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Guerre Politique

L’appel ouvertement militariste et anti-américain d’Eric Zemmour

Les dés sont jetés.

C’était une grande question encore en suspens. Eric Zemmour n’avait pas encore pris position au niveau « géopolitique », se contentant de se positionner en « conservateur révolutionnaire ». Allait-il franchir le pas et assumer la ligne anti-américaine caractéristique des velléités expansionnistes à la française? On pouvait en douter, car il provient de la Droite du 16e arrondissement parisien, qui est traditionnellement totalement pro-américaine, par fascination pour le capitalisme triomphant.

Son parcours le poussait normalement à assumer la ligne du RPR, pro-américain mais gaulliste à la base. Cependant, la crise est passée par là et Eric Zemmour assume un néo-gaullisme forcené. Ce qui prouve deux choses :

– qu’il est poussé par toute une tendance historique;

– que cette tendance se cristallise déjà politiquement pour qu’il puisse tenir des propos militaristes et expansionnistes.

En clair, il y a une véritable opération de la haute bourgeoisie et elle a réussi. Jusqu’à quel point, cela reste à voir, mais en tout cas, en se positionnant de ce fait ouvertement en militariste acharné, il remplace Marine Le Pen à la tête de l’option nationaliste.

Car ce qu’il a dit à Rouen, lors d’un meeting le 22 octobre, est édifiant. Il faut que la France dispose de deux nouvelles frégates et deux nouveaux porte-avions. Pourquoi cela? Parce que:

« Soyons honnêtes : si la France est encore écoutée en Europe et dans le monde, elle le doit à son armée et à sa force de frappe nucléaire. Il n’y a pas de politique étrangère forte sans des armées fortes.

C’est l’assurance de pouvoir frapper n’importe qui, n’importe où, n’importe quand. Peu de pays ont cette capacité. Elle est à portée de main pour la France, arrêtons de tergiverser, saisissons-la! »

Ce timing militariste est évidemment parfaitement calculé, puisque le même jour Valeurs actuelles publiait une tribune signée « Les Militaires avec Zemmour ». De la même manière, Eric Zemmour a dénoncé le tandem franco-allemand de l’Union Européenne et c’est exactement ce qu’a fait Marion Maréchal dans une interview au média américain de type conservateur révolutionnaire IM-1776, publié le 23 octobre.

C’est là une véritable offensive politique et les propos suivants tenus par Eric Zemmour le 22 octobre en définissent bien la nature:

« Rassurez-vous : La France peut rester une grande puissance, à condition qu’elle aussi s’en donne les moyens économiques, diplomatiques et stratégiques. »

« Pour commencer, il faut sortir de cette chimère de la « diplomatie européenne ». Arrêtons d’adapter notre politique étrangère aux pudeurs de Bruxelles et aux intérêts de Berlin. »

« En vérité, Emmanuel Macron veut nous confiner dans une Europe trop petite pour la France. »

« Notre allié américain met nos dirigeants sur écoute et laisse la Turquie nous menacer. Ce même allié américain nous empêche d’établir une relation saine avec la Russie et nous fait perdre des milliards d’euros du contrat des sous-marins australiens. »

« Une grande partie du destin du monde se jouera dans la zone Asie-Pacifique, où la France joue déjà un rôle stratégique grâce à notre espace maritime, grâce à la Polynésie, mais aussi grâce à la Nouvelle-Calédonie, qui doit absolument rester française ! »

Abandon du tandem franco-allemand, la superpuissance américaine considérée comme hégémonique au point d’être néfaste, reprise du lien stratégique objectif « traditionnel » de la France avec la Russie, affirmation de l’expansionnisme impérialiste français au moyen du militarisme. C’est on ne peut plus clair.

Cela a été la ligne de Marine Le Pen, mais sans la cristallisation de la crise et pour cette raison avec une dynamique toujours plus sociale-populiste. C’est du passé et on a désormais une ligne fasciste se développant, portée par la haute bourgeoisie appelant à une grande « reprise en main ».

Quel dommage que cette mise en place se soit déroulée si facilement pour elle. Elle a réussi un grand coup, il faut en avoir conscience. Et cela passe aussi par une compréhension réelle du fascisme et par conséquent un rejet catégorique des courants liés au trotskisme pour qui le fascisme serait un « césarisme » avec un dictateur apparaissant pour « dépasser » les contradictions d’une société bloquée.

Le fascisme, c’est la militarisation et la guerre. Ce n’est pas une militarisation facultative, une guerre hypothétique. C’est une marche inexorable. Seul le socialisme peut s’y opposer, s’y confronter, briser ce processus en le renversant.

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Politique

Sidérant fiasco du lancement de la campagne d’Anne Hidalgo à Lille

Le Parti socialiste est totalement auto-intoxiqué.

Le samedi 23 octobre s’est tenue à Lille la convention socialiste lançant de manière officielle la campagne d’Anne Hidalgo, même si celle-ci avait déclaré plus d’un mois auparavant qu’elle se lançait dans la présidentielle 2022. Deux faits marquants se sont déroulés entre-temps. Le premier, c’est la faiblesse totale d’Anne Hidalgo dans les sondages, puisqu’elle est crédité de 4 à 7% des voix. Le second, c’est l’affirmation par le dirigeant actuel du Parti socialiste, Olivier Faure, lors du Conseil national du Parti socialiste, qu’Eric Zemmour était un fasciste et proposant une ligne tendant à un certain antifascisme.

Il y avait deux possibilités : soit le premier aspect, électoraliste tranquille, l’emportait et les socialistes s’auto-intoxiquaient, considérant qu’ils allaient inexorablement progresser de toutes façons, ce que l’opposant interne Stéphane Le Foll a parfaitement résumé en disant que « le Parti socialiste fonce dans le mur en klaxonnant ». Soit le second aspect l’emportait et c’était l’affirmation, tel un electro-choc, d’une ligne combative contre le libéralisme et l’extrême-Droite, forçant à une unité de la Gauche dans les faits.

Le résultat est édifiant : cela a été le suicide. 1700 personnes (et certainement pas 2200 « militants » comme le prétend le Parti socialiste) ont constaté qu’Anne Hidalgo a été mièvre comme peut l’être la maire d’une ville bourgeoise et cosmopolite comme Paris. Enfin, constaté est un grand mot car le public a consisté en des bourgeois propres sur eux, modernistes, dont on se demande ce qu’ils peuvent bien reprocher à Emmanuel Macron à part ne pas avoir légalisé encore la consommation de cannabis.

Anne Hidalgo a sciemment tourné le dos à la Gauche historique, elle ne voit ni la guerre venir – alors que c’est une évidence indiscutable -, ni une quelconque crise (que ce soit sanitaire ou économique ou morale ou culturelle), ni une menace fasciste. Sa ligne c’est celle du réformisme béat radical – socialiste – franc-maçon, bien symbolisé par les uniques refrains présents, ceux de la Marseillaise et de l’Hymne à la joie.

La guest star était d’ailleurs Bernard Cazeneuve, ancien ministre de l’Intérieur et premier ministre, qui a tenu un discours de centre-gauche tout à fait lisse. Anne Hidalgo n’a guère fait mieux avec comme leitmotiv:

« Fidèle à notre histoire, je serai la candidate de la reconquête républicaine. Notre impératif n’a pas changé depuis Jean Jaurès : c’est porter la République « jusqu’au bout » pour réinventer notre beau modèle français. »

Et tout cela est censé, on ne sait trop comment, produire une « génération Hidalgo » (c’est un slogan officiel) au moyen de revendications comme l’ISF climatique, le droit de vote à seize ans, l’assurance chômage universelle, etc.

C’est un suicide politique. La situation historique se tend chaque jour avec une vigueur cruelle, angoissante, et le Parti socialiste s’imagine que rien n’a changé, qu’on est encore dans les années 1990-2000. Tout cela parce que les cadres socialistes sont hors-sol, corrompus, vivant au quotidien comme des bourgeois, car ils sont bourgeois.

Ce qui se profile ici, c’est un véritable déchirure politique en France, alors que plus aucun parti politique ne représente rien de connecté à la réalité. Quelque chose va se passer, la balance va commencer à pencher… lourdement.

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Politique

Jean-Luc Mélenchon sur la classe moyenne supérieure qui hésite

C’est un aperçu « sociologique » révélateur.

Jean-Luc Mélenchon a accordé une interview au Nouvel Obs à la fin octobre 2021, ce qui est un exercice risqué pour lui. Le Nouvel Obs, c’est en effet la « seconde gauche », c’est-à-dire l’alliance des radicaux de gauche, des banquiers de gauche, des intellectuels de gauche du quartier latin, de la gauche caviar du Parti socialiste.

Jean-Luc Mélenchon a été au Parti socialiste pendant quarante ans, il est issu de cette « seconde gauche », opposée à la Gauche historique au nom d’un capitalisme moderniste et social, voire carrément post-capitaliste (comme l’espéraient le PSU et la CFDT des années 1970). Mais il l’a quitté en prônant le populisme qui se veut transformateur et « utopiste ». Cela a provoqué un grand conflit mais en raison des élections présidentielle de 2022, Jean-Luc Mélenchon arrondit les angles.

Et, dans cette interview, il est un passage très intéressant sur la classe moyenne supérieure qui « hésite » justement. C’est même remarquable. En effet, la classe moyenne supérieure est ni plus ni moins qu’aux portes de la bourgeoisie socialement parlant et même il faut d’ailleurs plutôt ici parler de « bourgeoisie intellectuelle ».

C’est tout à flagrant d’ailleurs vu comment Jean-Luc Mélenchon en parle et en en parlant comme il le fait au Nouvel Obs, dont cette bourgeoisie intellectuelle est le public (les publicités pour les logements chics et les montres de luxe en font foi), il dit: attention ex-amis de la seconde gauche, nous avons le même public et nous risquons tous deux de tout perdre.

On notera, intellectuellement, la chose suivante. Tout d’abord, une classe ne peut pas flotter, si on prend le marxisme, et d’ailleurs il n’y a pas de « classe moyenne ». Ce serait anti-dialectique pour le marxisme d’avoir une troisième classe en plus des deux camps opposés. La « classe moyenne » est donc une couche sociale petite-bourgeoise qui oscille justement car elle n’est pas une classe. On remarquera au passage que les paysans ne sont pas une classe pour le marxisme non plus, qu’ils oscillent ainsi également.

Jean-Luc Mélenchon fait également référence à un ouvrage très célèbre à l’ultra-gauche dans les années 1960-1970, « Psychologie de masse du fascisme », dont l’auteur est un disciple dissident de Sigmund Freud, Wilhelm Reich. Il définit par contre de manière erronée ce que dit l’ouvrage, qui n’aborde pas tant la question du « déclassement » que du « refoulement » qui amènerait les gens à se comporter de manière volontaire comme des êtres soumis, serviles et pervers. C’est ce qu’on appelle du « freudo-marxisme ».

Mais l’idée de Jean-Luc Mélenchon est donc la suivante. Il existe une couche sociale intellectuelle favorisée en France, allant du cinéma aux hauts fonctionnaires en passant par les médias. Celle-ci a largement intégré le camp de la propriété de par son succès historique et par là même elle risque en ce moment, dans ce contexte, de basculer dans le camp des propriétaires historiquement nullement lié à la seconde gauche.

C’est le risque de tout perdre, avec une division de cette couche sociale entre ultra-modernistes cosmopolites à la EELV et conservateurs repliés de l’autre. Il y a d’ailleurs un article du Figaro au sujet de cette fracture, Les médias de gauche face à une fracture idéologique générationnelle.

On y lit entre autres que :

« Dans des rédactions comme L’Obs , Libération et Le Monde , engagées dans la protection des droits des minorités, une partie des journalistes pointent un fossé idéologique autour de sujets comme la laïcité, le genre ou l’école (…).

une partie des journalistes s’inquiètent du conflit latent entre le courant multiculturaliste et la notion d’universalisme républicain. Ce dernier incarnant une conception de la citoyenneté centrée sur l’individu en tant que membre de la collectivité nationale, indépendamment de toute communauté d’appartenance. «Au quotidien, on ne rit plus des mêmes choses, on ne s’indigne plus des mêmes choses», lance un journaliste de L’Obs (…).

Plusieurs plumes historiques du magazine redoutent aujourd’hui l’érosion de leur lectorat historique. Alors que dans le même temps, l’Obs peine à conquérir de nouveaux abonnés numériques (21.000 selon l’ACPM), dans la bataille qui oppose les grands sites d’information. »

Jean-Luc Mélenchon veut se présenter par conséquent comme celui qui peut maintenir la seconde gauche, en utilisant les couches populaires de manière « populiste » tout en intégrant une aile « post-moderne », permettant ainsi à la bourgeoisie intellectuelle de gauche, avec également ses banquiers, de maintenir ses positions alors que la Droite mène une gigantesque offensive, notamment avec Eric Zemmour.

Son projet, c’est celui des radicaux de gauche de la IIIe République et il va de soi que c’est totalement vain dans un capitalisme non pas seulement à bout de souffle, mais en crise, avec la guerre à l’horizon et des perturbations internes dans chaque pays toujours plus violente. Jean-Luc Mélenchon, de par sa position historique, ne peut tout simplement pas voir que le château de cartes capitaliste est en train de dégringoler.

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Société

Le tournant national-populaire d’Eric Zemmour

L’orientation nationale-populaire s’affirme.

