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Politique

La Gauche contre la privatisation de la société Aéroports de Paris

Plusieurs forces de gauche ont fait du rejet de la privatisation des aéroports de Paris un thème important. Il y a depuis hier la possibilité via un site internet officiel de participer à une initiative permettant de réclamer un référendum sur la question. Il faut pour cela aboutisse que près de 5 millions d’électeurs (4 717 396 précisément) se signalent sur le site : referendum.interieur.gouv.fr

Voici une sélection de réactions contre la privatisation d’Aéroports de Paris par des organisations ou personnalités à Gauche :

Voici également un sélection d’articles sur le sujet :

  • « ADP : IL FAUT UN RÉFÉRENDUM POUR QUE LES FRANÇAIS PUISSENT DÉCIDER ! », Entretien avec Fabien Gay sénateur communiste de Seine-Saint-Denis >> lavantgarde.fr
  • « Pourquoi le site du référendum contre la privatisation d’ADP est-il si critiqué ? » >> liberation.fr
  • « Stopper la privatisation d’ADP c’est possible… et ça commence ce 13 juin ! », par Coralie Delaume >> marianne.net
  • « Les privatisations sont au profit d’intérêts privés, financiers, des multinationales et au détriment des salariés et des usagers » >> france.attac.org
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Société

La Collectivité Européenne d’Alsace, une expérimentation au service du marché

À compter du 1er janvier 2021, les conseils départementaux du Haut-Rhin (68) et du Bas-Rhin (67) fusionneront au profit d’une innovation institutionnelle nommée Collectivité Européenne d’Alsace. Cette expérimentation transfrontalière menée dans le cadre de l’intégration européenne s’appuie sur la sensibilité régionaliste alsacienne pour développer le capitalisme local.

Le Haut-Rhin et le Bas-Rhin formaient la région Alsace, dont le nom a disparu avec la création de la région Grand Est ; ils ne formeront bientôt plus qu’un sous le nom de Collectivité Européenne d’Alsace. Les deux Préfectures et leurs prérogatives liées à l’État resteront cependant.

Bien sûr, on peut discuter de ce que représente l’Alsace en tant qu’expression nationale germanique minoritaire dans le cadre de notre pays. Mais alors, il faudrait le faire dans un cadre forcément populaire et dans une perspective démocratique. Ce n’est en rien le cas dans la situation présente. Il n’est pas non plus simplement question ici de se poser la question de la nécessité d’un cadre administratif pour affirmer l’histoire ou la culture alsacienne.

Il est question de comprendre comment la sensibilité régionaliste est littéralement instrumentalisée par les libéraux alsaciens de type centristes, qui dominent culturellement la vie politique de la région, afin de promouvoir un démantèlement du cadre administratif national au profit du marché et de ses soutiens institutionnels locaux, qui ne voient dans l’Alsace qu’un label de promotion.

Le terme « collectivité » tout d’abord permet de contourner la question de la région, voire d’en sortir de facto, en faisant des deux départements un genre de « super-département » ou de « sous-Région » intégrée au Grand Est. La réactivation du terme « Alsace » permet de faire un clin d’œil opportuniste à la sensibilité régionaliste à peu de frais, tout en liquidant l’héritage anti-provincialiste de 1791, qui avait voulu proposer par la division départementale, une organisation brisant l’ancien cadre hérité du féodalisme.

L’air de rien, on réactive donc ainsi sur une base pseudo-romantique un prétendu cadre significatif qui lui est bel et bien réactionnaire. Ce que le gouvernement présente comme relevant d’un nouveau « Pacte girondin ».

Le Conseil d’État lui-même a toutefois relevé cette attaque contre ce qui été jusque là considéré comme un acquis républicain, et le côté aventureux, provocateur et irrationnel de la dénomination du CEA.

Le terme « Européen » enfin n’est aussi qu’un simple faire valoir permettant d’affirmer une certaine modernité, un esprit d’ouverture nuançant de manière contradictoire la base identitaire « Alsace » qui se voudrait à la fois « locale » et « Européenne », sans que le cadre national ne soit pris pour autre chose qu’une sorte de violence post-jacobine qu’il serait bienvenue de dépasser par une intégration européenne unilatéralement vue comme forcément positive.

La CEA telle que définit par ses fondateurs pose les choses clairement :

[…] Il s’agit de construire une collectivité européenne d’Alsace dont le territoire et les compétences opérationnelles seront de nature à répondre au « désir d’Alsace » et à doter l’Alsace d’une pleine capacité à agir en faveur de l’attractivité du territoire et de la vie quotidienne de ses habitants […]

Il s’agit dans le même élan de s’appuyer de manière démagogique sur les aspirations régionalistes, en se donnant à peu de frais des allures « populaires », voire une contenance démocratique. Il est d’ailleurs significatif de parler de « désir », une chose bien abstraite qui n’engage à rien, au lieu de « besoin », exprimant concrètement et rationnellement un projet, un contenu reflétant les aspirations des masses alsaciennes.

Concernant les compétences du nouveau cadre administratif « alsacien » en revanche, on quitte la fantaisie hypocrite pour exposer les choses clairement. En s’appuyant notamment sur la question transfrontalière, la CEA chercher à multiplier les dérogations et les petits arrangements avec les Ministères ou les Régions, dans le but de mieux servir les intérêts locaux du marché et du capital. Toute l’action déployée s’articule donc dans ce cadre, y compris le bilinguisme perçu dans une logique capitaliste de « ressources » à promouvoir dans une optique marchande.`

C’est là tout le sens donné à cette « décentralisation » des moyens publics pour mieux les mettre dans les mains des acteurs économiques locaux et des élus qui les servent. On est loin de l’intérêt général et de la démocratie, rien donc d’étonnant à ce que cette réforme bureaucratique n’intéresse finalement pas les Alsaciens.

On peut donc dire clairement que le projet du CEA n’est pas celui d’une Alsace démocratique et populaire, mais celui d’une fraction libérale pensant en désarticulant le cadre national, conforter ses positions au prétexte du régionalisme, afin d’orienter les fonds publics vers l’appui au « petit » capitalisme local.

Alors même qu’une large majorité des Alsaciens reste attachée à l’idée de maintenir une institution administrative appelée « Alsace », la proposition de la fusion puis du projet de CEA n’a jamais obtenu un quelconque appui populaire et démocratique digne de ce nom.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que tout le processus se déroule par le haut, sans élan, sans enthousiasme populaire. On n’est là dans la pure démarche bureaucratique typique de la gestion des affaires publiques par le capitalisme. Même la consultation référendaire de 2014 témoigne de cette indifférence populaire : une majorité de voix avait rejeté la fusion telle que proposée dans le Haut-Rhin, et même dans le Bas-Rhin, où le « oui » l’a emporté, le vote n’avait même pas mobilisé le quart du corps électoral.

Les élus qui mènent ce projet proposent donc ouvertement de gérer l’Alsace comme on manage une entreprise capitaliste. Les compétences retenues seront donc principalement des compétences de nature économique destinées à appuyer les entreprises privées dans une optique de compétitivité et d’attractivité du territoire.

Cinq domaines ont été ainsi visés :

  • l’action transfrontalière,
  • le bilinguisme,
  • le développement économique,
  • l’attractivité,
  • le tourisme,
  • les transports,
  • la culture,
  • le sport.

C’est-à-dire que cette collectivité « alsacienne » se fixe comme objectif premier d’être non pas au service des Alsaciens, mais ni plus ni moins à celui du marché et des acteurs économiques du capital. La culture et le patrimoine alsaciens ne sont simplement affirmés dans la mesure où il peuvent porter une dimension marchande, se traduire en un label dans le cadre notamment du tourisme ou de la consommation de masse.

Les compétences plus sociales des départements (gestion du RSA ou des collèges par exemple) devraient forcément être intégrées, mais ce sont bien sûr les compétences économiques précitées, jusque là domaine des Régions, que les débats sont les plus vifs. Et cela veut en soi tout dire. Cela va même jusqu’à la précision des futurs budgets, fléchés par l’accord même : le développement économique (c’est-à-dire l’aide aux entreprises) devant représenter 55% des dépenses, l’attractivité et le marketing territorial 25%, l’insertion par l’activité économique 5%, la solidarité territoriale 10% et l’accès aux services départementaux 5%.

Les moyens alloués aux différentes compétences parlent d’eux-mêmes et se passent de tout commentaire.

