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Jean-Christophe Cambadélis propose une Gauche de l’intégrité humaine

Jean-Christophe Cambadélis, figure historique de la Gauche – il a été à la tête de l’Unef-ID et premier secrétaire du Parti socialiste – a publié une longue lettre sur la Gauche de demain. Mais il croit que le monde de demain sera le même.

Jean-Christophe Cambadélis est l’un des observateurs les plus précis et techniques de ce qui se passe en France, aussi faut-il accorder son attention à sa lettre à un ami de gauche. Il y reprend ses thèses de 2017 pour un « nouveau progressisme » et prône une gauche « girondine », c’est-à-dire, pour traduire cela de manière contemporaine, non centralisatrice et rétive aux démarches autoritaires.

Cela est d’autant plus étrange que lui-même avoue qu’une nouvelle époque s’ouvre :

« Le siècle commence aujourd’hui, comme le précédent avait débuté avec l’assassinat le 28 juin 1914 de l’archiduc François Ferdinand de Habsbourg ouvrant un siècle de guerres, de révolutions ou de décolonisations. Les siècles s’ouvrent toujours sur des drames. Car l’histoire humaine est dramatique. »

Seulement, pour Jean-Christophe Cambadélis, qui est qu’on le veuille ou non corrompu par le capitalisme, rien ne peut vraiment changer. Ainsi, si le gouvernement actuel échoue, alors forcément ce sera au tour de la Gauche si elle se présente comme assez crédible :

« La gauche peut pour une fois penser le monde et ne pas seulement le panser. L’Homme, l’intérêt commun, devient l’espace d’un instant supérieur à l’économie et la société marchande. Et, pour la France confinée, l’échelle des valeurs a changé. »

Jean-Christophe Cambadélis est pourtant tout sauf un naïf alors comment peut-il penser quelque chose d’aussi basique ? C’est que son raisonnement est, comme à son habitude, subtil, très subtil, trop subtil. On a ici le même machiavélisme que chez Jean-Luc Mélenchon, avec une tradition trotskiste de calculs de rebonds par la bande à n’en plus finir.

Ce que veut dire simplement Jean-Christophe Cambadélis, c’est qu’il faut réussir justement ce que Jean-Luc Mélenchon n’est pas réussi à faire : établir une proposition suffisamment construite pour dépasser les concurrents.

En se la jouant « mesuré » et gestionnaire, avec un humanisme bon teint, cela suffira à dépasser toutes les autres tendances politiques :

« National-populiste, libéral-autoritaire, libéral-libertaire, gaullisto-souverainiste, écolo-libéral ou écolo-rupturiste, gaucho-populiste, les offres ne manquent pas.

La gauche doit, elle, proposer son nouvel axe : elle doit se présenter avec son nouveau drapeau. La social-démocratie attendait les dividendes de l’État providence. La nouvelle gauche doit mettre l’intégrité au cœur de la production du marché et des échanges. »

Cela ne tient bien entendu pas debout. Car soit il a tort et à ce moment-là le chaos qui va s’installer va amener à une polarisation où il sera enfin parlé de capitalisme, terme que Jean-Christophe Cambadélis s’évertue à ne jamais employer (à part pour dire une seule fois « le système capitaliste libéral s’arrête ; le confinement est mondial »).

Soit il a raison mais alors avec ce concept de « gauche de l’intégrité humaine » autant assumer de défendre la position de Benoît Hamon, qui dit la même chose depuis plus longtemps, ou bien François Hollande pour une version plus édulcorée.

Et puis quel sens y a-t-il pour Jean-Christophe Cambadélis à parler de « l’Euro-Méditerranée » qui serait « nécessaire à une Euro-Afrique », franchement ! C’est là de la « géopolitique » qui ne fait même pas semblant d’assumer les velléités impériales françaises.

On a connu Jean-Christophe Cambadélis plus inspiré. Mais sa source d’inspiration s’est tarie, car le terrain a totalement changé et ce n’est plus le sien. Sa mise en perspective est trop calme, trop posée, trop mesuré, pour ne pas être en total décalage avec l’Histoire. Dire comme il le fait qu’une ère nouvelle s’ouvre et se contenter de dire qu’il va suffire de réguler le marché sur la base de l’intégrité humaine, c’est flou, idéaliste, abstrait, hors-sol.

Et ce n’est pas de Gauche. Le mouvement ouvrier nomme les choses comme elles sont. Qui fait tout pour ne pas parler du capitalisme et de la bourgeoisie avait tort ; avec la crise actuelle, il a encore plus tort. Tout s’effondre, la nature subit des assauts toujours plus majeurs, les capitalistes vont faire payer la crise aux travailleurs, et il faudrait penser qu’une Gauche néo-gouvernementale pourrait rétablir le monde d’avant, qui par ailleurs était odieux ?

C’est invraisemblable.

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L’intervention du 19 avril 2020 du premier ministre Édouard Philippe

D’un côté, Emmanuel Macron presse le déconfinement pour se donner une bonne image. De l’autre, le premier ministre gère la réalité. La situation est intenable.

Le premier ministre Édouard Philippe a un triste rôle : celui de chercher à temporiser. Le président Emmanuel Macron fait des promesses sur un ton lyrique et lui passe derrière pour dire qu’en fait… on ne sait pas, ou en tout cas pas comme ça. Car le problème de fond est simple : tant qu’il n’y a pas de vaccin, cela sera la distanciation sociale. Édouard Philippe répond donc sans répondre.

Un plan complet ? « Ce n’est pas le moment. » Le 11 mai comme retour à la normal ? « Pas tout de suite et probablement pas avant longtemps. » Le port du masque obligatoire dans les transports en commun après le 11 mai ? « Probable. » La réouverture des écoles le 11 mai, sur quel mode ? « On peut imaginer beaucoup de choses. » Le second tour des municipales en juin ? « Peut-être, mais je ne sais pas. »

Là pour le coup c’est explosif et Marine Le Pen se frotte les mains. Elle a en effet expliqué au sujet des élections :

« Je ne suis pas sûr que septembre soit la meilleure date, pour une raison simple, c’est que nous serons dans une situation de grave crise économique et ce sera l’urgence du moment ».

Et de fait elle demande des élections en mars 2021, histoire d’avoir récolté les voix entre-temps !

Car la situation est malheureusement simple, dans l’état actuel des choses. S’il n’y a pas une vraie vague de lutte de classes, alors ce sera soit la stabilité crispée d’Emmanuel Macron, soit le populisme agressif de Marine Le Pen avec une voie royale vers le militarisme, le fascisme. On semble tout à fait mal parti, très mal parti.

Il faudrait une Gauche capable, dans le cadre de la crise sanitaire, de poser des principes stricts, de montrer qu’il y a une capacité étatique de gérer, mais il n’y a rien. La Gauche est hors-jeu. Et ne parlons pas des anarchistes, de l’ultra-gauche… qui ont la même mentalité que les partisans de Donald Trump : le confinement serait un empiétement de l’État sur les droits, etc.

De plus, il faudrait pour que la Gauche avance que les Français aillent dans un sens ou dans un autre. Or, là on a bien d’un côté des capitalistes qui poussent au déconfinement et de l’autre des travailleurs rageant de la situation où ils sont au front : 70 % d’entre eux travaillent !

Mais le souci est que dans l’opinion publique, la tendance qui prime dépasse la lutte de classes et elle est incohérente : les gens ne croient pas du tout en le déconfinement promis, mais ils veulent y croire car ils en ont assez !

Cette double opposition est quelque chose définissant la France en ce moment. C’est cela qui définit les mentalités, les attitudes, les comportements, les raisonnements… Et cela n’apporte rien à la Gauche, qui est obligé d’attendre la prochaine étape.

Seulement tout va aller de plus en plus vite, et la crise va être de plus en plus profonde. Le tissu social français va se déchirer, tout va être d’une immense brutalité et le peuple est totalement déconnecté de la réalité, il ne comprend pas ce qui va lui tomber dessus.

Les responsabilités de la Gauche sont donc immenses. Si elle se rate, elle ne s’en relèvera pas.

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Décès de Liliane Marchais, la fin d’une époque

Liliane Marchais, veuve de Georges Marchais, est décédé en raison du covid-19. C’est la fin de toute une époque, celle d’un PCF avec une immense base populaire et une abnégation formidable. Tout cela pour, il faut le dire, strictement rien comparé à ce qui était espéré.

La photographie employée par le PCF à l’occasion du décès de la veuve de Georges Marchais correspond à l’esprit d’une époque. Il suffit, pour s’en convaincre, de regarder l’arrière-plan. On y voit une femme fière, elle sait qu’elle est derrière la dirigeante du PCF. Nous sommes alors en 1982 et le PCF n’était pas passé dans le camp de la postmodernité, comme en témoigne l’homme barbu avec son bob.

La Fête de l’Humanité était alors monumentale et il ne s’agissait pas, comme cette dernières décennie, de voir les copains et de se faire de l’argent pour la section à coups de boissons fortement alcoolisées. Les odeurs de merguez étaient déjà là, mais elles n’étaient qu’un accompagnement à un militantisme franc et rude. Impossible de faire deux mètres, trois mètres, sans être alpagué par un membre du PCF ou de la JC proposant l’adhésion.

C’est que le PCF était, il faut bien le dire, le peuple. Pour le meilleur et le pire, car le PCF ne voulait pas de la révolution, il espérait un changement total, mais faisait confiance au « Parti ». Georges Marchais pouvait annoncer à la télévision l’abandon du principe de la dictature du prolétariat, avant même la tenue du congrès, ce n’était pas grave. La victoire de François Mitterrand avait montré qu’avancer était possible et l’URSS était alors à son apogée militaire, dépassant les États-Unis, disposant d’un prestige douteux, mais réel.

Le PCF avait alors une telle assise de masse que, si une crise comme celle du covid-19 s’était alors produite, il aurait pu pratiquement prendre le pouvoir. Il disposait de tels relais dans les masses, d’un tel engouement populaire, qu’il aurait été capable de souder un mouvement de masse immense et de littéralement briser un État dépassé. Et les armes étaient là, comme les 5000 « trouvées » en 1991 par les Nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP) dans des entrepôts de la banlieue parisienne et qu’il a fallu discrètement refiler au gouvernement d’alors.

Le PCF avait alors le niveau pour gouverner. Il ne l’a plus depuis longtemps, ou bien seulement en force d’appui aux socialistes et aux écologistes d’EELV. C’est d’ailleurs cela qui met en rogne les syndicalistes « durs » de la CGT : le PCF n’est-il pas, en fin de compte, leur bras politique ? N’est-il pas là pour réaliser les plans de la CGT concoctés parallèlement aux patrons, avec la prétention de pouvoir mieux gérer, mieux produire ?

Tout cela est très loin désormais et il y a ici une source d’enseignement. L’idée de « dégager » un gouvernement sans être en mesure de le remplacer est vaine. Et c’est d’autant plus valable si on a des ambitions encore plus grandes et que, par volonté révolutionnaire, on veuille en plus remplacer l’État !

