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Écologie

« Je ne suis pas contre la viande mais contre l’exploitation animale »

Des propos à la cohérence relative reflétant un carriérisme qui lui n’est pas relatif, de la part d’une chef cuisinière.

Claire Vallée est chef cuisinière du restaurant ONA (pour « Origine non animale ») à Arès, en Gironde ; elle a reçu en 2021 la première étoile Michelin accordée en France à un restaurant végan. Sachant que la question du véganisme est absolument démocratique, il est intéressant de voir ce qu’il faut penser de cette « réussite ».

En effet, y a-t-il encore un espace pour les avancées démocratiques dans le capitalisme? Ou bien tout est-il irrémédiablement décadent, c’est-à-dire non pas simplement récupéré, mais déformé, uniquement présent sous une forme corrompue?

Claire Vallée a accordé une interview au Figaro le 16 avril 2021, voici quelques citations qui permettront de cerner la question au moins en ce qui la concerne.

« Je ne suis pas contre la viande mais contre l’exploitation animale. Sans convertir tout le monde au véganisme, je pense qu’on peut offrir des alternatives intelligentes avec des saveurs et des ingrédients venant de producteurs locaux. »

« Aujourd’hui je ne suis pas une ayatollah du véganisme. Je l’ai été, mais maintenant il peut m’arriver de consommer du poisson dans un cadre professionnel, par exemple lorsque je mange chez un confrère étoilé. Mon combat est contre les lobbyistes et pour les petits producteurs. »

« Je vous l’ai déjà dit, je ne suis pas sectaire. J’ai des chasseurs, des bouchers qui viennent dîner chez moi et ressortent parfois en pleurant, car ils ont eu énormément d’émotions, avec des goûts qu’ils n’avaient connus auparavant. »

Chacune de ces phrases vaudrait une dissertation de philosophie. Contentons-nous de constater que cette personne se voudrait un caractère, mais qu’elle n’est qu’un type. D’aucuns diraient une caricature, mais ce serait passer à côté de l’essence de la question, qui est celle de la personnalisation, du carriérisme, de l’opportunisme, du libéralisme.

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Guerre

L’Ukraine pense à l’arme atomique, la Russie a 110 000 soldats et 1300 tanks à la frontière…

On entre dans la dernière phase de la préparation, d’ici une semaine les dés seront lancés.

L’Agence de presse RIA Novosti, sous la tutelle du ministère de la presse et de l’information de Russie, a publié le 15 avril 2021 un article halluciné. Car s’il a une part de vérité au sujet du triste jeu de la superpuissance américaine, il propose une vision du monde ouvertement guerrière, avec l’alliance sino-russe contre les États-Unis.

Il est ainsi expliqué dans « L’Ukraine et Taïwan retourneront inévitablement à leurs ports d’attaches » que l’Ukraine et Taïwan sont des jouets pour les « atlantistes » afin de contrer les « Etats-civilisations ». Leur réalité est entièrement fictive, artificielle (ce qui est vrai pour Taïwan, mais totalement délirant pour l’Ukraine) et doit ainsi disparaître.

« La position de l’Ukraine et de Taïwan par rapport aux civilisations dont ils se sont séparés est en effet très similaire – malgré le fait que l’Ukraine est un État reconnu par tous, et que Taïwan est reconnu par presque le monde entier comme faisant partie de la Chine, bien qu’autonome. 

Mais tant Taïwan que l’Ukraine comprennent la nature farfelue de leur «indépendance» – et ne voient aucune garantie de sa préservation à long terme, sauf grâce au soutien des États-Unis. C’est-à-dire qu’ils s’offrent eux-mêmes comme un outil dans la lutte géopolitique, ce qui ne fait qu’augmenter le rejet de leur politique (et ainsi de leur existence) de la part des pouvoirs dont ils se sont séparés.

Bien que la Chine considère officiellement la réunification avec Taïwan comme l’un de ses principaux objectifs, et que la Russie ne se fixe pas formellement une telle tâche par rapport à l’ensemble de l’Ukraine (se limitant au postulat du rétablissement inévitable de l’amitié entre deux peuples frères, pratiquement un seul peuple comme le rappelle constamment Vladimir Poutine), il est compréhensible que les intérêts géopolitiques, nationaux et civilisationnels de la Chine et de la Russie ne laissent pas d’autre chemin que la réunification avec les provinces séparatistes (…).

La Russie ne va pas conquérir l’Ukraine – elle affaiblira l’influence de l’Occident sur elle, surveillera la dégradation de l’élite ukrainienne, travaillera pour sa réintégration, en attendant que le peuple ukrainien se réveille de la tracas des parasites et des intérimaires [au pouvoir]. Dans le même temps, la Russie empêchera toute tentative d’amener deux parties d’un même peuple au conflit dans une véritable guerre fratricide. »

C’est là de l’expansionnisme maquillé derrière des argumentations de civilisation. La nature militariste et agressive d’une telle affirmation est sans ambiguïtés, dans un contexte explosif. Tout commence à se dire ouvertement et le chef suprême de l’OTAN en Europe, le général américain Tod D. Wolters, a ouvertement expliqué que le risque d’invasion russe est « de faible à moyen »…

Dans une interview à la radio allemande Deutschlandfunk, le 15 avril 2021, l’ambassadeur ukrainien Andriy Melnik a quant à lui affirmé qu’en cas d’impossibilité pour son pays de rejoindre l’OTAN, alors il faudrait lui penser à obtenir l’arme atomique, pour assurer sa défense.

Des propos qui font frémir, mais qui sont également une allusion aux accords de Budapest de 1994, que la Russie a bafoué. En effet, ces accords, appelés en fait « mémorandum », disent qu’en échange de l’abandon par l’Ukraine des armes atomiques héritées de l’URSS (alors remis à la Russie) et de sa signature du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, son intégrité territoriale serait garantie par la Russie, les États-Unis et le Royaume-Uni (à quoi s’ajoutèrent la Chine et la France). 

Un autre fait marquant a été l’envoi à Marioupol, au bord de la Mer d’Azov et désormais une cible russe assez claire, du Régiment Azov. Ce Régiment a comme ancêtre le « Bataillon Azov », composé de néo-nazis ayant justement arraché à la ville de Marioupol aux séparatistes pro-russes en 2014 ; il s’agit d’une unité à l’armement très développé, avec des membres relevant clairement du néo-nazisme.

Ces néo-nazis ne représentent rien en Ukraine, d’ailleurs le président ukrainien est juif, le premier ministre l’était également en 2019, c’est même un oligarque juif qui a financé le « Bataillon » initialement… Mais c’est une mouvance ultra-activiste, qui a été très active au moment de « l’Euromaïdan » et qui est une carte dans les mains d’Arsen Avakov.

D’origine arménienne, Arsen Avakov est le ministre de l’Intérieur depuis 2014 ; son poids dans le régime ukrainien est littéralement immense. Le Régiment Azov dépend d’ailleurs du ministère de l’Intérieur.

Le Régiment Azov en partance pour Marioupol

La décision de cet envoi provient de la confirmation de l’information selon quoi la Russie a décidé de fermer le trafic maritime en Mer d’Azov et ce pour une durée illimitée. C’est là avoir toutes les cartes en main pour débarquer sur les côtes du Sud-Est de l’Ukraine : pour l’instant les navires commerciaux ne sont pas concernés, mais le seront automatiquement en cas d’affrontement. Et l’Ukraine a également accusé la Russie de plusieurs provocations en Mer d’Azov les 14 et 15 avril.

La Mer d’Azov est enclavé, rejoignant la Mer Noire par le Détroit de Kerch que la Russie va fermer

On notera au passage que le ministre de la Défense russe, Sergei Shoigu, a précisé que les manœuvres des troupes russes à la frontière ukrainienne cesseraient… fin avril. Ce qui ne veut rien dire puisqu’en raison de la crise prévue pour le 21 avril avec le discours de Vladimir Poutine et le vote du Conseil fédéral russe le 22, le risque de guerre ouverte sera là…

On sait aussi qu’il y aura désormais un autre événement en plus : le 20 avril aura lieu une conférence au Donbass, en présence de représentants des deux « républiques populaires » et de dignitaires russes. Elle est intitulée… « Unité des Russes : protection des droits et des libertés ». L’appel à l’annexion passera ainsi par là.

Le 15 avril aura également été marqué par la convocation l’ambassadeur de Russie à Londres par le ministère britannique des Affaires étrangères, en raison des « activités malveillantes » de la Russie. Le ministre polonais des affaires étrangères a fait de même avec l’ambassadeur russe à Varsovie, annonçant l’expulsion de trois membres de l’ambassade

Quant aux États-Unis, ils ont annoncé le 15 avril également l’expulsion de dix diplomates russes et des sanctions contre 32 personnes et entités (du type entreprise ou administration liées aux services secrets russes) en raison de l’interférence russe avec les élections américaines, ainsi que des sanctions contre 8 personnes pour participation à l’annexion de la Crimée avec la Russie.

Cela fait écho au choix, le 14 avril, de ne pas envoyer des navires de guerre américains en Mer Noire : il est tablé que les sanctions joueront (de fait, le cours du Rouble a pris un petit coup)… Que l’Ukraine fera le sale boulot ou qu’au pire les restes de l’Ukraine seront récupérés.

Navires russes en Mer d’Azov

Ce qui bloque les Etats-Unis, c’est également l’Allemagne et la France, surtout la première qui entend bien doubler son pipeline de gaz avec la Russie, le Nord Stream 2 s’ajoutant au premier Nord Stream. D’où le scandale avec Ursula von der Leyen révélé le 15 avril.

Cette Allemande qui est la présidente de la Commission européenne avait reçu le 7 avril une invitation du président ukrainien, Volodymyr Zelensky, pour assister à la cérémonie du 30e anniversaire de l’Ukraine post-soviétique, avec la mise en place d’une plate-forme internationale sur la Crimée.

Non seulement elle a répondu par la négative, mais contre tout respect du protocole elle a laissé son chef de cabinet répondre, qui plus est de manière très cynique :

«Malheureusement, la présidente n’est pas en mesure de donner une réponse positive à votre invitation en raison d’un agenda particulièrement chargé les jours en question. Merci d’avance de votre compréhension »

Le président du Conseil européen Charles Michel s’est empressé d’assurer que lui serait là mais ce que cela signifie est clair. Le « recul » de l’interventionnisme américain correspond au fait que l’Allemagne a dit non à un soutien généralisé à l’Ukraine.

L’Ukraine est seule. Et à sa frontière, la Russie a amené 110 000 soldats, 330 avions, 240 hélicoptères, 1300 tanks, 3700 drones, 1300 unités d’artillerie, 380 lance-roquettes multiples…

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Guerre

Une Ukraine dans l’attente de l’offensive russe

Désormais la question est de savoir quand l’opération russe va commencer.

Les troupes russes… continuent de s’accumuler à la frontière ukrainienne, comme ici (de manière masquée) des unités de la 9e brigade de contrôle de la garde, qui s’occupe des communications entre les troupes. Et on notera que la 56e brigade d’assaut aérien de la garde est présente en Crimée, soit une importante unité d’élite ayant notamment combattu lors des deux guerres de Tchétchénie.

