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La médiocrité petite-bourgeoise a contaminé la Gauche

La Gauche a toujours assumé la grandeur d’esprit, un regard historique plein d’ampleur, l’exigence de la raison, ainsi que le besoin d’un haut niveau de connaissances. L’ancrage social de la petite-bourgeoisie en France a amené celle-ci à faire une irruption dans la Gauche qui a anéanti tout cela, au nom d’un pragmatisme censé amener des résultats, mais ne provoquant que défaites et populisme.

Il a toujours existé en France une tradition populiste, dont l’expression la plus développée fut le syndicalisme révolutionnaire. La politique, cela ne servirait à rien, il faudrait faire simple, le plus simple possible, se mettre au niveau le plus bas, pour toucher le plus de monde possible. Vouloir une organisation avec des positions très développées serait contre-productif et même carrément nocif, car faisant triompher les intellectuels.

Malgré cette prétention syndicaliste révolutionnaire – ou syndicaliste tout court puisque le syndicalisme français vient de là – il n’a jamais existé en France de structure populaire atteignant une ampleur massive. Les syndicats actuels se veulent ainsi représentatifs de tous les travailleurs, mais leurs adhérents ne forment qu’un nombre limité. Et cela a toujours été le cas.

Qui plus est, au nom d’être en mesure de s’adresser à tous les travailleurs, cette approche réduit toute la réflexion à sa portion congrue, évitant tout « intellectualisme », mais permettant alors en réalité le succès de la médiocrité petite-bourgeoise.

Le style pastis-merguez de la CGT n’est en effet nullement populaire. Quand on s’organise en tant qu’ouvrier on fait les choses sérieusement – ou bien on ne les fait pas. Se comporter de manière dilettante est un luxe qu’aucun ouvrier ne s’accordera, ou alors il le fera dans son temps libre, et pas pour s’occuper de politique ou d’économie ou quoi que ce soit encore. C’est d’ailleurs pour cela que les ouvriers restent à l’écart de tout cela, que depuis les années 1950-1960 ils évitent la politique.

La seule grande politique ouvrière qui restait, c’était la CGT, mais dans un grand compromis avec le vécu petit-bourgeois, faisant du petit-bourgeois pavillonnaire le grand objectif d’élévation sociale des ouvriers. Seule une poignée de mouvements « gauchistes » ont essayé, avant et surtout à partir de mai 1968, de provoquer des électro-chocs, pour aller de l’avant du côté ouvrier. Comme on le sait, ce fut un échec.

Et on se retrouve maintenant avec une Gauche lessivée sur le plan des idées, avec une tradition ouvrière de cinquante années à ne rien faire, avec une petite-bourgeoisie disposant de décennies de vécu, mais n’ayant toujours pas de constance, de caractère. Ce qu’elle est vaniteuse, pourtant ! La Gauche aurait dû démolir directement les gilets jaunes, en disant : quoi, vous prétendez du jour au lendemain et sans efforts faire mieux que Léon Blum et Maurice Thorez, que Jean Jaurès et François Mitterrand, que Georges Marchais et Henri Krasucki ?

Cela ne fait pas forcément rêver, dirons certains. Peut-être, mais dans tous les cas la classe ouvrière a les dirigeants qu’elle mérite. Ceux-ci sont forcément à son image et ce n’est pas en visant un socialisme par l’intermédiaire des municipalités et des départements qu’on s’ancre dans l’Histoire.

Voilà pourquoi, alors que des défis historiques se posent en France, on va au désastre ! À moins de reconstituer la Gauche historique sur une base solide, avec des exigences de haut niveau, en imposant à la petite-bourgeoisie qu’elle soit soumise, qu’elle cesse de contaminer sa médiocrité.

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Le suicide n’est pas une forme politique

La tentative de suicide d’un jeune est une chose horrible, c’est un drame qui est une expression de désespoir. Cela ne saurait être autre chose. Y voir un caractère politique, comme avec la tentative de suicide d’un syndicaliste étudiant à Lyon, c’est accorder une valeur à l’autodestruction, ce qui est totalement étranger historiquement au mouvement ouvrier.

Le syndicalisme étudiant, en cherchant à mobiliser autour de ce drame, témoigne qu’il est définitivement passé dans le camp de la « Gauche » postmoderne et qu’il n’a aucune considération pour les classes sociales.

La Gauche a des responsabilités et il faut être absolument clair : le suicide et la grève de la faim sont des formes totalement étrangères au mouvement ouvrier. C’est une autodestruction, qui a toujours été réfuté comme étrangère au mouvement de l’Histoire. Il faut donc absolument tout faire pour éviter que des gens, par désespoir, par impression de se heurter à un mur, contourne le patient travail politique de gauche au profit d’une action autodestructrice « spectaculaire ».

En ces temps troublés, de faiblesse sur le plan des idées, ce genre d’actions est d’autant plus « fascinante », sans parler des réseaux sociaux qui en amplifie « l’écho ». Il y a donc lieu pour la Gauche de réfuter catégoriquement ce genre d’approches, d’empêcher que cela devienne une forme « acceptable ».

Il y a donc beaucoup de légèreté de la part de syndicalistes étudiants de la « Gauche » postmoderne à profiter d’un acte de désespoir pour récupérer la chose politiquement et tenter de faire du bruit au sujet de la précarité étudiante. Plusieurs jours après la tentative de suicide, ils cherchent à profiter de la juste émotion pour mobiliser. C’est là un jeu extrêmement dangereux, qui peut avoir des conséquences atroces. Intégrer un acte irrationnel comme le suicide dans un dispositif à prétention politique, c’est banaliser l’acte.

En agissant ainsi, on donne de la valeur à un tel acte, on reconnaît qu’il aurait été déclencheur, révélateur. On le reconnaît comme jouant un rôle socialement, ou sur le plan des idées. C’est une véritable catastrophe, un déni total de la raison.

Surtout que dans le peuple la règle est très claire : quand on a une famille, on ne se suicide pas. Dans le peuple on assume ses responsabilités, quitte à souffrir, toute sa vie. C’est ce que font 35% d’Argentins vivant dans le dénuement, pour qui la moindre chose est un luxe, dont 10 % qui ont basculé dans cette misère d’un coup ces dernières semaines. Et c’est ce que font des millions et des millions de personnes en France également, dans des conditions moins difficiles matériellement mais avec autant de souffrance morale.

Car la vie quotidienne dans cette société est, objectivement, un cauchemar. Et la réponse n’est jamais le suicide, toujours la lutte. La classe ouvrière ne se suicide pas. Qui dans le monde accordera un sens au suicide d’une personne jeune, qui a des parents qui peuvent l’héberger, qui a une petite amie, qui a la sécurité sociale grâce aux avantages sociaux, qui a disposé d’une bourse les années précédentes ? Qui plus est dans l’un des pays les plus riches du monde… Non ce n’est pas possible d’accorder une valeur à un tel acte. Il ne faut pas valoriser des actes aussi destructeurs ; rien ne peut en sortir de bon.

Et il ne s’agit pas de « précarité » étudiante ou de passer au 32 heures pour supprimer le chômage. C’est de toute la société qu’il s’agit, dans son rapport au travail, à la nature, à la vie elle-même. Cela va bien plus loin que de voir en la source des problèmes François Hollande. Ce dernier devait être présent à Lille et des étudiants de la « Gauche » post-moderne en ont profité pour déchirer les exemplaires de son dernier livre. Déchirer un livre ! Comment peut-on, en France, déchirer un livre ? Mais qui sont ces gens !

Il est vraiment terrible de voir comment en ce moment la France refuse la lutte des classes, comment on demande à l’État d’améliorer les choses et comment on trouve dans quelques gouvernants des bouc-émissaires. Les gilets jaunes sont un terrible exemple et les suicides « argumentés » récents  – comme celui d’une directrice de maternelle à Pantin – en sont un autre exemple, dramatique.

Il faut impérativement une sortie par en haut, ce que seuls les ouvriers peuvent apporter en rentrant dans la bataille. Sans eux, rien ne peut bloquer cette spirale du négatif.

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La tribune des «organisations de jeunesse» liées à la Gauche contre «l’islamophobie»

Dans une tribune publiée dimanche 10 novembre 2019, des dirigeants de la plupart des « organisations de jeunesse » liées à la Gauche appelaient à se joindre à la marche du jour contre « l’islamophobie ». La dirigeante de l’UNEF Mélanie Luce était d’ailleurs au premier rang du cortège derrière la banderole, au milieu de militants politique de l’islam.

La tribune, publiée sur le très bobo-libéral huffingtonpost.fr, est typique de ces propos qui divisent profondément la Gauche. Les « organisations de jeunesse » liées à la Gauche ( à l’exception notable des « jeunes communistes », qui appelaient toutefois à la manifestation ) ont fait le choix de jouer à fond cette carte de « l’islamophobie » en dénonçant une situation « d’une gravité extrême ».

Le panorama qu’elles dressent décrit un pays qui serait complètement arriéré sur le plan des mentalités, avec un racisme omniprésent et une guerre quasiment officielle menée contre les musulmans. On serait à les croire à l’aube d’un nouveau massacre de la Saint-Barthélemy.

C’est grandiloquent, mais tellement typique d’une partie des « organisations de jeunesse » liées à la Gauche, totalement petite-bourgeoises dans leur style, qui ont pour habitude de jouer la sur-enchère sur tout un tas de sujet, en espérant peser ainsi.

Il est donc affirmé qu’il y aurait une montée sans précédent de « l’islamophobie » et que leurs organisations exprimeraient la colère de leur génération disant « STOP » à cela. La « laïcité » serait instrumentalisée avec pour « simple objectif d’exclure petit à petit les femmes voilées de l’espace public. »

Les Jeunes Socialistes, les Jeunes Génération-s, les Jeunes Ecologistes, les Jeunes insoumis.es ou encore l’UNEF donc, ont un discours tellement auto-intoxiqué, pour ne pas dire saboté, ôté de toute substance de gauche, qu’ils en arrivent à écrire dans cette tribune une énormité populiste comme :

« Nous, organisations de jeunesse, rassemblons l’ensemble des jeunes quelles que soient leurs convictions et refusons les amalgames. »

Cela n’a aucun sens de dire que des organisations censées être de gauche rassemblent l’ensemble des jeunes. C’est une négation complète de la politique, de la bataille politico-culturelle de la Gauche contre la Droite d’une part et du grand travail de fond de la Gauche vis-à-vis des conceptions erronées au sein du peuple d’autre part.

Cette fausse Gauche, totalement convertie au post-modernisme, n’a plus aucun repère, car sa seule boussole est la quête unilatérale de l’extension infinie des « droits » individuels. Le voile, particulièrement mis en avant comme symbole de « l’islamophobie », est considéré dans cette optique comme une option parmi les autres à laquelle il faudrait avoir libre accès dans le grand supermarché des identités.

Voici la tribune :

« Notre génération ne sera pas celle de votre islamophobie!

A nos gouvernant·e·s, à tou·te·s ceux·elles qui alimentent l’islamophobie ambiante.

Notre génération est le témoin d’une montée sans précédent de l’islamophobie à laquelle nous disons STOP ensemble! Violence, discours islamophobe, stigmatisation, amalgame sont devenus progressivement notre quotidien. Nous avons grandi dans cette violence morale, physique et symbolique qui n’a cessé de croître ces dernières années et les quatre semaines qui viennent de s’écouler auront marqué un tournant.

Quatre semaines durant lesquels Emmanuel Macron a appelé à la construction d’une “société de vigilance” pour combattre l’“hydre islamiste”, quatre semaines durant lesquels Christophe Castaner et l’Université de Cergy ont établi le port de la barbe, le fait de ne pas faire la bise ou encore tout simplement certaines pratiques spécifiques à la religion musulmane (comme une pratique rigoriste durant le ramadan) comme des “signes de radicalisation”. Quatre semaines d’émissions titrant “Réformer l’islam ou le combattre?”, “Faut-il interdire le voile dans l’espace public?” etc. Quatre semaines pendant lesquelles une mère accompagnatrice de sortie scolaire a été humiliée et enjointe à sortir d’un conseil municipal simplement parce qu’elle porte le voile. Quatre semaines durant lequel Jean-Michel Blanquer a annoncé le besoin de signaler les “petits garçons” musulmans qui ne souhaiteraient pas tenir la main à des filles… Quatre semaines ayant abouti non seulement à l’adoption d’une loi par le Sénat interdisant le port de signes religieux par les parents accompagnateur·rice·s de sorties scolaires mais aussi à un attentat islamophobe à la mosquée de Bayonne blessant deux personnes.