On peut bien entendu jouer aux ultras et dire : le peuple fera tout, tout marchera tout seul et en attendant on peut se contenter de jouer aux révolutionnaires. Mais quel sens cela a-t-il ? Aucun. Et pareillement, pourquoi vouloir construire un parti gouvernemental, si on n’a pas les moyens de faire quoi que cela soit ? François Hollande apparaît ici comme le suprême cynique, celui qui a accepté de gouverner en sachant qu’il ne pouvait rien faire.

Le PCF, c’était quelque chose ! Mais c’est du passé. Et cette chose n’a pas suffi, ou n’a pas voulu. Tout reste à faire.

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Les inévitables ordonnances gouvernementales dans l’état d’urgence sanitaire

Les syndicats ont le droit de critiquer les ordonnances gouvernementales, et même c’est tout à fait leur rôle. Mais politiquement elles sont inévitables et c’est là que la limite des syndicats est patente.

Depuis plusieurs jours et surtout depuis le conseil des ministres d’hier, une large partie de la Gauche est vent debout contre les mesures des ordonnances, qui visent à enchaîner encore plus les travailleurs au travail. Réduction du temps de repos entre deux jours de travail, allongement de la durée de travail à 12 heures par jour, passage à 60 heures hebdomadaires…

Quand on est syndicaliste, c’est normal de dénoncer tout cela : c’est son travail syndical. Mais pourquoi diable tant de partis politiques de gauche s’empressent de dénoncer ces mesures pareillement ? C’est là ne pas comprendre la différence entre la politique et le syndicalisme.

Le syndicalisme a un horizon limité au travail concret dans les entreprises. Quand on lui dit : on met davantage de pression, il doit résister. C’est dans l’ordre des choses. Mais politiquement, toutes ces mesures sont en même temps inévitables. Même quand on est de gauche. Surtout quand on est de gauche.

Pourquoi ? Parce que ces mesures sont sociales, elles sont collectives. Ces ordonnances disent que la société dépasse les droits individuels. C’est tout à fait de gauche. Cela montre que l’État est obligé de rompre avec sa propre mise en perspective : il est obligé de socialiser.

Il y a bien entendu un souci : cette socialisation sera, à terme, la socialisation des pertes sur le dos des travailleurs. Et c’est là où la Gauche doit dire : oui à ces ordonnances, mais la bourgeoisie doit passer à la caisse pour tout cela. C’est là le rôle politique de la Gauche.

Que les syndicalistes ne veulent pas de politique, qu’ils refusent malheureusement de se soumettre à la Gauche politique, c’est leur défaut. Mais que la Gauche politique elle-même ne soit pas à la seule hauteur possible – celle de l’État – voilà qui ne va pas.

Encore faut-il vouloir assumer l’État. Le Monde a par exemple publié une tribune de l’avocat pénaliste Raphaël Kempf : « Il faut dénoncer l’état d’urgence sanitaire pour ce qu’il est, une loi scélérate ». C’est naturellement paranoïaque. Cependant, c’est dans l’ordre des choses pour un avocat qui fait son petit business de la dénonciation de l’État.

Seulement, la Gauche a autre chose à faire que de se plaindre. Soit elle veut assumer ses responsabilités, vouloir que tout le pouvoir lui revienne… Et donc dire : oui aux ordonnances, mais pas forcément comme cela et en plus la facture doit revenir aux classes dominantes.

Soit elle fait la même chose que les populistes et l’ultra-gauche, c’est-à-dire user de la démagogie arguant que les « flics » sont tous des pervers n’attendant que d’assassiner, le gouvernement des marionnettes et le président le super-salaud. On a un bon exemple de ce type d’erreur avec le panneau de Lutte Ouvrière à Roubaix.

Ce qui est écrit peut tout à fait être juste. Mais Lutte Ouvrière est-il prêt, aujourd’hui, à remplacer tous les ministres et à gérer la crise du covid-19 ? Il ne le peut pas. Or, c’est de cela qu’il s’agit. Comment les gens peuvent-ils faire confiance à la Gauche, si celle-ci arrive toujours après la bataille, en disant qu’il faut simplement en tirer des conclusions ?

S’il s’agissait de tirer des conclusions seulement, la Gauche serait au pouvoir dans le monde entier depuis longtemps. On ne peut pas dire : il aurait fallu plus de lits d’hôpitaux, plus d’unités de soins intensifs, on les veut maintenant, tout de suite ! C’est là de la démagogie. C’est là ne pas avoir mené le travail en amont, pour former un gouvernement parallèle, un niveau étatique parallèle, qui seul est capable de rivaliser avec le gouvernement, l’État.

N’importe quel gouvernement aurait mis en place des ordonnances gouvernementales dans l’état d’urgence sanitaire. Soit la Gauche reste à l’extérieur de ce niveau de complexité, soit elle l’assume, pour prendre le pouvoir.

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Décès de Lucien Sève, philosophe figure du PCF

Lucien Sève, né en 1926, est décédé le 23 mars 2020 en raison du covid-19. Il fut la grandes figure philosophique du PCF depuis le milieu des années 1970.

Pour comprendre qui était Lucien Sève et quel fut son importance, il faut basculer dans les arcanes du PCF, de la philosophie communiste, des polémiques autour du matérialisme dialectique, etc. On est là dans un espace extrêmement étroit intellectuellement, mais important politiquement.

Dans les années 1960, le grand philosophe du PCF était Roger Gauraudy ; son approche philosophique consistait en un humanisme philosophique, dans l’esprit de « l’eurocommunisme » des années 1970 qui suivra, c’est-à-dire d’une émancipation intellectuelle et culturelle par rapport à l’URSS.

Une opposition intellectuelle de la part des « pro-chinois » dans l’Union des Étudiants Communistes se développa alors, notamment sous l’influence du philosophe Louis Althusser. Ce dernier ne les rejoindra cependant pas dans leur rupture en 1966, dont le coup d’éclat consista en le document « Faut-il réviser le marxisme-léninisme ? Le marxisme n’est pas un humanisme ». Ces étudiants allaient ensuite fonder l’Union des Jeunesses Communistes (marxistes-léninistes), dont le principal prolongement sera la Gauche Prolétarienne.

Roger Garaudy finit quant à lui par rompre avec le PCF et poursuivra son orientation « humaniste » en devenant musulman, puis basculera dans la négation des chambres à gaz. Le PCF s’était quant à lui enlisé dans l’alliance avec le Parti socialiste et c’est là qu’intervint Lucien Sève, à partir de 1976, c’est-à-dire du 22e congrès marquant le triomphe de l’idéologie de Georges Marchais (le socialisme oui, la dictature du prolétariat non).

Son objectif fut, intellectuellement, le même que Maurice Thorez. Il s’agissait de justifier l’existence du PCF, de la référence marxiste voire léniniste, tout en se séparant entièrement de l’URSS de Staline. Lucien Sève s’acquitta ainsi de cette tâche en tant que philosophe officiel du PCF. L’Humanité s’est fendu d’un article nécrologique décrivant adéquatement ce rôle :

« Travaillant ardemment à sortir le parti communiste du stalinisme, il fut néanmoins très attentif à son ancrage théorique et à la fidélité aux concepts issus du marxisme.

Il tint alors, contre vents et marées, une position originale et solidement argumentée entre l’humanisme de Roger Garaudy et le structuralisme de Louis Althusser.

Sa position fut théorisée dans un ouvrage au fort retentissement publié en 1969 Marxisme et théorie de la personnalité qui se fixait pour objectif d’exposer une conception marxienne de l’individu, à rebours d’une conception désincarnée du socialisme alors en vogue. »

Lucien Sève était ainsi un penseur que l’on peut appeler ouvert ou éclectique, selon ses horizons ; il n’hésita pas à considérer que Heidegger était un nazi, mais en même temps un grand philosophe préfigurant la véritable écologie. Il se tourna également vers les penseurs opposés à Staline en URSS, tel le psychologue Lev Vygotski. Au sens strict, il définit son approche comme marxienne et non « marxiste » ; il fallait pour lui se fonder sur une approche non dogmatique pour changer la vie en profondeur, avec Marx, Gramsci ou encore Jaurès.

Il ne s’agit pas de former un dogme : « le refus d’objectiver un  » marxisme  » est bien le préalable obligé de toute authenticité marxienne ». Le paradoxe, c’est que tout cela se situait en même temps pour lui tout à fait dans la tradition marxiste-léniniste dont il se revendiquait, qu’il prétendait prolonger et dépasser.

Cette position traumatise bien entendu les tenants de cette tradition, qui ne consistent concrètement qu’en deux organisations, le niveau exigé étant particulièrement élevé. Il y a ainsi la gauche du PCF, avec le Pôle de renaissance communiste en France dont le dirigeant Georges Gastaud est lui-même quelqu’un ayant un parcours philosophique. Pour le PRCF, Lucien Sève est à la fois un ange et un diable :

« Dans le temps « court » de la lutte politique et idéologique pour la renaissance communiste, L. Sève est peu à peu devenu un adversaire. Dans la temporalité moyenne de la théorie politique, et même s’il a produit dernièrement des travaux de grand intérêt sur l’éthique ou sur le concept du communisme, l’orientation générale défendue par Sève relève principalement à nos yeux du révisionnisme théorique (…).

[Cependant] il y va des fondamentaux d’une conception communiste conséquente de la transformation de la nature et de la société. Et sur cette temporalité « longue », Sève est un allié de premier plan du marxisme orthogramme de par sa culture philosophique et scientifique de premier ordre, de par son inventivité conceptuelle et de par sa puissance polémique, critique et démonstrative difficilement surpassable. »

Le PRCF considère que les « fronts sont étanches » et que Lucien Sève peut être excellent philosophe, mais un mauvais politique. Cette conception est évidemment considérée comme aberrante pour les maoïstes du PCF(mlm) pour qui tous les fronts sont entremêlés et pour qui il faut accepter soit tout, soit rien. Il n’y a pas de marxisme sans matérialisme dialectique, donc pas sans réalisme socialiste, sans conquête spatiale, etc.

On a ici trois approches concernant l’URSS de Staline : soit s’en couper, en considérant que ce fut du national-étatisme (comme le dit Lucien Sève), mais profiter de l’élan passé pour constituer une perspective marxienne, ce qui est la ligne du PCF.

Soit ne pas s’en couper mais rectifier le tir et réfuter le côté systématique, ce qui est la ligne du PRCF. Soit l’assumer en bloc de manière invariante en constituant en noyau dur le côté systématique, ce qui est la ligne du PCF(mlm).

On a là des choses bien compliquées et dont les problématiques ne touchent que bien peu de monde. Mais le communisme étant, aussi, une passion française, on a ici des démarches très complexes, très élaborées, qui ont par conséquent un impact intellectuel et culturel massif sur la Gauche et sur les perspectives de celles-ci. Qu’il s’agisse ici de laboratoires d’idées ou bien de matrices révolutionnaires potentielles, difficile de faire l’économie de ces poids lourds dans une critique sérieuse du capitalisme.

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La désintégration de la culture démocratique française

L’agression de féministes anti-prostitution lors de la marche du 8 mars 2020 à Paris reflète une tendance de fond consistant en le refus de la politique, en l’anti-socialisme et l’anti-communisme. Libéraux libertaires, nationalistes conservateurs, anarchistes, gilets jaunes, traditionalistes pro-religion, populistes, syndicalistes révolutionnaires… démantèlent les valeurs du mouvement ouvrier et la France bascule ainsi dans le Fascisme, en le sachant d’ailleurs très bien.

