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Société

L’assistance vidéo, cette horreur du football moderne

Les arbitres assistants vidéo ou VAR, acronyme anglais pour Video assistant referees, sont en place dans plusieurs championnats de football, et depuis la semaine dernière pour les phases finales de la Ligue des Champions. Loin d’apporter quelque-chose sur le plan sportif, ce dispositif répond surtout à la logique du football moderne, conformément aux sollicitations des clubs les plus riches.

L’Atlético de Madrid avait ouvert le score à la 70e minute lors de sa confrontation face à la Juventus en Ligue des Champions hier soir. Bien servi par Filipe Luis, Álvaro Morata venait récompenser d’une tête franche et bien placée les efforts des « Colchoneros » qui dominaient les débats. La clameur de l’Estadio Metropolitano, qui s’était transformé en une immense exaltation de joie, fut cependant douchée quelques minutes plus tard par l’arbitre. Après visionnage de la vidéo, celui-ci a estimé qu’il y avait une poussette fautive de la part du buteur contre le défenseur.

Cette décision n’a rien d’évidente, le ralenti ne permet pas rationnellement de juger l’intensité du geste de la main du défenseur ; le football étant un sport de contact, il y a sans-cesse ce type de mouvements entre les joueurs et rien ne permet avec les images d’affirmer que le défenseur ne s’est pas volontairement jeté, ou a été déséquilibré par sa propre faute.

C’est ici un cas d’école montrant l’inanité du dispositif VAR. La technologie est censée aider, mais on est en fait pas plus avancé, et il y a toujours des interprétations différentes, aucun consensus, et finalement un sentiment d’injustice qui n’en est que plus grand par rapport à une erreur d’arbitrage pendant le jeu. Un autre cas s’était d’ailleurs produit en première mi-temps où, après visionnage de la vidéo, l’arbitre s’était dédit après avoir accordé un penalty aux Madrilènes. Cette décision a semblé juste, mais là encore il n’y a rien d’établi avec certitude. C’est une question de quelques centimètres pour savoir si la faute a été commise en dehors ou dans la surface. Sa décision initiale, pendant le cours du jeu, n’avait rien d’absurde et n’aurait pas représenté quelque-chose de scandaleux.

Ces faits n’auront finalement pas changé grand-chose hier soir puisque les locaux l’ont emporté 2 à 0. Tel n’est pas le cas par contre de l’annulation du premier but de l’Ajax Amsterdam, qui a perdu 1 à 2 contre le Real Madrid la semaine dernière en Ligue des Champions également.

Il s’est passé cette fois-ci quelque-chose d’improbable où l’on ne sait pas vraiment ce qui a entraîné l’annulation du but par l’arbitre. Cela a bien sûr fait l’objet d’une grande polémique aux Pays-Bas ainsi qu’en Catalogne (où le Real Madrid n’est pas apprécié), le sentiment d’injustice étant très grand.

L’UEFA a justifié le lendemain la décision de l’arbitre sur Twitter.

Il est expliqué que Dusan Tadic était en position de hors-jeu et qu’il gênait le gardien sur le but de Tagliafico. Cela est pour le moins étrange, car le joueur ne peut pas disparaître s’il est hors-jeu, et il n’a pas fait ici délibérément action de jeu, comme le sanctionne la Loi 11 du football.

Le gardien de but du Real ne s’était d’ailleurs absolument pas plaint de cette soi-disant obstruction sur le moment ; rien ne permet de toutes façons d’affirmer que Thibaut Courtois a réellement été empêché de sauver ce ballon à cause de son adversaire considéré hors-jeu sur la vidéo.

Cette justification de l’UEFA est donc très floue, et d’ailleurs pendant la diffusion du match, le réalisateur avait choisi un autre ralenti, avec un autre hors-jeu probable juste avant, mais pas du tout cette scène.

À l’issu de la rencontre, le gardien Thibaut Courtois a expliqué qu’« heureusement qu’il y avait le VAR » et que lui-même a pensé qu’il y avait hors-jeu. Sauf qu’on ne sait pas de quel hors-jeu il parle, et s’il parle de celui-ci, il est forcément de mauvaise fois car il ne peut aucunement le constater à ce moment là puisqu’il fixe logiquement le ballon. Les explications fournies par le corps arbitral à l’entraîneur de l’Ajax, Erik ten Hag, n’étaient pas claires non-plus, et contradictoires :

« L’un d’eux m’a dit que l’annulation du but était basée sur une position de hors-jeu qui n’était pas évidente à mes yeux, un autre parce qu’il y a eu une faute sur Courtois, que je n’ai pas revue sur les images de la télé. »

On se retrouve donc avec une technologie censée permettre d’éviter les erreurs d’arbitrage qui ajoute en fait encore plus de suspicion sur la partialité du corps arbitral et exacerbe le sentiment d’injustice.

Cette affaire est d’autant plus ennuyeuse que le dispositif n’aurait dû être en place que la saison prochaine pour la compétition européenne. L’UEFA a finalement décidé au mois de décembre que les arbitres assistants vidéo seraient présents dès les phases finales de cette année, changeant les modalités du jeu en cours de compétition. Il y a là quelque-chose d’inhabituel, de pas correcte, de pas conforme à l’esprit sportif. Qu’on soit pour ou contre, l’arbitrage vidéo change fondamentalement la façon dont sont joués et arbitrés les matchs, et cela n’est pas normal de l’instaurer au milieu du tournoi contrairement à ce qui était prévu.

Le président de l’UEFA Aleksander Ceferin s’était justifié en disant : « si nous pouvons le faire avant, pourquoi pas ? » Il s’est en fait empressé de répondre aux exigences des clubs de football les plus riches. L’institution était historiquement hostile au dispositif, mais elle a finalement cédé aux injonctions de personnalités comme Andrea Agnelli, président de la Juventus et du très influent syndicat de clubs ECA, ou de Karl-Heinz Rummenigge, président du directoire du Bayern Munich.

L’arbitrage vidéo est réclamé par les grands clubs qui veulent contrôler le plus possible l’incertitude du sport. De la même manière qu’ils plaident pour une ligue fermée, afin de ne pas avoir à se qualifier chaque année pour l’Europe, ceux-ci veulent surtout assurer leurs buisiness models.

L’argent qui leur permet d’acheter les plus grands joueurs et d’écraser la concurrence ne leur suffit pas, il y a encore trop d’incertitude, de risque de se voir « flouer » par un club moins fort et ils veulent pouvoir maîtriser le plus de paramètres possibles.

L’UEFA ne fait que se plier cette exigence, comme elle l’a fait cette année en acceptant d’inscrire pour les phases finales les joueurs transférés pendant l’hiver qui avaient joué la compétition avec un autre club, ce qui est un autre recul historique.

Le discours sur l’équité sportive ou le soulagement des arbitres pour justifier le dispositif VAR n’est que du flan. L’équipe nationale du Maroc l’avait d’ailleurs constaté à ses dépens pendant la Coupe du Monde 2018, il y avait clairement eu le sentiment que « le VAR, c’est pour les grandes équipes, c’est frustrant », comme l’avait dit Nabil Dirar.

Les joueurs et les entraîneurs sont de plus en plus nombreux à s’y opposer, à l’instar de l’entraîneur du club londonien Tottenham, Mauricio Pochettino, qui affirme que « personne n’est heureux de regarder ces matches en Europe avec la VAR, personne. »

La Ligue 1 française, qui a adopté le dispositif cette saison, regorge déjà de décisions contestées après utilisation de la vidéo ou, pire encore, de moments où la vidéo n’a pas été consulté dans une situation litigieuse sans que l’on sache pourquoi. Il faut se souvenir de cette 20e journée du championnat en décembre où pas moins de quatre matchs avaient connu une polémique relative à ce nouveau mode d’arbitrage.

L’assistance vidéo n’apporte manifestement rien au football, et cela casse l’ambiance dans les stades de manière très désagréable quand un but est finalement anulé. C’est une horreur de plus du football moderne.

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Politique

La « doctrine Mitterrand »

Au début des années 1980, des centaines de personnes ont quitté l’Italie pour se réfugier en France. Elles avaient participé à une sorte de grande vague où une partie de la Gauche avait pris les armes. François Mitterrand, devenu président de la République, appliqua ce qu’on qualifia de doctrine : il n’y aura pas d’extradition dans le cas de la volonté de refaire sa vie.

Ce qu’on appelle la « doctrine Mitterrand » fut mis en place en 1981, dès l’élection de François Mitterrand à la présidence de la république. C’est Louis Joinet, magistrat et conseiller pour la justice et les droits de l’homme du cabinet du premier ministre Pierre Mauroy, qui se chargea d’en formuler les principes. L’un de ses propos d’alors est que « le problème du terrorisme n’est pas tellement comment on y rentre, mais comment on en sort » ; il est à l’origine de l’expression ayant depuis fait florès : « la voie à la pacification ».

Le paradoxe est que cette doctrine n’aboutit à aucune formulation juridique, aucune contrainte légale ; tout était dans la parole donnée. C’était un accord tacite, consistant à dire la chose suivante : qui a fui l’Italie, car il a participé à la lutte armée d’une partie de la Gauche, peut rester en France malgré les condamnations dans son pays. Il ne sera pas extradé, mais à trois conditions : ne pas rester dans la clandestinité et donc choisir de vivre de manière ouverte, ne pas contribuer à la lutte armée en France, ne pas avoir d’accusations de crimes de sang en Italie.

Ce dernier point est ambigu, car pour de multiples raisons et toute une série de motivations, la France ne faisait pas confiance à la justice italienne, du moins quand la Gauche avait un grand poids. Cela changea de ce fait par la suite.

> Lire également : Les motivations de la « doctrine Mitterrand »

Ce qu’on appelle la « doctrine Mitterrand » est donc en fait une consigne à l’appareil d’État, depuis les juges jusqu’aux policiers. Elle concerne un millier de personnes, alors qu’en Italie 25 000 personnes s’étaient retrouvées en délicatesse avec la justice.