Alors que certain·e·s disent défendre la fraternité de la société française, dans le même temps, il·elle·s stigmatisent les personnes musulman·e·s ou perçues comme telles. La situation que nous vivons est d’une gravité extrême.

Nous, organisations de jeunesse, rassemblons l’ensemble des jeunes quelles que soient leurs convictions et refusons les amalgames. Nous exprimons la colère de notre génération. Une colère contre l’instrumentalisation de la laïcité à des fins islamophobes. Une colère de voir certaines d’entre nous stigmatisées, humiliées, enjointes à se dévêtir au nom du féminisme. Être féministe c’est défendre le libre choix des femmes de leurs convictions, de leurs habits, de leur vie. Être féministe c’est défendre l’émancipation des femmes et revendiquer une égalité réelle. Être féministe c’est un combat à plein temps et pas uniquement quand cela vous arrange.

Nous refusons de nous voir divisé.e.s entre les bon·ne·s et les mauvais·e·s citoyen·ne·s, nous refusons l’exclusion d’une partie d’entre nous de l’espace public, nous refusons d’être pris à parti pour participer à l’amplification de la haine que subissent les musulman·e·s, nous refusons de vivre dans une “société de vigilance”.

À l’inverse de la société qui nous est promise, les jeunes aspirent à une société inclusive, où chacun·e a sa place et où l’on ne dicte pas aux femmes comment s’habiller, où on ne les oblige ni à se couvrir ni à se découvrir. Nous défendons une société laïque au sens de la loi de 1905 reposant sur deux principes: la neutralité de l’état et la liberté de culte des individus. Nous nous opposons donc à l’instrumentalisation en cours de la laïcité à des fins islamophobes ayant pour simple objectif d’exclure petit à petit les femmes voilées de l’espace public. Nous refusons toutes modifications législatives visant à restreindre la liberté de culte. Nous lutterons par tous les moyens à notre disposition pour rejeter l’islamophobie.

L’islamophobie n’est pas un débat de société, c’est une discrimination qui doit cesser.

Nous appelons à participer à la marche du 10 novembre à Paris et aux actions menées partout en France afin de dire, ensemble, STOP à l’islamophobie et aux messages de haine.

Les signataires:
Nathan Abou, Jeunes Socialistes
Alice Bosler, Jeunes Génération-s
Maxime Carpentier & Claire Lejeune, Jeunes Ecologistes
Aline Coutarel, Mouvement Rural de la Jeunesse Chrétienne (MRJC)
Aurélien Le Coq, Jeunes insoumis.es
Mélanie Luce, Union Nationale des étudiants de France (UNEF)
Héloïse Moreau, Union National Lycéenne (UNL)
Taylan Tuzlu, Didf-jeunes
Damien Chartes, Solidaires étudiant-e-s
Radia Bakkouch, Coexister »

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Politique

Le 10 novembre, l’immense fracture dans la Gauche

La manifestation « contre l’islamophobie » du 10 novembre 2019 a provoqué une fracture complète à Gauche. Ceux qui ont soutenu la manifestation voient l’autre camp comme composé d’arriérés n’ayant pas saisi la nature coloniale, raciste de l’État français. Les autres sont à juste titre horrifiés de comment ce qu’on doit appeler la « Gauche » post-moderne est populiste, clientéliste et n’hésite pas à balancer par-dessus bord le moindre acquis de l’héritage historique de la Gauche.

Il y a d’un côté le mépris, de l’autre un sentiment d’horreur. La « Gauche » qui a manifesté le 10 novembre a un mépris profond pour la Gauche qui a refusé de venir : elle considère qu’il fallait être là, que sinon on est déconnecté du réel, que ceux qui ne viennent pas sont méprisables, car finalement racistes au fond d’eux-mêmes.

L’autre Gauche – la vraie – est horrifiée de voir des gens manifester aux côtés de représentants de l’Islam politique, dont l’agenda est de former une ligne communautariste pour établir une contre-société parallèle. Son haut-le-cœur est immense, son rejet total.

La cassure est là et elle est partie pour rester. On ne peut pas avoir deux histoires et il n’y a pas de place pour deux parcours radicalement différents, deux sensibilités aux antipodes. La Gauche s’est cassée en deux, littéralement.

Il y a désormais deux camps indissociables et on aurait d’ailleurs tort de penser que l’un est plus fort que l’autre. Il est vrai que, à l’appel de la manifestation du 10 novembre, on trouve l’ultra-gauche (Lutte Ouvrière, le NPA, etc.), la CGT, La France Insoumise, le syndicat étudiant UNEF.

Mais il y a déjà eu des défections avant le rassemblement : Yannick Jadot d’EELV (qui n’est finalement pas d’accord sur tout), Adrien Quatennens de LFI (étant certainement la future tête du mouvement, il cherche en fait à ne pas se « griller »), François Ruffin (qui explique qu’il était en vacances à Bruxelles mangeant des frites et des gaufres avec ses enfants quand il a signé et que de toutes façons dimanche il joue au football).

Et plus sérieusement, le Parti socialiste n’a pas appelé à la manifestation, ni la Gauche républicaine et socialiste. Une partie du PCF n’a pas été de la partie et on peut se douter que c’est valable même pour une partie de la CGT. Une partie de l’extrême-Gauche a rejeté la manifestation du 10 novembre également.

Quant aux gens de gauche, ils ont refusé cette mascarade et ne se sont pas mobilisés. Très peu de monde s’est d’ailleurs mobilisé, à part une sorte de bulle intellectuelle et militante que l’extrême-Droite définit aisément comme islamo-gauchiste, tellement c’est une alliance caricaturale autour de thèmes sociaux et identitaires, dans l’esprit de la Gauche anglo-saxonne.

Politiquement, la Gauche est carbonisée, mais ses traditions existent et la manifestation du 10 novembre s’y oppose frontalement. C’était une agression caractérisée. La réponse est donc naturelle, c’est celle d’une défense des valeurs, d’une protection d’une histoire. La Gauche n’a pas fait tout cela pour se retrouver dans cette situation, pour tomber aussi bas.

La « Gauche » post-moderne a pensé enterrer la Gauche historique le 10 novembre. En réalité, elle n’a fait que contribuer indirectement à son retour, à sa maturation pour la période prochaine.

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Gauche historique contre post-modernes il y a 30 ans

À l’occasion de la mort de Gilles Bertin, il a été parlé de la bande dessinée « Z craignos », un très réussi portrait des ambiances branchées, alternatives, rebelles du Paris du début de la fin des années 1970 et du début des années 1980. Un épisode particulier montre que la problématique Gauche historique / post-modernes ne date pas d’hier.

L’idée est simple. Z craignos est un petit-bourgeois sensible et philosophe, qui se balade dans différents milieux et en tire des conséquences d’ordre moral et intellectuel, voire esthétique. Il veut bien participer à quelque chose, mais il veut être convaincu. Il ne l’est finalement jamais.

Ici, il va à un concert alternatif, intitulé No New York, qu’on devine dans l’esprit no wave expérimental de l’époque avec son côté post-new wave, post-punk, post-disco, etc. Le chanteur commence d’ailleurs à attraper quelqu’un par les cheveux dans le public. On doit être ici en 1979-1980.

La chanson présentée ici date de 1979 et anticipe cette démarche syncrétique, intellectualisante dont les Talking Heads, XTC ou Wire sont des exemples fameux (et incontournables dans la culture musicale). Voici la chanson dans ses deux versions : celle avec le groupe newyorkais et celle en solo, plus rythmée.

Ce qui se passe alors est justement un portrait du conflit entre la Gauche historique et les post-modernes. Deux groupes se font en effet face, tous deux relevant du mouvement autonome, des gens révolutionnaires mais ne se pliant pas à la culture conservatrice prédominante en France et acceptée par le PS et le PCF. On parle beaucoup de violences policières en ce moment. Mais ce n’était strictement rien par rapport à la chape de plomb des années Giscard…

Les gens désignés ici comme « ex maos libertaires » criant offensive autonomie – en réalité Au-to-no-mie et o-ffen-sive ! – sont les adeptes de la Gauche historique. Ils se situent dans le prolongement des années 1960 et de la Gauche prolétarienne pour une part, ainsi que de la mouvance communiste libertaire tournée vers les travailleurs, d’autre part. Cette mouvance veut des ouvriers en grève, des mouvements de masse associées à une guérilla, la révolution, etc.

L’autre groupe est quant à lui organisé autour de la revue Marge, qui appelle à la révolte individuelle, valorise les prostituées, les toxicomanes, les délinquants, les travestis, etc. C’est la marge qui porterait la vérité grâce à la transgression. Cette mouvance est appelée l’autonomie désirante. C’est le grand ancêtre des post-modernes et son influence dans l’histoire des idées a été importante en France.

Forcément, la rencontre entre les deux groupes tourne très mal.

On notera par ailleurs que la mouvance de l’autonomie offensive a très vite disparu, dès 1982 (Action Directe en est largement issue), laissant l’hégémonie totale à la mouvance rebelle-criminelle caractérisant alors l’autonomie française.

L’auteur Jean Rouzaud – qui a un regard extérieur mais a très bien ressenti les choses et en dresse un très bon portrait – nous amène alors dans la troisième grande famille de la Gauche non institutionnelle d’alors : les zadistes…

Évidemment avant cela ne s’appelait pas encore les zadistes. Mais la tradition était déjà là, puisqu’elle vient des années 1960-1970, notamment avec le mouvement anti-militariste dans le Larzac et l’installation en communautés, « le retour à la terre » comme dans la Drôme, etc.

Comme quoi, malgré les prétentions des uns et des autres, rien n’a été inventé! C’est pratiquement les mêmes lignes de fraction qu’auparavant. Sauf que cette fois, cela ne concerne plus quelques mouvances, mais des pans entiers de la Gauche. Les thèses ultra-individualistes de la revue Marge sont pratiquement celles, pour beaucoup, de l’État français aujourd’hui…

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Les réactions à l’appel pour le 10 novembre contre «l’islamophobie»

L’appel à une marche ce dimanche 10 novembre 2019 contre « l’islamophobie » génère beaucoup de remous à Gauche. Il y a en effet de nombreuses réticences à l’offensive de la « Gauche » post-moderne alliée aux courants politiques musulmans à visée culturelle et aux courants « décoloniaux ». Voici un aperçu des réactions les plus significatives.

La réaction la plus marquante a été celle du Parti socialiste mardi 5 novembre, à l’issue de son Bureau National. De part sa tradition, à la fois institutionnelle et de gauche, le PS ne pouvait en effet pas se joindre à un appel ayant une dimension communautaire et religieuse aussi évidente.

Il y a également des personnalités qui se sont particulièrement exprimées sur le sujet, comme le socialiste Amine El-Khatmi, élu PS d’Avignon. Engagé depuis longtemps contre la montée de l’islamisme et du communautarisme, il fait partie des personnes lucides sur le mot « islamophobie », qu’il sait être « imposé dans le débat public par les islamistes ».

Il a eu des propos très appuyés au sujet de la marche de dimanche :

« Lorsqu’une partie de la Gauche va manifester avec des islamistes autour d’un mot d’ordre, l’islamophobie, qui est le refus d’une critique de la religion : oui, je le dis, c’est une trahison. De l’esprit « Charlie », de l’esprit du 11 janvier 2015 et plus que ça encore, c’est la trahison des combats historiques de la Gauche pour l’émancipation des individus, pour la liberté de conscience, pour le droit aux citoyens de s’élever de l’assignation à résidence identitaire. »

Ce discours incarne largement le sentiment des gens liés à la Gauche historique en France, avec bien sûr des nuances suivant les courants. Mais ce n’est pas celui de la « Gauche » post-moderne, hégémonique dans la direction des organisations, qui ne veut plus de la Gauche historique et préfère une alliance avec des courants politiques musulmans.

> Lire également : L’appel «anti-islamophobie» pour le 10 novembre de la Gauche post-moderne

Cette contradiction génère de nombreuses tensions, visibles au PCF notamment. Sa direction, qui est plus que poreuse au post-modernisme, acceptant l’écriture inclusive ou la question des « trans », a donc dû prendre des pincettes sur le sujet.

Le premier secrétaire du PCF Fabien Roussel n’a ainsi pas signé l’appel, pour ne pas engager l’organisation, en se contentant d’expliquer benoîtement qu’il ne s’y était « pas retrouvé ». L’appel a cependant été largement diffusé dans le PCF et ce sont des personnalités individuelles qui se sont chargées de le signer et même de le défendre.