Il existe un sondage Kantar-OnePoint pour Le Monde et France info réalisé depuis dix ans ; les derniers résultats montrent que 57 % des gens de gauche considèrent que le Rassemblement National, l’ex-Front National, peut parvenir à accéder au pouvoir. C’est 15 points de plus que l’année dernière.

Dans le même ordre d’idée, seulement 51 % des gens considèrent désormais que le Rassemblement National est une menace pour la démocratie. Il n’y a pourtant aucune progression réel de la base du Rassemblement National, alors pourquoi ces chiffres ?

Ce n’est pas tant que les gens craignent réellement de voir le Rassemblement National triompher. C’est qu’ils commencent à le souhaiter. Beaucoup de gens issus de la Gauche ont capitulé sur le plan des valeurs, sans s’en apercevoir. Ils considèrent qu’Emmanuel Macron c’est déjà le fascisme et que donc, on ne risque rien avec l’extrême-Droite. Ils prévoient déjà de ne pas faire barrage au second tour s’il faut pour cela soutenir Emmanuel Macron.

Il y a l’idée, suicidaire, que l’extrême-Droite remettrait les choses sur pied en révélant les choses telles qu’elles seraient déjà. Il y a même, à l’arrière-plan, des tendances nationales-sociales qui s’expriment, sans le montrer encore trop nettement, et cela même sans que les gens tombant dans le Fascisme le remarquent eux-mêmes.

On est là dans le nihilisme et c’est de cela que relève l’agression de féministes anti-prostitution le 8 mars 2020. Car l’ultra-gauche, les courants post-modernes… réalisent un travail de démantèlement de toutes les valeurs de la Gauche historique, en ne cachant même pas d’être totalement contre la démocratie comme principe. Des gilets jaunes aux anarchistes, il y a le même dénominateur anti-démocratique, violemment anti-Gauche historique.

Car c’est la Gauche historique qui a toujours porté la démocratie, la Droite cherchant inversement à instaurer un régime autoritaire au service du capitalisme, avec quelques compromis. C’est le sens du régime mis en place en 1958 à la suite du coup d’État militaire, avec un président faisant office de monarque élu pour quelques années.

La Gauche historique, c’est le combat pour l’organisation populaire de manière la plus développée possible, et cela qu’on soit socialiste pour une participation gouvernementale ou communiste pour l’instauration d’un socialisme comme Staline et Mao. La perspective est la même, au-delà des multiples lectures différentes de ce qui doit être fait.

On est là dans la raison, dans l’organisation raisonnée de la société. On est dans les partis, les programmes, la politique.

Tel n’est pas le cas chez les libéraux libertaires, les nationalistes conservateurs, les anarchistes, les gilets jaunes, les traditionalistes pro-religion, les populistes, les syndicalistes révolutionnaires… qui prônent tous un mouvement « élémentaire », spontané, de type romantique et irrationnel.

Leur convergence provoque la désintégration de la culture démocratique française. Celle-ci était déjà bien mal en point, les Français restant passifs, tout en voulant tout de même la démocratie, mais s’en passant aisément si le capitalisme permet suffisamment de consommation et d’aliénation.

On touche maintenant de plus en plus un fond qui n’en finit pas. Le Fascisme apparaît comme option de plus en plus claire. Le vrai fascisme, pas celui qu’on imagine de manière abstraite. Le Fascisme est en effet une dépolitisation complète de la société, un corporatisme généralisé avec une individualisation extrême.

La Gauche est anéantie pour asphyxier la démocratie et le tour est joué. Le militarisme complet, les conquêtes impérialistes… sont des options, inévitables, mais pas du tout dans premier temps. Le principal est d’asphyxier d’abord.

Le Fascisme se conjugue donc très bien avec la PMA pour toutes ou la légalisation du cannabis. Ce qui compte, c’est qu’il n’y ait pas de politique, pas de raisonnement en termes de collectivisme. Cela, on ne l’a toujours pas compris en France : on s’imagine que dans le Fascisme tout le monde marche au pas de l’oie. C’est un aspect existant mais tout à fait réducteur de la question.

Car cette militarisation de la société s’appuie sur le détournement des mobilisations populaires. Personne ne veut cela aujourd’hui, mais demain ? Car un mouvement comme les gilets jaunes porte totalement en lui les germes d’une mobilisation militariste dans une société fasciste. Les Français sont mécontents aujourd’hui et ne veulent pas la militarisation. Mais si leur colère reste primitive, ils seront mécontents et voudront la militarisation.

Le véritable fond du fascisme, c’est la suppression de la raison, de la politique, du collectivisme comme vision du monde. Le militarisme suit dans la foulée comme encadrement des mobilisations populaires, pour aller à la guerre dont le capitalisme a besoin. Ce n’est pas le Fascisme qui veut la militarisation – il le veut car les masses bernées la veulent.

Ainsi, la France est en train de connaître une désintégration de sa culture démocratique. La démocratie se fait asphyxiée. Le Fascisme se profile comme conséquence de cette asphyxie. Seule la Gauche historique rétablie peut s’y opposer, s’y confronter.

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La rue «Youenn-Drezen» à Pont-l’Abbé et la soumission de la Gauche aux identitaires bretons

Récemment, le maire de Pont-l’Abbé Stéphane Le Doaré (de droite) a courageusement fait voter le changement de nom de la rue « Youenn-Drezen », du nom d’une figure de l’extrême-Droite bretonne. C’est une victoire démocratique importante, mais qui n’est malheureusement pas portée par la Gauche en Bretagne, tant elle est liée à l’identitarisme breton.

La Bretagne est considérée comme une terre de gauche, hermétique à l’extrême-Droite. C’est en grande partie vrai, avec en fait surtout une tradition catholique-de-gauche bienveillante, plutôt que véritablement socialiste.

Il y a cependant une grande épine dans pied de la Gauche en Bretagne, quasiment toutes tendances confondues : c’est le mouvement identitaire breton. Un peu par faiblesse culturelle, un peu par opportunisme politique, beaucoup par fainéantise idéologique, la Gauche en Bretagne n’a jamais critiqué l’identitarisme breton. Pire, elle l’a souvent directement accompagné, quand elle ne l’a pas accueilli dans ses rangs, notamment sous l’égide de Jean-Yves Le Drian.

Sous prétexte de défendre la culture bretonne et l’héritage historique breton, elle a accepté que soit réhabilité l’identitarisme breton des années 1930 et 1940, d’idéologie nationale-socialiste, dont l’immonde drapeau « gwenn ha du » est un symbole.

Ce fut le cas à Pont-l’Abbé où, en 1999, un maire étiqueté socialiste célébrait malgré les protestations le centenaire du fasciste Youenn Drezen, qui avait sa rue dans la commune depuis 20 ans déjà. Plus récemment, le leader de l’opposition de gauche à Pont-L’Abbé, Yves Canévet, s’est publiquement opposé au changement de nom de la rue « Youenn-Drezen » et a voté contre au conseil municipal.

On retrouve des rues du même nom dans de nombreuses communes, dont Rennes, avec pourtant une maire de gauche, candidate à sa succession sur une liste soutenue par le PS, le PCF, Génération-s, le PRG et Place publique.

Dans la presse, il y a Christian Hamon (qui se fait appeler « Kristian », de manière typiquement identitaire) qui s’est chargé de défendre l’auteur antisémite (sans nier son antisémitisme d’ailleurs), en proposant :

« Plutôt que d’effacer toute trace de sa mémoire dans sa ville natale, ne serait-il pas souhaitable de nommer un lieu « Itron Varia Garmez », roman emblématique de Pont l’Abbé (écrit par Youenn Drezen, ndlr) ? »

Problème, Christian Hamon n’est pas censé faire partie de la horde de nazis assumés ayant critiqué (et menacé) le maire de Pont l’Abbé. Il est au contraire quelqu’un se présentant comme ayant « toujours combattu le racisme et l’antisémitisme (y compris son cache-sexe d’extrême-gauche: l’antisionisme) ».

Il est de surcroît proche de l’UDB, un parti identitaire breton allié électoralement à la Gauche un peu partout en Bretagne.

L’affaire apparemment anecdotique de la rue « Youenn-Drezen » à Pont-l’Abbé en dit donc très long sur ce mal qui ronge la Gauche en Bretagne depuis des dizaines d’années.

Cette hégémonie de l’identitarisme breton est d’autant plus inacceptable que la question est très bien documentée, et ce depuis longtemps. Personne à Gauche ne peut dire qu’il ne savait pas.

Il faut souligner ici avec une grande vigueur le travail démocratique minutieux de Françoise Morvan, qui depuis plus de vingt ans n’a de cesse de montrer et démontrer l’imposture identitaire bretonne et ses liens historiques et idéologiques avec le nazisme.

Elle avait notamment contribué dans les années 1990 à démontrer l’antisémitisme de Youenn Drezen en traduisant des articles de lui issus de journaux à l’idéologie national-socialiste.

Françoise Morvan a écrit plusieurs articles sur son blog à propos de cette petite affaire de la rue la rue « Youenn-Drezen » à Pont-l’Abbé, tant elle sait à quel point tout cela est significatif. Elle a également été interrogée par le Télégramme avant-hier, où elle rappelle de manière très pertinente que :

« les militants nationalistes veulent imposer leur version des faits, y compris en les falsifiant. C’est bien ce que montre l’actuelle campagne de presse qu’ils organisent avec le fils de Drezen niant l’antisémitisme de son père. »

Il y a là un combat démocratique de grande importance à mener, un combat dont la Gauche en Bretagne devrait se saisir plutôt que de céder aux identitaires en défendant l’indéfendable. Ce serait d’ailleurs le meilleur service qu’elle pourrait rendre à la culture populaire bretonne, massacrée par les identitaires bretons.

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La Gauche se fourvoie totalement dans sa dénonciation du 49-3

Toute une Gauche pleurniche de manière véhémente contre le recours « anti-démocratique » du gouvernement à l’article 49-3 de la Constitution. Dommage que l’article ait été utilisé déjà 89 fois depuis 58, dont une très grande partie par la Gauche elle-même…

Nous vivons dans un régime qui est celui de la Ve République, né d’un coup d’État. Cela date de 1958. Découvrir en 2020 qu’il n’est pas démocratique ne tient pas debout. D’ailleurs, la Gauche a initialement dénoncé de manière ininterrompue la Ve République, que cela soit de la part du PCF que de celle de François Mitterrand, qui écrivit à ce sujet un fameux ouvrage, Le coup d’État permanent.

De plus, l’article 49 alinéa 3 de la Constitution a déjà été employé à de très nombreuses reprises par des premiers ministres. On a ainsi Manuel Valls qui s’en est servi six fois entre 2014 et 2016. Dominique de Villepin s’en est servi une fois en 2006, Jean-Pierre Raffarin deux fois, en 2003 et 2004, Alain Juppé deux fois en 1995 et 1996, Édouard Balladur une fois, Pierre Bérégovoy trois fois, Edith Cresson huit fois, Michel Rocard… vingt-huit fois.