Au-delà de la question des missions propres de cette CEA, il y a aussi la perspective de la coopération transfrontalière, telle que posée dans le Traité de l’Élysée de 2018, dont la CEA est définie comme un agent. Il s’agit de pousser les communes à fusionner dans des Eurodistricts aux compétences élargies et qui seraient maîtres des fonds publics municipaux.

Dans le même ordre d’idée, il apparaît clairement la volonté de s’appuyer sur l’idée de la coopération transfrontalière pour liquider des services publics en matière de santé au nom de leur présence outre-rhin au sein d’une structure intégrée. Un futur Eurodistrict par exemple devrait liquider certains établissements de soin « redondants » de l’autre côté de la frontière comme cela est explicitement évoqué à Wissembourg par exemple.

Le seul point à peu près positif pourrait être l’idée (mais qui reste encore au niveau de l’intention) de faire de la requalification de la centrale nucléaire de Fessenheim un projet transfrontalier, si tant est encore que ce chantier puisse prendre une réelle dimension internationale visant le progrès de l’Humanité dans son ensemble.

Les besoins de formation, de compétences, d’expériences, d’accumulation et de partage des connaissances en un mot sur la question du démantèlement des centrales nucléaire puis de la requalification des sites industriels sont en effet encore immenses, en France comme dans toute l’Europe.

On a là en tout cas concernant cette CEA, tous les ingrédients pour développer un système bureaucratique, confisquant les moyens publics des besoins du peuple pour les mettre avant tout au service du capital et des intérêts des entreprises locales au motif du régionalisme et de l’intégration européenne.

Toute cela montre à quel point le gouvernement, qui a fait voter la loi adoptant la CEA, est incapable de proposer un cadre répondant aux besoins populaires et démocratiques des masses de notre pays, particulièrement de celles portant une culture nationale minoritaire comme l’Alsace. Il n’a à proposer qu’une démarche aventureuse en vue d’appuyer l’élan capitaliste dans une perspective de conquête du marché européen.

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Société

Le cofondateur de Facebook appelle à démanteler l’entreprise

La petite entreprise, quand elle réussit, devient une grande entreprise, puis une très grande entreprise. Le monopole met alors fin à la concurrence, et donc à la libre-entreprise. Ce schéma raconté par Marx ou Lénine est une horreur pour le cofondateur de Facebook Chris Hughes. Il appelle donc à couper l’entreprise en morceaux et à superviser ceux-ci par les institutions.

Chris Hughes est, avec Mark Zuckerberg, l’un des fondateurs de Facebook. Il a quitté cette entreprise, vendant toutes ses parts en 2012. Il vient de publier un très long article dans le New York Times, appelant ni plus moins qu’à démanteler Facebook.

Ses motivations sont très simples à comprendre. Il constate, de manière fort juste, que Facebook est un monopole. Cependant, ce n’est pas un disciple de Lénine. Il ne pense pas que les monopoles soient l’antichambre du socialisme. Ou plutôt, il l’entrevoit et il est contre. C’est la raison pour laquelle il dit : il faut démonter Facebook en plusieurs fractions et superviser celles-ci.

Ses arguments concernent tous le capitalisme. Il raconte que Facebook n’est plus en situation concurrentielle, que l’entreprise achète ou copie ce qui lui fait de l’ombre. Or, seule la compétition peut à ses yeux amener des choses nouvelles. Facebook est donc un obstacle au capitalisme lui-même. Il faut donc le mettre en pièces.

Le ton de l’ensemble est ainsi profondément nostalgique quant au Facebook du début, Chris Hughes racontant avec émotion des anecdotes de cette époque pour lui bénie. Pour lui, Facebook a réussi parce que l’entreprise était en situation de très dure concurrence avec surtout Myspace, mais aussi Friendster, Twitter, Tumblr, LiveJournal, etc.

Il faut donc pour lui stopper Facebook le plus vite possible, pour deux raisons. La première, c’est son omniprésence et sa capacité à manipuler les opinions : ici, Chris Hughes présente Mark Zuckerberg comme très sympathique, sobre dans sa vie privée (soit disant), mais candide et manipulable par le monstre qu’est devenu Facebook, avec ses besoins de croissance. La seconde, c’est que Facebook assèche toute une partie du capitalisme. Voici ce qu’il constate, entre autres :

« Plus d’une décennie plus tard, Facebook a remporté le prix de la domination. Il vaut plus de 500 milliards de dollars et représente, selon mon estimation, plus de 80% des revenus mondiaux des réseaux sociaux. C’est un puissant monopole, éclipsant tous ses rivaux et effaçant la concurrence de sa catégorie. »

Chris Hughes n’exprime pas seulement sa panique libérale avec Facebook, qui possède WhatsApp et Instagram, deux monopoles dans leur genre. Il vise également Google pour la rechercher sur internet et Amazon pour le commerce en ligne. Il élargit même la question aux entreprises pharmaceutiques, aux compagnies aériennes… expliquant, horrifié, que 75 % de l’économie américaine est touchée par le phénomène de la concentration capitaliste.

Cela signifie selon lui le déclin de l’esprit d’entrepreneur, de la croissance de la productivité, moins de choix et des tarifs plus élevés pour les consommateurs. Sa grande référence est Adam Smith, qu’il présente comme la figure tutélaire des « pères fondateurs » des États-Unis. L’Amérique, c’est la libre-entreprise, et inversement.

On est libre de croire cette fable, si on est soi-même contaminé par l’idéologie de la libre-concurrence, si l’on est soi-même un capitaliste. Sinon, on ne peut que rire de ces lamentations d’ailleurs ridicules. S’il est vrai que les monopoles dans les nouvelles technologies sont récents, dans les autres domaines cela fait longtemps qu’ils existent. Le capitalisme américain dispose de géants monopolistes depuis longtemps, depuis l’aviation jusqu’à l’armement en passant par l’automobile, les banques, etc.

Chris Hughes raisonne ici comme tous les entrepreneurs de la Silicon Valley, qui croient en le capitalisme concurrentiel parce que pour eux il existe encore, ou plutôt il existait encore il y a peu. Une bonne idée, un peu de financement et tout se met en branle. C’est le principe de la start up. Cela existe encore, un peu. Mais les débuts sont terminés et l’émergence des monopoles est obligatoire.

Et que fait-on quand on a les monopoles ? On socialise, on met le tout au service de la population. Le capitalisme a été utile, maintenant on le dépasse !

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Société

Ce que l’affaire Boeing nous dit des entreprises capitalistes

On connaît la légende : seules des entreprises tournées vers le profit pourraient être efficaces, tout le reste terminant dans la bureaucratie et l’absence d’innovation. L’affaire Boeing rappelle à quel point c’est faux : les entreprises capitalistes sont bureaucratiques, leurs cadres toujours moins bons voire franchement mauvais, le travail réalisé de plus en plus bâclé, etc.

L’idée de l’efficacité des entreprises est souvent simple et par-là totalement fausse. S’il y a concurrence, alors il y a l’obligation de faire mieux que les concurrents. Ainsi, le socialisme ne pourrait qu’échouer car une entreprise socialiste ne connaît pas de concurrents : elle est obligée de devenir bureaucratique. Cela ne tient pas debout du tout et ce pour deux raisons essentielles.

La première, est que la concurrence aboutit forcément au monopole. La « bureaucratisation » apparaît donc ici comme inévitable également. La seconde, est que les entreprises s’appuient sur des travailleurs avec une certaine culture, dans le cadre d’une certaine organisation du travail. C’est cela qui est vraiment décisif.

L’affaire Boeing est un bon exemple, car c’est une entreprise d’envergure mondiale, qui n’a comme réel concurrent qu’Airbus. C’est une entreprise avec une très longue tradition, produisant des avions ce qui implique un très haut niveau technologique. On est là dans le « top du top » du capitalisme. Et pourtant toute la dernière série de ses avions est clouée au sol, parce qu’il y a vraisemblablement un souci avec le programme de la gestion de l’élévation du nez de l’avion juste après le décollage. Les deux récents crashs en seraient la conséquence directe.

Cela ne doit rien au hasard. Rien que le doute à ce sujet montre une chose simple à comprendre : les entreprises capitalistes sont débordées. Il y a à la fois les défauts du monopole et ceux de la concurrence. D’un côté il y a en effet le fait de s’asseoir sur une certaine situation, avec un confort tranquille ruinant les exigences. Appuyés ouvertement par l’État américain, Boeing est dans une situation relative de monopole et sait que ses avions seront vendus de toute façon.