C’est le cas de Ian Brossat, évidemment, mais aussi des députés Stéphane Peu et Elsa Faucillon, qui assume jusqu’au bout l’appel à marcher contre « l’islamophobie » :

« Face aux pressions, nous ne devons pas céder mais serrer les coudes pour soutenir nos concitoyens de confession musulmane »

Les réticences des gens de gauche face à cet appel révèle aussi un opportunisme grossier de la part de certaines personnalités l’ayant signé, mais feignant ensuite de n’avoir pas bien compris ce qu’ils signaient. C’est le cas Yannick Jadot (EELV), d’Adrien Quatennens (LFI) ou encore de François Ruffin (LFI) qui explique de manière grotesque n’avoir pas porté une attention suffisante au texte car il était avec ses enfants en Belgique « en train de manger des frites et des gaufres » et que de toutes manières, il ne sera pas là dimanche car il a « foot »…

Caroline de Haas pour sa part a demandé à ce que sa signature soit retirée de l’appel, mais elle se rendra quand-même à la marche dimanche pour en profiter.

Opportunisme également, mais dans l’autre sens : Eric Coquerel de la France insoumise explique qu’il a changé d’avis sur le terme « islamophobie », qu’il rejetait avant, qu’il assume maintenant. Selon lui, la critique de l’alliance avec des courants musulmans politiques serait un « universalisme abstrait » et :

« le risque de dérive communautariste, c’est-à-dire la capacité d’une communauté de subordonner les lois de notre République aux lois d’une religion ou de ses intérêts particuliers, n’a pas aujourd’hui de réalité de masse. »

Jean-Luc Mélenchon pour sa part « persiste et signe » sur l’appel, car « il faut savoir faire bloc quand l’essentiel est en jeu». Il en profite également pour lancer une petite pic propre à satisfaire les antisémites, expliquant qu’il soutient l’appel :

« pour ce qu’il y a dans le texte et pas en raison de ceux dont je découvre ensuite qu’ils l’ont également signé. Sinon, je n’aurais jamais signé de texte dans le passé avec Bernard-Henri Lévy ni avec le Crif ».

David Cormand, dirigeant d’EELV, ne regrette « pas du tout » d’avoir signé l’appel avec lequel il n’a « aucun problème », se disant même surpris par « la fébrilité » de certains. C’est peu ou proue la même chose chez Génération-s, qui prétend que :

« Il y a une attaque continue et extrêmement violente contre les populations musulmanes en France et Génération.s sera présent dimanche »

Clémentine Autain, figure du post-modernisme en France, est en première ligne pour défendre l’appel et combattre la Gauche historique :

« Nous devons être là car il y a une responsabilité de la gauche. J’appelle à ce que les forces progressistes y soient les plus nombreuses possible, parce que c’est nous qui donnerons le la ! »

Elle justifie cela par des propos grandiloquents, d’un populisme outrancier :

« Si on continue comme ça, on va vers la guerre civile ! »

« Nous traversons une période dangereuse, dans laquelle les musulmans sont la cible d’une haine qui met en jeu les valeurs républicaines »

Enfin, du côté des organisateurs, il y a eu des réactions très virulentes aux critiques venues de la Gauche, notamment de la part de Madjid Messaoudene, élu de Saint-Denis :

«  Il y a une tentative de sabotage de la part de la fachosphère et de la gauche, on en prend note : les polémiques du RN sont reprises par le PS ».

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La France va craquer

C’est un simple constat fait par tous les observateurs un peu attentifs à ce qui remue la société française dans ses fondements : la France va craquer. La raison n’est pas politique, ni économique, ni social, car elle est tout cela à la fois, sa substance étant la lutte des classes.

Les gens ont beau accepter le capitalisme, ils sont déterminés socialement et les antagonismes doivent s’exprimer. Les mois prochains, les semaines mêmes, vont montrer comment l’histoire joue à certains moments les locomotives. Le souci étant bien sûr qu’avant la gare Socialisme on est bien parti malheureusement pour faire un grand détour et s’arrêter par la gare Fascisme.

La Gauche s’est totalement plantée sur les gilets jaunes. Dès le départ, il y a eu un haut le cœur et la dimension rétrograde, voire fasciste du mouvement a été ressentie. Malheureusement, l’ultra-gauche toujours à l’affût d’un opportunisme s’est précipité à leur soutien et cela a fait vaciller disons la moitié de la Gauche. D’autres encore ont suivi en se disant qu’il serait possible d’en profiter.

C’est stupide, totalement stupide. Les gilets jaunes ne sont qu’un symptôme. Il fallait les dénoncer immédiatement, afin qu’au prochain tour, lorsque les choses vont craquer, les choses soient claires et qu’il y ait une vraie ligne à la fois sociale, consciente, ancrée politiquement et culturellement à Gauche.

Le résultat est facile à voir. Les gilets jaunes n’ont jamais rassemblé grand monde. Leur nombre s’est même toujours plus réduit. Leur démarche s’est ritualisée et il n’en est strictement rien ressorti : ni idées, ni figures politiques, ni élévation du niveau de conscience. Cela a juste été une révolte de couches petites-bourgeoises prétendant se mettre au-dessus de la lutte des classes, évitant soigneusement de parler de la bourgeoisie et de l’exploitation.

La preuve en est, s’il en faut une, c’est que la classe ouvrière a totalement évité les gilets jaunes. Elle ne les a pas rejoint, elle a regardé cela de loin, elle ne leur a pas fait confiance.

Croire maintenant que la classe ouvrière va faire confiance à une Gauche qui a soutenu les gilets jaunes, c’est donc être plein d’illusions. Déjà qu’en raison de la « Gauche » postmoderne les ouvriers ont été expulsés du champ politique, alors si en plus il y a cela…

Une étape en prépare une autre et donc là tout a été raté. Il faut dire ici aussi que la faute en revient à ceux qui croient en le capitalisme et qui auraient bien aimé que les gilets jaunes soient le maximum de révolte possible. Quelle blague ! Et dire qu’il y en a pour croire que les gilets jaunes ont été violents et que la répression a été immense ! Mais quelle aberration !

La violence des gilets jaunes n’est strictement rien comparée à ce qui va se passer. Quant à la répression policière, elle n’a strictement rien été comparée à ce qui va arriver. Les gens qui ont connu les années 1970 le savent bien d’ailleurs : les gilets jaunes et les affrontements qui ont eu lieu, les interventions policières, tout cela n’a rien été du tout. Jouer au chat et à la souris c’est de l’amusement en comparaison à un conflit relevant de la lutte des classes.

La France va craquer et donc mettre un terme à toute une série de fictions. Certains auront peur et abandonneront. D’autres adopteront un discours de Gauche dure qu’ils rejetaient encore hier, afin d’être dans le sens du vent. Mais la Gauche historique se reconstituera, elle ancrera les idées du Socialisme dans les masses et elle fera en sorte qu’enfin, on transforme le monde dans tous ses aspects, car il est laid, il asphyxie la vie et en plus il court à sa perte.

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Jean-Luc Mélenchon, grand ennemi de la Gauche historique

Jean-Luc Mélenchon lance une grande offensive, qui se résume à une thèse très simple : il n’y a pas de classes, mais le peuple et l’oligarchie. L’actualité mondiale, c’est selon lui le « dégagisme » non-violent menant à une « assemblée constituante », ce qui forme une « révolution citoyenne ».

Le point de vue de Jean-Luc Mélenchon relève du bonapartisme social, qui en bien des points est proche du fascisme de par son refus de la conscience, des classes, du programme politique et sa valorisation du nationalisme, du mythe mobilisateur.

Voici le noyau de la thèse de Jean-Luc Mélenchon :

Jean-Luc Mélenchon a également écrit un très long article, présenté par lui comme le plus long qu’il ait écrit. Il y résume notamment son point de vue populiste en présentant ce qu’il considère comme les caractéristiques communes d’un dégagisme se développant dans les différents pays du monde. En voici les traits marquants :

« Le peuple nouvel acteur, la gauche disqualifiée c’est le diagnostic que j’ai posé noir sur blanc il y a près de 15 ans. »

« La théorie de l’ère du peuple et de la révolution citoyenne nous définit ce « peuple » comme l’ensemble de ceux qui ont besoin d’accéder aux réseaux collectifs pour produire et reproduire leur existence matérielle. Évidemment, ces réseaux sont de natures différentes et le fait qu’ils soient publics ou privés impacte directement leur mode d’accès. »

« Dans le déroulé de l’action, des caractéristiques communes surgissent. Elles ont un sens. Elles définissent « qui est là » et « que voulons-nous ». Il faut donc scruter les cortèges dans la rue pour lire le message. Partout le drapeau national fleurit dans les cortèges. C’est l’emblème de ralliement. »

« Une autre caractéristique identifiante de chacun de ces mouvements est l’affichage de leur connexion avec les évènements similaires dans le monde. Il s’y donne à voir une forme de légitimité universelle qui conforte celle déjà donnée par le drapeau national. On retrouve donc partout des gilets jaunes sur le dos de certains manifestants.

Mais aussi de façon tout aussi significative des emblèmes de culture contestataire universelle comme ces masques de Dalí, sur le mode de « La Casa de papel ». C’est une référence parlante que celle à la série Netflix dont la première saison est emblématique d’un message politique anti capitaliste de type non violent.

Une évocation typique des aspirations de la classe moyenne qui peut se payer l’abonnement à Netflix et y puiser une référence politique conforme à ses manières d’être sociales. Le maquillage du clown sans foi ni loi de « Joker » fait lui aussi son apparition désormais et on l’a signalé à Hong-Kong ou Beyrouth.

Car la volonté de non-violence est partout présente aux premiers pas des révolutions citoyennes. Elle lui donne un formidable liant. »

Ainsi, Jean-Luc Mélenchon veut que les classes populaires soient à la remorque des « classes moyennes ». La Gauche historique affirme le contraire et pour cause : c’est la classe ouvrière qui fait l’histoire, pas une petite-bourgeoisie qui un jour est du côté du peuple, un autre jour du côté des puissants.

Jean-Luc Mélenchon vise par ce populisme à empêcher que la classe ouvrière ne retrouve ses fondamentaux. C’est totalement vain. L’Histoire ne s’arrêtera pas.

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Politique

L’appel «anti-islamophobie» pour le 10 novembre de la Gauche post-moderne

L’appel « anti-islamophobie » publié dans Libération est un véritable modèle du genre, puisque ses mots ont été choisis de manière extrêmement précise afin de satisfaire tant l’Islam politique que le libéralisme anti-universaliste de la Gauche post-moderne.

C’est à croire que la société flotte au-dessus du capitalisme, qu’il n’y a pas de bourgeoisie qui entend diviser pour régner. On a un « racisme » abstrait » visant « les musulmans » comme si ceux-ci formaient une communauté déterminée, unifiée.

À la bourse on achète des actions. Pour la Gauche post-moderne, la société fonctionne pareil. Il y a des acheteurs et des vendeurs, qui sont les individus tous différents les uns des autres. Mais tous participent à une grande bourse aux idées. Le but est de gagner des parts de marché. C’est là, on le reconnaîtra aisément, la conception sociale de la Gauche américaine, qui n’a jamais connu la Gauche historique.

La Gauche post-moderne française a adopté cette démarche. En ce sens, le quotidien Libération s’est donnée comme habitude depuis quelques temps de publier régulièrement des tribunes. Le Monde l’a toujours fait de temps en temps, mais Libération connaît une crise très profonde et cherche à s’en sortir. Sa méthode est de se placer comme plaque tournante d’une Gauche post-moderne, sociale mais ultra-libérale dans les mœurs. C’est à ce titre qu’on a la tribune « Le 10 novembre, à Paris, nous dirons STOP à l’islamophobie ! », qui appelle à un rassemblement à Paris.

Le texte, ci-dessous en annexe, a d’autant plus d’importance qu’il rassemble la Gauche post-moderne dans ce qui consiste en une grande offensive. Il s’agit très clairement de procéder à une cristallisation politique qui a de nombreux précédents dans d’autres pays, telles la Grande-Bretagne et la Belgique. Il s’agit de briser la Gauche historique au moyen d’une alliance de la Gauche post-moderne et des courants politiques musulmans à visée culturelle, ainsi que des courants « décoloniaux » entre les deux.