François Mitterrand avait déjà formulé les traits généraux de la « doctrine » avant même son élection. Il faudra toutefois attendre 1985 pour qu’il la définisse pour ainsi dire publiquement, à l’occasion de la visite de Bettino Craxi, le chef du gouvernement italien. À l’issue de la conférence de Presse commune du 22 février 1985, les propos de François Mitterrand qui sont relatés sont les suivants :

« Les principes d’actions sont simples à définir. Ils sont souvent moins simples à mettre en oeuvre. Il s’agit du terrorisme qui est par définition clandestin ; c’est une véritable guerre. Nos principes sont simples. Tout crime de sang sur lequel on nous demande justice — de quelque pays que ce soit et particulièrement l’Italie — justifie l’extradition dès lors que la justice française en décide. Tout crime de complicité évidente dans les affaires de sang doit aboutir aux mêmes conclusions. La France, autant que d’autres pays, encore plus que d’autres pays, mène une lutte sans compromis avec le terrorisme. Depuis que j’ai la charge des affaires publiques, il n’y a jamais eu de compromis et il n’y en aura pas.

Le cas particulier qui nous est posé et qui alimente les conversations, est celui d’un certain nombre d’Italiens venus, pour la plupart, depuis longtemps en France. Ils sont de l’ordre de 300 environ — plus d’une centaine était déjà là avant 1981 — qui ont d’une façon évidente rompu avec le terrorisme.

Même s’ils se sont rendus coupables auparavant, ce qui dans de nombreux cas est probable, ils ont été reçus en France, ils n’ont pas été extradés, ils se sont imbriqués dans la société française, ils y vivent et se sont très souvent mariés. Ils vivent en tous cas avec la famille qu’ils ont choisie, ils exercent des métiers, la plupart ont demandé la naturalisation. Ils posent un problème particulier sur lequel j’ai déjà dit qu’en dehors de l’évidence — qui n’a pas été apportée — d’une participation directe à des crimes de sang, ils ne seront pas extradés.

Cela je l’ai répété à M. le Président du Conseil tout à l’heure, non pas en réponse à ce qu’il me demandait mais en réponse à un certain nombre de démarches judiciaires qui ont été faites à l’égard de la France. Bien entendu, pour tout dossier sérieusement étayé qui démontrerait que des crimes de sang ont été commis ou qu’échappant à la surveillance, certains d’entre eux continueraient d’exercer des activités terroristes, ceux-là seront extradés ou selon l’ampleur du crime, expulsés. »

François Mitterrand rappellera plusieurs fois cette « doctrine », qui était considérée à Gauche comme quelque chose d’intouchable. Relatons ici ses propos au 65e congrès de la Ligue des Droits de l’Homme, le 21 avril 1985 :

« Prenons le cas des Italiens, sur quelque trois cents qui ont participé à l’action terroriste en Italie depuis de nombreuses années, avant 1981, plus d’une centaine sont venus en France, ont rompu avec la machine infernale dans laquelle ils s’étaient engagés, le proclament, ont abordé une deuxième phase de leur propre vie, se sont insérés dans la société française, souvent s’y sont mariés, ont fondé une famille, trouvé un métier… J’ai dit au gouvernement italien que ces trois cents Italiens… étaient à l’abri de toute sanction par voie d’extradition. »

Dans les faits, l’État français s’adressa directement aux réfugiés italiens, notamment par l’intermédiaire de leurs avocats, surtout le cabinet de Henri Leclerc et Jean-Pierre Mignard, ainsi que celui de Jean-Jacques de Felice et Irène Terrel. Les avocats faisaient passer les noms et il y avait un processus individuel de remise d’une carte de séjour. Celle-ci avait une durée très variable, voire n’arrivait pas du tout, sans pour autant qu’il y ait pour autant un risque d’extradition. Ce processus de « déclaration » fut définitivement réalisé en 1984.

Cela provoqua évidemment une scission parmi les réfugiés politiques italiens, certains soutenant l’initiative au point d’assumer ouvertement une « dissociation » en 1987, comme l’espérait justement Louis Joinet, d’autres revendiquant la reconnaissance politique des affrontements des années 1970 et exigeant une amnistie.

Les réfugiés italiens avaient en tout cas réussi à exercer une pression efficace. L’Italie fit de nombreuses demandes d’extradition de nature « politique » : 5 en 1981, 76 en 1982, 110 en 1984, 38 en 1985, 30 en 1986, 15 en 1987… mais aucune ne fut acceptée. L’État italien, fou de rage, accusa même en 1984 la France de diriger les Brigades Rouges depuis une cellule spéciale à l’Élysée ! De telles accusations délirantes font partie du folklore du droit italien et le rendent d’autant plus dangereux.

En mars 1998, le premier ministre Lionel Jospin confirma encore la « doctrine Mitterrand » aux avocats Jean-Jacques de Felice et Irène Terrel :

« Maîtres, vous avez appelé mon attention par une lettre du 5 février dernier sur la situation de ressortissants italiens installés en France à la suite d’actes de nature violente d’inspiration politique réprimés dans leur pays. Vous avez fait valoir que la décision avait été prise en 1985 par le Président François Mitterrand de ne pas extrader ces personnes qui avaient renoncé à leurs agissements antérieurs et avaient souvent refait leur vie en France. Je vous indique que mon Gouvernement n’a pas l’intention de modifier l’attitude qui a été celle de la France jusqu’à présent. C’est pourquoi il n’a fait et ne fera droit à aucune demande d’extradition d’un des ressortissants italiens qui sont venus chez nous dans les conditions que j’ai précédemment indiquées. »

Seulement, la Gauche perdait toujours plus ses valeurs au cours de ce processus et les coups se révélèrent toujours plus forts, la pression toujours plus grande. Cela se montra en 2002 avec l’extradition de Paolo Persichetti, arrêté à la fin du mois d’août et directement extradé… Alors qu’il avait une fonction d’enseignant à Paris 8, une université basée à Saint-Denis et un bastion de la Gauche !

Et pour souligner encore le scandale que représenta l’extradition de cet ancien membre de l’Union des Communistes Combattants, il faut savoir qu’Edouard Balladur, comme premier ministre, avait accepté de signer le décret d’extradition en 1994, alors qu’il avait été arrêté à la fin de l’année 1993, et que c’est François Mitterrand lui-même qui prit l’initiative de publiquement appeler à sa libération !

Enfin, Paolo Persichetti avait vu son extradition justifiée pour un « crime de sang » : un repenti avait affirmé qu’il avait été l’auteur des coups de feu contre un général. Or, le procès en Italie le lava rapidement de cette accusation, mais le condamna à une lourde peine simplement pour l’appartenance à une « bande armée ».

Son extradition en 2002 était ainsi une attaque directe contre la « doctrine Mitterrand » et les valeurs de la Gauche. Il s’ensuivit, en 2004, l’accord pour l’extradition de Cesare Battisti, gardien d’immeuble et écrivain, qui prit le parti de s’enfuir au Brésil, et en 2007 de Marina Petrella, assistante sociale, que le président de la République Nicolas Sarkozy bloqua finalement.

Surtout, le Conseil d’État remit officiellement en cause la « doctrine Mitterand » en 2005, en niant toute valeur juridique :

« Considérant que, si le requérant invoque les déclarations faites par le Président de la République, le 20 avril 1985, lors du congrès d’un mouvement de défense des droits de l’homme, au sujet du traitement par les autorités françaises des demandes d’extradition de ressortissants italiens ayant participé à des actions terroristes en Italie et installés depuis de nombreuses années en France, ces propos, qui doivent, au demeurant, être rapprochés de ceux tenus à plusieurs reprises par la même autorité sur le même sujet, qui réservaient le cas des personnes reconnues coupables dans leur pays, comme le requérant, de crimes de sang, sont, en eux-mêmes, dépourvus d’effet juridique ; qu’il en va également ainsi de la lettre du Premier ministre adressée, le 4 mars 1998, aux défenseurs de ces ressortissants. »

Cela n’est que du blabla sans intérêt, reflétant simplement le changement de rapport de force politique entre Gauche et Droite.

> Lire également : La Gauche française doit défendre la « doctrine Mitterrand » face à la Droite italienne

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Politique

De justes rassemblements contre l’antisémitisme le 19 février 2019

Plus de soixante-dix rassemblements ont eu lieu hier contre l’antisémitisme. Même si ce ne fut pas une mobilisation populaire, par en bas, et encore moins portée par la jeunesse, ce fut un marqueur de plus dans une longue bataille. Cette dernière n’est par ailleurs pas tant politique que culturelle.

Les rassemblements d’hier soir contre l’antisémitisme se sont déroulés dans de nombreuses villes, avec des foules de plusieurs centaines ou quelques milliers de gens à Paris, Marseille, Strasbourg, Annecy, Nantes, Pau, Nice, Lille, Lyon, La Rochelle, Dijon, Cherbourg ou encore la Roche-sur-Yon.

Du côté du Rassemblement National, qui a été ostracisé pour les rassemblements, Marine Le Pen est allée avec Jordan Bardella à Bagneux (Hauts-de-Seine) devant une plaque en hommage à Ilan Halimi. Jean-Luc Mélenchon, qui n’est pas du tout antisémite mais a eu un positionnement très oscillant en raison de son populisme outrancier, a participé au rassemblement à Marseille.

S’il faut porter son regard sur les chiffres, cela n’a pas été un succès, cela reste dans la dimension très restreinte des rassemblements de 2012, à la suite des meurtres commis par Mohammed Merah. Cependant, cette fois, il y a une profonde insistance sur le refus général de l’antisémitisme de la part des institutions et du personnel politique. C’est un écho direct du mouvement « Je suis Charlie », qui le premier a mis la question de l’antisémitisme et de son refus sur la table.

Car l’antisémitisme est redevenu un fléau en France ; largement battu en brèche dans les années 1980-1990, il a réémergé de manière virulente par l’intermédiaire de la théologie islamique, du djihadisme et des différents discours nationaux-sociaux, dont Alain Soral est le principal représentant, aux côtés d’un « antisionisme » factice ne s’intéressant aux Palestiniens que comme vecteur d’un fantasme antisémite bien européen.

C’est donc une bonne nouvelle que d’avoir eu une série de rassemblements contre l’antisémitisme dans tout le pays, c’est un marqueur d’envergure nationale et les antisémites ont bien compris cela, d’où leur initiative criminelle et provocatrice de la profanation du cimetière juif de Quatzenheim, dans le Bas-Rhin.