Auparavant on a également Jacques Chirac (8 fois), Laurent Fabius (4 fois), Pierre Mauroy (7 fois), Raymond Barre (8 fois), Georges Pompidou (6 fois), Michel Debré (4 fois).

Il est donc absolument ridicule de « découvrir » en 2020 que la Droite est la Droite, que l’article 49-3 est anti-démocratique. Surtout qu’en plus, l’opposition au gouvernement d’ Édouard Philippe a déposé… 22 000 amendements, dans l’unique but de pourrir les discussions parlementaires en prétendant être démocratique.

Ni une, ni deux, le gouvernement contourne le « débat parlementaire » – par ailleurs évidemment purement fictif de toutes façons – et dit la loi passe ou je démissionne. La majorité étant pour Emmanuel Macron, le gouvernement est « sauvé » et la loi passe.

Parler donc de « régime autoritaire » comme le fait Jean-Luc Mélenchon n’a aucun sens. Soit il l’est à la base, depuis 1958, et à ce moment-là il n’y aucune raison de se focaliser sur Emmanuel Macron, ce qui est d’ailleurs l’un des travers imposés par la Ve République.

Dans Le coup d’État permanent, François Mitterrand dit justement :

« En remplaçant la représentation nationale par l’infaillibilité du chef, le général de Gaulle concentre sur lui l’intérêt, la curiosité, les passions de la nation et dépolitise le reste. »

François Mitterrand se demandait même alors :

« Magistrature temporaire ? Monarchie personnelle ? Consulat à vie ? Pachalik ? Et qui est-il, lui, de Gaulle? duce, führer, caudillo, conducator, guide ? »

La critique du recours au 49-3 par la Gauche est donc triplement hypocrite. Déjà parce qu’elle l’a utilisé aussi – on parle ici de la Gauche gouvernementale. Ensuite, parce que cela sous-tend qu’il y aurait un réel débat parlementaire au moment de la mise en place des lois, ce qui évidemment n’est que du théâtre.

Ensuite, parce que le régime lui-même fonctionne ainsi depuis 1958. Seulement comme ni le PS ni le PCF ne comptent en revenir à leurs fondamentaux, il leur faut cacher cela sous le tapis.

Et cela montre que la défaite totale dans le combat contre la réforme gouvernementale des retraites cherche le moindre prétexte pour être « justifié ». Tout sauf la remise en cause, voilà le mot d’ordre de ceux qui refusent d’en revenir à la Gauche historique…

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La Gauche ratera-t-elle la question animale?

La question animale est désormais un thème qui fait partie du paysage politique. Il n’y a pourtant pas de remise en cause sur le plan culturel. C’est considéré comme quelque chose s’ajoutant simplement à la liste des thèmes à aborder. Pourtant, il va de soi que cela ne saurait être le cas.

Historiquement, c’est dans les milieux les plus à gauche, en mode « alternatif », que la question animale est apparue comme directement politique. On ne pouvait pas être lié à la culture squat des années 1990 – que ce soit à Berlin ou à Lille – sans se tourner vers le véganisme. Par la suite, c’est l’extrême-Droite qui a fait des tentatives pour « draguer » les milieux de la protection animale.

Puis, ces dernières années, le thème est devenu « mainstream ». Jean-Luc Mélenchon s’est mis à parler quinoa, Benoît Hamon à mentionner les refuges, mais rien de cela n’est allé bien loin : cela a été un thème s’ajoutant à une liste déjà bien remplie de thèmes incontournables.

Ces derniers temps, c’est EELV qui a mis le paquet, voyant en l’élevage bio une manière de se lier à la question au moyen du développement durable. Mais là encore, la question animale n’apparaît qu’en filigrane. Le rapport aux animaux n’est pas remis en cause, il y a simplement le souhait de le réaménager.

Il est pourtant évident qu’une réflexion ne suffit pas, ni même un aménagement. Le rapport aux animaux qui a existé jusqu’à présent ne tient tout simplement plus. On peut bien sûr chercher à reculer à une date où cela aurai été moins flagrant, il y a dix ans, il y a vingt ans, il y a cinquante ans. Mais on ne fait alors que chercher dans le passé ce qui ne peut exister que dans le futur : la question animale est, en effet, avant tout celle de l’empathie.

On ne peut pas dire qu’on est révolté par la condition animale et limiter son empathie à agrandir une cage. Ce serait là passer à côté du principe de la prise de conscience. Quand on prend conscience, on fait autre chose. On ne fait pas « moins » ou « différemment ». Si on comprend que McDonalds, c’est mal, la réponse n’est pas d’y aller moins, d’y acheter d’autres produits, voire de rêver d’un McSundae vegan (qui vient justement d’arriver en Allemagne).

La Gauche a toujours considéré que le capitalisme façonnait les esprits dans un sens lui étant utiles. On pourrait donc s’attendre à une grande remise en cause du capitalisme de par le constat de la condition animale. Mais cela présuppose changer ses manières de vivre. Du point de vue de la Gauche historique, rien de plus normal. Pour une Gauche devenue libérale culturellement, c’est par contre quelque chose d’impossible.

Une Gauche libérale peut dire que les vegans c’est très bien. Mais elle ne peut pas dire : le véganisme, c’est bien. Or, la question se pose forcément comme cela. Ou bien le véganisme, c’est bien et il faut y aller, à tel ou tel rythme. Ou bien c’est mal et alors c’est une simple lubie dont on doit se passer.

On ne peut pas dire : je veux changer le monde, je ne mange pas de steak mais tu peux le faire. Pas plus qu’on ne peut dire : je veux changer le monde, je mange un steak, mais tu peux ne pas le faire. Agir ainsi, c’est se conformer au libéralisme, au principe du marché. Le capitalisme rêve d’un monde de consommation… et d’un monde de consommateurs ! Plus les gens sont différents, mieux c’est.

Soit on accompagne cela comme le fait la Gauche libérale, et on bascule dans la soumission à une société post-moderne, post-industrielle, post-on ne sait plus trop quoi. Soit on s’oppose à cela et alors on assume l’universalisme des valeurs.

Quel est alors le rapport universel à avoir aux animaux ? Telle est alors la question.

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Le député PCF André Chassaigne dans la revue américaine Jacobin

Interviewé par la principale revue de la Gauche américaine, Jacobin, André Chassaigne  du PCF prône le suivisme par rapport aux syndicalistes et aux gilets jaunes. C’est là assumer de nier la primauté de la Politique.

La revue Jacobin est très bien faite, très bien écrite, avec une mise en page aérée, bref c’est une revue de très haute qualité. Elle est américaine, elle est de gauche, donc c’est plutôt sympathique. Le souci c’est que c’est de la Gauche américaine, donc c’est simplement « progressiste », coupé du mouvement ouvrier, et sans les expériences importantes comme on en a fait en Europe. Mais c’est une Gauche qui fait l’effort de se tourner vers le monde ouvrier, ce qui est déjà totalement différent d’en France.

Toutes les limites de la démarche se reflètent à la lecture d’une interview d’André Chassaigne, député du PCF depuis 2002 (traduite en français ici). En effet, cela n’a aucun sens de demander quelque chose au sujet de la lutte contre la réforme des retraites à quelqu’un relevant de la Gauche politique. Car la Gauche politique n’a pas été présente dans cette lutte. Bien entendu, il y a des gens de gauche qui se sont mobilisés. Mais sur le plan de l’initiative, des idées, de la culture, des mentalités, il n’y aucune dimension politique. C’est une lutte syndicaliste de bout en bout.

Jacobin le sait d’ailleurs et explique son intérêt par la défense du « modèle social français ». Et, naturellement, le député André Chassaigne est ravi de pouvoir répandre ce qui est son propre discours également, consistant précisément en un « système social français » qui serait né en 1945 et qu’il faudrait défendre contre le libéralisme. Sauf que ce faisant, il oublie que c’est le capitalisme lui-même qui a développé l’État-providence, notamment par l’intermédiaire d’une social-démocratie abandonnant toute référence au Socialisme.

Le « modèle social français » est tout autant suédois, autrichien que belge. Parce que cela a été une tendance irrépressible du capitalisme lui-même. Ayant suffisamment grandi, devant de toutes façons lâcher du lest en 1945, il a littéralement intégré la classe ouvrière dans le capitalisme par la consommation de masse et l’institutionnalisation des syndicats. Résumer cela à des « acquis » conquis de haute lutte, alors que le capitalisme était ravi, c’est ne pas voir les faits en face.

D’ailleurs, le capitalisme n’entend nullement supprimer l’État-providence, ce qu’il cherche, c’est à le réorganiser, le pressuriser, le pousser dans tel ou tel sens. Mais tout comme la gratuité de l’école ou pratiquement des études en général en France, il ne va pas démonter des structures totalement en sa faveur, tant sur le plan de l’organisation des gens que des idées inculquées. Le discours misérabiliste prétendant que les gens sont, dans un État capitaliste très puissant, au bord de la misère, est totalement mensonger.

Que révèle précisément ce misérabilisme ? Qu’on est dans la fiction, et André Chassaigne est tout content de pouvoir la vendre à la revue américaine Jacobin, qui ne peut pas deviner qu’il raconte n’importe quoi, comme lorsqu’il dit au sujet des gilets jaunes :

« Il faut le dire, les syndicalistes ont initialement vu le mouvement avec un certain degré de suspicion. Ils ont vu des gens dans la rue alors qu’ils ne manifestaient jamais et se sont dit « mais nous avons déjà manifesté pour ça. »

André Chassaigne ment-il sciemment, ou est-ce de la mauvaise foi ? Car évidemment les syndicalistes ne se sont jamais dit cela, tout simplement parce qu’ils n’ont jamais manifesté contre l’augmentation du prix de l’essence. La vérité est que les syndicalistes n’ont pas réagi en syndicalistes, mais en gens de la Gauche politique dont ils relèvent aussi souvent, et qu’ils ont immédiatement compris que les gilets jaunes était un mouvement plébéien, relevant de ce qu’on appelle le Fascisme.

Et, par incapacité à assumer la Gauche, une partie des syndicalistes a finalement convergé vers ce mouvement rétrograde, ultra-populiste, hostile à la classe ouvrière dans sa nature même, ce que les ouvriers ont très bien compris en n’y participant à aucun moment.

Parler alors comme le fait André Chassaigne d’un rapprochement entre le « mouvement social » et les gilets jaunes, c’est très précisément refuser d’assumer la lutte des classes – lutte des classes n’ayant rien à voir ni avec le mouvement syndicaliste contre la grève des retraites, ni avec les gilets jaunes. D’où justement le suicide anti-politique proposé par André Chassaigne :

« [Question:] Qu’est-ce que votre groupe a prévu de faire à l’Assemblée nationale ces prochaines semaines ?

Nos centres d’activités politiques est d’agir en tant que porte-parole du mouvement social. Au parlement, nous passons en revue les demandes du mouvement social et disons la vérité sur l’ampleur du mouvement — toujours très fort, même si certaines personnes nous font croire le contraire. Dans tout ce que nous disons, nous respectons pleinement les choix pris par le mouvement social. C’est aux syndicats et aux travailleurs de décider dans quelles luttes ils s’engagent et comment ils s’y engagent.

