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Politique

Allocution présidentielle du 14 juin 2020: la quête du consensus

Emmanuel Macron s’est fait démolir par l’opposition pour ses propos creux, son ton rassurant et sa démarche toute en continuité. Mais si c’est ridicule, c’est tout à fait français et Emmanuel Macron fait le pari que les Français resteront tels qu’ils sont.

Il y a un passage dans l’allocution qui décide de tout, celle sur le mode de vie français. Annonçant un retour à la « normale » en mode déconfinement généralisé, le président de la République a cherché à résumer la France ainsi :

« Nous allons donc pouvoir retrouver le plaisir d’être ensemble, de reprendre pleinement le travail mais aussi de nous divertir, de nous cultiver.

Nous allons retrouver pour partie notre art de vivre, notre goût de la liberté. En somme, nous allons retrouver pleinement la France. »

Si on traduit, cela donne : vous les Français vous avez une mentalité de petit-bourgeois, vous êtes des grosses gueules mais votre horizon ne dépasse votre sens de la satisfaction. Vous allez donc tout reprendre comme avant, en refusant comme il faut toute envergure, afin de profiter tranquillement de vos acquis dans l’un des pays les plus riches du monde, tout en prétendant représenter le progrès et la culture.

Emmanuel Macron a d’ailleurs ensuite souligné que la stratégie pour les dix prochaines années, c’était « vivre heureux et vivre mieux ». C’est tout à fait intelligent, tout à fait en phase avec les Français.

Reste que l’économie française va se faire démolir, comme d’ailleurs le capitalisme en général. Alors, que faire ? Emmanuel Macron, qui a utilisé plusieurs fois le terme de « reconstruction », a une solution très simple : la transformation de la France en satellite allemand. Il ne le dit bien entendu pas ainsi et il a souvent employé le terme d’indépendance.

Mais c’est ainsi qu’il faut comprendre tout ce passage :

« L’accord franco-allemand autour d’un endettement conjoint et d’un plan d’investissement pour redresser l’économie du continent est un tournant historique.

En empruntant pour la première fois ensemble, avec la chancelière d’Allemagne, nous proposons aux autres États européens de dire « nous » plutôt qu’une addition de « je ».

C’est le résultat d’un travail acharné, initié par la France, et que nous menons depuis trois ans.

Ce peut être là, une étape inédite de notre aventure européenne et la consolidation d’une Europe indépendante qui se donne les moyens d’affirmer son identité, sa culture, sa singularité face à la Chine, aux États-Unis et dans le désordre mondial que nous connaissons.

Une Europe plus forte, plus solidaire, plus souveraine. C’est le combat que je mènerai en votre nom dès le conseil européen de juillet et dans les deux années à venir. »

Emmanuel Macron dit : j’ai réussi à faire en sorte que l’Allemagne ne sorte pas du projet européen avec ses subordonnés (l’Autriche, la Suède, les Pays-Bas…) mais assume le moteur franco-allemand pour former un bloc en tant que tel face aux États-Unis et à la Chine. L’espoir est très clairement que ces deux derniers pays se donnent le compte suffisamment pour permettre au bloc européen de prendre le devant de la scène.

Tout cela, pourtant, est un raisonnement entièrement fondé sur le capitalisme et sa capacité à résorber toutes les mauvaises situations dans lesquelles il se retrouve. C’est là une utopie grotesque alors que les nuages noirs d’une crise approfondie planent au-dessus du capitalisme mondial.

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Politique

Un triste exemple de comment quelqu’un comme Damien Rieu a un boulevard

Damien Rieu est un propagandiste très actif sur internet ; figure des identitaires, il est désormais assistant parlementaire du député européen Philippe Olivier, élu sur la liste du Rassemblement national. Le succès du rassemblement du Collectif La Vérité Pour Adama et son soutien quasi unanime à Gauche depuis le départ est pour lui une incroyable aubaine. En un tweet, il peut agir en démolisseur.

En niant les ouvriers et en niant la bataille collective au profit des acquis individuels, la « gauche » postmoderne est passé dans le camp du libéralisme et du populisme, avec un soutien massif au communautarisme. La société serait en effet une bourse où des idées s’affrontent médiatiquement pour acquérir une certaine hégémonie.

C’est la négation complète de la lutte des classes et il est aisé pour la démagogie d’extrême-Droite d’intervenir alors et de rappeler la réalité sociale. Il n’est ici même pas besoin de transformer les faits, comme c’est si souvent le cas. La « gauche » postmoderne est tellement sur une autre planète qu’il suffit de raconter. Quand en plus la famille d’Adama Traoré refuse de rencontrer la garde des sceaux hier, alors qu’elle a accepté par contre de rencontrer le président du Mali, on est là pratiquement dans un feuilleton dans lequel le scénariste a prévu de faire gagner l’extrême-Droite à la fin.

Notons bien que la réalité a un tout autre scénario, puisque le cœur de la réalité c’est la crise sanitaire et son impact économique (et inversement si on pense que la destruction de la nature par l’économie capitaliste est la cause du problème). Mais apparemment, cela n’intéresse pas grand monde, tout le monde étant très content de reprendre tout comme avant.

Que ce soit le cas pour le Collectif La Vérité Pour Adama, c’est cohérent, puisqu’on est dans une démarche directement parallèle ou convergente avec les « Indigènes de la République ». Que ce soit le cas pour l’extrême-Droite, c’est tout à fait logique avec sa quête de détourner l’attention du réel.

Mais comment la Gauche a-t-elle pu décrocher au point de ne pas voir que l’actualité, c’est la crise, que tout le reste n’est qu’opérations pour détourner l’attention de l’impact terrible qu’elle va avoir ?

Et comment des gens se voulant de Gauche ont-ils pu cesser tout regard critique au point de se mettre à la remorque d’une initiative comme le Collectif La Vérité Pour Adama, dont les définitions politiques, sociales, culturelles, idéologiques… n’ont rien à voir avec elle ?

Et comment ne pas voir que cette focalisation sur la police est typique de l’anarchisme, de l’esprit petit-bourgeois qui dénonce l’État mais en même temps ne le dénonce pas ?

Imaginons que les policiers soient aux ordres du capitalisme. Cela change-t-il qu’ils ne sont, au mieux ou au pire, qu’un aspect secondaire de la question fondamentale ? C’est là même une question réglée par le mouvement ouvrier il y a plus de cent ans ! Et on en revient à un tel niveau d’immédiatisme !

La vérité, c’est que toute ce bruit occupe un espace qui devrait avoir comme actualité la crise sanitaire, la crise économique, le rapport à la nature en général, le sort des animaux dans le monde en particulier. Et on a rien de cela, car tout est fait pour se tourner vers des courants identitaires, des mouvements protestataires de type « sociétal », des démarches ne touchant absolument jamais ni au capitalisme, ni aux couches dominantes.

Et les gagnants d’un tel cul-de-sac, ce sont les gens comme Damien Rieu avec leur proposition d’un « réalisme » d’extrême-Droite, qui est le masque de la militarisation et d’une pression anti-populaire maximale.

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Société

Covid-19 : Le président du Conseil scientifique pense qu’il faut « [laisser] les gens vivre »

La France s’est littéralement fracassée face la crise sanitaire du Covid-19, sans masque, sans tests, avec des hôpitaux débordés et des milliers de personnes âgées mourant dans l’indifférence. Mais le pays n’a toujours rien compris et voilà que même le président du Conseil scientifique, Jean-François Delfraissy, trouve qu’on en fait trop et qu’il serait temps de laisser les gens tranquilles. Il souhaite d’ailleurs dissoudre le Conseil scientifique début juillet, en toute quiétude, sans faire de bilan, sans que personne ne sache vraiment où nous en sommes…

Jean-François Delfraissy était intervenu régulièrement dans les médias pendant le confinement. On reconnaissait en lui tout à fait la figure du bourgeois parisien, hautain comme il se doit, ne laissant jamais transparaître une quelconque émotion, si ce n’est un agacement perceptible lorsqu’il avait l’impression de devoir se répéter.

Le Conseil scientifique Covid-19 qu’il dirige a été mis en place par le ministère de la Santé le 11 mars, alors que la France découvrait, candide, que la pandémie contre laquelle rien n’avait été fait pendant des semaines, s’installait dans le pays. Le virus-qui-n’a-pas-de-passeport ne s’était évidemment pas arrêté aux frontières grandes ouvertes de la France…

C’est le Conseil scientifique qui avait suggéré le confinement de la population, face à la gravité de la situation et l’impossibilité de faire autrement. La nation était pendant plusieurs semaines suspendue à ces recommandations, afin d’y voir un peu clair dans ce moment particulièrement compliqué, avec la tête de l’État complètement à la dérive. Cela a parfois créé des incompréhensions, par exemple quand il a suggéré que cela n’était pas la peine de rouvrir les écoles avant septembre, mais que le gouvernement ne l’a pas suivi.