Dans une énième interview qu’il donne en ce moment, en l’occurrence à Thinkerview le 20 octobre 2020, Eric Zemmour a tenu des propos très importants pour comprendre son orientation. Il a dit en effet:

Ce n’est pas la colonisation qui a permis le développement économique de la France : ce sont les ouvriers français !

Cela est tout à fait juste, même si évidemment c’est unilatéral car le capitalisme français a, dans son exploitation des ouvriers, bien entendu profité d’un colonialisme lui procurant des matières premières à bas prix et des débouchés.

Ce qui compte ici c’est toutefois la thématique ouvrière et ces propos font écho à ceux tenus lors d’une conférence interview à Versailles devant le courant catholique conservateur. Eric Zemmour y a expliqué que la « Manif pour tous » a échoué pour avoir été trop « bourgeoise ». Voici ce qu’il a dit:

La Manif pour tous, en majorité bourgeoise, a échoué parce que les classes populaires y sont restées étrangères. 

Il faut trouver les axes qui rassemblent ces deux sociologies. Le sujet qui rassemble, c’est la question au sens large identitaire et de l’immigration. Les autres combats ne sont pas moins importants mais vont nous faire perdre. Il faut avancer avec le thème qui rassemble. Ensuite nous verrons bien.»

D’un côté, Eric Zemmour va à Milipol Paris, un grand salon du militarisme, de l’autre, il commence à parler des ouvriers, de la défense de leur niveau de vie. C’est là un grand écart typique du fascisme. Le fascisme c’est en effet une mobilisation de masse combinée à une révolution technocratique de l’appareil d’Etat.

Eric Zemmour travaille ainsi à ce que que l’occidentalisme qu’il professe se transforme en vague nationale-socialiste alliée à une révolution conservatrice, tout comme dans les années 1930 en Allemagne ou les années 1920 en Italie. Il veut des intellectuels technocratiques servant la haute bourgeoisie et un mouvement beauf élémentaire ayant une dimension de masse.

Il a un double discours, un pour chaque « sociologie », avec comme fil conducteur et moyen d’unifier ses propos un occidentalisme qui n’est en fait que le masque d’une France impérialiste agressive rejoignant de manière acharnée la grande bataille pour le repartage du monde.

Il veut concrètement ajouter à Marine Le Pen ce qui lui manquait, une « respectabilité » grande-bourgeoise, et tant qu’à faire remplacer Marine Le Pen elle-même en prenant la tête d’un mouvement « occidentaliste » populaire. C’est là une tâche malaisée, mais au moins Eric Zemmour parviendra-t-il à puissamment contribuer au bloc « conservateur révolutionnaire » et rien que cela, c’est un danger terrible.

Dans tous les cas, on est en train de connaître une période où la Droite avance tel un bulldozer.

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Société

Zemmour ou le prix à payer de la fainéantise intellectuelle française

Le type est nul intellectuellement, mais la France aussi.

La France a une longue tradition intellectuelle. Elle commence avec l’humanisme et se prolonge jusqu’aux années 1960-1980. Cela veut dire qu’il y a des gens qui lisent, qui comprennent ce qu’ils lisent, qui assimilent ce qu’ils lisent. Le niveau intellectuel des radicaux de gauche est très élevé à la fin du 19e siècle ; Jean Jaurès est un socialiste érudit maniant le verbe avec précision, tout comme la vague intellectuelle catholique spiritualiste des années 1920-1930 était de haute volée.

Autrement dit, pour être crédible il faut avoir un certain niveau et si l’on excepte le PCF des années 1950, jamais une Gauche contestataire (ou révolutionnaire ou ce qu’on voudra) n’a ne serait-ce qu’ébranlé l’immense dispositif intellectuel traditionnel français. D’où le fait de se rattacher d’une manière ou d’une autre à l’existentialiste Jean-Paul Sartre durant les années 1960-1970 (surtout pour les maoïstes) ou de confier les clefs de la Gauche à François Mitterrand, qui vient d’une tradition de centre-droit voire de droite.

C’est d’ailleurs pour cela que les Français, malgré leurs sympathies souvent pour la Gauche (et la gauche de la Gauche), restent « raisonnables ». Apprécier Olivier Besancenot, Arlette Laguiller ou Philippe Poutou, peut-être. En faire des ministres, ce n’est pas sérieux.

On dira que c’est pareil pour Eric Zemmour. C’est vrai, mais Eric Zemmour est dans la même lignée que les populistes, Donald Trump Hier, Mussolini hier. On leur demande de capitaliser sur l’irrationnel afin d’orienter la société en un certain sens. Les vrais clefs de la maison, ce ne sont pas eux qui les ont, mais tout un appareil bureaucratique militarisé en étroite liaison avec des factions organisées dans la haute bourgeoisie.

Ce qui fait que si les Français se sont moqués souvent des Américains assez idiots pour suivre Donald Trump, on est dans le même cas de figure. Car si Eric Zemmour peut raconter n’importe quoi n’importe comment, c’est parce qu’en France plus personne n’a de cohérence intellectuelle, de références sérieuses, de raisonnements approfondis. Il suffit de voir comment des gens de gauche se précipitent dans la valorisation de l’idéologie LGBT en provenance directe du capitalisme américain et diffusée sans relâche par ses grands groupes.

Ce dernier exemple est parlant parce qu’il permet justement à Eric Zemmour de disqualifier la Gauche et d’embarquer les gens dans ses aventures intellectuelles farfelues idéalisant la France du passé. C’est du bricolage, cela se voit, mais au lieu qu’on dise : le type est farfelu, on lui accorde de l’attention. Pendant ce temps-là, qui raisonne vraiment est mis de côté car pas assez spectaculaire, pas assez vendeur, pas assez outil pour le narcissisme et les rodomontades.

Eric Zemmour attire ainsi la curiosité et, malgré qu’il soit une coquille vide, il fascine et il est apprécié. C’est ridicule et peut-être demain la France s’en lassera. Il le sait, d’où qu’il ne se soit pas encore présenté. Il sait qu’il représente une imposture. Mais il sait aussi que la France aime les impostures si elles renvoient une image idéalisée d’elle-même, surtout quand elles sont bien empaquetées par des forces capitalistes y voyant un intérêt pratique (qu’on pense à Napoléon Ier, Napoléon III, Pétain en 1940, de Gaulle en 1958).

Dans tous les cas, si la France n’avait pas laissé s’effondrer son niveau intellectuel, Eric Zemmour ne tiendrait pas une seconde. Rien qu’un débat avec Georges Pompidou ou François Mitterrand et il aurait été balayé. Seulement le capitalisme est décadent et le meilleur de ce que produit la bourgeoisie version Le Figaro, c’est lui. C’est lamentable.

Quel dommage de ne pas avoir une Gauche au niveau en face face à une telle médiocrité, une Gauche historique, porteuse d’intelligence et de culture, de morale et de principes!

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Guerre

Graves incidents militaristes en Méditerranée et dans le Pacifique

Les puissances se testent, s’éprouvent, avant le choc.

Ces derniers jours, une grande vague de tension s’est développée tant en mer Méditerranée que dans le Pacifique. La Grèce accuse la Turquie de coups de pression contre plusieurs de ses îles, les eaux territoriales, ainsi que Chypre. Le ministre grec des affaires étrangères Nikos Dendias n’a pas hésité à affirmer que:

« Notre souveraineté dans la Méditerranée orientale est menacée. La situation peut se transformer en guerre à tout moment. »

Ces propos ont tenus le 14 octobre, jour d’un accord signé par Nikos Dendias avec le responsable des affaires étrangères des Etats-Unis, Antony Blinken, pour un accord de coopération de défense prolongé de cinq ans, qui était auparavant signé chaque année depuis 1990.

C’est une manière pour les Etats-Unis de temporiser l’accord stratégique récent France-Grèce, en se proposant comme grand frère régional notamment par l’intermédiaire de l’OTAN. D’ailleurs, l’accord implique une négociation pour l’implantation d’une base navale américaine pour une longue durée.

Les Etats-Unis ont parallèlement à cette intervention dans la zone Méditerranée mené un coup de semonce important dans la zone Pacifique. Le 15 octobre l’USS Chafee, un destroyer (en français une variante de frégate), a tenté en mer du Japon, à l’Ouest du Pacifique, de pénétrer dans les eaux maritimes russes alors que des exercices militaires russo-chinois devaient s’y tenir quelques heures plus tard.

La frégate russe Amiral Vladimir Tribouts est intervenue pour lui barrer la route et le navire américain n’a changé de direction que lorsque il n’y avait plus que soixante mètres de distance entre les deux.

L’attaché militaire américain a été convoqué par le ministre russe des affaires étrangères.

En réponse, ou pas, la Russie a annoncé le 18 octobre que le premier novembre il n’y aurait plus de bureau russe auprès de l’OTAN, ni de bureau de l’OTAN auprès de la Russie. Il y a quelques semaines, huit responsables russes à Bruxelles auprès de l’OTAN s’en était fait expulser pour espionnage.

La superpuissance américaine témoigne ici de son esprit d’initiative, alors que le secrétaire à la défense américain Lloyd Austin s’est rendu en Géorgie signer un accord stratégique. C’est bien la démonstration que, contrairement à ce que laisse penser l’apparente sortie chaotique en Afghanistan, la superpuissance américaine a toute une stratégie globale et qu’elle agit conformément à cette stratégie dans chaque partie du monde.

L’objectif est d’encercler le challenger chinois et il est évident que l’espoir américain est que la Chine s’empêtre en Afghanistan. Et dans cet encerclement, il y a deux pays qui doivent tomber : l’Iran et la Russie. Comme en ce moment l’économie iranienne s’effondre – les travailleurs viennent de perdre 32% de pouvoir d’achat – et que la Russie connaît une terrible vague prolongée de covid-19, la superpuissance américaine exerce toujours davantage de pression.

Il faut ajouter que l’économie chinoise ralentit elle-même, ayant connu de grandes pénuries d’énergie cet été et en connaissant encore. La superpuissance américaine est ainsi en ce moment le facteur principal de la tendance à la guerre. Elle pousse à ce que l’ensemble vacille et le premier pays qui tombe se fait dépecer avec son aval du moment que la réorganisation qui en ressort rentre dans le cadre de l’encerclement de la Chine.

Plus que jamais, l’affrontement sino-américain prend tout son sens dans le cours dramatique de l’Histoire.

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Société

Zemmour ou l’avancée vers le fascisme

Le fascisme c’est la négation de la société civile.

Les Français n’ont pas connu le fascisme et par conséquent ils ne comprennent pas ce qui est l’essence du fascisme. Pour eux, le fascisme, ce sont des gens défilant au pas de l’oie en uniforme. Le régime fasciste serait un État policier, avec un policier à chaque coin de rue. La propagande tournerait de manière ininterrompue pour matraquer intellectuellement les gens.

C’est là une grossière erreur. Le fascisme, ce n’est pas l’affirmation de la politique, serait-ce une politique précise, d’un parti d’extrême-Droite. Le fascisme, c’est la négation de la politique. Ce n’est pas un mouvement extérieur à la société qui vient s’imposer à celle-ci par la force, mais la société qui se replie sur elle-même dans un mouvement intérieur.

Le fascisme n’est pas non plus un État policier, c’est une militarisation de la société, avec les gens participant eux-mêmes de manière volontaire au régime. Il suffit de regarder deux faits le montrant aisément. En 1945, les Allemands considèrent que la victoire sur le nazisme est leur défaite, car le régime était leur régime. De la même manière, il suffit de voir le nombre d’opposants au régime fasciste italien: il est historiquement extrêmement faible.

Dans les deux cas, la raison de cela est que le fascisme est le triomphe de la médiocrité dans la société, où dans un grand élan de négation de la politique, les gens délèguent les décisions à un appareil bureaucratique et eux-mêmes soutiennent cet appareil en militarisant la négation de la politique.

Cela n’a strictement rien à voir, par exemple, avec l’URSS de Staline ou la Chine de la révolution culturelle, qui sont au contraire des régimes alors ultra-politisés, exigeant la politisation au maximum de la part de la société.

Et c’est très exactement par contre ce que fait Eric Zemmour. Le discours d’Eric Zemmour se fonde sur des thèmes qui sont des prétextes. Ces prétextes servent le discours du repli, du refus de la politisation, de l’étouffement de la société civile. Le but c’est de permettre à un appareil bureaucratique-militaire de prendre les choses en main et d’organiser le repli nationaliste du pays sur lui-même.

C’est la France contre le monde.

On ne comprend souvent pas d’ailleurs le rôle de Donald Trump. Il n’a pas échoué dans sa mission, comme le montre le prolongement de sa ligne anti-chinoise chez son successeur Joe Biden. Il a joué un rôle historique à un moment donné, il a servi à orienter la société américaine, à la chiffonner, la faire avancer dans un certain sens.

C’est le rôle d’Eric Zemmour. Aussi faut-il le bloquer. Tout comme il faut bloquer Marine Le Pen. Et cela passe par le rejet complet de l’ultra-gauche, qui joue le rôle de cinquième colonne d’Eric Zemmour et de Marine Le Pen en disant qu’Emmanuel Macron est déjà d’extrême-Droite, qu’il ne faut pas faire barrage à l’extrême-Droite à la présidentielle et autres discours « ultras » en apparence mais de trahison dans les faits.

C’est un grand tournant historique qui se joue là et qui va être décisif pour la suite.

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Culture

Cabaret Voltaire vu en 1985

Le groupe post-punk fut un pionnier de l’industriel et de la techno.

