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La crise du coronavirus COVID-19 précipite le capitalisme

Le capitalisme a des limites : celles de sa propre volonté de croissance exponentielle. La crise du coronavirus COVID-19 qu’il subit, et qu’il a lui-même provoqué, va lui porter un terrible coup. C’est le début d’un vaste effondrement et les Bourses l’ont compris, autant qu’elles sont en mesure de le comprendre.

La Bourse de Paris a chuté le 12 mars de 12,28 %, sa pire chute historique. Et la Bourse ce n’est plus une salle avec des gens qui crient et qui réagissent à l’emporte-pièce. Aujourd’hui, cela passe par des algorithmes, de larges prévisions, des décisions à haut niveau par des cadres financiers éprouvés, etc.

Pareillement, les autres bourses ont décroché : Londres de 9,81 %, Francfort de 12,81 %, Madrid de 14,06 %, Milan de 16,62 %, New York de 9,99 %. C’est donc une panique, mais une panique rationnelle, choisie. Car la raison de fond, c’est que l’accumulation du capital est bloquée. Or, le capitalisme ce n’est pas que la croissance des revenus du capital, c’est toujours plus de revenu du capital.

Les secteurs du tourisme et du voyage sont déjà très affectés, la production industrielle est ralentie dans de nombreux secteurs alors que dans le même temps une crise de surproduction de pétrole provoque un effondrement des cours.

Il est absurde de penser que le capitalisme est infini, qu’il ne connaîtrait aucune limite, qu’il pourrait toujours se régénérer, qu’il suffirait d’un peu de petite production et tout serait relancé, etc. Ce n’est pas le petit commerce de kebab qui peut sauver le capitalisme une fois qu’il a atteint une situation monopolistique. Seule la guerre le peut… et encore, à court terme, puisque de nouveau la limite sera atteinte.

Cette compréhension est celle de la Gauche historique et s’est largement perdue car, en raison de la longue croissance du capitalisme, il y a eu capitulation et la croyance que le capitalisme serait toujours stable. Cette idée s’est d’autant plus renforcée que tout un confort s’est installé – et beaucoup de gens de gauche dans ce confort.

Maintenant, tout cela est fini. D’où la suspension par Donald Trump de toutes les liaisons transatlantiques avec l’Europe. D’où d’ailleurs le repli national de chacun des principaux États, un phénomène qui date d’ailleurs de bien avant, comme on l’a vu avec le Brexit. C’est là tout simplement la tendance à la guerre, une répétition de ce qui a eu lieu pour les première et seconde guerres mondiales.

La crise qu’implique le coronavirus COVID-19 ne fait dont que renforcer une tendance déjà présente. C’est une crise dans la crise – et une crise d’ailleurs directement conséquence de la mondialisation, avec la destruction de la vie sauvage sur la planète. On connaît en fait une période d’accélération de la crise, qui s’affirme à tous les niveaux : militaire par les conflits, climatique en raison du CO2 produit, sanitaire en raison des conséquences des dérèglements produits, etc.

On comprend que la plupart des gens ne veulent pas voir tout cela. Qu’il y ait l’espoir que tout va se calmer, ou que tout va être loin. Cependant, la crise du coronavirus COVID-19 montre qu’il n’existe pas de frontières. Toute la planète est embarquée dans un processus de conflagration générale. Les tâches qui attendent ceux qui n’ont rien à perdre dans le capitalisme sont donc absolument immenses.

Et pour l’instant, on est très mal parti avec des ouvriers français qui préfèrent voter Marine Le Pen en espérant qu’un retour en arrière de type protectionniste – nationaliste va les sauver. La société française va connaître un désenchantement immense, un décrochage général. C’est le début de l’Histoire et de ses tourments.

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COVID-19, une crise de la civilisation capitaliste

La Maladie à coronavirus (COVID-19), provoquée par le coronavirus SARS-CoV-2, est le produit direct du capitalisme : de ses villes, de sa consommation industrielle et artisanale d’animaux, de ses mœurs individualistes, de son rapport au corps. Le scepticisme français ne peut tout simplement pas le concevoir, prisonnier de son positivisme capitaliste.

La situation provoquée par le coronavirus COVID-19 est, peut-être, le plus grand symbole de la rentrée dans le 21e siècle. En effet, le capitalisme part à l’assaut de la biologie, de la nature elle-même. Désormais, tout doit être consommable, jusqu’aux animaux sauvages, dont le trafic mondial rapporte une véritable fortune, malgré son illégalité.

L’émergence de la figure de Greta Thunberg n’est que le pendant d’une systématisation du capitalisme dans des domaines nouveaux et ce à l’échelle planétaire. Son discours est creux, une fabrication médiatique, car il prétend que quelques problèmes vont arriver, alors le capitalisme triomphant et destructeur est déjà entièrement là.

Il n’y aurait en effet pas de passage d’un virus d’une espèce à une autre s’il n’y avait pas des conditions contre-nature à Wuhan, avec un marché local où des animaux sauvages sont consommés dans des conditions atroces.

C’est là une vérité facile à comprendre, mais qui est justement, par là-même, évitée autant que possible. En effet, cette vérité implique la nécessité d’un changement complet du rapport de l’humanité aux animaux sauvages… et, de fait, aux animaux en général, puisque parfois les virus ont sauté la barrière des espèces depuis des animaux relevant d’une production industrielle.

Pour dire les choses simplement, si le monde était vegan, il n’y aurait pas eu de possibilité que se produise la maladie COVID-19, car il n’y avait pas le terrain viable pour l’arrivée dans le domaine humain du coronavirus SARS-CoV-2. D’où justement la preuve de l’intérêt que présente le véganisme comme philosophie de la vie concernant le rapport à la vie naturelle.

Seulement, on se doute, le capitalisme a réussi à aliéner tout le monde. On cherchera en vain une vie naturelle dans la consommation à outrance, la chirurgie esthétique (ou relevant de la démarche « trans »), l’idéologie du selfie, l’art contemporain, le transhumanisme, la prostitution, des villes tentaculaires, etc. etc.

Une véritable Gauche ne peut partir qu’à l’assaut de tout cela, mais cela demande une exigence énorme, d’où justement l’apparition d’une « gauche » postmoderne qui a choisi de se « rebeller » en… accompagnant l’ultra-libéralisme capitaliste. Et cela en phase, d’ailleurs, avec tout un existentialisme libéral français.

Le Français, façonné par le capitalisme, considère qu’il a le droit de n’en faire qu’à sa tête. Les règles et les devoirs s’appliquent aux autres, et aux autres seulement. L’égocentrisme va si loin que l’hygiène elle-même s’efface devant un sentiment de toute-puissance : le Français distingue en effet soigneusement entre la saleté et sa saleté. Cette dernière est tout fait acceptable.

Quant à considérer qu’une maladie puisse être « nouvelle », qu’elle ne puisse pas être « maîtrisée » par l’Homme qui serait « comme maître et possesseur de la nature »… Ce n’est même pas concevable ! Le Français reste fidèle au positivisme d’Auguste Comte. On ne fait qu’aller de l’avant, de manière unilatérale.

Impossible n’est pas français! Surtout pas le déni, le relativisme, le scepticisme, cette confiance irrationnelle en la principale qualité française qu’est l’ingéniosité. Mais la France ne vit pas dans la conscience, fut-elle cartésienne, elle vit dans la réalité. Et celle-ci convainc tout le monde, par définition.

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Le coronavirus COVID-19 et les multiples crises qu’il implique

Le coronavirus COVID-19 fait peur en France, mais la nature de la crise est mondiale et touche pratiquement tous les aspects de la vie. C’est encore un signe que rien ne va plus pour une planète toujours plus malade du capitalisme et des humains le diffusant.

Paranoïa et réelle crise sanitaire, crise de l’utilisation des animaux à la fois de manière artisanale et hyper-industrielle, perturbations économiques, chaos administratif et réelle supervision à la fois opaque et bureaucratique… Le coronavirus COVID-19 a été la boîte de Pandore de toute une série de contradictions, dont on ne voit pas la fin.

Il va de soi que le fait que la crise du coronavirus COVID-19 parte de Chine, l’usine du monde, renforce d’autant plus le véritable choc mondial. Un choc dont on n’entrevoit pas la fin : qui peut savoir comment une maladie d’origine animale, ayant sauté la barrière des espèces, comme le SRAS et Ebola, va se comporter ?

On est en effet ici dans une crise provoquée par le grand chambardement planétaire provoqué par les activités humaines. Si en Chine on ne capturait pas des centaines et des centaines de milliers d’animaux sauvages, dans les conditions les plus sordides, pour les amener vivant et les tuer sur le marché, pour les consommer comme aliments, la crise du coronavirus COVID-19 n’aurait pas existé. C’est aussi simple que cela.

Naturellement, cela n’inquiète guère les médias, qui préfèrent distiller la peur et engager une réflexion inquiète sur les conséquences pour l’économie mondiale. Le capitalisme se nourrissant du capitalisme toujours plus grand, toujours plus étendu, le ralentissement général lui est contre nature. Cela ne sera pas sans conséquences, mais quelle sera leur dimension ?

Et la Chine s’en remettra-t-elle ? Ce pays vise à être une superpuissance et son affrontement avec les États-Unis est déjà programmé, de part et d’autre. Mais son statut de colosse aux pieds d’argile est déjà flagrant. Wuhan, avec ses onze millions d’habitants, désormais connu mondialement comme lieu source du coronavirus COVID-19, reflète l’incroyable décalage chinois entre une avancée à pas de géant et une arriération terriblement profonde.

Si 400 millions de Chinois voient leur niveau de vie augmenter, tel n’est pas le cas pour un milliard d’ouvriers, de paysans, affrontant des conditions de vie misérable. Les 3/4 des Chinois n’ont même plus d’assurance-maladie, le système ayant été démantelé pour laisser libre la voie au capitalisme le plus effréné. Quant à l’hôpital censé être sorti du sol en dix jours, c’est un simple assemblage de préfabriqués, lui-même symbole de l’absence initiale d’infrastructures.

Ce qui est inversement d’autant plus étonnant, c’est le gigantesque stress qui est né en France. Il y a pourtant beaucoup d’infrastructures, une capacité sanitaire parmi les meilleures mondiales. On voit cependant à quel point tout est atomisé et il n’y a aucune confiance nulle part. Le coronavirus COVID-19 est prétexte à un repli sur soi, à un retour dans une bulle d’autant plus trompeuse qu’elle exige l’individualisme le plus complet.

Il y a tellement d’aspects dans cette crise qui commence seulement que, finalement, il est inévitable de la considérer comme propre à une époque, celle de la fin d’une civilisation, incapable de se saisir rationnellement des questions posées, de s’organiser de manière constructive, à l’échelle planétaire d’ailleurs.

Oui, il faut être visionnaire, par les temps qui courent. Sans quoi la fin de la civilisation capitaliste sera la fin de la civilisation tout court.

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Retraites: la CGT ne veut pas être écartée de la cogestion du capitalisme

La CGT est dans un situation compliquée : d’un côté elle doit prétendre à une certaine radicalité pour peser, de l’autre elle veut se montrer responsable pour ne pas être écarter définitivement de la gestion du capitalisme, du fait de sa faiblesse. Après une nouvelle « journée d’action », elle met en avant une conférence de financement alternative et continue à prétendre qu’elle a avec elle une mobilisation d’ampleur… tout en participant à la conférence de financement du gouvernement et de la CFDT.