L’offensive russe semble toujours plus à l’ordre du jour. Et paradoxalement en apparence, les États-Unis commencent à se désengager. Le directeur de la CIA William Joseph Burns a affirmé le 14 avril au Sénat américain que désormais les troupes russes étaient opérationnels pour une incursion limitée en Ukraine. Mais en même temps l’envoi de deux navires de guerre américains en Mer Noire a été annulée. Officiellement cet envoi n’avait pas été confirmé, mais la Turquie avait annoncé leur prochaine arrivée, la Russie répliquant que la sécurité de ces navires pourrait être compromise s’ils se rapprochaient des côtes russes.

Et le président américain Joe Biden a proposé une réunion à la Russie pour discuter de nombreux thèmes comme l’Ukraine, la Russie répondant qu’elle étudierait la question. C’est là une remise à plat américaine qui est étrange… à moins qu’il n’y ait, comme pour les accords de Munich en 1938, un partage de l’Ukraine qui soit prévue par les États-Unis et la Russie. C’est tout à fait possible.

Qui plus est, une rumeur a été lancée qu’en raison de prétendus exercices militaires, la Mer d’Azov serait fermé aux bateaux non russes à partir du 24 avril. La Mer d’Azov est exactement entre le Donbass et la Crimée : autant dire que cela signifierait un débarquement russe et une invasion pour relier les deux zones arrachées à l’Ukraine, avec la formation d’une « Nouvelle Russie » à l’Est de l’Ukraine.

Cette question du débarquement russe se retrouve dans un exemple anecdotique, mais très significatif. France 24, qui est un média étatique français, donc significativement encadré sur ce qu’il raconte, a publié le 14 avril un article intitulé Ukraine : Marioupol ne veut pas se retrouver de nouveau dans le viseur de la Russie.

Marioupol, au bord de la mer et qui se situe tout proche de Donetzk, est présentée comme une « ville stratégique qui vit avec l’ennemi à ses portes ». Le choix des mots est ici important : l’auteur de l’article, Gulliver Cragg, est britannique et « ennemi à ses portes » est une traduction de « Enemy at the gates », soit le nom en anglais du film Stalingrad de Jean-Jacques Annaud, sorti en 2001. Cela montre l’ampleur dramatique de l’approche d’un journaliste qui, pourtant, en même temps, explique que :

« Nous sommes encore très loin de la guerre totale de 2014, mais nous sommes aussi très loin du cessez-le-feu de 2020 « 

C’est naturellement incohérent et cette incohérence se retrouve dans tous les commentateurs qui observent une situation qui, en fait, les dépasse. En toute objectivité, il est évident que la Russie veut au minimum annexer les deux pseudos républiques populaires de Donetzk et Louhansk, voire même si possible provoquer une vague offensive pour former une « Nouvelle Russie » à l’Est de l’Ukraine.

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Guerre

Jean-Luc Mélenchon, un exemple de silence sur l’Ukraine

Le silence au sujet de l’Ukraine provient d’une conception sociale-chauvine de la France.

Le silence est complet parmi les personnalités politiques françaises quant à la crise en Ukraine. Pareil en ce qui concerne les organisations de gauche ou d’extrême-gauche. C’est que le conflit entre l’Ukraine et la Russie représente une ultime frontière. Les médias ont fini par en parler, car il le fallait bien, alors que les chancelleries de chaque pays choisissait son camp. Mais pour qui fait de la politique, parler de l’Ukraine revient à affronter la question de la guerre.

Or, il est bien plus simple de dénoncer Emmanuel Macron, de participer à des manifestations syndicales en prétendant qu’on veut changer la France dans tel ou tel sens, que de se confronter à la réalité de la France comme grande puissance et à une guerre formant une tendance toujours plus envahissante. Le capitalisme propose une bulle : on peut prétendre en son sein s’agiter comme on le veut, cela ne prête pas à conséquence. Sortir de la bulle, c’est autre chose.

Ainsi, si on veut savoir quel était l’esprit avant 1914 ou en 1939 en France, on a qu’à regarder l’état d’esprit aujourd’hui, c’est du pareil au même. On est dans la croyance en le capitalisme et en la paix qu’il permettrait. La guerre semble non pas seulement impossible, mais inconcevable. Le niveau de conscience des masses est pratiquement nul.

De manière plus machiavélique, le silence correspond à une orientation attendant son heure, par le fait qu’il s’agit de représenter tel chauvinisme contre tel chauvinisme français. Voici par exemple ce que dit Jean-Luc Mélenchon dans une note sur son blog (« L’Ukraine, nouvelle frontière américaine ») le 25 février 2014 :

« Mais ceux qui, en Europe et aux Etats Unis valident les putschs et les insurrections, nous préparent des lendemains furieux d’un bout à l’autre du continent. 

La Russie ne va pas se laisser faire. C’est bien normal.

Le peuple Ukrainien non plus. Sa fraction saine, débarrassé de la tutelle des corrompus qui s’étaient imposés comme leur porte-parole et leur gouvernement, va reprendre l’initiative. On peut donc compter sur une mise en cause populaire de l’extrême droite putschiste qui ce soir tient le haut du pavé aux acclamations de « l’Occident ».

Le danger vient de la violence que tout cela peut déclencher et du risque de partition du pays que l’offensive « occidentale » peut provoquer. »

Vu de 2021, ces propos sont on ne peut plus clairs. C’est une légitimation de l’expansionnisme russe visant à annexer une partie de l’Ukraine au nom d’une « guerre civile » amenant une partie du pays à prendre son indépendance… pour se tourner « naturellement » vers la Russie. C’est très clairement là une expression de convergence avec l’expansionnisme russe.

Pourtant, Jean-Luc Mélenchon garde le silence au sujet de l’Ukraine. Mais c’est qu’il est encore trop tôt pour prendre ouvertement le parti de la Russie. Il s’agit d’attendre le moment – pour essayer de parvenir à une sorte de coup d’État dans les couches dominantes de la société française. Marine Le Pen ne pense pas différemment.

Et Jean-Luc Mélenchon annonçait d’ailleurs déjà en 2014 que les tensions continueraient à s’exacerber (« Avis aux Mickey à propos de l’Ukraine ») le 5 mars 2014 :

« Ne croyez pas que la situation va se détendre. Les intérêts engagés sont trop importants. Anglais, Français, Autrichiens, Allemands : les premières économies de l’Europe sont lourdement engagées en Ukraine et, en Russie, de toutes les façons possibles, les principales. »

C’est là qu’on voit que Jean-Luc Mélenchon raisonne de manière « géostratégique », que sa démarche sociale-chauvine française est directement en convergence avec l’expansionnisme russe. Et c’est comme dans les années 1930 : il y a une bataille au cœur des couches dominantes pour savoir quelle option choisir, alors que les gens restent passifs, ayant capitulé devant les responsabilités démocratiques au nom d’une installation sociale dans une approche petite-bourgeoise.

L’Histoire avance alors malgré tout et le drame vient bousculer une société française chantant « Tout va très bien madame la Marquise », un homme providentiel se proposant alors de sauver le pays, en assumant en fait les choix faits par les couches dominantes. L’histoire de France est riche d’exemples à ce niveau, de Napoléon à Clemenceau, en passant par Napoléon III et jusqu’à Pétain, de Gaulle.

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Guerre

Tchécoslovaquie 1938, Ukraine 2021

En 1938, la Tchécoslovaquie se faisait abandonner face à un expansionnisme… L’Ukraine craint le même sort.

Tchécoslovaquie 1938, Ukraine 2021, l’Histoire bégaie. Dans les deux cas, l’opinion publique internationale n’est pas là pour garantir l’intégrité territoriale d’un pays menacé, agressé. D’ailleurs, alors que l’Allemagne nazie a détruit l’État tchécoslovaque en 1938-1939, la Russie n’hésite pas à affirmer en avril 2021 qu’en cas de guerre l’État ukrainien serait démantelé. C’est une menace ouverte.

Tout comme à l’époque, l’opinion publique internationale laisse seul un peuple, qui ne sait où se tourner dans son malheur. Il n’y a pas d’aide internationale, il n’y a pas de forces d’interposition, il n’y a que des manigances de part et d’autres, conformément aux intérêts économiques. Le peuple ukrainien est seul.

1938 et 2021, le cynisme des grandes puissances

En 1938, la Tchécoslovaquie se faisait dépecer par l’Allemagne nazie. Le prétexte était qu’une minorité allemande exigeait d’être « protégée ». L’URSS s’est alors mobilisée militairement et a demandé à la France d’intervenir avec elle pour épauler la Tchécoslovaquie, mais celle-ci refusa, tout comme la Pologne et la Roumanie.

Les tristement célèbres accords de Munich dans la foulée marquaient une capitulation face à l’Allemagne nazie, les grandes puissances ne pensant qu’à leurs intérêts. La Tchécoslovaquie pouvait bien disparaître. Ce fut la guerre pour le repartage du monde qui s’ensuivit.

En 2021, l’Ukraine subit le même sort, pareillement dans un contexte de crise capitaliste. Elle est menacée d’être dépecée par l’expansionnisme russe, au nom d’une minorité russe censée être « protégée ». Et les grandes puissances sont indifférentes… Ou alors, comme les États-Unis et la Grande-Bretagne, poussent à un affrontement solitaire contre la Russie, en fournissant du matériel. Mais l’Ukraine peut bien disparaître, à leurs yeux.

Et, qui plus est, l’Ukraine est tombée dans les mains de l’OTAN parce qu’elle est aux mains d’une oligarchie jouant avec le feu du nationalisme pour légitimer son pouvoir. Cela ajoute du drame au drame. Et c’est d’autant plus intolérable. Pourquoi n’y a-t-il aucune expression de solidarité internationale avec l’Ukraine ? La superpuissance américaine déverse-t-elle tellement de dollars, l’expansionnisme russe tellement de roubles ? N’y a-t-il plus de forces prenant le camp du peuple, de la démocratie pour le peuple ?

L’Ukraine, victime d’un affrontement général

Ce qui se joue est pourtant immense. Laisser l’Ukraine seule, c’est capituler devant la tendance à la guerre, devant le cynisme et l’indifférence, devant l’égoïsme national. C’est laisser libre cours aux évaluations géopolitiques, machiavéliques, où les pays ne sont que des pions pour les calculs savants des militaires et des capitalistes.

Si l’Ukraine était aidée, protégée de l’agression russe, préservée de l’hégémonie américaine en faisant un satellite kamikaze, cela ouvrirait une voie nouvelle pour une époque qui a besoin d’une perspective internationale, démocratique, populaire. Si elle ne l’est pas, c’est une première concession à la voie du carnage.

La Gauche doit se mobiliser pour le retrait des troupes de la frontière et l’affirmation internationale unanime de l’intégrité territoriale ukrainienne, s’occupant de la réintégration pacifique et démocratique de la Crimée et du Donbass. Elle doit montrer que le peuple ukrainien n’est pas seul !