Notre travail implique aussi de collaborer avec d’autres organisations progressistes pour trouver des propositions pour améliorer le système actuel, comme je viens juste de le décrire. Nous devons être bien plus qu’une simple opposition. »

Améliorons le système, mais ne le critiquons pas. Soyons simplement à la remorque des syndicats. C’est là fort bien résumé la position de la Gauche en France, à part peut-être du Parti socialiste initialement, ainsi que de Lutte Ouvrière ou des Maoïstes, de par leur méfiance, voire leur hostilité aux syndicats. Mais il n’est guère compliqué de deviner que jamais la Gauche n’avancera ainsi et que d’ailleurs elle n’a jamais procédé ainsi. Historiquement, la Gauche politique a toujours primé sur le syndicalisme.

En quoi les syndicalistes ou les gilets jaunes défendraient-ils d’ailleurs le « modèle social français », alors que c’est le cadet de leurs soucis ? Il suffit de lire leurs revendications, qui combinent revendications économiques d’une part, dénonciation plébéienne d’Emmanuel Macron de l’autre. Ni les uns ni les autres ne raisonnent en termes politique, ni ne raisonnent tout court d’ailleurs. Et il faudrait pourtant les suivre ?

Jamais la Gauche ne s’en sortira en agissant ainsi. Il faut des idées, il faut de la culture. Les syndicalistes et les gilets jaunes ne veulent ni les idées, ni la culture. Ils sont donc à mettre de côté et n’ont qu’un seul droit, celui de s’incliner devant la Gauche politique. C’est aussi simple que cela.

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Politique

Municipales 2020: la Gauche coûte que coûte… à la condition de l’unité

Si la Gauche ne s’unit pas, elle laisse un boulevard à l’extrême-Droite. Il faut donc appuyer cette unité à Gauche à tout prix. Quels sont les critères à avoir pour savoir s’orienter ? Il y en a deux : l’affirmation de la Gauche et l’unité. L’enjeu national doit prévaloir sur l’enjeu local.

Pour les élections municipales de 2020, il n’y a pas le choix, il faut voter. Qui ne le fait pas laisse s’installer une vague réactionnaire. Qui ne le fait pas ne contribue pas à l’unité de la Gauche dont on a impérativement besoin face à l’extrême-Droite.

Il y a donc deux critères qui apparaissent d’eux-mêmes : l’unité, la Gauche. Et il faut que cela soit assumé, ce qui n’est pas gagné aux municipales. Car les municipales, c’est historiquement la grande machine à corrompre. Le goût du pouvoir, les capacités financières, les magouilles avec les entreprises locales, le placement de proches, l’utilisation des moyens municipaux… la Gauche s’est historiquement faite broyée là-dessus. On peut interpréter l’histoire du PCF comme on le voudra, il n’en reste pas moins que son histoire s’est enlisée dans les gestions municipales plus ou moins opaques.

Déjà qu’il y a un problème à la base donc, il est d’autant plus essentiel que de ne pas voter pour des listes se présentant comme apolitiques. C’est très courant aux élections municipales et c’est une très mauvaise chose. Cela n’aide nullement à l’affirmation des valeurs de gauche. Cela renforce l’assèchement démocratique, ainsi que l’opportunisme. Et comme cet opportunisme est immense aux municipales…

Le pire exemple vient d’Anne Hidalgo. Ce n’est pas un secret qu’elle vise également la Présidentielle et que la ville de Paris est censée lui servir de tremplin. Elle s’évertue donc à se présenter comme une simple gestionnaire. Qui plus est, la capitale est remplie à moitié de « cadres et de professions intellectuelles supérieures » , elle devient de plus en plus un Disneyland pour touristes et pour grands bourgeois. C’est une ville culturellement littéralement perdue pour la Gauche.

Donc lorsqu’Anne Hidalgo présente une « Plateforme citoyenne pour un Paris écologique, solidaire et inclusif », on ne peut pas voter pour elle. Elle ne se dit pas de gauche, elle ne lutte pas en faveur de l’unité, c’est donc impossible. Il faut avoir en tête l’enjeu national.

Il est justement des cas totalement différents, qui sont simples. À Beauvais, Roxane Lundy assume de se présenter comme la « candidate de toute la gauche et des écologistes ». Sa liste unit le PRG, Generation-S, EELV, le PCF, le PS. À Bagneux, Marie-Hélène Amiable, qui est du PCF, est soutenue par le PCF, le PS, LFI, Génération-s et EELV.

À Saint-Étienne, il y a une liste soutenue par À gauche autrement, Génération.s, le Parti socialiste, le Parti communiste français, Place publique et les Radicaux de gauche. Le socialiste Pierrick Courbon est tête de liste. On a également la liste Tourcoing solidaire et engagée (LFI, PCF, de Génération-s, Ensemble, Nouvelle Donne).

Il y a des cas qui sont moins simples. Il y a ainsi une tentative de suicide à Béziers, où pourtant l’unité est primordiale, nécessaire coûte que coûte. Il faut faire tomber Robert Ménard ! Mais il y aura de manière totalement folle deux listes, portées par Nicolas Cossange (PC/PRG/PS) et Thierry Antoine (EELV/LFI). Comment faire ?

Et comment faire lorsqu’il y a plusieurs listes de Gauche ? Eh bien il faut se battre pour l’unité. Avec en tête l’enjeu national. Car finalement la question des municipales est simple. Il y a ceux qui privilégient l’enjeu local, basculant dans l’apolitisme, voire le populisme. Et ceux qui le relient à l’enjeu national et comprennent ce qu’est le sens des responsabilités.

Les municipales sont ainsi un grand test. Dont les effets vont se prolonger… Et cela alors que la Gauche est extrêmement faible. La sortir de cette faiblesse, telle est la véritable tâche à mener, l’arrière-plan véritable.

> À lire : notre page spéciale Les municipales 2020 à Gauche

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Politique

Après le mythe de la grève générale, le populisme du référendum

La grève générale n’étant clairement pas en vue, il fallait trouver un autre mythe mobilisateur de la part du PCF et de La France insoumise pour sauver la CGT. C’est l’Humanité qui s’est chargée de la mission, avec un grand appel à un référendum. Il faut sauver le soldat CGT.

Si la CGT coule, alors tout un pan de la Gauche s’écroule. Pas celle liée au Parti socialiste, car elle s’appuie de son côté sur des valeurs, un programme. Mais celle liée au PCF, à La France insoumise, au NPA, c’est-à-dire « à la gauche de la gauche », qui vit de surenchère.

S’il n’y a plus la CGT, il n’y a plus le levier de la surenchère. Et c’est la fin de tout. Il ne reste alors que les idées, le programme, les valeurs, et cela ne pèse pas lourd, tellement le populisme a fait des ravages.

L’ultra-gauche peut bien de son côté commencer à dénoncer une CGT qu’elle a entièrement soutenu jusque-là. Elle ne fait que revenir à son culte de la marginalité après un traditionnel suivisme syndical à la première occasion. Hier, les chasubles CGT, les cortèges CGT, aujourd’hui les postures de regret du manque d’élan, de la « trahison » des dirigeants. Rien de plus classique. On connaît l’adage : « la crise est une crise de la direction révolutionnaire ». L’ultra-gauche connaît son Léon Trotski.

Mais le PCF et LFI ont de l’ambition. Sans la CGT, il n’y a plus les moyens de cette ambition. Il faut donc agir avant qu’il ne soit trop tard. Ce qui se lit ici, c’est l’étrange rapport, très pervers, entre la gauche de la gauche et le syndicalisme. Il y a des non-dits, des zones réservées, un équilibre précaire mais en même temps une grande connivence, etc. Il y a un accord masqué qui, véritablement, pourrit la primauté de la politique et ce depuis les débuts de la CGT.

Il y a par conséquent une dépendance à la CGT, que le PCF et LFI la reconnaissent comme essentielle. Il faut donc sauver la CGT, qui va dans le mur. Mais comment faire pour ne pas la compromettre, pour qu’elle sauve la face ? D’où l’idée de demander un référendum, avec une pétition en ce sens, signée des principales figures de la « gauche de la gauche ».

La CGT, anti-politique, ne le signera pas, surtout lancée dans la grève, du moins officiellement. Si elle le fait, elle remettrait en cause sa propre logique syndicaliste. Elle ne peut donc pas vraiment être vexée. Surtout que c’est l’Humanité qui lance la pétition. On a aussi parmi les signataires Patrick Le Hyaric, qui est directeur de l’Humanité, ainsi que Bernard Thibault, ancien secrétaire général de la CGT.

Les angles sont donc arrondis. Et pour sauver le soldat CGT, on a Ian Brossat du PCF, ainsi que Adrien Quatennens et Jean-Luc Mélenchon de La France Insoumise. On a Marie-Noëlle Lienemann et Emmanuel Maurel de la Gauche républicaine et socialiste et Gérard Filoche de la Gauche démocratique et sociale.

On a Julien Bayou, qui est secrétaire national d’EELV, et Alain Coulombel, porte-parole d’EELV. On a Clémentine Autain de La France insoumise et Guillaume Balas, coordinateur de Génération-s.

On a également des figures d’arrière-plan, comme Pouria Amirshahi, ancienne figure majeure du syndicalisme étudiant et actuel directeur de publication de Politis, Willy Pelletier qui est coordinateur général de la fondation Copernic, Alain Obadia qui est président de la fondation Gabriel-Péri.

La liste initiale comporte également des avocats, des intellectuels, des chercheurs, des artistes, des économistes, etc. avec quelques ambulancier, sans profession et chauffeur poids lourd pour donner un côté populaire.

Est-ce que cela suffira ? Certainement pas. C’est même plus un signe d’effondrement qu’autre chose. Car la véritable actualité n’est pas dans ces noms. Elle est dans le fait que les hauts cadres du Parti socialiste ont également signé la pétition, et notamment Olivier Faure, qui est secrétaire national du PS, et Jean-Christophe Cambadélis, ex-premier secrétaire.

Qu’Olivier Faure veuille faire bien, soit. Mais que viennent faire les autres signataires, et notamment Jean-Christophe Cambadélis ? Ce dernier a un regard extrêmement précis et aguerri. Il disait tout récemment, avec justesse, au sujet des municipales :

« La gauche, elle, va toucher le fond de la piscine alors que le PS gardera pour l’essentiel ses bastions. Le PCF aussi, grâce à une alliance jugée hier impossible avec le PS. Même si ce sera l’arbre qui cachera la forêt des reculs du premier tour, la rupture avec la France insoumise va coûter chère au PCF et à la France insoumise.

Les écologistes seront globalement très hauts et devant les socialistes là où la gauche n’est pas sortante. Dans les villes de Besançon, Bordeaux etc. où la gauche est unie avec eux, ils peuvent même virer en tête. Reste que l’écologie est un vote de 1er tour, pas ou pas encore de rassemblement.