Tout cela semble bien loin maintenant, en ce début juin. Qu’en est-il de la situation ? La deuxième vague de contamination n’a fort heureusement pas eu lieu, en partie grâce aux mesures sanitaires, en partie également parce que le coronavirus en question ne circule pas exactement comme les épidémiologistes l’avaient compris au départ.

Cela étant dit, le virus circule encore dans le pays, 31 personnes en sont officiellement décédées samedi, et 13 dimanche (les chiffres du dimanche sont souvent minorés et réévalués ensuite). D’après Jean-François Delfraissy, il y aurait actuellement encore 1000 à 2000 nouvelles contaminations recensées chaque jour, avec une grosse centaine de foyers épidémiques dénombrés depuis début mai.

La pandémie a fortement reculé, mais elle n’est pas dernière nous, bien que le gouvernement et le Conseil scientifique la considère sous-contrôle en raison de la capacité de test et de dépistage grâce aux enquêtes sanitaires. Il reste cependant beaucoup à faire, et surtout à dire. La pression contre les mesures sanitaires est énorme, venant des milieux économiques, et du libéralisme en général, portée par les gens voulant vivre leur vie comme une aventure individuelle, sans aucune entrave venant de la collectivité.

Quel sens cela a t-il alors, dans ces conditions, de la part de Jean-François Delfraissy, de dire « Laissons les choses s’ouvrir ; les gens vivre, mais en respectant les mesures barrière » ?

D’un côté, il explique qu’on en fait trop, qu’il faudrait profiter de l’été et assouplir un certain nombre de règles… mais en même il rappelle qu’il faut respecter les mesures barrières, et qu’ils recommandent avec le Conseil scientifique « une large utilisation [du masque] dans les lieux publics et confinés – transports, commerces –, mais aussi dans les rues bondées. »

On ne peut pas dire à la fois « il faut se protéger » et « il faut se relâcher ». Pas en France, pas dans ces conditions, pas avec une telle pression du libéralisme contre les mesures collectives, pas avec une telle passivité de la population face à des institutions foncièrement antidémocratiques.

Il ne s’agit pas d’être unilatéral, mais d’être clair et compréhensible, en assumant des choix forts, des propos stricts et cohérents. Le Conseil scientifique n’en est cependant pas capable, car il est lui-même contaminé par le libéralisme, à l’image de la bourgeoisie toute entière qui est devenue une classe décadence.

Le Conseil scientifique n’est pas porté par le peuple, il n’est pas une instance démocratique et populaire. Il est composé de bourgeois, mis en place par des bourgeois, et à l’image de la bourgeoisie en tant que classe sociale, il est en pleine décadence.

Jean-François Delfraissy réclame donc des vacances, avec la satisfaction du travail bien fait :

« Nous souhaiterions arrêter nos travaux à partir de début juillet. Nous nous sommes mis au service de la nation, en donnant les grandes directions basées sur la science pour éclairer les décisions politiques difficiles. Mais, à présent, les services de l’État sont en ordre de marche. »

Le décalage avec la réalité, et en particulier la réalité des masses populaires qui ne sont pas entièrement contaminées par le capitalisme, est immense, intenable.

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Politique

Seulement quelques centaines de personnes à la manifestation des ouvriers Renault de Choisy-le-Roi

Quelques centaines de personnes ont manifesté hier dans les rues de Choisy-le-Roi en banlieue parisienne, pour protester contre la fermeture de la petite usine Renault de la ville. Cela fait suite à l’annonce de la direction de l’entreprise de vouloir fermer ce site de 300 personnes, dans le cadre d’une restructuration générale. La manifestation n’a cependant pas su dépasser le cadre syndical, et mobiliser la population de la ville et des communes alentours, toutes très populaires.

La manifestation des ouvriers de l’usine Renault de Choisy-le-Roi, malgré la présence de quelques groupements politiques et personnalités politiques, étaient dirigée par les syndicats. Celle-ci a commencé avec un rassemblement sur l’esplanade Jean-Jaurès où ont pris la parole entre autre Didier Guillaume, maire PCF de la ville, et… Jean-François Mbaye, député LREM de la circonscription. Rien que cela en dit long sur la faiblesse du mouvement, car un tel représentant du libéralisme devrait normalement être conspué par les ouvriers en lutte.

Par la suite, en cortège de tête il y avait l’habituel camion de la CGT (avec Phillippe Martinez dans le cortège, lui-même salarié de Renault), précédé par une foule d’élus et par une partie des ouvriers de l’usine, ainsi que des syndicalistes issus d’autres usines automobiles venus en soutien.

La manifestation était entièrement syndicale dans le style, avec les habituels slogans ronflants du type « tous ensemble, tous ensemble, ouais, ouais, ouais », reflétant une perspective générale très restreinte.

Les ouvriers de Choisy-le-Roi ont toutes les raisons du monde d’être en colère contre Renault, qui n’a aucune considération pour leur vie et décide du jour au lendemain de les envoyer travailler à Flins, c’est-à-dire à l’autre bout de la région parisienne (à deux heures de routes en heure de pointe). Leur grève, suspendue vendredi, était entièrement juste bien sûr. Mais ils n’ont rien à gagner dans une lutte aussi restreinte que celle se cantonnant à vouloir rester à « Choisy », en chantant « ici c’est Choisy » pour faire référence au slogan du PSG « ici c’est Paris »…

Ce n’est pas ainsi que la lutte peut se généraliser, d’abord aux prolétaires de Choisy-le-Roi, mais également à toutes la région, toute la France. Les ouvriers de Choisy-le-Roi ne sont que les premières victimes de la crise économique qui s’annonce très violente, avec le prolétariat qui sera en première ligne pour payer les dépenses en masse de la bourgeoisie pour sauver les meubles… ou qui sera jeté dehors au gré des ajustements capitalistes.

Dans une région historiquement aussi liée au mouvement ouvrier que cette partie du Val-de-Marne, au sud de Paris, où plusieurs mairies sont liées au PCF et donc à la classe ouvrière depuis des générations, on devait s’attendre à autre chose qu’une manifestation de quelques centaines de personnes, sur une base syndicale.

La crise qui s’annonce sera d’une grande ampleur et d’une grande violence pour le prolétariat, s’il ne s’organise pas dès aujourd’hui contre la bourgeoisie. Le temps n’est pas à la défense d’intérêts immédiats, individuels, aussi légitimes soient-ils, mais à la lutte de classe. Il faudra pour cela des comités d’ouvriers, des assemblées générales, c’est-à-dire l’organisation de la classe ouvrière elle-même, pour défendre l’intérêt de la classe ouvrière toute entière.

> Lire également : La restructuration de Renault exige une bataille ouvrière

Une manifestation aussi faible, dans une ville aussi populaire que Choisy-le-Roi, n’est pas à la hauteur des enjeux à venir avec la crise économique. Il va falloir bien plus que cela pour ne se faire broyer par la crise !

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Politique

Comment l’affaire George Floyd indique que les États-Unis sont en crise totale

Il faut porter un regard sérieux sur les États-Unis, à rebours donc des populismes de gauche français trop enclins à faire de la France des États-Unis en miniature avec le même racisme, la même misère, les mêmes problématiques identitaires communautaires ou de « genre », etc. La crise qui se révèle, c’est celle d’un pays bien différent de la France et qui se révèle également à bout de souffle, mais d’une autre manière.

Si l’on regarde l’ampleur des arrestations aux États-Unis, on se dit que les émeutes qui y ont eu lieu n’ont pas une réelle envergure, qu’on a simplement une poussée de révolte conséquente à un acte plein d’injustice et de cynisme de la part de la police.

Ce serait là un raccourci. Les condamnations pénales américaines sont d’une ampleur bien autre qu’en France et le filet social est faible ou nul. Par conséquent, se lancer dans une telle bataille reflète qu’au fond de la société américaine, il s’est passé quelque chose.

C’est une rupture avec l’idéalisme d’Obama et l’image États-Unis modernes et en transformation. L’élection de Trump avait déjà été une réponse populiste, cette fois on a une réponse en termes de lutte de classe. Et ce qui l’a permis, il ne faut pas se leurrer, c’est la crise du coronavirus et ses conséquences économiques.

Le système économique américain profite d’une vaste précarité qui se survit à elle-même car les gens à la marge de la classe ouvrière trouvent des emplois ici ou là, leurs salaires misérables permettant des vagues permanentes d’initiatives capitalistes.