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Politique

PCF: un premier pas pour la présidentielle de 2022

Le Parti communiste français joue son va-tout.

Les délégués du PCF ont validé la stratégie d’une candidature de leur parti à la présidentielle, la base devra approuver ou non ce choix d’ici mai. Voici le communiqué (inintéressant) de présentation du vote effectué le 11 avril avec Fabien Roussel qui sera le candidat dans l’état actuel des choses, et le (très intéressant) bulletin de vote pour le choix de la base :

« PCF/Candidature à la présidentielle : Aux militant-es communistes de décider les 8 et 9 mai prochains !

Le PCF a réuni ce week-end plus de 1000 délégué-es lors de sa Conférence nationale.

Dans un contexte de pandémie, l’organisation de cette conférence, avec des protocoles sanitaires stricts et un système de visioconférence totalement inédit, a permis aux délégué-es de travailler à la façon dont le PCF allait participer aux échéances électorales stratégiques de 2022.Le PCF se félicite de la réussite technique de cette conférence nationale. Un grand défi démocratique a été relevé, avec les interventions des délégué-es depuis les locaux de leurs fédérations et sections permettant un débat politique serein et de grande qualité.

Non la pandémie ne peut être prise comme prétexte pour étouffer la démocratie et l’intervention politique.

Durant une journée et demi, plus de 100 interventions ont nourri un débat particulièrement riche et fraternel.

Samedi 10 avril, la conférence nationale a largement adopté (à plus de 66 %) le principe d’une candidature présentée par le PCF à l’élection présidentielle, qui aura pour but de notamment s’adresser au monde du travail et à la jeunesse, qui proposera une alternative aux politiques macronistes et en rupture avec la mondialisation capitaliste.

Ce dimanche 11 avril, à plus de 73 %, (95% des votes exprimés), la conférence nationale a décidé de proposer au vote des adhérents, Fabien Roussel, secrétaire national, comme candidat présenté par le PCF à l’élection présidentielle de 2022.

Ce sont au final, les adhérent-es qui valideront ces choix lors d’une consultation du 7 au 9 mai prochains.

Parti communiste français,

Paris, le 11 avril 2021. »

Le bulletin pour la consultation est le suivant :

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Guerre

Ukraine: la Russie vise le 21 avril comme date clef

Vladimir Poutine prendra la parole la veille d’un vote du Conseil de la Fédération russe.

Un véhicule de guerre électronique russe au front

Le secrétaire d’État américain Antony Blinken, soit l’équivalent du ministre des Affaires étrangères, a prévenu le 11 avril 2021 qu’il y aurait des « conséquences » si la Russie agit de manière « agressive » à l’encontre de l’Ukraine. Mais ces paroles sont étranges alors que pour les Ukrainiens eux-mêmes, le scénario expansionniste russe procédera de la manière suivante. Le premier ministre de la pseudo république populaire de Donetsk, Denis Pouchiline, va appeler la Russie pour qu’elle reconnaisse cet « État », voire pour demander son intégration à la Russie.

Or, justement, le président russe Vladimir Poutine a prévu de s’adresser le 21 avril tant au parlement russe qu’aux hauts fonctionnaires. Et le lendemain, le Conseil de la Fédération de l’Assemblée fédérale de la fédération de Russie est convoqué afin d’être en mesure de prendre des décisions immédiatement sur demande du président. Ce serait évidemment pour valider l’intégration-annexion. Et les forces mobilisées le sont pour protéger cette opération.

Rappelons que la Russie est bien une Fédération, du moins en apparence… Elle est constituée de 22 républiques, 46 oblasts (c’est-à-dire des provinces), neuf kraïs (c’est-à-dire des territoires), un oblast autonome, quatre districts autonomes et trois villes fédérales. Juridiquement, du point de vue russe, l’intégration de deux « nouvelles » républiques se tient…

Ce plan est tout à fait cohérent. Et il est un terrible piège, car si l’Ukraine considère que c’est cela qui va se passer, elle est obligée d’intervenir avant ou dans la foulée afin de récupérer ses territoires perdues. Si elle le fait avant, elle va être considérée comme l’agresseur… Si elle agit dans la foulée, c’est la guerre à la Russie. La manœuvre expansionniste russe est ici très habile.

2S7 Pion russes en partance pour le front

Reste la question de la Crimée, où là aussi la Russie accumule des troupes… Les possibilités d’une attaque au sud sont tout à fait grandes, pour prendre en étau l’Ukraine de l’Est. Et le matériel de guerre électronique s’accumule particulièrement, ainsi que des bateaux de débarquement passés de la Mer Caspienne à la Mer Noire.

Des troupes en Crimée, dont l’identification d’appartenance à des zones spécifiques sont maquillées, ce la Russie pratique depuis le début pour masquer la provenance, tout en autorisant en même temps les nombreuses photos prises sur le tas

Ce n’est pas la seule pression sur l’Ukraine, car l’OTAN compte bien en faire de la chair-à-canon. On notera d’ailleurs que la ligne de front est régulièrement survolé par des avions de reconnaissance, tel un Northrop Grumman RQ-4 Global Hawk américain, un drone de pratiquement 15 tonnes et 40 mètres d’envergure.

La tension a ainsi passé un cap, on passe au cran au-dessus, de par les forces en présence, des implications diplomatiques, alors qu’en plus tout est clair sur le plan militaire. On est bien plus dans les années 1930 que dans les années 1990.

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Guerre

Ukraine : l’attachée à la défense de l’ambassade américaine sur le front

C’est un exemple très révélateur de comment l’Ukraine s’est faite aspirée par des Etats-Unis qui utiliseraient bien ce pays comme chair à canon.

Carte exprimant la hantise ukrainienne d’une offensive russe depuis la Crimée et le Donbass, mais également depuis le reste de la Russie voire la Biélorussie

L’Ukraine est menacée dans son existence même par l’expansionnisme russe. Mais elle est en même temps en train de connaître un moment dramatique avec la soumission à l’OTAN qui pousse à la guerre. Voici une photographie de la colonel Brittany Stewart, qui est attachée à la défense auprès de l’ambassade américaine à Kiev. C’est lors de sa visite sur le front le 9 avril 2021.

Sur le côté on reconnaît l’insigne militaire de la 72e  brigade mécanisée ukrainienne, avec au-dessus du crâne l’inscription L’Ukraine ou la mort.

Ici on voit l’attachée à la défense américaine faire le salut militaire devant une tombe, celle de « MIF » comme c’est inscrit en haut sur la pierre tombale. Cela signifie « mythe » en ukrainien et la personne dont c’est la tombe a choisi ce surnom également en allusion à Méphistophélès, personnage du Faust de Gounod qu’il a justement incarné.

Il s’agit en effet de Wassyl Slipak, ce chanteur d’opéra ayant vécu en France et ayant rejoint les nazis du Pravyï sektor sur le front au moment de la crise au Donbass. On le reconnaît d’ailleurs sur la tombe, avec sa coupe de cheveux à la cosaque.

Pour ajouter à la complexité de la situation, le président ukrainien Volodymyr Zelensky s’est rendu le 10 avril 2021 à Istanbul pour rencontrer le président turc Recep Tayyip Erdogan. Il y a quelques jours, le président ukrainien a fait un passage express au Qatar… Rappelons que le Qatar et la Turquie forment un bloc, celui des « frères musulmans ». Et l’Ukraine a utilisé pour la première fois le 10 avril ses drones de combat achetés à la Turquie, les Bayraktar TB2 SİHA.

Depuis quelques jours, toutes les cartes tactiques s’abattent. Alors que les commentateurs, entre horreur et cynisme, considèrent le risque de guerre a entre 24 et 50%.

Il faut bien d’ailleurs se donner une idée des forces en présence à la frontière Russie-Ukraine, pour saisir l’ampleur du drame qui se joue. Voici des véhicules ukrainiens rejoignant le front, ce sont des tracteurs-érecteurs-lanceurs d’OTR-21 Tochka. On parle ici de missiles balistiques faisant 482 kilos, et datant de l’époque soviétique. L’Ukraine nie les avoir employés en 2014-2014 pour le conflit au Donbass, mais c’est un secret de polichinelle que cela a bien été le cas.

Voici des Typ 9K720 Iskander russes, allant sur le front. Il s’agit du successeur des OTR-21 Tochka envoyés par l’Ukraine. Le poids de ce qui est envoyé est doublé (800 kilos) et l’ordre de précision est de 5-7 mètres. Le décalage avec le matériel ukrainien est de l’ordre d’une génération.

La supériorité russe est en fait complète. Illustrons ce terrible panorama le canon automoteur russe 2S7 Pion, soit le plus lourd au monde dans son genre, avec également le plus gros calibre.

La Russie a déjà bien plus de forces présentes qu’en 2014 au moment de la crise. Le processus enclenché, le recul est difficile, surtout alors que la crise du capitalisme parcoure le monde… L’Ukraine risque d’être une victime d’une nouvelle époque qui s’annonce militarisée, expansionniste, aux visées impérialistes. D’autant plus que ce conflit a comme véritable trame de fond l’opposition frontale du début du 21e siècle, celui entre la superpuissance américaine et son challenger chinois.

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Rapport entre les classes Société

Google, Facebook, Youtube, Instagram: la civilisation chaîne de Markov

Le principe dit de la chaîne de Markov est le fondement du référencement : il reflète la consommation capitaliste permanente, avec un choix binaire.

Ceux qui ont choisi de faire passer leurs idées par Facebook, Instagram, Youtube, en publiant des choses racoleuses pour être référencé sur Google… ont tout faux. En agissant ainsi, ils tombent dans un piège, celui d’une dynamique consommatrice par définition superficielle.

Le référencement, la mise en valeur… tout cela obéit en effet à la consommation à l’instant T. Le passé n’est pas pris en compte, ce qui compte, c’est l’impact momentané. Pour le dire plus directement, c’est le principe du buzz. Vous racolez, vous buzzez : vous êtes visibles. Sinon, vous êtes invisibles.

L’intérêt des entreprises est bien entendu qu’il y ait un flux permanent, avec une remise en cause permanente, une consommation permanente. Google n’aurait pas de publicités payantes en continu si telle entreprise, une fois installée au sommet du référencement par exemple du papier peint, restait tout le temps en haut de la liste.

C’est ce qui a perdu Yahoo, qui avait initialement lancé un référencement sur un mode d’annuaire. C’est tout à fait rationnel. Mais cela n’est pas conforme à la lecture capitaliste de la consommation. Le capitalisme exige un consommateur renouvelé en permanence, sans passé, faisant de sa consommation son identité sans cesse renouvelée.

Le consommateur se retrouve en permanence devant le choix 0 et 1, j’achète ou pas, je me vend ou pas. Et afin d’évaluer les possibilités, le capitalisme utilise le principe mathématique appelé la chaîne de Markov.

Andreï Markov est un mathématicien russe, né en 1856 et décédé en 1922 ; il est à l’origine de cette « chaîne de Markov ». C’est précisément ce principe qui est utilisé dans l’évaluation des sites par Google, mais également en fait par toutes les grandes entreprises capitalistes en ce qui concerne internet, voire même partout dans les probabilités.