« Des cortèges colorés, dynamiques et intergénérationnels, avec des slogans et des airs de musique engagés qui ont donné la pêche à plusieurs centaines de milliers de manifestants – dont beaucoup de grévistes – ont rassemblé sur plus de 200 lieux de manifestation partout sur le territoire. »

Quand on commence ainsi un communiqué après une journée de grève et de manifestation, c’est qu’on a manifestement plus grand-chose à dire pour faire croire qu’il se passe quelque-chose. Cela devient carrément risible quand il est expliqué ensuite :

« Toujours plus rassembleuses, elles donnent à cette mobilisation – dont la durée est historique – des envies d’en découdre encore et encore : concerts, spectacles, projections de films, retraites aux flambeaux, bals, signatures de pétition, carnavals de luttes… »

La CGT, qui écrit cela dans son communiqué du 20 février 2020, se retrouve en effet en très mauvaise posture, sentant venir à grand pas sa mise à l’écart de la cogestion du capitalisme.

Cela a donné lieu mercredi à une cacophonie pathétique avec Catherine Perret, chargée du dossier des retraites à la CGT, annonçant dans la matinée qu’elle claquait la porte de la « conférence de financement », puis son syndicat nuançant les choses quelques heures plus tard en expliquant qu’il fallait attendre que ses propositions soient entendues.

Pour justifier sa position, Catherine Perret a dénoncé un « compromis impossible » avec le gouvernement. Elle joue la carte du poing sur table, en espérant que cela puisse suffire à revenir à la table des négociations par la grande porte. La direction de la CGT a cependant vite réagit, jugeant ce coup de poker trop risqué.

D’ailleurs, le secrétaire d’État chargé des retraites, Laurent Pietraszewski, a immédiatement fait un appel du pied à la CGT pour qu’elle rentre dans le rang de la cogestion et qu’elle se montre raisonnable :

«Il n’y a pas que la CGT dans le paysage. Mais je regrette qu’un grand syndicat claque la porte à ce type de dialogue car elle a toute sa place. Ceux qui restent ont du travail».

La CGT s’est donc montrée raisonnable et a expliqué que rien n’était définitif, qu’elle voulait surtout que ses propositions soient entendues. Et des propositions, elle en a beaucoup, alors elle s’évertue à se présenter comme le meilleur élève en mesure de gérer la bonne marche du capitalisme.

On est pas ici dans la lutte des classe, portée par la Gauche historique et dirigée par la classe ouvrière assumant le Socialisme, mais dans le train-train du capitalisme devant perdurer.

Catherine Perret de la CGT a donc très bien travaillé son dossier pour réussir à « dégager à peu près 85 milliards d’euros par an » comme elle l’a expliqué à la radio, le communiqué de la CGT suite à la mobilisation du 20 février expliquant pour sa part :

« Après la première réunion de la Conférence sur le financement des retraites où nous avons porté notre analyse argumentée sur l’enfumage des chiffres de déficit en mettant en face nos propositions, nous sommes dans l’attente d’une réponse du gouvernement. »

Dans cette optique de se montrer raisonnable et utile pour le capitalisme, il est expliqué qu’une « Vraie conférence » sera organisée fin mars avec l’intersyndicale (CGT, FO, SOLIDAIRES, FSU).

Le syndicalisme tente ainsi de se maintenir, mais il a avec lui une base de plus en plus faible et isolée du monde du travail. Le gouvernement parle d’à peine 100 000 manifestants ce jeudi 20 février 2020 et la CGT ne donne même pas de chiffre national du nombre de manifestants… pas plus que du nombre de grévistes, dont elle prétend pourtant qu’ils sont nombreux.

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75 ans après la libération d’Auschwitz: l’antisémitisme qui n’en finit pas

Le 75e anniversaire de la libération d’Auschwitz par l’Armée rouge a été salué un peu partout, avec une grande pudeur, un sens réel de la justesse. Avec une arrière-pensée présente partout : on y arrive pas, cet antisémitisme, on ne s’en débarrasse pas, il reste outrageusement présent. Comment faire ?

Tout a été essayé ou presque contre l’antisémitisme, y compris le portrait guignolesque à travers Eric Cartman dans la série South Park. Mais on ne s’en sort pas, l’antisémitisme réapparaît toujours, vague après vague.

L’épisode de la quenelle avec Dieudonné a rappelé ici un point indiscutable. Plus on est éduqué, moins on est antisémite. L’antisémitisme est, en France, quelque chose de populaire. C’est une constante anecdotique mais ressurgissant par vague, de par son utilité : celui d’être un anticapitalisme romantique.

En ce sens, « l’antisémitisme est le socialisme des imbéciles », même si August Bebel, figure de la social-démocratie allemande à qui on attribue cette phrase à la fin du XIXe siècle, n’a jamais prononcé cette phrase. Car pour lui il n’y a pas de socialisme des imbéciles, il y a le socialisme et il y a le reste. L’antisémitisme est une révolte dévoyée et en ce sens il faut la remettre sur la bonne voie.

Beaucoup de Juifs l’ont vu historiquement et c’est pourquoi ils ont rejoint les rangs de la Gauche, comprenant que tant que le socialisme n’aura pas vaincu, l’antisémitisme servira de paratonnerre au capitalisme.

Il ne faut d’ailleurs ici pas avoir d’illusion sur les discours pro-palestiniens existant en France, qui sont d’une double hypocrisie. Première hypocrisie, car ces gens n’en ont rien à faire de la Palestine, dont la situation est toujours plus dramatique. Islamisme, corruption, influences étrangères massives, division entre factions… La Palestine est asphyxiée, mais cela n’est pas vu, pas su, car en France c’est simplement un lieu de projection. D’où par exemple la scène théâtrale d’Emmanuel Macron le 23 janvier 2020 devant l’église Sainte-Anne, territoire français de Jérusalem.

Seconde hypocrisie, car c’est un antisémitisme qui ne s’assume pas, à part en privé. La pression antisémite est énorme à Gauche, depuis l’opposition à la guerre du Golfe en 1990. À partir de cette date, il y a le commencement d’un exode des Juifs de Gauche. Un « anti-impérialisme » abstrait a pris le dessus sur les valeurs idéologiques de la Gauche et de l’extrême-Gauche existantes auparavant.

Là où il y a le populisme, la véhémence, la recherche d’un bouc-émissaire, le refus de l’organisation, la négations des valeurs du mouvement ouvrier… Il y a forcément l’antisémitisme, comme moyen de se donner une image « anticapitaliste ». C’est évidemment plus facile et plus rapide que de lire Le Capital de Karl Marx… L’irrationalisme est plus rapide, plus marquant, plus efficace à court terme que le rationalisme.

Voilà pourquoi on ne sort pas de l’antisémitisme. Seule la Gauche peut vaincre le capitalisme, qui a besoin du paratonnerre antisémite. Mais la Gauche historique est trop faible, et la gauche populiste vocifère, blâme, cherche un bouc-émissaire pour ne pas combattre le capitalisme : hier Nicolas Sarkozy, aujourd’hui Emmanuel Macron…

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Deux arrestations suite aux coupures de courant par la CGT en Dordogne le 10 janvier 2020

La CGT Mines et Énergie a connu un premier avertissement avec deux agents d’Enedis (l’ancienne Électricité Réseau Distribution France, formée dans le cadre de la privatisation du secteur) arrêtés dans le cadre d’une enquête pour mise en danger de la vie d’autrui. Face aux coupures de courant, le gouvernement réagit exactement comme le faisait celui du début du 20e siècle face exactement aux mêmes problèmes.

L’idée de couper le courant pour produire de la nuisance n’a rien de nouveau ; la toute jeune CGT l’a déjà massivement employé à Paris au début du 20e siècle. Émile Pataud, le syndicaliste dirigeant la Fédération, était présenté par la presse de l’époque comme « le roi de l’ombre » de par sa capacité de nuisance. Cette pratique se situe dans le cadre de l’action directe pour la grève générale et lui valut une répression sévère.

Pour cette raison, la pratique disparut plus ou moins, les annales de l’électricité constatant en 2008 dans l’article « Un siècle de coupures de courant dans les grèves des électriciens. De la centralité à la marginalisation (1905-2004) » :

« L’utilisation originelle de la coupure remonte aux premiers conflits du travail majeurs des électriciens qui se produisent en 1905-1907 à Paris, avec pour objectif prioritaire l’assimilation au personnel municipal. Les grands moyens sont utilisés dans cette bataille pour le statut . Ces mouvements sont dirigés par Émile Pataud, l’une des figures de proue du syndicalisme d’action directe qui oriente alors la CGT.

Il décide donc d’initier l’utilisation d’une technique de grève qui s’avère d’abord efficace et frappe les esprits : la coupure de courant. Historiquement, c’est en effet entre 1905 et 1910 que cette pratique est la plus usitée. »

Le Émile Pataud en question pensait même que les travailleurs de l’énergie combinés à ceux du bâtiment seraient la proue de la grève générale renversant le capitalisme. Il a écrit un ouvrage science-fiction racontant cette épopée, Comment nous ferons la Révolution, rédigé en commun avec Émile Pouget, un dirigeant de la CGT, et republié en 1995 aux éditions Syllepse.

Ce goût anarchiste pour le grand soir – cette calamité française – fut calmé par la police, l’armée et les révocations. En 2020, le gouvernement d’Édouard Philippe a lancé une première salve d’avertissement en ce sens.

C’est en effet une affaire déjà passée qui est au centre des deux arrestations, puisque c’est le 10 janvier que l’entreprise Interspray, qui s’occupe de produits chimiques et est classée Seveso, a été privée de courant durant trois heures. Et on parle ici d’arrestations en mode brutal, du type la gendarmerie qui débarque très tôt le matin, dans une ambiance tendue.

C’est donc un avertissement du gouvernement, qui sait très bien que les syndicats, refusant de faire de la politique, basculent au mieux dans du syndicalisme « dur », avec comme seul appui une ultra-gauche sans impact dans le pays.

Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, alors à la centrale nucléaire de Gravelines lorsqu’il a appris la nouvelle, n’a pas été dupe et a affirmé en réponse que c’était « jeter de l’huile sur le feu » que de mener une telle répression. La CGT et FO ont également organisé un rassemblement devant la gendarmerie de Neuvic en protestation.

Parallèlement, la CGT continue de lancer toutes ses forces. La Fédération CGT du Commerce a menée hier une petite manifestation à Paris et l’action menée la nuit au 22 janvier au Centre administratif du Grand Port Maritime du Havre en dit long sur le fond de la question : c’est une bataille identitaire qui se joue.

On comprend que, de plus en plus, l’affrontement réel qui existe à l’arrière-plan dans le refus de la réforme des retraites prend place : celui entre la CGT, ainsi que FO, et le gouvernement entendant « moderniser » les partenaires sociaux, abandonner les vieilles formes de cogestion sociale.

Le capitalisme de la « start up » nation n’a plus besoin de centrales syndicales formant une partie des institutions (tout en prétendant être hors de l’État). Il coupe donc les vivres. Pour la CGT, et pour FO, c’est simplement une question de vie ou de mort.

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«Choose France»: le capitalisme tourne à plein régime en France

Emmanuel Macron ne s’en est jamais caché, son idéologie est celle de la bourgeoisie et sa préoccupation est l’élargissement du capitalisme. Il y a donc eu ce grand sommet au Château de Versailles ce lundi 20 janvier 2020 pour soi-disant mettre en relation des investisseurs, en fait surtout mettre en avant de grands investissements capitalistes et en faire une « bonne nouvelle ».

