsistance et le bien-être de chaque créature vivante devraient être assurés par son travail, alors que la vie de chaque homme devrait être garantie par tous les autres. Il est né du contraste, à la fois scandaleux et désolant, entre le faste des uns et le dénuement des autres, entre le labeur accablant et la paresse insolente. Il n’est pas, comme on l’a dit tant de fois, le produit de l’envie, qui est le plus bas des mobiles humains, mais de la justice et de la pitié, qui sont les plus nobles.

Je n’entends pas soutenir, vous le comprenez bien, que tous les sentiments généreux et désintéressés de l’âme humaine ne se sont manifestés dans le monde qu’avec les doctrines socialistes. Ils sont plus anciens, s’ils ne sont pas éternels. L’instinct de justice, de solidarité, de moralité humaine qui trouve aujourd’hui son expression dans le socialisme a, tout le long de l’histoire, revêtu d’autres formes et porté d’autres noms. C’est cet instinct qui a fait la force des religions modernes, puisque toutes, à leur naissance, dans leur première phase de prosélytisme populaire, se sont tour à tour adressées à lui. Un encyclopédiste du XVIIIe siècle, un jacobin de la Convention, un démocrate de 1830 étaient probablement mus par les mêmes sentiments qui font aujourd’hui le ressort et la force vive de notre action. Mais – là est le point essentiel – la foi socialiste est la seule forme de cet instinct universel qui réponde exactement aux conditions actuelles de la vie sociale, de la vie économique. Toutes les autres ont été dépassées par le cours des temps. Toutes les autres sont discordantes et retardataires. Que ceux qui s’y obstinaient de bonne foi le comprennent et viennent à nous.

Le socialisme est donc une morale et presque une religion, autant qu’une doctrine. Il est, je le répète, l’application exacte à l’état présent de la société de ces sentiments généraux et universels sur lesquels les morales et les religions se sont successivement fondées. Sa doctrine est économique plutôt que politique. Pourquoi ? Parce que l’analyse de l’histoire – analyse que chacun de nous peut vérifier et confirmer par son expérience quotidienne – établit précisément que les faits économiques, c’est-à-dire les formes de la propriété, les phénomènes de production, d’échange et de distribution de denrées, dominent de plus en plus l’évolution des sociétés modernes, gouvernent de plus en plus leurs institutions et leurs rapports politiques.

Sa doctrine a pour principe initial ce qu’on appelle la lutte des classes. Pourquoi ? Parce qu’en effet, le caractère essentiel des sociétés modernes, considérées du point de vue économique, est la division progressive en deux classes des individus qui les composent : d’une part, les possédants, ceux qui détiennent le capital et les moyens de production créés par la nature ou par le labeur accumulé des siècles ; d’autre part, les prolétaires, ceux dont la propriété consiste uniquement dans leur force personnelle de travail, dans leur vie et dans leurs bras. Concentration progressive des capitaux et des instruments de travail entre les mains des possédants, accroissement progressif du nomb21re des prolétaires, tel est le trait dominant de l’évolution économique depuis un siècle et demi, c’est-à-dire depuis que la science a multiplié l’emprise des hommes sur les richesses et les puissances naturelles. Obligation impérieuse pour le prolétaire de travailler au service et au profit du capital, de devenir le salarié d’un patron, telle est la conséquence inéluctable de cette évolution.

Pourquoi est-on socialiste ?

On est socialiste à partir du moment où l’on a considéré ce fait essentiel : le patronat et le salariat s’engendrant l’un l’autre et s’opposant l’un à l’autre, à partir du moment où l’on se refuse à accepter ce fait comme nécessaire et éternel, à partir du moment où l’on a cessé de dire : “ Bah !, c’est l’ordre des choses ; il en a toujours été ainsi, et nous n’y changerons rien ”, à partir du moment où l’on a senti que ce soi-disant ordre des choses était en contradiction flagrante avec la volonté de justice, d’égalité, de solidarité qui vit en nous.

Est-il vrai d’ailleurs qu’il en ait toujours été ainsi, toujours et partout ? Non, l’effort séculaire des hommes pour vivre en société, pour exploiter en commun le patrimoine des richesses naturelles a déjà connu d’autres formes dans l’histoire. Le salariat lui-même présentait des caractères moins définis aux temps de l’artisanat, du petit négoce et de la petite industrie. Sa généralité comme ses conditions actuelles, datent des progrès du machinisme et du développement des sociétés anonymes de capitaux. Il est vrai qu’il est devenu aujourd’hui la loi commune. Mais c’est cette loi que ni notre raison ni notre cœur n’acceptent plus.

Vous êtes le fils d’un salarié, ouvrier, employé, journalier agricole. Sauf hasard providentiel, votre destinée est de demeurer toute votre vie un salarié. Voilà, tout à côté de vous, dans la rue voisine, le fils d’un possédant, d’un détenteur de capitaux. À moins de circonstances extraordinaires, il restera sa vie entière, directement ou indirectement, un patron. Vous travaillerez pour lui, pour l’entreprise qu’il dirige, ou bien pour l’entreprise où il a placé ses fonds et dont il a mis les titres dans son tiroir. Le produit de votre travail servira pour une part à vous nourrir, vous et les vôtres, mais pour le surplus, à constituer ses profits. Ce salaire, tant qu’il a été le maître absolu, il l’a comprimé, maintenu à un taux dérisoire et inhumain, pour accroître à la fois ses débouchés et ses bénéfices. Il a dû le relever peu à peu depuis que vos camarades et vous, groupés pour votre défense commune, lui avez fait sentir, de temps en temps, la menace de votre force, depuis aussi que, sous l’influence des penseurs et des hommes d’action socialistes, l’opinion publique s’est entr’ouverte aux idées de progrès et d’équité. Cependant, votre salaire ne représentera jamais la valeur entière de votre travail. Toujours, quoi qu’il arrive, une part de cette valeur sera perçue, retenue au profit du capital que l’autre possédait à sa naissance et que vous ne possédiez pas. Il en sera ainsi pendant toute sa vie, et pendant toute la vôtre.

Pourquoi ? Est-ce juste ? Et cela peut-il durer ?

Que disaient, il y a cent trente ans, les hommes de la Révolution française ? Ils disaient : fils de noble, fils de bourgeois, fils de serf ou de manant, les hommes naissent tous libres, tous égaux, pétris du même limon, de la même argile. La société doit consacrer leur égalité naturelle. Plus de distinction tirée de leur origine, de ce qui précède leur venue au monde, de ce qui devance la manifestation de leur utilité personnelle…

Les hommes de la Révolution avaient cru achever leur œuvre en confondant tous les ordres de l’ancienne société. Ils ne se doutaient pas que, dans la société moderne, la même iniquité reparaîtrait, sous une forme moins supportable encore, par la formation et la distinction des classes. Ils ne se doutaient pas qu’il nous faudrait reprendre, après eux, sur nouveaux frais, leur tâche révolutionnaire. Fils de possédant ou fils de prolétaire, les hommes naissent tous libres, tous égaux. Pourquoi la société livre-t-elle les uns aux autres, asservit-elle les uns aux autres, exploite-t- elle le travail des uns au profit des autres ?

On nous répondra : la société distribue à chacun de ses membres le rôle, la tâche qui convient à ses facultés. Il faut bien que l’un commande et que l’autre obéisse, que l’un dirige et que l’autre exécute, que l’un travaille de son cerveau, l’autre de ses bras. Il existe nécessairement comme une hiérarchie d’emplois sociaux, auxquels une société policée pourvoit selon la différence des aptitudes, c’est-à-dire de l’intelligence et de la culture. Soit, il faut des hommes pour toutes les tâches, et il serait absurde que chacun d’eux prétendît à diriger les autres. Mais où trouverons-nous l’assurance que le fils du possédant en fût plus digne que le fils du prolétaire ? Quand donc a-t-on mesuré contradictoirement leurs aptitudes, c’est-à-dire leur intelligence et leur culture ? L’un est plus instruit que l’autre ? C’est qu’un premier privilège, une première distinction arbitraire les a séparés, dès que leur conscience s’éveillait à la vie. Les fils de possédants ont eu leurs écoles à eux, où l’instruction n’a pour ainsi dire pas de fin, où le plus médiocre esprit, à force de temps et de sollicitude, finit par usurper un semblant de connaissances. Les fils de prolétaires ont les leurs, où l’étude est limitée dans ses programmes et dans sa durée, et que les plus aptes doivent quitter bien vite pour apporter à leur famille un complément de subsistance, pour entrer à leur tour dans la servitude du travail salarié.