La chaîne de Markov part en effet du principe suivant : il n’y a pratiquement rien avant et rien n’est relié en soi. Que faut-il comprendre par là ?

En fait, Andreï Markov a mis en place un dispositif artificiel. Il dit : prenons la personne X au moment 4. Ce qu’elle va faire au moment 5 ne dépend que du moment 3 et encore même pas forcément. Il n’est pas besoin de prendre en compte les moments 2, ni 1.

Ainsi, l’interprétation de l’acte de X est coupée de X en général dans la mesure où sa nature, son histoire ne compte pas. Mais elle est également de tout ce qu’il y autour de lui.

Pour prendre un exemple : le capitalisme se moque de savoir pourquoi telle ou telle personne est pour telle ou telle raison dans un embouteillage. La question est de parvenir à un modèle statistique de l’embouteillage. On n’explique ainsi pas l’embouteillage, mais on contourne le problème scientifique au moyen de probabilités.

On n’a aucune idée de pourquoi l’embouteillage se produit parfois à Amiens dans le secteur de la gare à 18h, mais on a répertorié les embouteillages et on sait que, statistiquement, il y a davantage de chances que ce soit tel jour et tel jour, par opposition à tel jour et tel jour.

On ne sait pas pourquoi telle personne va acheter tel produit dans un supermarché, mais il y a davantage de probabilité que ce soi tel produit, etc. etc.

Voici un exemple de la chaîne de Markov donné sur Wikipedia, avec un dessin illustrant cette conception absurde. Le fait qu’un animal soit employé pour exprimer une conception réductrice de la vie ne doit guère surprendre, cela va avec.

« Doudou le hamster ne connaît que trois endroits dans sa cage : les copeaux où il dort, la mangeoire où il mange et la roue où il fait de l’exercice. Ses journées sont assez semblables les unes aux autres, et son activité se représente aisément par une chaîne de Markov.

Toutes les minutes, il peut soit changer d’activité, soit continuer celle qu’il était en train de faire. L’appellation processus sans mémoire n’est pas du tout exagérée pour parler de Doudou. [sic!]

Quand il dort, il a 9 chances sur 10 de ne pas se réveiller la minute suivante.

Quand il se réveille, il y a 1 chance sur 2 qu’il aille manger et 1 chance sur 2 qu’il parte faire de l’exercice.

Le repas ne dure qu’une minute, après il fait autre chose.

Après avoir mangé, il y a 3 chances sur 10 qu’il parte courir dans sa roue, mais surtout 7 chances sur 10 qu’il retourne dormir.

Courir est fatigant pour Doudou ; il y a 8 chances sur 10 qu’il retourne dormir au bout d’une minute. Sinon il continue en oubliant qu’il est déjà un peu fatigué.

Suivant ce principe, le monde n’est considéré qu’à l’instant T. Le passé ne compte pas, ni même la nature des choses. Ce qui compte c’est la consommation permanente. Voilà pourquoi l’idée de racoler pour triompher sur internet est absurde du point de vue de la Gauche : la forme même exige pour avoir du succès de faire du consommable, les gens n’en retiendront rien et de toutes façons ne s’attarderont pas.

C’est ce qui explique que telle chanteuse peut avoir un immense succès pour une chanson sur Youtube… mais que personne ne remarquera sa chanson produite après. Sur internet, le référencement ne prend que de l’éphémère, du consommable.

C’est là le reflet d’une vision du monde. Ce principe de Markov sera d’ailleurs repris par la suite pour la théorie du chaos et pour toute l’idéologie des probabilités : le monde serait chaotique mais on pourrait, à force de calcul, évaluer ce qui a le plus de chance de se produire. Cette approche n’explique rien, mais tant qu’il y a des ordinateurs pour faire des calculs, cela compense : plus besoin de comprendre, il suffit de calculer les probabilités.

Voilà comment le capitalisme désincarne la science, la poussant au calcul, jusqu’à l’absurde le plus dénaturé.

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Culture

« Tout le flegme extérieur d’un Zaporogue »

Un extrait du fameux roman Tarass Boulba de l’écrivain ukrainien Nicolas Gogol, présentant les cosaques, qui façonnent la culture nationale ukrainienne en lutte contre les Polonais et les Tatars.

Il y avait déjà plus d’une semaine que Tarass Boulba habitait la setch avec ses fils. Ostap et Andry s’occupaient peu d’études militaires, car la setch n’aimait pas à perdre le temps en vains exercices ; la jeunesse faisait son apprentissage dans la guerre même, qui, pour cette raison, se renouvelait sans cesse.

Les Cosaques trouvaient tout à fait oiseux de remplir par quelques études les rares intervalles de trêve ; ils aimaient tirer au blanc, galoper dans les steppes et chasser à courre. Le reste du temps se donnait à leurs plaisirs, le cabaret et la danse. Toute la setch présentait un aspect singulier ; c’était comme une fête perpétuelle, comme une danse bruyamment commencée et qui n’arriverait jamais à sa fin.

Quelques-uns s’occupaient de métiers, d’autres de petit commerce ; mais la plus grande partie se divertissait du matin au soir, tant que la possibilité de le faire résonnait dans leurs poches, et que leur part de butin n’était pas encore tombée dans les mains de leurs camarades ou des cabaretiers.

Cette fête continuelle avait quelque chose de magique. La setch n’était pas un ramassis d’ivrognes qui noyaient leurs soucis dans les pots ; c’était une joyeuse bande d’hommes insouciants et vivants dans une folle ivresse de gaieté. Chacun de ceux qui venaient là oubliait tout ce qui l’avait occupé jusqu’alors.

On pouvait dire, suivant leur expression, qu’il crachait sur tout son passé, et il s’adonnait avec l’enthousiasme d’un fanatique aux charmes d’une vie de liberté menée en commun avec ses pareils, qui, comme lui, n’avaient plus ni parents, ni famille, ni maisons, rien que l’air libre et l’intarissable gaieté de leur âme.

Les différents récits et dialogues qu’on pouvait recueillir de cette foule nonchalamment étendue par terre avaient quelquefois une couleur si énergique et si originale, qu’il fallait avoir tout le flegme extérieur d’un Zaporogue pour ne pas se trahir, même par un petit mouvement de la moustache : caractère qui distingue les Petits-Russiens [les Ukrainiens par opposition aux Grands-Russes, c’est-à-dire les Russes] des autres races slaves.

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Guerre

Ukraine-Russie: une actualité qui s’impose

Le conflit entre l’Ukraine et la Russie se pose désormais ouvertement à la face du monde.

La montée en puissance du conflit entre l’Ukraine et la Russie a réussi à percer le silence médiatique ; désormais beaucoup de médias en parlent. Le souci, c’est qu’il apparaît clairement qu’en fait les médias attendaient les positions officielles de leur propre pays. Il est flagrant qu’il n’y a pas d’indépendance dans les orientations, tout est résolument placé dans la perspective du ministère des affaires étrangères de chaque pays.

De plus, cette percée médiatique et ces positions diplomatiques s’exposent surtout parce que désormais les deux blocs apparaissent clairement : l’OTAN d’un côté, avec la superpuissance américaine, et la Russie avec son expansionnisme.

Cela pose la question du jeu des alliances. Ainsi, le 8 avril 2021, Angela Merkel a appelé le président russe Vladimir Poutine, pour demander que ce soit cessée l’escalade militaire. Mais en même temps l’Allemagne et son satellite autrichien se tournent résolument vers le vaccin Spoutnik. Quant à la France, son silence en dit long sur son orientation à la suite de l’Allemagne.

Ce qui n’a pas grand chose à voir avec la position américaine qui a été d’affirmer que des navires militaires seraient envoyés en Mer Noire. Une mer Noire qui va également accueillir de nombreux navires russes, prétendument pour un « exercice ». Une Mer Noire où se trouve la Crimée où était présent le 8 avril le président russe Vladimir Poutine.

Vladimir Poutine dont l’administration présidentielle a comme responsable Dmitri Kozak, qui a expliqué le même jour que :

« Le début des hostilités est le début de la fin de l’Ukraine. »

Une Ukraine qui a désormais refusé que les négociations futures se trouvent à Minsk, la capitale de la Biélorussie. Une Biélorussie qui a commencé à déplacer des troupes à sa frontière avec l’Ukraine. Alors qu’inversement, toujours le 8 avril, le ministre des affaires étrangères polonais, Zbigniew Rau, était à Kiev pour rendre visite à son homologue ukrainien Dmytro Kuleba.

Le ministre letton des affaires étrangères, Edgars Rinkevics, a affirmé de son côté que son pays soutenait l’initiative lituanienne de proposer un plan pour la rentrée de l’Ukraine dans l’Otan. Et l’ambassadeur slovaque à Kiev, Yurii Mushka, a annoncé la mise en place d’une coopération transfrontalière slovaquo-ukrainienne.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a quant à lui visité le front. Alors qu’en face les troupes russes continuent d’affluer.

Rien qu’avec tout cela la Russie a réussi son premier objectif : proposer une vague d’inquiétude et de mobilisation, tout en s’opposant à l’OTAN. Beaucoup pensent que les choses s’arrêteront là, que c’était le but, faire peur pour négocier. Seulement, on est en pleine crise, une crise dont le capitalisme ne se sort pas depuis une année. Et là la guerre pour le repartage du monde exige plus que des négociations, fussent-elles musclées.

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Guerre

Ukraine: un affrontement devenu celui de l’OTAN et de l’expansionnisme russe

L’OTAN a pris l’initiative et désormais les deux blocs sont devenus unilatéralement antagoniques.

Selon les données apparentes et avec une marge d’erreur significative, on peut considérer que les forces en présence aux frontières de la Russie et de l’Ukraine sont désormais les suivantes:

– les deux pseudos-républiques populaires (de Donetsk et Louhansk) s’appuient sur 30 000 soldats, 500 chars, 1 000 véhicules blindés ;

– les forces russes consistent en 120 000 soldats, 400 chars, 7 600 véhicules blindés ;

– les forces ukrainiennes consistent en plus de 200 000 soldats, 450 chars de combat, 2 500 véhicules blindés.

On peut mettre de côté les forces aériennes, la supériorité russe étant écrasante, tout comme d’ailleurs le niveau technique des armements en général (obusiers, canons, lance roquettes multiples, systèmes anti-chars, etc.).

C’est monstrueux… et les accrochages et utilisations d’artillerie ont également commencé à reprendre à la frontière. Cela commence à avoir une autre signification alors que les troupes sont massivement présentes d’un côté comme de l’autre… Et que désormais l’affrontement est devenu celui de l’OTAN, ayant vassalisé l’Ukraine, avec l’expansionnisme russe.

Le maréchal en chef de l’air britannique Stuart Peach, président du Comité militaire de l’OTAN, s’est ainsi rendu en Ukraine le 7 avril 2021. Il a évidemment appuyé de toutes ses forces les démarches de l’Ukraine pour une adhésion, alors que le site internet de l’OTAN a désormais une version en ukrainien. Rappelons que le 6 avril, le président ukrainien avait mis cette question de l’adhésion sur la table, un véritable saut qualitatif.