Emmanuel Macron en a bien compris la portée symbolique et s’est rendu sur place ; il est par la suite allé au mémorial de la Shoah. Il est en phase avec le profond rejet de l’antisémitisme de la part des couches éduquées, qui se demandent bien comment cela peut encore exister et qui ne voient pas du tout comme éradiquer un tel irrationalisme. Même la bourgeoisie catholique-réactionnaire a balancé l’antisémitisme par-dessus bord, à l’instar de Georges Bernanos qui a eu ce mot à la fois odieux et révélateur disant qu’Hitler aurait déshonoré l’antisémitisme.

En ce sens, les rassemblements sont également une preuve d’échec de la part de la société française, qui pensait s’être débarrassé d’une infamie et qui la voit réapparaître, avec des traits virulents. Elle s’aperçoit que ses prétentions à disposer d’une éducation avancée à l’échelle du peuple tout entier est un échec complet en ce domaine. La fuite des enfants juifs du système scolaire public en témoigne, dans une proportion massive. On assiste concrètement à une ghettoïsation des Juifs de France et cela est d’autant plus terrible que les Juifs de France s’imaginent « choisir » ce repli communautaire, alors qu’il est littéralement forcé.

Cela correspond à ce grand changement historique : l’antisémitisme, hier d’origine catholique et aristocratique, est désormais populaire et « anticapitaliste romantique », au sens d’une révolte contre les élites. Cela signifie que le national-socialisme, un courant qui n’a jamais réussi à avoir un ancrage de masse en France, émerge finalement… en 2019.

La question de savoir si les gilets jaunes sont antisémites n’a ainsi pas de sens : c’est simplement qu’ils ont la même matrice « nationale-sociale ». Ils sont à la fois concurrents et convergents ; ils correspondent à la même « révolte contre le monde moderne » portée par une petite-bourgeoisie s’agitant en raison de la pression capitaliste toujours plus grande.

Il n’est clairement pas possible aujourd’hui de comprendre l’antisémitisme en France sans cette dimension national-socialiste, et c’est vraiment très inquiétant pour l’avenir !

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Réflexions

Les bons conseils de madame soleil

La superstition reste présente partout et les madames soleil savent être des confidentes, des conseillères, des miroirs des inquiétudes.

constellation de Persée

Il y a si on y regarde bien toujours une trace ici ou là de superstition dans ce qu’on fait, ou bien dans ce qu’on ne fait pas. Tel esprit lucide et clairvoyant sur l’importance de la rationalité s’évertuera pourtant à ne jamais prendre le même chemin en voiture : est-ce là un goût, ou bien une superstition ? Tel autre préférera tel numéro à un autre, telle lettre à une autre, telle place à table à une autre, telle boîte de conserve au supermarché à une autre. Intuition, inquiétude sans fondement ?

Est-ce d‘ailleurs pour cela que les compagnies aériennes low cost placent les gens au hasard et qu’il faut payer pour choisir sa place ? Après tout c’est sans intérêt. Mais celui qui craindra pour sa vie achètera une position près de la sortie de secours, celui qui est superstitieux saura au fond de lui pourquoi 5A est mieux que 19C. Cela peut ne pas être anecdotique, après tous les revues et journaux pullulent d’horoscopes.

Cette histoire d’horoscope est d’ailleurs logique et absurde, puisque les planètes sont censées fonctionner de la même manière que des événements nous concernant parce que né tel mois à tel endroit, et cela serait valable à travers les siècles, au-delà des cultures, des situations. Cela peut sembler logique dans l’antiquité quand on cherchait une rationalité à l’ordre du monde, mais aujourd’hui on sait qu’il faut la chercher ailleurs, au moyen de la science, dont l’astrologie n’est pas une composante.

Sans doute cherche-t-on à se rassurer. Au cours d’une discussion, un personnage sympathique a fait part à d’autres d’une anecdote à ce sujet. Il allait voir une amie de lycée perdue de vue depuis quelques temps, dans la foulée de l’éparpillement post-bac. Au gros chien affectueux présent dans le salon s’ajoutait la voix de la mère, astrologue, qui s’activait à répondre à des coups de fil dans une pièce plus loin dans l’appartement.

Paraît-il que ce fut un cours de psychologie. La personne appelle l’astrologue pour savoir si tel ou tel événement, comme une rencontre hypothétiquement sentimentale, allait bien tourner. De manière habile et efficace, l’astrologue parvenait à soutirer des informations à ce sujet, et en fonction des réponses, du ton de la voix, etc., parvenait à deviner si c’était un emballement ou une rencontre possiblement sérieuse. Les réponses ambiguës, ni vraiment oui ni vraiment non, se combinaient donc avec l’affirmation d’une vraie tendance, qui seraient proches finalement des conseils d’un ami avisé.

On se demande bien sûr comment quelqu’un peut être dupe d’une chose pareille. Sans doute que personne ne l’est vraiment. Il y a quelque chose de rassurant à savoir qu’on va être trompé d’une telle manière qu’on le sache à l’avance. On a l’impression de maîtriser la situation, parce qu’on sait ce qui va se passer : combien de femmes sinon auraient-elles largué leurs compagnons stupides les trompant ! Cependant, comme elles en font le tour, rien de plus ne peut se passer, et c’est déjà pas mal.

Il y a du masochisme là-dedans, très certainement, et les gens qui jouent au loto ne sont pas très nets finalement. Ceux qui jouent aux jeux de grattage le sont encore moins, puisque les chances sont d’une faiblesse extrême et que le fétichisme du grattage opère comme une sorte d’acte magique sans cesse renouvelé. Pour l’anecdote, voici la combine des buralistes avides de gain au mépris des lois et tout à fait cyniques : vous prenez la grosse pile des tickets à gratter dont vous savez qu’elle contient au moins un ticket gagnant d’une grosse somme, et vous les grattez un par un jusqu’à celle-ci. Vous faites semblant que les tickets grattés aient été vendus, puis vous vendez les autres de la pile, qui eux par contre ne contiendront plus le ticket gagnant, mais ça tant pis.

Vu ainsi, les conseils humains de madame soleil sont bien plus cordiaux. On paye, on se fait tromper relativement, on le sait, tout reste chaleureux, et puis il y a l’espoir, on ne sait jamais, que quelque chose arrive quand même… et cela vaut tout l’or du monde.

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Politique

Dégradations visant la tombe de Karl Marx à Londres

La tombe de Karl Marx a connu deux séries de violentes dégradations, dans une optique violemment opposée à l’idée de socialisme. Si cela n’étonne pas en soi, cela rappelle que le rejet de la Gauche s’assume toujours plus ouvertement dans tous les pays, sous une forme très radicale appelant ni plus ni moins à sa liquidation.

La tombe de Karl Marx, avec une sorte de petit monument financé par le Parti Communiste de Grande-Bretagne et inauguré en 1956, se situe à Londres, où il a longtemps habité, ayant dû fuir l’Allemagne. Elle est dans un cimetière du nord de la ville, le Highgate cemetery ; le corps de Karl Marx y repose avec celui de sa femme Jenny, ainsi que trois autres membres de sa famille.

En 1975, une association a pris en charge le maintien de ce cimetière de 15 hectares et de 53 000 tombes, dont l’entrée à la section Est, avec la tombe de Karl Marx, est désormais payante pour financer les frais d’entretien, alors que la section ouest est fermée au public à part pour quelques visites guidées, formant une sorte de petit paradis pour la Nature qui y a repris ses droits.

La tombe de Karl Marx en est la plus marquante politiquement, bien entendu, et elle a connu plusieurs actes de dégradations, et même deux tentative d’attaques à l’explosif, en 1965 et en 1970. Deux récentes dégradations, une dans la première semaine de février 2019, une à la mi-février, ont marqué les esprits. La première a consisté en une attaque au marteau, la seconde en des slogans écrits à la peinture rouge : « doctrine de haine », « architecte de génocide, de terreur et d’oppression », « meurtre de masse », « idéologie de la famine », « mémorial à l’holocauste bolchevik 1917-1953 », « 66 000 000 de morts ».

Pour trouver une dénonciation aussi brutale dans son style, il faut se tourner vers l’Ukraine, où tout ce qui relève du socialisme de près ou de loin est criminalisé de manière virulente, alors que l’État polonais aimerait bien faire de même. Car on n’est pas ici dans un simple refus, ou bien une dénonciation, on est dans une dynamique violente visant la Gauche et cherchant à obtenir sa liquidation. L’anti-socialisme, l’anti-communisme, le rejet de tout ce qui relève de la Gauche historique est particulièrement virulent, et ce dans tous les pays.

Cela ne vient pas que de la Droite ; ainsi, si l’on regarde bien, ni le PS, ni le PCF, ni LFI, ni Génération-s ne se revendiquent de Karl Marx, voire même ne s’en sont jamais revendiqués ; au mieux le considèrent-ils aujourd’hui comme dépassé, mais utile pour l’inspiration. Ainsi, la Gauche française a en général une orientation favorable à Karl Marx dans une approche très romantique. Karl Marx n’est pas lu, mais il symbolise la « critique du capitalisme » ; on ne le lit pas – de toutes façons c’est trop long, trop « dogmatique » et puis l’économie politique c’est bon pour les Allemands, pas les Français – mais on a tout de même certains de ses livres.

Il y a là une certaine schizophrénie française, qui ne date pas d’hier puisque déjà la SFIO d’avant 1914 n’était pas une réelle social-démocratie, mais un conglomérat de courants divers et variés, ayant déjà cette lecture amour-haine de Karl Marx. Rien n’a bien changé depuis ce temps-là. Le problème est évidemment que Karl Marx, qu’on le lise ou pas, représente quelque chose de très puissant historiquement, au-delà de ses idées mêmes, puisqu’il est celui qui a mis en place la première Internationale dans sa forme socialiste.

Les anarchistes ont publié une liste sans fin d’ouvrages dénonçant ce « coup de force » de Karl Marx, exprimant une nostalgie pour l’époque où l’anarchisme aurait pu, aurait dû prendre les commandes du mouvement ouvrier. Mais à part eux en France, personne ne s’intéresse à cette question, qui fait pourtant de Karl Marx, comme le montrent les dégradations, la première grande figure historique du socialisme, du mouvement ouvrier social-démocrate.