Huit milliards d’euros vont être investis en France selon le ministre de l’Économie Bruno Le Maire. C’est que le capitalisme tourne à plein régime en France et il s’agit pour ses défenseurs d’en faire la promotion coûte que coûte, pour masquer la crise profonde de ce système économique et gagner la population à sa cause plutôt qu’à la lutte des classes.

La notion d’« investissement » est très utile pour cela et c’est donc ce terme qui est largement mis en avant par la communication gouvernementale dans le cadre de ce sommet « choose France » (choisir la France). Les commentateurs médiatiques, les syndicats, les patrons de PME, les petits commerçants : tout le monde adore cette idée qu’il y ait des « investissements ».

Le tapis rouge a donc été déroulé pour 180 chefs d’entreprises français et étrangers au Château de Versailles, avec quasiment tout le gouvernement (19 ministres) mis à contribution pour cette grande fête du capitalisme. Les pires exploiteurs et destructeurs de la planète avaient donc hier tous les honneurs, dans l’un des endroits les plus prestigieux du monde. Étaient présents des dirigeants de Coca-Cola, Fedex, Google, Netflix, Hyundai, Samsung, General Electric, Mastercard, Rolls Royce, Unilever, Total ou encore BNP-Paribas.

Cela aurait été un succès et il faudrait se réjouir de quatre milliards d’euros investis à Saint-Nazaire pour construire d’immondes paquebots, ceux-là même qui nuisent à Venise, pour des croisières d’un vide culturel affligeant.

Il faudrait également se réjouir que Coca-Cola investisse un milliard à Dunkerque pour continuer à produire sa bombe à diabète et à obésité, ou bien de l’ouverture d’un siège français par Netflix, ce monstre anti-culture dont on se rendra compte dans quelques années qu’il a tué le cinéma avec des milliers d’heures de séries aussi insipides qu’interminables.

Il faudrait encore se réjouir des investissements des groupes d’interim Adecco et Manpower, de Mastercard, de Fedex, de la banque américaine JP Morgan, de Toyota, d’Ericson ou des groupes pharmaceutiques AstraZeneca, Bection Dickinson et Biogen.

Tout cela serait formidable et il faudrait bien sûr remercier le président, ce monarque républicain à la française, sans qui rien ne serait possible à lire le ministre de l’Économie Bruno Lemaire :

« #ChooseFrance est un succès: les investisseurs sont au rendez-vous avec 8 milliards d’€ d’investissements! Pour tous les Français, tous les territoires, cela veut dire plus d’emplois et de prospérité. Depuis l’élection d’@EmmanuelMacron notre pays retrouve sa puissance économique »

Mais quand on est à Gauche, on ne se réjouit pas de ces grands investissements capitalistes. Quand on est à Gauche, on sait qu’ils ne signifient que plus de capitalisme, plus de pénétration du capitalisme dans le pays, plus de soumission des travailleurs et de la population tout entière au règne de la marchandise.

La Gauche, si elle ne renie pas ses fondamentaux historiques, a beaucoup mieux à proposer que l’élargissement du capitalisme : le socialisme, le pouvoir de la classe ouvrière, la grande utopie d’un monde meilleur et tourné vers la nature, les animaux et tous les êtres humains de la Terre !

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Jean-François Cirelli, serviteur du capitalisme promu officier de la Légion d’honneur

La promotion au rang d’officier de la Légion d’honneur de Jean-François Cirelli a crée beaucoup d’émois car il représente la branche française de BlackRock, puissant groupe américain spécialisé dans la gestion d’actifs financiers qui n’a jamais caché son intérêt pour le marché de l’épargne retraite en France, à l’instar de ses concurrents.

Si Jean-François Cirelli a été promu, par le Président Emmanuel Macron sur proposition du Premier ministre Édouard Philippe, c’est parce qu’ils partagent la même vision du monde : le capitalisme est une bonne chose, il faut élargir ses bases et encourager les investissements.

Ce nouvel officier de la Légion d’honneur est loin d’être un inconnu en France. Il est au contraire un des meilleurs représentants de la bourgeoisie et sa promotion est tout à fait légitime de ce point de vue. Il fait partie d’une liste regroupant d’autres membres de la bourgeoisie comme Grégoire Chertok (Rothschild), Serge Weinberg (Sanofi), Christian Dargnat (BNP Paribas Asset Management) ou encore Jean-David Chamboredon (fonds d’investissement Isai).

Ancien de l’ENA (de la même promotion que Patrick Strzoda, le directeur de cabinet du président de la République), Jean-François Cirelli a été conseiller économique du Président Jacques Chirac puis directeur de cabinet du Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, époque à laquelle il contribue à la réforme des retraites portée par François Fillon en 2003.

Il a travaillé à la direction du Trésor (chargé en quelque sorte de l’analyse économique pour l’État), il a représenté la France au FMI, il a été coopté au conseil de surveillance de Vallourec (puissant groupe français coté à Wall-Street), il a dirigé Gaz de France puis codirigé GDF Suez, avant de revenir au sein du groupe Engie en 2015. Notons au passage que l’ancien président d’Engie, Gérard Mestrallet, est déjà commandeur de la légion d’honneur, ce qui est un rang supérieur à celui d’officier.

En plus de tout cela, Jean-François Cirelli a été membre du Comité action publique 2022 chargé par le Premier ministre de proposer un certain nombre de réformes, entre autres sur les retraites. Il y a donc ici une convergence idéologique et pratique évidente entre des gens voulant élargir les bases du capitalisme en France.

Les retraites constituent de ce point de vue un secteur important pour les gestionnaires d’actifs financiers comme BlackRock. C’est dans la nature même d’un tel groupe, qui ne s’en est d’ailleurs jamais caché.

Son ancien directeur général pour la France expliquait en 2013 à la télévision que les retraites sont pour lui un « thème clef ». Plus récemment, le groupe a produit une note en juin 2019 expliquant pourquoi la réforme de l’épargne-retraite entrée en vigueur par la loi Pacte était une bonne chose. Il formulait même des recommandations concernant le dispositifs destinées au pouvoir public, ce qui du reste est une habitude pour ce type de groupe.

D’autres société du secteurs, françaises, sont bien plus implantées dans les institutions et milieux politique que BlackRock et formulent elles aussi directement leurs recommandations pour favoriser les systèmes de retraite par capitalisation.

Le deuxième plus gros gestionnaire d’actif français, Natixis, est dirigé par un ancien inspecteur général des finances et conseiller de l’Elysée à la réforme de l’Etat et aux finances publiques et va régulièrement dans ce sens. C’est la même chose pour le numéro un français Amundi dont le PDG Yves Perrier expliquait dans un rapport :

« Sans prétendre régler le problème des retraites, le développement de l’épargne longue peut en partie compenser la baisse anticipée des taux de remplacement. (…) Les produits d’épargne retraite permettent de compléter les régimes de retraite obligatoires.

De nombreux produits existent déjà pour les actifs du secteur public et du secteur privé. Leur développement doit être fortement encouragé pour qu’une partie significative de l’épargne longue des Français puisse être utilisée à la constitution de compléments de retraite. »

En effet, ce genre de produits financiers, amenés à se généraliser, existent déjà en France en complément du régime général par répartition. Que cela soit un plan d’épargne retraite populaire (Perp) ou un contrat Madelin (qui seront bientôt remplacés par un nouveau système), ou encore des contrats spécifiques à certaines profession, ils concernent déjà pas moins de 12,5 millions de personnes en France.

La capitalisation ne représente toutefois pour l’instant qu’une petite partie des sommes versée dans les cadre des retraites, soit 6,6 milliards d’euros contre 325 milliards d’euros pour l’ensemble des pensions en 2018. La Loi Pacte élargit déjà cette base en écartant du régime générale les gros salaires (plus de 10 000 euros par mois, soit 300 000 personnes), les obligeants ainsi à se tourner vers la capitalisation (et privant au passage le régime général de ces grosses cotisations).

Les gestionnaires d’actifs comme BlackRock, Natixis ou Amundi sont ensuite amenés à gérer ces fonds, versés via des banques, assureurs ou fonds de pensions.

Notons au passage que les syndicats eux-mêmes sont liés à la capitalisation, puisqu’ils cogèrent la Préfon, caisse complémentaire (facultative) destinée aux fonctionnaires qui est un régime par point et par capitalisation.

La réforme des retraites proposée par le gouvernement, en affaiblissant le régime actuel, encourage l’élargissement des systèmes de retraites complémentaires par capitalisation.

L’instauration d’un système par point (qui existe déjà pour nombre de complémentaires, même sans capitalisation) est quant à elle une première étape vers un système par capitalisation. Avec ce système, le futur retraité doit en effet se constituer un capital, de manière individuelle et dans une perspective de carrière individuelle.

Si le système par répartition est conservé pour l’instant, les gestionnaires d’actifs et leurs « sous-traitants » proposant les produits financiers sont à l’affût en arrière-plan, car il sauront faire miroitier une capitalisation plus intéressante individuellement que le système actuel.

> Lire également : Le système universel de retraite d’Édouard Philippe en quatre points

Jean-François Cirelli représente précisément cette perspective, en tant que grand bourgeois français impliqué aujourd’hui dans la gestion d’actif et récompensé par le Président, qui représente la même classe sociale et le même intérêt pour l’élargissement du capitalisme.

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Écologie Planète et animaux

Cesser l’utilisation de produits testés sur les animaux

Le principe des bonnes résolutions pour l’année à venir n’a le plus souvent que peu de sens, car cela tient à la vanité et à une perspective simplement individuelle. La seule résolution qui ait un sens est celle tournée vers les autres et il n’est pas besoin de date pour cela. Refuser les produits testés sur les animaux relève d’un choix inévitable qu’on doit être amené à faire. Qui ne le fait pas a une pierre à la place du cœur.


Chaque année en France, deux millions d’animaux subissent l’arbitraire de gens s’arrogeant le droit de les torturer et de les tuer, afin de chercher à « découvrir ». Considérant en effet que le monde est le fruit du hasard, l’expérimentation animale mène des activités partant dans tous les sens afin de « trouver » de nouvelles choses.

Les entreprises peuvent même mener des mêmes expériences en parallèles, étant concurrentes. Il n’y a ni centralisation des travaux, ni même un rendu public : on est dans l’opacité la plus complète. La seule chose qu’on sait, c’est que cela doit servir à développer des choses qui se vendent. Chaque année, 400 000 souris sont ainsi torturées et tuées rien que pour la recherche sur le botox.

Telle est la loi assassine du capitalisme : ce qui s’achète, ce qui se vend, voilà ce qui compte.

À cette quête éperdue de tout et n’importe quoi de vendable, s’ajoute le besoin de faire du chiffre. Fournir des statistiques est fort apprécié par une recherche fonctionnant à l’aveugle et se disant qu’à force d’accumuler des données, il en ressortira bien quelque chose. Les chercheurs maintiennent au passage leurs financements et cela les ravit.

C’est comme les données personnelles obtenues par Google et Facebook. Qui peut croire qu’il y a la capacité d’utiliser les milliards et milliards d’informations obtenues ? Car il faut savoir les employer à bon escient, et cela les chiffres ne disent pas d’eux-mêmes comment le faire.

Et qui peut oser dire que torturer un être vivant, c’est agir à bon escient ? Personne. Rien ne peut justifier l’arbitraire d’une telle volonté de toute-puissance. Abîmer la vie, la détruire, ne saurait contribuer à la vie elle-même, en aucun cas.


On connaît l’argument, évidemment : l’affirmation de l’humanité, notamment en médecine, passerait par là. Il n’y a qu’une réponse possible : cela est mensonger. Il suffit de constater qu’en France, jusque dans les années 1980, les bébés humains qui ne parlaient pas étaient opérés sans anesthésie, car on en avait conclu qu’ils ne souffraient pas!