Dès lors, la Russie ne parle plus du tout de manœuvres militaires, mais de nécessité opérative. L’Ukraine est ouvertement assimilée à l’OTAN, comme dans ces propos du 7 avril 2021 de Maria Zakharova, porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères:

« Nous considérons cette campagne de désinformation et de propagande comme un moyen pour Kiev de détourner l’attention de ses propres préparatifs militaires dans le Donbass, de son sabotage des accords de Minsk (sur le règlement de la crise au Donbass) et de l’intensification des activités militaires des pays de l’OTAN en Ukraine. »

Et les troupes russes continuent d’affluer du pays tout entier, alors que Dmitri Peskov, le secrétaire de presse du président russe Vladimir Poutine, a expliqué, en faisant allusion aux 600 000 détenteurs de passeports russes à l’Est de l’Ukraine, que:

« assurer la sécurité des citoyens russes est absolument une priorité pour l’Etat russe et le président russe Vladimir Poutine »

Autant dire que les masques sont tombés de part et d’autre et cela implique une polarisation systématique. Le 7 avril, la Lituanie a ainsi dit qu’elle était prête à aider à établir le plan d’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN. C’est la ligne des pays baltes, farouchement anti-russe (et totalement anti-communiste), ouvertement pro-américain.

L’Allemagne a de son côté expliqué que l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN… n’était pas du tout à l’ordre du jour. C’est que l’Allemagne met en place un gazoduc venant directement de Russie, le gazoduc Nord Stream 2 ; commencé en 2018, il n’est pas terminé car les États-Unis ont exercé une pression gigantesque pour l’empêcher.

C’est là l’expression d’une contradiction au sein de l’OTAN. Et le média pro-russe Spoutnik témoigne d’une autre contradiction que la Russie aimerait renforcer, celle entre la France et l’OTAN, d’où son article Adhésion de l’Ukraine à l’Otan: «Les Français sont-ils prêts à mourir pour Donetsk?».

En fait, tant l’OTAN que l’expansionnisme russe jouent sur le fait que l’Ukraine est loin, méconnue… pour en faire un sanglant terrain de jeu. Et l’accumulation d’armements et de troupes ne cesse toujours pas…

La rhétorique de la Russie et de l’Ukraine ne cesse de prendre une ampleur guerrière également. En Russie il y a même eu une émission où des commentateurs ont dit qu’il fallait envoyer des missiles nucléaires contre l’Ukraine… Et, de toutes façons, il est expliqué de manière ininterrompue dans la propagande que l’Ukraine va attaquer, que la Russie envoie des troupes massivement pour se défendre, etc.

Du côté ukrainien, tous les relais de la Russie ont été brisés. Le 5 avril, des sanctions ont été prises contre 10 personnes et de 79 entreprises dont 11 entités russes, accusées de « contrebande ». En réalité, c’est la liquidation de la partie pro-russe de l’oligarchie, dans le prolongement de la mise de côté en février de Victor Medvedtchouk, un oligarque ukrainien très proche du président russe Vladimir Poutine. Ses chaînes de télévision 112 Ukraine, ZiK et NewsOne ont été fermées. Tout ce qui est russe est ouvertement considérée comme hostile.

Les deux blocs se considèrent comme ennemis et il n’y a plus aucun espace de convergence. Les objectifs sont désormais un affaiblissement généralisé du concurrent, pour s’en débarrasser. On est en plein dans la bataille pour le repartage du monde.

https://www.youtube.com/watch?time_continue=7&v=RWJeHVUasLs&feature=emb_title

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Guerre

L’Ukraine veut forcer sa rentrée dans l’OTAN: quelques cartes

En cherchant à tout prix à ce que l’OTAN intervienne, l’Ukraine rend la situation intenable alors que la Russie veut la briser.

Les forces russes et ukrainiennes ont continué de s’accumuler aux frontières. Il n’y a eu pratiquement pas d’escarmouches le 6 mars, tout comme les 4 et 5 mars : les deux armées se font face, se renforçant, très clairement prêtes au face à face, en attente du moment clef.

Nombre des ruptures de cessez-le-feu pour 2021

Il y a eu toutefois un saut qualitatif, rendant la situation encore plus inextricable. L’Ukraine poussait ces derniers jours à recevoir une aide de l’OTAN, dans une logique interventionniste ; elle cherche depuis 2008 à y adhérer. Dans les faits, elle obtient déjà du matériel, notamment des États-Unis, en particulier ces derniers jours. Et dans la crise actuelle, l’OTAN a évidemment maintes fois souligné son soutien entier. L’Union européenne a naturellement fait de même.

Le 6 avril 2021 marque cependant un tournant, ou plutôt une accélération, un vrai saut qualitatif, car cette tendance à avoir l’OTAN comme référence apparaît désormais comme un quitte ou double. Il y a eu en effet un appel au téléphone du président uktainien Volodymyr Zelensky, le 6 avril, au secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, pour demander une entrée accélérée de l’Ukraine dans l’OTAN.

Or, jamais la Russie ne tolérera l’OTAN à sa frontière directe. La Russie, qui a fait en sorte d’accorder la nationalité russe à 600 000 personnes dans l’Est de l’Ukraine, préférera dans tous les cas provoquer la cassure en deux de l’Ukraine. Qui plus est, le président ukrainien a appelé l’OTAN à être présente en Mer Noire :

« Une telle présence permanente devrait être un puissant moyen de dissuasion pour la Russie, qui poursuit la militarisation à grande échelle de la région et entrave la navigation commerciale. »

La démarche est cohérente. Le président ukrainien sait en effet que la question de la Crimée est essentielle, car un débarquement russe est possible, avec l’invasion généralisée de la partie côtière de l’Ukraine. Difficile de faire contre-poids, et du point de vue du nationalisme romantique, idéaliste, fantasmagorique ukrainien, cela a du sens : il s’agit de faire pression sur la Russie, de la « calmer ».

En pratique, c’est un suicide, cela provoque une situation par définition inacceptable pour la Russie. Même au-delà de l’insupportable expansionnisme russe, il y a le fait objectif de ne pas vouloir être étouffé par l’OTAN, de refuser que la Russie se réduise à un satellite. Un coup d’œil sur les cartes (tirés de Google map) montre ce qu’il en est et pourquoi la situation est explosive de par un conflit qui devient dans les faits celui de l’OTAN contre la Russie expansionniste, avec l’Ukraine comme martyre et cible des conquêtes.

Très concrètement, l’Ukraine fait 1 316 km d’Est en Ouest et 893 km du Nord au Sud, c’est à peu près la superficie de la France. On notera que sur la carte la Crimée n’est pas représentée ; même si elle est en fait russe historiquement, au niveau du droit international elle relève de l’Ukraine.

Sur cette carte de la situation de l’Ukraine en Europe, on voit clairement pourquoi la Russie ne tolérera jamais l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN. Les pays baltes sont déjà opposés à la Russie, la Finlande n’est clairement pas pour, toute l’Europe centrale est pro-OTAN, alors si l’Ukraine tombe, la Biélorussie ne tiendra pas longtemps non plus et surtout la Russie aura un énorme bloc contre elle. Et l’OTAN n’hésitera pas à utiliser ces pays voisins comme de la chair à canon pour démolir la Russie.

Seulement voilà, l’Ukraine est aussi la porte de l’Orient. Pour beaucoup de gens en France, l’Ukraine est à l’Est. Mais en fait, elle est également au Sud de l’Est. D’ailleurs, historiquement elle a dû affronter les Polonais à l’Ouest et les Tatars à l’Est. Son passage dans l’aire moscovite (qui était confrontée aux Polonais à l’Ouest et aux Mongols à l’Est) en est une conséquence : c’est une alliance historique de deux peuples venant historiquement de la même matrice culturelle et nationale, la Rus’ de Kiev.

D’ailleurs, si on va dans un magasin d’alimentation russe ou ukrainien, on trouvera beaucoup de produits tout à fait « orientaux » aux yeux de quelqu’un d’Europe de l’Ouest. Voici un aperçu de la situation de l’Ukraine en ce qui concerne sa façade orientale, au dessus des mots « Mer Noire » on a la péninsule qu’est la Crimée et que la Russie a annexée.

Il n’est pas difficile de comprendre que l’Ukraine, une fois entrée dans l’OTAN, deviendrait une véritable base américaine, avec une immense capacité de projection vers l’Orient. Mais ce serait également une véritable fermeture au niveau européen.

L’Ukraine est à l’Est du point de vue français, mais pas si à l’Est que ça du point de vue européen… Pour prendre des exemples, la capitale de l’Autriche, Vienne, est plus à l’Est que la capitale tchèque, Prague, et elle est plus proche de la ville ukrainienne de Lviv (d’ailleurs soumise à l’Autriche jusqu’en 1918) que de l’extrême occidental de l’Autriche. Berlin est largement plus près de Kiev que de Madrid, Stockholm est plus proche de Kiev que de Paris, Naples est à la même distance de Kiev et de Londres, etc.

Il ne faut pas se résumer à tout cela. La guerre se fonde avant tout sur des impératifs économiques. L’oligarchie qui veut étendre la Russie ne le fait pas par calcul ou appât du gain : c’est une nécessité historique de par sa nature. Quant aux pays capitalistes, n’en parlons même pas.

Il s’agit seulement de saisir le cadre, ce qui est d’autant moins simple que c’est très loin géographiquement ou culturellement du point de vue français. Cela ne doit cependant en rien relativiser la situation. Il faut toujours être prêt à faire face à la guerre, à la refuser ! Et à éprouver l’empathie pour les peuples martyrs, à exprimer sa solidarité. L’Ukraine ne doit pas devenir un champ de ruines à cause de l’OTAN et de l’expansionnisme russe !

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Culture Culture & esthétique

Playlist россия♥україна♥россия♥україна

Une playlist pour introduire à la culture… qui va avec la paix et l’amitié entre les peuples.

Voici une playlist qui pour beaucoup de gens en France apparaîtra pittoresque, mais en même temps, incroyablement inspirante. Chaque chanson est d’une incroyable charge. Et pour faire les choses bien, loin des valeurs des va-t-en guerre, la playlist, avec uniquement des œuvres récentes, s’appuie uniquement sur des femmes, qui témoignent de leur haut niveau artistique, de leur haut niveau de culture, de synthèse.

C’est autre chose que la guerre. Et pour faire les choses encore mieux, il ne sera pas précisé qui est russe, qui est ukrainienne.

La dernière chanson est une exception relative puisqu’un éloge des sœurs, magnifique, avec un ton qui correspond bien à la tristesse des menaces de guerre entre deux d’entre elles.