La crise du coronavirus a enrayé la machine pour les couches les plus pauvres. La conséquence en est une incertitude complète pour ces couches marginalisées. Ce sont elles, souvent noires (ou latinos), qui ont saisi l’affaire George Floyd, en comprenant ce que cela symbolise : leur propre écrasement.

C’est un retour de la lutte des classes et c’est cela qui a provoqué un électro-choc aux États-Unis, comme on le voit au moyen d’un critère national très spécifique : la dramatisation. Les États-Unis, ainsi que certains autres pays tels la Suède mais avec des différences bien entendu, se veulent des pays ensablés dans leur stabilité, dans leur bulle.

Les attentats du 11 septembre ont justement été une lecture pragmatique inversant cette conception, ce qui n’est pas étonnant de la part d’islamistes qui sont le produit inversé des États-Unis. Cela a très bien « fonctionné » au sens où la réponse a été le psychodrame national, si l’on met bien entendu de côté que cette action était en soi spectaculaire mais sans autre contenu qu’un idéalisme religieux assassin.

L’affaire George Floyd est un même psychodrame national. C’est désormais ancré dans l’Histoire, parce qu’il y avait tous les ingrédients pour une convergence d’un esprit de soulèvement contre la situation. Donald Trump, par son style et sa décadence complète, annonçait déjà la fin d’une époque.

Les États-Unis sont en roue libre et il n’y a plus de perspective, tout est trop atomisé, fragmenté, déstructuré. D’ailleurs, on parle là-bas de « communauté » et même plus au sens strict de société : un quartier est une « communauté », les noirs sont une « communauté », il y aurait une « communauté » LGBT, bref on l’a compris l’ultra-libéralisme a réduit la vision du monde à des affinités électives.

La « gauche » postmoderne reflète tout cela et en France on sait qu’elle a conquis une hégémonie, lessivant les valeurs de la Gauche historique, du mouvement ouvrier. La CIA et Google célèbrent les LGBT, mais ce serait « révolutionnaire » en soi d’en relever !

Cette atomisation américaine s’accompagne toutefois de monopoles surpuissants et d’un gigantesque complexe militaro-industriel. Pour maintenir la baraque et continuer le « rêve américain », il y a donc la tendance à la guerre et l’ennemi est déjà identifié : c’est la Chine.

On assiste à un tournant mondial et les États-Unis, principale puissance du monde depuis 1918, superpuissance gendarme du monde depuis 1945 (avec l’URSS ultra-militariste des années 1960-1980, puis seule), se retrouvent au cœur de celui-ci. C’est le début de sa fin.

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Les États-Unis au bord du précipice

« Les États-Unis au bord du précipice » : c’est le titre de la Une du Washington Post alors que le pays connaît une crise qui ramène aux années 1990 ou plus encore aux années 1960. La crise sanitaire et la crise économique ont mené à l’explosion une société empêtrée dans une violence généralisée. L’empire américain commence à tomber comme un château de cartes.

Les États-Unis sont particulièrement touchés par la crise économique consécutive à la crise sanitaire du Covid-19, alors que la crise de 2008 avec déjà frappé durement toute une frange populaire du pays.

Cela a beau être la première puissance mondiale, la plus riche, la situation y très difficile déjà à la base comme on le sait, avec des inégalités terribles, un système de santé défaillant, des mafias rongeant le pays, une violence généralisée à tous les niveaux, un communautarisme exacerbé, une défaillance complète dans le système éducatif et la culture en général, etc.

Le meurtre de George Floyd a dans un tel contexte mis le feu aux poudres. Âgé de 46 ans, un policier lui a coupé la respiration en maintenant son genou sur son coup pendant 8 minutes et 46 secondes, sous les yeux des passants estomaqués, et alors que l’homme à terre hurlait qu’il n’arrivait pas à respirer. Le policier en question était déjà concerné par 18 plaintes en raison de son comportement violent.

L’intervention faisait suite à la dénonciation par un commerçant de l’usage supposé d’un faux billet de 20 dollars, dans un quartier populaire de Minneapolis. Autant dire qu’on reconnaît bien la folie du système américain, ultra violent, avec un système pénitentiaire gigantesque, une militarisation générale de la société, une fuite en avant dans la déchéance culturelle qui confine à la folie furieuse.

Et, dans ce contexte, il y a le racisme, qui a profondément reculé mais dispose de solides bastions, notamment dans certaines polices, comme à New York. Personne n’a été dupe sur la dimension raciste du meurtre de George Floyd.

Il y a eu, heureusement, une explosion populaire, signe que tout n’est pas perdu dans un pays plus qu’à la dérive. Des manifestations accompagnées d’émeutes ont éclaté dès le lendemain, dénonçant un crime raciste et une violence policière systématique à l’encontre des personnes noires dans le pays.

Jeudi dernier, le poste de policer dont était originaire le groupe de policiers intervenants, qui ont été licenciés, avait été évacué par les forces de l’ordre en prévision d’une mobilisation populaire, puis effectivement incendié dans la nuit. Depuis, la ville s’est embrasée pendant toutes la semaine dernière, menant à l’intervention de la garde nationale alors que les émeutes se sont développées…

Et généralisées à tout le pays avec des manifestations dans 140 villes du pays et plus de 4000 personnes arrêtées dans une trentaine de villes différentes, dont près d’un millier à Los Angeles. C’est peu, mais en fait la mobilisation a débordé un régime américain ne sachant pas exactement encore quoi faire à part essayer de bloquer la diffusion des initiatives.

La capitale Washington a décrété un couvre-feu, ainsi que la ville de New-York et de très nombreuses autres villes. La Garde nationale a été déployée dans une quinzaine d’États. Le président Donald Trump a quant à lui parlé dans la semaine de tirer à balle réelle sur les manifestants en raison des pillages, assumant une posture martiale et ouvertement brutale.

Inversement, des personnalités notamment sportives, des grandes marques comme Nike, des religieux, des policiers… prennent ouvertement le parti des manifestants. On a même, aujourd’hui mardi, un « Black Out Tuesday » (mardi où l’on arrête tout) organisé par les grandes maisons de disque Sony Music, Warner Music Group et Universal Music, ainsi que de nombreux labels indépendants, en faveur de « changements significatifs » dans la société.

Cependant, de telles initiatives limitent la question à celle du racisme et appelant de manière ininterrompue à l’arrêt des violences. Difficile de ne pas voir en effet que la toile de fond est celle d’un système à bout de souffle.

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L’État sera-t-il en mesure de faire respecter la limite de 100 km pour les déplacements?

Le déconfinement du 11 mai avait commencé par un lamentable couac et la loi restreignant les déplacements à un périmètre de 100 km autour de son domicile n’était pas prête. Maintenant que l’interdiction est en vigueur, la question se pose de savoir comment la faire respecter… Et ce n’est pas une mince affaire.

C’est aux forces de l’ordre que revient essentiellement, voire entièrement, le rôle d’encadrer et faire respecter l’obligation de rester dans un périmètre de 100 km autour de son habitation. Le problème, c’est qu’elles n’ont pas les moyens matériels, techniques ou procédurales, pour vérifier cela.

S’il est facile de savoir qu’un Parisien à Bayonne est en infraction, dans d’autres cas c’est plus compliqué. Comment les policiers sont-ils censés savoir que Montceau-les-Mines est à moins de 100 km de Moulins, mais que Sète est a plus de 100 km de Carcassonne ?

Encore plus compliqué : un habitant de Valence se rendant à Saint-Étienne par l’itinéraire le plus rapide parcourra 123 km, mais les deux villes sont situées à moins de 90 km l’une de l’autre à vol d’oiseau. Une application internet très simple est bien-sûr mise à disposition par le gouvernement : bilancoronavirus.fr/carte-sortie-100km Il suffit de rentrer son code postal et le périmètre est tracé. Sauf que les policiers ne sont généralement pas équipés de moyens professionnels pour y avoir accès. Doivent-ils alors utiliser leur smartphone personnel ? C’est impensable, évidemment.

En vérité, le gouvernement a pris une mesure générale, pour dissuader globalement et prétendre avoir agi, mais n’envisage nullement une interdiction effective de circuler dans le pays. Et pour cause, aucune consigne précise n’a été donnée aux forces de l’ordre avec une liste de motifs impérieux justifiant les déplacements hors périmètre. Le ministère de l’intérieur se contente de les appeler au discernement et au bon sens… Ce qui veut tout, et surtout rien dire, laissant libre cours à l’interprétation de chacun, et donc à des situations compliquées.