Qu’est-ce que cela montre? L’absence d’empathie. Or, science sans conscience n’est que ruine de l’âme. Partant de là, l’expérimentation animale ne fait pas avancer l’humanité, malgré des données pouvant parfois être utiles, mais qui auraient pu être obtenues par la raison et qui ne justifient jamais, par définition, la souffrance, la torture, la mort.

Car qui accepte la souffrance, la torture, la mort, s’oppose par définition à la vie. L’expérimentation animale n’est jamais légitime.

Ne pas relever d’une absence de sensibilité, d’empathie… est un devoir. Agir positivement, par compassion, est ce qui en découle. Cesser d’utiliser les innombrables produits testés sur les animaux est un devoir. Il faut penser à tous les aspects de la vie quotidienne, même les plus improbables : cosmétiques, dentifrice, bloc WC, stylos…

Le plus simple est d’acheter des produits où figurent ces logos – le plus facile étant de se les procurer en magasins bios. Ces logos permettent d’éviter d’utiliser des produits testant sur les animaux hors de l’Europe par exemple, ou bien utilisant des animaux en amont des produits finis. Dans tous les cas il faut vérifier. Qui ne le fait pas trahit sa conscience.

Logo de la Human Cosmetics Standard

Logo d’IHTK
Logo de Cruelty-Free and vegan
Logo de Choose Cruelty-Free
Logo de Vegan action
Logo de la Vegan Society

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Société Vie quotidienne

Décadence, vie de bureau et corruption

La vie de bureau est une réalité pour de plus en plus de personnes dans notre pays et dans les autres nations capitalistes : enfermées sept heures par jours, voire plus, derrière un bureau, un écran et un clavier d’ordinateur. Chacun prend ses habitudes, chacun comprend la place de chacun, chacun trouve son rôle et finit par le jouer le plus naturellement possible.

John William Waterhouse - The Lady of Shalott

La vie de bureau intègre totalement les employées à leur entreprise. Ils font et sont la vie de « la boîte ». Ils portent ou défendent la « culture de l’entreprise », quand ce sont pas ses « valeurs ». Les plus chanceux et les plus aliénés auront un poste qui correspond à leurs besoins et à leurs attentes. L’entreprise remerciera ses collaborateurs par des séminaires, des séances de team building, des comités d’entreprise généreux afin de renforcer le lien entre l’entreprise et ses membres. Elle organisera des repas de Noël, elle forgera des liens entre ses collaborateurs grâce au management et aux ressources humaines : elle n’est plus une entreprises, elle est une famille.

Les moins chanceux n’auront pas cette joie d’aller travailler le matin. Tous les matins. Ils en rêveront. Ils accepteront le moindre petit cadeau et seront satisfait, d’avoir accès aux même activités d’entreprises que leurs compatriotes chanceux : pots de départs et alcool gratuit, prendre part aux jeux des relations sans lendemain entre collègues, sorties groupées dans un bar dont on parlera pendant plusieurs jours voire plusieurs semaines.

Le capitalisme moderne des pays comme la France a ceci de fantastique qu’il repousse toujours plus loin le concept d’offre et de demande : chaque personne peut trouver la vie de bureau qui lui correspond. Mieux : chacun doit trouver la vie de bureau qui lui convient… à chaque moment de sa vie. Tout est possible.

Une personne cynique et prétentieuse trouvera chaussure à son pied, une autre davantage portée sur le sens de son travail trouvera aussi l’entreprise qui lui permettra de s’épanouir et de grandir, selon les termes chers aux défenseurs de l’entreprise.

La bonne vie du bureau devient le rêve, l’idéal de la mauvaise vie de bureau. On galère, et enfin : on trouve sa place. On remercie l’entreprise et les collègues qui nous ont fait confiance. On souhaite le meilleur et plein de succès à tous lorsque l’on quitte le navire : peu importe tous les non-dits, toutes les rumeurs, toutes les choses qui se savent très bien. Et peu importe les piques qui seront lancées dans son dos.

On part ensuite pour une entreprise qui nous correspond davantage : que ce soit en terme de valeurs ou de carrière. On s’intègre à nouveau, on participe à une nouvelle vie dans une nouvelle entreprise. La vie quotidienne continue son travail de destruction, de sape et de corruption.

L’esprit de chacun se fait plier, broyer, écarteler. Peu importe la vitesse, le résultat sera identique: la richesse, la lumière qui brille en chacun sera détruite petit à petit. La vie quotidienne isole et bride les sens, elle restreint l’intelligence au strict minimum : l’entreprise devient le seul horizon. Et si l’entreprise seule n’y arrive pas assez vite, la vie sociale prend le relais.

La moindre nuance de couleur dans le ciel, le moindre changement dans la couleurs des arbres devraient être des sources d’émerveillement et de curiosité continus parmi les innombrables perceptions que nous avons du monde et de l’univers. Mais rien de tout cela n’est nécessaire à la vie de bureau : il faut optimiser les sens et l’esprit afin qu’ils ne perturbent pas le bon déroulement d’une vie de bureau morne.

L’émerveillement et l’attention accordée au sens, et donc à la vie et à l’univers, n’apportent rien à l’entreprise. Tandis que des parties de Call of Duty entre collègues après le travail permettent de souder l’équipe, de fournir des sujets de discussion, de créer des groupes de collègues…

Un divertissement des plus abrutissants pour un travail abrutissant. Un travail abrutissant qui permet de s’offrir des biens abrutissants. La boucle est bouclée : difficile d’en échapper. Les années passent, certains restent dans la même entreprise pendant dix ans, vingt ans… Et finissent complètement démolis.

Deux mille ans d’histoire et certains acceptent, et sont même fiers, de faire rayonner une marque, une entreprise, sur la réseaux sociaux ? De vendre des produits qui n’ont, socialement, aucune utilité ? De développer des applications plus ou moins calamiteuses qui ne servent en réalité à rien ? D’organiser des séminaires, de séances de team-building, tous plus destructeurs culturellement les uns que les autres ? Quand ils ne sont pas des insultes à l’idée même de culture.

Les plus chanceux acceptent avec plaisir l’horreur, l’abrutissement quotidien et la négation pure et simple de la complexité et de la richesse de la vie. Mais combien, parmi les moins chanceux, rêvent de cette situation ? En étant bien conscients que tout est faux. Combien acceptent cette petite vie quotidienne faite de corruption dans l’espoir d’avoir un peu mieux plus tard ?

La capitalisme en perdition n’est plus capable de donner le moindre sens au travail. Il ne chercher plus qu’à étendre son emprise sur toujours plus d’aspects de la vie quotidienne. Les sens, la vie intérieure doivent être brisés, pliés et calibrés afin de permettre à un mode de production à l’agonie et gagner ainsi des années d’espérance de vie. C’est une impasse qui ne pourra aboutir qu’à l’avènement d’un monde et d’un homme nouveaux sous le socialisme. Mais cette renaissance ne se fera pas sans douleur : il faudra payer le prix de décennies de corruption.

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Le sens historique de la réforme des retraites de décembre 2019

Le mouvement du 5 décembre a comme substance de s’opposer à la réforme des retraites du gouvernement qui va être proposé par Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire à la réforme des retraites, quelques jours après. Or, le capitalisme étant particulièrement en mouvement désormais, les individus sont atomisés et la réforme des retraites est une reconnaissance de cet état de fait. Peut-on gagner une lutte contre quelque chose dont les soubassement sont déjà là ? Oui, mais pas en défendant une version passée des retraites, avec ses bastions corporatistes.

Le principe des retraites devrait être simple, mais il ne l’est pas et paradoxalement, Emmanuel Macron veut le transformer vers plus de lisibilité, en torpillant un certain nombre d’acquis corporatistes faisant sa complexité. Et pourquoi veut-il le rendre simple ? Pour qu’un salarié soit toujours un salarié, uniquement un salarié, et non plus un plombier, un ouvrier, un fonctionnaire, un policier, etc.

C’est l’universalisation de la condition de salariée qui est visée, ainsi, à terme que la mise de côté de l’État dans la gestion de tout cela, au profit de mutuelles avec une capitalisation.

Emmanuel Macron veut donc un calcul des retraites qui soit universellement similaire – pour que chaque personne puisse avoir son parcours radicalement individuel.

Son idée est d’adapter les retraites au système libéral ; en 2017 en tant que candidat à la présidentielle, il proposait ainsi :

« un système universel des retraites où un euro cotisé donne les mêmes droits, quel que soit le moment où il a été versé, quel que soit le statut de celui qui a cotisé »

Pour réaliser un tel projet, il faut se confronter à la réalité et celle-ci est la suivante : les retraites en France ne consistent pas en une grande tirelire où l’on « capitalise » ce qu’on a cotisé en travaillant. Elles procèdent par répartition : ce sont les gens qui travaillent qui payent pour ceux à la retraite, et ainsi de suite pour les générations d’après.

Cela signifie que pour universaliser les retraites – et donc permettre le triomphe absolu de l’individualisme – le gouvernement doit d’abord abandonner le découpage des retraites existant. Quand il aura fait cela, il pourra passer à la capitalisation au lieu de la répartition par génération.

Comment une retraite se présente-t-elle aujourd’hui concrètement ? Pour connaître sa retraite, il faut voir sa propre durée d’activité (calculée par trimestre), ainsi que le niveau de revenu durant cette activité. Seulement, selon le type d’activité, la chose peut changer. Il y ainsi en France 42 caisses de retraites.

La plupart des gens ne sont pas concernés, car 80 % dépendent simplement du régime général des salariés du privé, avec en plus d’ailleurs une complémentaire obligatoire, unifiée désormais, de l’Agirc-Arrco. On a ensuite la fonction publique, la Mutualité sociale agricole, le régime des indépendants, les régimes spéciaux propres à certains métiers comme avocat, cheminot, travailleur de la RATP, etc.

Comme il n’y a pas de pot commun qui plus est, certains régimes sont déficitaires : 261 000 personnes touchaient ainsi des retraites liées à la SNCF en 2017, mais il y avait seulement 143 000 travailleurs actifs à la SNCF.

Le gouvernement arrive alors et dit donc, c’est ingérable, certaines retraites sont en faillite, on met un terme à tout cela et on universalise. Comme universaliser dit mettre à plat, cela veut dire niveler… et certains vont être perdants : ceux qui étaient dans les secteurs protégés. Ainsi, les fonctionnaires, ceux profitant des régimes spéciaux comme à la SNCF, à la RATP, etc. C’est pour cela que certains syndicats en particulier – la CGT et FO – ruent dans les brancards.

D’autres vont être gagnants : ceux qui font des petits boulots, qui ne rentrent pas dans les cases d’un système de retraites n’assumant pas encore la dimension atomisée existant socialement. C’est pour cette raison que la CFDT critique le système actuel qui « pénalise les femmes, les précaires, les bas revenus ».

Il y a alors deux tendances qui se dégagent. La première est assumée à mots voilés par le gouvernement : il y aura un allongement de l’âge légal de départ à la retraite, qui passera de 62 à 65 ans en 2025. Ceci afin de remplir les caisses pour que toute personne ayant travaillé toute sa vie dispose de 85 % du SMIC net comme retraite.