Voici la playlist en lecture automatique sur YouTube, suivis de la tracklist :

  1. DakhaBrakha – Monakh (2017)
  2. Сабрина – Сестра (2019)
  3. Katya Yonder – Вновь и вновь (2020)
  4. ONUKA – UA (2014)
  5. Alina Pash – Bosorkanya (2019)
  6. Maria Teriaeva – SØS (2020)
  7. Jekka – Midnight Hour (2015)
  8. Fanny Kaplan – Smeh (2016)
  9. Нaaдя — Осколки (2020)
  10. КОЛО – Серце в Житах (2017)
  11. Navka – Цвіте терен (2020)
  12. Іванка Червінська – Покоси (2020)
  13. Magnetic Poetry – Not Alone (2017)
  14. Mustelide – Salut (2016)
  15. Три Сестры (Les trois soeurs) (juste après 1991)

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Politique

Gauche pour le Parti: trois lignes programmatiques

Voici trois exemples d’affirmation idéologique affirmant être à la hauteur d’une époque vue comme nouvelle.

La crise a estomaqué une large partie de la Gauche et de nombreuses structures ont disparu du jour au lendemain (tel en juillet 2020 le Rassemblement Organisé des Communistes Marxistes-Léninistes et le Parti Communiste Maoïste). C’est qu’il y avait trop de questions, trop de pression. Les choses se virent attribuer une dimension nouvelle, poser une ligne idéologique de gauche était trop compliqué. D’où un repli encore plus grand vers le côté « pratique », avec des initiatives « militantes », mais sans assumer un positionnement réel sur le plan des idées.

On peut citer néanmoins trois exemples, avec trois structures qui, comme le dit l’expression, « envoient du lourd », puisqu’il s’agit pas moins que de refonder « le Parti ». Profitant d’un arrière-plan idéologique développé, la crise a littéralement alimentés ces structures sur le plan des idées, leur accordant un réel optimisme au sujet d’une nouvelle affirmation programmatique. Leurs approches sont cependant évidemment très différentes.

La tendance Révolution Permanente du Nouveau Parti Anticapitaliste pose ainsi une nouvelle approche militante, conforme selon elle à un changement d’époque et de mentalités. Il y aurait un nouveau profil aux luttes et il faut s’y conformer. Voici des extraits du document du 30 mars 2021 La nouvelle génération ouvrière et la nécessité d’un Parti Révolutionnaire des Travailleurs, dont le titre résume parfaitement la conception.

« Depuis plus d’un an, la pandémie de coronavirus a ouvert une situation de crise aux conséquences durables. De fait, pour assurer le remboursement de la dette publique contractée et restaurer le taux de profit des entreprises capitalistes, les classes dominantes se préparent en effet à faire payer les travailleurs à coup de réformes néo-libérales, d’augmentation de la productivité et de mesures d’austérité. Or, face à cette sombre perspective, aucun projet politique à même de défendre les intérêts des travailleurs avec une stratégie à la hauteur ne semble émerger.

Une situation en profond décalage avec la politisation et les luttes intenses qui se sont enchaînées ces cinq dernières années en France.

En 2016 contre la Loi Travail, en 2018 dans le cadre du mouvement contre la réforme ferroviaire et de la lutte contre la sélection à l’université, en 2018-2019 avec le mouvement historique des Gilets jaunes, en 2019-2020 avec le mouvement contre la réforme des retraites et la grève historique du secteur des transports francilien. Dans différents secteurs on a en parallèle assisté à un renouveau des luttes, comme dans l’Éducation Nationale ou du côté des personnels des universités (…).

En ce qui concerne le NPA, un tel recul de sa capacité d’intervention est évidemment en lien avec la crise profonde que traverse le parti et qui fait aujourd’hui peser sur lui une menace d’implosion. Mais cela n’est que le dénouement d’un long processus, initié par la LCR dans les années 1980-1990, d’abandon d’une stratégie centrée sur le rôle de la classe ouvrière (dont le néo-libéralisme avait proclamé la mort), au profit de l’intervention dans les « mouvements sociaux », avant de se dissoudre dans un parti large non délimité stratégiquement, le NPA.

Du côté de Lutte Ouvrière, qui possède encore des bastions dans des secteurs stratégiques, règne une forme de scepticisme, accompagnée d’une dose de nostalgie du vieux mouvement ouvrier français, façonné par le PCF.

Ce scepticisme, qui rejette toujours la faute sur les travailleurs qui ne voudraient pas lutter, couvre en réalité le refus de prendre une part active au travail d’organisation des couches les plus avancées de la classe et d’une nouvelle génération ouvrière en gestation, ainsi que de combattre la politique néfaste des directions syndicales bureaucratiques (…).

Le mouvement ouvrier a vu notamment émerger une nouvelle génération qui pourrait être le levier de la construction d’une organisation de ce type. Nous l’avons vu pour la première fois en 2014, dans la grève de la SNCF, où, ne partageant pas les codes de la gauche politique et syndicale, voire partageant de façon peu consciente ceux de personnages confusionnistes comme Dieudonné (nous étions au sommet du phénomène des « quenelles »), ils et elles ont été souvent boudés par les militants d’extrême-gauche.

Depuis, nous les avons vu prendre leur place dans chacune des grandes mobilisations qui ont traversé le pays, avec des profils très variés : souvent racisés et issus de l’immigration dans les grandes agglomérations, ouvriers et ouvrières gilet-jaunisés dans la France périurbaine, militantes et militants syndicaux combatifs ou travailleurs du rang… (…)

Au NPA – Révolution Permanente, nous avons eu le mérite relatif d’avoir saisi l’émergence de cette nouvelle génération ouvrière assez tôt et d’avoir essayé de fusionner avec elle.

Que ce soit dans le cadre de la « Bataille du Rail » de 2018 avec la construction de la rencontre Intergare, de la grève victorieuse d’Onet, du mouvement des Gilets jaunes, du mouvement des retraites au travers de la coordination RATP-SNCF, où actuellement des grèves de Grandpuits et des agents d’entretien des voies (Infra-pôle) de Gare du Nord, nous sommes intervenus avec une même logique : celle de déployer dans chaque bataille un arsenal stratégique et programmatique qui permette de pousser ces expériences le plus loin possible, en sortant du cadre imposé par la routine syndicale.

C’est au travers de ces expériences que nous avons pu faire entrer dans nos rangs de nombreux jeunes militants ouvriers, parmi lesquels de véritables figures dans leur région ou branche, à l’image d’Anasse Kazib à la SNCF, d’Adrien Cornet chez Total, de Gaëtan Gracia dans le bastion toulousain de l’aéronautique, de Christian Porta chez Neuhauser (industrie agro-alimentaire) en Moselle, mais aussi de jeunes militants comme Rozenn à Chronodrive ainsi que d’autres camarades dans le privé ou dans le public, à la RATP, dans la Santé, la Culture ou l’Éducation Nationale.

C’est aux côtés et au travers de ces militants que nous souhaitons aujourd’hui lancer une campagne autour de la nécessité d’un Parti Révolutionnaire des Travailleurs. »

La tendance Révolution Permanente du NPA affirme ainsi, pour résumer, qu’elle a réussi à attirer à elle une nouvelle génération, que cela donne du sens à un nouveau projet. De manière intéressante, c’est l’inverse qui est vrai pour le Pôle de Renaissance Communiste en France (PRCF). Lui dit qu’il a réussi à attirer à lui l’ancienne génération et que cela donne du sens à un ancien projet. Il s’agit en effet de refonder le Parti Communiste Français tel qu’il a existé dans les années 1970-1980.

Le PRCF a historiquement un pied dans le PCF et un pied dehors, désormais la ligne est celle de prendre sa place. En ce sens, le PRCF vise à présenter un candidat à la prochaine présidentielle, afin d’établir un réel socle pour un « Frexit progressiste ». Voici un extrait de la Déclaration du Secrétariat national du PRCF du 1er avril 2021.

« Voilà pourquoi, pour sortir rapidement et définitivement de ce cauchemar sans fin, il est vital de proposer la seule alternative en mesure d’empêcher un nouveau scénario catastrophe en 2022 que serait un faux « duel » et vrai duo Macron-Le Pen, entre le tyran nostalgique de la monarchie qui déroule un tapis brun à la fascisation en célébrant Maurras et Pétain à longueur de temps, et la mensongère « souverainiste » du prétendu « Rassemblement national » qui ne veut sortir de l’euro, ni de l’UE – dont la responsabilité dans le désastre sanitaire est immense, à l’image de la Commission européenne appelant à 63 reprises les États-membres, entre 2011 et 2018, à « réduire les dépenses de santé » –, ni de l’espace Schengen, ni de l’OTAN, ni du capitalisme. 

Cette alternative franchement communiste et franchement insoumise ne peut être que rouge-tricolore, nécessitant une rupture définitive et totale avec l’euro, l’UE, l’OTAN et le capitalisme exterministe.

Elle ne peut pas s’incarner dans une resucée d’« union de la gauche » associant les faux « socialistes » et « écologistes » et les « communistes » et « insoumis » édulcorés, autant de forces discréditées aux yeux des classes populaires – et notamment de la classe ouvrière – et faisant miroiter une impossible « Europe sociale ».

Cette alternative rouge-tricolore, patriotique et populaire, antifasciste et internationaliste – en cela diamétralement opposée à l’utopique et dangereuse « union des souverainistes des deux rives », qui sert de marchepied au RN –, écologiste et anticapitaliste, est portée par le PRCF et son porte-parole désigné Fadi Kassem.

Partout en France, de nombreux militants sont actifs dans la campagne auprès des communes rurales et populaires, des travailleurs – dont ceux de la classe ouvrière – et des citoyens attachés à la République une et indivisible, sociale et laïque, souveraine et démocratique, fraternelle et pacifique, alors que le risque d’effondrement de la France et de fascisation mortelle pour le mouvement ouvrier et les forces progressistes, à commencer par les communistes, ne cesse de s’accroître.

Plus que jamais, il est temps d’en finir avec le pseudo « Nouveau Monde » de Macron et ses laquais et l’Ancien Monde incarné par le RN et ses satellites. Afin qu’adviennent les « nouveaux Jours heureux » dont nous avons urgemment besoin, rejoignez le PRCF et menons, tous ensemble en même temps, la campagne en faveur de la seule alternative en mesure de faire gagner le monde du travail en 2022, celle de l’alternative rouge-tricolore pour une souveraineté nationale et populaire pleine et entière. Plus que jamais, Frexit progressiste, et vite ! »

Enfin, à rebours du terrain « militant » trotskiste de la tendance Révolution permanente du NPA et de l’affirmation électorale du PRCF, qui sont très concrètes, on trouve l’option maoïste, bien plus abstraite ou bien plus conceptuelle. Dans la perspective de la révolution culturelle, il y a chez le PCF(mlm) l’idée de suivre l’époque « avec de la hauteur » et de considérer qu’il faut l’idéologie au poste de commande, pour tout révolutionner. Voici ce qu’on lit notamment dans Le marxisme-léninisme-maoïsme est l’idéologie communiste de notre époque, du 1er avril 2021.

« Mao Zedong a affirmé dans les années 1960 que les 50-100 années à venir seraient celles d’un bouleversement comme l’humanité n’en a jamais connu. Cette position découlait de sa compréhension des contradictions propres à notre époque, des tendances en développement, des nécessités historiques.