Si l’on prétend réserver aux plus dignes les emplois de direction et de commandement, qu’on commence donc par donner à tous la partie égale ! Que l’instruction soit commune entre tous les enfants, semblable pour tous, qu’elle devienne entre eux un moyen de sélection exacte… et alors nous verrons bien à qui le prix du mérite reviendra. Que de degré en degré l’école nationale retienne vers les cultures supérieures et les hauts emplois sociaux ceux qui s’en montreront les plus dignes, ceux-là seuls, fussent-ils fils de possédants. Ce jour-là, nous pourrons constater dans quelle classe de la société la sève humaine monte avec le plus de vivacité et de fraîcheur. D’ici là, on aura justifié un privilège par un autre, rien de plus.

On nous répondra encore, comme dans les livres de morale : il ne tient qu’aux fils d’ouvriers. Qu’ils soient laborieux, sobres, économes, qu’ils appliquent toute leur force à leur travail, qu’ils acquièrent la confiance de ceux qui les emploient et, peu à peu d’échelon en échelon, ils pourront devenir à leur tour patrons ou propriétaires. Il n’existe plus, dans notre société actuelle, de caste fermée dont l’entrée soit interdite. Parmi les patrons d’aujourd’hui combien sont fils de prolétaires, combien ont débuté dans la vie sans privilège héréditaire du capital, avec le seul don de leur énergie et de leur intelligence … je le concède encore. Il est vrai que, parmi les patrons d’aujourd’hui, et quelquefois parmi les plus puissants, tous ne le sont pas par droit de naissance. Les sociétés modernes font une terrible consommation d’hommes. Il y a chez elles disette de talents tout comme il y aura un jour pénurie de charbon. Elles ne peuvent s’embarrasser sur le choix ou discuter sur l’origine,

Réfléchissez cependant. Si les enfants d’ouvriers et de paysans étaient tous également sobres, économes, laborieux, pourraient-ils devenir tous, en récompense de leurs vertus, patrons ou propriétaires ? N’est-il pas évident que la classe privilégiée est, par sa nature même, une sorte d’oligarchie, une classe à effectif nécessairement limité ? L’un ou l’autre d’entre vous, par son mérite ou sa bonne fortune, pourra peut-être un jour franchir la barrière ; mais elle ne saurait s’ouvrir à tous. On disait jadis, après l’abolition des lois qui réservaient aux gens de “ sang bleu ” tous les grades militaires, que chaque soldat portait dans sa giberne le bâton de maréchal de France. Que voulait-on dire par là ? Qu’aucun obstacle légal n’empêchait plus un soldat de parvenir au grade suprême, et de même, il n’y a pas d’impossibilité légale à ce que le petit apprenti devienne un jour le chef de la grande usine. Mais à quoi se réduit sa chance ? Combien y a-t-il de soldats qui, de leur giberne, doivent faire sortir le bâton de maréchal ?

La véritable égalité

Que prouveraient d’ailleurs ces élévations isolées ? Si les privilégiés d’aujourd’hui sont nés un peu partout, les privilèges n’en sont ni moins iniques, ni moins odieux. S’il n’existe plus entre les classes de cloisons étanches, si leurs limites sont indécises, elles n’en sont pas moins ennemies. Il se produit des échanges entre elles. Qui le nie ? Mais dans le hasard de ces échanges nous ne pouvons voir que des accidents, non pas le jeu normal d’une loi. Qu’un ouvrier accède à la bourgeoisie, c’est un miracle. Qu’un bourgeois retombe au travail manuel, c’est une catastrophe. Tel patron est le fils d’un ouvrier ou d’un paysan, je le veux bien. Mais que seront ses enfants à lui ? des fils de bourgeois comme les autres. La bourgeoisie aura pompé un peu de sang jeune, voilà tout.

Là n’est pas la véritable égalité. Quand bien même dans la société présente – et cela n’est ni vrai ni possible – il existerait une harmonie entre les privilèges sociaux et les qualités individuelles, si ceux qui commandent étaient les plus dignes du commandement, si les plus riches étaient les plus dignes de la fortune ; rappelez-vous ceci : que le capital se transmet indéfiniment alors que nulle qualité du corps et de l’esprit n’est nécessairement héréditaire. Avec chaque génération, le classement humain recommence sur nouveaux frais. Le fils de l’homme le plus intelligent peut être un sot, le fils de l’homme le plus énergique peut être un faible. S’ils n’apportent pas ces tares en naissant, le luxe et la paresse peuvent promptement les en affliger. Quel droit peuvent-ils revendiquer au privilège social sinon leur droit de naissance ? Ils le recueilleront pourtant dans leur héritage, comme un dauphin de France recueillait jadis la couronne de droit divin, comme l’aîné d’un noble recueillait les titres et les terres de sa maison. La société actuelle n’interdit pas à l’ouvrier, au paysan de conquérir parfois les hautes dignités capitalistes, mais renvoie-t-elle leurs enfants à l’atelier ou à la terre, quand ils ne sont bons, comme il arrive, qu’à conduire la charrue ou qu’à manier le marteau ?

La véritable égalité consiste dans le juste rapport de chaque individu d’où qu’il soit né, avec sa tâche sociale. Certes, le socialiste ne nie pas cette donnée brutale : l’inégalité naturelle, l’inégalité de la force, de la santé, de l’intelligence entre les individus. Il n’entend pas faire passer sur eux le rouleau compresseur pour les réduire tous au même niveau, pour les confondre tous dans une sorte de moyenne humaine. La tâche qu’il veut assumer est plus lourde cent fois que celle de la société actuelle, puisqu’il veut exploiter au mieux cette terre, tirer le plus riche rendement des ressources delà nature et de l’industrie, les produire avec la moindre dépense de travail humain, les répartir selon le juste équilibre des besoins. Donc, plus encore que la société actuelle, et parce que son œuvre comportera des besognes de direction plus complexes, il attache du prix à l’intelligence et à la science. Nous comprenons clairement, nous socialistes, que nous n’accomplirons l’œuvre immense qui nous est remise par le destin, qu’en plaçant chaque travailleur à son poste exact de travail, à celui que lui assignent ses facultés propres, judicieusement reconnues et cultivées par l’éducation commune. Mais ces affectations nécessaires, nous les réglerons par la seule considération des aptitudes personnelles, au lieu de les abandonner follement, comme le régime bourgeois, aux accidents de la naissance. D’ailleurs, dans cette répartition des tâches, nous n’entendons introduire aucune idée de hiérarchie et de subordination.

Nous ne séparerons pas à nouveau l’unité sociale en castes mouvantes mais tranchées. Meilleurs ou pires, plus forts ou plus faibles, tous les travailleurs nous apparaissent égaux et solidaires devant le même devoir. La bonne distribution du travail commun exige qu’entre eux le commandement revienne aux plus dignes, mais il leur sera remis pour le profit commun non pour leur honneur et leur profit personnel. Notre but n’est pas du tout de rémunérer leur mérite qui est l’ouvrage de la nature et de l’effort accumulé de la civilisation, mais de l’utiliser dans l’intérêt de la collectivité tout entière. Ils ne seront pas à proprement parler, des chefs, mais des travailleurs comme les autres, associés, assemblés dans la même œuvre avec leurs frères de travail, chacun peinant à son poste, tous s’efforçant vers le même objet, qui est l’égal bien- être et le bonheur commun des hommes.

De quoi est fait le capital ?