Il suffit pour s’en convaincre de voir les signataires initiaux de la tribune :

Madjid Messaoudene (élu de Saint-Denis), la Plateforme L.e.s. Musulmans; Le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA); le Comité Adama; le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF); l’Union communiste libertaire (UCL); l’Union nationale des étudiants de France (Unef), Taha Bouhafs (journaliste).

Le NPA et l’Union communiste libertaire sont farouchement post-modernes, tout comme Madjid Messaoudene et Taha Bouhafs. La direction de l’Union nationale des étudiants de France est ouvertement sur cette ligne. Le Comité Adama se veut quant à lui d’esprit décolonial. Le Collectif contre l’islamophobie en France et la Plateforme L.e.s. Musulmans sont très clairement des structures relevant de l’Islam politique.

Et les appuis à cette initiative sont très puissants, puisqu’on retrouve pas moins que Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, ainsi que Jean-Luc Mélenchon et l’ensemble du groupe parlementaire La France Insoumise. Il y a aussi David Cormand, secrétaire National d’EELV. Impossible de ne pas voir là qu’il y a donc une démarche politique très claire. Le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez, en signant cette tribune, met d’ailleurs très clairement les pieds dans le plat, puisqu’il est censé être sur une position de réserve.

Un autre qui met les pieds dans le plat, c’est Benoît Hamon. Que Génération-s signe l’appel est plus ou moins dans l’ordre des choses. Mais Benoît Hamon était censé être en retrait. Passe encore, dira-t-on, mais il y a un souci plus grave et, on peut le dire, hautement symbolique.

En effet, lorsque le réactionnaire Alain Finkielkraut avait été insulté par des gilets jaunes, le journaliste Taha Bouhafs avait accusé celui-ci d’être un « sale sioniste », sur Twitter. Benoît Hamon, qui vient de la gauche historique, avait alors posté un message très construit, très juste :

« Je combats les idées réactionnaires et radicales d’Alain #Finkielkraut. Mais je condamne sans aucune réserve ceux qui l’ont conspué, insulté et traité d’un « sale sioniste » qui voulait dire « sale juif ». Et laissez la Palestine en dehors de cette violence antisémite gratuite. »

Ce à quoi Taha Bouhafs a répondu avec un message ignoble digne de Dieudonné et Alain Soral :

« C’est bientôt le dîner du CRIF [Conseil représentatif des institutions juives de France], et t’as pas envie d’être privé de petits fours. »

Alors comment est-ce que Benoît Hamon peut signer une tribune lancée par un tel personnage ? Non seulement, il y a une éventuelle allusion aux chambres à gaz, mais en plus il le présente comme soumis au CRIF, comme si cette structure jouait un rôle majeur dans la politique française.

Ah, mais il faut ici faire de la politique. Et malheureusement Benoît Hamon, en basculant dans la gauche post-moderne ouverte, a perdu le fil. Il veut juste bien faire.

Mais il ne s’agit pas de bien faire et de dire abstraitement : on est contre le racisme, la haine des musulmans est condamnable. Il s’agit d’avoir une lecture politique authentique : qui cherche à diviser le peuple, et pourquoi ? Et cela, seule la Gauche historique est capable de le faire, car elle sait que tout cela n’a qu’un but : empêcher l’émergence d’une conscience socialiste.

Voici la tribune, publiée dans Libération.

« Tribune. Depuis bien trop longtemps, les musulmanes et les musulmans en France sont la cible de discours venant parfois de «responsables» politiques, d’invectives et de polémiques relayés par certains médias, participant ainsi à leur stigmatisation grandissante.

Depuis des années, la dignité des musulmanes et des musulmans est jetée en pâture, désignée à la vindicte des groupes les plus racistes qui occupent désormais l’espace politique et médiatique français, sans que soit prise la mesure de la gravité de la situation.

Depuis des années, les actes qui les visent s’intensifient : qu’il s’agisse de discriminations, de projets ou de lois liberticides, d’agressions physiques de femmes portant le foulard, d’attaques contre des mosquées ou des imams, allant même jusqu’à la tentative de meurtre.

L’attentat contre la mosquée de Bayonne le 28 octobre, en est la manifestation la plus récente et les services de l’Etat savent que la menace terroriste contre les lieux de culte musulmans est grande.

Il a fallu que cette violence jaillisse aux yeux de tous, à travers l’humiliation d’une maman et de son enfant par un élu RN au conseil général de Bourgogne-Franche-Comté, pour que tout le monde réalise ce que des associations, des universitaires, des personnalités, des syndicats, militants et au-delà, des habitants, dénoncent à juste titre depuis des années : l’islamophobie en France est une réalité. Quel que soit le nom qu’on lui donne, il ne s’agit plus ici de débats d’idées ou de critique des religions mais d’une forme de racisme explicite qui vise des personnes en raison de leur foi. Il faut aujourd’hui s’unir et se donner les moyens de la combattre, afin que plus jamais, les musulmanes et les musulmans ne puissent faire l’objet de tels traitements.

Puisque les discours et déclarations d’intention ne suffisent plus, parce que l’heure est grave : le 10 novembre à Paris nous marcherons pour dire :

– STOP aux discours racistes qui se déversent sur nos écrans à longueur de journée, dans l’indifférence générale et le silence complice des institutions étatiques chargées de lutter contre le racisme.

– STOP aux discriminations qui visent des femmes portant le foulard, provoquant leur exclusion progressive de toutes les sphères de la société.

– STOP aux violences et aux agressions contre les musulmanes et les musulmans, qui se retrouvent progressivement déshumanisés et stigmatisés, faisant d’eux des terroristes potentiels ou des ennemis de l’intérieur.

– STOP aux délations abusives jusqu’au plus haut niveau de l’Etat contre des musulmans dont le seul tort serait l’appartenance réelle ou supposée à une religion.

– STOP à ces dispositifs de surveillance de masse qui conduisent à une criminalisation pure et simple de la pratique religieuse.

Les conséquences, notamment pour des salariés licenciés et des familles déstabilisées, sont désastreuses et ne peuvent plus être tolérées. Cette criminalisation se fait au détriment des libertés fondamentales et des principes les plus élémentaires d’égalité censés guider notre pays.

Nous, musulmans ou non, disons STOP à l’islamophobie et nous serons nombreux pour le dire ensemble le 10 novembre prochain à Paris.

Nous appelons toutes les organisations, toutes les associations, tous les collectifs, toutes les fédérations de parents d’élèves, tous les partis politiques, toutes les personnalités, tous les médias, toutes les personnes solidaires à se joindre à cet appel solennel et à répondre présent à la marche du 10 novembre prochain.

Il en va des libertés fondamentales de tous. Il en va de la dignité et de l’intégrité de millions de concitoyens. Il en va de notre unité à tous, contre le racisme sous toutes ses formes qui, aujourd’hui, menace une nouvelle fois la France.

Un appel initié par Madjid Messaoudene (élu de Saint-Denis), la Plateforme L.e.s. Musulmans; Le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA); le Comité Adama; le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF); l’Union communiste libertaire (UCL); l’Union nationale des étudiants de France (Unef), Taha Bouhafs (journaliste). Premiers signataires: Action Antifasciste Paris Banlieue (AFA); Arié Alimi , avocat; Pouria Amirshahi , directeur de publication de Politis; Manon Aubry, eurodéputée; Étienne Balibar , universitaire; Ludivine Bantigny, historienne; Yassine, Belattar, humoriste; Esther Benbassa, sénatrice EE-LV de Paris; Olivier Besancenot, NPA; Saïd Bouamama, sociologue; Leïla Chaibi, eurodéputée LFI; André Chassaigne, député, président du groupe GDR; David Cormand, secrétaire National d’EE-LV; Laurence De Cock, enseignante; Caroline De Haas, militante féministe; Vikash Dhorasoo, ancien de joueur de foot, parrain d’Oxfam et président de Tatane; Rokhaya Diallo, journaliste et réalisatrice ; Pierre Jacquemain , rédacteur en chef de Regards; Éric Fassin, sociologue; Elsa Faucillon, députée PCF; Fédération syndicale unitaire (FSU); Fianso, artiste; Front uni des immigrations et des quartiers populaires (FUIQP); Geneviève Garrigos, féministe, militante des Droits humains; Vincent Geisser, politologue; Alain Gresh, journaliste; Nora Hamadi, journaliste; Benoît Hamon, Génération.s; Yannick Jadot (député europééen EELV); Mathilde Larrère, historienne; Mathieu Longatte (Bonjour Tristesse); Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT; Jean-Luc Mélenchon et l’ensemble du groupe parlementaire La France Insoumise; Marwan Muhammad, auteur et statisticien; Younous Omarjee, eurodéputé; Stéphane Peu, député PCF; Edwy Plenel, journaliste; Maryam Pougetoux et Mélanie Luce, Unef; Jérôme Rodrigues, gilet jaune; Julien Salingue, docteur en science politique; Pierre Serne (porte-parole de Génération.s); Michèle Sibony et l’Union juive française pour la paix (UJFP); Laura Slimani, élue de Rouen, direction nationale de Génération.s; Azzédine Taibi, maire PCF de Stains; Sylvie Tissot, sociologue; Aida Touihri, journaliste; Assa Traoré, comité Adama; Aurélie Trouvé, porte-parole d’Attac; Union syndicale Solidaires; Dominique Vidal, journaliste et historien.

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Société

L’homosexualité comme «comportement aberrant engendré par la société bourgeoise»

La Gauche historique n’a jamais voulu discriminer les personnes homosexuelles, mais a toujours été critique de l’homosexualité, avant le grand renversement des années 1990-2000. Cela n’a jamais été conceptualisé et c’est le signe d’un vrai souci : il y a eu un accompagnement du libéralisme sur le plan des mœurs.

Nous sommes dans les années 1970 et il y a deux Gauches. Il y a celle qui se place dans la tradition du mouvement ouvrier. C’est le PCF, les marxistes-léninistes (c’est-à-dire les maoïstes) et les trotskistes de Lutte ouvrière. Il y a celle qui affirme qu’il faut révolutionner les mœurs. Ce sont les anarchistes et les trotskistes de la Ligue communiste, ainsi que les post-marxistes-léninistes de « Vive la révolution ».

Pour les premiers, les comportements déviants n’ont pas de sens ou bien ils l’ont temporairement si on parvient ensuite à l’idéologie de la classe ouvrière. Pour les seconds, la déviance est l’expression d’un besoin individuel de libération et c’est donc tout à fait juste.

Culturellement, cela provoqua un affrontement très fort alors entre la Ligue communiste (devenue la Ligue communiste révolutionnaire) et Lutte ouvrière. Les deux avaient formé le projet de s’unifier. Mais culturellement, c’était deux mondes. Lutte ouvrière imposait un style vestimentaire, interdisait les boucles d’oreilles pour les hommes, était d’une rigidité formelle outrancière, tout en défendant en théorie l’amour libre. À la Ligue, c’était au contraire le style décadent strictement parallèle aux milieux grands bourgeois parisiens.

Témoignage de ce conflit, voici ce qu’on lit dans le numéro 338 de Lutte Ouvrière, le 18 février 1975. C’est, en quelque sorte, une réponse allusive à la LCR qui, elle, de son côté, dispose d’une Commission nationale homosexuelle, faisant assumer à la LCR d’être pro-sado-maso, cuirs, transexuels.

« Nous pensons que c’est la société bourgeoise qui engendre l’égoïsme, l’individualisme et finalement le mépris pour les autres et les préjugés sociaux, dont le mépris envers les homosexuels fait partie.

C’est à ce titre que nous combattons ce préjugé, comme nous combattons tous les autres.

Mais il y a une distance entre cette lutte sans réserve contre les préjugés et le fait de parer l’homosexualité de vertus révolutionnaires, comme l’ont fait un certain nombre de « gauchistes », et d’y voir le fin du fin de la lutte contre la morale bourgeoise, en décrétant que l’homosexualité est tout aussi « normale » que l’hétérosexualité et que qui prétend le contraire est un arriéré plein de préjugés.

Cela revient à idéaliser ce qui n’est, en très grande partie, qu’un des nombreux comportements aberrants engendrés par la société bourgeoise. »

Ce point de vue est classiquement « stalinien » pour les trotskistes et d’ailleurs Lutte ouvrière l’a abandonné devant la pression sociale. Elle a tenu cependant longtemps, refusant ainsi Act Up à sa fête au tout début des années 1990, en raison du fait que ce n’était pas une organisation politique, ce qui lui valut des dénonciations comme homophobes de la part de la Ligue trotskyste de France.