Cela signifie que la Gauche française ne pourra pas faire l’économie d’un choix à ce sujet ; il faudra bien qu’elle assume Karl Marx ou non, mais elle ne pourra pas éternellement contourner cette question. Rien que la question « les ouvriers sont-ils exploités dans le capitalisme ? » exige une réponse, qui ne peut être que positive ou négative, sans nuances. Soit la théorie de la « plus-value » de Karl Marx est juste, soit elle est fausse.

Et cette question ne sera pas, vue la situation, posée par la Gauche ; elle sera posée par la Droite, qui voudra aller toujours plus loin et exiger toujours plus de « renoncement » de la part de la Gauche. Un jour il sera demandé franchement l’anti-socialisme, l’anti-communisme. C’est absolument inévitable. Il ne faut d’ailleurs pas se voiler la face et beaucoup de gens dans le PS, le PCF, aimeraient bien se débarrasser des termes socialiste et communiste. Génération-s et la France Insoumise l’ont déjà fait et ce n’est pas pour rien.

La protection du patrimoine historique du mouvement ouvrier prendra ainsi inéluctablement dans un certain temps une tournure brutale, posant d’immenses problèmes à Gauche, mais, espérons-le, traçant également des perspectives plus claires.

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Culture

« J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans »

Que faire de cet assemblage de choses vécues que l’on continue de porter en soi ? Baudelaire dit qu’il ne le sait pas, mais il reconnaît qu’elles existent, et qu’elles le débordent.

Tombe de Charles Baudelaire à Paris

« J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans » : cet alexandrin de Baudelaire, tiré du poème intitulé Spleen, laisse entrevoir de manière limpide l’origine de l’art, le fait que ce soit lié au vécu, que l’artiste puise dans le reflet de son expérience personnelle quelque chose qu’il entrevoit comme d’une dimension profonde, atteignant l’universel.

Ce que dit ici Baudelaire, n’importe quel artiste pourrait le dire, le sachant par définition, car l’art n’est pas un choix, c’est le produit d’un débordement en soi, d’une sorte de suraccumulation de données dans la vie, qu’il faut synthétiser sous une forme culturelle, pour ne pas se faire littéralement noyer.

Baudelaire a l’impression de se faire dépasser par ce que ses sens et sa vie psychique ont connu ; son vécu résonne en lui de manière ininterrompue, plein de vie, avec une formidable richesse. D’où l’impression de ne pas avoir vécu une simple vie, mais de très nombreuses vies, d’avoir vécu des choses nombreuses et intenses en même temps, de manière ininterrompue. Cela a besoin de sortir, cela ne peut pas rester en soi, on ne peut pas conserver tout cela en soi, c’est trop écrasant.

Afin de présenter cela, Baudelaire compare son cerveau à une pyramide, un cimetière, un abri pour plein de choses vécues, mais mortes ; il est marquant que Baudelaire reconnaisse ne pas savoir quoi faire de son vécu accumulé. Il ne voit aucune sortie possible, il cherche uniquement à faire comprendre qu’il est débordé.

Cela l’amène à se comparer lui-même à un vieux boudoir, à un sphinx oublié de tous et ne parvenant à s‘exprimer que lorsque le soleil se couche, c’est-à-dire lorsque la nuit tombe, que tout devient calme, que les nerfs et le psychisme se relâchent, permettant l’émergence d’une crise propre au « spleen », ce vague à l’âme engageant la personne dans tout son être.

Baudelaire témoigne ici très concrètement d’une incompréhension à réaliser un saut dans son travail d’artiste ; tel Proust, il plonge dans une expérience immédiate, la prenant tel quel, sans parvenir à rassembler le tout, à produire quelque chose avec cette matière première. C’est le fétiche de l’intensité vécue, qui va devenir le leitmotiv de l’art dit moderne et de l’art dit contemporain.

Le véritable art n’en reste pas à une accumulation primitive et la célébration des arts primitifs relève d’un simplisme outrancier propre à une lecture métaphysique et post-moderne de l’art. Il n’est pas étonnant que le surréalisme, si friand des « expériences intérieures » et du culte du rêve, ait été si fasciné par ce qui serait une expression directe, simple, d’une expérience vécue par un être primitif, d’une société tribale.

Le véritable art exige de la complexité, de la mise en forme de différents niveaux d’expression artistique ; il répugne à une simplicité directe, élémentaire. Le véritable art demande que le matériau de l’artiste – ses propres nerfs, son psychisme, son vécu, ses sens, ses souvenirs, ses sensations – soient orchestrés pour se dépasser, pour se fondre dans une œuvre esthétique qui témoigne de ce qu’il y a d’universel dans ce qu’il y a de personnel.

Chaque personne est en effet directement lié à l’art véritable, car pouvant reconnaître ce qu’il y a, dans cette œuvre extérieure à soi, qui relève pourtant de soi-même, dans son vécu le plus intime. Il n’y a pas d’art sans reconnaissance de l’universalité de l’être humain.

Et comme tous les êtres humains connaissent une telle accumulation, cela amène inévitablement à la problématique comme quoi chaque personne devrait développer une forme artistique ! Sans cela, c’est l’implosion ou l’explosion, car on n’accumule pas autant de vécu sans avoir à le porter par les nerfs et par le psychisme.

Ce qu’on appelle folie n’est bien souvent qu’une incapacité à s’exprimer par la transformation, la transformation du monde par le travail, la transformation de son vécu par l’œuvre artistique. William Morris, cet immense artiste disciple de Karl Marx et relevant du mouvement Arts & crafts, a tout à fait raison d’affirmer que dans la société de l’avenir, dans le socialisme, chaque personne développera ses capacités artistiques.

Par respect pour le poète, concluons sur son écrit, un poème par ailleurs peu intéressant en soi, relevant du Parnasse, avec ce ton mièvre et lancinant focalisé sur la définition esthétisante d’objets pittoresques.

Spleen

J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans.

Un gros meuble à tiroirs encombré de bilans,
De vers, de billets doux, de procès, de romances,
Avec de lourds cheveux roulés dans des quittances,
Cache moins de secrets que mon triste cerveau.
C’est une pyramide, un immense caveau,
Qui contient plus de morts que la fosse commune.
— Je suis un cimetière abhorré de la lune,
Où comme des remords se traînent de longs vers
Qui s’acharnent toujours sur mes morts les plus chers.
Je suis un vieux boudoir plein de roses fanées,
Où gît tout un fouillis de modes surannées,
Où les pastels plaintifs et les pâles Boucher
Seuls, respirent l’odeur d’un flacon débouché.

Rien n’égale en longueur les boiteuses journées,
Quand sous les lourds flocons des neigeuses années
L’ennui, fruit de la morne incuriosité,
Prend les proportions de l’immortalité.
— Désormais tu n’es plus, ô matière vivante!
Qu’un granit entouré d’une vague épouvante,
Assoupi dans le fond d’un Sahara brumeux;
Un vieux sphinx ignoré du monde insoucieux,
Oublié sur la carte, et dont l’humeur farouche
Ne chante qu’aux rayons du soleil qui se couche.

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Politique

Liste des rassemblements en France contre l’antisémitisme du mardi 19 février 2018

Voici une liste de rassemblements contre l’antisémitisme partout en France ce mardi 19 février 2018. 

Merci de nous signaler tout rassemblement qui ne serait pas dans cette liste.

Lire également : L’appel des partis politiques à l’union contre l’antisémitisme (« Ça suffit ! »)

Sauf mention contraire, les rassemblements sont à 19h.

Agen, place Armand-Fallières

Amiens, place de la Mairie

Angers, 17h place du ralliement

Annecy, devant le monument aux combattants d’Annecy

Aurillac, 18h30 place des Droits de l’Homme

Bayonne, au pied du Château vieux

Besançon, sur l’esplanade des Droits de l’Homme

Béthune, sur la Grande Place

Bordeaux, place de la République

Brest, place de la Liberté

Caen, place Saint-Sauveur

Chartres, 18h devant le monument Jean Moulin – Esplanade de la Résistance

Clermont-Ferrand, place de Jaude

Dijon, place François Rude

Dunkerque,  18h stèle des Droits de l’Homme à la CUD

Foix, halle au grain

Grenoble, 18h30 place de Verdun

Lille, place de la République

La Rochelle, 18h à l’entrée du Vieux Port

Laval, 18h30 devant la mairie

Le Havre, 18h30 dans les jardins de l’Hôtel de Ville

Lorient, devant l’hôtel de ville

Lyon, place Bellecour

Marseille, sous l’Ombrière du Vieux Port

Mont-de-Marsan, devant le mémorial des enfants juifs déportés, au parc Jean-Rameau

Montluçon, place Piquand

Montpellier, 18h30 autour de la fontaine de la place des Martyrs de la Résistance

Moulin, place de l’Allier

Nantes, devant le Monument aux 50 Otages

Nice, 18h30 place Garibaldi

Nîmes, Maison Carrée

Niort, place de la Brèche

Orléans, place de la République

Paris, place de la République

Pau, devant la Préfecture

Poitiers, place Leclerc

Rennes, place de la République

Rouen, place de l’Hôtel de ville

Saint-Brieuc, place du Général de Gaulle

Saint-Malo, 17H30 esplanade de la Grande-Passerelle

Sarreguemines, devant le palais de justice

Strasbourg, place de la République

Tarnos, 18h30 devant la Mairie

Toulouse, devant le mémorial de la Shoah

Tours, place Anatole France

Valence, devant la Préfecture

Vannes, sur l’esplanade du port

Vichy, place Charles De Gaulle

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Politique

L’affaire Alain Finkielkraut

L’affaire Alain Finkielkraut a tourné à la polémique nationale, car personne n’est dupe : malgré tous les discours plus ou moins en faveur des gilets jaunes, il est évident que les invectives agressives contre Alain Finkielkraut relèvent d’une démarche fondamentalement d’extrême-droite. Tout le monde a très peur que la France tourne violemment très mal.