Ainsi, par une révolution semblable à celle qu’ont accomplie nos pères, nous installerons la raison et la justice là où règnent aujourd’hui le privilège et le hasard. Dans la République du Travail, point de distinctions sociales, mais seulement des répartitions professionnelles. Ces affectations auront pour fondement unique l’aptitude personnelle, propre à chaque individu, naissant et s’éteignant avec lui. La société présente au contraire repose essentiellement sur la division en classes : classe des possédants, classe des prolétaires, et cette division a bien pour principe le capital, puisqu’elle apparaît avec la possession du capital, puisqu’elle se transmet et se perpétue, comme vous l’avez vu, avec le capital lui-même.

Il est temps ici de retourner en arrière et d’envisager de plus près ce mot dont nous nous sommes déjà servis tant de fois. Le capital qu’est-ce donc que ce talisman magique dont la présence ou l’absence transforme notre condition, notre état, notre vie entière ? Comment se présente-t-il à nous, quelle est son origine ou sa raison d’être, de quoi est-il fait ?

Si je dis de mon voisin qu’il est un riche capitaliste, cela signifie qu’il est propriétaire de terres et d’usines, qu’il possède ce qu’on appelle aujourd’hui des valeurs mobilières – actions de sociétés ou rentes sur un État, – qu’il a de grosses sommes placées chez son banquier ou chez son notaire et beaucoup de billets de banque ou d’or dans son tiroir. L’or et les billets de banque ne sont pas des richesses réelles, ce sont des monnaies, c’est-à-dire des valeurs fictives, imaginées dans un état lointain de la civilisation pour représenter les denrées et marchandises de toute espèce, pour en faciliter l’échange et la conservation. Les métaux précieux et le numéraire sont, dans le régime actuel, les moyens de paiement universellement adoptés, mais ils ne sont par eux-mêmes d’aucune utilité sociale. Il est aisé de concevoir une société parvenue à un haut degré de culture et de civilisation, où la monnaie ne serait cependant pas employée. Il suffirait d’adopter, entre les hommes, une autre façon de distribuer les produits de leur travail et les richesses naturelles. Si nous faisons, par l’imagination, l’effort de supprimer tout l’or et tous les billets existant sur cette terre, les intérêts privés d’une multitude d’hommes en seront momentanément bouleversés, mais, dans son ensemble, la richesse totale du monde n’en sera aucunement diminuée. Car, considérée en elle-même, la monnaie ne satisfait à aucun des besoins des hommes. Ce n’est pas avec de l’or qu’on mange, qu’on se chauffe ou qu’on se vêt, qu’on bâtit ou qu’on construit une machine. Nous en sommes venus, peu à peu, à considérer l’or comme le signe représentatif de toutes les valeurs, mais il n’est pas par lui-même une valeur, si ce n’est pour les rares industries qui l’emploient comme matière première. Un compte dans une banque n’est pas autre chose qu’une certaine quantité de monnaie mise en dépôt et que le dépositaire s’engage à nous représenter sur notre demande. Les rentes ou les actions ne sont pas autre chose que des monnaies à valeur variable et productrices de revenu annuel. À l’origine du compte, il y a un versement de numéraire. À l’origine du titre de rente ou de l’action, il y a une opération de placement, c’est-à-dire l’échange de la valeur mobilière contre une certaine quantité d’or ou de billets. Toute cette première catégorie de capitaux ne représente donc, sous une forme simple ou compliquée, directe ou indirecte, que la monnaie et ses divers modes de transformation.

Nous pourrions en rechercher ensemble l’origine, et nous nous convaincrions aisément que dans l’immense majorité des cas la possession du numéraire, sous ses multiples formes, ne correspond nullement au travail personnel de l’homme qui le détient, que cette valeur a été créée, avant lui, en dehors de lui, par le travail des autres hommes. Mais je préfère insister sur le21 fait essentiel, à savoir qu’il s’agit uniquement ici d’une valeur imaginaire, d’une valeur de convention, que, nous autres hommes, jouons avec la monnaie comme on voit les enfants jouer avec des jetons ou des cailloux, et qu’on pourrait la supprimer d’un trait de plume sans que la consistance vraie du monde fût changée, sans que la somme des richesses réelles qu’il engendre pour les besoins des hommes fût diminuée d’un morceau de pain. On nous a mainte et mainte fois affirmé que, même sous cette première forme, le capital était indispensable à la vie des sociétés. À quelle fonction vitale des sociétés serait-il donc nécessaire ? Parler ainsi, comme on le fait chaque jour, c’est commettre une confusion puérile entre les capitaux eux-mêmes et les produits ou marchandises de toute espèce que, dans l’économie actuelle, ils représentent et permettent seuls d’acquérir. Les capitaux ne sont pas nécessaires, et ne peuvent le sembler qu’en vertu d’une fiction, d’une convention universelle. Ce n’est pas, je le répète, avec de l’argent que l’on monte une usine ou que l’on rend une terre productrice, c’est avec des matériaux ou des outils que l’argent n’a pas créés et qui existeraient sans lui. Ce n’est pas en réalité avec l’argent qu’on paie des salaires, c’est avec des denrées de toute sorte qu’on échange aujourd’hui contre l’argent, mais qui sont produites sans lui, et qui pourraient être réparties par un autre moyen. Si vous voulez apprécier l’importance relative du travail et des capitaux d’échange, songez qu’on pourrait retirer du monde, sans l’appauvrir, toutes ses richesses monnayées, alors qu’on n’en saurait retirer, sans paralyser sa vie, un seul jour du travail unanime des hommes. Cependant la possession de ce signe conventionnel, de ce simulacre, assure aux heureux élus, comme dans les contes de fées, tous les bienfaits et la satisfaction de tous les vœux : le droit de ne pas participer par le travail au labeur commun du monde, le droit de prélever un large tribut sur ce que produit le travail des autres, le droit de faire fleurir leur paresse et leur faste sur le surmenage et la misère de la multitude. Nos yeux et notre esprit sont accoutumés à ce spectacle ; nous en sommes venus à le juger naturel. Si nous en trouvions le tableau dans quelque récit d’explorateur, ou dans les visions imaginaires d’un Rabelais ou d’un Swift, son absurdité nous saisirait autant que son injustice.

J’en viens à la seconde classe de capitaux : la terre, son sol et son sous-sol, les forces qu’elle recèle, les bâtiments qui la couvrent, les engins de toute sorte dont l’industrie humaine l’a peuplée. Ici, c’est autre chose. Ce capital est réel. Il représente notre vrai patrimoine, notre vraie richesse. Il n’est pas moins indispensable à notre vie que le travail, puisque c’est à lui que le travail s’applique, c’est lui que le travail fait valoir. Ces richesses communes de la terre sont la condition même de notre existence ; aussi le labeur continu des hommes les a-t-il en partie créées, en partie aménagées : et si l’avenir peut nous promettre de plus en plus de bien-être, de plus en plus de confort et de sécurité, c’est par leur exploitation plus exacte et plus savante. Mais, s’il en est ainsi, comment concevoir que ce qui est nécessaire à la totalité des hommes demeure la propriété exclusive de quelques-uns ? Où sont leurs titres ? Le capital utile du monde est, pour une part, le don gratuit de la nature, d’autre part, l’héritage du travail séculaire de l’humanité, car toutes les générations qui se sont succédé sur cette terre y ont tour à tour ajouté leur part. N’avons-nous pas tous la même vocation aux richesses naturelles ? N’en sommes-nous pas tous, en naissant, propriétaires égaux et indivis comme de l’air et de la lumière ? N’y avons-nous pas tous le même droit, contre le même devoir, — le devoir de les entretenir et de les accroître dans la mesure de nos forces. Quel jour, pour reprendre le mot d’un poète, avons-nous, comme Esaü, vendu notre part de l’héritage ? Et tout ce qu’a incorporé à la nature, depuis des centaines et des milliers de siècles, depuis que l’homme a paru sur cette terre, le travail accumulé des générations, comment une poignée d’individus s’arrogerait-elle le pouvoir d’en détenir, à elle seule, le profit et l’usage ? C’est à tous les hommes que doit revenir le bien créé par tous les hommes. C’est la collectivité présente qui est la seule héritière légitime de la collectivité indéfinie du passé. La nécessité commune, l’origine commune, voilà ce qui justifie doublement la communauté du capital, en tant que le capital représente l’ensemble des richesses naturelles et des moyens de production.