Ce point de vue était de toutes façons celui de toute la Gauche historique. Et là on voit le souci. Car la Gauche d’aujourd’hui n’a nullement ce point de vue. Mais à quel moment y a-t-il eu un changement d’avis, un retournement des valeurs ? Personne ne le sait. C’est juste qu’on s’est mis à l’ère du temps. Et cela montre un véritable problème de fond. Il a simplement été cédé à une mode.

Et il y a ici deux possibilités. Soit la Gauche historique a raison et en ce cas la question est réglée. Mais s’il y a vraiment une partie de la population homosexuelle, alors la Gauche l’a trahie de manière totale, car elle a accepté toutes les définitions du libéralisme et de l’industrie capitaliste au style « LGBT ». Or, qui en paiera le prix ? Les personnes homosexuelles elles-mêmes, qui associées au capitalisme, deviendront des cibles. Et cela, c’est très grave et d’une portée dont on ne peut pas voir les conséquences.

Il y a ici tellement de non-dits et de contaminations des valeurs de centre-villes, du style de vie hédoniste bourgeois, que la Gauche a failli sur tous le plans. Tant qu’elle ne se ressaisit pas sur cette question et toutes les autres d’ailleurs, elle n’avancera pas.

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Politique

Municipales: les Verts mettent à mal le travail pour l’unité de la Gauche à Marseille

Une large initiative d’union de la Gauche pour les municipales de 2020 est en cours à Marseille, selon le constat qu’il y a une ouverture possible pour évincer la Droite et qu’il ne faut pas prendre le risque de voir le Rassemblement national triompher. Lors d’un vote le 5 octobre, les militants locaux d’Europe écologie-Les Verts ont néanmoins fait le choix d’une candidature indépendante, mettant à mal les initiatives unitaires en cours, pourtant très liées à l’écologie politique.

L’été a été très riche en initiatives du côté de la Gauche et des forces issues des milieux associatifs et syndicaux à Marseille, souvent marquées par la catastrophe des effondrements d’immeubles rue d’Aubagne l’an passé.

D’un côté, une tribune publiée dans Libération donnant lieu à un « Mouvement sans précédent » (en référence à l’introduction de la tribune), de l’autre un « Pacte démocratique pour Marseille », paru dans le journal La Marseillaise, historiquement proche du PCF.

La tribune « sans précédent » assume un propos très offensif contre le « système » marseillais mis en place par la Droite :

« Nous refusons les compromis avec les héritiers de ce système, et avec les représentants de la majorité présidentielle. Il nous faut rompre avec les politiques inégalitaires, anti-écologiques et purement comptables menées par les gouvernements et les municipalités marseillaises successives. Cette rupture est le meilleur moyen de combattre le projet et les idées de l’extrême droite. »

Le projet défendu est très à Gauche et marqué par l’écologie :

« Une ville égalitaire, solidaire et accueillante, une ville qui protège ses biens communs, avec des services publics de qualité, gérés démocratiquement, accessibles à toutes et tous, une politique culturelle favorisant la création et la diffusion au plus grand nombre.

Une ville qui abolit tout clientélisme, une ville gérée en transparence, gouvernée avec ses 850 000 habitants.

Une ville écologique qui agit fermement, en se basant sur des constats scientifiques, contre le réchauffement climatique et les dégradations des environnements naturels, en répondant aux besoins vitaux (logement, école, déplacements, air, littoral, sols, alimentation, santé…).

Une ville où le développement économique profite à tou·tes. »

On retrouve les mêmes propos dans le « Pacte démocratique pour Marseille », présenté comme ayant l’objectif de construire une liste ancrée à Gauche :

« Nous avons fait ensemble le bilan des politiques qui ont dévasté Marseille socialement, écologiquement, économiquement et politiquement. Nous vivons au quotidien les résultats de cette incurie qui divise Marseille, l’atomise, transforme nos quartiers populaires en Zones Prioritaires d’Inégalités et nos noyaux villageois en oppidums !

Des décennies de clientélisme et d’affairisme, qui ne profitent qu’à une poignée. Des années de stigmatisation, d’intimidation et d’infantilisation des habitants, qui nous condamnent à la passivité, et au ressentiment politique !

Un mouvement citoyen et politique, antiraciste, écologiste, féministe, et militant doit relever les défis à venir. Nous devons désormais franchir une nouvelle étape : définir une méthode de co-décision pour placer les citoyen·ne·s au cœur de toute démarche politique à venir. Le rassemblement se fera à ce prix : celui de la transparence, du respect démocratique des aspirations populaires et celui de la convergence respectueuse des dynamiques et réflexions déjà engagées. »

Suite à ces travaux, la dynamique unitaire de la Gauche a suivit son cours dans la ville, avec comme principales figures Sophie Camard (France insoumise, anciennement des Verts), suppléante de Jean-Luc Mélenchon aux législatives et Jean-Marc Coppola (PCF). Le Parti socialiste s’est d’abord largement tournée vers l’initiative, qui se tournait elle-même vers Europe écologie-Les Verts pour participer à l’unité.

La décision d’EELV de présenter une liste indépendante change donc entièrement la donne, au point que le PS a annoncé plus ou moins ouvertement qu’il allait réfléchir à nouveau à sa stratégie.

Sébastien Barles, tête de cette liste « écolo », repousse la question de l’alliance électorale au second tour. C’est en fait surtout une stratégie opportuniste, afin d’avoir plus de poids en cas de négociations au second tour, quitte à tout perdre. Son discours est ici un cas d’école d’opportunisme prétendant servir l’intérêt général :

«Il y a une attente unitaire chez les Marseillais, c’est certain. Mais l’unité, ce n’est pas suffisant. Il y a un risque de s’enliser dans une liste sans réelle représentativité des citoyens, ce qui risque de générer une déception plus forte encore. C’est pour cela que l’on veut être cette liste refuge si ça foire.»

Selon un sondage publié dans la presse, EELV ne peut tabler pour l’instant que sur 14 % à 17,5 % des intentions de vote à Marseille, soit la troisième force loin derrière le Rassemblement national (21 % à 22%) et la Droite (22 % à 30%).

Le danger du Rassemblement national est ici très important et devrait obliger à une large liste commune dès le premier tour. Sinon, il y a la possibilité de nombreuses triangulaires, voir quadrangulaires (l’élection Marseille se déroule dans huit secteurs), qui seraient favorables à la Droite ou à l’extrême-Droite, mais difficilement à la Gauche.

Si on se fie aux résultats des élections européennes (qui ne reflètent que partiellement la réalité électorale), le RN arrivait en tête dans 6 secteurs sur les 8 secteurs, alors que l’addition virtuelle des listes de la Gauche et d’EELV arrivait en tête dans 4 secteurs.

Tout comme Yannick Jadot ou Eva Joly, le secrétaire national d’EELV David Cormand appuie pourtant totalement le choix fait à Marseille, en osant même brandir le risque de l’extrême-Droite :

«Face au statu quo des héritier·e·s de l’ère Gaudin et à la tentation du pire avec l’extrême droite, l’alternance positive passe par l’écologie. Un nouveau cycle s’ouvre pour construire l’espoir».

L’Histoire retiendra ce choix de la division fait par EELV si l’extrême-Droite arrivait au pouvoir dans la commune la plus peuplée de France après Paris.

Fort heureusement, il y a des gens qui ont le sens des priorités et il faut saluer ici le choix de Michèle Rubirola, élue EELV au conseil départemental, qui a refusé la motion prônant une liste électorale en « solo » :

« Le but, ce n’est pas de se faire plaisir et d’arriver troisième comme dans ce sondage, mais d’être en situation de gouverner la ville. Tous unis d’un côté et nous de l’autre, quel est le message pour les électeurs ? Les Marseillais veulent l’union, c’est ça qu’ils n’entendent pas ! »

Michèle Rubirola avait dès le début soutenu et rejoint la dynamique unitaire à Marseille :

«L’initiative est partie de militants écolos et, plus largement, d’électeurs qui ont régulièrement voté EE-LV. L’idée était de montrer que les voix de l’écologie n’appartiennent pas à EE-LV, et que celles qui appartiennent à EE-LV peuvent aussi aller vers un rassemblement qui soit plus en mesure de faire gagner leurs idées. Car divisés, on perd.»

Elle a donc annoncé après le vote de son parti faire « le choix du Mouvement Sans Précédent », en espérant entraîner avec elle d’autres écologistes :

« le temps doit être au rassemblement, à la construction d’une coalition écologiste, progressiste, humaniste et citoyenne capable de changer Marseille. Pas aux divisions, pas au repli partisan dans sa chapelle, pas à la guerre des égo auto-proclamés ».

On pourra toujours dire qu’EELV n’est pas ou plus de gauche, qu’un Yannick Jadot a un discours libéral très proche de celui d’Emmanuel Macron. Dans les faits cependant, localement et en tous cas à Marseille, les Verts sont souvent proches des forces de la Gauche, qui souhaitent en général s’ouvrir à eux dans le cadre d’une unité large. C’est le principe du Front populaire qui, bien qu’il soit rarement assumé en tant que tel ou sous ce nom, émerge à différents endroits en France pour les prochaines municipales.

Cette bataille pour le rassemblement de la Gauche partout en France sera un enjeu majeur des élections municipales de mars 2020. Il sera d’autant plus possible qu’il est fait à la base, par les forces locales de la Gauche, dans une perspective démocratique et populaire assumant l’écologie.

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Politique

En 2009, naissait le NPA

En février 2009, naissait le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) avec un écho très large et une véritable dynamique de fond. Dix ans après, on s’aperçoit que cette organisation s’est totalement enlisée dans les valeurs post-modernes.

La naissance du Nouveau parti anticapitaliste s’est déroulée sous les meilleures auspices en 2009. Il s’agissait en effet du « dépassement » d’une organisation avec des cadres éprouvés, la Ligue communiste révolutionnaire (LCR). Solidement structuré, disposant de nombreux permanents, profitant d’une expérience à tous les niveaux, la LCR avait acquis une hégémonie véritable « à gauche de la gauche » à la fin des années 1980 et au début des années 1990.

Tout en perdant toujours plus son identité trotskyste, elle se renforçait dans tout le paysage associatif et son candidat aux élections de 2008, Olivier Besancenot, obtenait même 4,1 % des voix, soit 1,5 million de personnes le soutenant. Lorsque la LCR procéda à sa dissolution en janvier 2009, elle avait un peu plus de 3 000 membres ; deux jours plus tard le Nouveau parti anticapitaliste s’élançait et recrutait en masse, arrivant à plus de 9 000 membres.

Mais, en étant objectif, on peut voir que personne n’a compris ce qu’était le NPA. L’idée était telle pourtant que toute la gauche de la Gauche aurait pu rejoindre ce mouvement, qui n’a désormais plus que 2 000 membres, dont la moitié réellement concernée. L’ultra-gauche et la Gauche post-moderne n’existaient alors pas vraiment et il y avait un vrai vivier : en 2002, Olivier Besancenot avait déjà dépassé le million de voix, et Arlette Laguiller même les 1,5 million.

Les anarchistes n’étaient pas foncièrement hostiles au NPA et il y avait même déjà des « animalistes » prônant qu’on y adhère. Pourquoi alors n’a-t-il pas réussi à émerger, alors qu’en même temps Jean-Luc Mélenchon parvient avec succès à imposer le Front de Gauche et bientôt La France insoumise ? Au point d’ailleurs qu’il y eut trois vagues de départ de la NPA vers Jean-Luc Mélenchon (2009, 2011, 2012). Rappelons aussi que Jean-Luc Mélenchon avait proposé une alliance au NPA pour les Européennes de 2009.

La raison est simple : le NPA a gagné. Le NPA vient d’une tradition trotskiste prônant l’amour libre, les tendances, l’orientation autour des mouvements sociaux, la conquête des droits individuels, l’absence de formalisation autour d’une idéologie. Or, tout cela a triomphé. Le NPA et ses ancêtres ont été à l’avant-garde de la Gauche post-moderne et celle-ci existe désormais.

Tout le monde sait bien que les mœurs, au sein de la Ligue communiste avant-hier, de la Ligue communiste révolutionnaire hier, du NPA aujourd’hui, sont profondément libérales, c’est-à-dire foncièrement décadentes. La « Gauche » post-moderne est exactement ainsi. Il n’y a donc plus de place pour le NPA, qui ne peut que se ratatiner sur lui-même.