La seconde, personne n’en parle encore alors que c’est pourtant le but évident : le système des retraites s’effacera devant les mutuelles privées, avec donc la capitalisation. Car une fois qu’il y a universalisation des salariés, alors il n’y a aucune raison de décider pour eux individuellement…

La réforme des retraites a donc la même base idéologique – ou réelle, avec le capitalisme – que la légalisation de la PMA pour toutes et même de la GPA de manière indirecte avec la retranscription de l’état-civil, la future légalisation du cannabis, etc.

C’est une dérégulation générale qui est en cours – et comme la « Gauche » postmoderne y est favorable culturellement, elle a déjà perdu. Même les syndicats sont d’accord culturellement – comment feront-ils alors pour s’opposer à une tendance de fond, la réforme ne concernant qui plus est qu’une minorité du pays ?

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GDS: «Construire l’unité pour une alternative sociale et écologique»

Voici la publication de l’organisation Gauche démocratique et sociale (GDS), qui organise des « Rencontres pour construire l’unité » à Pau les 16 et 17 novembre. Le texte invite au rassemblement à Gauche sur la base d’une rupture avec le capitalisme. 

« Construire l’unité pour une alternative sociale et écologique
13/10/2019

Michelin a annoncé la fermeture de son usine de La Roche sur Yon en Vendée, qui emploie 619 salariés. Comment accepter cette décision brutale alors que, Michelin, c’est 22 milliards de chiffre d’affaire, 665 millions de dividendes en 2018 et pas moins de 70 millions de CICE perçus ? En Gironde, l’usine Ford à Blanquefort qui comptait 850 salariés a fermé. A Bessé sur Braye en Sarthe, la liquidation de la papeterie Arjowiggins a laissé sur le carreau 578 salariés, 120 intérimaires et de nombreux sous-traitants…et tout un territoire dévasté. Ce sont quelques exemples, parmi tant d’autres, des dégâts que le capitalisme provoque tous les jours. Ce système sacrifie impunément des vies au nom de la course au profit maximum.

Rompre avec le système économique dominant

Le thème de la fin du capitalisme resurgit dans le débat public y compris dans les grands medias (1). La hausse des inégalités de revenu est criante, une nouvelle crise financière est à craindre, le réchauffement climatique largement dû au capitalisme est bien réel. Ce sont bien des raisons de remettre à l’ordre du jour le besoin de rompre avec le système économique dominant, et de s’engager vers un nouveau modèle économique. Il est possible de « redonner au public le pouvoir de penser l’alternative au capitalisme » (2). Mais ne soyons pas naïfs : le capitalisme ne tombera pas de lui-même comme un fruit mûr.

Les luttes d’aujourd’hui sont l’élément-clé pour préparer le « dépassement du capitalisme » et son abolition (3). Les privilégiés défendent toujours le système dont ils tirent avantage. En France, c’est le rôle assigné à Macron par la bourgeoisie qui veut mettre fin aux fortes résistances que le néo-libéralisme suscite chez les salariés et dans la jeunesse de notre pays.

Préparer la grève interprofessionnelle

Les attaques contre la Sécurité sociale et les retraites sont significatives du projet macroniste. Le retour d’un déficit de la sécurité sociale est largement dû « à un assèchement délibéré des recettes provoqué par la non-compensation intégrale des exonérations de cotisations sociales » (4) décidées par le gouvernement. L’autonomie du budget de la Sécurité sociale est bafoué par Macron qui veut le fondre dans celui de l’Etat. Quant aux retraites, Macron s’obstine à imposer un système de retraites par points qui vise à baisser les pensions et à individualiser au maximum le système. Au final, aucun actif ne saura avec certitude quelle sera sa pension quand il sera en retraite. Multiplions les rencontres, les débats, les explications … Pour préparer la grève interprofessionnelle. Et imposer le droit réel à la retraite dès 60 ans avec une pension décente, la prise en compte de la pénibilité.

Se rassembler à gauche

La bataille contre la privatisation d’ADP est à relancer vers le million de signatures. C’est un combat contre Macron et son monde, celui où tout est marchandise au plus grand profit des grandes entreprises. Il est grand temps que la gauche, porteuse historiquement d’un projet alternatif au capitalisme, se rassemble. Alternative sociale et écologique ou régression sociale et chaos climatique. Une course de vitesse est engagée ! Il n’y a plus de temps à perdre !

Pour en débattre, la Gauche démocratique et sociale (GDS) organise des « Rencontres pour construire l’unité » à Pau les 16 et 17 novembre (pour plus de renseignements et s’inscrire : contact@gds-ds.org)

(1) Dernier en date le quotidien Le Monde titre « le capitalisme est-il fini ? » dans son édition des 13 et 14 octobre

(2) Gérard Mordillat dans l’Humanité du 8 octobre co-auteur de la série « Travail, salaire, profit » diffusée sur Arte

(3) Thomas Piketty « Quand je parle de dépassement du capitalisme, je pourrais dire abolition »

(4) Déficit de la Sécu : 11 organisations demandent le retour à la compensation intégrale des pertes de recettes »

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Société

La prolétarisation de l’Ouest de la France depuis 1968

Si la Gauche a oublié une chose fondamentale, c’est bien l’existence de la classe ouvrière. De sujet central il y a encore quarante ans, elle a été effacée progressivement de toute intervention stratégique à gauche. Amorcé dans les années 1980, ce lessivage idéologique a trouvé sa consécration dans la décennie 1990. Pourtant, si l’on regarde une dynamique sociale comme celle de l’Ouest de la France, il est frappant de constater que ce sont justement les ouvriers qui ont massivement investi la région depuis 1968.

En France, les ouvriers représentent 20,15 % (5 395 209 personnes) de la population active (2019). Dans tous les pays de l’Ouest (Bretagne, Normandie, Pays de la Loire), leur part est partout plus élevée que la moyenne nationale, avec même des niveaux très hauts en Mayenne (31, 3%), en Vendée (31%) ou dans l’Orne (31%). Ces départements font même partie des quatre premiers endroits en termes de concentration ouvrière.

La progression des effectifs ouvriers est vérifiée partout, mais cela se fait en ligne discontinue avec une progression surtout jusqu’en 1999 puis une stagnation ensuite, ce qui est peu étonnant compte tenu des cycles d’accumulation du capital.

Bien que le premier département ouvrier de l’Ouest, la Seine-Maritime, a vu son nombre d’ouvriers baisser depuis 1968, contrairement à la Vendée qui a vu une très forte hausse entre 1968 et 1999 (environ 38 400 ouvriers en plus). Malgré une relative baisse depuis 1999, la Loire-Atlantique est également un département qui s’est ouvriérisé (29 000 ouvriers en plus).

Prenons par exemple la petite ville des Herbiers en Vendée. Elle s’est littéralement transformée. Avec presque 4 000 habitants en 1946, elle en compte maintenant 15 972. De 4 000 agriculteurs, 0 cadres et 880 ouvriers en 1968, on est passé à 108 agriculteurs, 660 cadres et 1 797 ouvriers. Avec environ 5 % de chômage (contre environ 9 % en France), la zone d’emploi structurée autour de 22 petites villes rurales concentre plus de 40 % d’emplois ouvriers boostés par la construction navale. Cela est similaire du côté de la zone d’emploi de Cholet avec 32,6 % d’emplois ouvriers.

Alors que s’est-il passé entre 1960 et 2010 ?

Avec une conflictualité intense dans les grands bastions ouvriers dans les bastions métallurgiques (région parisienne, Rhône, Est), les industriels optèrent dès la fin des années 1950 une stratégie de contournement, dite de la « décentralisation productive ».

L’objectif : éclater les unités de production, modifier la composition de classe, trop compactée et générant une culture d’atelier trop rétive aux ordres d’en haut. C’est ainsi, par exemple, qu’est fondé en 1961 l’usine de PSA-La Janais à Chartres-de-Bretagne, dans la périphérie de Rennes, mais aussi Renault à Cléon (Seine-Maritime) en 1958.

Cela entraînera logiquement l’éclosion de myriades de petites unités de sous-traitance métallurgiques, comme par exemple Faurecia (siège automobiles) implanté à Caligny (850 salariés) dans l’Orne ou Cooper Standard à Vitré (850 salariés) et à Rennes (devenu Continental en 2018).

C’était là un très bon coup politique puisque tout en sapant les collectifs ouvriers historiques, la « décentralisation productive » offrait une réponse à l’exode rural massif vidant les campagnes de l’Ouest en ces années. Le mouvement de mai 1968 accompagna cette tendance en la modernisant, notamment par la grande revendication de « vivre et travailler au pays ».

Soulignons à ce titre que le mouvement de prolétarisation des campagnes de l’Ouest entre 1968 et 1990 a trouvé a s’exprimer politiquement dans le P.S.U (Parti Socialiste Unifiée) et ce courant « chrétien de gauche ». Ce sont ces courants qui seront par là suite à la tête de la modernisation sociale et économique au cours des années 1980.

Mais ce n’est pas que ces secteurs industriels « traditionnels » qui expliquent la prolétarisation de l’Ouest, car cela est finalement extérieur à la région. Il est ici impossible de ne pas voir comment l’Ouest s’est transformé de l’intérieur pour devenir la zone agroalimentaire stratégique de France.

Résultat de la politique gaulliste de centralisation de l’agriculture en 1960-1962, les agriculteurs ont littéralement fondu depuis 1968. Cela correspond bien évidemment à la recomposition du capital, à sa concentration dans des grands monopoles de la distribution (comme E.Leclerc, puis Intermarché, dont les fondateurs sont originaires de Bretagne, ou encore Super U, extrêmement implanté dans les campagnes de l’Ouest).

Fait notable, il n’y avait aucun agriculteurs au chômage en 1968, et en 1999, sur 13 départements, il y a en avait encore 9 qui comptaient plus de 10 000 agriculteurs. En 2015, il n’y en a plus un seul. Malgré ses tentatives syndicales, la paysannerie n’a pu échapper à son sort inéluctable dans le capitalisme : devenir salarié.

En décembre 2006, l’industrie agroalimentaire est ainsi le principal employeur de Bretagne, avec une augmentation de 12 000 emplois entre 1989 et 2006, soit une augmentation de 22 % contre seulement à peine 1 % en France. L’agroalimentaire concentre ainsi 65 % des emplois industriels de la région, ce qui est 2,3 fois plus élevé qu’en France. Et dans cette industrie, c’est évidemment la production de viande et de poisson qui s’envole, avec plus de 10 % de progression entre 2001 et 2005.

Ainsi, c’est à Lamballe-Armor (16 653 habitants) que se situe sûrement l’un des plus gigantesques abattoirs, la Cooperl Arc Atlantique. La « Coop » c’est plus de 7 000 employés pour 5 800 000 cochons abattus et 13 millions de consommateurs dans le monde : un empire local qui domine toute la vie sociale et économique.

Mais on aurait pu citer aussi Socopa Viandes (propriété du monopole Bigard-Charal) et ses quatre usines (Moutauban-sur-Bretagne, Quimperlé, Chateauneuf-du-Faon, Guingamp) concentrant plus de 2 500 salariés. Mais aussi, Jean Rozé à Vitré (1 400 salariés), Fleury Michon en Vendée et ses 3 000 employés… À cela s’ajoute évidemment de multiples bases logistiques et son lot de chauffeurs, magasiniers, préparateurs de commandes, etc.

L’Ouest est l’illustration de l’ancrage absolu du capitalisme français, ayant transformé des régions anciennement paysannes en de vastes zones ouvrières où s’accumule et se reproduit le capital. La classe ouvrière est encerclée par l’ennui pavillonnaire et la monotonie du travail, tout cela sur fond d’une pollution chronique (dont le phénomène des algues vertes est une expression parmi d’autres).