Les fraudeurs pourront de toute façon tricher facilement, puisqu’il n’y a pas de liste de justificatifs de domicile précis. Un simple carnet de chèques suffit, alors qu’il peut être très ancien et pas à jour. De la même manière, de riches Parisiens ayant une résidence secondaire à 200 km, par exemple en Normandie, pourront facilement jouer avec deux justificatifs de domicile, en le changeant à mi-chemin.

Mais comment s’étonner de cette « légèreté », quand on voit que le ministre de l’intérieur lui-même en est rendu à simplement « conseiller » aux grands-parents de ne pas venir voir leur petit enfant au-delà de 100 km… C’est-à-dire qu’au plus haut sommet de l’État, la personne directement en charge du dossier, n’est même pas en mesure de définir strictement ce qui rentre ou non dans le cadre d’un motif légitime. Ses propos à ce sujet sont affligeants de libéralisme, signe d’une grande décadence de la classe politique :

« Moi, là, je parle comme papa. Je pense que, peut-être, il vaut mieux attendre un mois ou deux plutôt que de proposer à ses grands-parents qui sont en province, de venir nous voir à Paris pour voir le petit dernier qui est né et de s’exposer dans un département qui est encore en rouge à un risque »

Et les policiers vont donc devoir jongler avec tout cela, gérer l’urgence, alors qu’ils auront en face d’eux bien souvent des Français au comportement immature, voire puéril, les défiant comme ils défiaient les surveillants pour se balader dans les couloirs au collège. Les policiers ou les gendarmes brutaux pour leur part s’en donneront à cœur joie, ce qui ne fera que renforcer la grande instabilité sociale, morale, culturel, dans laquelle s’enfonce la France…

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Pourquoi les entreprises autrichiennes ont-elles des masques et pas l’État français?

C’est un paradoxe marquant. Depuis le 6 avril, les commerces autrichiens de la grande distribution distribuent des masques aux clients, de manière gratuite. Comment font-ils alors que l’État français souffre terriblement pour s’en procurer ?

Que ce soit au magasin bio ou au supermarché, on obtient en Autriche un masque à l’entrée. Pour ajouter au cliché autrichien de la méticulosité germanique maniaque et parfois pittoresque, il y a des désinfectants pour les mains, les barres des chariots ou des paniers en plastique qui sont désinfectés. Les clients ont parfois des masques et… n’en demandent pas un autre pour en stocker, tout en respectant la distanciation sociale.

La situation ne serait pas dramatique, on rirait presque devant un portrait si tranchant avec le mentalités françaises et les moyens français. Mais comment diable des entreprises d’un petit pays d’Europe centrale ont-elles réussies à importer des dizaines de millions de masques là où l’État français souffre le martyr en espérant être prêt le 11 mai 2020 ?

Plusieurs économistes libéraux en font un cas d’école. Ils profitent de cet exemple pour expliquer que le capitalisme est plein d’initiatives, alors que l’État est par définition bureaucratique. Par conséquent, une foule de petites entreprises réussissent de par leurs activité là où une structure centralisée échoue forcément. Lorsqu’il y a la loi mise en place, il aura donc fallu simplement quelques jours aux entreprises pour être prêtes.

C’est là un véritable conte de fée capitaliste, digne du rêve américain. Car on parle là d’un capitalisme particulièrement monopolisé. Les commerces de la grande distribution relèvent de véritables mastodontes. Spar est un monstre néerlandais de plus de 13 000 magasins dans 48 pays, dont plus de 1500 en Autriche. Rewe est un géant allemand encore plus grand, avec des supermarchés et du tourisme, pour un chiffre d’affaires de plus de 50 milliards d’euros !

Il s’avère simplement que de tels monopoles parviennent à agir davantage que l’État français. Cela correspond à une situation où quelques monopoles mondiaux s’avèrent toujours plus puissants et cela même que des États. On s’imagine même que ces États passent sous leur coupe en partie ou totalement. L’État chinois est aux mains de tels monopoles, mais aux États-Unis on sait que c’est pareil.

En Autriche, il y a pareillement un tel monopolisme. Si les rapports sociaux sont totalement pacifiés, au point qu’il n’y a jamais aucune grève, il y a une infime minorité ultra-riche, vivant dans une bulle, dont le propriétaire de Red Bull est un exemple assez représentatif. Il y a énormément des droits sociaux, un vrai capitalisme par en bas, une administration étatique efficace, mais à un autre niveau tout est corrompu, tant par les mafias que les monopoles. C’est cependant invisible, très propre, parfaitement rôdé. C’est cette situation qui explique le succès des populistes.

La France a pourtant également des monopoles. Cependant, la situation est totalement différente. En Autriche, les rapports sociaux sont pacifiés de manière totale, ce qui se concrétise sous la forme d’un deal : il n’y a jamais de grèves et en échange on accorde aux travailleurs un certain niveau de vie. C’est la même tendance en Allemagne, même si en un tout petit peu moins réussi. En France les monopoles ne sont pas dans un tel esprit de compromis. La démarche est d’arracher autant que possible, les syndicats font pareil et tout le monde s’accorde sur un compromis plus ou moins bancal.

L’Autriche de la cogestion est ainsi un enfer pour qui veut changer les rapports sociaux et la France inversement un paradis… En apparence. En réalité, une Gauche très forte existe en Autriche, avec une tradition ouvrière puissante et un prolongement sous la forme des agitations autonomes à l’extrême-gauche plus ou moins soutenu en sous-main. En France, on a l’apparence de la contestation mais tout sert en réalité une cogestion indirecte, due à la faiblesse des syndicats et à la pacification sociale ouverte.

Là où par contre la situation est différente, c’est qu’en cas de crise, forcément la cogestion ouverte encadre jusqu’au bout, tandis que dans la cogestion indirecte il n’y a pas de partenaires, pas de terrain de neutralisation des conflits sociaux. Évidemment, un petit pays comme l’Autriche, satellite de l’Allemagne, peut se permettre une telle démarche. La France, avec ses incroyables ambitions, est perpétuellement obligé de forcer, de vivre au-dessus de ses moyens.

C’est là l’arrière-plan de toute cette question des masques. Et cela montre que la situation devient toujours plus compliquée, qu’il faut une grille d’analyses bien développée pour comprendre ce qui se passe. Et ce n’est qu’un début !

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L’intervention du 19 avril 2020 du premier ministre Édouard Philippe

D’un côté, Emmanuel Macron presse le déconfinement pour se donner une bonne image. De l’autre, le premier ministre gère la réalité. La situation est intenable.

Le premier ministre Édouard Philippe a un triste rôle : celui de chercher à temporiser. Le président Emmanuel Macron fait des promesses sur un ton lyrique et lui passe derrière pour dire qu’en fait… on ne sait pas, ou en tout cas pas comme ça. Car le problème de fond est simple : tant qu’il n’y a pas de vaccin, cela sera la distanciation sociale. Édouard Philippe répond donc sans répondre.

Un plan complet ? « Ce n’est pas le moment. » Le 11 mai comme retour à la normal ? « Pas tout de suite et probablement pas avant longtemps. » Le port du masque obligatoire dans les transports en commun après le 11 mai ? « Probable. » La réouverture des écoles le 11 mai, sur quel mode ? « On peut imaginer beaucoup de choses. » Le second tour des municipales en juin ? « Peut-être, mais je ne sais pas. »

Là pour le coup c’est explosif et Marine Le Pen se frotte les mains. Elle a en effet expliqué au sujet des élections :

« Je ne suis pas sûr que septembre soit la meilleure date, pour une raison simple, c’est que nous serons dans une situation de grave crise économique et ce sera l’urgence du moment ».

Et de fait elle demande des élections en mars 2021, histoire d’avoir récolté les voix entre-temps !

Car la situation est malheureusement simple, dans l’état actuel des choses. S’il n’y a pas une vraie vague de lutte de classes, alors ce sera soit la stabilité crispée d’Emmanuel Macron, soit le populisme agressif de Marine Le Pen avec une voie royale vers le militarisme, le fascisme. On semble tout à fait mal parti, très mal parti.

Il faudrait une Gauche capable, dans le cadre de la crise sanitaire, de poser des principes stricts, de montrer qu’il y a une capacité étatique de gérer, mais il n’y a rien. La Gauche est hors-jeu. Et ne parlons pas des anarchistes, de l’ultra-gauche… qui ont la même mentalité que les partisans de Donald Trump : le confinement serait un empiétement de l’État sur les droits, etc.

De plus, il faudrait pour que la Gauche avance que les Français aillent dans un sens ou dans un autre. Or, là on a bien d’un côté des capitalistes qui poussent au déconfinement et de l’autre des travailleurs rageant de la situation où ils sont au front : 70 % d’entre eux travaillent !