L’agressivité contre Alain Finkielkraut en marge d’un cortège des gilets jaunes n’est pas une anecdote. Qui n’a pas perdu entièrement le sens de ce qu’est la civilisation a très bien compris que c’était l’expression du Fascisme, de l’agressivité antisémite à prétention anticapitaliste. Ou, pour dire les choses plus clairement, que c’était un truc de nazi.

Benoît Hamon a parfaitement résumé le point de vue des gens de Gauche au sujet de toute cette affaire :

C’est là la voix de la raison, de la Gauche qui ne sombre pas dans le populisme et qui sait bien reconnaître la nature des choses, au-delà des apparences. Franchement, de toutes manières, en quoi Alain Finkielkraut est-il d’ailleurs une référence pour quelqu’un dont l’agenda intellectuel n’est pas décidé par les plateaux de télévisions ou Le Figaro ? Depuis quand un intellectuel, convergeant ouvertement avec la Droite, représente-t-il quelque chose de si central, de si important ?

Benoît Hamon a donc entièrement raison de dire qu’il combat les idées réactionnaires et radicales d’Alain Finkielkraut, et pas ce dernier sur le plan personnel, car ce n’est pas du tout cela qui compte. La personnalisation est ici un terrible piège populiste, ou médiatique. Et il a raison de dire clairement que tout cela relève de l’antisémitisme. Il est inévitable donc d’opposer à ce court passage sur Twitter, plein de vérités, celui de Jean-Luc Mélenchon, qu’on pourrait remplacer par un simple « bla bla bla bla ».

L’opinion de Jean-Luc Mélenchon est évidemment également celle de l’ultra-gauche, qui organise mardi un contre-remplacement à la manifestation lancée par la Gauche contre l’antisémitisme. Au nom de la lutte contre l’instrumentalisation de l’antisémitisme – qui existe mais est totalement secondaire – l’ultra-gauche vise la même chose que Jean-Luc Mélenchon : la relativisation de l’antisémitisme, sa mise sur le même plan que le racisme « en général ».

Sauf qu’il n’y a pas de racisme en général. Et que l’antisémitisme est un racisme extrêmement particulier de par sa tradition, son ampleur, son rôle moteur comme « anticapitalisme romantique ». Il n’est pas étonnant que l’ultra-gauche et les populistes, qui rejettent la Gauche et ses traditions, qui relèvent donc directement de l’anticapitalisme romantique, ne puissent donc pas dénoncer l’antisémitisme, ni même le voir.

C’est là inévitable de par une vision du monde simpliste, de type anarchiste, populiste, sans fondement historique, culturel, économique, et surtout en-dehors de toutes les traditions de la Gauche.

Au-delà de l’insulte « sale juif » lancé par un manifestant, les propos exprimés par d’autres témoignent de cette logique incohérente, de cet illogisme puissamment cohérent dans l’absence de raison, de connaissance culturelle, historique… Les propos suivants sont tellement idiots qu’ils portent en eux tout le danger de l’aberration se prétendant une proposition politique pour le pays.

« Barre-toi, sale sioniste de merde. Sale merde. Nique ta mère. Palestine. Homophobe de merde. T’es un raciste, casse-toi! Dégage fasciste. La France, elle est à nous. Sale enculé. Espèce de raciste. Espèce de haineux. T’es un haineux et tu vas mourir. Tu vas aller en enfer. Dieu, il va te punir. Le peuple va te punir. Nous sommes le peuple. Grosse merde. Tu te reconnaîtras. Espèce de sioniste. Grosse merde. Il est venu exprès pour nous provoquer. Taisez-vous! »

« Facho! Palestine! Rentre chez toi… Rentre chez toi en Israël. Rentre chez toi en Israël. Antisémite. La France est à nous. Rentre à Tel-Aviv. T’es un haineux. Tu vas mourir. Nous sommes le peuple français. Rentre chez toi. Ici c’est la rue! »

La prétention à affirmer la « justice » de la part de l’anticapitalisme romantique est traditionnelle dans le Fascisme et on en a ici tous les traits. On a tous les ingrédients de l’éclectisme combiné aux faiblesses intellectuelles, avec systématiquement la négation de la lutte des classes, de l’existence même de ces classes, avec toujours un « peuple » opposé à une sorte de minorité aux contours indéfinis, extensibles à l’infini, selon les paranoïas, les préjugés, la stupidité.

Il était un article sur agauche.org publié bien avant l’affaire, annonçant que l’antisémitisme allait puissamment se relancer. Les faits lui donnent raison.

Lire également : L’inévitable prochaine montée de l’antisémitisme

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Réflexions

Il faut oser la récusation du conformisme

Il y a des gens pétris de certitudes qui remettent en cause ce en quoi ils croyaient. Dans certains cas, même si on est ébranlés, il faut oser la récusation de leur attitude. Loin d’aller dans le sens d’une rationalisation, ils passent en effet dans le camp du conformisme.

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L’anti-conformisme n’est pas une valeur en soi, sinon les intellectuels les plus excentriques auraient forcément toujours raison. D’ailleurs, ils pensent avoir toujours raison, parce que leur comportement en rupture avec les conventions est censé être authentique, dans une société où la vérité étouffe.

Il y a une part de vérité, mais les choses sont plus compliquées que cela, car il ne suffit pas d’être spontané ou d’imaginer l’être pour être dans le vrai. C’est d’ailleurs au nom d’une attitude spontanée que le conformisme s’inscrit dans la société. L’abandon d’un principe, d’une valeur, d’un couple, d’un engagement… ne se présente jamais tel quel. Ce serait révéler sa vraie nature et ce n’est pas psychologiquement tenable.

L’abandon, la trahison, la capitulation… ce même et unique phénomène prend la forme d’une « prise de conscience », d’une rationalisation appliquée aux faits, d’une mise à niveau dans le sens du « réalisme ». La personne qui abandonne son chien a besoin de se mentir à elle-même, aussi prétend-elle qu’elle remet les compteurs à zéro et que cela est sans conséquence, justement parce qu’elle remet les compteurs à zéro.

La jeune femme qui abandonne une relation sérieuse mais liée à une culture en décalage par rapport à sa vie d’entreprise, le jeune homme qui rejette tous ses anciens comportements pour rentrer dans le moule de sa position dans une entreprise ou administration… sont des figures typiques d’opportunisme se prétendant être quelque chose de supérieur. « Il faut savoir être raisonnable. »

Selon les sociétés, la pression est plus ou moins grande en ce sens. Dans des pays comme la Suède, le Danemark, l’Allemagne, l’Autriche… Vous êtes déjà considéré vieux si vous avez dépassé 25 ans et que vous êtes toujours dans les différents réseaux engagés de la Gauche. Une petite minorité assume des attitudes et des valeurs opposées aux normes dominantes, puis s’intègre finalement pour la plupart, seuls quelques uns restent dans le cadre de la contestation, pour plus ou moins des bonnes raisons.

Cela change avec la crise actuelle, mais tendanciellement cela a été vrai pendant quarante ans. En France, c’est tout à fait différent, puisqu’il y a toujours eu des anarchistes de 20, 30, 40, 50 ans ou plus, par exemple, tout comme des socialistes, des communistes, etc. Cela ne veut pas dire que la pression ne se fasse pas sentir et il y a bien entendu une vague de valeurs rétrogrades au-dessus de 30 ans, en particulier en liaison avec le syndicalisme.

C’est en effet un processus insidieux, où par défaut de volonté, par méconnaissance des valeurs, principes, de la théorie, on n’ose pas récuser, et on se fait malgré soi happer dans tout un milieu, dans tout une enchevêtrement de valeurs tout à fait conformistes dans leur substance.

Cependant, on imagine bien qu’oser la récusation du conformisme bourgeois implique une grande force psychologique, un courage par rapport à une certaine désocialisation. Le fascisme est ici très intelligent, car il propose une récusation qui n’en est pas une. Quand on est fasciste, on rompt, mais sans rompre. On ne se révolte pas contre la société, mais on est un révolté. C’est ce qui fait d’ailleurs que les gilets jaunes sont obligés de se rapprocher, voire d’être dans le Fascisme comme mouvement historique, car eux aussi veulent être révoltés, mais sans assumer la révolte autre que symbolique.

Tout le but de la Gauche doit être justement d’aider à l’affirmation d’une véritable révolte, d’une vraie récusation. Plus il y a de tels espaces, qui ne peuvent être liés qu’à la lutte de classes, sans quoi c’est une abstraction, plus la Gauche existera en tant que tel. On aura non plus simplement des gens de gauche, mais des gens à gauche.

C’est naturellement une vieille problématique. La Gauche a toujours connu ce problème : quand elle penche trop d’un côté, elle se déconnecte de la société, quand elle penche trop de l’autre côté, elle devient conformiste et s’intègre aux institutions. Cela été vrai pour le PCF, passé de la volonté de rupture à la soumission à la Ve République considérée auparavant comme un coup d’État, ou encore François Mitterrand qui expliquait qu’on ne pouvait pas être socialiste sans vouloir rompre avec le capitalisme, pour ensuite soutenir ce dernier pendant des années.

Au-delà de l’éventuel opportunisme d’un tel ou un tel, car cela existe bien entendu, il faut bien contribuer à empêcher que des gens sincères échouent, car ils s’enlisent, se pétrifient, basculent dans le conformisme.

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Politique

Acte XIV des gilets jaunes : la routine malsaine est installée

Les restes des gilets jaunes ont désormais atteint leur maturité. Alors qu’il y a une semaine avait lieu leur pathétique tentative d’un 6 février 1934, quatre-vingt cinq ans après, ils sont désormais installés dans la routine : celle du populisme haineux, de l’aigreur coriace et de la rancœur néfaste.

Le grand symbole du quatorzième samedi des gilets jaunes, c’est bien entendu la série d’invectives plébéiennes contre le philosophe Alain Finkielkraut, avec des propos évocateurs des arrières-pensées : « sale sioniste », « la France elle est à nous », etc.

Il faut voir les images, où on a des gens qui se forcent à jouer la haine, qui en-dehors de tout raisonnement se précipitent dans la mise en scène de l’aigreur, de la rancœur. Voilà le visage du fascisme, voilà ce qui est le contraire du socialisme. L’agressivité barbare contre un vieil homme, contre un penseur… ne peut être porté que par la lie de l’humanité.