Pourtant, sur le plan des consciences, il y a un retard réel puisque le poids de la mentalité paysanne, de la culture « terroir » est omniprésente, mais dans une forme « modernisée » sur fond de prégnance de l’état d’esprit « catholique de gauche ». C’est en ce sens qu’il faut comprendre la réticence, bien qu’affaiblie ces dernières années, à Marine Le Pen.

Il reste un poids certain des anciens courants des années 1970 avec un Parti socialiste qui atteint des scores relativement élevés dans la 5e circonscription de Vendée, les 1eres circonscriptions du Finistère, de l’Orne et de Mayenne. Sans parler de la Seine-Maritime qui a envoyé aux élections législatives de 2017, 3 élus PCF et un PS.

L’Ouest revêt donc une importance toute particulière pour la Gauche, celle qui se place dans la filiation des combats ouvriers de Fougères ou des sardinières de Douarnenez élisant en 1921 l’un des premiers maires communistes de France.

Ouest-prolétarisation

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Prix Nobel d’économie 2019: des experts en business

Il y a des gens qui gagnent leur vie en faisant travailler les pauvres. D’autres en en parlant. Le prix Nobel d’économie 2019 a été gagné par des gens ayant monté un vrai business « scientifique » de discours sur la pauvreté.

Le prix Nobel d’économie a été remis cette année à la française Esther Duflo et son mari d’origine indienne Abhijit Banerjee, ainsi qu’à l’américain Michael Kremer, les deux premiers ayant pris cette nationalité également.

C’est qu’Esther Duflo est le prototype de l’intellectuelle bourgeoise faisant carrière aux États-Unis. Elle fait une prépa au Lycée Henri IV, rejoint l’École normale supérieure, puis un DEA à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), pour devenir agrégé d’économie.

Elle fait ensuite un doctorat au fameux MIT américain, dont elle devient ensuite professeur. C’est là-bas que se fonde le laboratoire Abdul Latif Jameel d’action contre la pauvreté, alors qu’Esther Duflo reçoit de nombreux prix, distinctions, publications dans des revues, etc.

L’idée de base est qu’il s’agit de procéder à des « évaluations d’impacts par assignation aléatoire (Randomized Control Trial) », en gros de mener des enquêtes pour voir les résultats de telle ou telle politique sociale, y compris si elle n’as pas été en fait réalisée.

On l’aura compris, c’est l’application de l’utilisation de données statistiques (même pas complètes, car il s’agit seulement d’échantillons) à la réalité sociale (définie par ailleurs subjectivement).

Ces « Randomized Control Trial » ou RCT sont totalement à la mode et il faut citer ici un article de Florent Bédécarrats, Isabelle Guérin et François Roubaud, qui avaient prévu en 2013 l’obtention du prix Nobel par Esther Duflo.

« Rares sont aujourd’hui les formations académiques prétendant « tutoyer l’excellence » qui ne proposent un cursus spécialisé dans ce domaine, comme à l’École d’économie de Paris, la London School of Economics, Harvard, Yale, etc.

Rares sont également les agences d’aides qui n’aient pas créé de département qui leur soit dédié, ou engagé ou financé leurs propres rct (…).

La figure d’Esther Duflo est l’exemple le plus illustratif de cette mouvance. Jeune chercheure franco-américaine, elle cumule les distinctions académiques, dont la célèbre médaille Bates, qui récompense le « meilleur économiste » de moins de 40 ans et qu’elle a reçue en 2010.

Elle a à son actif un nombre impressionnant de publications dans les revues d’économie les plus prestigieuses, mais elle vulgarise également ses travaux sous la forme d’ouvrages accessibles au grand public. Depuis 2008, elle figure sur la liste des 100 premiers intellectuels mondiaux du magazine américain Foreign Policy. En 2011, c’est le Time qui la compte parmi les 100 personnes les plus influentes au monde.

Fin 2012, elle a été nommée conseillère du Président Obama sur les questions de « développement global ». En France, elle a été la première titulaire de la toute nouvelle chaire « Savoir contre pauvreté » du Collège de France, créée et financée par l’Agence française de développement (AFD). Son nom est régulièrement cité comme candidate potentielle à un prochain prix Nobel d’économie.

Ces jeunes chercheurs de la mouvance rct se distinguent également dans le mode de gestion de leur activité. En montant des ong ou des bureaux d’étude spécialisés, ils créent les structures idoines pour recevoir des fonds de toutes origines : publique bien sûr, mais également de fondations, d’entreprises, de mécènes, etc., hors des circuits classiques de financement de la recherche publique.

Sur ce plan, ils sont en parfaite adéquation avec les nouvelles sources de financement de l’aide que constituent les fondations privées et les institutions philanthropiques, qui se montrent particulièrement enclines à leur confier des études.

En parvenant à créer leurs propres guichets de financement, principalement multilatéraux (l’initiative de la Banque mondiale pour l’évaluation d’impact du développement, l’initiative internationale pour l’évaluation d’impact, la Banque africaine de développement, le fonds stratégique pour le développement humain), mais aussi bilatéraux (la coopération espagnole et britannique) et des fondations (Rockefeller, Citi, Gates), les randomisateurs ont créé un oligopole sur le marché florissant de l’expérience aléatoire.

La nébuleuse organisée autour de j-pal, co-dirigée par Esther Duflo, constitue le modèle le plus emblématique et le plus abouti de ce nouveau scientific business model. Le laboratoire j-pal est l’un des centres de recherche du département d’économie du Massachusetts Institute of Technology.

Cet ancrage institutionnel, au sein d’une des plus prestigieuses universités américaines, ainsi que la notoriété de ses dirigeants, jouent le rôle de caution académique et de catalyseur.

Au côté de j-pal, Innovations for Poverty Action (ipa) joue un rôle névralgique. Organisation à but non lucratif, outre sa fonction de communication et de plaidoyer en faveur des rct, elle est chargée d’étendre et de répliquer les expériences aléatoires une fois testées par j-pal. »

Peut-on critiquer le capitalisme depuis le cœur des institutions ? Certainement pas. Les gagnants du prix Nobel 2019 ne critiquent d’ailleurs pas le capitalisme, ils prônent le développement social, ils sont donc « de gauche » selon la définition d’un Lionel Jospin ou d’un François Hollande.

Mais en réalité, ce sont des gens cherchant à impulser encore plus de capitalisme en faisant en sorte qu’il y a ait le plus d’accumulation de capital possible, y compris à petite échelle, pour encore plus relancer la machine terriblement grippée.

Le capitalisme est à bout de souffle et il racle le fond. Il a même besoin du micro-crédit, c’est dire ! Et il a une armée de chercheurs pour l’aider en ce sens, qui masquent leur sinistre activité derrière les termes de « développement », de « progrès social », etc. Tout en en vivant très bien eux-mêmes.

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Société

Coup de force anti-démocratique de la Cour de cassation en faveur de la GPA

La Cour de cassation a procédé ce vendredi 4 octobre 2019 à un véritable coup de force contre le principe même de droit en considérant qu’un recours à une mère porteuse réalisé à l’étranger pouvait être accepté au nom du concept juridique grotesque de « mère d’intention ». Sur le fond comme sur la forme, on a ici un État décadent, incapable de s’en tenir tant aux valeurs démocratiques qu’à une notion correcte du droit.

La nouvelle décision de la Cour de cassation rendue par son assemblée plénière est un bon exemple de la tendance actuelle. Elle montre que le droit vacille profondément sous les coups de l’élargissement du capitalisme à tous les domaines de la vie. On a ainsi un couple qui, ayant pratiqué la GPA, non seulement n’est pas en prison, mais réussit à écraser le droit français pour lui forcer à accepter le droit de l’État de Californie.

La Cour de cassation reprend en effet directement le concept barbare et absurde de « mère d’intention » :

« Une GPA réalisée à l’étranger ne fait pas, à elle seule, obstacle à la reconnaissance en France d’un lien de filiation avec la mère d’intention. Dans le cas d’espèce, seule la transcription des actes de naissance étrangers permet de reconnaître ce lien dans le respect du droit à la vie privée des enfants. »

Bien malin le juriste capable de prouver ce qu’est une mère d’intention. La vie explique d’elle-même ce qu’est un père et une mère. Mais une mère d’intention, c’est du niveau de quelqu’un rentrant dans un magasin avec l’intention d’acheter un iphone ou un sac Louis Vuitton. Et il se trouve donc des juristes, les plus compétents de France en principe, pour admettre une telle énormité juridique et en plus trouver cela très bien, conforme à l’esprit du droit ?

Car bien malin aussi qui peut faire reconnaître au droit, tel qu’il existe depuis des siècles, le principe de GPA. Même le droit positif ne peut pas accepter une pratique criminelle rien que par le fait qu’elle implique l’aliénation corporelle d’une personne, donc le déni d’elle-même, donc par définition son incapacité à signer un quelconque contrat. Mais les affaires sont les affaires. La Cour de Cassation dit elle-même : la GPA a été faite par le couple, cela fait longtemps maintenant, donc acceptons-la parce que sinon les enfants seront dans un vide juridique. La transcription en France des actes de naissance désignant la « mère d’intention », avec laquelle le lien est depuis longtemps largement concrétisé, ne doit pas être annulé.

C’est là plier le droit au besoin des affaires. Et ces gens sont juristes ! Ils nient le sens même du droit ! Au nom des affaires… Et celles-ci tournent tellement qu’à l’Assemblée nationale, Jean-Louis Touraine a mené rondement une petite opération.

Dans la nuit de mercredi à jeudi, soit juste avant le vendredi où on attendait l’arrêt de la Cour de cassation, cet ancien socialiste ayant dirigé les travaux à l’Assemblée nationale pour l’adoption de la « PMA pour toutes » a fait voter un amendement en faveur de la reconnaissance de la filiation des enfants nés de GPA à l’étranger.

Le gouvernement a immédiatement fait savoir qu’il allait recadrer sa majorité et que l’amendement sera revoté, puis normalement rejeté. Poudre aux yeux ? Véritable petite embrouille ? Dans tous les cas, « PMA pour toutes », GPA, cela revient au même, c’est du capitalisme dans sa substance même. Il y a donc une tendance irrépressible à ce que cela s’impose concrètement. À moins que la Gauche ne stoppe radicalement cela, temporairement du moins, pour lancer une contre-offensive par la suite et balayer les forces qui produisent une telle barbarie.

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Société

Le rachat du site Alltricks par Decathlon

Decathlon fait partie de ces immenses entreprises de la distribution qui tendent à monopoliser leur marché en réduisant toujours plus les coûts, menant ainsi une course folle à la productivité et à l’agressivité commerciale. Le groupe vient de racheter Alltricks, un site spécialisé dans la vente en ligne d’articles liés au cyclisme, augmentant ainsi sa main-mise sur la distribution des articles de sport, qu’elle a considérablement asséchée.

Il y a 1 560 magasins Decathlon dans le monde, dans 55 pays. En France, l’entreprise est devenue incontournable dans de nombreuses villes. Son modèle est simple : proposer une gamme réduite de produits, mais censés répondre à tous les usages, en tirant les prix vers le bas. La conséquence est un assèchement drastique du nombre d’article de sport disponibles pour le grand public et de la qualité du conseil qui en découle.