Il y a dans cette vérité quelque chose d’éclatant et de nécessaire, et l’on n’en peut plus détacher ses yeux dès qu’on l’a clairement saisie une fois. Pourtant, il est naturel qu’elle ait longtemps échappé à l’intelligence humaine. Durant de longs siècles, le travail humain s’est poursuivi dans un état de dissémination extrême et d’ignorance réciproque. Courbé sur sa tâche isolée, n’apercevant rien de celle qu’accomplissaient ailleurs les autres hommes, n’employant guère à son effort particulier que sa propre force, le travailleur adaptait, ajoutait à sa personne son instrument de travail. Le petit champ que le paysan cultive, le marteau du forgeron, le métier du tisserand leur semblaient comme un prolongement de leurs bras. Cet aspect individualiste du travail semblait ainsi justifier, ou même engendrer la propriété individuelle. Mais, depuis cent cinquante ans, les grandes industries et les grandes agglomérations d’hommes se sont formées. L’exploitation des richesses naturelles n’est plus remise à l’effort morcelé des individus. Les besoins accrus du monde ne peuvent plus être satisfaits, la population multipliée du monde ne peut plus subsister par la totalisation de tâches distinctes et indépendantes. Les moyens de production sur lesquels repose l’existence de l’univers moderne se séparent de plus en plus de la personne qui les manie pour s’ajuster dans un ensemble organisé.

L’univers a pris de plus en plus la figure d’une usine immense et unique dont tous les rouages solidaires concourent à une même fin. Chaque jour nous voyons se resserrer ces liens de dépendance mutuelle entre les espèces multiples de moyens de travail et de travailleurs. L’économie d’autrefois les abandonnait chacune à son libre jeu, à son initiative autonome. L’économie d’aujourd’hui les assemble, bon gré mal gré, dans des combinaisons et des disciplines collectives. Bientôt, les nécessités mêmes de la vie du monde obligeront de soumettre à des directions d’ensemble – non seulement nationales mais universelles -les fabrications et les cultures, la distribution des matières premières et la répartition des produits. Il le faudra pour parer à la disette des produits, à l’insuffisance de la main-d’œuvre ; il le faudra pour assurer l’équilibre entre la production globale du monde, et la croissance continue de la population et des besoins. Le capitalisme lui-même sous la pression de cette nécessité, avait dû s’orienter, pendant les vingt années qui ont précédé la guerre, vers l’organisation centralisée de l’industrie. Mais ce corps unique, dont dépendra ainsi la vie du monde, qui donc a qualité pour en régler les fonctions essentielles, qui donc doit recueillir le fruit de son activité universelle ? Quelques privilégiés ? Non certes, la collectivité entière et universelle des hommes. Et ainsi, les formes collectives de la production moderne viennent ajouter une justification de plus, imposer comme une nécessité de plus, aux formes collectives de la propriété.

Réaliser la fraternité comme l’égalité

Le bien des hommes appartient collectivement à tous les hommes ; le travail des hommes – des vivants et des morts – doit profiter collectivement à tous les hommes. Chacun doit son plein travail à l’œuvre commune ; chacun doit recueillir sa part du travail commun. En ces quelques formules si simples tient l’essentiel de la pensée socialiste. Notre doctrine est donc celle qui peut réaliser la fraternité comme l’égalité. Qui peut la contester ou la combattre ? Ceux qui ne veulent pas la comprendre ou ceux qu’elle lèse dans leurs intérêts. Ceux dont elle ferait tomber les privilèges, ceux dont elle ferait cesser l’usurpation. Usurpation consacrée par la loi, protégée par toutes les puissances de propagande et de contrainte, perpétuée par toutes les formes de l’héritage social, mais qui, toujours contraire à la raison et à la justice, se trouve aujourd’hui en contradiction manifeste avec la moralité générale de ce monde, avec les lois et les besoins généraux de la production. La propriété, dans la légalité capitaliste, c’est l’absorption totale et éternelle de la chose appropriée, c’est le droit d’en user à son gré, de la transformer, de la transmettre, de la détruire. Le propriétaire d’un stock de blé peut le brûler, s’il lui plaît, quand le pain manque à la ville voisine. Le propriétaire d’une usine peut la laisser chômer, s’il lui plaît, quand des outils de première nécessité manquent à l’industrie ou à la culture. Peu importe l’intérêt commun, la chose est à lui. Le jeu de la concentration, de la capitalisation, de l’héritage pourra rassembler dans les mains d’une centaine d’hommes, à la rigueur dans les mains d’un seul – Wells a fait ce rêve – toute la propriété utile du monde. Peu importe l’esclavage universel, la propriété reste sacrée… Peut-être, mais c’est l’instinct de conservation qui doit alors, à lui seul, légitimer la révolte. Songeons que la propriété individuelle a déjà subi quelques atteintes, que le progrès matériel et moral des sociétés a déjà arraché au propriétaire quelques-uns de ses attributs séculaires. Un Romain était propriétaire de ses enfants comme de ses animaux de somme ; il pouvait les vendre ou les tuer. Un planteur des Antilles était propriétaire de ses esclaves comme de ses champs de canne à sucre. Mais la conscience humaine a élevé son cri et ces formes de la propriété sont tombées. D’autres tomberont à leur tour, qui sont nées de la même conception déviée et exorbitante du droit. Ce que nous disons aujourd’hui, c’est qu’un homme ne peut demeurer maître absolu, maître unique, maître éternel par sa descendance, de ce que la collectivité des hommes a jadis recueilli ou créé, de ce qui conditionne aujourd’hui la vie collective des hommes. Et nous avons proclamé le socialisme, quand nous avons dit cela.

Vous entendez d’ici les répliques intéressées ou sceptiques. Quoi, nous disent les railleurs, pour justifier le socialisme, ce sont les lois économiques, les nécessités de la production que vous invoquez ! Touchant paradoxe ! Mais vous savez bien que les hommes n’ont pas naturellement le goût du travail. Pourquoi travaille-t-on ? Pour gagner de l’argent, pour épargner, pour transmettre à ses enfants le fruit de son épargne. Quand vous aurez supprimé ces deux stimulants de la paresse humaine, le désir du gain et l’héritage, vous aurez tout bonnement rejeté l’animal humain à son apathie atavique. Il ne travaillera plus que pour satisfaire à ses besoins élémentaires, ou bien il ne travaillera plus que par contrainte. État de production indéfiniment raréfiée, ou bien état de travaux forcés et de chiourme, votre cité socialiste aboutira nécessairement à l’un ou à l’autre. Choisissez… Il faut bien que je suppose ce langage. On vous l’a tenu, ou vous l’avez entendu tenir. Il faut bien aussi que j’y réponde, quelque découragement que l’on éprouve à chasser sans cesse devant soi l’éternelle sottise, l’éternelle routine, l’éternelle incrédulité. Où a-t-on pris qu’un célibataire, qu’un homme ou qu’une femme sans enfants fussent moins actifs, moins industrieux, moins âpres au gain, qu’un père de famille ? Que chacun regarde près de lui, et vérifie. J’ai vu souvent que la charge de famille obligeait un homme à un travail excessif, surmenant, pauvrement rémunéré. Je n’ai jamais vu que le défaut d’enfants détournât l’homme d’un effort utile et fît d’un travailleur un oisif.