Ses membres ne savent d’ailleurs plus trop quoi en faire, puisqu’il ne reste que ceux liés d’une manière ou d’une autre à l’héritage trotskiste de la LCR, telle la majorité qui regroupe la moitié des voix et est très pro-zadiste, refusant tout « professionalisme » de la politique, à l’instar du sympathique mais ridicule Philippe Poutou.

Le reste du NPA reste bien plus affirmatif quant à cette tradition, ou bien plus syndicaliste. Il est aussi particulièrement divisé, travaillant souvent littéralement de manière indépendante (Anticapitalisme et révolution, Courant communiste révolutionnaire, Démocratie révolutionnaire, l’Étincelle).

Or, le souci principal est que si la majorité, à l’origine du projet de NPA, est pour aller dans le sens d’une unité très à gauche dans un sens gouvernemental (même si ce n’est pas dit ouvertement et que c’est une sorte de rêve combinant marxisme et anarchisme), les autres courants sont très hostiles à cette approche. Ils sont plus sur la ligne de Lutte ouvrière qui réfute tout « gouvernement transitoire », seulement ils ne peuvent pas rejoindre Lutte ouvrière car celle-ci s’arc-boute sur elle-même. Elle espère survivre suffisamment pour passer son tour et voir les cartes rebattues dans le futur.

Le NPA est donc littéralement coincé. En sortir reviendrait pour ses tendances à ne pratiquement plus exister, l’union étant le seul moyen de tenir. Mais rester, c’est pourrir sur pied et ne pas être capable de formuler de stratégie… C’est la preuve que quand culturellement, on baigne dans un milieu à la fois universitaire, étudiant, petit-bourgeois, on est dans un tel libéralisme qu’on ne peut qu’accompagner l’évolution des mœurs, mais en rien maintenir une identité et un cadre de gauche.

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Société

Quelques questions au président des Poissons roses, chrétiens de gauche opposés à l’extension de la PMA

Nous avons interrogé Patrice Obert, le président des Poissons roses, une plateforme de réflexion de chrétiens à Gauche. Il nous livre ici un point de vue très intéressant, très engagé sur la question de l’humanisme et du refus de la marchandisation du corps.

Les Poissons roses ont participé à un rassemblement dimanche à la Sorbonne avec des féministes liées à la Gauche et opposées à la GPA, puis à la grande manifestation contre « la PMA sans père » où ils sont intervenus en début et fin de parcours sur la grande scène.

Vous vous êtes mobilisés contre le projet gouvernemental de « PMA pour toutes », pouvez-vous préciser le sens de votre engagement ?

Nous considérons que la gauche humaniste doit s’opposer à l’extension de la PMA pour des raisons qui tiennent justement à notre positionnement à gauche : refus de la marchandisation du corps consécutif au manque de gamètes, refus d’un glissement vers un nouvel esclavagisme qui découlera de la régularisation inévitable de la GPA, nécessité d’une Écologie intégrale qui lie économie, social, environnement et éthique, car « tout est lié » ( cf. encyclique Laudato Si).

Que répondrez-vous à des critiques vous reprochant de vous mettre à la remorque des milieux catholiques conservateurs à l’occasion de la grande manifestation qui vient de se dérouler ce dimanche 6 octobre 2019 ?

Nous sommes conscients d’être sur une ligne de crête. Certains nous reprochent notre décision, mais beaucoup louent notre courage. Nous avons fait ce choix en pleine connaissance de cause. Mais nous ne voulons pas laisser ce champ à la droite. Une gauche humaniste est fondée à participer à cette protestation. Nous assumons notre positionnement de gauche ET de chrétiens.

Selon vous, qu’est-ce qui fait que la Gauche est, pour beaucoup,
largement tombée dans une vaste impasse en se mettant à la remorque des exigences individualistes « sociétales », telles la « PMA pour toutes », voire la GPA ?

La Gauche s’est ralliée à l’économie de marché de façon radicale. La PMA exprime magnifiquement cette reddition qui cumulera dans la GPA. La Gauche a abandonné la défense « sociale » et s’est rabattue sur les sujets sociétaux. C’est une lourde responsabilité, historique.

Quelles sont selon vous les apports, les exigences que peuvent apporter les chrétiens de gauche à la Gauche, mais également à la conscience humaine en général ?

Le respect de la personne humaine, la prise en compte que toutes les dimensions sont reliées ( cf. plus haut), la non-violence, le respect dans le débat, l’écoute.

Le refus d’une démesure qui symbolise le projet de PMA, le refus du « c’est techniquement possible, donc il faut le faire ».

Vous appartenez justement à un courant de critique de la vie quotidienne qui s’est développée dans les années 1930, notamment avec Emmanuel Mounier et le personnalisme. C’était une époque où la Gauche chrétienne et la Gauche marxiste assumaient toutes deux l’optimisme, l’espérance et l’imbrication de l’humanité dans la nature, à l’opposé de ce qui sera après Guerre le pessimisme de l’existentialisme, hantise tant des
chrétiens que des marxistes. Comment, en ce début du 21e siècle, assumer que la vie a un sens dans une société façonnée par le consumérisme ?

Notre analyse est que se clôt la parenthèse de la Modernité occidentale technicienne, née au 17ème siècle quand l’homme a compris que « la nature s’écrit en langage mathématique » ( Galilée). Depuis cette date, nous vivons dans les plis de cette pensée. La technique est devenue le pôle moteur de la société, et malheureusement de la planète, puisque la civilisation européenne, devenue occidentale, s’est répandue par toute la Terre. Cette civilisation a apporté beaucoup de choses positives, ne les nions pas . Mais elle se fracasse aujourd’hui sur des impasses majeures : écologique, financière, individualiste.

C’est en ce sens qu’il faut remettre au cœur la Personne, reliée aux autres humains, à la Nature, à Dieu.

Ceci conduit à remettre en cause la société de consommation ( ce que vous nommez le consumérisme), qui est devenue une société de frustration qui alimente notre désir par une publicité incessante qui nous laisse insatisfaits.

En ce sens, la situation actuelle est très intéressante : un monde ancien s’effondre et plein de jeunes pousses, encore peu visibles, émergent. Il ne faut donc pas être pessimistes, mais volontaires. Sans doute, la transition sera difficile, voire dramatique. Mais la lecture de l’histoire nous montre que l’humanité a survécu à la chute de Ninive, de Jérusalem et de Rome, qui ont été des traumatismes énormes. Aujourd’hui, la situation est encore plus grave mais la grâce a toujours surabondé là où le péché abondait.

Nous avons développé ces thèmes dans notre Manifeste, paru en 2016 au Cerf A CONTRE COURANT et dans nos publications récentes, disponibles sur notre site poissonsroses.org, notamment nos rapports sur :

– la famille durable, au-delà des fascinations biotechniques ;
– Pour une renaissance de l’Europe.

Nous publierons prochainement une « Enquête sur les Invisibles de la République ».

Par ailleurs nous ne manquons pas de noter la convergence de trois faits ( cf la vidéo sur ce sujet sur notre site 3′) :

– la montée des femmes dans la société ;
– la crise de la pédocriminalité dans une église catholique ( universelle) faite d’hommes ;
– la crise écologique.

En tant que chrétiens, bien souvent catholiques, nous lisons que cette convergence n’est pas un hasard mais qu’elle signifie la fin d’un ancien monde, le nouveau, en cours d’émergence devant être finalement « plus humain ».

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Société

La Gauche post-moderne à l’avant-garde du libéralisme

Le gouvernement libéral actuel adore le discours de la Gauche post-moderne sur l’écriture inclusive, la « PMA pour toutes », la « transphobie », l’«hétéro-norme», les « féminicides »… Et pour cause : la Gauche post-moderne a été le fer de lance de la poussée ultra-libérale.

Les galeries Lafayette ont ouvert en mars 2019 un espace de 6 500m². Le rayon mode ne sépare pas les produits pour hommes et pour femmes, suivant la « théorie du genre ». D’ailleurs, les toilettes sont également mixtes.

Le capitalisme adore cette remise en cause de toute norme biologique, cette mise en valeur démesurée de la « conscience individuelle », seul apte pour lui à porter entièrement la figure du consommateur.

Il faut le dire nettement : qui est pour le libéralisme des mœurs est pour le libéralisme économique, et inversement. La gauche historique a toujours vu les choses ainsi, et avec raison.

L’extension de la PMA passe comme une lettre à la poste dans la société française et le processus de légalisation n’est même pas terminée que déjà la GPA apparaît sur le devant de la scène. La légalisation du cannabis, on le devine, est déjà au coin de la rue.

C’est que le gouvernement réussit à concrétiser un calendrier de mesures libérales avec d’autant plus de réussite que la Gauche post-moderne lui a pavé la voie. Le libéralisme, c’est l’affirmation du choix individuel au-delà de toute autre considération, c’est l’idéologie du consommateur.

Le thème de la « transphobie » est un excellent exemple de cette folie furieuse libérale. Comme si l’on pouvait avoir un esprit dans un mauvais corps, comme si le corps et l’esprit étaient séparés ! On est ce qu’on est, donc sa réalité matérielle et rien d’autre.

Cela est évidemment inadmissible pour les figures errantes, sans contenu, de la consommation capitaliste. Les fantômes que sont les citoyens volontaires et actifs du capitalisme n’existent que par une consommation effrénée, qu’ils imaginent leurs choix, l’expression de « leur » volonté.

On a atteint un degré d’aliénation vraiment terrible et terrifiant. Dire qu’il y a des jeunes qui déjà sont nés dans une société où le capitalisme prétend que tout, absolument tout, peut se vendre et s’acheter… si on le « décide ».

Pourquoi la Gauche n’est-elle pas encore en mesure de contrer cette idéologie du libre-arbitre, chose pourtant totalement absurde ? Vues les capacités techniques du capitalisme, il faut pourtant d’autant plus faire vite. Car toute cette conception de la conscience comme seule reine, comme seule « valeur » à admettre, amène la civilisation à la décadence, par la destruction des normes, de la réalité biologique, des valeurs universelles.

Le génie des libéraux – ou plutôt le pragmatisme, le machiavélisme – a été de présenter comme un progressisme leur vision du monde. La généralisation du libéralisme se prétend objectivement positive pour les gens, par la conquête de « droits individuels ».

Ce qui est fou, c’est que ce n’est rien d’autre que l’argument de fond de n’importe quelle publicité commerciale. Chaque entreprise prétend apporter, par son produit, un « plus » dans la vie quotidienne. Quand on voit une publicité, on le sait bien.

Et maintenant le capitalisme est tellement riche qu’il a de l’argent en trop et peut le déverser sur une Gauche post-moderne cherchant à mobiliser pour que tout système de valeurs, quel qu’il soit, vacille et disparaisse. Comment il est facile ici pour les réactionnaires, les conservateurs, que de mettre toute la Gauche dans la même sac et de se prétendre le seul rempart contre l’effondrement en cours !

Pour contrer la chose, il faut les ouvriers. Qu’attendent-ils pour se bouger ? S’imaginent-ils protégés dans leur existence, car leur style de vie n’a rien à voir avec ce que promeut la Gauche post-moderne bien à l’abri dans ses centre-villes, avec son style de vie hédoniste superficiel, la vacuité de son art contemporain, ses prétentions de hipster ou son porte-feuille de bobo ?

Il faut le détonateur ouvrier à Gauche, dans le sens de l’universalisme et de la modernité, pas pour un retour en arrière mais pour un vrai saut dans le futur. Les ouvriers doivent rompre avec le carcan syndicaliste réduisant l’horizon à un bilan comptable forcément trompeur. Ils doivent faire de la politique. Seul leur universalisme et leur réalisme peut empêcher la catastrophe en cours.

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Société

La faible mobilisation à Rouen malgré le choc face à la pollution chimique

L’explosion de l’usine Lubrizol à Rouen a provoqué un gigantesque émoi dans la population, mais il n’existe pas de mobilisation populaire d’ampleur significative. Tout comme pour l’incendie de Notre-Dame à Paris, tout est géré de manière froide et administrative : s’il y a des protestations, elles ne produisent rien de politique.

L’absence d’une mobilisation d’envergure à Rouen montre que la Gauche ne dispose plus de relais populaires comme elle en avait par le passé. Le niveau d’organisation est à l’image du niveau de conscience politique : terriblement faible, pratiquement anéanti en-dehors des démarches corporatistes.

La conquête de la conscience de millions de gens demande un travail ardu ; que dire alors du fait de les organiser, de les habituer à s’organiser ? Si jamais le principe de révolution a un sens et qu’on est pas un blanquiste, un putschiste, alors on voit qu’on est extrêmement loin de l’auto-organisation de la société par elle-même !