Mais le souci est que dans l’opinion publique, la tendance qui prime dépasse la lutte de classes et elle est incohérente : les gens ne croient pas du tout en le déconfinement promis, mais ils veulent y croire car ils en ont assez !

Cette double opposition est quelque chose définissant la France en ce moment. C’est cela qui définit les mentalités, les attitudes, les comportements, les raisonnements… Et cela n’apporte rien à la Gauche, qui est obligé d’attendre la prochaine étape.

Seulement tout va aller de plus en plus vite, et la crise va être de plus en plus profonde. Le tissu social français va se déchirer, tout va être d’une immense brutalité et le peuple est totalement déconnecté de la réalité, il ne comprend pas ce qui va lui tomber dessus.

Les responsabilités de la Gauche sont donc immenses. Si elle se rate, elle ne s’en relèvera pas.

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La crise économique est déjà majeure aux États-Unis, annonçant une crise mondiale et gigantesque

Alors que le gouvernement français tient encore à faire croire que les activités reprendront progressivement leur cours à partir du 11 mai, la crise économique, elle, s’installe durablement. La situation américaine est probablement un avant-goût de ce qui attend la France et elle aura de toutes manière des répercussions partout dans le monde.

De par la nature de son fonctionnement, le capitalisme américain vit en accéléré ce que d’autres pays vivront bientôt. Les millions de chômeurs américains sont ainsi l’équivalent des millions de chômeurs partiels français, mais en plus brutal, en plus rapide.

Et encore, les effets de la crise y sont aussi en partie temporairement endigués, reportés. La législation a été réformée à la hâte fin mars pour allonger les possibilités de retards de paiement, que ce soit d’hypothèques ou de diverses échéances. Les saisies de propriétés sont suspendues pour plusieurs semaines, repoussant à plus tard tout un tas de problèmes de ce type. Il est estimé que le semaine dernière, il y a déjà eu une augmentation de 1200 % par rapport à la normale des demandes de délais pour des dettes ou factures.

Les États-Unis, donc, la première puissance économique mondiale, dont la monnaie structure directement ou indirectement quasiment tous les échanges économiques internationaux, s’enfonce d’ores et déjà dans une crise de grande ampleur. Le choc est considéré comme étant d’une violence inégalée depuis la Grande Dépression après le crack boursier de 1929.

Ce sont 22 millions d’emplois qui ont déjà disparus, pour certain du jour au lendemain, en seulement quatre semaines. C’est équivalent au total des création d’emplois dans le pays… depuis onze ans, c’est-à-dire depuis la crise de 2008-2009. Le taux de chômage prévu pour avril est de 20 %.

Autre comparaison : les ventes au détail se sont effondrées en un mois de presque autant qu’en seize semaine au cours de la crise des subprimes de 2008-2009. Cela alors que les ventes en ligne explosent dans le même temps, les géants Walmart et Amazon cherchant actuellement à embaucher… 500 000 nouvelles personnes. La consommation actuelle d’essence est revenue à ce qu’elle était en 1968. L’économie du Texas, producteur majeur de pétrole, est pour cette raison déjà sinistrée.

Comme presque partout dans le monde, des secteurs entiers de l’économie sont à l’arrêt, de nombreuses usines comme celles de Boeing ou de l’industrie automobile sont fermées et ne produisent plus aucune valeur. L’américain Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie 2001, estime ainsi que la vague va être terrible pour de nombreux américains, avec des pertes de revenus considérées comme dévastatrices.

Certains prévisionnistes imaginent une reprise massive et drastique des activités bientôt, avec une croissance faisant un bond pour rattraper le retard. Donald Trump pousse en ce sens en annonçant des déconfinements hâtifs dès le mois de mai… Sauf que la situation sanitaire, comme en France, n’est absolument pas sous contrôle et les gouverneurs de nombreux États ne sont aucunement en mesure de desserrer les confinements avant un moment. Rien que l’État de New York, dont la population est de 20 millions d’habitants, a déjà près de 13 000 morts du Covid-19.

Le capitalisme, pour se relancer, a besoin que soient produites massivement des marchandises, et donc qu’elles soient achetées. Sauf que dans un telle situations de crise, d’incertitude, la population a tendance à freiner ses dépenses, soit par manque d’argent tout simplement, soit par volonté de se prémunir. Cela précipite d’autant plus l’effet de crise. Ce problème redouté aux États-Unis l’est également en France, le ministre des finance s’en étant d’ailleurs publiquement inquiété, constatant une hausse massive de l’épargne ces derniers jours.

La situation catastrophique de l’économie américaine engendrera forcément une pressions accrue sur les pays pauvres, sur les travailleurs eux-mêmes. La France, en tant que puissance secondaire, sera aussi directement impactée par ce vacillement, alors qu’elle voit déjà son économie mise sous tension.

EDF a annoncé que des réacteur nucléaires vont être mis à l’arrêt, la baisse de la production d’électricité d’origine nucléaire étant actuellement de 20 % par rapport à ce qui était prévue sur la période, correspondant à une baisse de la consommation énergétique de 20 % également. C’est absolument gigantesque, marquant un ralentissement profond de l’activité industrielle du pays. La perte de chiffre d’affaire pour EDF contribue également à alimenter la dynamique de la crise.

Cela est d’autant plus vrai que, comme l’a expliqué dans la presse un économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques, Mathieu Plane, rien ne dit que les restaurants, hôtels, cinémas ou centres commerciaux seront de nouveau ouverts en juillet et août. De nombreux secteurs vont être durablement et profondément impactés, affaiblissant toute la chaîne économique.

La crise va être de grande ampleur… Elle l’est déjà. Le capitalisme est dans une situation de grande faiblesse et précipitera forcément de nombreuses personnes dans sa chute. En plus de la pression accrue sur les travailleurs, les tensions vont être exacerbée entre les pays, contre la planète elle-même.

Les jours à venir n’ont rien d’« heureux », il faut s’attendre à des bouleversements gigantesques. Conduire ces bouleversements pour passer un cap est le rôle de la Gauche.

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Confinement: le grand tournant français du début avril 2020

Il y a d’un côté la peur de gâcher l’effort mené jusqu’à présent et une volonté de prolonger le tir. De l’autre, une bonne partie du capitalisme harcèle pour la reprise du travail, alors que les 3/4 secteurs n’ont jamais rien arrêté et que certains pays se lancent déjà dans un déconfinement mesuré. Les limites de l’État tel qu’elles existent présentement se montrent clairement et ce sont celles du capitalisme. C’est un moment littéralement historique.

La Chine, l’Allemagne et l’Autriche, mais également la Suède, sont d’excellents exemples de capitalismes efficaces. La Chine a confiné puissamment, de manière particulièrement volontaire, pour relancer l’économie le plus vite possible. L’Autriche a organisé pareillement un confinement serré dans une société hyper organisée, annonçant déjà un déconfinement partiel dans les deux semaines.

L’Allemagne jette un œil ravi dessus alors qu’elle dispose d’un système hospitalier avec de larges capacités et procède de son côté à un confinement mesuré en utilisant au maximum les tests. La Suède n’impose encore strictement rien, cherchant à gagner du temps au maximum, là où inversement l’Angleterre s’est prise les pieds dans le tapis, tout comme les États-Unis. Des États-Unis qui vont jusqu’à racheter en masse des masques chinois déjà vendus à l’Allemagne et à la France.

Quant à la France, elle est en rade au point d’exporter des malades au Luxembourg, en Allemagne et même en Autriche, l’envoi en Tchéquie à Brno ayant été finalement annulé, sans doute pour une question de prestige. Il n’y a pas de masque, pas de test et les Français tendent à l’indiscipline, au relativisme, au scepticisme.

Ce panorama est un cauchemar pour les capitalistes français et cela explique la gigantesque pression anti-confinement de ces derniers jours. Les capitalistes paniquent. Voilà pourquoi il n’a de cesse d’avoir été parlé de déconfinement dans les médias, depuis Hanouna qui dans sa stupide émission télévisée annonçait un « scoop » avec les dates de déconfinement pour chaque région jusqu’à l’Académie de médecine prévoyant ensuite justement officiellement un déconfinement par régions.

C’est la seconde grande offensive après celle menée au moyen du professeur Didier Raoult. Valeurs actuelles, hier, publiait encore une tribune à sa gloire :

« Notre pays sera-t-il donc le plus frileux à se lancer pour de bon dans un traitement pourtant issu d’un scientifique de nos rangs ? Il est plus que temps de retrouver l’esprit pionnier d’un Pasteur. L’échec n’aurait que des inconvénients limités, alors que le succès nous permettrait fièrement d’entonner La Marseillaise. »

On a ici un ton tout à fait capitaliste ou, pour caricaturer, national-capitaliste comme au bon vieux temps gaulliste où l’Europe n’était pas une utopie libérale libertaire. Et c’est en cela un grand tournant car de son côté l’État dit bien que le déconfinement n’est pas pour demain du tout !