La vérité est, tout simplement, que, par un secret instinct de moralité, nous sommes moins honteux de rapporter à nos enfants qu’à nous-mêmes notre appétit personnel de lucre. Il arrive que des bourgeois Prennent plus tôt le temps de “ se retirer des affaires ” comme ils disent, parce que leur fortune acquise, médiocre pour de nombreux enfants, suffit au contraire à leur ménage stérile. Mais, qu’ils vendent leur fonds de commerce ou ferment leur boutique, de quelle activité utile cette retraite prématurée prive-t-elle la société ? Non, il n’est pas vrai que la transmission héréditaire, signe et moyen de l’usurpation capitaliste, soit l’agent indispensable de la prospérité sociale… L’appât du gain, l’envie de gagner de l’argent ? c’est autre chose. Si nous considérons autour de nous la mêlée des hommes, elle paraît dirigée, en effet, par ce mobile unique. Gagner de l’argent, c’est le véritable idéal humain, le seul que proclame et qu’essaie de réaliser une société pervertie. Conquérir pour notre compte la plus large part des privilèges que l’argent représente ou permet d’acquérir, c’est le programme de vie que le spectacle contemporain nous propose. Tout nous appelle à cette lutte : l’opinion et la morale, qui devraient la flétrir, l’exaltent, et il faut une sorte d’héroïsme pour se soustraire volontairement à la contagion. C’est le sentiment moteur aujourd’hui, ne perdons pas notre peine à le contester. Mais où prend-on le droit de conclure que l’humanité n’en puisse pas connaître d’autre ? Le sophisme est là.

J’ai pour ma part une vue moins désespérée ou moins méprisante de l’humanité. Je crois, je suis sûr, vous êtes sûrs comme moi, que des mobiles d’une autre sorte peuvent pousser les hommes à surmonter leur indolence naturelle. Et d’abord, est-on si sûr que l’indolence leur soit naturelle ? Est-ce qu’au contraire, parmi les données naturelles du problème, j’entends celles qui nous sont fournies par la nature, nous n’avons pas le droit de poser le goût du travail ? L’homme aime déployer son activité, employer sa force. Quand il esquive la tâche, c’est que la société l’avait astreint à un labeur autre que celui où son tempérament propre le destinait. Ce désaccord, nous l’éviterons sans doute, nous qui plaçons à la base même de l’économie sociale la recherche de l’affinité entre le travail et le travailleur. C’est au contraire le loisir prolongé qui ennuie et qui accable, et, peut-être, dans la société future, aurons-nous plus de peine à occuper le loisir que le travail. Voilà la vérité, et, pour s’en convaincre, il suffit de s’éloigner quelque peu du spectacle présent des choses. Il suffit de s’élever par la pensée au-dessus du misérable niveau des mœurs actuelles, mœurs qui sont le produit direct, et non la cause, de notre régime social.

Faisons cet effort. Considérons si c’est ou non l’appât du gain qui provoque les grands témoignages du travail humain, qui suscite les grandes tâches de l’histoire. Est-ce l’appât du gain qui a édifié les temples de l’Acropole ou les cathédrales gothiques ? Est-ce l’appât du gain qui a inspiré les grands ouvriers de la Renaissance, les grands constructeurs d’idées du XVIIIe siècle ?… Si la littérature et l’art sont devenus aujourd’hui métier et marchandise, c’est que la contagion du lucre a gagné l’écrivain et l’artiste, mais on ne nous citera pas une belle œuvre, dans aucun temps, que son auteur ait conçue dans un esprit mercantile. Est-ce l’appât du gain qui incite le savant à la méditation, à la découverte, est-ce pour “ gagner de l’argent ” qu’ont travaillé un Newton, un Lavoisier, un Ampère, un Pasteur ? L’invention pratique, le perfectionnement industriel ne sont pas dus davantage à l’espoir du profit, mais à un besoin intime de recherche et de trouvaille qui puise en lui-même sa satisfaction. Vous ne trouverez pas une tâche vraiment utile à l’humanité dont l’origine ne soit désintéressée…

En revanche, nous voyons autour de nous quelle sorte d’activité le désir du gain provoque. C’est pour gagner de l’argent qu’on lance une affaire, qu’on monte une maison de banque, de courtage ou de commerce, qu’on achète et qu’on revend, qu’on agiote et qu’on spécule. Le désir du gain forme et entretient cette écume, cette fermentation putride que nous voyons s’étaler à la surface de la vie économique. La société actuelle est peuplée de hardis aventuriers, lancés à la conquête de l’or, et qui, par tous les moyens, essaient de dévier à leur bénéfice le courant des capitaux. Mais de quelle richesse réelle leur audace a-t-elle jamais accru le monde ? En quoi la société se trouvera-t-elle appauvrie quand nous l’aurons nettoyée de toutes ces initiatives parasitaires ? Elles déplacent arbitrairement la richesse, elles ne la créent pas. Vous trouverez le symbole de cette fausse activité dans un mouvement de hausse ou de baisse à la Bourse, qui fait passer dans la poche des uns l’argent des autres, mais qui ne modifie pas d’un sou le capital foncier du monde. En la supprimant, nous aurons mis fin à des exactions individuelles, nous n’aurons attenté à aucune utilité collective. Nous n’aurons pas altéré ou ralenti la vie sociale, nous l’aurons assainie au contraire, nous l’aurons guérie d’une maladie, d’une infection.

Consacrer son travail à l’intérêt collectif

S’il était vrai que pour fournir sa contribution pleine de travail, l’homme eût à surmonter une inclination naturelle, il serait donc faux, en tout cas, que le désir du gain fût le mobile indispensable de cet effort. L’homme peut déployer cet effort, et il l’a fait, par la vertu des mobiles moraux. Il peut le faire par application désintéressée à l’œuvre entreprise, par fidélité à une discipline consentie, par dévouement à un idéal commun, par don de sa raison et de son âme à une grande foi. Considérez d’ailleurs les tâches qu’impose à l’humanité l’état présent du monde, et demandez-vous si c’est l’appétit égoïste du lucre qui peut nous mettre en état de les remplir. Le profit capitaliste, quoi qu’on fasse, ne sera jamais que l’apanage d’une oligarchie – je ne veux pas dire d’une élite – et l’humanité ne résoudra les problèmes de vie ou de mort posés devant elle par les circonstances, que grâce à l’effort concerté de tous les travailleurs. Elle ne les résoudra que si chaque travailleur détient en lui-même la claire conscience de consacrer son travail à l’intérêt collectif, qui comprend nécessairement son intérêt propre, au lieu de l’offrir en tribut à cette oligarchie privilégiée. Elle ne les résoudra que si une foi commune élève les travailleurs au-dessus des fins égoïstes, exalte leur vaillance, rassérène leur âme blessée par tant de souffrances et de misères. Cette foi, nous seuls la proposons aujourd’hui, nous seuls pouvons la créer, et la créer indistinctement chez tous les hommes. J’ajoute que nous seuls pouvons en placer les moyens et la récompense dès cette vie même, dès cette vie terrestre, et non dans le recul indéfini d’une immortalité.

Mais, si vous le voulez bien, retournons l’argument, reprenons l’offensive. Recherchons, dans la société actuelle, les effets et les incidences d’un travail vraiment créateur. Je suppose que, demain, un inventeur imagine quelque outillage nouveau qui bouleverse la technique d’une des grandes industries directrices, la métallurgie ou le tissage, qui réduise dans une proportion considérable la main-d’œuvre et le prix de revient. Il y a d’abord bien des chances pour que cet inventeur méconnu, comme tant d’autres, meure dans le désespoir et la misère. De vains appels aux capitalistes, qui seuls aujourd’hui peuvent mettre en œuvre de nouveaux procédés mécaniques, auront épuisé sa patience, abrégé sa vie ; puis, quelques années plus tard, une société financière exploitera ses brevets acquis à vil prix et en recueillera le bénéfice immense. Mais admettons que, par une exception providentielle, lui— même ait pu faire valoir sa découverte. Je vois bien le profit qu’il en retirera lui-même : nous aurons sur la terre un milliardaire de plus. Quel profit en recueillera la collectivité ?