Il est des groupes totalement inaudibles écouté à partir d’aujourd’hui, à moins d’avoir une réelle approche historique. La raison à cela, c’est qu’ils ont alimenté la musique au point de servir de point de passage. Ce sont les traditionnels chanteurs, chanteuses et groupes qui sont désormais catalogués comme artistes pour les artistes.

Cabaret Voltaire est emblématique de cela, car leur démarche a été productive et innovatrice. C’est initialement un groupe anglais de Sheffield qui, sur une base post-punk, est un pionnier de la musique industrielle, pour ensuite devenir un pionnier de la musique électronique.

C’est cet aspect défrichage qui les a desservis, en étant trop en avance et en décalage, puis dépassés par un mouvement se massifiant alors qu’eux-mêmes privilégiaient la découverte, l’expérimentation. Le principal activiste du groupe, Richard H. Kirk qui vient de décéder le 21 septembre 2021, c’est une vingtaine d’albums avec Cabaret Voltaire, une dizaine en solo sous son nom, une cinquantaine d’autres sous un pseudonyme ou bien en partenariat.

Voici, en plus d’une playlist, un intéressant aperçu d’époque au moyen d’un article de fanzine de 1985, Acide Sédatif, présentant Cabaret Voltaire.

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Culture Culture & esthétique

Playlist Cabaret Voltaire

Du post-punk à l’aventure industriel-techno.

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Lorsque Ian Curtis de Joy Division se suicida, les membres de Cabaret Voltaire furent les seuls présents à l’enterrement avec le groupe et la famille de celui-ci. Les premiers enregistrements de New Order se feront dans les studios de Cabaret Voltaire. C’est un rapprochement qui en dit long et qui est une référence pour ceux appréciant la contribution de ces deux groupes, New Order étant profondément marqués par l’approche électronique de Cabaret Voltaire et il faut ajouter aux groupes largement influencés Depeche Mode, Front Line Assembly, Ministry, Skinny puppy, ou encore Bauhaus.

Tous ces groupes ont en commun d’être composés de gens culturellement de gauche à la fois avant-gardistes et ancrés dans la protestation populaire de l’époque, de mêler un esprit contestataire et la musique électronique comme repli.

Il y a plusieurs périodes dans l’histoire de Cabaret Voltaire. Initialement, c’est un groupe de post-punk utilisant les bases de ce qui va être la musique industrielle.

C’est rentre-dedans puis rapidement construit de manière expérimentale abrasive, avec un profond sens du collage qui va être la marque du groupe. Le groupe tire son nom d’ailleurs d’un café de Zurich où est né le mouvement Dada, le « Cabaret Voltaire ». On est ici en 1979 et c’est une sorte de punk electro-sonore.

Au tout début des années 1980, Cabaret Voltaire passe alors à la musique industrielle en tant que telle, avec un profond sens de la répétition. Les albums « Red Mecca » et « Three Mantras » sont ici de grande valeur.

Puis dès 1982, on passe comme avec New Order dans la musique dansante mais froide, dans l’esprit Funk industriel. Il y a ici quelque chose d’incroyablement en avance, mais il va manquer quelque chose. L’esprit reste trop expérimental, il y a un fétichisme du collage dans les vidéos rendant l’ensemble très vite suranné, il y a trop d’inégalités dans les productions. L’ensemble est néanmoins clairement marquant et ouvrant une voie, ni plus ni moins que celle de la House music, avec le côté funk dansant mais froid et répétitif sur la durée.

Le virage étant raté, Cabaret Voltaire va alors connaître deux périodes. La première c’est celle d’une electropop qui s’éteindra rapidement. La seconde, c’est le passage dans la techno ambient, l’expérimentation électronique, l’IDM (intelligent dance music), avec un arrière-plan en fait tech-house et la culture acid-house.

https://www.youtube.com/watch?v=_j7hCaWWU-s
https://www.youtube.com/watch?v=M_0FrZ3EO8s

Voici une vidéo d’un projet de Richard H. Kirk, Sweet Exorcist (avec DJ Parrot) ; elle a été réalisée par Jarvis Cocker de Pulp.

Voici une chanson tirée de Plasticity, un album techno de 1992 d’une grande valeur (et totalement inconnu); la vidéo consiste en ce qui était projeté en 1990-1991 lors de la tournée de Cabaret Voltaire. C’est que le groupe avait bien entendu en tête, dans l’esprit des années 1980, d’un projet « total ». Il était sur ce point bien trop en avance.

Cabaret Voltaire est en fait emblématique, avec New Order des tout débuts ou le premier ministry, d’une petite vague « funk industrial » qui, au tout début des années 1980, va servir de laboratoire à la confluence de la musique d’Europe et de celle des Etats-Unis, à l’image de la rencontre entre Kraftwerk et Afrika Bambaataa dans « Planet rock » en 1986.

Playlist

Voici la playlist en lecture automatique suivie de la tracklist !

Just fascination (1983)

I want you (1985)

Kino (1985)

Yashar (1982)

James Brown (1984)

Digital Rasta (1984)

Back to Brazilia (1992)

Colours (1991)

Landslide (1981)

Blue heat 12 mix (1984)

Here to go (1987)

Sensoria (1984)

Animation (1983)

Baader Meinhof (1979)

24-24 (1983)

Nag nag nag (1979)

Silent command (1979)

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Restructurations économiques

«France 2030» : le projet de restructuration capitaliste d’Emmanuel Macron

C’est un projet présidentiel.

Le président Emmanuel Macron a présenté mardi 12 octobre un grand plan d’investissement intitulé « France 2030 ». C’est sa version de la restructuration capitaliste, et cela constituera la base de son programme électoral pour 2022.

La restructuration capitaliste est une actualité incontournable, tous les candidats à présidentielle 2022 vont devoir s’y coller : la question sera de savoir quelle sera leur proposition, leur vision.

En l’occurrence, Emmanuel Macron compte entraîner tous le pays dans une sorte de grande machinerie techno-innovante, qui serait censée sauver le capitalisme français de la concurrence mondiale. Il est ici très clairement fait appel aux fameux état d’esprit ingénieux à la française (en tous cas tel que les français se l’imaginent), pour concurrencer les grandes puissances (même l’Allemagne) en se voulant plus « malins » que les autres.

So French !

C’est la grosse artillerie qui est sortie :

Investir 1 milliard d’euros dans le nucléaire

Devenir le leader de l’hydrogène vert en 2030

Accélérer la décarbonation de l’industrie

Produire 2 millions de véhicules électriques et hybrides

Produire à l’horizon 2030 le premier avion bas carbone

Accélérer la robotisation et la numérisation de l’agriculture

Avoir 20 bio-médicaments contre le cancer et créer les dispositifs médicaux de demain

Remettre la France « en tête de la protection des contenus culturels et créatifs »

Réinvestir la conquête spatiale

Explorer les fonds marins

«Près de 6 milliards d’euros» d’investissements dans les composants électroniques »

Ce qui saute au yeux bien sûr est que la moindre goutte de prétention écologique est jetée à la poubelle ; c’est soit la planète, soit la restructuration du capitalisme et c’est bien entendu le capitalisme qui est choisi.

La France, avec Emmanuel Macron, doit donc s’attendre à toujours plus de déchets nucléaires. Il est aussi envisager d’aller encore plus loin pour racler de sol des grands fonds marins afin de trouver des « métaux rares » et n’importe quelles autres choses à piller pour servir le capitalisme français.

Et cela est assumé de manière très claire :

« Qui peut accepter que nous laissions dans l’inconnue la plus complète une part si importante du globe »

C’est l’expansion capitaliste à tout prix !

C’est la même chose pour l’espace, la France d’Emmanuel Macron compte bien participer de plus bel à la pollution de l’espace (véritable fléau très documenté) avec tout un développement de mini-lanceurs réutilisables ou de micro-satellites, pour «prendre part à l’aventure spatiale».

On notera d’ailleurs un cynisme particulièrement machiavélique à propos de la question écologique. La France appuie régulièrement sur la question des émission de gaz à effet de serre : elle entend se servir de cette aspect pour avoir un avantage concurrentiel par rapport aux puissances concurrente. Notamment en raison du nucléaire, et c’est ici directement le concurrent allemand qui est visé.

C’est là, au fond, toute l’essence du plan « France 2030 » : face à l’industrie « lourde » et aux gros moyens classique du capitalisme allemand, Emmanuel Macron entends jouer la carte de l’ultra-technique.

Au passage, on comprend très bien que le corollaire est que les ouvriers sont censés se plier aux exigences des « ingénieurs », pour relancer l’économie, en fait la restructuration du capitalisme. Les autres qui ne rentrent pas dans les plans… seront passés par pertes et profits.

Et tout cela va coûter beaucoup d’argent, énormément d’argent : 30 milliards d’euros sont déjà annoncés. Dans un capitalisme déjà à crédit, c’est un gros risque. Une partie des classes dominantes préférera ne pas le prendre et aller directement au conflit, avec la guerre plutôt que la restructuration.

Même si historiquement, on aura les deux si la table n’est pas renversée.

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Société

La préparation équivaut désormais à l’acte : le droit français en mode minority report

C’est l’extrême-Droite qui est condamnée, mais demain?

C’est une nouvelle norme juridique qui est instaurée et qui, de fait, devrait faire hurler tous les avocats libéraux et tenants humanistes à la française des droits de l’Homme. Seulement comme cette norme est issue du combat contre le terrorisme islamiste et là l’extrême-Droite, forcément cela ne donne pas envie.

On nage pourtant en plein délire. Naturellement, personne ne regrettera que Logan Nisin, chef d’une OAS (« Organisation des Armées Sociales ») prenne neuf ans de prison et ses acolytes entre cinq et huit ans. Ces gens voulaient tuer aveuglément, notamment dans des mosquées, afin de provoquer une « remigration ».

Ils entendaient également viser des personnalités politiques et des bars définis comme de « gauche ». Leur démarche était celle d’une entreprise de massacre. Ces gens sont à enfermer, c’est très clair.

Là n’est pas la question. La question est juridique, car on ne vit pas dans le socialisme, mais dans le capitalisme. Et le souci c’est que Logan Nisin a pris neuf ans pour une « préparation d’un acte terroriste » et les autres plusieurs années pour « association de malfaiteurs ». Ce sont des peines extrêmement lourdes et si on s’y intéresse, on voit que la boîte de Pandore a été ouverte.

Voici en effet ce que dit l’article 421-2-6 du code pénal, au 23 mars 2019:

I. – Constitue un acte de terrorisme le fait de préparer la commission d’une des infractions mentionnées au II, dès lors que la préparation de ladite infraction est intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur et qu’elle est caractérisée par :

1° Le fait de détenir, de se procurer, de tenter de se procurer ou de fabriquer des objets ou des substances de nature à créer un danger pour autrui ;

2° Et l’un des autres faits matériels suivants :

a) Recueillir des renseignements sur des lieux ou des personnes permettant de mener une action dans ces lieux ou de porter atteinte à ces personnes ou exercer une surveillance sur ces lieux ou ces personnes ;

b) S’entraîner ou se former au maniement des armes ou à toute forme de combat, à la fabrication ou à l’utilisation de substances explosives, incendiaires, nucléaires, radiologiques, biologiques ou chimiques ou au pilotage d’aéronefs ou à la conduite de navires ;

c) Consulter habituellement un ou plusieurs services de communication au public en ligne ou détenir des documents provoquant directement à la commission d’actes de terrorisme ou en faisant l’apologie ;

d) Avoir séjourné à l’étranger sur un théâtre d’opérations de groupements terroristes.

II. – Le I s’applique à la préparation de la commission des infractions suivantes :

1° Soit un des actes de terrorisme mentionnés au 1° de l’article 421-1 ;

2° Soit un des actes de terrorisme mentionnés au 2° du même article 421-1, lorsque l’acte préparé consiste en des destructions, dégradations ou détériorations par substances explosives ou incendiaires devant être réalisées dans des circonstances de temps ou de lieu susceptibles d’entraîner des atteintes à l’intégrité physique d’une ou plusieurs personnes ;

3° Soit un des actes de terrorisme mentionnés à l’article 421-2, lorsque l’acte préparé est susceptible d’entraîner des atteintes à l’intégrité physique d’une ou plusieurs personnes.

C’est totalement fou. L’article I se justifie par le II et le II par le I! Et c’est cela qui établit la condamnation du groupe « OAS ».

C’est parce que Logan Nisin a été accusé de préparation que les autres ont pu être accusés d’association de malfaiteurs, et inversement. S’il n’y avait pas l’accusation de préparation, on ne pourrait reprocher une association de malfaiteurs. Et on ne pourrait pas accuser de terrorisme la préparation s’il n’y avait pas un groupe accusé d’association de malfaiteurs.

Si cela a été fait pour lutter contre les islamistes afin de n’en rater aucun et d’en faire un « pack » à mettre en prison, la formulation permettra demain de démolir toute l’opposition de Gauche accusée de sortir du cadre du régime.

Il suffira de dire : tel groupe X est en lien avec Y consultant tel document ou s’entraînant à telle activité. Si Y fait cela, c’est forcément du terrorisme en raison du groupe X. Et le groupe X est forcément terroriste car Y prépare quelque chose.

Le groupe X n’a rien fait, Y non plus, mais c’est comme s’ils avaient, juridiquement fait tous ensemble la chose. Mieux encore : on peut considérer que, juridiquement, ils l’ont fait. La préparation vaut l’acte. La définition même de la préparation permet tout et n’importe quoi.