C’est là qu’on voit à quel point la nature de l’État a été incomprise pour beaucoup à Gauche. La gauche gouvernementale considère que l’État est neutre dans son contenu et a donc, fort intelligemment, soutenu les mesures prises. L’ultra-gauche, y compris « marxiste », a par contre crié au coup de force, dénonçant les atteintes aux libertés, reflétant ici une attitude proprement anarchiste, c’est-à-dire petite-bourgeoise.

En réalité, l’État faisait son boulot. Mais comme il n’est pas neutre, il ne peut le faire que jusqu’à un certain point, qui est précisément désormais atteint. L’État se prétend au-dessus des classes sociales mais il bascule forcément dans la logique du déconfinement exigé par les capitalistes les plus agressifs.

Bien entendu, cela ne se réalisera pas unilatéralement, car il y a heureusement beaucoup de freins démocratiques. Les syndicats en font partie, même si on constate leur vanité. Au moment de l’opposition à la réforme des retraites, ils prétendaient avoir des assises de masse et on voit bien là qu’ils sont incapables d’organiser un refus de travail organisé et sérieux dans des secteurs secondaires où les travailleurs mettent leur vie en danger.

Nous vivons cependant bien un moment historique. Si l’Allemagne montre qu’elle est une puissance devenant majeure, la France est une puissance aux ambitions démesurées, ce qui en rajoute encore plus à ses déséquilibres et sa réelle valeur capitaliste. Elle va s’enfoncer dans la crise. La Gauche doit exiger le pouvoir…. Tout le pouvoir.

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Écologie

Le Covid-19 et les critiques écologistes du mode de vie

La gauche « alternative », au sens le plus large, insiste particulièrement sur une remise en cause nécessaire à la suite de la crise sanitaire actuelle. Elle ne se contente pas de vouloir un système de santé plus performant, elle attend une critique d’aspects qu’elle considère comme prévalents dans le monde aujourd’hui.

Il y a évidemment les écologistes récents, pour qui l’écologie n’est qu’une camelote prétexte à des discours anticapitalistes relookés. Il y a tout un discours de « front uni » qui est hautement révélateur d’une tendance au bric-à-brac masquant avec difficulté une incapacité à combiner le fait d’être de gauche et d’être écologiste (ou encore vegan, ou les deux).

L’un des exemples les plus marquants, c’est la revue en ligne Reporterre, qui a été littéralement incapable d’analyser la crise suivant un point de vue autre que anti-État. Le discours zadiste assumé (avec également une bande dessinée réussie mais caricaturale) témoigne d’une indigence intellectuelle concernant les points les plus fondamentaux de l’écologie.

Il y a heureusement des initiatives cohérentes, car portées de véritables réflexions. Il va de soi que ces réflexions ne datent pas d’une semaine, ni même d’un an ; elles représentent un véritable travail de fond, obscur alors, mais qui apparaît en pleine lumière.

L’Analyse politique de la pandémie de Covid-19 de Génération écologie est ici exemplaire, il est d’un très haut niveau et il cogne extrêmement fort. Il est parlé de rupture historique et il est appelé à une véritable révolution intellectuelle. Tout se résume d’ailleurs lorsqu’il est expliqué que :

« La pandémie n’est donc pas un perturbateur « extérieur » à notre monde, mais le produit d’une époque, l’Anthropocène »

On reconnaît là l’approche globale, systémique, planétaire, qui cherche à mettre les choses en perspective. C’est un positionnement qu’on a déjà pu voir dans le document du PCF(mlm), La maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) : un produit du mode de production capitaliste. Dans les deux cas, on a une lecture catastrophiste – ou réaliste, ou les deux -, avec l’idée que tout le monde doit changer de mode de vie et que c’est cela, une révolution. Il va de soi que cela change justement de ceux qui disent que tout est la faute des gens au pouvoir et qui s’arrêtent à cela.

On a quelque chose de moins puissant, de moins nouveau, mais inversement de particulièrement ancré dans la culture de la seconde gauche des années 1970 avec les propos de Guillaume Balas, de Génération-s. Dans L’Humanité, il reprend le discours qui fut celui du PSU et plus particulièrement d’un de ses prolongements politiques, l’AREV (l’Alternative Rouge et Verte). L’AREV disposait d’une vraie capacité d’initiative au début des années 1990, mais n’est pas parvenu à réaliser une synthèse écologiste de gauche.

Guillaume Balas reprend ce discours « post-capitaliste » :

« C’est l’ensemble des sociétés humaines telles qu’elles fonctionnent qui doit être remis en cause. Une phase de l’histoire de la mondialisation s’achève. On ne peut plus continuer avec des interconnexions sans contrôle, ni avec un modèle qui étend sans cesse les activités humaines sans respecter les territoires naturels.

Mais, nous ne pouvons pas rompre avec le productivisme sans remettre en cause la doctrine néolibérale du libre-échange absolu, voire le modèle capitaliste et son exaltation de la propriété privée comme valeur première.

Il nous faut réfléchir à des sociétés postcapitalistes à la fois démocratiques – face à la tentation de l’autoritarisme et du nationalisme –, écologiques, et avec une nouvelle forme de répartition des richesses et de la protection sociale. »

Julien Bayou, le secrétaire national d’EELV, tient un discours tout à fait similaire, le contenu en moins. On a pareillement un appel à changer tout de fond en comble, mais il n’est pas dit comment.

« La pandémie en cours nous appelle à reconstruire l’ordre du monde. Ni plus ni moins. L’enjeu, pour les écologistes, est immense.

Il s’agit de démontrer que le coronavirus n’est pas qu’une crise sanitaire, mais qu’il est le nom du dérèglement du monde. Le coronavirus démontre de manière paradigmatique l’ampleur des transformations que nous allons devoir engager pour faire face au réchauffement climatique. Il nous faut réinventer nos valeurs, modifier nos priorités (…).

Nous devrons proposer un imaginaire post-crise qui ouvre d’autres solutions que le dogme de la croissance, que la priorité donnée au court terme sur le long terme, que l’obsession pour la rentabilité. »

Il y a tout en cas deux positions qu’on peut cerner ici. Une logique post-crise, ou post-capitaliste, en tout cas « post », avec EELV et Génération-s. Et un appel au dépassement de toute une époque avec Génération Écologie et le PCF(mlm). Au-delà des différences, on a en tout cas bien quelque chose qui sonne authentiquement comme étant du 21e siècle.

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Politique

Crise sanitaire: le désespoir à venir

Les Français n’ont toujours pas compris l’ampleur de la crise en cours, sa dimension historique. Ils pensent que c’est quelque chose de passager, un coup de tabac qui n’aura guère de conséquence : la vie reprendra son cours. C’est la même stupide naïveté qu’au moment de la lutte contre la réforme des retraites. Le monde s’effondre comme un château de cartes, mais le Français se dit : « Je pense, donc je suis ».

Les Français ont pris la route directe vers le désespoir. Quiconque s’intéresse à la culture et au monde des idées sait que depuis une décennie, les Français ont totalement abdiqué. Ils laissent les choses passer et ne se préoccupent plus de rien. Il suffit de regarder les rangs des partis politiques, quels qu’ils soient : ils sont vides.

Il y a des adhésions à des mouvements. Mais une pensée organisée, des références construites, une vraie démarche intellectuelle… tout cela n’existe plus. Quand on voit qu’à Droite, qui dispose d’une immense tradition de réflexion, c’est Eric Zemmour qui est une référence, et qu’à Gauche, on est passé à Raphaël Glucksmann, on a tout compris.

Il n’y a donc guère de pensée élaborée, construite, donc décisive, pour saisir l’ampleur de la crise sanitaire en cours, pour préparer psychologiquement à ce qu’elle va apporter, ce qu’elle apporte déjà : la désorganisation et la mort.

Prisonniers de leur croyance complète en un capitalisme tout puissant, les Français se sont réfugiés dans le déni, dans le refus de toute complexité. L’emprunt et l’accès à la propriété, voilà autour de quoi tourne selon eux le monde ! Que tout soit bouleversé, comme maintenant, est inconcevable.

Le désespoir va donc surgir. Et, avec lui, les nietzschéens, qui diront que la vie, c’est forcément régulièrement la désorganisation et la mort, et que ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort. Cette crise sanitaire transporte la barbarie avec elle, et ce depuis le départ avec ses massacreurs de la vie sauvage, jusqu’à l’arrivée avec un impact dévastateur.