Le schéma est là encore très simple : les petites boutiques spécialisées ne peuvent pas faire face au mastodonte et concentrent leur activité sur des niches, quand elles ne disparaissent pas. Ces niches sont soit l’ultra-spécialisation dans un sport, pour un public très restreint et à prix très élevé, soit la focalisation sur une activité permettant une continuité commerciale, par exemple en se focalisant sur la réparation de vélo pour les personnes qui ont les moyens. Les autres clients se retrouvent donc chez Decathlon, mais avec une très faible offre. Par exemple, même dans les plus gros Decathlon, il n’y a presque aucun choix en pneu de vélo, alors que c’est un domaine connaissant de nombreux modèles correspondant à des spécificités très précises, même pour la pratique de loisir.

L’avènement de sites internet comme Alltricks a permis en partie de contourner ce problème ces dernières années. Les amateurs de cyclisme les plus aguerris ont pu retrouver un accès bien plus large et intéressant aux nombreux produits liés au cyclisme, alors que les boutiques, à cause notamment de Decathlon, ne distribuaient quasiment plus rien, ou alors à prix très élevé ou sur commande.

Le souci avec Alltricks et les autres sites du genre, c’est que c’est de la vente en ligne. D’une part, ce n’est pas pratique et il n’y a plus aucun conseil de vente, ni sélection de produit par des vendeurs connaissant leur sujet ; c’est de la consommation pure et dure. D’autre part, cela pose un certain nombre de problèmes, notamment en perturbant l’organisation générale de la distribution des marchandises dans le pays, ce qui génère un accroissement des transports et de la pollution.

Le modèle de ces sites internets est en fait très proche de celui de Decathlon, qui a en toute logique racheté l’un des plus gros du secteur, ce qui fera probablement encore évoluer le modèle selon la même tendance.

Prenons un autre exemple, le tennis. Il n’existe quasiment aucune boutique de tennis, à part quelques-unes très spécialisées dans quelques grandes villes, alors que ce sport historiquement très bourgeois est devenu populaire (la fédération est la 2e plus importante en France avec 1 million de licenciés contre un peu plus de 2 millions pour le football). Les grandes enseignes comme Decathlon ont littéralement asséché la possibilité d’avoir des boutiques spécialisées, mais accessibles, regroupant des personnes impliquées sur le long terme dans un sport et la distribution de produits inhérents à ce sport.

Au contraire, les magasins Decathlon regroupent un sport comme le tennis dans un rayon, voir une partie d’un rayon et le conseil éventuel d’un vendeur se fait à la volée, car il n’y a plus grand-chose à dire. Les produits eux-mêmes sont très standardisés et bien-sûr fabriqués en Chine, avec des prix très bas négociés du fait de la puissance permise par les volumes achetés. C’est une course folle au prix le plus bas, permis par une exploitation très forte des ouvriers dans les usines à l’autre bout du monde et un réseau de vendeurs peu qualifiés sur-place, ne restant en général pas très longtemps dans l’entreprise.

Il faut ajouter à cela le travail très difficile des opérateurs dans les immenses entrepôts logistiques du groupe tournant à plein régime. Les tâches sont aliénantes au possible, puisqu’il ne s’agit que de rapidement fournir les différents magasins produit par produit, à la chaîne dans des immenses couloirs remplis de cartons semblables, alors que les magasins commandent quasiment en temps réel leurs produits par un processus entièrement automatisé.

Ce modèle est absolument détestable est ne correspond en aucun cas à celui d’une société meilleure, comme peuvent le prétendre certaines personnes pensant que le Socialisme ne consisterait finalement qu’en une « socialisation » des grandes entreprises capitalistes monopolisant leur secteur. Ces gens sont en général des techniciens ou ingénieurs, confortablement assis dans leur bureau avec de bons salaires, s’imaginant de gauche mais ne connaissent rien ou plus rien au travail ouvrier et à la vie quotidienne des classes populaires.

Ce sont d’ailleurs ce genre de personnes qui sont à la pointe pour aider les grands groupes comme Decathlon à maximiser leurs profits, par exemple en les aidant à dématérialiser et automatiser les processus, afin de gagner du temps et économiser des emplois.

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Société

Morsay : «Moi, je dis des conneries et j’achète une maison à ma mère»

Morsay constate une vérité plus qu’amère : le travail ne paie pas, mais la vulgarité le fait. Et elle le fait justement en ôtant toute dignité au travail et à la rationalité qu’il implique. L’ensemble forme une terrible chape de plomb sur les mentalités, notamment des plus jeunes.

« Mon père, c’était un grand travailleur qui a galéré toute sa vie. Il est mort à cause de l’amiante à 63 ans. Moi, je dis des conneries sur YouTube et j’achète une maison à ma mère… »

Ces propos d’une grande profondeur sont tenus, paradoxalement, par Mohamed Mehadji, alias Morsay, connu justement sur internet par le passé pour des propos vulgaires et un positionnement violent, qui ont aisément attiré l’attention dans une société fascinée par les apparences. Lui-même, rapidement conscient de tout cela, en a profité pour se faire de l’argent par ce moyen par l’intermédiaire d’une marque de vêtements, tout en exprimant une sorte d’existentialisme perverti en soutenant Alain Soral.

Là n’est pas essentiel, toutefois. Car ce que dit Mohamed Mehadji, en l’occurrence dans un portrait du Monde, est beau, vrai, universel. Et c’est à la fois beau et vrai, car universel, ainsi qu’universel car beau et vrai. La réalité qui ressort de tels propos font comme péter à la figure, elle écrase littéralement toutes les impressions qu’on peut avoir.

Ce que dit Mohamed Mehadji au sujet de son père est parfaitement tourné, lui qui a quitté l’école en cinquième, sans savoir ni lire ni écrire. On l’imagine pratiquement l’avoir entendu, comme s’il l’avait dit juste devant nous. C’est une vérité tellement concomitante à notre société qu’on a l’impression d’avoir vécu la scène où il prend la parole. C’est qu’on l’a déjà entendu tellement de fois !

La dévaluation du travail est si immense – alors que celui-ci est la base de tout – que toute valorisation prend immédiatement une résonance pleine de dignité, et de dignité entière. Ce n’est pas pour rien que Mohamed Mehadji termine son propos en parlant de sa mère. La boucle est bouclée, le propos est puissant. Et le fait que son père soit mort à cause de l’amiante n’en résonne que davantage.

Alors, pourquoi Mohamed Mehadji ne prend-il pas le parti de la Gauche, du Socialisme, puisqu’il voit tout ? Sans doute qu’il ne sera pas contre la révolution et simplement qu’en attendant, il fait comme tout le monde, cherchant à tirer son épingle du jeu, avec fatalisme et avec une certaine joie, et fierté, d’avoir tenu le coup jusque-là. Oser vivre dans ce monde n’est pas simple, loin de là !

Mais il est un fait dont tout le monde a pleinement conscience, sauf les plus jeunes : les travailleurs sont méprisés, ils sont niés, ils sont considérés comme non existant. C’est de là que provient le discours faussement scientifique de la « disparition » de la classe ouvrière. La société ne valorise que les postures parasitaires, les « bons coups », les moyens les plus pragmatiques de « se faire de la maille ».

Cela n’empêche pas les jeunes bourgeois les moins fainéants de se précipiter pour faire une école de commerce, conscients de la difficulté de trouver la « bonne idée » et surtout le financement qu’il faut pour la réaliser. Mais l’imagerie capitaliste de la réussite va avec le non-travail. Les images d’oisiveté pullulent, avec Instagram comme fer de lance.

C’est d’autant plus une illusion que le capital engloutit les esprits et qu’une personne qui a accumulé de la richesse va chercher à continuer à le faire, parce qu’il est un vecteur du capitalisme et rien de plus. Des gens qui s’arrêtent de travailler, pour vivre sans rien faire, en « profitant de la vie » ? Il n’y en a pratiquement pas. Même les acteurs les plus connus tournent sans arrêt, quitte à participer à des nullités sans nom ridiculisant leur carrière. Ils croient choisir, c’est l’accumulation du capital qui choisit.

Morsay continue d’ailleurs à essayer de faire la même chose, prisonnier de sa « réussite ». Il lui faudra choisir entre le travail et le « coup », ce qui est d’ailleurs un vrai problème pour des millions de jeunes, notamment ceux issus de l’immigration, mais pas seulement, tellement le quête du « hold up » est célébrée partout, dans les séries, dans les films, dans les biographies des entrepreneurs à succès, etc.

C’est là qu’on voit que le capitalisme est à bout de souffle, qu’il ne peut plus valoriser les capitaines d’industrie, seulement les pirates les plus opportunistes. Mais c’est à cela aussi qu’on voit que le capitalisme en train de pourrir est d’autant plus dangereux de par ce qu’il véhicule comme situations ordurières, avec l’opportunisme qui va avec. Les deux quasi-adolescents qui viennent de gagner des millions au tournoi mondial du jeu Fortnite ont déjà leur esprit aspiré par le capitalisme, comme tous ceux qui les envient.

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Société Vie quotidienne

Le logement et le mauvais goût

Déjà les romantiques dénonçaient au XIXe siècle le fait que l’art ne soit pas valorisé comme il se doit. Que dire en ce début du XXIe siècle où le capitalisme a défiguré entièrement la notion même d’harmonie ? Cela se lit particulièrement dans les logements. Malgré la révolution de l’accès à des biens matériels de goût, il n’y a pas eu de réalisation sur ce plan.

Le capitalisme propose absolument tout ce qu’on veut niveau objets du quotidien et on peut se débrouiller pour l’avoir pour des sommes si ce n’est modiques, au moins accessibles. On peut disposer de meubles, de fourchettes, d’affiches, de tapis, de théières, de tapisseries, de moquettes… qui reflètent un certain niveau artistique. La qualité ne sera pas forcément exceptionnelle, mais dans l’idée, il y aura un certain niveau.

Or, que voit-on ? Que l’intérieur des logements n’est que le prolongement des logements du passé. Il y a une continuité qu’on peut qualifier de parentale dans les appartements et les maisons. Il y a une véritable reproduction des habitudes, des manières de concevoir le rapport aux objets dans le logement.

Cela ne veut pas dire que cela soit entièrement faux. Il y a des cultures nationales et un logement français n’est pas un logement indien ou japonais, ce qui n’implique pas qu’il n’y a pas des choses justement à apprendre les uns des autres, conformément aux échanges toujours plus grands au sein de l’humanité.

Et il y a bien sûr des objets techniques nouveaux par rapport à auparavant, comme les ordinateurs, les box internet, etc. Cela ne change pas le fond de la question, car ces objets s’intègrent dans le paysage, sans rien changer.

Bien entendu aussi, les gens très riches achètent de leur côté des choses nouvelles, souvent excentriques, beaucoup de choses excentriques, ils remplissent autant qu’ils le peuvent, ou bien restent minimalistes, mais leurs achats proviennent de catalogues de choses à la mode.

Mais pourquoi n’y a-t-il pas pourtant un gigantesque changement à l’intérieur des logements, strictement parallèle à l’accumulation énorme de marchandises disponibles ? Pourquoi les logements d’aujourd’hui n’ont-ils pas un intérieur resplendissant, en comparaison à il y a cinquante ans ?

Pourquoi, dans les logements, n’y a-t-il pas eu un changement total, alors que la société de consommation permet un accès sans comparaison par rapport à il y a cinquante ans ?

La raison est très simple à trouver. La consommation capitaliste est tout comme la production capitaliste, elle est chaos. Les gens achètent n’importe quoi, n’importe comment. Il n’y a pas de prévision, pas de planification. Il n’y a pas de réflexion profonde, il n’y a pas de mise en rapport avec la culture.