En attendant que l’industrie universelle se soit adaptée aux procédés nouveaux, des centaines d’usines seront condamnées au chômage. Le déplacement de la main-d’œuvre déterminera une baisse générale des salaires ; la masse des produits jetés sur le marché provoquera les troubles économiques les plus complexes. Verrons-nous du moins le consommateur profiter de la réduction des prix de revient ? Pas le moins du monde ; il n’en profitera que dans une mesure dérisoire. Les prix de vente ne seront abaissés que de la quotité nécessaire pour étouffer les concurrences, et notre inventeur empochera le surplus. Une crise universelle d’une part ; de l’autre une immense fortune individuelle, c’est-à-dire éternellement transmissible. Tel est le bilan. Est-ce qu’il ne révolte pas la raison ?

Notre inventeur viendra nous répliquer : “ Ma fortune est cependant bien à moi : je l’ai gagnée ; elle est le fruit de ma découverte, le produit de mon travail. ” Mais est-il vrai que sa découverte soit bien à lui ? Le même homme l’aurait-il menée à terme, vivant seul dans une île déserte, ou naissant dans quelque tribu sauvage de l’Océanie ? Ne suppose-t-elle pas, au contraire, tout l’actif préalable au travail humain ? N’est-elle pas pour le moins, le résultat d’une collaboration, d’une coïncidence entre son génie individuel et l’effort collectif de la civilisation ? La collectivité devrait donc, pour le moins, recueillir sa part du bénéfice. Pourquoi s’en trouve-t-elle frustrée, non seulement au profit de l’inventeur lui-même, mais de ses descendants jusqu’à la dernière génération ?… Et cet exemple ne vous fait-il pas toucher du doigt l’injustice foncière qui gît à la racine même des modes actuels de la propriété ?

Il est arrivé parfois dans l’histoire que les masses ouvrières s’insurgeassent contre les progrès du machinisme qui les privaient momentanément de leur gagne-pain. Et l’on nous désignait, avec une pitié insultante, l’égarement de ces travailleurs dressés contre la science et le progrès. Ils avaient tort contre la science et le progrès. Ils avaient raison contre la société capitaliste. Était-ce leur faute si un progrès de la civilisation collective, qui devrait raisonnablement se traduire par un accroissement du bien-être collectif, n’engendrait pour eux que la misère et la famine ?À mesure que l’outillage humain se perfectionne, à mesure que la science, œuvre commune des hommes, étend son empire sur les forces naturelles, quel devrait être le résultat ? L’augmentation de la somme des produits dont chacun dispose, la diminution de la somme de travail que chacun doit. Chaque pas en avant de la civilisation devrait ainsi se traduire par un bénéfice unanime, universel, et il se traduit au contraire par une nouvelle rupture d’équilibre entre ceux qui possèdent et ceux qui travaillent. Nous concevons, nous, une société qui, comme le sens du mot l’impose, fasse vraiment des associés de tous les individus qu’elle englobe, qui fasse profiter chaque homme du travail de tous, qui les fasse profiter tous de chaque extension de l’industrie et de la science.

De grands penseurs ont attendu de la science le renouvellement des sociétés humaines. Comme les ouvriers révoltés devant la machine ils avaient raison et ils avaient tort. La science accroît et accroîtra sans mesure le rendement du travail, mais, si le pacte social demeure vicié dans son essence par une clause inique, en accroissant les richesses, nous n’aurons fait qu’accroître l’iniquité. Nous aurons multiplié les prélèvements du capital sur le travail, nous aurons multiplié la divergence entre les profits du capitaliste et les salaires du travailleur. Si la règle du partage est injuste, l’injustice augmentera avec la masse des produits à partager… C’est avec le socialisme que la science deviendra vraiment bienfaitrice, et l’on peut dire en ce sens que socialisme et science sont vraiment le complément l’un de l’autre. La science développe les richesses de l’humanité ; le socialisme en assurera l’exploitation rationnelle et la distribution équitable. Chaque découverte de la science, quel que soit le domaine particulier où elle se manifeste, se trouvera en quelque sort étalée sur l’ensemble du corps social pour déterminer en lui une amélioration : augmentation du bien-être si la somme des denrées est augmentée, augmentation du loisir si la somme du travail nécessaire pour les produire est réduite. Inversement, l’instauration du régime socialiste implique comme un appel ardent et constant au secours de la science. En utilisant aussitôt, pour le bien commun, chaque conquête de la science, nous en provoquerons incessamment de nouvelles ; sans cesse nous mettrons au point son programme de recherches, tout en développant autour d’elle l’atmosphère de désintéressement et de confiance dont elle a besoin.

C’est ainsi que le socialisme seul, résolvant cette contradiction mortelle, peut replacer la société déviée sur la véritable route du progrès. Je me garderai bien de tracer un tableau paradisiaque de l’état de choses qu’il veut créer. Je sais trop que, dans ce monde, la nature elle-même introduit des causes irréductibles de souffrance. Nous ne supprimerons pas la maladie, la mort des enfants, l’amour malheureux, mais, à côté de ces misères naturelles, il en est d’autres qui sont le produit d’un mauvais état social et qui peuvent disparaître avec lui. Imaginez le groupement humain, une fois débarrassé de ces entraves artificielles. Supposez que, par une sélection judicieuse, tous les individus se trouvent distribués dans les divers quartiers de l’activité sociale ; supposez que chacun, sans exception, donne à la société chaque jour quelques heures de travail utile, j’entends du travail qu’il aime, car l’intérêt commun concorde ici, comme en toutes choses, avec les conditions du bonheur personnel. Supposez que, dans l’univers entier, la production soit organisée de façon à obtenir le meilleur rendement des ressources naturelles, chaque terroir ou chaque groupe fabriquant ou cultivant ce qu’il peut créer avec le plus d’abondance, de perfection ou d’économie, toute concurrence nationale ou internationale supprimée, les méthodes et les outils les plus récents venant sans cesse au service du travail. Supposez que tout le travail humain soit ordonné comme une usine unique, où la tâche particulière de chaque atelier, de chaque ouvrier vient s’assembler dans un programme d’ensemble constamment revisé selon les ressources et les besoins. Supposez que ce programme se limite aux productions vraiment utiles, et ne gaspille plus tant d’activité laborieuse pour satisfaire – ou même pour créer – des besoins factices, des modes d’un jour. Ne croyez-vous pas que cet effort discipliné suffirait pour assurer à chaque homme ce que l’humanité lui doit de naissance : le bien-être, sinon le bonheur ? N’y a-t-il pas place pour tous sous le soleil ? Le travail commun ne peut-il pas assurer à chacun une nourriture abondante, des vêtements commodes, un logement spacieux et sain, le libre usage de toutes les ressources et de tout l’outillage collectifs ?

Vues chimériques, nous dira-t-on. Mais où donc est la chimère ? Nous venons de voir, pendant cinq ans, l’humanité se plier à une discipline de destruction et de mort. Ne pourra-t-elle accepter une discipline de création et de vie ? Pendant cinq ans toute l’activité des hommes s’est trouvée réellement ordonnée sur un plan commun, vers un but unique. Nous voulons faire pour l’avantage commun ce qui s’est fait pour la misère commune ; au profit de tous, ce qui s’est fait au profit de quelques-uns. Si nous avions disposé pendant cinq ans, à notre guise et sans conteste, de toutes les puissances du travail, de toutes les richesses de la terre> doutez-vous que nous eussions ordonné le monde selon nos chimères ?… Vues misérables, viendra-t-on nous dire encore ! Théories qui n’invoquent et ne veulent satisfaire en l’homme que l’appétit purement matériel !… Ce serait déjà beaucoup que les satisfaire. Ce serait quelque chose d’avoir purgé la société des maux qui la déshonorent, et qu’un cœur pitoyable, un esprit droit ne peuvent contempler sans révolte et sans honte : la misère, la faim, tout leur lamentable cortège de maladies, d’abêtissements, de dégradations. Mais il n’est pas vrai que nous nous adressions à l’animal humain, à la bête humaine. Nous nous adressons, vous l’avez vu, à ce qu’il y a de plus pur, de plus élevé dans l’homme : l’esprit de justice, d’égalité, de fraternité. Dans l’esclave opprimé, nous voulons susciter cette moralité nouvelle qui s’éveille avec la liberté.