L’un des avocats, Gabriel Dumenil, a ainsi tout à fait raison de dire que :

« La qualification juridique, notamment de terrorisme, n’apparaît pas du tout aussi claire. Il s’agit d’un jugement qui a été rendu pour marquer une position jurisprudentielle s’agissant de procès à venir. »

Il y a d’ailleurs une preuve de cela. Les gens de cette « OAS » avait entre 25 et 33 ans et on parle de cinglés romantiques en mode nihiliste faisant des éloges de massacres de masse sur les réseaux sociaux… et pourtant le magistrat parle à leur sujet d’une « armée de défense prête, le cas échéant, à déstabiliser les institution déstabiliser les institutions ».

C’est ridicule. Cependant, cette charge idéologique a été nécessaire dans l’accusation pour maintenir la fiction du rapport préparation/association de malfaiteurs.

Il fallait bien la masquer, cette fiction, et le seul moyen, c’est d’ajouter une charge idéologique pour combler le manque de valeur d’une préparation. Car, juridiquement, jusqu’à présent, on n’a jamais condamné un assassin avant qu’il ne tue quelqu’un parce qu’il a tué quelqu’un. Il peut avoir des armes, avoir suivi la personne, il n’a jamais été possible pour autant de l’accuser de ce qu’il n’a pas fait.

Ici, on est comme dans le film Minority Report, on peut accuser des gens pour des crimes non commis. C’est une aberration juridique. Il faut donc présenter non pas des gens, mais des monstres qui ont commis leurs crimes dans leur tête en amont et donc, doivent être condamnés tels quels.

Pour donner un exemple affreux, dans le droit, même si on prend une machine à remonter le temps (cela ne peut pas exister) et qu’on va voir Adolf Hitler à 20 ans, on n’a pas le droit de le tuer. Car il n’a rien fait. L’exemple est horrible et en plus le scénario est aberrant. Mais c’est un bon exemple de la base du droit.

En droit, historiquement, on ne peut pas condamner quelqu’un pour avoir ne serait-ce que pensé un crime, ou bien préparé un crime, comme si c’était le crime lui-même. Sauf dans le film Minority report (tiré au passage d’une nouvelle du romancier bien connu Philip K. Dick).

La procureure a donc été obligée de souligner la « montée en puissance exceptionnelle de la menace portée par la mouvance d’ultradroite ».

En apparence, c’est très bien et la procureure est certainement sincère, et elle sait qu’il y a ici à l’arrière-plan le fait que depuis 2017, 48 personnes ont été arrêtés pour du terrorisme « d’ultra-droite ». Il s’agissait là du premier procès d’une série de sept. On comprend que l’État veuille des peines « exemplaires » et pour le coup tant mieux.

Sauf que le caractère juridique « ultra-droite » n’existe pas. La montée exceptionnelle ou pas n’est pas un argument juridique. Il est cependant employé afin de transformer la « préparation » en acte réalisé afin de la condamner tel quel.

C’est une négation du Droit et c’est l’expression de la décadence juridique de l’État dans un capitalisme décrépissant.

Et cela vise à terme très clairement toute la rébellion populaire et l’agitation de gauche. Il ne peut pas y avoir d’autre raison historique à une telle construction qui permet d’assimiler l’intention à l’acte. Une folie d’une telle envergure ne peut avoir qu’un arrière-plan concernant la société elle-même, dans le plus profond de son existence.

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Restructurations économiques

Les restructurations vont se multiplier

La vraie Gauche doit s’y opposer frontalement.

Le 7 octobre, relate Révolution permanente, le Ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance Bruno Le Maire a choyé les entrepreneurs dans leur rôle dans la crise sanitaire et il a exprimé un grand optimisme :

« Nous avons mis en place tous les instruments nécessaires pour protéger les entrepreneurs français. La France va sortir plus forte de cette crise économique. »

Pourtant, comme le relate l’édition d’Octobre 2021 de la revue pdf Crise, la France n’a pas encore récupéré son niveau économique d’avant-crise. C’est espéré pour la toute fin d’année, et on voit mal comment le capitalisme français va sortir plus fort alors qu’il a reculé pendant une longue période, que le développement s’est enrayé en conséquence, tout en se retrouvant qui plus est avec des dettes littéralement colossales.

La raison de cet optimisme est cependant tout simple : les travailleurs ont continué de dormir, leur niveau de conscience est toujours lamentable. On en est au point où Yves Veyrier, le dirigeant de la CGT-Force Ouvrière, est obligé de se réjouir que le 5 octobre 2021, pour la mobilisation des fonctionnaires, il y a eu :

« plus de deux cents manifestations et, à chaque fois, les adhérents et drapeaux FO étaient là, même quand il a fallu affronter la pluie ».

Affronter la pluie est une gageure, alors affronter les capitalistes, n’en parlons même pas… Surtout qu’on parle en plus de fonctionnaires, ayant un emploi très largement assuré. Le confort petit-bourgeois, même s’il n’est parfois pas si confortable, envoûte les gens.

Reste qu’il y a une seconde étape qui s’ouvre désormais en conséquence : les restructurations. Puisque les travailleurs sont endormis, il y a d’autant plus d’espace pour leur faire payer les pots cassés. Les restructurations vont se multiplier, accélérant les situations de monopoles.

Elles ont lieu partout, avec plus ou moins de réactions des travailleurs. Il y a en ce moment une grève à Albertville (qui en appelle à la direction !) contre une restructuration à la Poste, il y a un plan de restructuration de trois ans chez Renault pour 2022-2024, il y a toute une série sans précédent d’acquisitions dans l’habillement et les chaussures (comme le rachat de Go Sport, de GAP et de 511 magasins Camaïeu par la Financière Immobilière Bordelaise)…

Et cela va être le grand thème de la prochaine présidentielle. Chaque candidat va représenter une forme de restructuration différente. Et il ne faut pas ici sous-estimer le candidat du PCF, Fabien Roussel, car même s’il y a des tensions PCF-CGT, leur ligne est exactement la même, comme en témoigne cette position de la CGT en octobre 2021 expliquant qu’il faut « développer l’industrie » :

« Le progrès social et l’intérêt général doivent guider l’État dans la planification d’un développement industriel qui vise à satisfaire les besoins de la population. Des investissements massifs, publics comme privés, doivent être affectés au développement des capacités productives.

Marie-Claire Cailletaud, co-responsable des questions industrielles au sein de la Confédération, rappelait que « les salariés sont les mieux placés pour dire ce qu’ils peuvent produire et comment ils peuvent le produire ». »

Ce discours est celui du PCF depuis les années 1970, avec le remplacement de la « dictature du prolétariat » par « l’autogestion » permise par la soumission du « capitalisme monopoliste d’État » grâce à des élections et des mobilisations populaires victorieuses. La CGT est l’expression de cette ligne, à moins que cela soit l’inverse et que le PCF soit le bras politique de la CGT, mais cela ne change rien au fond ici.

Ce qui compte, c’est de voir quelle est la position de la Gauche qui est nécessaire. Faut-il proposer une meilleure restructuration, une autre restructuration, pas de restructuration ou bien s’opposer frontalement aux restructurations, car le capitalisme a fait son temps?

Là est la question de fond, celle qui change tout. Parce que soit on aide le capitalisme, soit on ne l’aide pas, soit on cherche à le bousculer, soit on cherche à le faire tomber. Et dans une situation de crise cela se polarise vite en une alternative avec/contre le capitalisme.

Il faut donc suivre les restructurations qui se développent, les interpréter correctement et voir les positions des uns et des autres, qui révéleront dans quel camp ils seront, celui des capitalistes ou celui des travailleurs.

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Politique

Olivier Faure au Conseil national du Parti socialiste: Éric Zemmour est un fasciste

L’explication est limpide.

La définition du fascisme donné par Olivier Faure est, grosso modo, celle d’Albert Camus bien plus que celle de la Gauche historique, mais elle converge tout de même avec elle. C’est une prise de position résolue et absolument nette, faisant la preuve que même réformiste et composé d’élus, le Parti socialiste porte en lui des choses positives, à l’opposé des populistes post-gauche de La France Insoumise et autres ultras.

Olivier Faure contribue ici positivement à poser le curseur, il indique une tendance politique par un apport en termes de position. Il souligne bien que l’actualité, ce sont les crises.

C’est de la politique et cela montre le sens politique du Parti socialiste (le discours parle même de lutter contre ceux « qui placent l’Etat au service du capital », s’appuie de manière fondamentale aux Francs-Tireurs Partisans Main d’Oeuvre Immigrée pourtant communiste, fait référence au roman Aden Arabie de Paul Nizan alors communiste où est dit le fameux « J’avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie »…).

Le Parti socialiste voit bien qu’il y a une barre à Gauche qui est nécessaire, qui est possible, qui a besoin d’être posé rationnellement pour se mettre en place. C’est bien qu’il porte quelque chose!

Voici la vidéo, puis le texte du discours, fait en clôture du Conseil national du Parti socialiste, avec en gras la partie particulièrement marquante.

« Chers camarades,

Nous venons aujourd’hui de clore notre congrès. Je vous remercie toutes et tous de votre implication pour mener à bien ce long processus qui s’achève avec la désignation de l’équipe de direction.

Sa vocation, son ambition, sont d’accompagner les prochains mois, les campagnes présidentielle et législatives et, au- delà, de continuer la renaissance de notre formation politique.

Dans quelques jours, nous désignerons celle ou celui qui nous représentera lors de la prochaine élection présidentielle.

Comme Pierre vient de le rappeler, nous avons, conformément au vote unanime du congrès, veillé à ce que chacun puisse communiquer la semaine prochaine en direction de l’ensemble des militants, par écrit sous la forme d’une profession de foi détaillée, et sous la forme d’un long échange vidéo.

Et à partir du 15 octobre au matin, dès que les résultats seront connus, nous entrons en campagne !

Dans la nuit, nous ferons partir à l’impression un premier tract de campagne et les premières affiches avec l’identité de celle ou celui que nous aurons élu·e.

Les camarades du Secrétariat national se mettront immédiatement en mouvement. En lien avec l’équipe de campagne du candidat, nous mettrons en place une équipe opérationnelle qui fera le lien avec l’ensemble des fédérations.

Dès réception des premiers outils de campagne, physiques et numériques, nous organiserons une première semaine de mobilisation. Sur les marchés, dans les gares, sous les préaux, nous montrerons que nous entrons dans le débat avec la ferme volonté de défendre des positions claires dans un moment de confusion.

Le 23 octobre, nous organiserons la convention d’investiture à Lille où nous serons accueillis par Martine Aubry et la fédération du Nord.

La période exige beaucoup de nous. Sans doute plus encore qu’au cours du demi-siècle passé.

Nous enchaînons les crises. Les Français en font l’expérience douloureuse sur le plan social, économique, démocratique, écologique, sanitaire.

Dans cette France qui se cherche un destin, la question identitaire est venue remplir un vide de sens et s’est imposée dans les médias.

Le polémiste Éric Zemmour est sur toutes les antennes. Et c’est par lui que je voudrais entamer mon propos. Non pas pour contribuer, à mon tour, à en faire le centre de toutes les attentions, mais pour dénoncer avec force la place qui lui est faite. Dans la compétition que se livrent les médias, la course à l’audience a remplacé le devoir d’informer, le buzz s’est substitué aux idées. Les jeux du cirque ont leur règle : sans outrance, pas d’existence.

Alors désormais, on fait salon avec monsieur Zemmour, on discute volontiers de ses saillies racistes comme s’il s’agissait d’opinions défendables puisqu’elles sont enveloppées dans la soie de l’érudition.

Alors je le dis, puisque personne ne le dit. Éric Zemmour est un fasciste.

Je sais qu’en prononçant ces mots, certains me répondront qu’il ne faut pas exagérer. Après tout, Zemmour n’a quand même pas proposé d’ouvrir des camps de concentration.

Ces réflexions font écho à ces phrases d’Umberto Eco prononcées à l’occasion du cinquantième anniversaire de la libération de l’Europe : « le fascisme est toujours autour de nous, parfois en civil. Ce serait tellement plus confortable si quelqu’un s’avançait sur la scène du monde pour dire : je veux rouvrir Auschwitz.

Hélas la vie n’est pas aussi simple. Le fascisme est susceptible de revenir sous les apparences les plus innocentes. Notre devoir est de le démasquer, de montrer du doigt chacune de ses nouvelles formes, chaque jour dans chaque partie du monde ».

S’il n’y eut qu’un seul nazisme, il est possible de jouer au fascisme de mille façons. Et c’est à ce travail de reconnaissance que nous invitait ce grand humaniste il y a déjà trente ans. Il fixait ainsi les caractéristiques du fascisme primitif :

– Le culte de la tradition : la vérité a été annoncée une fois pour toutes. On ne peut que continuer à interpréter son obscur message,

– Le refus du modernisme, c’est-à-dire le rejet de l’esprit de 1789, du siècle des Lumières, conçu comme le début de la dépravation,

– La suspicion envers le monde intellectuel,

– Le désaccord présenté comme une trahison,

– L’exacerbation de la peur de la différence,

– L’instrumentalisation des frustrations individuelles et l’appel aux classes moyennes épouvantées par la pression de groupes sociaux inférieurs,

– La nationalité comme privilège de gens à qui on signifie qu’ils sont assiégés,

– La dénonciation d’un complot qui vient de l’intérieur,

– La vie présentée comme une guerre permanente,

– Le culte de l’héroïsme étroitement lié à celui de la mort,

– Puisque la guerre permanente et l’héroïsme sont des jeux difficiles à jouer, le transfert de la volonté depuissance sur les questions sexuelles. Avec à la clé le mépris des femmes et la condamnation des mœurs non conformistes,

– Un leader, interprète du peuple et de la volonté commune, en lieu et place d’un parlement présenté comme corrompu.