Quant à la France insoumise, elle est réduite à une posture de témoignage protestataire, ayant du mal à exister dans ce scrutin qui est pour elle encore plus difficile que les européennes. »

Et il ajoutait, présentant sa solution :

« Mais, encore une fois, le problème de la gauche c’est la faiblesse et le manque d’attractivité du PS. Ce n’est pas un problème de personnes mais une question structurelle. La marque est obsolète, il faut la refonder (…). Ce renouveau, cette réinitialisation du PS nécessite de dépasser le PS. »

Jean-Christophe Cambadélis croit-il qu’une Gauche, qu’il qualifie de « réformiste », peut naître d’un appel populiste à sauver une CGT antipolitique qui a mené un mouvement de protestation dans le mur ?

Cet appel au référendum est un suicide pour la Gauche politique. Il est une énième tentative de contourner les problèmes, les questions de politique, d’économie, de morale, de société, de valeurs. Il n’est aucunement possible d’échapper à la seule solution possible : constituer une Gauche consciente, organisée, structurée, établie de manière stricte.

Cela n’est pas possible avec une Gauche populiste, libérale culturellement, refusant l’organisation au nom de « mouvements », ne cherchant jamais à établir des structures locales menant un travail sur le long terme.

Le signe qu’on a ici, c’est que le Parti socialiste lui-même agonise – pas qu’il va contribuer à une structuration à Gauche. Sinon il ne se retrouverait pas là.

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Guerre

Marine Le Pen candidate en 2022: lui barrer la route coûte que coûte

Le 16 janvier, Marine Le Pen a annoncé qu’elle sera candidate aux élections présidentielles de 2022. Il faut l’unité de la Gauche dès le premier tour et quoi qu’il arrive, il faudra empêcher l’accession d’une figure d’extrême-droite au poste de Président.

Marine Le Pen a confirmé à Nanterre, dans les locaux du Rassemblement national, qu’elle sera candidate à la Présidentielle de 2022, confirmant des propos tenus en octobre 2019. Le moment choisi est idéal évidemment à ses yeux puisqu’elle a dénoncé les syndicats réformistes et s’est placée contre la réforme des retraites. Comme aux municipales un bon score est déjà prévu, elle se présente comme la véritable figure de l’opposition.

Si, en plus, l’ouverture à la Droite fonctionne, alors il y a effectivement les moyens de réussir pour elle. Il suffira de proposer un pacte gouvernemental en intégrant diverses figures, telle Marion Maréchal, pour asseoir une base suffisamment large.

Il n’y a donc pas le choix. Il faut un candidat unique de la Gauche dès le premier tour de la présidentielle. Il faut s’opposer dans tous les cas au second tour à Marine Le Pen, si elle y parvient.

Il est courant d’entendre des gens dire avoir voté pour Emmanuel Macron pour contrer Marine Le Pen, mais qu’ils ne le referont pas. C’est là totalement erroné, car c’est oublier ce qu’est le Fascisme. Évidemment, il y a l’ultra-gauche pour qui la France est déjà un État policier, une dictature. Mais si on connaît l’Histoire, on sait que c’est n’importe quoi et que le Fascisme c’est totalement autre chose qu’un régime autoritaire bourgeois classique.

Qui plus est, les gens ne comprennent pas qu’avec une posture de dégoût, ils tombent dans la démagogie du Fascisme justement, qui vise à rejeter la politique comme quelque chose de dégoûtant, corrompu, etc. Pour dire les choses plus simplement, une lecture anarchiste des choses, anti-politique, contribue aux tendances anti-démocratiques représentées par le Fascisme.

Le constat est simple. Il faut sauver les principes démocratiques et cela n’est pas possible si la démagogie de l’extrême-Droite l’emporte. Il faut donc rassembler les efforts coûte que coûte et il est évident qu’une Gauche non unie au premier tour n’accédera pas au second tour. Il ne s’agit pas de penser que le régime présidentiel de la Ve République est démocratique – il ne l’est pas. Il s’agit d’empêcher l’extrême-Droite de réaliser un saut qualitatif.

Et si jamais la Gauche ne parvient pas au second tour, il faudra voter même pour Emmanuel Macron, là encore pour bloquer la route à l’extrême-Droite. Il y aura bien sûr les « ultras » pour dire que ce serait cautionner Emmanuel Macron et empêcher l’émergence d’une contestation à Gauche, mais en réalité le fond de cette posture, c’est la position de la terre brûlée. C’est l’idée qu’il faudrait que les gens connaissent le pire pour réagir. C’est du suicide.

Nous ne sommes pas à la veille de la révolution ou d’un basculement à Gauche. Qui le dit ment et ne peut mentir que sciemment, car il est frappant que le niveau de conscience populaire est faible, que le nombre d’activistes de gauche est misérable, que l’individualisme règne, que le nationalisme imprègne les valeurs.

Ce que nous risquons, c’est le basculement dans l’hégémonie d’une figure à la Donald Trump, Boris Johnson, Jair Bolsonaro, Vladimir Poutine, Xi Jinping, Recep Tayyip Erdoğan, Rodrigo Duterte.

Ce serait amener la France sur le terrain des va-t-en guerre ouverts, de l’aventurisme militaro-expansionniste ouvert.

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Politique

La pétition du 5 janvier 2019: le tournant politique de la grève

Le Journal du Dimanche a publié une tribune appelant le gouvernement à stopper la réforme des retraites et à négocier avec les syndicats. C’est que la grève se prolongeant, tout risque de commencer à être bousculé socialement et d’ouvrir la porte aux révoltes. C’est hors de question pour la direction de la CGT et la gauche institutionnelle, tous deux à l’origine de la tribune. C’est une opération de récupération et surtout d’évitement de la lutte des classes, qui cherche à torpiller la gauche du mouvement de grève.

La grève continuant, les choses deviennent politiques, comme prévues. Qu’on le veuille ou non, on est dans une opposition entre des syndicats et le gouvernement, ce qui pose la question de la légalité, de la légitimité, donc de l’État.

C’est là ouvrir une porte à ce que la société française soit ébranlée. Tant mieux ! dit-on si on est de Gauche et qu’on espère enfin qu’en France, il y ait un mouvement populaire. Hors de question ! dit-on si on considère que tout doit rester dans le cadre institutionnel.

La tribune publiée dans le Journal du Dimanche du 5 janvier 2019 est ainsi très brève. En quelques lignes, on a un « appel au calme » signé des principales figures politiques classées à gauche, tels Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise), Olivier Faure (PS), Fabien Roussel (PCF), Julien Bayou (EELV), à quoi s’ajoute Philippe Martinez, le dirigeant de la CGT.

On a également parmi les signataires Gérard Filoche de la Gauche démocratique et sociale, Guillaume Balas de Génération-S, Raphaël Glucksmann de Place publique, Marie-Noëlle Lienemann de la Gauche républicaine et socialiste, Olivier Besancenot et Philippe Poutou du Nouveau Parti anticapitaliste.

De plus, pour faire bien, la liste comprend des comédiens, des historiens, etc. et dispose d’un site où signer la tribune-pétition.

« Une majorité de citoyennes et de citoyens le demandent : retrait de la réforme Macron !

Depuis le 5 décembre, des millions d’hommes et de femmes se retrouvent dans les grèves, dont beaucoup en reconductible, et les manifestations à l’appel des organisations syndicales.

Ils et elles rejettent la réforme du système de retraites que veulent leur imposer le président de la République et son gouvernement.

Ce projet n’est pas acceptable, car il est porteur de régression des droits de chacune et chacun : toutes les hypothétiques avancées proposées par le gouvernement devraient être financées par des baisses de pensions ou par l’allongement de la durée de la vie au travail. D’autres choix sont pourtant possibles.

C’est pourquoi nous demandons le retrait du projet présenté par le Premier ministre, afin que soient ouvertes sans délai de vraies négociations avec les organisations syndicales, pour un système de retraites pleinement juste et solidaire, porteur de progrès pour toutes et tous, sans allongement de la durée de la vie au travail. »

Tout est ici très compréhensible, voire logique même si l’on veut, s’il n’y avait pas le dernier paragraphe. Car s’il y a retrait du projet de réforme des retraites, qu’y a-t-il à négocier ?

C’est là qu’on comprend que cette tribune-pétition a comme cible toute la gauche du mouvement de grève, pour qui cette grève porte sur bien plus que la question des retraites. La pétition-tribune, très largement diffusée dans les milieux syndicaux, est une manière de limiter la question aux retraites, d’exiger une porte de sortie rapide à la crise.

C’est doublement criminel.

Déjà, car il s’agit de demander à Emmanuel Macron de réactiver la gauche institutionnel et la CGT, sur le dos de la grève.

Ensuite, car c’est espérer quelque chose d’un gouvernement fer de lance du capitalisme sur le plan des privatisations, ce qui est absurde.

À l’arrière-plan, la chose s’explique comme suit : Philippe Martinez, le dirigeant de la CGT, veut couper l’herbe sous le pied du syndicalisme dur à la CGT, et empêcher à tout prix que s’ouvre une nouvelle séquence de lutte, bien plus dure et généralisée.

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François Hollande lit bien le défi de 2022

Comme l’ensemble des cadres socialistes historiques, François Hollande est un analyste très fin des situations et des enjeux, même si certains reprocheront à tous ces gens de ne finalement pas croire en grand-chose. Ses propos sur le défi que représente 2022 sont pour cette raison empreints de sagacité. Le constat est simple : ou il y a un renouveau par en bas de la Gauche formant un camp bien déterminé, ou l’extrême-Droite se profilera comme alternative à un Emmanuel Macron trop décrédibilisé pour former un rempart à celle-ci.

François Hollande a-t-il lu l’article d’avant-hier « Mouvement de décembre 2019: les Français ne veulent pas le changement », pour dire la même chose hier sur France Inter ? Il n’en avait, il est vrai, nul besoin, puisque du point de vue toute personne rationnelle à Gauche, la situation est très claire.

Et cette situation, c’est celle d’une « gauche de la gauche » populiste et velléitaire, sans crédibilité, avec un Emmanuel Macron qui ne pourra clairement plus servir de barrage à l’extrême-Droite tellement il est décrédibilisé. Conséquence : il faut l’unité de la Gauche, ou bien c’est le drame.

François Hollande a exprimé son point de vue en les termes suivants, bien choisis et disposés de manière très intelligente.

Première thèse : un mouvement nouveau d’unité est inévitable. Il va y avoir un mouvement de fond. En cela, François Hollande exprime parfaitement le point de vue de la Gauche.

« En 2022 il va y avoir une élection présidentielle et des élections législatives, il faudra une figure. Il va falloir qu’il se passe quelque chose, pas seulement une incarnation physique, mais aussi une mobilisation citoyenne, un parti, un mouvement, il faut une force qui surgisse à partir de ce qui existe déjà et qui puisse faire entendre la voix de l’espérance. »

La responsabilité de chacun est nécessaire. Tout le monde doit contribuer et se plier à la discipline de l’unité de par le défi historique. On peut évidemment considérer que François Hollande a des arrières-pensées électorales. Cependant, résumer ses propos à cela serait fondamentalement réducteur, pour ne pas dire même la dernière chose à faire.

« J’y contribuerais si c’est nécessaire, je ne vais pas moi-même m’imposer, je ne vais pas moi-même considérer que je suis une solution quand certains pensent que j’ai été un problème, je veux être un contributeur – parmi d’autres – parce que c’est nécessaire, sinon le risque c’est quand même une alternative d’extrême droite. »

Enfin, le populisme de gauche ne peut aucunement réussir, le nationalisme le battant par définition. Il faut donc que le centre de gravité soit le réformisme. Ce point de vue correspond à toute la philosophie de François Hollande concernant l’impossibilité, selon lui, d’avoir une Gauche majoritaire en France.