La liberté du corps entraîne celle du cœur et de l’esprit. En brisant la servitude du travail, nous entendons briser toutes les servitudes. Le socialisme transformera, renouvellera la condition de la femme, la condition de l’enfant, la vie passionnelle, la vie de famille. Il comporte comme une libération, comme une épuration universelles. En créant et en organisant le loisir pour tous les travailleurs – loisir vrai où l’activité persiste, et non pas repos accablé après le surmenage d’un labeur excessif, – il permettra l’accession de tous aux plus nobles occupations humaines ; il ouvrira tout grands à tous les trésors de la science, des lettres, de l’art. Je me rappelle ce mot profond d’un philosophe : “ Tout dans l’arbre veut être fleur… ” Dans l’humanité aussi tout aspire à la floraison, au plus riche épanouissement de l’esprit et de l’âme. Cet instinct, refoulé jusqu’au tréfonds de la conscience par toutes les contraintes, par toutes les misères sociales, c’est le socialisme qui saura lui rendre sa force et sa splendeur.

Guerre et capitalisme

Vous l’avez remarqué sans doute : je suis arrivé au terme de ces quelques pages sans vous parler de l’événement formidable dont nous nous dégageons à peine et dont l’ombre pèse encore sur nous. Je n’ai tiré de la guerre que des arguments accessoires ; je n’y ai fait que de rares et indirectes allusions.

J’aurais pu y puiser au contraire les moyens essentiels de ma preuve. Il m’eût été facile de vous montrer qu’entre le capitalisme et la guerre il existe comme un rapport de connexion nécessaire, que ces deux puissances de mal naissent l’une de l’autre et ne disparaîtront que l’une avec l’autre. Poursuivant l’analyse, j’aurais pu vous faire saisir, dans le déroulement même de la guerre, l’opposition croissante des intérêts capitalistes avec l’intérêt commun, la nécessité croissante des méthodes d’organisation collective. J’aurais pu vous montrer l’incapacité du capitalisme à résoudre les problèmes écrasants que la guerre lui a légués.

Son impuissance éclate à tous les yeux. Nous le voyons plier peu à peu sous le poids des charges qu’il a lui-même accumulées. Nul ne peut plus douter qu’en laissant déclencher cette guerre, il ait signé, à plus ou moins long terme, son arrêt de déchéance et de mort… Mais je ne suis pas entré dans ces développements que semblaient pourtant imposer les circonstances. Je vous ai parlé comme je l’aurais fait avant la guerre. C’est à dessein.

La guerre a projeté comme un éclairage brutal et soudain sur les vices essentiels de la société bourgeoise. Elle a déchiré soudain le voile sur la réalité des choses. Mais cette réalité préexistait à la guerre, et c’est pourquoi nous étions socialistes avant la guerre. Nous ne voulons pas faire de vous des socialistes de pur sentiment. Il nous faut autre chose qu’une commotion de révolte contre le spectacle affreux que le genre humain vient de subir. Il nous faut votre adhésion réfléchie, totale. Aussi me suis-je appliqué à vous montrer, non pas les arguments actuels du socialisme mais ses raisons fondamentales, celles qui n’étaient pas moins vraies aujourd’hui qu’hier et qui resteront vraies demain, jusqu’à la transformation inévitable.

Ce qui est exact, c’est que la guerre aura hâté singulièrement le moment où les idées maîtresses du socialisme doivent s’incorporer à la conscience universelle… N’est-ce pas étrange ? L’humanité ne s’élève que lentement au niveau de certaines idées, si claires cependant, si impérieuses, qu’il semblait qu’elles dussent s’imposer aussitôt à toute raison. Les quelques races dont nous connaissons l’histoire ont développé des germes d’une richesse et d’une perfection telles que rien de plus grand ne paraîtra jamais sous le ciel. Et cependant que de vérités sont devenues essentielles, élémentaires pour nous, que ces grands hommes n’avaient jamais aperçu ! Un Platon n’a même pas soupçonné la barbarie, l’effroyable iniquité du droit de conquête et de l’esclavage. Un Rabelais, un Pascal n’ont même pas entrevu les principes moraux et politiques que la Révolution française a publiés dans le monde et que la raison humaine ne discutera plus. Si la question s’était posée devant eux, ils l’eussent résolue comme nous. Mais elle ne se posait pas ; elle ne pouvait pas se poser encore… Puis il semble soudain qu’à un moment déterminé de l’histoire, l’intelligence des hommes acquière comme un sens nouveau.

Il en est ainsi du socialisme. Nulle vérité plus évidente dès qu’on l’a une fois conçue. Le seul étonnement, c’est qu’on puisse la contester et qu’on ait pu la méconnaître, c’est que tant de grands esprits aient pu passer à côté d’elle sans l’entrevoir, comme jadis les navigateurs, sans s’en rendre compte, passaient à côté des continents inconnus. Mais aujourd’hui nous avons touché la terre nouvelle. La guerre aura devancé l’heure où, pour tous les hommes, pour tous ceux du moins qui ne refusent pas obstinément d’ouvrir les yeux, le monde apparaîtra sous un aspect imprévu, s’illuminera d’une lueur inconnue et inévitable.

Ce jour-là, l’humanité ne comprendra plus comment elle a pu entretenir autour d’elle, des siècles durant, tant de mensonges et d’erreurs absurdes. Laissez-moi user encore d’une comparaison. Il y a deux cents ans, les chirurgiens ont pratiqué pour la première fois l’opération de la cataracte, et rendu la vue à des ave21ugles nés. On a pu comparer alors l’idée qu’ils se faisaient du monde dans leur nuit, et celle que leur fournissait la vue restituée. Ils avaient cru se représenter, par ouï-dire, à travers leurs sensations incomplètes, ce qu’est exactement la lumière, ce qu’est une fleur, ce qu’est un visage humain. Mais au contraire, ils ne se représentaient rien d’exact. Ils avaient vécu dans un monde d’illusions étranges et mensongères qui ne s’étaient dissipées pour eux qu’avec les ténèbres qui les entouraient. Ils ne saisissaient la réalité du monde qu’une fois la taie arrachée de leurs yeux. Le socialisme, une fois conçu, produit en nous la même révolution spirituelle. C’est la taie arrachée de notre intelligence. Pour la première fois la réalité de l’univers social nous apparaît, et nous nous rendons compte que, jusqu’alors, nous avions vécu dans le préjugé, dans la routine absurde, dans le mensonge, dans la nuit.

C’est à cette tâche de délivrance que nous vous convions, jeunes gens. Pour vous-mêmes d’abord, puis pour ceux qui vous entourent et que vous pourrez persuader. Vous êtes l’espoir, vous êtes la vie qui vient, la sève qui monte ; de vous va dépendre le sort prochain de l’humanité. Réfléchissez, examinez. Vous êtes à l’instant des choix décisifs, puisque c’est à votre âge que la pensée et l’action s’aiguillent pour le reste de l’existence. C’est à la fin de la jeunesse et dans tous les premiers moments de l’âge mûr, pendant ce court intervalle de quelques années, que toutes les pensées fécondes de la vie se formulent, que les résolutions efficaces d’action se fixent en nous.

L’alternative capitale vous est donc offerte. Irez-vous du côté de l’avenir ou du côté du passé, du côté de l’iniquité ou du côté de l’égalité, du côté de l’égoïsme ou du côté de la fraternité ? Vous ne pourrez pas rester neutres ; il faut vous prononcer, il faut choisir… Eh bien ! vous vous rangerez avec la justice, avec la vérité, avec la vie. Vous ne ferez pas de bas calcul ; le défaut de votre âge est le choix aventureux plutôt que le calcul mercenaire. Vous écouterez l’appel généreux et chaud de votre cœur… Et si vous surpreniez, autour de vous, la tentation vile d’aller du côté du plus fort, à ces égoïstes imprudents que la force elle-même, en un jour peut-être prochain, sera au service de la justice…

Léon Blum »

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Communiqué du Parti socialiste sur l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur

Le Parti socialiste appel au rassemblement de la Gauche et des écologistes pour s’opposer à l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur (Amérique du Sud) :

« Accord UE – Mercosur : un accord qui menace les intérêts des Européens et la planète

Le 28 juin 2019, la Commission européenne a annoncé la conclusion de l’accord entre l’UE et le Mercosur, qualifiant celui-ci « d’historique ». A son tour, Emmanuel Macron s’en est félicité, déclarant : « A ce stade, l’accord est bon, compte tenu du fait que les préoccupations de la France ont été intégralement prises en compte. »

Depuis, la Commission n’hésite pas à présenter cet accord comme la réponse au protectionnisme et à la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine. En réalité, elle a poussé à la conclusion de deux décennies de négociations libérales, flouant ainsi les intérêts de millions de citoyens, d’agriculteurs et d’éleveurs européens.