Voilà la définition du fascisme.

Que nous manque-t-il pour comprendre ce qui s’installe sous nos yeux, au grand jour ?

Ses nouveaux admirateurs me rétorqueront que ces caractéristiques s’appliquent aussi bien à l’islamisme radical. Oui, l’islamisme radical est un fascisme. Mais on ne combat pas une forme de fascisme par une autre forme de fascisme !

On l’affronte avec les valeurs de ceux qui sont morts pour la France. Morts pour que l’on puisse continuer à vivre ensemble quelles que soient nos convictions religieuses ou civiques, nos origines, ou nos prénoms.

Il n’y a pas plus français que ces prénoms : Missak, Spartaco, Szlama, Celestino… Ils le sont par le sang versé. Ils étaient la France quand le maréchal Pétain collaborait dans la honte, livrait des juifs, hommes, femmes et enfants, français ou étrangers.

Alors je sais que d’autres vont lever les yeux au ciel et, bardés de leur impuissance, me diront : à quoi bon employer les grands mots, ressortir l’affiche rouge et les visages hirsutes du groupe Manouchian ? De toute façon, la dénonciation, ça ne marche plus.

Mais je ne suis pas venu vous parler de dénoncer, mais de combattre !
Et le combat, ça commence par mettre des mots sur des idées, sur des faits, « pour ne pas ajouter aux malheurs du monde » pour reprendre Camus.

Le combat, ça commence par le refus de la banalisation. Le refus de céder à ce que l’on croit être l’esprit du temps. Le refus de débattre poliment des propos d’un raciste récidiviste. Le refus de suivre une pente que l’on croit facile.

Oui, je sonne l’alerte.

Je sonne l’alerte parce que je ne veux pas que les plus jeunes puissent mettre un signe d’équivalence entre ce que nous disons et ce que disent les fascistes. Je ne veux pas que le travail de mémoire, l’éducation des générations après- guerre, tout ce travail pour que le pire ne soit plus notre avenir, soit réduit à néant.

Je sonne l’alerte parce que je vois la droite – canal historique – emboiter le pas de l’extrême droite.

Parce qu’elle est incapable de se distinguer d’Emmanuel Macron qui applique son programme économique et social, elle se lance dans une surenchère folle. Au lieu de bâtir des digues, elle n’ose déjà plus dire comme monsieur Jacob, qu’Éric Zemmour est raciste.

Madame Pécresse veut réviser la Constitution, monsieur Bertrand a pour priorité d’abaisser la majorité pénale, et même le placide monsieur Barnier en vient à contester les institutions européennes et à réclamer un « électrochoc de sécurité ».

Avant, on avait les « chocs », choc de simplification, choc de compétitivité, choc de confiance, etc. Visiblement, c’était trop peu.

Pas plus tard qu’hier, c’est le vice-président des mal nommés Républicains qui évoquait une « épuration ethnique » en cours dans les banlieues !

Voilà, je m’agace et m’indigne de voir cette droite qui se dit républicaine s’oublier par peur d’être siphonnée. Oui, la République est en danger quand ses défenses immunitaires faiblissent par lâcheté ou par calcul.

C’est à ce moment de la discussion que d’autres encore me diront, « tu as raison. L’heure est grave et le péril est grand. Il faut donc se protéger derrière un rempart. Et le seul rempart connu, c’est Emmanuel Macron ».

Mais non !

mmanuel Macron n’est pas un rempart, il est le pont-levis qui s’abaisse, année après année.

Oh ! je ne dis pas qu’il a décidé de faire entrer le loup dans la bergerie. Mais il a décidé depuis l’origine d’utiliser la peur du loup pour mieux maîtriser le troupeau. Au lieu de discuter des propositions alternatives que nous présentions, il a sans cesse cherché à valoriser l’affrontement avec les forces les plus extrêmes pour jouer le rôle du rempart.

Quel rempart contre l’obscurantisme, le nationalisme et le populisme est-il, lui qui a valorisé Bigard, Raoult, Villiers, Zemmour… ?

Tous ont eu droit aux attentions complices du chef de l’État. Mais ce n’est pas avec Bigard que l’on comprend le peuple, avec Raoult que l’on vainc la pandémie, avec Villiers que l’on évoque le destin de la France, et à Éric Zemmour que l’on demande une note sur l’immigration !

Il n’a cessé de donner des gages à la droite de la droite, en restreignant le droit d’asile, en refusant l’Aquarius, en produisant une loi sensée nous protéger du séparatisme, en passant de « la colonisation est un crime contre l’humanité » à un discours sur la « rente victimaire » des ex-colonisés.

La campagne ne fait que commencer et je suis déjà excédé.

Je n’en peux plus de ces débats rances. L’époque mérite tellement mieux que ça. Elle est formidablement enthousiasmante ! En tous cas, elle pourrait, elle devrait l’être.

Nous faisons face à des défis majeurs qui nous imposent de penser le monde qui vient.

Partout en France naissent des initiatives citoyennes, associatives. La solidarité se réinvente dans des tiers lieux. L’économie sociale et solidaire n’est plus regardée avec condescendance. Les nouvelles technologies réinventent nos manières de travailler. Le monde de l’entreprise lui-même s’interroge sur son modèle économique et, même si c’est trop lent, s’interroge sur son empreinte carbone.

L’agro-écologie, c’est-à-dire la conception de nos systèmes de production en s’appuyant sur les fonctionnalités de l’écosystème, gagne du terrain. Le monde de la culture ne s’est jamais autant démocratisé. Le rapport à la nature et au vivant fait évoluer notre conception de l’universel. Les tabous sur les violences sautent. Les victimes sortent du silence. Les femmes revendiquent leur place.

Et le débat politique devrait tourner autour d’un supposé « grand remplacement » des chrétiens par des musulmans fanatiques ? Sur la responsabilité de Vichy, débat déjà tranché par les historiens.

J’ai écouté hier la voix grave de Robert Badinter, s’interrogeant au soir de sa vie. Après avoir évoqué l’arrestation de sa grand-mère en novembre 1942 par la Milice française, il prononce ces mots « Ça me paraissait un orage emporté par les vents de l’Histoire, je n’en suis plus si sûr, aux jeunes générations d’y veiller ».

Nous ne laisserons pas Robert Badinter partir en ayant le sentiment que tout recommence. C’est à nous de veiller, de transmettre, et pour cela d’engager la France sur un projet qui fédère. La société française bouge. Elle veut du mouvement. Elle aspire à la justice.
Elle demande des comptes aux puissants.

Elle demande des comptes, y compris cette semaine à l’Église catholique. Quelques cas de viols sur mineurs, c’est une honte. Des centaines de milliers de cas, couverts par une hiérarchie soucieuse de sa réputation, cela relève du crime organisé. Aucune autorité n’est incontestable. Le silence n’est plus une option.

Oui, la société bouge.

Elle réclame l’égalité, à commencer par l’égalité entre les femmes et les hommes.

À cette génération #MeToo, je dis que nous voulons en finir avec l’omerta qui a trop longtemps couvert les violences faites aux femmes. Nous ferons tomber les tabous qui pèsent sur la prise en charge de leur santé, sur leur parentalité, sur leur sexualité. Parce que oui, le privé est politique.

Nous voulons augmenter le pouvoir d’achat des Français parce qu’il est temps de leur rendre la part qui leur revient. Mais je le dis aussi, nous commencerons par les Françaises, et dans le prochain quinquennat, l’objectif doit être l’égalité salariale entre les femmes et les hommes.

Ce sont ces femmes dont on a loué les vertus de premières de corvée qui en seront les premières bénéficiaires : caissières, femmes de ménage, aides soignantes, infirmières, aides à domicile. Sans oublier ces sages-femmes qui, hier encore, n’ont eu d’autre choix que de manifester pour être payées dignement pour l’exercice de l’un des plus beaux métiers du monde…

Ouvrons les yeux ! Une société qui dévalorise les métiers de l’attention aux autres et qui, « en même temps », tolère l’évasion fiscale, diminue l’imposition des plus riches quand tous les autres s’appauvrissent, est une société en sursis.

Cette semaine, la presse d’investigation a révélé le nouveau scandale des Pandora Papers. Après les « offshore Leaks, Luxleaks, Panama Papers, Paradise Papers »…

Et qu’apprend-t-on le lendemain ? Bruno Le Maire et les ministres des finances de l’Union européenne trouvent le moyen de réduire la liste noire des paradis fiscaux !

C’est la nausée. C’est ce que j’ai dit dans l’hémicycle et que je redis devant vous.

Chaque année, la France et l’Union européenne voient ainsi s’évader 20 % de leurs recettes au titre de l’impôt sur les sociétés. Ce que ne paient pas ces individus ou ces entreprises, ce sont tous les autres qui le paient ! Il est là le vrai ras- le-bol fiscal des Français !

La frontière entre fraude et optimisation fiscale agressive est bien mince. Toutes ces opérations ne sont pas illégales, mais elles sont immorales parce qu’elles laissent à tous les autres le soin de payer la contribution aux biens communs : hôpitaux, écoles, police, services publics…

Quand à la fraude s’ajoutent les cadeaux fiscaux sur l’ISF, la flat tax ou l’exit tax, pour ne citer que les plus célèbres, il y a de quoi bouillir.

Sur ce quinquennat, 220 milliards de cadeaux aux plus riches et d’aides aux plus grandes entreprises sans contreparties.

Les solutions existent. Nous les avons défendues. Elles ont été jusqu’ici systématiquement repoussées par le gouvernement. Nous les défendrons à nouveau dans cette élection présidentielle parce qu’il n’est pas de cohésion sociale sans justice fiscale.

Nous voulons la transition écologique. Cette transition n’est plus seulement un objectif, elle est devenue un impératif. Elle va supposer de changer nos façons de consommer, de nous déplacer, de nous loger.

Mais la transition écologique suppose aussi la justice sociale ! Sans la justice sociale, la transition n’aura pas lieu. Elle sera contestée sur les ronds-points et dans les rues.

Le prix de l’énergie augmente de façon vertigineuse. Cet hiver, il y a des familles qui vont devoir arbitrer entre se chauffer et manger. D’autres devront emprunter, non plus pour investir, mais simplement faire face à ces dépenses de la vie courante.

Le gouvernement a inventé le blocage des prix après la hausse, le parapluie après la pluie. Il concède un chèque de 100 euros quand l’augmentation représente, pour un couple avec deux enfants, 800 euros par an. Et ce chèque n’est accordé qu’aux foyers cumulant un revenu de moins de 1 800 euros par mois…

Trop peu et trop tard ! Par comparaison, le gouvernement espagnol de Pedro Sanchez a baissé de 50 % la TVA sur le gaz et l’électricité !

Les plus précaires dont le gouvernement se soucie si peu, ce sont encore ceux qui vont payer sa réforme de l’assurance chômage. Et parmi eux, d’abord les plus jeunes qui se verront priver de l’accès à l’indemnisation. Qu’il ne vienne pas ensuite nous dire que « 20 ans reste le plus bel âge de la vie ».

L’entrée dans l’âge adulte ne peut pas ressembler à un parcours du combattant, un bizutage cruel qui oblige à passer par les files des soupes populaires. C’est pourquoi nous portons l’idée d’un « minimum jeunesse ».

Ce débat sur l’assurance chômage n’est que la préfiguration d’un autre : qui va payer la facture du « quoi qu’il en coûte » ? Aujourd’hui, ce sont les chômeurs qui paient l’acompte. Demain, les retraités. Et ensuite tous les autres, les classes moyennes, les classes populaires qui règlent pour tous ceux que le gouvernement épargne.Ils sont là les débats de la présidentielle.

La justice, c’est la seule boussole possible. C’est la nôtre. Je pourrais multiplier les exemples hors de l’actualité immédiate, mais ce n’est pas le jour.

Vous l’avez compris, chers camarades, j’ai simplement hâte d’entrer en campagne. Hâte de rendre les coups. Hâte de démonter avec vous tous les discours déclinistes, défaitistes, fatalistes. Hâte de combattre les discours populistes, complotistes, nationalistes. Hâte de faire face aux néolibéraux, globalisés, qui placent l’État au service du capital, détruisent nos biens communs, refusent le partage équitable de la valeur ajoutée et ne respectent ni les hommes ni la nature.

Oui, j’ai hâte de parler aux côtés de notre candidate, ou candidat, de cette République sociale, écologique, féministe, démocratique à laquelle j’aspire. Hâte de dire avec vous toutes et tous, ce que les socialistes portent.

Tenez-vous prêts.
Le 14, tout commence.
Vive les socialistes, vive la gauche, vive la République et vive la France !

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Culture

La série Fondation, d’AppleTV+

Après avoir détruit Star Trek, l’industrie du divertissement se devait de s’attaquer à une autre production culturelle contemporaine de grande importance : le cycle de Fondation d’Asimov.