On a maintenant un même et unique schéma, improductif, totalement limité sur le plan politique. Des déambulations plus ou moins inorganisées en début d’après midi dégénèrent et se transforment en relative pagaille en fin d’après-midi, avec des gens très hostiles.

Les chiffres du ministère donnent toujours moins de participants, avec cette fois-ci un peu plus de 40 000 personnes dans toute la France, autour de 5 000 à Paris et à Bordeaux, à peu prêt autant à Lyon et Toulouse, 1 600 à Nantes, 110 seulement à Strasbourg, etc.

Quiconque observe ces scènes avec un petit peu d’attention voit bien que la police est cependant très sereine, qu’elle ne fait pas spécialement grand-chose pour empêcher ces gens. Tout au plus sont-ils contenus dans tel ou tel quartier, à l’aide de fumigènes, de tirs de balles en caoutchouc et de grenades de désencerclement.

Contrairement à ce que prétendent les gilets jaunes de manière hystérique, la police ne fait presque pas usage de la force. Au contraire, elle contient très bien ces foules informes, de manière minutieuse, sans quasiment aucun contact, puisque c’est la doctrine du maintien de l’ordre en France que d’éviter l’affrontement. Dans d’autres pays, ou il y a quelques dizaines d’années en France, on aurait dans de telles situations des images permanentes de gens en sang, de policiers usant énergiquement de leur matraque, avec certainement plusieurs morts déjà.

Tel n’est pas du tout le cas ici. Et s’il y a un peu de casse, des tags, quelques vitrines brisées, et des simulacres d’affrontement avec la police, avec une volonté de violence certaine de la part des manifestants les plus offensifs, cela ne représente en fait pas grand-chose. Ce spectacle de « révolution » suffit néanmoins, pour l’instant, à combler l’esprit vide et bien triste de gens s’imaginant perturber le système, alors qu’ils ne perturbent rien d’autre que le quotidien des gens présent dans ces centre-villes. Et encore, parce qu’en fait les Français vaquent à leurs occupations, occupent les terrasses des cafés en plein soleil, font les magasins, se baladent dans les parcs, mais s’écartent quand le ou les quelques milliers de gilets jaunes locaux arrivent dans le secteur.

On a là une routine terrible qui s’est installée en France, nauséabonde, extrêmement malsaine. Il ne faudrait pas croire que le problème concernerait seulement les gilets jaunes, qui pourrait facilement être contenus, ou même réorientés dans certains cas, si la société le voulait. Ce qui est le plus inquiétant, c’est cette passivité, cette lassitude du reste de la population mais qui ne s’exprime pas : elle se contente de ne pas apprécier, tout en acceptant la routine des samedis après-midi.

Il est évident que le pouvoir en place s’en satisfait, qu’Emmanuel Macron entend bien profiter pleinement de l’espace politique que cela lui offre. Sauf que cela est un jeu très dangereux.

On a en France avec les gilets jaunes quelques dizaines de milliers de gens au style fasciste, presque toujours très politisés, penchant tantôt à l’extrême-droite, tantôt à l‘ultra-gauche, qui s’acharnent encore et toujours dans le nihilisme, les raccourcis idéologiques, la faiblesse politique et la plus grande fainéantise sur le plan culturel.

Ces gens s’enfoncent dans une attitude et des pratiques qui ne mènent à rien, ce qui ne peut que contribuer à les maintenir toujours plus dans l’irrationnel, dans l’hystérie et le chaos.

La Gauche a ici une grande responsabilité. Dans leur grande majorité, les dirigeants de la Gauche française sont tellement coupés des classes populaires françaises qu‘ils n’osent pas critiquer les gilets jaunes, de peur de critiquer le cœur prolétarien de la France. C’est là une terrible erreur, une grossière erreur, qui aura malheureusement des conséquences désastreuses avec ces répétitions de samedis malsains.

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Société

La question du retour en France des soldats français de Daech

Le retour en France de plus d’une centaine de membres de l’État islamique est considéré par l’État comme un devoir juridique. Cela pose une multitude de problèmes : moraux, juridiques, politiques, avec à l’arrière-plan le fait que la France n’a jamais assumé que l’islamisme était politique. Les conséquences sont incalculables.

Les islamistes faisant des attentats en visant des personnes au hasard sont des criminels, c’est une simple évidence. Mais leur criminalité ne relève pas de la tuerie spontanée ; elle est au contraire le fruit de longues réflexions, d’innombrables analyses, au service d’un projet politique sur une base religieuse.

L’État français a bien entendu toujours su cela. Il a considéré toutefois qu’en raison de l’importance de l’immigration depuis des pays musulmans, il fallait étouffer cette dimension. Ainsi, les islamistes des années 1990 ont été frappés par une justice les considérant comme des mafieux, quand ils n’ont pas été tués de manière extra-légale. Qu’on dise que Khaled Kelkal mérite la peine de mort est une thèse qui peut se tenir, mais en attendant il n’a pas été arrêté : il a été exécuté par les forces de l’ordre.

De la même manière, les tueurs de Charlie Hebdo, pour qui il ne s’agit pas d’éprouver une quelconque sympathie, auraient pu être arrêtés. Repliés dans une imprimerie entourée de forces armées, ne comptant pas se suicider… Il aurait été facile de les épuiser, d’utiliser des gaz, etc. L’État français n’a eu cependant aucunement l’intention de se coltiner un procès ultra-médiatisé avec des activistes d’Al Qaeda.

Après les attentats sur le territoire français de l’État islamique, l’État français a envoyé des soldats spéciaux en Irak et en Syrie afin justement d’en liquider les participants. La révélation de cela par François Hollande alors président de la république avait fait scandale alors. Avec l’effondrement de l’État islamique, cela ne suffit cependant plus. L’État français risque de se retrouver avec plus d’une centaine de combattants.

La logique voudrait qu’ils soient jugés pour leurs crimes en Irak et en Syrie. D’ailleurs le peuple français ne veut plus d’eux : ils ont choisi le meurtre et l’horreur avec un sentiment de toute puissance dans un autre pays, ils doivent en payer le prix. Et puis comment les juger en France pour des actes commis si loin, comment établir les faits ? Le peuple français considère de toute façon qu’il n’y a pas à chercher et qu’ils ont choisi un camp si criminel que la justice doit être brève, expéditive.

Seulement, évidemment, l’État français est pris à son propre rôle et veut récupérer « ses » citoyens, comme si les combattants de l’État islamique étaient des touristes perdus lors de leurs vacances. L’État français applique ici, de manière mécanique, sa conception « républicaine ». C’est absolument intenable et c’est la porte ouverte à une instabilité générale pour le Droit en France.

Une réponse de Gauche à cette instabilité ne pourra pas être de l’angélisme, de la naïveté ou une lecture infantile de l’islamisme. Ce serait une trahison du principe de Justice. La lettre ouverte au président de la République, écrite par Albert Chennouf-Meyer, père d’Abel, assassiné par Mohammed Merah, est à ce titre plein de dignité. « Mon avenir est derrière moi, je mettrai tout en œuvre pour éliminer les assassins de mon fils (…). L’État, l’armée, la république a oublié ses enfants, moi, je n’oublie pas mon fils ! »

Il n’est personne dans le peuple pour ne pas savoir que ce sont là des paroles correspondant à une exigence fondamentale de vérité et de justice.

Lire également : Lettre ouverte à Monsieur le président de la république, Emmanuel Macron, par Albert Camus-Meyer

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Société

Lettre ouverte à Monsieur le président de la république, Emmanuel Macron, par Albert Chennouf-Meyer

Cette lettre ouverte a été publiée sur Facebook par Albert Chennouf-Meyer, père d’Abel, assassiné par Mohammed Merah il y a 7 ans.

Lettre ouverte à Monsieur le président de la république, Emmanuel Macron.

Monsieur le président, vous allez dans les semaines à venir décider, à moins que c’est déjà fait, faire revenir 130 djihadistes français dont une partie, ont les mains rouges du sang de nos enfants.

Je tiens à m’élever de toutes mes forces contre cette criminelle décision.

Vous n’êtes pas sans savoir que parmi les #islamistes de retour, qu’il y a des individus qui ont contribué à aider le terroriste musulman #MohamedMerah, l’assassin de sept innocentes personnes dont 3 enfants de moins de 8 ans ainsi que mon fils, Abel, alors âgé de 25 ans.

Je pense plus particulièrement au retour de Quentin le Brun, originaire du #Tarn.

Je vous demande solennellement de surseoir à cette décision, voire de refuser leur retour et les confier à la Syrie, pays souverain et apte à les juger.

Monsieur le président, Le 15 mars, je commémorerais le 7ème anniversaire de la disparition tragique de mon fils et je « fêterais » mon 67ème anniversaire par la même occasion.

Je jure sur l’honneur, sur la mémoire d’#Abel, mon enfant arraché très tôt à la vie à cause des préceptes arriérés d’une secte, que je ne resterai pas inactif.

Mon avenir est derrière moi, je mettrai tout en œuvre pour éliminer les assassins de mon fils. Je n’ai plus rien à perdre, l’islam m’a enlevé un fils, je ne peux pas laisser vivre paisiblement les complices de l’assassinat de mon fils de retour 7 ans après leur forfaiture. S’il faut le tuer, je le ferais !

L’État, l’armée, la république a oublié ses enfants, moi, je n’oublie pas mon fils !

Je suis sain de corps et d’esprit et je jure sur la Sainte Bible, que j’exécuterais le contrat que j’ai susurré à l’oreille de mon fils avant qu’on ferme son cercueil !

Tous les matins, ma famille affronte la question de mon petits-fils, #Éden, né après la mort de son père, qui nous demande « où est-ce qu’il est son papa ?» !

Monsieur le président, votre devoir premier selon la constitution, est de protéger le peuple. Je ne vous demande rien d’autres que d’empêcher ce barbare de revenir dans le pays qui l’a vu naître et dont il a contribué à tuer plus de 250 concitoyens.

Respectueusement Monsieur le Président !

P.S : Mes avocats, Maîtres Béatrice Dubreuil et Frédéric Picard seront informés de cette initiative, qui est personnelle et individuelle !

J’ai déposé un exemplaire de cette lettre sur le site de la Présidence.