Et aujourd’hui, au début des années 2020, l’humanité toute entière sait que plus rien ne peut être comme avant. Il y a le constat du rapport destructeur à la Nature, avec des contre-coups tel le COVID-19 et le dérèglement climatique, mais en général il est flagrant que le modèle de vie proposé par le capitalisme est à bout de souffle moralement et culturellement.

C’est la raison pour laquelle les gens sont tétanisés : ils sentent que le changement doit être complet, qu’il va falloir révolutionner les modes de vie, modifier les conceptions du monde, changer les rapports aux animaux, à la Nature en général, et bien entendu transformer l’ensemble des moyens de production et des manières de consommer.

Le défi est d’autant plus immense qu’il exige une réponse mondiale. En ce sens, nous affirmons que la position communiste est de parvenir à une révolution dans un pays donné, afin d’en faire l’exemple à tous les niveaux pour le reste de l’humanité (…).

Les années de référence doivent être 1948-1952 pour l’URSS et 1966-1976 pour la Chine populaire, ces deux périodes formant l’aboutissement le plus développé de l’expérience communiste (…). Le marxisme-léninisme-maoïsme n’est pas une méthode, il ne fournit pas des recettes : il est une vision du monde et par conséquent il doit être une réalité pour tous les aspects de la vie (…).

Nous affirmons que l’irruption de la crise du COVID-19 correspond à l’affirmation de la seconde crise générale du capitalisme, que l’idéologie marxiste-léniniste-maoïste doit en comprendre tous les aspects et fournir les réponses à la crise, à tous les niveaux.

C’est le sens de la révolution mondiale que d’être un bouleversement à tous les niveaux, dans tous les domaines ; la guerre populaire est la systématisation des réponses communistes à tous les niveaux, dans tous les domaines. »

On a là trois perspectives bien différentes, avec trois structures présentant certainement les économies politiques les plus développées à gauche. La raison en est bien entendu qu’on a ici trois traditions bien françaises : le trotskisme, le PCF, le maoïsme. Ancrées dans leurs traditions, elles se relancent. De manière fictive ou réelle ? Il est évident qu’une seule de ces mises en perspective peut se concrétiser.

Aussi différentes qu’elles soient, ces lignes programmatiques sont en effet opposées dans leur fond. Et pas simplement sur le plan des idées : dans leur démarche même, cela n’a rien à voir. La tendance Révolution permanente du NPA propose un activisme militant dans l’air du temps pour un Parti de lutte, le PRCF vise à la mise en place d’un Parti de masse pour une affirmation patriotique et sociale, les maoïstes proposent une introspection idéologique pour s’élancer culturellement à travers un Parti de cadres.

Cela reflète, dans tous les cas, une maturation de fond de la société française. Si on ne peut pas encore parler ici de résurgence, car c’est somme toute très marginal, il y a en tout cas une sorte de réaffirmation, comme si les dés de l’Histoire s’étaient remis à rouler.

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Guerre

L’incroyable silence sur le conflit Russie-Ukraine

Alors que les troupes s’accumulent, le silence est complet dans les médias et de la part des politiques, y compris à Gauche.

La situation est désormais telle qu’il n’y a plus aucun doute sur de prétendues « manœuvres ». Les troupes et le matériel convergent de part et d’autre à la frontière entre la Russie et l’Ukraine. Le front a d’ailleurs été très calme le dimanche 5 avril, à l’opposé complet du samedi 4 avril. Les choses se mettent en place, de manière toujours plus ouverte.

Il y a notamment des envois depuis les États-Unis au moyen d’avions-cargos C-17 Globemaster III. Et le Conseil de sécurité de la Fédération de Russie a affirmé comme très probable des affrontements entre la Russie et l’Ukraine pendant ce qui est qualifié d »escalade des tensions dans le Donbass.

Il est désormais absolument évident que deux armées se font face, prêtes à en découdre. Cela n’implique pas que l’affrontement soit obligatoire… même si on peut le penser. Mais au minimum il devrait y avoir des appels mondiaux au retrait des troupes. C’est là le minimum.

Qui plus est, la France est membre de l’OTAN et l’OTAN n’a cessé, de manière officielle, d’expliquer qu’elle soutiendrait l’Ukraine. Cela veut dire que s’il y a conflit, la France est de la partie, si ce n’est de facto, au moins de jure : si ce n’est de fait, au moins juridiquement.

Comment peut-on alors garder le silence ? Comment la menace réelle de la guerre, avec des troupes armés jusqu’aux dents se faisant face, peut-elle être autant passée sous silence ? Comment la participation de la France peut-elle passer comme une lettre à la poste ?

C’est là qu’on voit qu’il y a en France un énorme problème : le soutien général à l’armée française, l’acceptation du militarisme. D’ailleurs, et c’est un très bon exemple, Jean-Luc Mélenchon a publié le 2 avril 2021 un billet titré « Industrie de défense : Dassault a raison de dire « nein » !« , dans un grand élan militariste-patriotique où on apprend que le Rafale « est le meilleur avion de combat du monde ». Une semaine avant, il expliquait que »La France doit demeurer une puissance polaire« .

Il reflète bien un social-chauvinisme généralisé. La France a un bon niveau de vie, elle est moins pire que les États-Unis dans ce qu’elle fait dans le monde, donc il faut accepter voire soutenir. L’absence de dénonciation du militarisme reflète une capitulation pratiquement systématique à Gauche.

Mais ce qui se passe à la frontière de l’Ukraine et de la Russie change la donne. C’est l’expression de la grande crise, commencée avec le COVID-19 mais traversant toute la société, toute l’économie. Plus rien ne tient. La bataille pour le repartage du monde devient la grande tendance… et on ne peut pas y échapper, à moins de la renverser.

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Guerre

Russie-Ukraine: des escarmouches alors que continue l’accumulation de troupes

Les effectifs augmentent, les accrochages sont plus nombreux et s’intensifient.

La Femen Inna Shevchenko, qui travaille maintenant pour Charlie Hebdo, publie beaucoup de choses sur son Twitter, des choses plutôt intéressante sur la laïcité. Mais, alors qu’elle est ukrainienne, que le logo des Femen est aux couleurs ukrainiennes, elle ne dit pas un mot sur la situation actuelle. C’est un exemple assez affligeant d’inconséquence et de comportement petit-bourgeois : je fais carrière quelque part, de gauche mais pas trop, quant à mon pays et les gens qui y vivent…

Il est pourtant évident que les grandes puissances poussent à la guerre. L’Ukraine est poussée à la guerre par les États-Unis et la Russie l’est… par son propre expansionnisme. Il faut donc prendre partie contre la guerre, toujours… qui ne dit mot consent.

Il est d’ailleurs strictement impossible de ne pas voir que l’aggravation de la situation prend une tournure gravissime. Les deux armées les plus nombreuses d’Europe n’ont pas toujours cessé leur déploiement de troupes à leurs frontières ! La Russie et l’Ukraine se mobilisent littéralement…

Au 2 avril 2021, la Russie avait déjà ajouté 25 bataillons tactiques au 28 déjà présents aux frontières. Chaque bataillon consiste en un bataillon d’infanterie mécanisée, une compagnie de tanks et de l’artillerie. Et les accrochages se multiplient de manière exponentielle aux frontières des « républiques populaires » séparatistes, en fait pro-russes, de Donetzk et Louhansk, et le reste de l’Ukraine.

Violations du cessez-le-feu, au 3 avril, les sept jours précédents, les 30 jours précédents, moyenne pour 2020

Les informations télévisées russes déversent une propagande folle sur les velléités guerrières de l’Ukraine, chauffant à blanc l’opinion publique, avec notamment une fake news d’un enfant tué par un bombardement ukrainien (c’est la seule chose à ce sujet qu’Inna Shevchenko a retwitté d’ailleurs, gardant elle-même le silence).

Et en face on n’est pas en reste , l’armée ukrainienne annonçant qu’elle participerait à des opérations avec l’OTAN en mer Méditerranée et en Irak, qu’il y aurait bientôt des exercices en Ukraine même.

Exemple de folie furieuse, d’ailleurs, un avion de patrouille maritime et de lutte anti-sous-marine américain Boeing P-8A Poseidon a survolé le 3 avril 2021 la côte syrienne… utilisant son transpondeur de telle manière à ce que soit formé le nombre 46, allusion à Joe Biden, 46e président des États-Unis, qui est sur une ligne très agressive par rapport à la Russie.

Et alors que le 2 avril la France était certaine qu’il n’y aurait pas de conflit, le 3 avril il y a eu un communiqué commun des ministères des affaires étrangères de France et d’Allemagne. On y lit que :

« La France et l’Allemagne sont préoccupées par la multiplication des violations du cessez-le-feu, alors que la situation s’était stabilisée depuis juillet 2020 dans l’Est de l’Ukraine. Nous suivons avec une grande vigilance la situation, en particulier les mouvements de forces russes, et appelons les Parties à la retenue et à la désescalade immédiate des tensions. »

De par la nature des troupes envoyées par la Russie, on peut déjà lire le scénario suivant. Il va y avoir des accrochages dégénérant et la Russie va annoncer qu’elle est en nécessité d’envoyer des « gardiens de la paix » dans les zones séparatistes, afin d’obéir à sa constitution l’obligeant à protéger des citoyens russes.

Le but est de parvenir à un point de rupture pour annexer les deux « Républiques populaires ». La Russie peut avoir choisi de bouger de manière seule, ou bien elle répond à l’initiative américano-russe de lancer une opération de récupération. Peu importe, les deux sont coupables de la marche à la guerre.

Et ce n’est qu’un triste début dans une tendance à la guerre se généralisant à travers la crise du capitalisme sur toute la planète, à travers la compétition sino-américaine pour l’hégémonie mondiale.

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Société

Appel du 2 avril 2021 pour une FCPE laïque et sociale

La Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) est l’une des principales fédérations de parents d’élèves des écoles publiques, c’est un organisme généré par la Gauche. Mais en raison d’une ligne considérée comme populiste, une opposition pro-républicaine se forme.

Voici l’appel, qu’on peut signer ici :

« Nous, adhérents et sympathisants de la FCPE, citoyens attachés à l’enseignement public, lançons un appel pour que la Fédération des Conseils de Parents d’Elèves retrouve son rôle de soutien de l’École publique et de ses enseignants à l’heure où ils sont confrontés à de graves menaces.

De l’affaire Mila à l’assassinat de Samuel Paty, l’offensive de l’islam politique et les remises en cause de la laïcité par les intégrismes religieux conduisent chaque jour les enseignants à perdre du terrain, dans une institution déjà affaiblie par la montée du consumérisme parental. Ainsi, selon une étude de la Fondation Jean Jaurès, la moitié des enseignants affirment avoir été confrontés à une « forme de contestation au nom de la religion dans leur classe » et « s’être déjà autocensurés dans leur enseignement ».

A Lyon ou Trappes, quelle tristesse de voir des enseignants abandonner leur métier parce qu’ils ne peuvent plus l’exercer sereinement, et des élèves déscolarisés pour avoir exprimé une opinion contraire aux dogmes religieux ! 