Pour en vendre davantage, il faut cependant en même temps aller toujours plus loin et là on s’aperçoit que tout craque. En ajoutant toujours plus de technologies, avec un personnel toujours plus pressurisé, avec une société toujours plus décadente, les déséquilibres sont toujours plus grands. La conséquence est alors inévitable : les entreprises capitalistes trichent. Elles trichent sur les chiffres, elles trichent sur la qualité du matériel, elles trichent sur les vérifications, elles trichent sur tout.

Il n’y a même pas besoin de mentionner les récents multiples scandales, comme ces entreprises mentant sur la pollution de leurs voitures, ou encore l’affaire du glyphosate. Il faut d’ailleurs ici souligner l’importance de l’expérimentation sur les animaux, honte morale et escroquerie intellectuelle dont la seule fonction est de légitimer toutes ces tricheries. Les fabricants de cigarettes ont pendant des décennies fait fumer des chiens pour justifier que leurs produits ne donneraient pas de cancer.

Non, il suffit de regarder dans la vie quotidienne pour s’apercevoir qu’il y a un décalage énorme entre les prétentions des entreprises capitalistes et la réalité de leurs produits. C’est d’ailleurs là-dessus que joue Apple : leurs produits sont, eux, à la hauteur. En payant cher, on sort de la consommation des gens « normaux », qui eux restent dépendants du décalage entre la réalité du produit et sa mise en valeur commerciale.

La vérité est que les entreprises capitalistes s’appuient sur un mode d’organisation anti-démocratique, avec un personnel sous pression ou bien bureaucratisé, avec donc un niveau pratique inadéquat. La fumisterie et la mise en valeur personnelle, les rapports hiérarchiques abstraits, la compétition à l’intérieur de l’entreprise… poussent au mensonge, empêchent de voir les choses telles qu’elles sont.

La pourriture de la société s’insère aussi dans l’entreprise, avec des attitudes ignobles sur le plan humain. Le récent scandale frappant le média Vice – guère étonnant de par l’idéologie sordide du racolage qui en est la base – montre bien d’ailleurs que moins l’entreprise a de culture interne, plus elle reflète la société de manière directe. Et quand il y a une culture interne, elle est réactionnaire, bien souvent périmée, avec comme but la reproduction de leurs propres élites.

Que Boeing se retrouve avec des soucis avec ses avions, ce fleuron de la technologie, en dit long sur ce qu’il se passe en général. Et cela ne peut être que de pire en pire. Quiconque croit en la stabilité de l’entreprise capitaliste, en sa « justification » économique, n’a pas un regard adéquat. L’entreprise capitaliste se comporte toujours plus comme un regroupement de pirates prêt à forcer le passage pour écouler sa production, rien de plus !

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Réflexions Vie quotidienne

La vie, c’est comme Docteur Maboul

Finalement, le monde a été contaminé par Docteur Maboul. Parce que tout le monde considère que dans la vie, il s’agit d’arracher des choses auxquelles on a plus ou moins pas droit. La vie est un « combat », celui de retirer un maximum d’opportunités, sans se faire pincer.

Si on regarde bien, on peut discerner surtout deux types de personnes. Il y a ceux qui veulent se faire de l’argent, et ceux qui veulent retirer le plus possible de la vie. Les premiers ne réfléchissent pas au contenu de leur vie et paradoxalement ils ont presque une compréhension socialiste de l’abondance… Sauf qu’ils ne la conçoivent concrètement que pour eux-mêmes.

Les seconds se posent la question du contenu, mais ils pensent que cela restera surtout indéfini, que c’est le hasard qui va décider d’à quoi cela va ressembler. Ils ont compris que le capitalisme était une loterie, mais ils pensent qu’ils peuvent faire les plus fins, les plus malins. Ils ont l’impression qu’ils pourront arracher au bon moment ce qu’il faut et se conçoivent en quelque sorte comme des pirates des temps modernes.

Alors qu’en réalité, ils ont le niveau conceptuel du jeu Docteur Maboul, où il s’agit avec une pince d’attraper des petits objets sans toucher les bords. La vie est ici aussi simple que cela : prendre ce qu’on peut, sans se faire pincer, sans se faire heurter, sans se faire trop cabosser. Essayer autant qu’on peut…

On ne le croira peut-être pas, mais l’analogie est encore moins bizarre qu’on ne pourrait le penser de prime abord, parce que n’importe qui peut être Docteur Maboul. Si un docteur dingue peut le faire, alors pourquoi pas moi ? C’est la démocratisation absolue du casino capitaliste. Tout comme n’importe quel docteur, même fou, peut réussir cette chirurgie joviale, n’importe qui peut gagner au loto de la vie. Il suffit de jouer.

Et même, plus il y a de participants, plus il y a de lots. La conception « Docteur Maboul » de la vie voit le monde comme un gigantesque Las Vegas, avec une multitude de prix, de gagnants, de perdants mais ce n’est pas grave car cela ne concerne pas soi-même : tant qu’on peut jouer…

Il ne s’agit pas, notons le bien, de faire sauter la banque. Cela, c’est pour ceux qui veulent gagner de l’argent, en abondance, pour vivre dans l’abondance, dans « leur » communisme à eux, dans leur « utopie », dans « leur » petit « paradis ». Il s’agit simplement de vivre et pour cela il faut un cadre, des normes, des moyens. Et pour les avoir il faut participer au casino et pousser les autres à le faire. On pense même d’autant mériter de gagner qu’on a contribué à renforcer le nombre de lots. On veut forcer le hasard.

La vie, c’est comme Docteur Maboul. La vie, c’est rien de prévu, à part la possibilité de gagner. De gagner quoi ? On ne sait pas, il y a de la concurrence. Mais il y a des lots, et c’est ça qui compte. Car rien d’autre n’a de sens : ni l’histoire, ni la nature, et encore moins la société. La vie est une sorte d’immense foire du trône, avec des divertissements, des lots à gagner, des préférences. On y flotte, on bascule dans certains choix et pas dans d’autres, on est transporté et grisé, et à la fin tout le monde rentre chez soi.

Que dire du vide d’une telle conception de la vie ? Que c’est l’aboutissement de toute une civilisation. Le capitalisme connaît une fin telle Rome ; il a gagné totalement et donc perdu. Il s’effiloche en se renforçant, se renforce en s’effilochant, il attend à travers son déclin que le Socialisme le remplace, rétablissant le sens : l’histoire, la nature. Fini, Docteur Maboul !

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Société

L’Union Européenne refuse la fusion d’Alstom et de Siemens Mobility

En refusant la fusion de deux grandes entreprises du ferroviaire, l’Union Européenne s’oppose à la concentration économique, qui est en même temps une norme à l’échelle mondiale. Cela va donc provoquer des tensions immenses entre les nations et l’Union Européenne.

La commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager, a annoncé hier le refus par son institution de la fusion d’Alstom et Siemens Mobility pour former un géant de l’industrie ferroviaire et de la signalisation. C’est là un épisode très important de la vie économique dans l’Union Européenne.

Deux points de vue semblent s’opposer. Margrethe Vestager a affirmé dans une conférence de presse, avant même son refus, que :

« Notre écosystème est plus fort s’il ne dépend pas entièrement d’une ou de quelques entreprises géantes. »

C’est là en l’apparence la défense de la libre-entreprise contre les monopoles, dans une optique de défense de l’initiative capitaliste et des consommateurs. C’est le principe selon lequel un capitalisme n’est sain que s’il est concurrentiel, tandis que le capitalisme ayant atteint des formes monopolistiques dérègle le système.

L’autre point de vue se veut quant à lui pragmatique. Jeo Kaeser, le dirigeant de Siemens, a justifié la fusion de par l’existence d’une concurrence mondiale :

« La protection des intérêts des consommateurs ne doit pas empêcher l’Europe d’affronter sur un pied d’égalité la Chine et les États-Unis. »

On a donc en apparence une opposition entre des entreprises ayant un besoin de se renforcer au niveau mondial et une Union Européenne garante des droits des petites entreprises et des consommateurs. Margrethe Vestager a particulièrement insisté à ce sujet hier, disant par exemple que :

« En l’absence de mesures compensatoires suffisantes, cette concentration aurait entraîné une hausse des prix pour les systèmes de signalisation qui assurent la sécurité des passagers et pour les futures générations de trains à très grande vitesse. »

Tout cela n’est cependant qu’une apparence, car les choses sont bien plus compliquées que cela. Car, depuis 1989, la commission européenne à la à Concurrence a approuvé 6 000 fusions et n’en a bloqué qu’une trentaine. On ne peut donc pas vraiment dire que l’Union Européenne est un frein au capitalisme de type monopolistique. Elle est un frein à certaines formes capitalistes monopolistiques.