Objectivement, les gens peuvent tout gérer, mais subjectivement, ils sont totalement déboussolés. Ce qui se passe à Rouen est une épreuve terrible pour les habitants et pourtant il n’existe pas de structuration sur le plan de l’organisation, de la politique.

Même si on est réformiste et pas révolutionnaire, on voit bien que c’est davantage la stupeur qui prédomine qu’autre chose. Il s’agit d’une sorte d’événement sorti de nulle part pour les gens, qui ont totalement perdu la moindre idée du fait de se concevoir comme une partie de la société.

Les gens se considèrent dans la société, mais pas une partie de la société. Ils prennent, ils donnent, ce n’est qu’un échange à dimension individuel :  voilà leur vision des choses. Il n’y a aucune considération générale, en terme de société, du pays lui-même.

Même l’extrême-Droite est d’ailleurs obligée de se tourner vers le discours identitaire , tellement la considération « nationale » exige déjà trop une remise en cause de l’amour-propre individualiste propre à une société de consommation maximalisée.

Toute la Gauche, qu’elle soit révolutionnaire ou réformiste, voit bien qu’il y a un problème de fond dans la réceptivité des gens et dans leur capacité à se tourner de manière consciente vers une critique raisonnée de la société. Les gens sont devenus rétifs à tout engagement passant par une dynamique générale, ils ne réagissent plus qu’en tant qu’individus.

Quiconque ose poser quelque chose de différent que ce prisme individuel est par définition une sorte de facho ou de conservateur vivant dans le passé. Il y a là un paradoxe puissant, car en même temps le Peuple, dans son ensemble, exige des normes, des règles, des principes. Il raisonne en termes d’universalisme.

Mais les gens, s’ils sont le peuple, ne s’accordent pas sur ce qu’ils sont. Chacun veut s’en sortir individuellement, ce qui produit des esprits petits-bourgeois ou bourgeois à l’infini, alors que le niveau de vie ne suit nullement derrière. Le décalage entre les illusions des gens et leur réalité sociale est immense – et quand ils le saisissent, ils deviennent aigris et cela donne des gilets jaunes.

Ce qui se passe à Rouen est donc un terrible exemple, un aveu de faiblesse gigantesque pour la Gauche. Les protestations des organisations populaires auraient été massives il y a 10, 20, 30 ans. Aujourd’hui il y a la simple constatation de ce que le gouvernement fait ou pas, avec une critique cherchant à être bien placé, mais passant toujours au-dessus de la réalité concrète, politique, de l’existence des gens.

Le capitalisme a véritablement engourdi les esprits à un degré très profond, les gens sont comme congelés. Comment les remises en cause futures vont-elles se dérouler ? Cela va être un profond traumatisme.

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Politique

Convention de la Droite : identitaires et Gauche post-moderne contre l’universalisme

Eric Zemmour, le polémiste aussi précis à l’oral qu’extrêmement mauvais à l’écrit, a assumé la position identitaire lors de la convention de la Droite hier. L’ennemi, c’est l’universalisme : « l’universalisme marchand » et « l’universalisme islamique ».

Maintenant, si on est à Gauche et qu’on a de la culture, alors on comprend une chose très simple : « l’universalisme marchand » + « l’universalisme islamique » = le Socialisme. Car le Socialisme, c’est d’un côté une économie si riche qu’elle a universalisé les rapports entre les gens et de l’autre un régime politique hyper normé et réglé.

L’Islam n’est ainsi qu’une caricature communautaire et spiritualiste du Socialisme. Son succès n’est qu’une déviation temporaire, un accident historique de l’affirmation du seul universalisme possible : le Socialisme à l’échelle planétaire.

C’est de cela dont a peur Eric Zemmour, qui prône par conséquent les identités contre l’universalisme. La Gauche post-moderne fait de même, en prônant non pas les identités, mais les individus. Les deux discours se nourrissent l’un de l’autre, en cherchant à mettre le Socialisme sur la touche. Et ils y sont parvenus. Mais plus pour longtemps.

En effet, le capitalisme se mange lui-même et les tendances militaristes se renforcent comme jamais. Les gens vont être de plus en plus mécontents de toutes façons d’une société toujours plus dérégulée et aux salaires toujours plus bas pour la grande majorité. Il va donc y avoir un basculement.

Un tel basculement ne se fera jamais dans le camp du libéralisme, tant économique que culturel. Les gens ne comptent nullement « déconstruire » la civilisation, seule une infime minorité, avant-garde de l’ultra-capitalisme, est favorable à cela. Il se fera donc vers la Droite, d’où d’ailleurs la Convention de la Droite, qui vise à préparer les modalités de ce basculement.

> Lire également : «Convention de la Droite» le 28 septembre : l’affirmation d’un néogaullisme conquérant avec Marion Maréchal comme figure de proue

La Gauche, pour faire face à ce défi, doit écraser les variantes post-modernes, post-industrielles, post-nationales, pour qui le capitalisme n’existe pas et pour qui la conquête des « droits individuels » est l’alpha et l’oméga de l’intervention sociale. Tant qu’il y aura les bobos et des gens niant l’existence des hommes et des femmes pour pourrir la Gauche aux yeux du peuple, tout sera plombé.

Ce vaste ménage à faire n’est pas gagné du tout : le libéralisme culturel, depuis la promotion de l’art contemporain totalement méprisé par le peuple jusqu’à la PMA pour toutes, voire la GPA, a corrompu à un tel point qu’il est pratiquement entièrement hégémonique. Il faudrait les ouvriers pour balayer cela. Seulement voilà, les ouvriers, quand ils s’expriment, sont souvent happés par la démagogie nationaliste.

Tout cela demande donc du temps, sauf que le temps on ne l’a pas. Dans tous les pays, le curseur est à la bataille pour le repartage du monde et sur le ring on a déjà les Trump, Xi Ping, Bolsonaro, Duterte, Poutine, etc. Tout va donc se jouer dans les prochaines années, en comptant qui plus est qu’une fois les délires post-industriels écrasés, il faudra faire face à un ennemi historique d’une autre envergure : le nationalisme, le militarisme, le Fascisme, dont la convention de la Droite hier était une étape importante de la structuration en France.

C’est un sacré défi propre à paralyser les esprits lâches, les âmes endormies par leur confort matériel. Mais il a de quoi galvaniser ceux qui savent que l’Histoire a un sens.

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Politique

PMA pour toutes : la Gauche post-moderne en rêvait, la Droite l’a fait

La négation de la réalité matérielle est de rigueur pour une société de consommation pour qui tout doit relever d’un choix individuel. L’existence nécessaire d’un homme pour la reproduction se transforme donc en un choix de consommation épaulé par les nouvelles technologies. La Gauche post-moderne, post-industrielle est ravie de cet élargissement des droits individuels, montrant qu’elle n’a été que l’avant-garde de l’ultra-libéralisme.

La procréation médicalement assistée (PMA) accessible à toutes les femmes a désormais le soutien de l’Assemblée nationale, avec peu de présents : 55 députés ont voté pour, 17 contre et 3 se sont abstenus. C’est qu’il vaut mieux ne pas être forcément là pour une thématique littéralement explosive, dont la société française n’a pas encore compris les enjeux.

D’ailleurs, sa validation juridique définitive devrait avoir lieu juste avant l’été, histoire de faire passer la pilule à une société française censée découvrir au fur et à mesure les « vertus » de l’ultra-libéralisme.

La France ne fait d’ailleurs que rejoindre la tendance libérale générale, puisque la PMA pour toutes est déjà légale en Belgique, aux Pays-Bas, au Royaume-uni, en Irlande, au Portugal, en Espagne, au Luxembourg, au Danemark, en Suède et en Finlande. De nombreux autres pays le permettent aux couples de femmes mais pas aux femmes seules, ou inversement.

Les deux prochaines étapes sont à ce titre évidentes. Il y aura d’abord la GPA (les « mères porteuses »), qui s’imposera d’elle-même une fois la digue de la PMA rompue. Cela sera considéré comme un droit de plus pour les couples d’hommes homosexuels, même si on l’a compris cela servira également à des femmes aisées.

Dans tous les cas, il y aura déjà – il y a déjà en partie – la reconnaissance des GPA effectuées à l’étranger. Une fois que la pratique sera bien établie, il y aura une reconnaissance générale.

Ensuite, il y aura la PMA pour les femmes devenues des « hommes » – dans le libéralisme généralisé il n’y a en effet plus de normes. Les députés LRM Raphaël Gérard et Laurence Vanceunebrock-Mialon ainsi que le député La France Insoumise Bastien Lachaud ont pour cette raison prôné la PMA non pas pour toutes les femmes, mais pour toutes les personnes ayant un « appareil reproducteur féminin ».

Mattel vient de sortir, conformément à cette idéologie, des Barbies « neutres sur le plan du genre ». L’ultra-libéralisme est la négation de l’universel : il n’y a plus ni humanité, ni classe, ni nation, ni rien de général. Il n’y a plus que des individus, tous irréductiblement différents. La réforme du Bac commençant cette année va en ce sens : chaque lycéen « choisit » ses matières, il passe son propre bac.

C’est, si l’on veut, une américanisation de la société, au sens d’une atomisation générale de la société. Et même en politique ! L’alliance future entre la Droite et l’extrême-Droite va ressembler à l’assemblage que sont les Républicains aux États-Unis, tandis qu’Emmanuel Macron et la Gauche post-moderne vont ressembler aux Démocrates.

Tant les Républicains que les Démocrates sont un rassemblement de multiples courants, tendances, factions, chacune cédant la prééminence à celle plus forte dans toute une série d’étapes. Emmanuel Macron se dit qu’à ce jeu, il sera forcément gagnant vu qu’il prend la Gauche en général en otage et que sur le plan des valeurs, il a la Gauche post-moderne avec lui.

Il procédera ainsi à une ouverture prononcée vers le cannabis, pour la même raison. Il y a un marché, il le soutient. Il appuie les chasseurs pour la même raison : il y a un marché, un lobby, il y a donc alliance. C’est tout à fait à l’américaine : on est plus dans la politique, mais dans la communauté d’intérêts.

Seule une Gauche éminemment politique peut contrecarrer cette tendance. Seule une Gauche s’assumant telle quelle, levant ouvertement son drapeau – rouge par définition, et uniquement rouge – peut mettre en branle les ouvriers, seule force vierge d’un degré de corruption gigantesque dans le domaine des mœurs.

On assiste très clairement à la fin de la civilisation – à la Gauche de faire en sorte que ce soit uniquement la civilisation capitaliste qui s’effondre et que les acquis de la civilisation soient préservés et amenés à un niveau de développement supérieur.

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Société

Extension de la PMA : l’absence d’une opposition de gauche à l’Assemblée nationale

Le débat parlementaire sur le projet de loi bioéthique est très intense, avec pas moins de 587 amendements déposés sur l’article premier concernant l’extension de la PMA. Au lieu d’être à l’avant-garde de l’opposition, la « Gauche » représentée à l’hémicycle se fait l’accompagnatrice forcenée du libéralisme – ce sont d’autres forces qui, malheureusement, s’accaparent et détournent les valeurs qu’elle devrait porter.

Ce sont surtout la Droite et l’extrême-Droite qui mènent l’opposition à l’extension de la PMA. C’est là quelque-chose de terrible car cela renforce leur hégémonie culturelle sur la société française et leur apparente crédibilité aux yeux des classes populaires.

Il ne faut pas être dupe ici : si beaucoup de Français n’étaient jusque-là pas opposés à l’extension de la PMA, car ils sont très perméables au libéralisme, ce n’était pas pour autant un soutien engagé. Mais quand on rentre au cœur du sujet, quand les vraies questions sont posées, alors les arguments contre la PMA touchent largement la population et tout le monde le sait.

Marine Le Pen s’en donne donc ici à cœur joie pour apparaître démocratique, s’accaparant la morale populaire, rappelant des choses fondamentales : « on ne peut pas naître de deux mères » et le projet de loi revient à « mettre en place un mensonge légal » en faisant croire qu’il n’y a plus de père.

La députée RN se paye même le luxe de préciser qu’elle pense que deux femmes peuvent très bien élever un enfant, ainsi que deux hommes – il faudrait effectivement être très réactionnaire et pétris de certitudes conservatrices pour penser l’inverse.