On rentre dans une époque totalement différente. Jeudi 19 mars, le Premier ministre Édouard Philippe a d’ailleurs tenu ces propos qu’il savait historique :

« Nous sommes entrés dans une crise sanitaire jamais vue, jamais connue en France depuis un siècle et cette crise sanitaire va imposer un coup d’arrêt puissant, massif, brutal, à notre économie. »

Le capitalisme n’est en effet pas un train qui peut s’arrêter à une station et repartir. C’est un train qui ne s’arrête jamais. Et là, il s’arrête. Les conséquences se produisent donc immanquablement à tous les niveaux, économique comme social, culturel comme politique. Chômage, faillite, effondrement de réseaux dans la société, changement des habitudes, modification des mentalités, bouleversement des visions des choses… On n’en a pas fini de chercher à discerner les aspects.

Mais les Français seront-ils à la hauteur des défis intellectuels, moraux qui seront posés ? La peste de Camus parle d’une catastrophe et des réactions individuelles, morales ou non, selon les gens. Mais c’est là du virtuel. Même l’Occupation allemande a été, dans une grande mesure, quelque chose de virtuel pour les Français.

Là, c’est le sol qui se dérobe sous leurs pieds. C’est totalement différent. Le pseudo rationalisme béat à la française, cette ignoble combinaison de cartésianisme et de positivisme, ne peut plus tenir la route.

Il y a une ampleur inédite, quelque chose de très profond d’ébranlé. Le pire, ce serait que les Français n’en aient pas conscience, malgré les drames. Si c’est le cas, la société française se consumera d’elle-même.

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Politique

Covid-19: la terrible crise économique qui se profile en arrière-plan

Après la crise sanitaire, la crise économique ? Malgré les mesures d’ampleur annoncées par les gouvernements et l’Union européenne, il faut s’attendre à ce scénario catastrophe. Le ralentissement de la production porte un coup majeur à l’économie et l’endettement massif des États, plutôt que d’y remédier, risque fort d’aggraver la situation.

Depuis le début de l’année, d’abord en Asie puis maintenant en Europe et de plus en plus dans le reste du monde, de nombreux secteurs économiques sont à l’arrêt, ou bien tournent au ralenti.

Il y a bien sûr toute l’économie du tourisme et du transport qui est déjà gravement affectée comme chacun le sait. Le groupe Aéroports de Paris (ADP) vient par exemple d’annoncer la mise au chômage partiel de 80% de ses 6295 salariés, avec une demande d’autorisation pour… six mois.

Il y a tout un arrière-plan à cela, avec en particulier la production aéronautique qui sera impactée dans les prochaines semaines ou les prochains mois. Cela d’autant plus que le secteur est déjà en crise avec l’affaire du Boeing 737-Max et les prévisions de ralentissement de la croissance du trafic aérien préalables à la crise sanitaire en cours.

Il en est de même pour la production automobile, qui est déjà affectée par des prévisions de baisse de production à moyen et long terme pour des raisons environnementales. Depuis le début de la semaine, la production automobile (directe et sous-traitante) est à l’arrêt en France. Les constructeurs s’attendent par ailleurs pour les six semaines à venir, en raison du contexte, à une baisse de commandes de l’ordre de 75 %.

Donc, pas de production d’un côté (ce qui signifie pas de valeur créée) et pas de vente de l’autre (ce qui signifie pas liquidités pour valoriser la production réalisée) : cela mène tout droit à une crise majeure pour le secteur. Dans la presse économique, il est déjà parlé pour les mois à venir d’entrées d’argent amputées de 5 à 6 milliards d’euros par rapports à ce qui était prévu. C’est évidemment gigantesque.

Si les grands groupes seront éventuellement en mesure de surmonter cela, ce ne sera probablement pas le cas de nombreuses PME et TPE liées à cette production. Sans parler des nombreux ouvriers intérimaires du secteur, qui seront directement sans emplois pour une longue période.

Le schéma est le même pour tout un tas de secteurs industriels, sans compter l’économie des services, comme la restauration, qui de toutes manières est liée en amont à une production industrielle pour ses infrastructures et ses matières premières.

En une semaine, il est déjà observé qu’un nombre très important d’entreprises a mis de côté tous les projets de recrutement. Et plus les perspectives économiques vont s’avérer moroses suite à telles et telles annonces, plus la méfiance sera de mise, et donc le ralentissement de l’activité, et donc l’emballement dans une spirale négative.

C’est un mouvement de crise tout à fait classique et bien connu par le capitalisme, qui en connaît de manière récurrente, plus ou moins grave. Il faut néanmoins redouter que cette fois, les conséquences générales soient terribles.

Les gouvernements en ont conscience et, face à des cas concrets et immédiats (paiement des salaires, paiement des cotisations des entreprises), ils annoncent déjà des mesures de grande ampleur, voir d’une ampleur exceptionnelle, alors que la crise sanitaire ne fait que commencer.

Un plan de 200 milliards d’euros (16 % du PIB) a été annoncé en Espagne, 9,2 milliards d’euros (4,3 % du PIB) au Portugal, 47 milliards d’euros en Pologne, etc.

En France, l’Assemblée nationale a voté hier, à l’unanimité, le projet de loi de finances rectificative, permettant les mesures d’urgence. Anticipant que l’impact du Covid-19 sera très lourd, provoquant une récession (1 % du PIB), le texte assume un déficit public de 3,9% du PIB en 2020.

Autrement dit, l’État assume de s’endetter encore plus qu’il ne l’est pour supporter lui-même les défaillances de l’économie. Concrètement, cela signifie que l’État doit prendre en charge le paiement du chômage partiel des entreprises n’ayant plus d’argent et qu’il renonce, au moins temporairement, à des entrées d’argent dans les caisses.

En tout, 45 milliards d’euros d’aides ont déjà été annoncées par le gouvernement (essentiellement en report de charge), ainsi que 300 milliards d’euros de garanties publiques de prêts (cela signifie que l’État se portera garant à hauteur de 300 milliards en tout pour les entreprises qui emprunteront).

Ce mécanisme d’endettement, pour l’État et pour les entreprises par l’intermédiaire de l’État, est directement appuyé par l’Union européenne. La Banque centrale européenne (BCE) vient en effet d’annoncer 750 milliards d’euros qui seront déversés dans l’économie d’ici à la fin de l’année 2020. C’est gigantesque, cela représente 7,3 % du PIB de la zone euro.

Cette monnaie va servir ni plus ni moins qu’à racheter de la dette, notamment celle d’État en difficulté avant la crise sanitaire (comme l’Italie et l’Espagne) et qui vont l’être encore plus après celle-ci. On l’aura compris, la France sera aussi concernée.

Cela est très risqué, car la machine peut s’enrayer très vite, à cause d’une perte de confiance dans la monnaie notamment. Tout est, en effet, une question de confiance des investisseurs dans la capacité des États à rester solvable indéfiniment, et surtout dans la valeur de la monnaie.

Le problème, et on le comprend aisément si on raisonne de manière concrète et pas de manière abstraite, c’est que la valeur ne s’invente pas, elle ne se décrète pas. En injectant 750 milliards d’euros dans l’économie, la BCE prend un risque énorme, celui que ses 750 milliards d’euros ne correspondent à aucune valeur réelle, ou en tous cas pas suffisamment.

Comme l’économie est en grande partie à l’arrêt, cela peut provoquer une crise de la valeur. Autrement dit, une crise de la valeur de l’argent, exactement comme lors de la crise de 1929, puisqu’il est injecté de la valeur numéraire, sans que cela puisse correspondre suffisamment à de la valeur réelle, c’est-à-dire des marchandises produites.

Quand les gouvernements, et l’Union européenne qui est leur prolongement pour les pays membres, déclarent qu’ils vont dépenser tel ou tel milliard, ils ne vont en effet rien payer concrètement. Ils vont simplement contracter encore plus de dette.

C’est là littéralement jouer avec le feu et les marchés financiers, qui supportent cette dette, en s’enrichissant dessus, peuvent exploser du jour au lendemain, en renonçant de la financer. La panique était déjà très grande lors des crises de 2008 et de 2012, avec des mécanismes liés à la dette similaires ; elle le sera probablement d’autant plus que cette fois la production industrielle est grandement ralentie, et donc la production de valeur est réduite.

Il n’y a d’ailleurs aucune raison que les marchés financiers ne « paniquent » pas puisque même la présidente de la BCE Christine Lagarde, qui a débloqué ces 750 milliards d’euros, parle dans le même temps d’une récession considérable à venir.