Salvor Hardin sur Terminus

Foundation est une série télévisée dont les premiers épisodes sont sortis fin septembre 2021 et produite pour AppleTV+. Comme le nom le suggère, il s’agit d’une série de science-fiction inspirée du cycle de Fondation d’Isaac Asimov. Vu l’époque et vu le distributeur, le résultat était bien trop prévisible : c’est une attaque en règle contre l’oeuvre d’Asimov d’elle-même.

Un univers de science-fiction qui appelle à l’unité toujours plus large, à la civilisation ? Inconcevable pour des productions actuelles ; il faut de l’irrationnel, de la survie, du glauque… tout sauf la civilisation, en somme.

Un petit peu de contexte : le cycle de Fondation

A l’origine, le cycle de Fondation est une trilogie publiée pour la première fois dans les années 1950 et écrite par l’américain Isaac Asimov. Trente années plus tard suivent deux livres qui reprennent l’histoire là où elle s’était arrêtée et encore quelques années après deux autres qui se situent avant. Nous nous intéresserons ici principalement à la trilogie originelle.

Dans Fondation, l’humanité s’est répandue à travers toute la galaxie et vit au sein d’un vaste empire galactique. Ce dernier s’imagine éternel et est plus puissant que jamais, alors qu’il n’en est rien : sa chute a déjà commencé et les premiers signaux sont déjà perceptibles.

Cette chute est inéluctable : c’est la conclusion de la psychohistoire, théorie scientifique formalisée par Hari Seldon. Celle-ci permet de prédire l’avenir en quelque sorte : la psychohistoire s’intéresse aux larges ensembles de population, pas aux individus. C’est une allusion à la sociologie et surtout au marxisme.

Hari Seldon et l’ensemble des personnes travaillant de près ou de loin sur ce sujet sont alors bannis de la capitale de l’empire.

Deux Fondations sont créées, une première en périphérie de la galaxie et une seconde à l’autre bout. La première est une colonie scientifique dont le but est de produire une encyclopédie galactique face à la chute de l’empire et à la perte de connaissances qui l’accompagne. Le rôle de la seconde est plus mystérieux.

Le cycle de Fondation relate l’évolution de l’empire, de la première Fondation et dans une moindre mesure et plus tardivement, celle de la seconde.

A présent, retournons à la série.

Une série centrée sur les individus, des livres qui ne le sont pas

Gaal Dornick et Hari Seldon

Ce qui frappe très rapidement dans cette série, c’est l’accent mis sur les individus, leurs particularités, leurs génies, leurs faiblesses… Tout ce qui n’existe pas dans le cycle originel (les trois premiers tomes publiés au début des années 1950).

Cette différence a deux raisons : premièrement, le rejet actuel de l’universalisme et de la science au profit du subjectivisme et de l’irrationnel, secondement, un individualisme déjà présent dans les deux romans décrivant la genèse de Fondation, publiés en 1988 et 1993.

Alors que la trilogie de 1950 est centrée sur la psychohistoire et tout le cheminement amenant à la renaissance d’un nouvel empire galactique, et donc le retour de la civilisation, la série d’Apple TV+ se focalise sur les individus et leurs parcours individuels. C’est ainsi que la série met Hari Seldon sur un piédestal pour mieux le faire tomber : un génie, avec ses faiblesses mais surtout ses défauts.

Car c’est bien d’une attaque en règle contre la psychohistoire dont il s’agit. Dans une époque comme la nôtre, pour qui la science porteuse d’universel et la collectivité sont des horreurs anti-individus, on comprend facilement que l’universalisme de la psychohistoire est au mieux incompréhensible, au pire insupportable.

Cette attaque est malheureusement facilitée par les deux tomes publiés en 1988 et 1993 et qui se situent avant la trilogie. Ceux-ci se focalisent énormément sur Hari Seldon et sa vie et ont une approche très individuelle. La série a donc naturellement profité de cette brèche et l’a agrandie le plus possible afin de démolir le coeur du cycle Fondation.

Des mathématiques mystifiées

Gaal Dornick

Les deux premiers épisodes de la série, sortis le même jour, sont focalisés sur Gaal Dornick, une jeune femme, génie des mathématiques (version Fondation), tout droit sortie d’une planète religieuse et hostile aux sciences. Alors que dans la trilogie, Gaal Dornick est un jeune mathématicien qui arrive sur Trantor après avoir terminé son doctorat.

Cette différence de taille est inévitable lorsque l’on s’imagine les mathématiques comme une sorte de langage pur que seuls quelques élus sont en mesure de réellement comprendre. Et cette approche, systématisée dans les épisodes de la série, permet ainsi de jeter par la fenêtre toute dimension scientifique et de la remplacer par la religion.

Cette vision n’a toutefois rien d’originale : elle n’est qu’une expression plus poussée d’une approche répandue qui considère les mathématiques comme supérieures aux autres sciences, alors qu’en réalité elles leurs sont inférieures puisqu’elles sont un outil. Les mathématiques ne sont qu’une approximation de la réalité, pas l’inverse : le monde n’est pas une approximation de la pureté mathématique !

Gaal Dornick, éminent psychohistorien dans la trilogie, est ainsi transformé en une jeune mystique ayant renié sa religion natale avant de la retrouver une fois arrivée sur Trantor. C’est tout simplement délirant.

En 2021, des personnes ont donc le culot de faire passer la psychohistoire pour une mystique réservée à quelques rares élus, eux-mêmes attirés par la religion. Cependant, on peut comprendre ce choix : la psychohistoire de la trilogie fait beaucoup trop penser au matérialisme historique de Karl Marx, chose inacceptable pour des libéraux aux services de pays où le capitalisme tourne 24 heures sur 24 et emprisonne la vie quotidienne.

Une psychohistoire falsifiée

Salvor Hardin sur Terminus

L’approche mystique des mathématiques dénature totalement la psychohistoire. Et malheureusement la série ne s’arrête pas là dans sa falsification de cette science.

Chez Asimov, l’empire galactique s’écroule sous son propre poids, à cause des multiples contradictions internes qui le rongent. C’est ce qui explique le déclin scientifique, l’instabilité du régime et les complots au palais, etc. Chez Asimov, c’est bien du coeur même de l’empire que part cette chute inexorable. Elle est en quelque sorte programmée depuis des siècles et la trilogie décrit la décadence d’un empire.

Qu’elle a été l’approche de la série ? L’inverse. La chute de l’empire n’apparaît plus tant comme une décadence que comme des faiblesses qui sont davantage exploitées et agrandies. Ceci devient évident lorsqu’un gigantesque attentat suicide a lieu sur Trantor, capitale de l’empire (attentat qui n’existe évidemment pas dans la trilogie). Non seulement le parallèle avec des attentats islamistes comme ceux du 11 septembre est grossier (on n’a vu plus subtil comme parallèle avec le présent dans une série), mais surtout elle va mettre l’accent sur les actes individuels.

La différence entre les deux approches est de taille.

Asimov décrit la décadence d’un empire avec une vue d’ensemble dans laquelle les actes individuels n’ont pas de signification…Tandis que la série décrit l’effritement d’un empire et les actes individuels qui le mènent à sa chute. La première s’intéresse à la vue générale, la seconde aux actes individuels.

La falsification de la psychohistoire se fait donc en deux temps : troquer la science contre la religion, troquer la vue d’ensemble contre les actes individuels. Le coeur de la trilogie est donc piétiné.

On aurait pu espérer aussi que la série fasse preuve d’un minimum de retenue et évite de s’en prendre à la robotique d’Asimov. Cet espoir ne durera pas longtemps.

La première loi de la robotique

Eto Demerzel

Puisqu’elle repose sur l’ensemble du cycle et pas uniquement sur la trilogie originelle, la série a inclus un robot (un personnage important dans l’oeuvre d’Asimov), qui doit par définition obéir aux fameuses trois lois de la robotique, rappelons-les ici :

1. Un robot ne peut porter préjudice à un être humain, ou, par inaction, laisser un être humain subir un préjudice.

2. Un robot doit obéir aux ordres qui lui sont donnés par des êtres humains, sauf dans le cas où de tels ordres entrent en conflit avec la Première Loi.

3. Un robot doit protéger sa propre existence aussi longtemps qu’une telle protection n’entre pas en conflit avec la Première ou la Seconde Loi.

A celles-ci s’est ajoutée plus tard une « loi zéro », qui découle logiquement des autres :

0. Un robot ne peut porter préjudice à l’humanité, ou, par inaction, laisser l’humanité subir un préjudice.

Cette dernière recalibre de fait les autres qui lui sont subordonnées.

Quel est donc le problème dans la série ? Le problème est que les producteurs dénaturent et abusent totalement cette loi zéro pour justifier qu’un robot ordonne l’exécution de plusieurs êtres humains, qu’il laisse faire des pendaisons et le bombardement de toute une planète. Alors que rien, absolument rien ne justifie cela. Si ce n’est le plaisir de transgresser et de détruire l’oeuvre d’Asimov dans ce qu’elle a de progressiste, et de racoler en mode « fantasy » tel Dune.

L’attaque est d’autant plus vile qu’Asimov a posé ces trois lois afin de proposer enfin une vision positive des robots, et en définitive très réaliste. Seulement ces lois sont trop parfaites pour une production culturelle contemporaine, ou plus exactement : elles sont trop socialistes.

Il y a la même chose avec le film I-Robot de 2004, tiré d’oeuvres d’Asimov, où l’esprit collectif organisé est présenté comme… l’ennemi des individualités humaines, ce qui revient à inverser la philosophie d’origine.

Fondation dans la forme, Star wars dans le fond

Salvor Hardin sur Terminus

Tout le cynisme, le refus de l’universalisme et le mysticisme de la série ne tombent pas du ciel : on ne répétera jamais assez le rôle néfaste de Star wars sur les productions culturelles de ces dernières décennies.

Il y a une frontière très nette qui existe et qu’il faut assumer entre la science-fiction / anticipation, pro-technologie et de gauche, à l’esprit collectiviste, comme la série originelle de Star Trek et la « fantasy » individualiste avec son mysticisme et son « héroïsme » aristocratique, dont Star Wars est un exemple connu.

Star wars est ainsi non seulement présent dans la trame de fond de Fondation, mais également dans la forme et les décors, au point qu’au quatrième épisode, il n’y a plus de rapport avec ce qui est le principe de Fondation d’Asimov. C’est devenu le Far West spatial, mais sans la quête et les normes qu’on trouvait dans la première saison de la série The Mandalorian.

La planète Terminus de la série Fondation est ainsi présentée à la manière d’un vulgaire « spatio-port » de Star wars : une sorte de Far West sur une planète abandonnée. Le futur, c’est le chaos individuel avec les figures récurrentes des aventuriers commerçants et des gens armés en décalage tous deux avec une population faisant on ne sait trop quoi ni trop comment.

Terminus

Il y a la même insistance sur le fait que les planètes et leurs habitants ont des cultures distinctes, radicalement différentes, avec même une manière de compter qui serait totalement différente.

On retrouve bien là la vision propre à Star wars d’une galaxie composée d’innombrables planètes constituées de peuples si différents les uns des autres et qui doivent le rester, chacun dans son coin : vive la libre entreprise, à bas le socialisme !

Mais ceci n’est que peu à côté du moment où Gaal Dornick annonce que la mission de la Fondation est de faire le tri dans la civilisation et dans les connaissances : il faudra choisir ce qui devra être conservé et ce qui sera oublié. Rappelons que dans la trilogie, le but initial de la Fondation est de cataloguer, répertorier et conserver l’ensemble des connaissances humaines dans une encyclopédie galactique.

Là encore, la série a préféré réinterpréter la trilogie dans une optique post-moderne : celle du « choix ».

Ce qui est cohérent, et il faudra l’être en retour : dès le socialisme instauré en France, il faudra une série Fondation à la hauteur – à condition que le format série soit en définitive correcte, ce qui n’est sans doute pas le cas. Il faudra des films, des fresques, permettant une synthèse, loin de la surconsommation superficielle comme aujourd’hui.

Et on pourra réaliser des œuvres parallèles à l’esprit de Fondation pour décrire comment le capitalisme décadent s’est effondré.

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Culture

Le film Dune, de Denis Villeneuve

Le film est désincarné et correspond à des critères commerciaux sans prise de risque.

Le film Dune, réalisé par le canadien Denis Villeneuve est récemment sorti au cinéma en France, rencontrant un important succès critique et réalisant plus de deux millions d’entrées.

Il s’agit du premier volet d’une adaptation du roman de Frank Herbert publié en 1965, qui comprendra des suites pour former le cycle de Dune. 

On y suit principalement Paul, fils du duc de la Maison Atréides qui se voit confier la gestion de la planète Dune, une planète désertique où est récoltée une Épice précieuse, essentielle notamment au déplacement dans la galaxie en plus d’être une drogue aux multiples vertus. 

Le contenu de ces deux sagas est en revanche totalement opposé.

Les premiers tomes de la trilogie originelle de Fondation dépeignent avant tout l’évolution déterministe d’une société , s’arrachant à l’histoire individuelle, avec des concepts passionnant comme celui de la psychohistoire.

Dune est une oeuvre ayant créé de son côté une vaste mythologie assez délirante, allant puiser de nombreux thèmes dans l’antiquité et la féodalité pour une dimension aristocratique, la religion notamment musulmane, ou encore le transhumanisme, avec une forte composante conspirationniste (l’ordre des Bene Gesserit) et dont le moteur de l’histoire se base sur un individu doté de don particulier, un messie.

On y trouve également l’influence des drogues et d’une vision les considérant comme permettant de s’ouvrir l’esprit, de faire fonctionner son imagination et de voir des choses impossibles sans. L’auteur Franck Herbert était lui même consommateur de champignons hallucinogènes.