Ce qui est acheté l’est en fonction d’un vague goût personnel, c’est-à-dire, pour employer le terme adéquat, en fonction des caprices. Ces caprices expriment souvent la reproduction déformée des caprices parentaux, selon l’adage bien souvent vérifié qu’une fois adulte – une fois qu’un emploi a été trouvé de manière plus ou moins définitive – il y a un grand recul et des retrouvailles avec les vieilles valeurs et cela de manière toujours plus profonde.

Ce n’est pas qu’une question d’éducation. C’est le système même de consommation qui s’impose aux gens, qui les rend prisonniers de tout un style de vie. L’incohérence est totale et flagrante entre ce qu’il serait possible de faire et ce qui est fait. Les logements eux-mêmes sont d’ailleurs totalement dépassés par rapport à ce qu’on pourrait faire.

Les villes elles-mêmes sont terriblement en retard par rapport aux exigences culturelles, écologiques, de rapport à la nature, de mobilité, d’accès aux soins, etc. Elles deviennent toujours plus moches mêmes, le chaos de la propriété privée les défigure, les transformant pour les grandes en bastions cosmopolites de privilégiés et de grandes entreprises, pour les petites en déserts.

Par quelque bout que l’on prenne la vie quotidienne dans le capitalisme, on voit que le mauvais goût est toujours lié au caractère dépassé du capitalisme ; le mauvais goût est le contre-coup d’un chaos qui a pris de telles proportions que tout devient toujours plus déformé. C’est la fin d’une civilisation : le Socialisme est une exigence historique.

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Politique

8 000 personnes contre les suppressions d’emplois par General Electric à Belfort

Huit mille personnes manifestaient hier à Belfort contre les destructions d’emploi par le groupe General Electric dans un groupement d’usine qui est un bastion de la classe ouvrière. Des centaines d’emplois doivent être détruits alors que le groupe General Electric avait promis d’en créer lors du rachat de la branche énergie d’Alstom.

Cette situation provoque de la colère et de l’écœurement forcément, avec un sentiment de « gâchis industriel », alors que la classe ouvrière est piétinée tant dans ses traditions que socialement, en étant tout simplement laissé sur le carreau par le capitalisme.

Voici la pétition lancée par l’intersyndicale (CFE-CGC, Sud et CGT) qui exprime ce point de vue :

[ Pour signer la pétition, suivre ce lien ]

« Stop au massacre de notre industrie par General Electric : 1000 emplois délocalisés hors de Belfort

Contrairement aux promesses de GENERAL ELECTRIC en 2015 de création de 1000 emplois en France, lors du rachat de la branche énergie d’ALSTOM, GENERAL ELECTRIC n’a fait que de détruire l’emploi industriel en France :

  • Fermeture de l’activité solaire à Belfort
  • Fermeture de l’activité chaudière à Massy
  • Plan de licenciement dans l’activité hydroélectrique à Grenoble
  • Depuis début 2019 : Plus de 700 emplois sont concernés par des plans de rupture conventionnelle collective, plan senior et licenciement économiques dans les activités charbon, nucléaire, éolien, réseaux électriques, conversion de puissance et fonctions supports dans toute la France, dont plus de 200 personnes à Belfort

Le 28 mai 2019, 2 jours après les élections européennes, General Electric annonce un nouveau plan de plus de 1000 suppressions d’emplois supplémentaires à Belfort :

  • Près 50% des effectifs de l’entité « Turbine à gaz » qui compte près 1900 salariés
    Ingénierie délocalisée en Inde, Mexique et Pologne
    Production délocalisée aux Etats-Unis et en Hongrie
  • La fermeture du centre partagé qui compte plus de 200 salariés, créé depuis 2015
    Délocalisation en Hongrie

Le projet est présenté comme une adaptation au marché qui s’apprête pourtant à rebondir. En réalité il s’agira de la dernière étape avant la fermeture complète de l’entité « Turbine à gaz » à Belfort.

L’Etat français a donné son accord en 2015 pour le rachat de la branche Energie d’ALSTOM par GENERAL ELECTRIC pour un développement de l’emploi industriel en France.

Aujourd’hui, devant le désastre industriel engendré par ce rachat , nous demandons à l’état français de stopper ce plan massif de délocalisation d’activités hors de France et de travailler avec les organisations syndicales sur leurs propositions de développement de filières industrielles d’avenir sur notre territoire.

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1/ Nous avons déjà atteint la taille critique :

Le marché de la Turbine à gaz se segmente en 2 Marchés distincts, avec des turbines différentes, des clients différents et des dynamiques de marché différentes :

  • Le marché 60 Hz dont les turbines sont réalisées aux Etats-Unis représente 25% du marché mondial (US, Brésil, Arabie saoudite, Taiwan et une partie du Japon)
    Ce marché s’est effondré de 50% en 2018 comparé à la moyenne des 5 années précédentes
  • Le marché 50 Hz dont les turbines sont réalisées à Belfort représente 75% du marché mondial (Europe, Afrique, Asie, Moyen-Orient, Amérique du Sud)
    Ce marché a baissé de 20% en 2018 comparé à la moyenne des 5 dernières années
  • Or nos effectifs ont déjà baisser de près de 30% :
    250 salariés ont quitté l’entreprise depuis le 1er janvier 2018
    plusieurs centaines de sous-traitants travaillant dans nos murs ou sur des plateformes dans le territoire de Belfort ont été remerciés

2/ Le marché de la turbine à gaz a de l’avenir :

  • la filière « turbine à gaz » a représenté 90% des profits, pour 75% des CA et 50% des effectifs de la branche Energie de GE dans le monde
  • rebond du marché d’après l’agence internationale de l’Energie et repris par GE : un doublement des capacités d’ici 2040
    pour remplacer le nucléaire
    pour remplacer le charbon qui produit 3 fois plus de CO2
    pour la stabilité et la flexibilité des réseaux électriques avec la montée en puissance des énergies renouvelables, intermittentes par nature (130 MM€ de fonds débloqués par l’Europe), en attendant de moyens de stockage massif d’énergie techniquement et économiquement viables, car une turbine à gaz peut s’allumer et s’éteindre en moins 5 minutes pour absorber le demande d’électricité
    des turbines à l’hydrogène qui ne produise pas de CO2, pourrait être adossé à des champs éolien ou photovoltaïque

3/ La situation financière de l’entité « Turbine à gaz » de General Electric de Belfort est artificiellement en déficit :

  • 1999-2014 Belfort centre mondial 50 Hz : plus de 3 MM€ dividendes remontées au groupe
  • depuis le rachat d’ALSTOM : l’ex-entité suisse ALSTOM devient centre de décision à la place de Belfort
    les responsables mondiaux de Belfort sont virés
    les bénéfices sont logés en Suisse et remplissent les caisses publiques suisses alors que la valeur ajoutée est créé en France
    En 2017, année record de production, la situation financière de l’entité française passe de plusieurs centaines de millions de bénéfices à une situation déficitaire
    Belfort, plus important site au monde de GE, n’héberge aucun membre des équipes mondiales de direction et devient un sous-traitant des US et de la Suisse
  • Pour chaque turbine 9HA fabriquée à Belfort, la marge affectée à l’entité légale est inférieure aux droits à la technologies payés à GE => plus on fabrique, plus on est en déficit
  • Belfort doit redevenir centre mondial 50 Hz dans l’intérêt de GE et de Belfort

4/ Le gouvernement doit faire respecter l’accord signé avec GE le 4 novembre 2014 dont voici des extraits :

3.4. Les quartiers généraux européens actuels de GE pour les activités turbines à gaz de grande taille à usage industriel de 50 Hz demeureront à Belfort.

3.5. Les équipes de la direction mondiale des activités mentionnées aux Articles 3.1 à 3.4, de même que celles en charge de la direction opérationnelle des quartiers généraux correspondants, seront situées en France, et, dans le cadre de l’organisation matricielle mondiale de GE, seront

respectivement responsables de ces activités et des opérations de quartiers généraux y afférentes, qui incluront notamment :

– les fonctions corporate de chaque activité ;

– la stratégie de fabrication ;

– le marketing et le développement produits ;

– la supervision des activités commerciales, y compris les offres ;

– la stratégie en matière de chaîne d’approvisionnement (supply chain) ; ainsi que

– les activités R&D et recherche et développement appliquée spécifique à chaque activité.

3.6. Les engagements énoncés dans le présent Article 3 resteront en vigueur pendant une durée de dix (10) ans à compter de la date de réalisation l’Opération. »

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Société

« Un modèle papa-maman qui ne tient plus »

À l’occasion de la question de la procréation médicalement assistée bientôt ouverte à toutes les femmes par le gouvernement, un article de Libération rappelle les fondamentaux de l’idéologie dominante : la biologie doit être abolie. Un exemple de plus de comment la fausse Gauche est en réalité le cheval de Troie de l’ultra-libéralisme.

Le fait d’avoir un père et une mère serait un préjugé du passé et la famille n’aurait aucun modèle naturel. Tout relèverait de choix individuels. Il y aurait donc un « droit à l’enfant » et une femme seule peut se outrepasser la nécessité naturelle de vivre en couple avec un homme pour en disposer. La technologie et la loi du marché viennent ici ouvrir de nouveaux espaces au « progrès » des droits individuels.

Et on a ici un paradoxe : l’écrasante majorité des gens sont contre une telle conception du monde. Mais formatés intellectuellement par le libéralisme, la grande majorité des gens accepte sa prédominance. Au nom du principe selon lequel on ne peut pas juger de rien ni de personne, que ce soit dans les arts ou dans les comportements (du moment qu’il n’y a pas « préjudice pour autrui »), l’indifférence prédomine.

Avec, donc, l’assentiment de la fausse Gauche, notamment estudiantine, faisant du combat contre le « conservatisme » sa seule préoccupation. La marchandisation du monde avance à grands pas, par l’intermédiaire de l’égoïsme capitaliste présenté comme un élargissement des droits individuels, alors que la nature est présentée comme foncièrement « réactionnaire » et que les auteurs de l’humanisme et des Lumières sont jetés à la poubelle.

Le quotidien Libération peut donc, dans un article sur la PMA ouverte à toutes, parler de :

« Un modèle papa-maman qui ne tient plus »

On sait comment Marlène Schiappa, la secrétaire d’État à l’Égalité entre les femmes et les homme, avait lancé en 2017 que :

« Nous sommes au XXIe siècle.Il n’y a pas un modèle unique de famille. »

C’est là directement servir les intérêts du capitalisme pour qui tout est choix, marché, possibilités d’échanges de marchandise. Mais c’est une utopie, car une société acceptant cela ne peut pas tenir. C’est donc surtout un boulevard à l’extrême-droite qui, face à un tel discours de « déconstruction », n’a plus qu’à dérouler pour se présenter comme garante de la civilisation.

Tout le problème de la Gauche est ici facile à comprendre. Tant que les acquis historiques ne sont pas préservés, tant qu’à sa tête intellectuelle et culturelle on a des gens aisés au mode de vie décadent – comme cette très grande figure du Parti socialiste qui roule en Maserati granturismo – rien ne sera possible.

> Lire également : Le droit à l’enfant en l’absence de choix d’un compagnon

À l’arrière-plan, il y a bien sûr la question des ouvriers. Tant que les ouvriers ne fourniront pas le noyau dur de la Gauche, il est inévitable que tout se fasse happer par le capitalisme qui, quoi qu’on en pense, fonctionne en France de manière suffisamment forte pour être à la fois stable et corrupteur. Seuls les ouvriers, de par leur travail et leur position sociale, ne relèvent pas de la fuite en avant dans l’ultra-libéralisme et ses « droits individuels » faisant que tout est marchandise, même le corps et la nature.