Si la dégringolade s’est stabilisée hier sur les marchés boursiers, probablement suites aux annonces de la BCE censée rassurer, il faut bien voir que la situation est catastrophique depuis plusieurs jours et que « l’embellie » n’est que relative.

Rien que pour la France, le CAC 40, c’est-à dire la cotation des 40 plus grandes entreprises françaises, ou autrement dit la valeur de ces entreprises estimée par les marchés financiers, avait chuté de près de 40 % en un mois. Sur les différentes places boursières, les mécanismes d’urgence pour stopper les emballements négatifs (baisse drastiques des cours) ont été actionnés de nombreuses fois ces derniers jours, ce qui n’a rien d’anodin.

Et il ne faudrait pas croire ici, comme aiment à le faire croire les populistes de gauche, que la « finance » serait une abstraction ne représentant rien du tout. Au contraire, elle représente la façon principale dont la valeur est répartie (et donc accaparée par la bourgeoisie) dans l’économie. Quand la finance tangue, ce n’est pas la cause, mais simplement le symptôme de la crise économique, tout à fait concrète et immédiate pour tout un chacun.

Le capitalisme, qui est instable par nature, voit se profiler en arrière plan de la crise sanitaire du Covid-19, une crise économique d’une ampleur redoutable.

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La crise du coronavirus COVID-19 précipite le capitalisme

Le capitalisme a des limites : celles de sa propre volonté de croissance exponentielle. La crise du coronavirus COVID-19 qu’il subit, et qu’il a lui-même provoqué, va lui porter un terrible coup. C’est le début d’un vaste effondrement et les Bourses l’ont compris, autant qu’elles sont en mesure de le comprendre.

La Bourse de Paris a chuté le 12 mars de 12,28 %, sa pire chute historique. Et la Bourse ce n’est plus une salle avec des gens qui crient et qui réagissent à l’emporte-pièce. Aujourd’hui, cela passe par des algorithmes, de larges prévisions, des décisions à haut niveau par des cadres financiers éprouvés, etc.

Pareillement, les autres bourses ont décroché : Londres de 9,81 %, Francfort de 12,81 %, Madrid de 14,06 %, Milan de 16,62 %, New York de 9,99 %. C’est donc une panique, mais une panique rationnelle, choisie. Car la raison de fond, c’est que l’accumulation du capital est bloquée. Or, le capitalisme ce n’est pas que la croissance des revenus du capital, c’est toujours plus de revenu du capital.

Les secteurs du tourisme et du voyage sont déjà très affectés, la production industrielle est ralentie dans de nombreux secteurs alors que dans le même temps une crise de surproduction de pétrole provoque un effondrement des cours.

Il est absurde de penser que le capitalisme est infini, qu’il ne connaîtrait aucune limite, qu’il pourrait toujours se régénérer, qu’il suffirait d’un peu de petite production et tout serait relancé, etc. Ce n’est pas le petit commerce de kebab qui peut sauver le capitalisme une fois qu’il a atteint une situation monopolistique. Seule la guerre le peut… et encore, à court terme, puisque de nouveau la limite sera atteinte.

Cette compréhension est celle de la Gauche historique et s’est largement perdue car, en raison de la longue croissance du capitalisme, il y a eu capitulation et la croyance que le capitalisme serait toujours stable. Cette idée s’est d’autant plus renforcée que tout un confort s’est installé – et beaucoup de gens de gauche dans ce confort.

Maintenant, tout cela est fini. D’où la suspension par Donald Trump de toutes les liaisons transatlantiques avec l’Europe. D’où d’ailleurs le repli national de chacun des principaux États, un phénomène qui date d’ailleurs de bien avant, comme on l’a vu avec le Brexit. C’est là tout simplement la tendance à la guerre, une répétition de ce qui a eu lieu pour les première et seconde guerres mondiales.

La crise qu’implique le coronavirus COVID-19 ne fait dont que renforcer une tendance déjà présente. C’est une crise dans la crise – et une crise d’ailleurs directement conséquence de la mondialisation, avec la destruction de la vie sauvage sur la planète. On connaît en fait une période d’accélération de la crise, qui s’affirme à tous les niveaux : militaire par les conflits, climatique en raison du CO2 produit, sanitaire en raison des conséquences des dérèglements produits, etc.

On comprend que la plupart des gens ne veulent pas voir tout cela. Qu’il y ait l’espoir que tout va se calmer, ou que tout va être loin. Cependant, la crise du coronavirus COVID-19 montre qu’il n’existe pas de frontières. Toute la planète est embarquée dans un processus de conflagration générale. Les tâches qui attendent ceux qui n’ont rien à perdre dans le capitalisme sont donc absolument immenses.

Et pour l’instant, on est très mal parti avec des ouvriers français qui préfèrent voter Marine Le Pen en espérant qu’un retour en arrière de type protectionniste – nationaliste va les sauver. La société française va connaître un désenchantement immense, un décrochage général. C’est le début de l’Histoire et de ses tourments.

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Les gilets jaunes, expression complexe d’une crise du mode de vie

Si l’on regarde les gilets jaunes, il y a autant de raisons de les soutenir que de les rejeter. Cela tient à leur double nature, puisqu’ils se révoltent à la fois subjectivement contre la cherté de la vie et objectivement contre l’écologie. De tels exemples de complication ne manqueront pas de se produire à l’avenir.

Lorsque les zadistes sont apparus, ils présentaient une double nature. D’un côté, ils défendaient une zone humide, ce qui était une bonne chose. De l’autre, ils exprimaient la volonté réactionnaire de s’isoler de la société, de vivre avec une petite propriété, d’une petite production. Au départ, la question écologiste prenait le dessus encore, pour finir par disparaître devant l’argumentation littéralement pétainiste sur le retour à la terre.

Les gilets jaunes posent le même type de problème. Leur révolte contre la cherté de la vie est une expression indéniable d’un besoin populaire. L’augmentation du prix de l’essence est une agression ouverte sur le niveau de vie. Comme la voiture est incompressible dans le style de vie imposé par la société, l’architecture, l’organisation spatiale du pays, forcément cela fait mal.

La révolte des gilets a donc le mérite de poser un conflit social. C’est quelque chose d’appréciable. D’autant plus que cela exprime un sentiment de désarroi par rapport à un mode de vie dont les tenants et aboutissants semblent profondément vaciller.

Résumer à cela serait néanmoins du populisme. S’il y a du désarroi, il y a également surtout du ressentiment qui s’exprime, avec une nostalgie profonde sur le fait de pouvoir se comporter comme avant, d’utiliser la voiture sans se préoccuper de rien ni personne. C’est la caricature du type machiste, avec ses cigarettes et son 4X4, son statut de petit entrepreneur disposant de bons moyens matériels.

Cela ne donne évidemment nullement envie de soutenir quelque chose où ces gens ont une part prépondérante dans l’identité. Ces gens sont hyper réactionnaires à tous les niveaux dans leur rapport à l’écologie. La pollution, ils considèrent que ce n’est pas de leur ressort ; le véganisme leur apparaît comme une aberration et ils ont des amis chasseurs, s’ils ne le sont pas eux-mêmes.

On voit le dilemme : si on soutient les gilets jaunes, on fait du populisme ; si on ne les soutient pas, on passe à côté d’une lutte contre la pression des prix sur la vie quotidienne. Il y a pourtant bien quelque chose qui doit primer et permettre à un discours de gauche d’être développé dans une telle situation. Et c’est bien le cas, mais il y a un prix à payer.

Ce prix, c’est la compréhension que le syndicalisme est une plaie dont il faut se débarrasser, car au mieux cela amènerait à appuyer les gilets jaunes sans considération d’autre chose. Et qu’il y a une seconde plaie, l’anarchisme, qui demande la révolte pour la révolte, sans se soucier des réalités matérielles, tant de l’économie que de la nature des gens, aliénés et exploités.

Si on se débarrasse de ces deux plaies – qui paralysent l’histoire de France depuis cinquante ans – alors on pourra avancer, puisqu’il serait alors possible de poser le problème différemment, en prenant en compte non seulement l’économie, mais aussi le mode de vie.

On pourrait alors développer un discours sur le capitalisme comme allant de paire avec un mode de vie, et on verrait alors que les gilets jaunes expriment une crise de ce mode de vie. Ils ne sont pas les protagonistes d’une lutte (comme peut le penser le syndicalisme), d’une lutte inadéquate (comme peut le penser l’anarchisme), mais l’expression historique d’un mur que rencontre le mode de vie dans le capitalisme.

La voiture, c’est comme le réchauffement climatique, c’est un à côté du développement du capitalisme qui devient essentiel et exige une rupture en soi des mœurs, du mode de vie, de la manière d’exister.