Nous aurions aimé entendre la FCPE manifester sa solidarité à l’égard de Mila, de Didier Lemaire ou de Fatiha Agag-Boudjahlat, et de toutes ces premières lignes de la République. Il n’en a rien été, à croire qu’elle ignore ses propres statuts, par lesquels elle s’engage, dès 1947, à « propager l’idéal laïque » et « resserrer les liens indispensables entre les parents et les enseignants » . Ces principes s’enracinent pourtant dans l’histoire de la gauche et de la République, dont une étape essentielle fut, il y a 150 ans, le 2 avril 1871, le décret de la Commune proclamant la séparation de l’Eglise et de l’Etat et l’enseignement gratuit et obligatoire pour les filles et les garçons. 

Tournant le dos à cette histoire, la direction de la FCPE n’hésite pas à poursuivre en justice les plus ardents défenseurs de l’Ecole publique et de la laïcité, comme en témoigne le procès intenté – et perdu – à l’ancien inspecteur général de l’Education nationale Jean-Pierre Obin. 

Cette offensive judiciaire vise également les élus FCPE qui, en son sein, osent interroger cette dérive. Mises en demeure judiciaires, suspensions des mandats : nous faisons face à ce qu’il faut bien appeler une tentative d’étouffement de la démocratie interne.

Depuis deux ans et particulièrement la campagne clivante sur les accompagnatrices voilées des sorties scolaires, cette focalisation sur les questions identitaires, au détriment d’enjeux fédérateurs comme la qualité de l’enseignement ou la mixité scolaire et sociale, nous éloigne du mouvement de masse ouvert sur la société qu’a été et que devrait être la principale fédération de parents d’élèves.

Devant le risque d’une hémorragie des adhérents, nous ne nous résignons pas à ce que la FCPE devienne, à l’image d’autres organisations progressistes, un groupuscule s’épuisant dans d’inutiles querelles politiciennes et d’absurdes procédures judiciaires. Au risque de sacrifier ce qui devrait être sa mission première : favoriser l’émancipation de chaque élève, qu’il ait grandi dans une famille croyante ou athée, de gauche ou de droite, riche ou modeste.

Seule l’école publique et laïque permet cette émancipation. C’est pour cela que nous la chérissons, que nous y avons inscrit nos enfants, c’est pour cela que certains d’entre nous ont choisi d’adhérer à la FCPE. Et c’est pour cela que nous invitons tous les défenseurs de l’École publique à signer cet appel sur ce site, et les adhérents de la FCPE à nous rejoindre pour participer à cette refondation interne dans la perspective du prochain congrès

Premiers signataires : 

Les adhérents FCPE membres du “Collectif du 2 avril”

Et

Gilbert Abergel, président du Comité laïcité République

Fatiha Agag-Boudjahlat, enseignante

Jean-Louis Auduc, ancien directeur des études de l’IUFM de Créteil, ex-secrétaire général adjoint du Snes

Sandrine Bernard, présidente du Conseil local FCPE Rosa Parks à Ivry

Aurélia Bloch, journaliste et auteure-réalisatrice

Laure Caille, présidente de Libres MarianneS, ancienne responsable SNES-FSU

Jean-Christophe Cambadélis, ancien premier secrétaire du Parti socialiste

Martine Cerf, présidente d’Egale

Gilles Clavreul, délégué général de l’Aurore, cofondateur du Printemps républicain 

Jacqueline Costa-Lascoux, ancienne présidente de la Ligue de l’enseignement

Didier Daeninckx, écrivain 

Aurélien Demangeat, ex-président du Conseil départemental FCPE du Puy-de-Dôme

Raphaël Enthoven, essayiste

Michel Fouillet, haut fonctionnaire, administrateur d’Egale

Philippe Foussier, journaliste

Caroline Fourest, essayiste

Christian Gaudray, militant laïque

Sarah Gheeraert, ex-présidente du Conseil départemental FCPE du Puy-de-Dôme

Xavier Gorce, dessinateur

Danièle Guillot, ancienne adhérente FCPE et psychologue

Jean Glavany, ancien Ministre

Françoise Kayser, ancienne adhérente FCPE, fondatrice de Femmes contre les intégrismes

Catherine Kintzler, philosophe

Françoise Laborde, ancienne sénatrice, présidente d’Egale

Didier Lemaire, enseignant

Guy Lengagne, ancien ministre

Samuel Mayol, maître de conférences

Anne Mayol, formatrice en CFA

Philippe Noury, élu FCPE à Paris 

Henri Pena-Ruiz, philosophe 

Joël Potier, ex-président FCPE de l’EREA de Berck, Délégué départemental de l’Education nationale

Nicole Raffin, ex-directrice d’école et adhérente FCPE Paris

Bernard Ravet, président de la commission éducation de la Licra

Iannis Roder, enseignant

Vincent Ruprich-Robert, président du Conseil Local FCPE Buffault à Paris

Jean-Pierre Sakoun, ancien président du Comité laïcité république

Xavier Schneider, président du Conseil départemental FCPE du Bas-Rhin

Claude Secroun, ancien président du Conseil Local FCPE à Gueux, représentant de la LICRA auprès du Collectif Laïque National

Alain Seksig, ancien adhérent FCPE Paris 20e, inspecteur d’académie

Georges Sérignac, Grand Maître du Grand Orient de France

Annie Sugier, présidente de la Ligue du Droit International des Femmes

Claudine Tiercelin, Professeur au Collège de France

Corinne Zelman, ancienne présidente FCPE Paris 8e et DDEN « 

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Écologie

55 000 cochons meurent dans l’incendie de l’élevage allemand d’Alt Tellin

C’est un drame à l’échelle de la catastrophe en cours à notre époque.

Le capitalisme modernisé a systématisé l’emploi d’animaux, dont les conditions de vie ont toujours été rendus plus horribles afin d’élargir la consommation. L’existence de McDonald’s et des kebabs, ces paradis du consommateur pressé, dépend de ces lieux infernaux où les cadences assassines et les emplois aliénés sont la règle.

L’incendie de l’élevage d’Alt Tellin, un village de 400 habitants tout au nord-est de l’Allemagne, apparaît ainsi comme une « anecdote » sanglante dans un océan de sang et de misère. Il y avait 7 000 cochonnes et 50 000 porcelets lorsque l’incendie s’est déclaré ; seulement 1300 animaux ont pu être sauvés. Mais sauvés de quoi ?

Les éleveurs assument ouvertement de mettre en place l’enfer sur Terre, de déclarer la guerre aux besoins naturels, à la sensibilité, à l’empathie. Les cochonnes subissent un cauchemar éveillé, c’est l’Horreur.

Une véritable résistance à la construction de cet élevage gigantesque – 250 000 porcelets chaque année – s’était développé en 2009-2010. Manifestations, conférences, sabotages par l’ALF, campagnes régionales… La bataille avait continué même après les débuts de l’usine-élevage, avec des tentatives de blocage juridiques, des campagnes de protestation.

Et l’usine-élevage cumulait, forcément, nombre de problèmes techniques, étant même obligé de changer la terre en raison d’une fuite d’acide sulfurique. De la construction en 2010 à 2015, il y a eu 207 inspections montrant pas moins de 213 manquements. L’usine-élevage est alors passé dans les mains d’un monopole, la Landwirtschaftliche Ferkelzucht Deutschland, car dans le capitalisme il faut toujours aller de l’avant.

L’incendie est ainsi le point culminant d’une crise traversant la réalité à tous les niveaux, de par le caractère infâme et intenable d’une telle usine-élevage, de par la tentative du capitalisme de toujours abaisser les coûts et de toujours vendre davantage. Quitte à aller en conflit avec la vie elle-même. Des êtres vivants brûlés vifs par milliers, dans la panique, la souffrance, c’est l’enfer de Dante. Le responsable départemental Achim Froitzheim a expliqué en parlant des pompiers que :

« Les gens ont des images dans la tête, c’est indescriptible. »

L’usine-élevage est détruite pour de bon. Les animaux ayant échappé au feu, eux, vont par contre rejoindre d’autres usines-élevages. Car le capitalisme continue et il continuera inlassablement à produire des usines-élevages toujours plus vastes, pour une consommation absurde pour des consommateurs façonnés par le capitalisme.

Mais cet dramatique événement donne aussi, tristement, raison à la résistance, qui ne manquera pas de prendre l’initiative. 200 personnes ont immédiatement manifesté aux abords de l’incendie pour protester d’ailleurs. L’honneur de l’humanité n’est pas sauvée, mais la bataille est en cours !

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Guerre

L’armée américaine achète pour 22 milliards des casques Hololens Microsoft

La course aux armements passe par le renforcement de la technologie et la superpuissance américaine compte bien maintenir son hégémonie.

La professionnalisation des armées a visé à se passer d’éventuelles révoltes à la base et augmenter de manière généralisée les capacités opératoires entre les troupes. L’armée américaine est en pointe dans cette perspective. C’est le sens de l’achat qui vient d’être effectué, qui s’élève à 22 milliards de dollars. Pour comprendre l’importance de cette somme, il faut se dire que c’est grosso modo la moitié du budget militaire français annuel.

Il s’agit pour l’armée américaine de se procurer des casques HoloLens 2 produits par Microsoft, 120 000 de ces lunettes seront fournies sur dix ans. Avec ces lunettes virtuelles connectées en réseau, on peut envoyer des informations, afin de renforcer les capacités inter-opératoires. La technologie est appelée Integrated Visual Augmentation System – Système d’augmentation visuelle intégrée.

La vue du soldat, ici en mode nocturne, voit une image se superposer, ici avec un plan et la localisation des soldats

L’armée américaine avait déjà fourni 479 millions de dollars à Microsoft en 2018 pour mettre en place ce système. Cela montre comment le capitalisme américain est dans sa racine même appuyé sur le complexe militaro-industriel. Des entreprises très avancées technologiquement profitent et appuient le militarisme américain.

Il ne s’agit pas de fournir de telles lunettes à chaque soldat, mais de faire en sorte que certains leaders en disposent afin qu’on puisse en temps réel leur fournir des informations, des ordres, qu’ils aient un aperçu plus approfondi des opérations en cours. Il s’agit de renforcer l’efficacité en action mais également de relier les actions… qui sont prévues pour une action en territoire urbain.

Naturellement, la Chine qui veut devenir une superpuissance sera obligée de suivre, comme d’ailleurs toutes les puissances cherchant à obtenir des capacités d’intervention. Ces lunettes pourront également être employées dans le pays lui-même, contre les révoltes. Autant dire que c’est là une monstrueuse contribution au militarisme et à la tendance à la guerre.

Il n’existe pratiquement aucune opposition interne au sein de Microsoft : les rares critiques internes ont reproché, à l’annonce du contrat, que Microsoft signe un contrat pour des armes de guerre le jour de la « visibilité LGBT », qu’il faudrait mieux soutenir les LGBT. Ce que fait en réalité Microsoft aussi, tout comme l’armée américaine. En l’absence de repères réellement de gauche, la marche à la guerre des États-Unis se déroule ainsi sans accrocs.