Lesquelles ? Cela dépend tout simplement des rapports de force. Là, si la fusion a été refusée, c’est tout simplement parce que cela formerait un monstre franco-allemand, qui deviendrait une entreprise monopolistique jouant un rôle-clef dans le moteur franco-allemand. Beaucoup de pays de l’Union Européenne ne veulent pas se soumettre à ce moteur franco-allemand : ils font donc un blocage de tout processus allant en ce sens.

Évidemment, les responsables français et allemand sont fous de rage. Ils annoncent déjà qu’ils feront en sorte de modifier le cadre légal de la commission européenne à la Concurrence, pour la soumettre aux États et aux gouvernements concernés. En clair, la France et l’Allemagne disent : nous sommes les plus forts, vous serez obligés de nous suivre.

Il y a ainsi une initiative commune immédiate du ministres français de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire et de Peter Altmaier le ministre allemand de l’Économie. Voici ce que le Français a dit de son côté :

« Je propose qu’on retienne comme marché pertinent, celui où on analyse la concurrence, le monde entier et pas que l’Europe (…). Je propose en deuxième lieu que le Conseil européen c’est-à-dire les chefs d’État puisse s’exprimer sur la décision européenne en matière de concurrence. »

Voici ce qu’a dit entre autres l’Allemand :

« N’y a-t-il pas des domaines tels que l’aviation, les chemins de fer, les banques où vous devez prendre le marché mondial comme référence plutôt que l’européen? »

De telles affirmations sont une provocation directe pour les institutions de l’Union Européenne, qui se voient ici directement remises en cause. Les deux ministres de l’économie des deux plus puissants pays annoncent ouvertement qu’ils comptent remettre en cause les règles dérangeant leurs propres intérêts.

Ils affirment également ouvertement que l’Europe n’est qu’un tremplin pour le monde, et pas une valeur en soi. Le projet européen se voit réduit à une fonction utilitaire pour les capitalismes nationaux.

À vrai dire, il n’a jamais été autre chose, malgré tel ou tel aspect concret obtenu dans une période de croissance où il y a l’illusion que le projet européen devenait autonome et concret, qu’il était un objectif atteignable, des États-Unis d’Europe.

La vraie conséquence de tout cela, surtout, cela va être que les forces nationalistes de France et d’Allemagne vont être d’autant plus renforcées, car elles vont dire que l’Union Européenne bloque l’affirmation de l’économie nationale et qu’elle n’est pas réformable, puisque même Angela Merkel et Emmanuel Macron ne parviennent pas à organiser les choses de manière adéquate.

Les propriétaires d’Alstom et de Siemens Mobility ne vont évidemment pas rester passifs, ils vont renforcer le nationalisme, la dimension « indépendante » des décisions allemandes par rapport à l’Union Européenne. Et cela sera pareil pour tous les industriels et financiers ayant « tiré la leçon » de cette histoire.

C’est là la contradiction essentielle d’un capitalisme qui s’appuie sur des entrepreneurs, mais qui aboutit à des monopoles, de manière inéluctable de par la concurrence. Et comme la concurrence est mondiale et que l’Union Européenne n’est pas une structure réelle mais « flotte » au-dessus des pays, la situation ne peut être marquée que par une explosion des instabilités, des troubles, des remises en cause, des affirmations unilatérales des égoïsmes nationaux.

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Réflexions

Vivre sa vie ou vivre la vie

Le capitalisme prétend que vivre, c’est vivre sa vie, selon sa propre individualité. C’est là une abstraction visant à satisfaire concrètement l’esprit de consommation. La vie est un processus universel et c’est à ce processus qu’on appartient.

Le poète pauvre, 1839, Carl Spitzweg

Tous les grands philosophes ou les grands artistes qui ont abordé la question du sens de la vie ont souligné qu’ils ont découvert l’immensité, la multiplicité de la vie, sa richesse. Les ressources de la vie sont infinies, ses aspects indénombrables.

Le capitalisme prétend proposer une manière de vraiment vivre en disant que, justement, chaque aspect de la vie consiste en un individu. Être soi-même, ce serait vivre sa vie. On poursuit son bonheur à soi, chacun ayant des valeurs, des sensibilités différentes. Rien ne serait pareil pour personne, on ne peut pas juger le bonheur d’un autre.

Il faudrait accepter que certains aiment les voitures puissantes et bien polluantes, d’autres se faire fouetter. De vieux hommes veulent des jeunes femmes, certains aiment la fourrure. Tous les goûts sont permis et le capitalisme fournit pour cela la consommation disponible. C’est pour cela qu’il n’y a pas de réelle répression de là où l’argent circule, comme pour les call-girls, les drogues dans les milieux chics.

Le libéralisme ne peut qu’aller dans le sens d’ouvrir toutes les possibilités : celle d’acheter des drogues… si on le veut, de se faire mutiler… si on le veut, etc. Le passage du football en pay per view suit le même principe : on peut regarder le football… si on le veut. Et donc si on paye.

Vivre, c’est vivre sa vie, et donc payer. Parce que sa propre vie n’est pas celle du voisin, et que la distinction ne peut se faire que par la consommation. Dis moi ce que tu consommes, je te dirais qui tu es. Le capitalisme sous-tend une démarche ostentatoire qui prend d’ailleurs des proportions toujours plus immenses. Le triomphe d’Apple et des marques de vêtement Supreme et off-white témoigne de l’élargissement du luxe à la vie quotidienne, alors qu’avant l’ostentatoire concernait surtout des moments de la vie sociale.

Fini la robe de soirée issue de la haute couture, gage d’un moment bien travaillé et prouvant un statut social, ou les beaux habits qu’on a choisi pour aller en « boîte de nuit ». Désormais, c’est tout le temps qu’il faut montrer qu’on vit sa vie à soi. La pression est immense, et cherche tous les détails. Comment est-on habillé ? Quelle est sa posture ? Avec qui est-on ? Le couple lui-même s’efface devant le principe de l’alliance entre partenaire, dans la perspective d’une mise en valeur réciproque.

Vivre sa vie, c’est comme une sorte de grande Bourse des individus, où l’on cherche à placer des actions concernant sa propre vie. On n’existe pas en soi, mais par rapport à certains rapports, à certaines relations. On est une entreprise établissant des liens, et plus une personne avec une personnalité. On est uniquement un individu.

Ce n’est pas là vivre la vie. On ne peut réellement vivre qu’en voyant comment la vie est un processus universel, une réalité sensible qui concerne tout le monde, chaque être vivant. Ce n’est que de cette manière qu’on en saisit la densité, la subtilité, qu’on cherche soi-même à développer ses facultés pour davantage vivre.

Le sentiment amoureux est en ce sens un véritable obstacle au capitalisme, parce qu’il amène deux personnes à se rencontrer en tant que personnes, en faisant sauter tous les rapports consuméristes qui priment sinon. Quand on accepte d’être amoureux – nombreux et nombreuses sont les opportunistes, les carriéristes qui refusent – alors on est soi-même et que soi-même. On découvre l’amour comme réalité de la vie, non pas simplement de sa vie à soi, mais de la vie en général, représentée par la personne aimée.

C’est d’ailleurs parce qu’on voit la vie dans l’amour qu’on espère avoir des enfants, comme expression de la vie. Quel dommage ici que les enfants qu’on devrait aimer comme à la fois ses enfants et les enfants de l’amour, donc de la vie, soient uniquement vus, bien souvent, comme « ses » enfants au sens d’une propriété, d’une possession, d’un lien consumériste.

Est-ce cela qui fait que, bien souvent, l’amour disparaisse du côté de l’homme, un fois l’enfant arrivé, la femme perdant son statut d’une relation ostentatoire, pour ne plus avoir qu’une fonction utilitaire ? Car les tendances du capitalisme cherchent à revenir à la moindre occasion, pour reconquérir des espaces, ouvrir un marché.