En outre, cet accord apparaît totalement anachronique face aux enjeux à relever en matières climatique, sanitaire, sociale et environnementale. L’heure n’est plus au libre-échange mais au juste-échange, c’est-à-dire au développement de modes de production, de distribution et de consommation soutenables pour la planète. Le Parti socialiste appelle le président de la République à sortir de l’ambiguïté sur cet accord avec le Mercosur.

A l’instar de son opposition à la ratification du CETA, soumise au vote de l’Assemblée nationale ce mois-ci, le Parti socialiste sera mobilisé en France et en Europe aux côtés de ses partenaires pour empêcher une ratification du Mercosur. Il invite solennellement les autres formations de gauche et écologistes à se joindre à une opposition commune. »

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L’affiche de Cédric Villani

Cédric Villani espère pouvoir avoir le soutien de LREM pour être candidat lors des municipales parisiennes. Il a à ce titre produit une affiche, qui est un chef d’oeuvre du genre. C’est tellement caricatural que l’on s’imagine que c’est en réalité une production de l’extrême-droite pour se moquer de lui.

Cédric Villani est un mathématicien connu, car les médias ont raffolé de son style vestimentaire vaguement original accompagnant son haut niveau scientifique, lui-même recevant la médaille Fields en 2010, l’un des deux prix les plus prestigieux dans sa discipline.

Très actif dans les mathématiques, il est passé par la suite en politique : en 2017, il a été élu député LREM de la cinquième circonscription de l’Essonne. Il veut maintenant être maire de Paris. La blague, c’est qu’il a présidé le comité de soutien d’Anne Hidalgo en 2014, lorsque celle-ci a été élue maire !

Cela en dit long sur l’opportunisme de Cédric Villani, et ce d’autant plus quand on voit l’affiche que l’on peut retrouver à Paris. On ne peut pas faire plus parisien – bobo, pour ne pas dire directement désormais : bourgeois dans son style parisien. Paris est devenu en effet surtout une ville de bourgeois d’un côté, de lumpen de l’autre.

Le Yoga, le Macbook, le selfie, les petits bateaux au jardin du Luxembourg… On a tous les clichés de ce qu’est devenu le Parisien et la Parisienne. La seule chose qu’il y a à sauver, c’est le pauvre pigeon en bas à droite de l’affiche, qui à l’instar de ses congénères doit se retrouver bien perdu dans ce panorama d’une bourgeoisie moderniste, hédoniste, branchée, détruisant le monde sans avoir l’air de le faire.

Il est impossible de faire plus niais, plus vide, plus totalement en correspondance avec la bourgeoisie des temps modernes, fière de l’avènement d’une société apolitique et d’un État technocratique, de l’individu-roi et de la démolition de toutes les normes.

L’affiche est exemplaire de cette incapacité bourgeoise à prendre la réalité au sérieux. L’humanité va au-devant des plus grands défis qu’elle ait connu et ces gens-là sont stupidement béats, heureux de vivre en privilégiés dans leur bulle. Et Cédric Villani veut être leur roi, donnant l’exemple de comment un scientifique peut se précipiter dans le confort et la reconnaissance sociale, au lieu d’assumer les exigences rationnelles et sensibles de notre époque.

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Communiqué de Génération-s : « à quoi joue Mme Pécresse face aux groupuscules d’extrême-droite ? »

Génération-s publie un communiqué dénonçant le refus de la région Île-de-France, tenue par la Droite, d’aider Pierre Serne face à l’extrême-droite.

Voici le communiqué :

« Île-de-France : à quoi joue Mme Pécresse face aux groupuscules d’extrême-droite ?

Pierre Serne est lâchement abandonné  par la majorité de droite au Conseil régional d’Île-de-France, alors qu’il fait face depuis des mois au déferlement de haine de groupuscules d’extrême-droite.

Le conseiller régional Pierre Serne subit depuis des années des injures et menaces de mort sur les réseaux sociaux mais aussi dans sa vie quotidienne. Ces menaces font notamment suite à des actions, en tant qu’ancien vice-président aux transports de la région Île-de-France, en faveur du retour de l’aide régionale aux déplacements des bénéficiaires de l’Aide Médicale d’État.

En mars 2019, suite à la parution d’un article de Médiapart qui met en lumière un forum internet d’extrême-droite ultraviolent qui l’avait ciblé, Pierre Serne a de nouveau été victime d’un déferlement de haine, d’injures homophobes et de menaces de mort sur les réseaux sociaux.

En 2018, Pierre Serne avait déjà subi des attaques sur ces prises de position liées à son mandat et avait reçu, à l’unanimité des groupes républicains, la protection fonctionnelle de l’institution pour prendre en charge une partie de ses frais de justice.

C’est donc légitimement qu’il avait sollicité, à nouveau, la protection fonctionnelle de l’institution régionale pour poursuivre en justice les harceleurs.

Les groupes de droite, majoritaires, se sont opposés cette fois à cette demande. Cette décision est un abandon des valeurs républicaines face à l’extrême-droite.

En se réfugiant derrière des questions de forme absurdes, la droite de Madame Pécresse se fait complice de ces groupuscules qui menacent et harcèlent des élus de la République pour leurs prises de positions humanistes. Nul ne devrait avoir à craindre pour sa sécurité et sa vie en raison de ses opinions politiques.

Génération.s demande à Madame Pécresse des explications sérieuses et à l’ensemble des pouvoirs publics de prendre les mesures nécessaires pour soutenir et protéger Pierre Serne.

Génération.s réaffirme son soutien à Pierre Serne et sa solidarité dans cette nouvelle épreuve. Son courage et sa détermination à résister aux menaces de l’extrême-droite sont une fierté pour notre mouvement. »

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Neuf syndicalistes de l’usine PSA de Poissy condamnés à de la prison avec sursis

La cour d’appel de Versailles a condamnés à trois mois de prison avec sursis neuf militants CGT de l’usine PSA de Poissy ce vendredi 28 juin 2019. Le tribunal a reconnu des faits de « violence en réunion » à l’encontre d’un chef de l’usine.

Dès le début de l’affaire, la CGT avait dénoncé une manœuvre d’intimidation à l’encontre des syndicalistes. Dans un communiqué de 2017 après le procès en première instance, la CGT PSA avait dénoncé « une Justice aux ordre de Peugeot », considérant une politique générale de répression.

Il est reproché aux syndicalistes d’avoir violenté un responsables, alors qu’ils venaient simplement défendre les droits d’un des leurs, en retour d’arrêt de travail. Une quinzaine de minutes de discussion dans le bureau d’un manager par des gens en colère est donc considéré comme une violence telle qu’elle mérite la prison…

C’est que du point de vue de la bourgeoisie, des ouvriers qui s’organisent pour affirmer leurs intérêts, c’est forcément quelque-chose de violent. La bourgeoisie est terrorisée à l’idée que la classe ouvrière se soulève et s’organise. C’est pour cela qu’elle doit frapper fort, en isolant, en faisant peur, en tentant d’enrayer toutes tentative d’expression consciente et organisée de la classe ouvrière.

Quand on sait avec quelle violence le management broie les salariés dans les entreprises et particulièrement en ce qui concerne les opérateurs dans les usines, on ne peut qu’être révolté d’une telle situation.

Les neufs syndicalistes ont décidé en concertation avec leur avocat de se pourvoir en cassation.