Aldebert Camus-Meyer

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Politique

L’appel des partis politiques à l’union contre l’antisémitisme (« Ça suffit ! »)

Ce mardi 19 février 2019 aura lieu à Paris une initiative commune des partis politiques français pour marquer le coup contre l’antisémitisme. Si la Droite est également concernée (mais pas le Rassemblement National et Debout La France), c’est la Gauche qui est à l’origine de la démarche. En voici l’appel, lancé par le Parti Socialiste, qui ne peut cependant pas être publié sans que soit noté une série de points au sujet de cette question brûlante.

En effet, il y a déjà lieu de constater que la reprise d’une vague d’antisémitisme fait suite à un puissant recul provoqué par le mouvement « Je suis Charlie ». Or, la Gauche a totalement balancé par-dessus bord ce qui a été pourtant la plus grande mobilisation de masse depuis 1945 ! On peut tout à fait être critique de « Je suis Charlie », mais en reconnaître la dimension surtout positive est essentiel. La Gauche a ici failli en passant ce mouvement par pertes et profit, comme s’il n’avait jamais existé.

Le second point, tout aussi important, est que les juifs et juives de notre pays ne supportent plus la Gauche, se sentant profondément trahi alors qu’ils ont toujours été proche d’elle dans leur grande majorité. L’utilisation ultra-démagogique de la question palestinienne par une partie de la Gauche (surtout le PCF, le NPA, l’ultra-gauche), avec une rhétorique antisioniste directement parallèle à un antisémitisme larvé, a provoqué une cassure très profonde. Il faudra des années de travail pour changer cela et les actes symboliques ne suffiront plus.

Le troisième point, et non des moindres, est enfin qu’il ne suffit pas de se dire opposé à l’antisémitisme pour ne pas être soi-même antisémite. Disons les choses telles qu’elles sont : le niveau d’autocritique de la Gauche au sujet de l’antisémitisme est totalement nul. Il n’y aucune étude historique, culturelle de l’antisémitisme, il n’y a aucune réflexion de fond sur la dimension anticapitaliste romantique de l’antisémitisme, il n’y a aucune recherche sur les erreurs et fautes ayant pu être commises.

Lorsque François Hollande, avant d’être élu président de la république, a lancé son « mon ennemi c’est la finance », cela peut plaire à une Gauche voulant taxer les riches, mais c’est intellectuellement un raccourci terrible, correspondant à l’opposition antisémite d’un capitalisme « productif » à un capitalisme « parasitaire ». Cela ne veut pas dire bien entendu que François Hollande soit antisémite, la question ne se pose même pas. C’est toutefois un bon exemple de profonde erreur d’approche, d’une utilisation des mauvais codes, d’un incompréhension des profonds enjeux culturels à l’arrière-plan à l’échelle de la société.

 

« Ça suffit ! » : l’appel à l’union contre l’antisémitisme

14 février 2019

Les actes antisémites se sont dramatiquement multipliés au cours de l’année 2018. Ça suffit !

L’antisémitisme n’est pas une opinion, mais un délit. Il est redevenu une incitation au meurtre. Ilan Halimi, les enfants de l’école Ozar Hatorah, les victimes de l’Hyper Cacher, Sarah Halimi, Mireille Knoll, tous ont été assassinés, parfois torturés, parce que Juifs. Ça suffit !

Nous sommes tous concernés. L’antisémitisme n’est pas l’affaire des Juifs. Il est l’affaire de la Nation toute entière.

Nous portons dans le débat public des orientations différentes, mais nous avons en commun la République. Et jamais nous n’accepterons la banalisation de la haine. C’est pourquoi nous appelons l’ensemble des Français à se réunir dans toutes les villes de France pour dire ensemble : NON, l’antisémitisme, ce n’est pas la France ! »

Un grand rassemblement est organisé à Paris,
place de la République
Mardi 19 février 2019 à 19 heures

Parti Communiste Français • Gauche Républicaine et Socialiste • La République en Marche • Europe Écologie Les Verts • La France insoumise • Les Républicains • Parti Radical de Gauche • Mouvement des Citoyens • Mouvement Démocrate • Union des Démocrates et des Écologistes • Les Centristes • Parti socialiste • Union des Démocrates et Indépendants • CAP 21 • Mouvement Radical • Agir • Les Radicaux de Gauche • Génération.s • Alliance Centriste • République & Socialisme • Mouvement des Progressistes • Place publique • GayLib • MJLF • ULIF • LICRA • SOS Racisme

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Réflexions

La France, un pays de petits propriétaires

Si les gilets jaunes n’ont pas abordé la question de la petite propriété, c’est qu’ils correspondent à la situation française, avec la majorité du pays qui est formée par une très large couche de petits propriétaires. Et cette couche qui rêve d’accumulation est bloquée non pas tant par les 1 % les plus riches, mais par les 10 % des Français qui possèdent la moitié du patrimoine total. Les gilets jaunes expriment une petite-bourgeoisie asphyxiée par la bourgeoisie.

Maison de la cité Jolivet, quartier La Fuye-Velpeau, à Tours

Quand on voit le panorama de la propriété en France, du patrimoine, on comprend tout de suite pourquoi la division entre « riches » et « pauvres » est dans notre pays une caricature, qui ne vise qu’à masquer que les vraiment pauvres sont entièrement mis à l’écart, d’où leur absence de participation aux gilets jaunes.

La moitié des ménages selon la définition de l’INSEE, donc un peu plus de la moitié des français (un ménage comportant parfois plusieurs personnes), dispose en effet d’un patrimoine d’environ 160 000 euros, consistant à 80 % en la propriété d’un logement. En fait, ce sont environ 60 % des Français qui possèdent leur logement ou sont en train d’en payer les traites.

C’est un chiffre énorme, faisant de la France avant tout un pays de petits propriétaires. Bien entendu, cette petite propriété n’a pas une valeur énorme, et les intérêts de la grande majorité de ces petits propriétaires sont les mêmes que celles des pauvres. Le souci c’est que disposer d’une petite propriété amène une mentalité de petit propriétaire.

Le petit propriétaire est conservateur, opposé au socialisme, avec une mentalité de petit entrepreneur, va dans le sens du respect des traditions, etc. Il entend protéger son bien et pour cela il a besoin que la société soit stable, les conflits gelés. Les gilets jaunes ne lui ont justement pas fait peur, parce que jamais ils n’ont aborde de thèmes allant dans le sens d’une remise en cause de la propriété.

C’est précisément pour cela que les gilets jaunes sont un mouvement réactionnaire, appuyant l’idéologie conservatrice de la France profonde, où l’État n’est conçu que comme tampon avec les « riches ». L’État n’est vu que comme pompe à fric redistributrice. Les gilets jaunes parlent de crise sociale, mais de par leur mode de vie, c’est finalement une crise du patrimoine qu’ils expriment.

Car au-delà du fait que les riches deviennent plus riches, il y a le fait que la vie coûte plus cher. Les riches imposent un rythme financier bien trop haut. On sait par exemple à quel point une ville comme Paris est devenu un bastion bourgeois ces 25 dernières années. Le slogan « Paris soulève toi » est en décalage complet avec la réalité : il suffit de regarder le prix au mètre carré et le nombre de propriétaires.

En fait, si l’on prend les 10 % des Français les plus riches, ceux-ci ont un patrimoine d’environ 600 000 euros. Avec cela, ils écrasent les autres, pas seulement parce qu’ils sont plus riches, mais parce que ce patrimoine représente à peu près la moitié du patrimoine en France. Ils peuvent truster les meilleures choses, leur compétition entre eux balaie littéralement les autres.

En fait, personne ne peut suivre et il ne reste que les miettes, les marges du pays. Ils forment le véritable problème dans notre pays, bien plus que les 1 % qui ont plus de deux millions d’euros de patrimoine et qui vivent dans leur bulle ! Mais comme les petits propriétaires rêvent de devenir des grands propriétaires, ils ne peuvent pas dénoncer les grands propriétaires, seulement les très grands propriétaires.

A cela s’ajoute l’existence des « indépendants », ces petits capitalistes qui ont eux en moyenne pratiquement 600 000 euros de patrimoine. Eux « vivent » le capitalisme et sont en permanence sous pression, en raison de la concurrence mais aussi de leur démesure. Ils ont joué un rôle essentiel dans le démarrage des gilets jaunes, cette rébellion de l’intérieur du capitalisme lui-même.

Cette lecture en termes de patrimoine éclaire beaucoup de choses : non seulement la nature des gilets jaunes, mais également la vanité de nombreux discours misérabilistes masquant que la France est un pays de petits propriétaires.

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Écologie

Les chasseurs doivent comprendre le sens de la chasse à courre

Une partie significative des chasseurs trouve la chasse à courre abjecte. Pourtant, les fédérations de chasseurs la soutiennent unanimement et sans conditions. Cela reflète le sens même de la démarche de la chasse et les chasseurs sont prisonniers d’une profonde incohérence.

A Vielsalm (province de Luxembourg), chasse à courr, l'Hallali. Vers 1903.

La chasse à courre est une démarche en apparence et dans sa substance fondamentalement différente de la chasse en général. En effet, la chasse se pratique comme une sorte de communion individuelle ou entre amis, alors que la chasse à courre existe sous la forme d’un rituel à la fois conventionnel et profondément hiérarchisé.

La chasse se veut plus amicale, davantage conviviale ; le rapport à la nature se veut plus naturel que culturel, puisque la chasse à courre exige elle tout un code vestimentaire, d’attitudes, de comportements, etc. C’est pour cela que les chasseurs apprécient, d’une manière ou d’une autre sans forcément la cautionner, la figure romantique du braconnier.

Cependant, force est de constater et cela est indiscutable, que l’ensemble des représentants des chasseurs soutient de manière catégorique la chasse à courre. Les chasseurs doivent prendre conscience de la signification de cela. Il ne s’agit pas en effet simplement du fait que la « direction » des chasseurs soit composée de bourgeois conservateurs coupés de la base, etc.

Non, cela va bien plus loin. Il existe bien une passerelle tout à fait solide et logique entre la chasse et la chasse à courre. Les chasseurs ne peuvent souvent l’admettre, et pourtant les faits parlent d’eux-mêmes. La complexité du problème vient du fait que cette passerelle ne consiste justement pas en les chasseurs, mais en la chasse elle-même.