Qui échappe une fois à l’aliénation n’en a pas fini avec la bataille pour être réellement soi-même. Tant qu’il n’y a aura pas eu de révolution, on n’est jamais à l’abri d’une rechute. Seul le fait d’être en phase avec le processus révolutionnaire permet de maintenir le cap de sa propre personnalité.

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Réflexions

Faut-il rechercher l’idyllique ou l’authentique ?

Le capitalisme propose de partir à la quête du choix de son prince charmant, au moyen de critères bien établis… Quand il ne propose pas d’abolir cette quête et de sombrer dans la décadence, d’arracher à la vie quelques parts de vitalité transcendante. Tout cela est vain et faux.

Eve of St Agnes by John Everett Millais

Il existe une grande différence d’attitude chez les gens entre la période avant et après 35 ans. Bien entendu, cela varie très sensiblement selon qu’on habite dans une ville grande ou petite, à la campagne ou dans une zone péri-urbaine, voire même dans le nord, le sud, l’est ou l’ouest de la France. Cependant, l’opposition frontale entre deux périodes reste présente chez chacun.

La première période est celle de la quête de l’idyllique, de l’idéal, c’est-à-dire que chaque personne cherche son partenaire idéal dans la vie, son emploi idéal, son logement idéal, etc. Selon l’adage qui dit que l’argent ne fait pas le bonheur, mais il y contribue, cette quête s’associe avec une exigence matérielle plus ou moins forte, devant tout au moins rassurer l’ensemble, d’où la propriété comme socle bien ancré dans la réalité et garantie de conservation de l’ensemble.

La seconde période est celle de la fin des illusions. C’est la prise de conscience, le plus souvent amère, non pas qu’on n’a pas trouvé, mais que ce qu’on a choisi s’avère finalement insatisfaisant. C’est là la raison des divorces, non pas que la relation ait été en soi insatisfaisante, mais il y a une crise existentielle qui s’exprime aussi à travers le besoin de rupture. C’est là aussi bien sûr la raison des tromperies, des changements brutaux de comportement, de valeurs, qui peuvent d’ailleurs s’accompagner par la fin de certains comportements et de valeurs.

La seconde période est ainsi souvent marquée par l’arrêt du sport, la cessation de l’écoute de musique, ou bien la fin de certaines activités culturelles, l’interruption de la lecture de livres. C’est une période qui est celle valorisée par la société comme celle où on est adulte et c’est à partir de là que, vraiment, on devient strictement incapable de comprendre les adolescents.

Il est d’ailleurs toujours amusant d’inquiéter ceux-ci en leur montrant les adultes et en leur disant qu’ils vont devenir pareils, ce qui leur semble résolument invraisemblable. Et pourtant… la machine capitaliste est implacable.

La seconde période exige aussi des enfants par ailleurs, pour bien souvent servir de report des rêves. Qui ne connaît pas les parents ayant reporté sur leurs enfants tel ou tel rêve de succès, de gloire ? L’une des premières mesures du socialisme sera clairement de calmer et de rééduquer les parents traumatisant leurs très jeunes enfants à coups d’exigences de performance, dans la perspective d’un triomphe futur. Cette agression de l’enfance est inacceptable.

La seconde période est on l’aura compris le produit direct de la première. A l’idéalisme de la première répond l’amertume de la seconde. Non pas que ce qu’on ait vécu ait été faux, totalement faux, cela n’aurait pas de sens. Toutefois, il y a l’horrible impression de ne pas être authentique, il y a cette observation qu’on se fait à intervalles plus ou moins réguliers qu’on a raté quelque chose.

Ce quelque chose, on se l’imagine être tel ou tel ex, telle ou telle carrière, telle ou telle orientation, tel ou tel tournant, mais réalité ce quelque chose c’est évidemment soi-même. Et on se dit qu’il est trop tard, d’où la nostalgie imprégnant de plus en plus la matière grise.

Il faut noter ici qu’il existe également un autre phénomène, celui où des gens choisissent la seconde période. Celle-ci a l’air en effet rassurante dans la mesure où finalement on est comme pris dans les glaces. Tout y est stable, rien ne bouge, contrairement à la confusion, aux pertes d’orientation de la première période. Il est tellement plus simple d’être conservateur, pessimiste, en qualifiant d’erreurs de jeunesse ses propres rêves !

Il est évident que toute quête d’idylle de la première période est à la fois normale car le bonheur est naturel comme valeur humaine, et à la fois déformée par le capitalisme qui la transforme en vécu consommateur en quête d’une marchandise sans aspérités, conforme à ce qu’on a en tête.

Le nombre de problèmes que cela pose est tellement gigantesque que, vu de l’avenir, on pourra pratiquement dresser une étude des mentalités de la société capitaliste rien que par rapport à une évaluation de cet esprit aliéné saisissant les choses suivant une évaluation idéaliste-idyllique.

Alors que l’être humain propre à une société socialiste, lui, se focalisera toujours sur l’authenticité, et reconnaîtra qu’il faut savoir s’incliner devant la richesse des faits authentiques, qu’il faut savoir percevoir leur nature concrète, qu’il ne faut pas céder devant les illusions d’un faux confort amenant à balayer d’un revers de la main ce qui s’avère en réalité la vérité.

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Réflexions

Le capitalisme ou la vie qui glisse entre les doigts

Être adulte pour la société signifie se plier aux exigences de l’économie capitaliste et s’y opposer au moyen d’une révolte existentialiste fondée sur l’individu ne change rien ni pour soi, ni pour la société. C’est le collectivisme qui, seul, est en contradiction avec les valeurs dominantes.

Why seek ye the living among the dread? St Luke, Chapter XIV, verse 5

Rien n’est plus insupportable que d’avoir l’impression que sa propre réalité défile indépendamment de soi, qu’on n’a plus de prise sur rien. On échappe à sa propre vie et sa propre vie nous échappe, ce qui donne un double sentiment d’angoisse.

On a l’impression d’être comme coupé en deux, car évidemment même s’il y a cette impression, on est encore présent dans sa propre vie, à faire ce dont on n’a pas envie, ce qui nous ne parle pas et nous semble même aller contre soi-même.

Le fait d’être adulte correspond, pour les gens, à relativiser cela et à finir par admettre que les exigences qu’on avait adolescents ne sont pas réalisables ou acceptables socialement. Il faut, partant de là, faire avec et prendre sur soi.

Refuser ce serait tomber au niveau des punks à chiens, des clochards, des drogués et des alcooliques, ou bien encore des mafieux, des petits criminels, etc.

C’est cette mentalité qui voit en le capitalisme quelque chose d’incontournable qui étouffe la révolution. Le Socialisme se pose en effet comme critique générale et collective du capitalisme, considéré nullement comme l’horizon ultime. Mais le capitalisme a réussi en grande partie à se présenter comme la fin de l’histoire et dans la fainéantise morale, mentale, psychologique, intellectuelle que façonne la société capitaliste, il n’y a que peu d’efforts pour voir si on ne peut pas faire différemment !

Sans parler bien entendu des espaces faussement alternatifs que le capitalisme laisse se développer, car étant issus de la petite-bourgeoisie, comme les milieux associatifs, quelques squats ou encore la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Cela ne change rien au système qui tourne très bien et qui peut se permettre le luxe d’avoir de tels interstices sans impact, qui ne dérange rien. Cela contribue même à l’illusion comme quoi le système est finalement tout à fait tolérant.

Car il ne faut pas se leurrer : lorsque l’ultra-gauche brise régulièrement les vitrines du centre de Nantes, à un moment il faut bien se dire que le système non seulement s’en fout, vit très bien avec, mais même que ça l’arrange. Quand on casse non stop et qu’on a aucune réaction policière, il faut quand même se poser des questions… Ce que l’ultra-gauche ne fait pas, car ce n’est pas dans sa démarche.

Son but, existentialiste, est de récupérer sa vie, par des actions symboliques. Pour le système, c’est dommage, car il préférerait que ce soit dans la consommation que l’on trouve un sens à son existence. Mais il peut tout à fait laisser des individus exprimer leur insatisfaction individuelle, cela lui convient, car philosophiquement cela revient au même.

Du moment qu’on ne touche pas à l’État, que la production n’est pas perturbée, que la vente de marchandises n’est pas troublée, alors que chacun fasse ce qu’il veut ! Du moment qu’on le fait en tant qu’individu, sans expression politique liée à la classe ouvrière, au collectivisme, à l’exigence socialiste.