Outre la réputation de l’oeuvre littéraire il y a également un culte autour de ses adaptations cinématographiques. 

A la fin des années 1970 c’est le très psychédélique réalisateur et scénariste de bande dessinée Alejandro Jodorowsky qui travaille sur le projet avec des grands noms comme H. G. Giger, Mick Jagger, Orson Welles, Salvador Dali ou encore Moebius. Malgré son abandon par le studio il existe encore une vraie fascination parmi les fans de Dune de ce qu’aurait pu être ce film (un  documentaire est sorti à ce sujet il y a quelques années). 

Quelques années plus tard, en 1984, une adaptation finit par sortir, celle de David Lynch, très critiquée à sa sortie pour son aspect kitsch, trop sec et pas assez fidèle pour les fans du roman, mais qui jouit malgré tout d’une petite aura culte encore aujourd’hui.

Presque 40 ans plus tard Dune a donc le droit à un nouveau film, par Denis Villeneuve, où il pousse encore plus loin son style déjà présent dans Blade Runner 2049. 

Il y livre un film en efet totalement désincarné, dénué de toute substance, de toute profondeur, de vie.

Cela pourrait en partie coller pour une oeuvre comme Dune, se déroulant sur une planète désertique. 

Mais l’intérêt devait justement venir du contraste, de la contradiction avec ce qu’il reste de la vie, qui tente de reprendre le dessus. 

Et de contraste le film en manque à tous les niveaux, que ce soit au niveau du rythme, d’une triste monotonie en l’absence de toute dynamique, d’un rendu visuel avec une photographie très terne, quasiment monochrome, l’ensemble rappelant une esthétique publicitaire type parfumerie, ou même au niveau de la mise en scène qui applique les mêmes effets à toutes les scènes, rendant l’ensemble très plat, sans relief.

Et Denis Villeneuve semble même oublier en quoi consiste une adaptation cinématographique d’une oeuvre littéraire. Il livre une adaptation totalement terre à terre, n’apportant rien de ce que permet le medium cinéma.

Là où le roman accorde une place importante aux pensées de quelques personnages principaux, le film perd une grosse partie de la profondeur des personnages, qui n’est jamais contrebalancé par quoi que ce soit. 

Car si le film, qui dure 2h30, prend son temps, il le prend simplement pour mettre en avant son esthétique épurée et vide, où il n’y a souvent pas de décor derrière les personnages, ou pour des ralentis stylisés qui n’apportent rien à la narration.

C’est donc un film lisse, une coquille vide bien triste et ainsi assez opposé à l’adaptation baroque de David Lynch, critiquable sur bien des points mais qui avait le mérite de tenter des choses, de prendre des risques et d’insuffler un peu de poésie à cet univers pour peu que l’on passe certains aspects qui faisaient déjà fauchés à l’époque alors que le budget de 45 millions de dollars était loin d’être négligeable alors. 

Les deux films s’opposent également au niveau de leur partition musicale. Le film de Denis Villeneuve est accompagné de la musique de Hans Zimmer, un compositeur qui a révolutionné la manière de faire de la musique de film, notamment par sa société Remote Control où les musiques de film sont souvent écrites très rapidement, à plusieurs compositeurs, qui remâchent leur propre production, donnant l’impression d’entendre toujours la même chose, pas aidé par la grande pauvreté d’orchestration. 

La musique n’est souvent plus alors une œuvre musicale qui fait corps avec la film, se servant mutuellement pour construire une ambiance et faire avancer le récit, elle n’est plus là que comme effet sonore, bruit de fond. Hollywood ayant peur que le spectateur s’ennuie il faut toujours remplir chaque scène. 

Ce principe est assez bien illustré par le Dune de Denis Villeneuve où la musique est omniprésente, dans une sorte de mélange entre musique drone et world music où la seule fois où on peut apprécier son silence, c’est lors d’une scène d’action. 

On est loin du score du Dune de Lynch, composé par le groupe Toto avec la participation de Brian Eno, avec ses thèmes servant la narration et la poésie du film. Et qui complète le très bon travail sur les effets sonores.

Là où le film de Denis Villeneuve est important, c’est qu’il s’agit d’une adaptation d’une franchise très populaire et attendue, par un réalisateur qui a depuis quelques films un nom connu et réputé. 

Et pourtant Legendary Pictures, le studio qui produit le film, n’a donné son accord que pour une première partie de l’adaptation, la seconde dépend de son succès. Alors que la logique aurait voulu que les deux parties soient préparés et tournés comme un tout, comme l’a par exemple été la trilogie du Seigneur des anneaux de Peter Jackson. 

La frilosité, la peur de tout risque financier, se retrouve ainsi à tous les niveaux… Avec une production qui n’ose plus se lancer dans la nouveauté, mais recycle à l’infini les mêmes franchises… Avec une mise en scène où même un cinéaste réputé comme Denis Villeneuve livre un film terriblement fade où rien ne dépasse, avec ce qu’il faut de scènes spectaculaires et faciles. 

Et jusque dans la musique, la “méthode Zimmer” ayant été assez largement adoptée dans les blockbusters hollywoodiens. 

 Mais au delà de l’aspect financier et profit que les studios peuvent tirer de tel ou tel films, c’est aussi le symbole d’un terrible manque de créativité. 

Même en prenant une oeuvre aussi baroque que Dune, Denis Villeneuve livre un film totalement formaliste, voir formaté pour être décliné en d’autres produits (une série étant déjà dans les cartons si cela fonctionne). 

De la même manière qu’en 2017 il avait repris Blade Runner en dévitalisant totalement l’univers dans l’insipide Blade Runner 2049.

Mais il n’est pas le seul et s’inscrit dans le sillage d’autres réalisateurs de films à gros budgets froids et désincarnés dont Christopher Nolan est probablement le plus grand représentant. 

Cette absence, ce refus voir cette incompréhension est justement révélatrice de notre époque et c’est d’un cinéma qui assume la chaleur des sentiments, dans toute leur richesse et complexité, dont nous avons besoin… Ce qui exige un esprit de rupture avec le capitalisme, et de vraies valeurs, comme historiquement le cycle de Fondation d’Asimov en a porté.

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Guerre

Le général Burkhard fait assumer à la France la « guerre hybride »

Le saut qualitatif est désormais ouvertement assumé.

Le général Burkhard, chef d’état-major des armées depuis moins de cent jours, a exprimé lors d’un point presse la nouvelle stratégie française, qui est d’assumer la guerre « moderne » aujourd’hui qualifié d’hybride pour dire qu’en fait, tout comme juste avant 1914, elle concerne tous les domaines.

Le point presse avait comme prétexte l’audition du général le 6 octobre 2021 par la commission de la défense de l’Assemblée nationale dans le cadre du projet de loi de finances 2022. Naturellement, tout ce qu’a dit le général est passé par le filtre d’une presse totalement acquise aux intérêts agressifs de la France et qui, par conséquent, présentent les choses de manière lisse.

Citons ici Le Figaro :

« Le cycle «paix-crise-guerre» n’est plus opérant, expliquait le général la semaine dernière en recevant quelques journalistes. 

«Il n’y a plus de phases de paix, mais des phases de compétition», auxquelles succèdent des moments «de contestation», caractérisés par la politique du fait accompli.

Il s’agit de «la guerre juste avant la guerre», comme l’annexion de la Crimée par la Russie. Parfois, la contestation peut dériver en «affrontement» militaire qui peut aussi opposer des puissances majeures, complétait Thierry Burkhard.

Mais la plupart du temps, tout se jouera avant. «De grands compétiteurs cherchent à imposer leur volonté durant les phases de compétition», poursuivait-il, en pensant au minimum à la Russie ou à la Chine.

Celles-ci se déroulent sur tous les terrains possibles : militaire, diplomatique, informationnel, spatial, économique, juridique… Les domaines de lutte semblent voués à s’étendre indéfiniment. »

Citons ici Le Monde :

« Alors que la course aux armements ne cesse de s’exacerber partout dans le monde et que les conflits hybrides se multiplient, la formule du nouveau CEMA reflète la volonté d’avancer sur des domaines jusque-là assez marginaux ou peu assumés au sein des armées : notamment l’influence et la lutte informationnelle (lutte informatique d’influence, ou LII).

Des champs d’action sur lesquels la Russie, la Turquie ou encore la Chine sont depuis longtemps positionnées, mais où le général Burkhard souhaite désormais engager la France de façon plus décomplexée, tout en défendant son statut de « puissance d’équilibre ».« 

C’est tout à fait en phase avec les multiples productions visant nommément la Chine et la Turquie ces tous derniers temps (comme le rapport de Sénat sur l’université, l’étude militaire française de 600 pages qui appelle à renverser le gouvernement chinois). C’est la grande hypocrisie : comme la France serait en retard dans la compétition, il faut d’autant plus aller de l’avant. Ce faisant, le fait qu’il y ait une compétition est acceptée.

C’est exactement la même démarche en 1914 : la France ne serait pas belliciste, ce serait uniquement les empires, seulement allemand et austro-hongrois bien sûr car l’empire russe était alors un allié. Et là cela recommence avec le même discours : on ne veut pas, mais on est obligé, on ne peut pas faire autrement, etc.

Et le général Burkhard est ici très clair, puisqu’il assume de parler de conflit de « haute intensité » et parle ouvertement de recruter largement pour l’armée dans dix ou vingt ans. Pour faire une guerre en effet, il faut des soldats et ce n’est pas avec la jeunesse française du début du 21e siècle que c’est possible… Il faudra donc brutaliser la société, la militariser, pour disposer de troupes fraîches.

D’où le terme de hybride, qui veut tout et rien dire, permettant de dire que la guerre est partout et qu’il faut donc militariser.

La France assume, en cette rentrée 2021, comme avec l’alliance avec la Grèce venant d’être signé, de rentrer entièrement sur la grande scène de la bataille pour le repartage du monde.

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Guerre

Un rapport de Sénat sur l’université dénonce la Chine et la Turquie

Le document reprend mot pour mot les accusations du rapport de l’Institut de Recherche Stratégique de l’École Militaire.

C’est un rapport universitaire de plus de 240 pages, intitulé « Rapport d’information fait au nom de la mission d’information sur les influences étatiques extra-européennes dans le monde universitaire et académique français et leurs incidences ». Il vient de paraître et reprend mot pour mot les concepts du document « Les opérations d’influence chinoises » de  l’Institut de Recherche Stratégique de l’École Militaire de l’armée française. Il est absolument évident que ces documents ont été écrit de concert. Le parallélisme va jusqu’aux exemples d’opposition aux influences et ingérences.

Le rapport du Sénat ne s’en cache pas il est vrai dans la mesure où les auteurs du rapport militaire ont même été auditionnés et il est souligné comme référence. Et c’est là ce qui est le plus grave : le rapport du Sénat est clairement un outil de dénonciation de la Chine et de la Turquie.

Ce qu’il appelle à faire est dans la même logique. Il faut former les esprits à la menace, procéder à une « sensibilisation de l’ensemble de la communauté académique sur les risques liés aux influences extra-européennes ».

Cela veut tout simplement dire commencer dans toute l’université et le monde de la recherche une intense propagande militariste pour renforcer l’idéologie de la compétition pour le repartage du monde.

Et que faut-il attendre de l’université et du monde de la recherche ? Strictement rien en ce qui concerne une opposition anti-guerre. Les milieux universitaires et académiques se présentent très souvent comme étant de gauche, mais en réalité ce sont les parasites de l’État et ils appellent à un État social afin de continuer à en profiter. Leur raisonnement est corporatif et ces milieux sont totalement coupés tant des gens « normaux » que du mouvement ouvrier.

Il ne faut rien attendre non plus des différents courants « rebelles » para-universitaires (tels la mouvance du site Lundi.am, la Jeune Garde, etc.), parce que dès que les choses vont se tendre, ces gens disparaîtront dans la nature, se repliant sur leur vie privée, profitant d’une certaine aisance.

Il est absolument clair, pour une raison de classe sociale, que les gens qui délirent en mode migrants – LGBT – transexuels – décolonisation et autres lubies ne feront jamais face à la question de la guerre – parce qu’ils sont entièrement intégrés dans la démarche libérale du capitalisme.

Il y a ici en fait une inévitable cassure entre le monde intellectuel et le monde du travail, et cela ne peut bien entendu ressortir en bien que si le monde du travail assume les questions intellectuelles, les arrache aux milieux universitaires et académiques, ou du moins fait plier ses rares éléments les plus avancés.

Mais en dehors de toute fiction, il faut s’attendre à un tournant pratiquement impérialiste des milieux universitaires et académiques, parce que l’État va leur imposer ce mode de raisonnement et eux, en tant que parasites, vont totalement se plier aux injonctions, parce qu’ils ne savent pas faire autre chose.

Cela va changer beaucoup de chose, parce que cela va être un vecteur de ligne « impérialiste » et cela aura beaucoup d’écho. En même temps, cela rendra les choses très claires et à l’avenir une véritable ligne de classe se produira dans l’université, alors qu’elle a disparu depuis plus de cinquante ans.

Cela montre, en tout cas, à qui en doutait, que l’État français est moderne et efficace quand il s’agit de prendre l’initiative et d’aller de l’avant dans la compétition mondiale ; il sait se réorganiser, profiter de l’ensemble de ses structures. Toute naïveté en ce domaine est suicidaire.