Il l’a exprimé dans Un président ne devrait pas dire ça…, ainsi que dans les trois chapitres ajoutés à l’occasion de la parution en version poche de son livre Les leçons du pouvoir, en avril de cette année.

« C’est très intéressant ce qu’il s’est passé au Royaume-UniJeremy Corbyn fait le programme le plus à gauche qui soit depuis les années 1950 pour le parti travailliste et il perd dans toutes les circonscriptions ouvrières.

Cela veut dire que le nationalisme, le souverainisme, sont plus forts que le gauchisme, que le gauchisme n’a aucune chance face au nationalisme.

C’est la crédibilité qui a une chance, c’est le réformisme, c’est l’idée que si Jeremy Corbyn avait fait campagne pour le maintien, il avait une chance, mais en faisant campagne sur l’ambiguïté et le gauchisme, ce sont finalement les conservateurs les plus à droite qui ont gagné. La sociale-démocratie renouvelée, elle, a une chance. »

Le souci dans ces derniers propos est qu’on voit mal en quoi un pôle réformiste se distinguerait d’Emmanuel Macron. François Hollande a d’ailleurs considéré comme nécessaire de tenir les propos suivants, qui feront suffoquer beaucoup de gens à Gauche :

« S’il y a une victime [d’Emmanuel Macron], la première, c’est moi. J’en ai payé suffisamment le prix y compris en n’étant pas candidat à l’élection. Mais c’est vrai qu’il y a eu cette dissidence et il a utilisé la position qui était la sienne pour faire valoir ses positions, ses idées, sa campagne présidentielle. »

La sagacité de François Hollande montre que, qu’on le veuille ou non, on ne coupe pas aux socialistes. On peut leur reprocher de ne pas être suffisamment à Gauche, ni même clairement de gauche. Mais quand on voit La France Insoumise et son populisme toujours plus incohérent, il est évident que cela ne donne aucune perspective. Avec l’extrême-Droite comme défi, on ne peut pas non plus se contenter du luxe d’attendre un prochain cycle historique…

On peut regretter cette situation et œuvrer à une Gauche revenue à ses fondamentaux historiques. Mais cela ne doit jamais faire oublier le réalisme nécessaire et le sens des responsabilités.

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La raison de l’échec du 10 décembre 2019: la malhonnêteté intellectuelle!

La journée du 10 décembre 2019 contre le plan gouvernemental de réforme des retraites n’a pas amené le monde du travail à se mobiliser massivement. Comment peut-on alors prétendre le contraire ? Entre les « on lâche rien » syndicalistes et les fantasmes anarchistes du grand soir, on est dans un déni complet de la réalité. Il faut que ces gens s’effacent devant la Gauche politique.

Il faut vraiment nier la réalité pour raconter que le « monde du travail » et la « jeunesse » s’est massivement mobilisée le 10 décembre. Ce n’est tout simplement pas vrai. Le dire, c’est mentir. Et, à la suite de la mobilisation du 10 décembre, la CGT ment. Son communiqué intitulé « L’opposition à la réforme des retraites se confirme ! » relève de la malhonnêteté intellectuelle.

Comment peut-on écrire la chose suivante ?

« Avec 1 million de manifestants dans plus de 200 manifestations organisées ce mardi 10 décembre, c’est une nouvelle journée de mobilisation réussie alors même que cette date est apparue très récemment dans le calendrier après une première journée d’ampleur historique (…).

L’excès de communication déployé par le Gouvernement pour tenter de désamorcer la situation est un échec, force est de constater que le monde du travail, de la jeunesse et des retraité.e.s se sont de nouveau massivement mobilisés ce jour pour exprimer leur volonté de bénéficier d’un régime de retraite solidaire et intergénérationnel à l’opposé du projet présidentiel. Allant même jusqu’à entraîner la mobilisation de secteurs professionnels peu enclin à la manifestation à l’instar des syndicats de la Police Nationale. »

Comment peut-on parler de date « surprise » alors que c’est censé être un mouvement de grève commencé il y a plusieurs jours ? Rien qu’avec cela on comprend que la CGT cherche simplement à faire du bruit autour des cheminots, de EDF et de la RATP, au moyen des retraités et des jeunes, avec quelques bases ouvrières.

Sauf que les ouvriers en général restent tous à l’écart, que la jeunesse fait d’ailleurs pareil, sans parler des travailleurs du secteur privé en général.

Et les grèves, d’ailleurs, où en est-on ? Parce que tout le silence syndical à ce sujet en dit long. C’est un flop. Ce flop vient du fait que les gens n’ont pas fait confiance ni aux syndicats, ni aux anarchistes. Ni d’ailleurs aux cheminots, aux travailleurs de la RATP et à ceux de l’Éducation nationale, qui ne s’imaginaient tout de même pas que la France allait faire une grève générale rien que pour eux quand même !

Il serait peut-être temps que les travailleurs concernés assument de mener une lutte corporatiste, pour se remettre en cause et alors chercher à gagner la confiance de l’ensemble des travailleurs. Ce qui implique bien plus dure, on le devine… Et justement les cheminots, les travailleurs de la RATP, d’EDF et ceux de l’Éducation nationale ne le veulent pas. Leur raisonnement c’est : foutu pour foutu du côté des travailleurs, tirons notre épingle du jeu.

Qu’on ne s’étonne pas donc si tout plante et si les ouvriers restent à l’écart… comme ils sont restés à l’écart des gilets jaunes.

Et c’est pour cela que toute cette mobilisation actuelle n’a pas d’âme, comme bien d’autres ! Et c’est pour cela que la Gauche politique est totalement à plat, avec les syndicalistes et les anarchistes, devant qui tout le monde capitule pratiquement à gauche.

Ce qui revient à faire semblant d’apprécier les commerçants itinérant du XIXe siècle vendant leur camelote en prétendant que c’est un remède miracle. Alors que la classe ouvrière va réémerger sur la place historique… Et que tout va être alors fondamentalement différent.

Bien malin seront alors ceux qui auront valorisé le syndicalisme, l’anarchisme, les gilets jaunes, en pensant que la Gauche politique, la Gauche historique, c’était du passé !

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«Appel à une candidature unique de la gauche à l’élection présidentielle 2022»

Une initiative a formé une plate-forme pour qu’en 2022, la Gauche ne présente qu’un seul candidat aux prochaines élections présidentielles, sur la base d’un dénominateur commun à la fois social, humaniste et écologiste. Si le dénominateur commun en question peut évidemment se discuter, dans tous les cas c’est une évidence qui s’affirme d’elle-même alors que les menaces ultra-libérales et d’extrême-Droite ne cessent de se renforcer.

Le site uniondesgauches2022.org propose un embryon de programme et une pétition pour, en amont, contribuer à une candidature unique de la Gauche aux présidentielles de 2022. Parmi les idées mises en avant, il y a le passage suivant qui est très bien tourné et qui parlera de manière naturelle à tous les gens de gauche :

« Le sentiment d’appartenance à une société commune, prérequis indispensable à la vie démocratique, a été brisé par une double peine.

D’une part, le modèle libéral dominant impose une compétition permanente au citoyen/consommateur dont la réussite est mesurée à l’aune de son enrichissement par rapport aux autres.

D’autre part, le discours réactionnaire et omniprésent de l’extrême droite enferme notre société dans une vision communautariste qui oppose les citoyens, à mille lieues de nos valeurs universalistes historiques.

Face à cette menace, la gauche se mobilise pour défendre une société du commun. »

On ne dira pas : c’est beau, parce que tout cela est dramatique. On dira donc : c’est bien. Très bien même ! Rien que ces quelques lignes devraient suffire à établir la base de l’union, permettant de débattre, proposer, discuter ensuite de comment faire, comment interpréter la situation, etc.

L’initiative mise en place cherche cependant directement à aller plus loin. On a donc plusieurs thèmes, avec à chaque fois un petit résumé et les liens vers les positions d’Europe Écologie-Les Verts, du Parti socialiste, de La France Insoumise et du PCF. On a donc :

– en finir avec la monarchie présidentielle pour remettre le citoyen au coeur de la décision publique ;

– reprendre le contrôle sur les banques et la finance ;

– redistribuer plus justement les richesses ;

– refonder une société du commun et du vivre-ensemble ;

– défendre nos services publics pour préserver le modèle social français ;

– accueillir et intégrer dignement les réfugiés ;

– passer au 100% renouvelable ;

– encourager une économie verte et relocalisée.

L’idée est bien sûr de ne pas en dire trop peu et d’essayer de dynamiser le tout le plus rapidement possible… De par l’état des forces de la Gauche, d’ici les élections présidentielles en 2022 mieux vaut s’y prendre tôt, effectivement !

On peut toutefois – pour faire quelques remarques tout de même – regretter des incohérences.

Dire qu’il faut en terminer avec la monarchie présidentielle est par exemple excellent, c’est le cœur de la Gauche historique d’ailleurs. Notons tout de même en passant que tous les partis de Gauche ayant été au gouvernement s’en sont finalement bien accommodés, de cette Ve République née d’un coup d’État militaire…

Mais passons, le souci vient du fait qu’il est demandé que soit renforcé le pouvoir des villes et régions, et réinventé le rôle des députés. Cela ne marche pas, car est ici oublié le Sénat, ce bastion des forces réactionnaires s’appuyant sur les élus des collectivités territoriales, cet arrière-pays réactionnaire… Soit on renforce les députés (aux dépens du Sénat), soit on renforce le local, mais les deux en même temps, ce n’est pas possible.

C’est pourquoi, finalement, une vraie Gauche ne peut qu’aller dans le sens de la disparition du sénat et des préfets, ces avant-postes relevant obligatoirement de la Droite. Ce qui amène au vrai problème de fond, d’ailleurs. Il n’est en effet pas possible de combiner :

– la décentralisation, les concertations citoyennes, le renforcement du local… comme le veut la tradition de la seconde Gauche rejointe finalement par le PCF,

– avec l’affirmation politique de la Gauche, qui ne peut exister que dans le dépassement des particularismes locaux et la proposition au niveau de tout le pays.

Ce nécessaire besoin de la Gauche d’exister au niveau national, sans quoi elle se dilue dans l’arrière-pays réactionnaire, dans la France profonde, a été vrai pour tous ses marqueurs : la Commune de Paris de 1871, le Front populaire de 1936, mai 1968, tout comme évidemment l’union de la Gauche en 1981.

On voit mal comment l’union des gauches en 2022 pourrait éviter de proposer quelque chose de fort sans se faire littéralement massacrer par les libéraux d’un côté et l’extrême-Droite de l’autre. Il y a de sacrés défis qui nous attendent !

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Grève lancée le 5 décembre 2019: la Gauche politique est le seul repère

Le climat est délétère et il y a envie d’en découdre. Le souci est que tout le monde a envie d’en découdre, c’est vrai autant à Gauche qu’à Droite. Sauf que la Gauche est déstructurée, alors que la Droite est en reconstitution, avec une extrême-Droite formant un véritable pôle. Toute réduction à du syndicalisme, tout suivisme de la part de la Gauche politique serait un suicide. Cela va être malheureusement difficile de par les tendances à l’auto-intoxication promues par l’ultra-gauche, les syndicats et les populistes de La France Insoumise.