Il faut bien saisir cela pour lutter de manière réelle, et non pas se comporter de manière conforme au grand théâtre de la vie politique et sociale propre au capitalisme.

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Réflexions

Comment comprendre le capitalisme ?

Le capitalisme est vécu au quotidien, cependant il n’est pas aisé d’en définir les contours. Voici une petite aide pour bien poser les questions, avant d’entrevoir les réponses.

Das Kapital von Marx

Le capitalisme est un phénomène complexe, avec beaucoup d’aspects. On en parle beaucoup en France, car nous avons la chance de posséder un patrimoine de lutte et de conscience très élevé. Des pays comme la Suisse, la Suède ou l’Autriche ne connaissent nullement ce thème ; là-bas tout y est paralysé. Et c’est pire bien sûr dans des pays comme l’Angleterre où, outre le fait de ne pas en parler, on trouve cela très bien.

Il est évident pour autant qu’en France, on parle souvent sans connaître ou étudier à fond ; le point de vue suffit. Le Capital n’est pas lu, malgré son intérêt immédiat et en conséquence l’esprit de contestation se transforme en anticapitalisme velléitaire, stérile et prétentieux. Remettre cela en cause est un dur travail que la Gauche a à faire, pour en terminer avec le syndicalisme et l’anarchisme.

Le premier point pour comprendre le capitalisme est d’ailleurs de voir ce que ni le syndicalisme ni l’anarchisme ne voient. A leurs yeux, en effet, le capitalisme c’est la production de marchandises dans une entreprise, dans le but de les vendre à des consommateurs. La chose s’arrête là. Or, ce n’est pas du tout comme cela que ça marche. Le capitalisme ce n’est pas que de la fabrication de biens de consommation, c’est aussi la fabrication de matériel pour la fabrication.

C’est par exemple ce qui torpille les pays du tiers-monde, qui n’ont pas d’entreprises fabriquant ces moyens de fabriquer. Ils sont obligés d’importer les moteurs, les instruments, les machines, les tubes, les tuyaux, les pièces de rechange, etc. Difficile, comme on le voit, de rendre son pays indépendant si on dépend des autres pour le matériel permettant de produire quelque chose.

Les syndicalistes et les anarchistes se cassent toujours les dents sur le capitalisme, parce qu’ils ratent cette fabrication pour la fabrication. Soit ils passent dans l’utopie d’une fédération d’entreprises autogérées incapable de prévoir celle-ci, soit ils se soumettent au capitalisme en disant que seul celui-ci peut la permettre. Historiquement, sur le plan des idées, c’est un élément central.

Une fois qu’on a fait cette distinction et qu’on voit que le capitalisme est une production directe de marchandises pour le consommateur et une production indirecte dans la mesure où il y a de la production pour d’autres entreprises, on peut passer à la question du profit. On ne peut pas comprendre le capitalisme si l’on ne voit pas que le capitaliste vise le profit à court terme, encore plus de profit à moyen terme, et davantage encore à long terme.

Il ne s’agit pas que de vouloir du profit, mais toujours plus. C’est là un second aspect essentiel du capitalisme. Si on le rate, on s’imagine qu’on a juste affaire à des cycles tous indépendants les uns des autres. Sauf que ce n’est pas du tout le cas et c’est bien pour cela que des usines bénéficiaires sont fermées : elles ne font pas assez de profit selon leurs propriétaires. Toujours plus, telle est la devise.

Le dernier aspect est la question de la source de ce profit. Karl Marx a expliqué en long et en large, dans son ouvrage classique sur le « Capital », que le vrai profit est arraché aux ouvriers, que leur salaire ne recouvre qu’une partie de leur travail. Le capitaliste tire de l’ouvrier la richesse, en le payant bien moins que ce qu’il apporte comme énergie. Cela ne se voit pas, car en théorie il gagne de l’argent en vendant ses marchandises, mais en réalité c’est dans la production que cela se passe.

C’est là le vrai principe de l’exploitation et c’est là où l’on voit qu’une large partie de la Gauche a perdu tout sens des réalités. En disant qu’un ouvrier d’un atelier au Bangladesh est exploité, les gens qui se trompent à ce niveau veulent dire par là que, quand même, on le paye vraiment rien pour ce qu’il fait, sous-entendu ce n’est pas comme cela chez nous. Alors qu’en réalité, au sens « scientifique » du terme, l’ouvrier français d’une usine ultra-moderne est bien plus exploité, car on lui arrache bien plus d’énergie et de travail.

En arrière-plan, ce qui se pose c’est la question de savoir si la critique du capitalisme doit être simplement morale ou romantique, ou si elle doit s’appuyer sur une lecture qu’on peut qualifier de classique du mouvement ouvrier. Et donc si, au bout du compte, on lutte pour un repartage du gâteau capitaliste, ou bien pour la négation du capitalisme et l’établissement d’une société socialiste.

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Politique

« Egalité & Réconciliation » et le capitalisme des « nomades »

Égalité & Réconciliation est le nom du mouvement fondé en 2007 par Alain Soral, dans l’élan de son soutien à la campagne présidentielle de Jean-Marie Le Pen et du Front National, auprès duquel il a tenté de pousser une ligne néo-gaulliste maquillée formellement derrière un populisme gauchisant.

Egalité et réconciliation

Un autre point notable est qu’E&R se fait le défenseur d’un nationalisme non ethnique sur le plan formel. Ce refus de l’ethnicité pousse aussi à développer quelques tentatives pour modérer un antisémitisme assumé, en refusant théoriquement l’antisémitisme racial et exterminateur, en distinguant rhétoriquement « oligarchie » et « juifs du quotidien » ou en distinguant « juifs » et « sionistes ».

Soudée presque immédiatement à son soutien en faveur de Dieudonné en particulier, Égalité et Réconciliation (E&R), bien qu’aujourd’hui en déclin, a entre-temps connu un succès important, parvenant aujourd’hui à revendiquer plusieurs milliers de membres, sans compter ses sympathisants sur les plateformes vidéo comme YouTube. Dans la pratique, la notoriété d’Alain Soral a été construite par une activité régulière, se présentant sous la forme de longs monologues commentant ses lectures et ses humeurs sur un canapé rouge devant une sorte de peinture, qu’il a d’ailleurs déclinée en produit commercial.

L’habitude a aussi été prise de veiller à son physique et son ton, pour le faire passer pour un « dur », un « écorché », un « mâle viril » et aussi son look, en particulier ses T-shirts, occasion de manifester ses lubies du moment sur le ton généralement de la dérision et de la provocation, et volontiers avec une grande vulgarité à peine dissimulée.

E&R est donc d’abord une plateforme internet, un site particulièrement fréquenté, relayant les vidéos et les « informations » de sites du milieu nationaliste dans lequel gravite E&R, allant des catholiques nationalistes virulents, à Alain de Benoist, des royalistes de l’Action française, aux nationalistes-révolutionnaires comme Serge Ayoub.

Ce que E&R désigne ainsi par la « gauche du travail », c’est l’anti-capitalisme romantique le plus convenu et le plus cacophonique, structuré néanmoins autour de son anti-matérialisme. La « droite des valeurs » se résume à un soutien de plus en plus ouvert aux milieux catholiques violemment intégristes et en particulier Civitas. E&R entend aussi être une plateforme de synthèse entre des militants de « gauche » rejetant tant la gauche institutionnelle que « marxiste » (considérée en l’espèce surtout par les mouvements et les partis issus de la tradition trotskiste), avec une stratégie volontariste d’attirer la « gauche nationale » à la Chevènement, et plus encore celle à la sauce France Insoumise (ou « FI »), pour la faire basculer dans le nationalisme. Voilà pour la trame de fond.

Au plan des valeurs et des idées développées, E&R affiche un anti-capitalisme, mais sans s’opposer ni à l’économie de marché, ni à la bourgeoisie, ce qui en dit long sur la valeur réelle d’une telle dénonciation du capitalisme.

Refusant le matérialisme historique, Alain Soral et ses soutiens tentent d’amalgamer tout ce qui peut construire une vision historique « alternative ». La préférence d’Alain Soral va clairement à une sorte de développement des thèses de Dumézil sur la prétendue tripartition traditionnelle chez les indo-européens, mixée avec des thèses « impériales » que l’on retrouve aussi chez Gabriel Martinez-Gros, ou Bernard Lugan.