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Guerre

La France se lance dans le conflit gréco-turc

La France est alliée à la Grèce pour le prochain conflit maritime.

C’est une situation qui est à la fois nouvelle et dans le prolongement de ce qui s’est déroulé ces derniers mois. La Grèce s’arme, la Turquie s’arme, et la France fournit les armes à la Grèce, en se posant également comme allié. Cela a pris un tournant officiel, bien que non public, à la fin du mois de septembre avec la visite en France des plus hautes représentants officiels grecs (le premier ministre accompagné des ministres de la Défense et des Affaires étrangères).

Si des armes ont été achetées à cette occasion – des frégates et des avions de chasse – il y a surtout un partenariat stratégique qui a été signé et dont le document n’est pas rendu public, ce qui a justement été dénoncé par le PCF(mlm) comme un pacte secret (Pacte militaire secret franco-grec : préparez-vous au grand défi de la guerre franco-turque!).

C’est que l’article 2 du partenariat stratégique dit que si l’un des pays est attaqué, l’autre le soutiendra y compris de manière militaire. Comme en théorie c’est déjà le cas normalement puisqu’il y a des accords entre les pays de l’Union européenne, entre les pays de l’OTAN, c’est qu’on parle ici d’une alliance pour la prochaine guerre maritime.

Il ne faut pas, en effet, s’imaginer que l’armée turque va envoyer ses tanks en Grèce ou inversement. C’est bien entendu possible, mais un regard sur la carte montre aisément que là n’est pas le centre du problème.

Car, si l’on regarde bien, on peut s’apercevoir qu’il y a de nombreuses îles grecques qui sont très proches de la Turquie. Il y a donc d’incessants conflits territoriaux. On a frôlé l’affrontement militaire en 1987 et en 1996 déjà.

Source Wikipédia

Un autre problème qui s’ajoute est Chypre, que la Turquie occupe en partie, que la Grèce considère comme lui revenant de droit, avec pareillement autant de contentieux pour les frontières maritimes

En bleu : zone revendiquée par la Grèce et Chypre
En rouge : zone revendiquée par la Turquie

Voici comment le quotidien Le Monde présente cette question en 2020 :

« Premièrement, celle de « mer territoriale ». Depuis 1982, la largeur des eaux territoriales peut atteindre 12 milles depuis les côtes (environ 22,2 km) et l’État y dispose des mêmes droits que sur son territoire terrestre.

Dans le cas de la Turquie et de la Grèce, la limite est fixée à 6 milles depuis 1936. Si la Grèce décidait d’étendre sa mer territoriale à 12 milles, comme elle l’a laissé entendre ces dernières semaines et comme le droit l’y autorise, les Turcs ne pourraient plus traverser la mer Égée sans passer par les eaux grecques, tant les îles sont nombreuses.

Ce serait « un motif de guerre », a prévenu la Turquie début septembre.

La seconde notion d’importance est celle de zone économique exclusive (ZEE), instaurée par la convention dite de Montego Bay de 1982. D’une largeur maximale de 200 milles (environ 370 km), la ZEE assure à l’État côtier un droit exclusif à l’exploration, à l’exploitation et à la gestion des ressources de la zone. Dit autrement : tout ce qui est découvert dans la ZEE d’un pays lui appartient.

Si un État démontre que son territoire terrestre se prolonge sur le fond des océans au-delà des 200 milles de la ZEE, il peut également demander à étendre ce qu’on appelle son « plateau continental » jusqu’à 350 milles (650 km) et en exploiter ainsi le sol et le sous-sol. »

Cette présentation tout à fait neutre est exemplaire de toute une éducation faite en France à ce sujet, parce que la France, puissance de seconde zone par rapport à la superpuissance américaine et son challenger chinois, vise d’autant plus la Turquie qui est à sa portée et qui plus est dans une zone méditerranéenne toujours considérée comme essentielle.

Tout est fait pour pousser l’opinion publique dans le sens d’une position « naturelle » de la France en Méditerranée, avec une hégémonie qui en découlerait – il suffit de penser à comment la France s’arroge perpétuellement un droit de regard très prononcé sur le Liban.

Et là, avec une alliance officielle de la France avec la Grèce – officielle, mais en même temps « secrète » – on est dans la préparation du conflit, en posant les bases pour celui-ci. Et cela dans l’indifférence complète de l’opinion publique, dépolitisée, prisonnière de la consommation ininterrompue et sans esprit du capitalisme.

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Taiwan : provocations aériennes chinoises début octobre 2021

La pression monte sur l’île.

Il y a peu de sens à dire qu’il y a des provocations chinoises contre Taiwan, car Taiwan est chinoise, le pays étant fondé de manière artificielle par la faction pro-américaine de la guerre civile. Taiwan développe depuis un discours de plus en plus tourné vers une réécriture de l’Histoire, comme il y a peu en arguant que des traditions des habitants viendraient des Philippines. Tout est fait pour se séparer de la Chine et d’ailleurs la superpuissance américaine vise clairement la partition de la Chine en de multiples entités (d’où le soutien aux Ouïghours, qui ne forment pas la majorité des musulmans chinois par ailleurs).

Inversement, la Chine continentale, désormais capitaliste avec un Etat ultra-centralisé, compte bien engloutir Taiwan pour démontrer qu’elle va devenir une superpuissance et que toute la zone pacifique doit être sous son hégémonie. Pour cette raison, des avions militaires de la Chine continentale pénètrent régulièrement l’espace aérien de Taiwan, en toute illégalité.

L’année 2020 avait déjà établi un record en ce sens, avec 380 intrusions. Mais là, début octobre 2021, on en est déjà à quasi 500, avec notamment 38 le premier octobre (anniversaire de la fondation de la République Populaire de Chine), dont un bombardier H-6 à capacité nucléaire, puis 39 le 2 octobre, puis 13 le 3 octobre.

Les intrusions du premier octobre ont également été marquées par une avancée plus poussée, marquant le début d’un encerclement symbolique de l’île.

La question n’est, à vrai dire, pas de savoir si la Chine continentale va chercher à occuper Taiwan, mais quand. La Chine veut devenir une superpuissance et pour avancer à marche forcée, le nationalisme agressif est un aspect essentiel du dispositif idéologique. La prise de Taiwan symboliserait, cela est vrai, l’unité nationale chinoise retrouvée. Mais ce n’est qu’apparence : cela refléterait surtout que la Chine va dans le sens d’une prise de contrôle de la zone indo-pacifique.

Il y a d’ailleurs en ce moment une remontée en force de la présence de troupes chinoises à la frontière indienne, et l’Inde réinstalle des troupes également, alors que les troubles jusqu’aux affrontements ont été une constante ces derniers temps. La présence chinoise en Afghanistan semble également se renforcer toujours davantage, l’Etat chinois attendant le moment propice pour officialiser son importance là-bas.

On peut noter aussi que les Etats-Unis ont lancé une grande campagne ces dernières semaines pour mettre la Chine sous pression. Les médias américains ont développé l’argumentaire que la Chine allait s’effondrer en raison du manque de natalité, faisant que la population va devenir vieillissante, que technologiquement le pays est en retard, etc.

La superpuissance américaine et son challenger chinois sont en pratique sur un ring et se dévisagent, s’invectivant pour influencer l’autre et le pousser à la faute. L’idée américaine est de faire en sorte que la Chine se précipite, elle qui cherche inversement à gagner le plus de temps possible.

Les commentateurs sont d’ailleurs unanimes ici pour souligner que Joe Biden agit directement dans le prolongement de Donald Trump. C’est que telle est la constante de l’hégémonisme américain.

Taiwan va devenir les prochaines années, les prochains mois même, un abcès de fixation : la Chine continentale y voit un tremplin pour son hégémonie régionale, la superpuissance américaine une sorte de forteresse faisant barrage à son challenger.

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Manœuvres militaires iraniennes à la frontière avec l’Azerbaïdjan

L’Iran fait directement face à l’Azerbaïdjan, le Pakistan et la Turquie.

C’est un nouveau front qui s’ouvre, et qui vient s’ajouter au conflit Russie/Ukraine et à la zone de conflit indo-pacifique. Les pays les plus directement concernés sont l’Iran, l’Azerbaïdjan, la Turquie et le Pakistan, mais en fait tout le Caucase est impliqué, ainsi que la Russie.

Comme on le sait, l’Azerbaïdjan a récupéré le Nagorny-Karabakh, dans le cadre d’une guerre rapide ayant affaibli une Arménie déjà dans une situation particulièrement tourmentée. Or, à cette occasion, le président turc Recep Tayyip Erdogan est venu à Bakou pour le défilé militaire célébrant la victoire, le 10 décembre 2020.

Il a, à cette occasion, récité un poème célébrant le panturquisme – contenant des vers exprimant le regret que le peuple azéri soit coupé en deux. L’auteur est le célèbre poète Bahtiyar Vahabzade (1925-2009), bien que cela ne soit pas certain.

Il faut comprendre ici cet aspect de l’Orient compliqué. Les Azéris sont de culture turque, au point que la Turquie souligne le mot d’ordre Iki devlet, Tek millet, c’est-à-dire deux Etats, une nation. Mais l’Azerbaïdjan est un pays en grande partie musulman chiite, comme l’Iran, et non pas comme la Turquie. Par contre, c’est un Etat très tourné vers la laïcité, comme la Turquie avant ces dernières décennies. Il suffit de voir la candidate de l’Azerbaïdjan à l’Eurovision 2020 pour comprendre que l’Islam n’a pas un poids majeur dans les mœurs.

Et, pour compliquer le panorama, il y a davantage d’Azéris en Iran qu’en Azerbaïdjan. La plus grande erreur qu’on puisse faire sur l’Iran est de l’assimiler d’ailleurs aux Perses (une erreur qu’avait fait le Shah d’Iran par ailleurs). Pour encore plus compliquer les choses, il y a d’ailleurs en Iran une Azerbaïdjan occidentale, mais elle est peuplée surtout… de Kurdes.

L’Iran, historiquement, est très ennuyée par les possibilités de troubles que l’Azerbaïdjan pourrait fomenter, même si elle se sent proche de l’Azerbaïdjan chiite, surtout face à la Turquie. Mais en août 2021 des camionneurs iraniens ont été maltraités par des militaires d’Azerbaïdjan alors qu’ils se rendaient Arménie. L’Azerbaïdjan compte en fait faire cesser le passage clandestin de camions vers l’Arménie et la Russie.

Et, surtout, il vient d’y avoir des manœuvres militaires communes de l’Azerbaïdjan, de la Turquie et du Pakistan, trois pays frontaliers de l’Iran. Elles ont été même nommées « les trois frères ».

Pire encore, la veille du début des manœuvre, le quotidien Yeni Safak qui exprime le point de vue du gouvernement a interviewé un membre du parlement d’Azerbaïdjan qui a sobrement expliqué… que bientôt l’Iran n’existerait plus !

L’Iran a donc subitement activé elle-même des manœuvres, le premier octobre 2021, à la frontière avec l’Azerbaïdjan. C’est la première fois qu’une telle chose est réalisée depuis la fin de l’URSS.

C’est que l’Iran a compris qu’elle risquait d’être prise à la gorge, d’autant plus que l’Azerbaïdjan a de très bons rapports avec l’État israélien qui fait tout pour faire tomber le régime iranien, jusqu’aux opérations de sabotage. L’État israélien vise notamment des navires, ainsi que du personnel technique contribuant au projet nucléaire iranien.

L’Iran considère d’ailleurs même que l’Azerbaïdjan converge avec l’État israélien dans son opération de déstabilisation. Et conformément à une démarche amenant la confusion entre antisionisme et antisémitisme ou antijudaïsme, les manœuvres, d’ampleur significative (tanks, hélicoptères, drones, etc.), s’appellent Fatehan-e Khaybar, les conquérants de Khaybar.

C’est le nom d’une zone de population juive pillée et soumise par Mahomet à la suite d’une bataille, marquant l’instauration d’un statut de « dhimmi ».

C’est assez exemplaire de la fuite identitaire dans la zone. La Turquie se veut l’héritière de l’empire ottoman, l’Azerbaïdjan nie sa fraternité historique avec l’Arménie, le Pakistan s’invente une origine turque pour justifier sa séparation de l’Inde.

Toutes ces petites puissantes délirent d’autant plus qu’elles deviennent expansionnistes, et leur militarisme converge avec les grandes puissances en compétition pour le repartage du monde.

On notera d’ailleurs, pour encore plus compliquer les choses, que l’Iran est allié à la Russie et que, pourtant, le président turc Recep Tayyip Erdogan vient de se rendre en Russie, avec à la clef l’annonce d’une possible coopération militaire pour la construction de navires, de sous-marins, d’avions de combat. Cela, alors que la Turquie est membre de l’OTAN et un soutien de l’Ukraine…

On l’aura compris : cela part dans tous les sens, comme avant 1914. Il n’y a pas de cohérence, juste une fuite en avant, une compétition, une pression militariste… C’est l’escalade.

D’ailleurs le 30 août 2021, pour la fête nationale turque (marquant la victoire sur l’offensive grecque), le président turc Recep Tayyip Erdogan a posé la première pierre du futur « pentagone » turc…

Il n’aura pas la forme d’un pentagone, mais d’un croissant islamique ; la surface totale sera de 12,6 millions de m², avec 900 000 de surface pour les bâtiments (soit un tiers de plus que le Pentagone américain).

La tendance à la guerre est très claire et c’est le principal aspect de l’évolution du monde.