Le grand risque du mouvement de grève qui s’ouvre ce 5 décembre 2019, c’est l’auto-intoxication. On peut critiquer les cadres historiques du Parti socialiste, comme Jean-Christophe Cambadélis et Julien Dray, pour leur froid pragmatisme et leur sens, disons, de faire prendre aux choses une tournure relevant du calcul. Mais au moins avec eux les choses sont présentés comme elles sont.

Au contraire, prenons ce que dit le média Révolution Permanente, expression d’un courant du Nouveau Parti Anticapitaliste, dans l’article Vers une grève générale politique contre Macron ?. La première phrase est la suivante :

« Tout indique que la grève générale du 5 décembre sera d’une ampleur absolument inédite, sans doute la plus grosse mobilisation depuis celles de 1995, 2006 et 2010. »

Ce serait donc une ampleur « absolument inédite », mais on l’aurait déjà vu pas moins de trois fois ! Comment peut-on raconter une chose pareille ? Et c’est typique, c’est malheureusement un excellent exemple de ce qu’on voit régulièrement dans les expressions de soutien à la vague de grève qui se lance.

Pour les uns, on est à deux doigts de la démission d’Emmanuel Macron, de la fin du gouvernement, voire du capitalisme. Pour d’autres, il y a phénomène de convergence de tous les mouvements possibles qui est en train de se jouer.

Les gilets jaunes – un mouvement réactionnaire culturellement qui a toujours concerné une minorité du pays – aurait révolutionné les luttes et les syndicats se mettant en branle, tout va changer du tout au tout !

Ce n’est pas réaliste. Si le mouvement prend vraiment de l’ampleur, alors cela sera :

– une bataille ardue faisant une expérience formidable ;

– mais une bataille avec des larmes et du sang, au sens propre ;

– produisant inévitablement une puissante vague de Droite en réaction,

– provoquant un électrochoc à Gauche avec une compréhension que tout va se jouer à pas grand-chose, vu le peu de temps qu’il reste avant l’instauration d’un régime au minimum autoritaire et nationaliste.

Il faut arrêter de vendre du rêve, de prétendre qu’Emmanuel Macron c’est le fascisme, que la police frappe tout le monde et démantèle les manifestations. Parce que c’est ce qu’on lit, dans une surenchère folle.

Il faut les faits, politiquement. Et la Gauche est inexistante politiquement, alors que l’extrême-Droite a une véritable proposition stratégique. Que le programme de Marine Le Pen ne tienne pas debout n’est pas la question : pour l’instant, au moins la moitié des ouvriers sont attirés par cela. Il faut ajouter qui plus est à ce panorama la vague de type « conservatrice révolutionnaires » portée par Marion Maréchal, Éric Zemmour, Valeurs Actuelles, etc.

Soit le mouvement se lançant le 5 décembre devient politique et culturel, parce qu’il porte la lutte des classes. Soit il se réduit à une protestation économico-contestataire sans envergure et c’est l’échec assuré.

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Est-ce le «soviet» qui manque à la Gauche française?

La soumission de la Gauche politique aux syndicats lors des luttes sociales est une tradition en France. Cela va pourtant à l’encontre de l’expérience en Europe, où ce sont les syndicats qui reflètent normalement sur le plan économique les perspectives tracées de manière politique. Le Parti socialiste se place ici dans cette expérience européenne en appelant à la grève du 5 décembre 2019 sans se placer dans la perspective syndicale.

Y a-t-il un problème d’organisation démocratique des travailleurs en France ? À la fin de la Première Guerre mondiale, la forme du « soviet », du conseil des travailleurs, a été assimilée dans une large partie de l’Europe, mais justement pas en France. C’est pourtant une forme qui permet la politique, alors que le syndicalisme à la française l’interdit.

Toute la Gauche a soutenu le principe des « soviets » lorsqu’il est apparu. Seule une partie de la Gauche – Lénine et les bolcheviks – considéraient que c’était la forme du « nouveau pouvoir » propre au socialisme. L’autre partie considérait que c’était la République, avec une représentation nationale « à l’ancienne ».

Mais tout le monde considérait que dans une période de troubles, la formation de « conseils » de travailleurs dans les entreprises était une chose cohérente, une mobilisation tout à fait dans l’ordre des choses. Les élections au sein des soviets en Russie montraient que l’ensemble de la Gauche y participaient (anarchistes, bolcheviks, menchéviks, socialistes révolutionnaires, etc.)

Et la crise ouverte en 1917 a provoqué la naissance de soviets dans de nombreux pays, souvent de manière massive, comme en Allemagne, en Italie, en Hongrie, en Autriche, en Finlande, bien sûr en Russie, etc.

Les pays les plus stables n’ont pas été touchés ; il n’y a donc pas eu de soviets en France, ni en Grande-Bretagne, deux pays où le syndicalisme était également puissant. Si cette question du syndicalisme est importante, c’est qu’on peut également voir que, par la suite, la forme « soviétique » n’est jamais apparue ni en France, ni en Grande-Bretagne.

Il y a bien sûr eu des assemblées générales de travailleurs dans une entreprise en lutte. Mais il n’y a jamais eu de prolongement de cette assemblée jusqu’à former une structure compacte prenant les décisions. Dans ces assemblées d’ailleurs, ce n’était pas les partis politiques de la Gauche qui formaient des tendances, mais seulement les syndicats.

Or, le problème est simple à comprendre : comment la Gauche peut-elle exister chez les travailleurs s’il n’existe aucun espace où ceux-ci peuvent se confronter à la politique de la Gauche ? La déclaration commune de novembre 2019 de la quasi totalité de la Gauche (hors PS) dit en définitive : nous serons la caisse de résonance politique des luttes syndicales.

Mais une telle chose ne peut pas exister. C’est pourquoi le Parti socialiste s’est montré bien plus intelligent, conséquent, logique, en ne signant pas la déclaration commune et en faisant son propre texte affirmant que la question n’était pas que syndicale, qu’elle touchait toute une vision du monde.

La déclaration commune dénonce évidemment le libéralisme économique également, mais en se plaçant dans l’orbite des syndicats. Le communiqué du Parti socialiste prend bien soin de terminer sur une note indéniablement politique. Il n’y a d’ailleurs pas le mot « syndicat », le flou étant savamment entretenu dans la première phrase, et dans la première phrase seulement :

« À l’appel de plusieurs fédérations et confédérations syndicales… »

Aucune référence aux syndicats n’est alors plus faite de tout le long communiqué ! On peut reprocher au Parti socialiste de faire de la mauvaise politique – mais en attendant, il en fait, contrairement aux signataires de la déclaration commune.

Tant que les travailleurs en France ne sauront pas en mesure de mettre en place une assemblée générale, de lui conférer un statut organisé, tant qu’ils maintiendront la fiction de la « lutte syndicale », on sera ainsi toujours à la traîne, dans une impasse avec d’un côté les réformistes électoralistes, de l’autre les syndicalistes « ultras ».

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Une déclaration commune sans âme, une soumission aux syndicats

Toute la Gauche liées aux élections d’une manière ou d’une autre mais hors du Parti socialiste, a signé une déclaration commune défendant la solidarité contre l’individualisme dans la grande bataille des retraites qui va se dérouler en décembre 2019. Cette déclaration commune est toutefois sans âme, avec une approche réductrice à quelques mesures économiques, assumant une soumission complète aux syndicats. Or, c’est précisément cette soumission du politique au syndicalisme qui est la cause de la faillite de la Gauche française.

On retrouve dans la déclaration la plupart des mouvements de l’ancien « Front de Gauche » (Parti de gauche, Parti communiste français, République et socialisme, Ensemble !, Parti communiste des ouvriers de France).

On a également les anciennes structures de la gauche du Parti Socialiste : la Gauche démocratique et sociale et Génération-s.

À cela s’ajoute Europe Écologie-Les Verts, le Nouveau parti anticapitaliste, Nouvelle Donne, Mouvement pour la démocratie en Europe (Diem 25), Pour une écologie populaire et sociale, ainsi que la France Insoumise.

La liste des signataires de la déclaration commune témoigne donc de l’unanimité générale, à part de Lutte Ouvrière, qui pose cependant la même problématique. Sa propre déclaration dit ainsi :

« Quoi que l’on pense des confédérations syndicales et de leurs calculs divers et variés, il faut y aller. Nous n’avons que trop attendu pour réagir et nous opposer aux reculs imposés par le gouvernement ou le grand patronat. Le 5 décembre nous offre la possibilité de dire « ça suffit ». Profitons-en ! »

Le début et la fin de la déclaration commune générale sont exprimés de la manière suivante :

« Les forces politiques et les personnes soussignées s’opposent totalement au projet de retraites d’Emmanuel Macron et soutiennent les mobilisations syndicales annoncées pour le mettre en échec le 5 décembre, ainsi que les appels à la grève reconductible (…).

Les mobilisations syndicales unitaires seront décisives à partir du 5 décembre ! Nous appelons la population à leur apporter un soutien massif ! »

Le souci n’est bien entendu pas d’appeler à se mobiliser. Le souci est de soumettre la Gauche politique aux syndicats, c’est-à-dire de niveler par le bas les nécessaires besoins théoriques, culturels, programmatiques de la Gauche.

De plus, c’est un piège, car le front syndical n’est pas du tout unifié. L’idéal serait d’ailleurs normalement pour la Gauche d’appeler à la mobilisation générale sous un seul drapeau, pas de former une « alliance ». Tout le monde sait très bien qu’une union de la CFDT – désormais le premier syndicat en France -, de la CGT et de la CGT-Force Ouvrière ne peut être que fragile, temporaire, vouée à l’échec à moyen terme.

Cependant, cette erreur de la Gauche liée aux élections est malheureusement très simple à comprendre. La réforme des retraites est présentée comme un « bouleversement de société ». Cela signifie qu’il est fait une séparation entre le libéralisme politique, culturel, et le libéralisme économique.

Or, le triomphe dans l’opinion publique du libéralisme politique, culturel, implique immanquablement le triomphe du libéralisme dans le domaine économique. La bataille des idées a déjà été perdu, car elle n’a pas été menée, en raison de la liquidation de la Gauche historique.

La déclaration commune a donc tout faux et cela va se lire de deux manières : soit parce que, fort heureusement, le mouvement populaire va avoir une telle charge relevant de la lutte des classes que cette déclaration paraîtra ridicule. Soit parce que, malheureusement, il n’y aura aucun débouché politique à Gauche et que l’extrême-Droite s’imposera au moyen de la démagogie anticapitaliste.

Les temps sont tourmentés, les défis immenses ; la déclaration commune contourne cela, c’est un suicide politique consistant à attendre que les syndicats réussissent. Mais réussir à quoi ? Jamais dans l’Histoire les syndicats n’ont amené une modification dans une société. On paie ici encore et toujours le prix de la soumission de la Gauche politique à la Charte d’Amiens de la CGT de 1906.