Egalité et réconciliation

Ces auteurs structurent l’histoire autour d’un vaste et « éternel » conflit entre sédentaires constituant des civilisations, des « empires », et nomades les pillant, tout en leur assurant le développement commercial et la fourniture de guerriers ou d’esclaves.

Soral ajoute en quelque sorte à ce « nomadisme » le « capitalisme bancaire » dont il a présenté sa vision dans Comprendre l’Empire, qui en serait une sophistication moderne et européenne, dans la mesure où précisément, l’Europe à partir de la féodalité, échapperait à ce schéma sédentaire/nomade. Mais Soral le « restaure » en faisant de l’essor des villes et de la bourgeoisie, un « nomadisme » parasitaire dont le « juif » serait l’incarnation la plus aboutie.

Toute l’ambition politique de E&R vise donc à « geler » l’essor du capitalisme, vu non comme un développement interne de ses propres forces, développant parallèlement ses propres contractions, mais comme un « ordre » naturel, presque immobile, idéal, divin pour ainsi dire, ou du moins « naturel », qu’il faudrait retrouver, en éliminant le « parasite », donc la « banque », le « nomadisme », c’est-à-dire le « Juif », avec la force collective de la « nation », cadre politique « naturel » du développement harmonieux des sociétés humaines et de leur aspiration au « socialisme ».

C’est là, on le reconnaît aisément, une perspective d’extrême-droite, visant à dévier vers le nationalisme les mobilisations issues des luttes de classes, avec l’antisémitisme comme « socialisme des imbéciles ».

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Écologie

Nicolas Hulot prétend défendre l’écologie pour servir Emmanuel Macron

Nicolas Hulot a expliqué dans un entretien au Journal du dimanche qu’il faudrait « une union sacrée sur le climat ». Le ministre de la Transition écologique et solidaire d’Emmanuel Macron se prétend à l’avant-garde de la défense de la planète mais sa démarche est erronée.

L’action du gouvernement auquel participe Nicolas Hulot consiste surtout à élargir et intensifier le prisme de l’économie marchande sur la société tout entière. Il est le Ministre d’État d’un Président et d’un chef du Gouvernement qui ne parlent pour ainsi dire jamais d’écologie.

Son rôle est donc de s’exprimer régulièrement sur le sujet, avec la posture de celui qui sait, qui alerte et tente d’emmener un mouvement ; dans le monde des entreprises on appelle cela du greenwashing.

Son entretien au Journal du dimanche allait pleinement dans ce sens. C’est un exercice grotesque dans lequel il prétend avoir des considérations écologiques, alors qu’il ne fait que de la communication au service de la modernité d’Emmanuel Macron.

Comment interpréter cela autrement quand on lit quelque chose d’aussi énorme que :

« Si on ne veut pas décourager ceux qui commencent à intégrer cette mouvance, reconnaissons les avancées plutôt que de prêcher entre convaincus. Il y a quelques mois, qui aurait pensé qu’EDF ou Total se mettraient à faire des énergies renouvelables, ou que la FNSEA chercherait des solutions alternatives au glyphosate ? »

C’est absurde ! Une recherche rapide sur les sites internet de Total et EDF permet bien sûr de constater que les premiers disent qu’ils sont « engagés depuis plus de 30 ans dans le développement des énergies renouvelables » et que les seconds affirment être le « 1er producteur d’énergies renouvelables en Europe ». Cela n’a donc rien de nouveau.

Une telle légèreté sur un point qui est au cœur de son discours en dit long sur la vanité de sa démarche.

Quant à la question du glyphosate, on se demande si ce n’est pas une provocation tellement, justement, c’est l’inverse qui est vrai. Nicolas Hulot avait subit un sacré revers sur ce sujet au mois de mai puisque les députés de la Majorité avaient sous l’impulsion du Ministre de l’agriculture refusé l’interdiction du glyphosate.

Cet exemple du glyphosate, qui rappelons-le est un puissant herbicide typique de l’agro-industrie, montre à quel point la question économique est primordiale. Nicolas Hulot prétend que les choses avancent alors qu’il y a eu ici une pression économique immense et une défaite nette sur une question très partielle.

Les changements nécessaires contre la pollution et contre les émissions de gaz à effet de serre sont pourtant incommensurablement supérieurs à un simple amendement de loi visant un produit.

L’humanité est très loin du compte et la tendance ne s’inverse pas.

En attendant, s’il y a de l’argent à faire, le Ministre de la transition écologique et solidaire est là pour aider, comme le lui confèrent ses missions officielles.

« Depuis mon entrée au gouvernement, nous avons renégocié les appels d’offres des six champs d’éoliennes offshore, pour en construire plus sans dépenser plus. J’ai donné un cap pour que l’industrie automobile propose, dans un délai très court, des véhicules électriques à tout le monde. »

L’écologie est en effet considérée par de nombreux entrepreneurs et décideurs comme un relais de croissance. La France, en tant que grande puissance économique, cherche à se placer afin d’être à la pointe technologiquement et industriellement sur ces secteurs économiques.

Mais cela ne représente rien concrètement, aujourd’hui. À tel point que finalement Nicolas Hulot est obligé de le reconnaître. Quand il lui est fait remarquer que la France ne respecte pas ses engagements et « laisse ses émissions de gaz à effet de serre augmenter de 3 % par an », il répond :

« Sur certains sujets, je l’admets, la France n’est pas dans les clous. Tant que nous ne serons pas sur la bonne trajectoire, je ne m’en satisferai pas. Je l’ai souligné à l’occasion du bilan de la première année du plan climat. »

Son rôle est ici d’expliquer que ce n’est pas si grave, il ajoute ensuite :

« Pour moi, ce n’est pas un échec, c’est simplement que nous devons faire plus. Nous entrons maintenant dans la période des solutions, car elles sont là : ce sont les énergies renouvelables, la voiture électrique, l’agroécologie. Nous avons tout pour réussir, si nous n’hésitons plus. »

Qu’il existe, potentiellement, des solutions techniques, c’est une chose. Mais que celles-ci soient généralisées de manière conformes aux enjeux écologiques, c’en est une autre. À Gauche, du moins pour les personnes qui n’ont pas abandonné le cœur de la pensée de Gauche, nous n’avons aucune confiance en l’économie capitaliste pour cela.

Car, soit il y a la concurrence et le profit privé, comme le prône Emmanuel Macron que sert Nicolas Hulot, soit il y a une planification économique de manière démocratique et utile socialement.

Ce ne sont pas les besoins de la population, mais des quêtes d’enrichissement pour quelques-uns qui imposent le glyphosate, la multiplication de panneaux publicitaires ultra-lumineux, l’accumulation de marchandises de mauvaise qualité produites à l’autre bout du monde, le sur-emballage, la pêche intensive, la généralisation des transports polluants et le démantèlement du chemin de fer ou encore une mine d’or en pleine forêt Amazonienne, etc.

Nicolas Hulot, pour justifier sa propre inutilité, explique qu’il n’est responsable de rien, voire que ce serait la faute des autres :

« Nous avons collectivement une immense responsabilité. On le voit bien quand certains partis politiques rechignent encore à faire figurer le changement climatique et la biodiversité dans l’article premier de la Constitution, comme si c’était une préoccupation mineure. Même constat avec les états généraux de l’alimentation et la loi sur les hydrocarbures. Ils n’ont pas compris que ce sujet conditionne tous les autres.

Nous ne pouvons plus entretenir des divisions, réelles ou factices, alors que cet enjeu appelle une réponse universelle. La confrontation politique est nécessaire, mais sur ce point, faisons la paix. J’appelle à une union sacrée sur le climat. Ne tombons pas dans la querelle des anciens et des modernes. Le feu est à nos portes, au sens propre comme au sens figuré. »

Et :

« Je fixe un cap, je prends des mesures. Mais tout le monde doit comprendre qu’un homme, un ministre, un gouvernement seuls ne peuvent rien faire. »

À le lire cela, on croirait qu’il est un Ministre hyper actif, déployant des moyens énormes, promouvant une refondation radicale du mode de production et des institutions, et faisant face à une organisation politique structurée contre l’écologie.

Cela n’est pas vrai, c’est de la démagogie, de la poudre aux yeux. L’écologie en tant que telle n’existe pas. Elle n’est qu’à la marge, parfois comme faire-valoir, souvent comme seulement une démarche individuelle.