On a dans le même genre les propos du député Joachim Son-Forget, une personnalité très complexe, brillante mais tourmentée, qui penche vers la Droite. Rappelant avoir apprécié le discours de Marine Le Pen soutenant « l’intérêt premier de l’enfant », il explique alors :

« Les faits sont tenaces. Je ne peux pas entendre que la biologie n’existe pas et que seul l’environnement compte. Je sais que j’ai les yeux bridés, que j’ai une couleur de peau qui fait que quand je croise des Coréens, ils me reconnaissent, étant d’origine coréenne.

Je sais qu’au fond de moi, je suis probablement un bon Haut-marnais, bien de ma campagne haut-marnaise. C’est tout cela qui cohabite en moi. Donc, on ne saurait nier l’un, pour accepter l’autre. Les faits sont vraiment tenaces. »

C’est la même rengaine anti-PMA du côté de la Droite traditionnelle, qui explique en long, en large et en travers en quoi tout cela mène évidemment à l’autorisation de la GPA. Le député LR Arnaud Viala a par exemple reproché au gouvernement et à la majorité de « mentir aux Français », tellement le projet de loi porte en lui « une ouverture presque immédiate » de la GPA.

Rien de tout cela chez les députés liés à la fausse Gauche, celle qui est post-industrielle et post-moderne, qui a pour seul horizon d’accompagner le libéralisme prenant le masque du « progrès » et des « droits ». Des socialistes ont même déposé des amendements réclamant l’autorisation de la PMA post-mortem, alors que le PS a de son côté produit un communiqué pour dénoncer les opposants :

« Celles et ceux qui s’opposent à ce texte continuent malheureusement d’ignorer les familles homoparentales qui vivent dans notre pays et de s’opposer aux droits des femmes. »

Il y a même des fous furieux qui veulent pousser encore plus loin le projet en prônant l’ouverture de la PMA à des soi-disant « hommes transgenres ». Cela aboutirait donc à ce que des personnes ayant voulu être identifiée comme « homme » à l’état civil deviennent… mère !

On nage en plein délire, mais c’est pourtant très sérieusement que cela a été discuté en commission, sous la présidence de l’ancien socialiste Jean-Louis Touraine. Il y a également des propositions de fécondation in vitro dite ROPA, c’est-à-dire le fait de féconder l’ovocyte d’une des femmes d’un couple lesbien puis de faire porter l’enfant à l’autre femme, histoire de faire comme s’il y avait vraiment « deux mamans »…

Ironie du sort, c’est du côté de La République en marche qu’il faut se tourner pour trouver un propos sérieux ayant un minimum de dimension. Ou plutôt, ex-LREM, car la députée Agnès Thill a été exclue du mouvement en juin suite à ses prises de positions allant «  à l’encontre de la Charte et des valeurs inclusives du Mouvement ».

On notera ici qu’avant d’atterrir chez Emmanuel Macron, elle a été membre du Parti socialiste dans les années 1980 et qu’elle est fille d’ouvrier. Ce qu’elle dit dans l’extrait ci-dessous, c’est exactement le genre de propos que devraient avoir des députés vraiment à Gauche, pour s’opposer à l’extension de la PMA :

« Votre loi, Madame la Ministre, est criminelle. C’est souffrance contre souffrance. Il ne faudra pas dire « cette France-là a été humiliée ». Votre loi, c’est s’offrir un être humain. On ne s’offre pas un être humain, Madame la Ministre. Un être humain n’est ni un objet, ni un projet, ni une promesse de campagne.

Loin d’abolir les inégalités, votre loi les aggrave. Votre loi soulève des questions de marchandisation du vivant, d’eugénisme, de sélection, le dévoiement du sens de la médecine et la voie du design de l’enfant parfait « comme nous le voulons » que vous déverrouillez. Au delà des bornes, il n’y a plus de bornes.

Ce n’est pas le droit qui refuse un enfant à ces femmes, c’est la biologie. Il n’y a ni discrimination, ni inégalité et vous le savez très bien. L’affirmer à longueur de média c’est mentir et manipuler l’opinion. La liberté si fièrement revendiquée n’est qu’une liberté de consommateurs. Des Français accèdent au hard-discount reproductif, qu’il faudra reconnaître en France.

Si la PMA, la congélation ovocytaire, le DPI, la recherche sur embryon, si tout cela existe, c’est aussi parce qu’elle enrichit médecins, généticiens, biologistes, patrons de start-up, juristes, avocats, banquiers en sperme et en ovule. Et vous faites semblant de ne pas le voir !

Aidez l’autre, voyez-vous, et vous le savez, c’est l’aider à accompagner ses limites. C’est l’aider à accepter ses limites et vivre avec. Ce n’est pas dépasser le possible humain. On ne peut décemment pas destituer la figure paternelle au motif que des nouvelles familles apparaissent. »

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Politique

La Gauche à la Fête de l’Humanité : l’unité «salade, tomate, union»

Traditionnellement, la Fête de l’Humanité marque la rentrée politique de la Gauche. Cette année encore, à peu près toutes les figures y étaient et se sont échangées les amabilités d’usage, en souhaitant l’unité la plus large. Cela n’est cependant pas très convaincant, de la part de gens qui s’écartent toujours plus des classes populaires et ne sont pas à la hauteur des enjeux historiques.

Lors d’un de ces nombreux discours à la Fête de l’Humanité, le dirigeant du PCF Fabien Roussel a expliqué qu’il lançait un appel à « travailler ensemble », pour une union à construire « de la base au sommet ». Ce sont là de bien belles paroles, mais elles sont sans contenu. La preuve, il a ensuite fait dans l’humour, comme il le fait souvent, en ajoutant :

« [l’union] ici à la Fête de l’Huma on en a même dans nos assiettes, on peut manger des sandwiches salade, tomate, union ! Et à la sauce marxiste. Et c’est ce repas qu’on préfère, nous les communistes ».

Cette référence au kebab (salade, tomate, oignon) est d’un populisme hallucinant, indigne d’un discours politique. Ce n’est pas sérieux, comme il n’est pas sérieux de parler de « sauce marxiste » quand on parle d’unité de la Gauche, alors que se profilent les élections municipales. Le PS, Génération-s, éventuellement les Verts ou la France insoumise à tel ou tel endroit, ne sont pas « marxistes » : faudrait-il ne pas faire l’unité, dans ce cas ?

Bien sûr que si, il faut faire l’unité, car ce qui compte n’est pas la « sauce marxiste », mais le contenu commun, les valeurs de Gauche, pour le Front populaire. Ce qui se profile en face, c’est l’union de la Droite et de l’extrême-Droite, avec notamment Marion Maréchal comme figure de proue. Pas pour les municipales évidemment, mais pour après. Or, si la Gauche perd un certain nombre de municipalités en 2020, ce sera autant de points d’appuis en moins pour faire face au nationalisme. C’est aussi simple que cela.

Fabien Roussel n’aide donc ici aucunement les forces de Gauche avec ses guignolades populistes en référence au kebab et sa « sauce marxiste ». Celle-ci est d’ailleurs bien fade, le pauvre Karl Marx doit se retourner dans sa tombe en entendant une telle horreur qui est non seulement pas marxiste, mais même pas vraiment de gauche :

« [nous voulons] faire marier le drapeau rouge du mouvement ouvrier avec le drapeau bleu, blanc, rouge, de la République française. »

Cela ne date pas d’aujourd’hui cependant, on ne va pas s’étonner ici que le vieux PCF en soit encore à chanter la Marseillaise le poing levé. Là n’est pas la question. Ce qui est vraiment problématique par contre, c’est de voir la Gauche s’éloigner encore et toujours plus des classes populaires françaises et du cœur de la classe ouvrière.

Ces propos du dirigeant du PS Olivier Faure lors du débat commun en disent très long :

« En un an, nous avons connu trois grands mouvements protestataires entre #MeToo, les Gilets jaunes et la Marche pour le climat. Et ils se sont tous construits en dehors de nous. »

Encore heureux que la Gauche n’était pas au cœur de ces « mouvements », qui n’ont rien de populaires ! Il faut en dire de même pour l’immigration, rengaine d’à peu près tous les dirigeants de gauche ce week-end : tant que la Gauche persistera à défendre l’immigration aujourd’hui, elle n’arrivera à rien auprès des classes populaires, particulièrement de la classe ouvrière.

Alors, oui le PCF a raison de dire qu’il faut s’unir pour gagner ou conserver des municipalités avec un programme de gauche écologiste. Le PS et Génération-s, ainsi que quelques autres forces qui leur sont respectivement liées, disent aussi la même chose. Il convient donc de le faire.

Par contre, si ce programme ne consiste qu’en des invectives populistes sans contenu populaire réel, comme avec cette autre touche d’« humour » de Fabien Roussel évoquant la chanson Disney de La Reine des neiges, alors cela ne fonctionnera jamais :

« Nous rêvons d’une France libérée, délivrée du capitalisme et de la finance. »

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L’université d’été 2019 de La France insoumise, une négation des valeurs de la Gauche

L’université d’été de La France insoumise à Toulouse a été propice à des abandons formels de valeur de la Gauche. Avoir invité Thierry Ardisson est ainsi un véritable scandale, de par ce que représente cette figure médiatique. Les propos de Henri Peña-Ruiz sont tout autant inacceptables, puisqu’elle met les religions sur le même plan que l’athéisme, au nom de la « laïcité ». C’est une capitulation dans tous les domaines qu’on peut observer ici.

Henri Peña-Ruiz, présentée par les médias comme une « philosophe proche de La France insoumise », a tenu les propos suivants lors de l’Université d’été de cette organisation :

« Le racisme antimusulman est un délit. La critique de l’Islam, la critique du catholicisme, la critique de l’humanisme athée n’en est pas un. On a le droit d’être athéophobe, comme on a le droit d’être islamophobe, comme on a le droit d’être catophobe. »

Ces propos ont fait scandale, car comme on le sait La France insoumise est largement poreuse à la thèse tiers-mondiste et misérabiliste de l’Islam comme une sorte de religion des opprimés. Cette thèse converge avec les opérations de diffusion de l’Islam par l’Arabie Saoudite et le Qatar, le concept d’ « islamophobie » étant un outil politique en ce sens.

Sauf qu’ici on marche sur la tête, car une phobie est une peur démesurée et il va de soi qu’il faut en triompher. La peur démesurée des araignées, de l’Islam ou de quoi que ce soit est irrationnelle et doit donc être vaincue.

Il faut vraiment rejeter la Gauche historique en bloc pour en arriver à justifier toutes les phobies en bloc et parler de catophobie ou athéophobie. C’est d’autant plus vrai que le rejet des religions est mis sur le même plan que les religions elles-même ! Alors que la Gauche historique a justement une thèse simple : les religions doivent disparaître de la surface de la Terre, car elles sont un préjugé du passé.

Cette polémique estivale montre à quel point La France insoumise est aux antipodes de la Gauche historique et quand on voit qu’un invité de marque a été Thierry Ardisson, on voit bien qu’il n’y a plus rien à faire, qu’on a atteint le point de non-retour.

Thierry Ardisson a un parcours qui le place à rebours complet de la réalité populaire. C’est avant tout un publicitaire (« Ovomaltine, c’est de la dynamique ! », « Vas-y Wasa ! », « Lapeyre, y’en a pas deux ! », « Chaussée-aux-Moines : Aaamène ! », « Quand c’est trop c’est Tropico ! ») qui a appliqué ses recettes à la télévision.

Cela en a fait une figure du racolage télévisuel, de la beauferie présentée comme culturelle et d’une posture de dandy anarchiste de droite comme garant d’une pseudo-authenticité. Tout cela pour un succès économique capitaliste efficace pendant des décennies et en 2018, dans une interview, Thierry Ardisson, par ailleurs monarchiste assumé, expliquait gagner « entre 15 000 et 20 000 euros par mois » et qu’il faisait de la télé « au détriment d’activités plus nobles », car vénal et aimant l’argent.

Et c’est lui qu’on invite à La France insoumise ? Ce n’est même plus grotesque, ni même pathétique, c’est ouvertement anti-Gauche. La France insoumise est un simple vecteur nationaliste se targuant de valeurs sociales, le drapeau français étant associé à des revendications allant dans le sens d’un pays « fort ». Le slogan employé « Macron vend la France » est digne de l’extrême-Droite de par son contenu à la fois nationaliste et démagogique, ses raccourcis intellectuels et son racolage.

Un racolage devenu de fait intempestif à La France insoumise et cela va continuer jusqu’aux municipales, élections qui vont être d’une difficulté extrême pour cette structure. Elle va donc prolonger sa démarche et certainement pas aller à du contenu, encore moins à l’unité de la Gauche sur des fondements solides.