C’est le rôle de la Gauche de la faire exister, de lui donner corps dans un projet idéologique et culturel de grande envergure, propre à soulever les masses.

L’actualité est intense en termes d’événements liés au dérèglement du climat. Les records de chaleurs se succèdent de monstrueux incendies et autres catastrophes font rage à travers le monde. La question n’est plus de savoir si l’on va bouleverser les équilibres naturels de la planète ; c’est déjà fait, comme tout le monde le sait.

On se demande maintenant jusqu’où ira-t-on avant d’essayer, enfin, d’inverser la tendance.

Nicolas Hulot a un rôle néfaste en ce sens, puisqu’il est là pour prétendre que des choses sont faites, afin que surtout rien ne change, que le capitalisme ne soit pas remis en cause.

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Politique

Emmanuel Macron et le capitalisme modernisé

Sous cette forme et à ce moment de notre histoire, Emmanuel Macron ne représente rien de positif pour notre pays et pour les masses. Toute sa démarche vise concrètement à briser l’esprit collectif, démocratique, et les avancées sociales au profit de l’individualisme bourgeois et du capitalisme entrepreneurial.

Sur le plan culturel, sa politique est celle d’un cosmopolite qui nie la culture française, au nom d’un différentialisme universel, relativiste, où tout se vaut, encourageant la « diversité », c’est à dire l’atomisation. Sur ce point, il vide littéralement le contenu de la gauche post-moderne dont il n’hésite pas à s’approprier le jargon « post-colonial » ou même franchement raciste, comme l’illustre sa sortie à l’occasion du « Plan Banlieue ».

Or, la gauche, celle qui connaît sa tradition, celle qui réfléchit et n’a pas cédé au post-modernisme décadent, défend précisément tout l’inverse. La défense de la culture française collective, en vue de sa fusion universelle, est une base essentielle de la démocratie, il y a lieu de défendre et promouvoir la culture, au singulier, dans l’héritage et le métissage, contre les cultures au pluriel, dans la consommation et l’individualisme.

Mais plus profondément encore, Emmanuel Macron et son gouvernement entendent élargir la base capitaliste de l’économie et de la société de notre pays. Il est question ici d’un véritable assaut libéral généralisé, il s’agit concrètement de briser ce qui reste du consensus social construit après la Seconde Guerre Mondiale : mater les syndicats, atomiser les travailleurs à l’échelle de l’entreprise, voire de leur propre « carrière » individuelle, briser les secteurs jusque là protégés du capitalisme d’État comme la SNCF, EDF et les entreprises publiques, l’Éducation Nationale, les Hôpitaux.

Il s’agit donc de faire reculer la fonction sociale de l’État et de développer à sa place les entreprises privées. Emmanuel Macron présente cela comme une « libéralisation », un « progrès » à même de donner à chacun la possibilité de faire carrière en relançant un nouveau cycle de croissance.

Et il est évident de dire que cela parle à une partie des masses, travaillées malheureusement par l’esprit compétitif et individualiste de la bourgeoisie. Même par attentisme, elles comprennent cette perspective et espèrent, faussement, pouvoir compter sur la réussite de ce « pari ».

Cela constitue un frein conséquent aux mouvements sociaux qui se dressent légitimement contre la politique libérale du gouvernement pour en faire un puissant mouvement de masse, mais ceux-ci, captifs des insuffisances idéologiques et des outrances stériles de la « gauche » populiste ou racialiste post-moderne, échouent face à la simple volonté du gouvernement. Cela parce que sa base populaire est plus large, même par attentisme ou résignation, mais les masses ne suivent pas cette gauche.

Pour rendre son projet plus crédible aux yeux des masses, Emmanuel Macron s’appuie sur les secteurs dynamiques du capitalisme français, ceux qui incarnent le mieux sa réussite : la « French Tech », les ETI (ou Entreprises de Taille Intermédiaire) et les banques de type « capital-investissement » comme Rothschild & Cie où travailla justement Emmanuel Macron.

Contrairement aux fantasmes démagogiques et antisémites des populistes, cette banque et le secteur bancaire auquel elle appartient ne sont pas d’immenses entreprises monopolistiques investissant massivement dans la spéculation, comme le sont la Société Générale ou le Crédit Lyonnais par exemple.

Emmanuel Macron s’appuie au contraire sur le capitalisme encore peu concentré, qui laisse croire à la possibilité de chacun de se lancer, de tenter sa chance, devenir entrepreneur, « monter sa boîte », ou du moins de faire une belle « carrière ».

Enfin sur ce plan, Emmanuel Macron propose aussi une « aventure » à travers l’Union Européenne : lancer les entreprises françaises à la conquête du continent et même du monde. D’où son activité militariste et sa promotion par ailleurs de la défense européenne. Emmanuel Macron est ouvertement un partisan de l’aventure capitaliste impérialiste. Il y a donc un réel élan libéral et face à celui-ci, il faut impérativement être à la hauteur, sortir des caricatures « merguez-fanfares » de la gauche populiste et élever le niveau, les exigences.

Enfin et pour finir, sur le plan plus politique, s’appuyant sur la figure qu’il représente et sur son projet économique et social, il faut encore ajouter qu’Emmanuel Macron développe l’idée d’un gouvernement d’expert, réduit, efficace, pragmatique.

En cela, il développe toute une culture de la pratique autoritaire du pouvoir, déjà profondément encouragée par les institutions et surtout contribue très dangereusement à dépolitiser notre société, d’autant que chaque « citoyen » est invité à participer à l’aventure libérale qui s’ouvre non par la pratique démocratique, en se politisant, mais tout au contraire individuellement, en se concentrant sur sa carrière, qui commence au bas mot dès le lycée, sur sa volonté d’entreprendre et sur la consommation, y compris « culturelle ».

Cela est d’autant plus inquiétant qu’Emmanuel Macron et son gouvernement développent eux-mêmes tout un discours populiste articulé entre la lutte des « progressistes » qu’ils seraient, contre leurs adversaires « conservateurs ». On voit bien là que le danger est justement de valider le populisme de tendance nationaliste qui lui répond sur le mode « le peuple » contre « l’oligarchie », que ce soit à la sauce FN ou même FI, entraînant dangereusement notre pays dans la pente de l’effondrement vers le fascisme.

Emmanuel Macron ne représente donc pas simplement qu’un libéral voulant privatiser les secteurs protégé du service public qu’il s’agirait de défendre. Il représente une figure de la bourgeoisie nationale française particulièrement développée, différentialiste et relativiste sur le plan culturel, partisan d’un capitalisme généralisé et impérialiste (bien qu’encore avec comme base le capitalisme industriel le moins concentré appuyé sur un secteur bancaire relativement encore diversifié), et autoritaire et anti-démocratique sur le plan politique.

A tous les niveaux, Emmanuel Macron représente un réel danger, pour le dire clairement, une étape dans l’organisation d’un courant fasciste dans notre pays.

Non qu’il le soit en lui-même bien entendu, mais parce que si on analyse les bases qu’il construit, elles ne sont en rien démocratiques, mais elles préparent précisément ce dont à besoin un État autoritaire, voire même plus tard fasciste, ouvrant en tout cas la voie à la dictature directe des monopoles et des secteurs les plus réactionnaires de la bourgeoisie en affaiblissant la société et l’esprit collectif.

La tâche de la Gauche face à Emmanuel Macron et à son « monde », c’est-à-dire la bourgeoisie libérale, est donc absolument d’être au niveau, de politiser les mouvements sociaux qui se développent pour élever le niveau de conscience, générer des organismes de lutte collective, rassemblant le plus grand nombre pour l’organiser, démocratiquement, dépassant les revendications velléitaires et creuse ainsi que l’horizon borné des principales organisations syndicales qui se contentent beaucoup trop souvent de négocier à leur avantage la « cogestion » des secteurs privilégiés dans une démarche corporatiste.

Il s’agit de rompre avec les illusions libérales décadentes d’Emmanuel Macron tout en refusant parallèlement son « double » sous la forme du populisme, quelque puisse être sa forme, car celui-ci c’est la défaite, c’est la porte vers le nationalisme. Ces deux courants, libéralisme ou populisme, l’un comme l’autre nous entraînant, par des voies différentes mais parallèle, au fascisme et à la guerre.