La manière dont les chasseurs voient leur démarche est une chose. La manière dont elle se pratique en est une autre. Il existe un gigantesque décalage entre comment les chasseurs s’imaginent être et comment ils sont en réalité. La chasse à courre est la révélation de ce décalage, elle montre que le principe de chasser consiste précisément en le fait de chasser, et que les motivations pour cela sont les mêmes dans leur fondement pour la chasse comme pour la chasse à courre.

Les chasseurs pensent se distinguer des pratiquants de la chasse à courre, car leur attitude psychologique n’est pas ce harcèlement, et pourtant dans sa base elle est similaire, elle est bien une terreur pratiquée dans un environnement naturel. Cette communion sympathique que le chasseur croit pratiquer, c’est en réalité une attitude de guerre.

Les chasseurs sont obligés d’admettre par ailleurs ici que tout le folklore de la guerre pullule dans la chasse. Que ce soit au niveau des vêtements, du principe du camouflage, des pièges et des appâts, il y a bien l’idée d’une militarisation, d’une stratégie militaire, d’un ennemi à vaincre. Si tous les chasseurs n’adoptent une telle démarche, il n’en reste pas moins que cette dimension est présente et partagée par beaucoup.

Les chasseurs doivent donc comprendre la différence qui existe entre comment eux se voient et voient les choses, et la réalité concrète. Sans nul doute que si l’on suit le vrai sens de beaucoup de chasseurs, alors le fusil serait traqué contre l’appareil photo. Car la chasse, dans son existence, est façonnée par le rapport perverti de l’humanité avec la nature. Elle exprime en soi également un profond malaise par rapport à un monde urbanisé, sans âme et anonyme, froid et stérile, rapide et vide.

Si les chasseurs prennent conscience de tout cela, ils peuvent faire un véritable apport à la société, en dépassant la chasse et en affirmant le besoin d’un rapport réel à la nature. Et si cette autocritique de leur part est forcément malaisée, la question de la chasse à courre est un véritable levier devant les aider.

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Politique

Tribune : « L’antisémitisme et le racisme sont un poison ! » par Jeunesse contre la Haine Haute-Savoie

L’antisémitisme et le racisme sont un poison !

Voilà plusieurs jours que les médias et différents hommes et femmes politiques alertent sur la montée dangereuse de l’antisémitisme.
Il y a 30 ans, lors de la profanation du cimetière juif de Carpentras, ce sont plusieurs dizaines de milliers de personnes dont le président de la République Mitterrand qui défilent dans les rues pour dire « non au racisme et à l’antisémitisme ». Que reste t-il aujourd’hui de ce « non » ?

Malgré les sursauts populaires lors de l’assassinat du jeune Ilan Halimi en février 2006, malgré l’énorme rassemblement républicain de la France «Je suis Charlie » en janvier 2015, les digues contre la haine raciale semblent toujours plus se fissurer.

L’antisémitisme n’est pas un racisme « comme les autres », il a cette particularité que n’ont pas les autres racismes : il est toujours complotiste. On ne hait pas un juif parce que juif, mais parce qu’il détient quelque chose ou influe sur quelque chose. De George Valois à Hitler, en passant par Georges Sorel, le journal Gringoire, l’islamisme fondamentaliste et Charles Maurras… Tous ont en commun la haine des juifs car selon eux ils seraient le vecteur d’une grande machination à l’échelle mondiale. Il n’y aurait plus de juifs que les fascistes voudraient tout de même leur mort.

Quiconque a appris les leçons du passé sait bien que les moments de crise sociale et de difficultés économiques sont le prélude au déferlement antisémite. Lors de ces moments de turbulences l’étranger à côté de chez soi devient toujours le bouc-émissaire et le juif le pseudo-organisateur de la misère. Dans la France de la fin du XIXè siècle, à l’antisémitisme de l’affaire Dreyfus correspond la haine anti-italienne illustré par le massacre des Aigues-Mortes. Dans la France des années 1930, au violent racisme anti-polonais du Nord répondait le terrible antisémitisme des ligues factieuses. La vague antisémite n’est qu’un reflet de la banalisation raciste car l’antisémitisme ne peut pas exister sans le racisme, et le racisme ne peut exister sans l’antisémitisme.

A l’époque où nous vivons, la division anti-démocratique est un véritable poison. Nous l’avons bien vu ces dernières années. Au regard de la dernière hausse des actes antisémites, qui ne peut pas s’inquiéter de manifestations où l’on a pu voir des antisémites défiler sous le vieux mot d’ordre démagogique « A bas les voleurs ! ». Ce mot d’ordre est d’ailleurs directement issu du 6 février 1934. Mais depuis les années 1930 les douloureuses expériences de l’Histoire ont permis d’amener ensuite les lois dites antiracistes. En effet la Loi Pléven (1971) et la Loi Gayssot (1990) font partie d’un patrimoine populaire de la lutte contre la haine raciste. Mais ces lois ne sont pas ou suffisamment peu appliquées et c’est pour cela qu’il faut un sursaut et une fermeté populaire.

On entend souvent des personnes défendre l’antisémitisme au nom d’une prétendue liberté d’expression. La liberté d’expression n’est pas un prétexte à la haine. Ce n’est pas normal que des personnes puissent déverser leur haine raciste et antisémite impunément en public. Les paroles et gestuelles haineuses entraînent les actes haineux qui entraînent la violence.

Nous devons nous unir face au racisme et à l’antisémitisme et ce rapidement, si l’on ne veut pas se retrouver coincés comme dans les années 1930. Il est plus qu’urgent que le peuple trouve la voie de son unité contre la haine, la barbarie et les semeurs d’illusions.

En tant que jeunes qui combattons l’antisémitisme nous subissons l’isolement.
Jeunesse contre la Haine Haute-Savoie
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Réflexions

La capitulation en amour

Lorsque l’amour s’exprime pleinement et exige un projet, celui de vivre à deux, cela implique une vraie politique du rapport à deux. Il arrive que l’une des deux personnes capitule.

En politique comme en amour, il y a des capitulations. Le rapprochement, aussi étrange qu’il peut sembler, est tout à fait juste. L’amour n’est pas une croyance comme dans une religion, car ce n’est pas l’au-delà qui compte, mais la réalité la plus immédiate. Cette réalité, on la gère à deux, et en ce sens c’est de la politique. Il faut bien s’organiser, dans sa vie et dans son couple, agir en fonction de l’autre, considérer son lendemain en fonction de celui de l’autre.

Bien souvent d’ailleurs, cela se dégrade en économie. La dimension politique disparaît, tout devient une question mathématique. Ne comptent plus que les chiffres, les perspectives de ces chiffres, la logique de l’addition, de l’accumulation. Un couple qui marche, c’est un couple qui accumule et il est largement considéré, de manière regrettable, que vivre d’amour et d’eau fraîche ne peut être qu’une lubie temporaire d’adolescents. Triste époque, sans romantisme !

C’est un grand paradoxe d’ailleurs que l’amour, qui a une part si essentielle dans la vie, ne soit même pas un thème des études de philosophie en terminale, au lycée. Il y a pourtant de quoi dire. Le couple, est-ce deux personnes regardant dans la même direction, deux personnes se regardant ? Quand on est en couple, n’est-on plus que la moitié d’un tout ? Ou bien conserve-t-on radicalement son entité personnelle ?

Et comment trouve-t-on la personne qui nous correspond ? Faut-il la chercher ou pas ? On connaît ici les principes généraux : qui cherche ne trouve pas, et l’amour nous tombe dessus quand on s’y attend le moins (ou bien quand on n’attend plus rien ?) Qui a des attentes déjà dans son esprit part perdant, car il va plaquer des désirs abstraits sur une personne réelle rencontrée, et tout va rater.

Il y a également bien des valeurs culturelles rentrant en jeu. Ainsi, la Française ne prend pas l’initiative par rapport au Français, car c’est à l’homme de prendre l’initiative et de mener à bien le processus aboutissant au couple. Cela date du 17e siècle, de la fameuse Carte de tendre, indiquant ce qu’il faut faire pour un homme pour enclencher une relation. La Suédoise, elle, prend l’initiative par contre, par fierté féministe : c’est un code bien différent.

Un autre code est encore la notion de destin, le mazal dans la culture juive et le mekhtoub dans la culture maghrébine. Le mazal, l’étoile, représente aussi le destin et quelques personnes correspondant à un amour parfait, d’où l’expression « mazal tov », « bon destin », lorsqu’on se marie. Tout est écrit, c’est également la notion du mekhtoub, le destin, chez les maghrébins. Ici, ce n’est pas Inch Allah, « si Dieu veut », mais comme si tout avait été écrit par Dieu dans un grand livre au début du monde.

Prenez un couple relativement récent avec une personne de culture française, une personne de culture maghrébine ou juive. A la question « Serez-vous avec la même personne dans dix ans ? », la personne de culture française dira : plutôt non, l’autre dira : plutôt oui. C’est une question de mise en perspective. Dans un cas, si l’on y va, cela n’engage pas en soi son être totalement ; dans l’autre cas, si l’on y va, c’est qu’on considère qu’on est déjà dedans, et que c’est inévitable.

Il va de soi que de telles différences culturelles joue forcément un grand rôle et que si l’on rate cela, on ne comprend plus l’autre. Faut-il, qui plus est, considérer que l’amour vu par la culture française est post-moderne, ultra-individualiste, ou que l’amour vu par la culture maghrébine ou juive est féodale ? Évitons la voie médiane qui ne résoudrait rien au problème.

Car si problème il y a, et c’est là quelque chose de vrai partout, c’est la capitulation en amour. Il y a des gens qui s’aiment, mais avec l’un des deux qui finalement, décide de capituler. Il s’évapore, alors qu’il était encore présent il y a peu ; il se coupe de ce qu’il considérait encore auparavant comme son oxygène.

Il ne s’agit pas ici de traiter la fin d’un amour, car c’est bien d’autre chose dont il s’agit. Il est bien connu par exemple que certaines femmes, par le peu de confiance qu’elles ont en les hommes ou bien en l’homme rencontré, pratiquent l’adage « fuir le bonheur de peur qu’il ne se sauve ». De peur de se faire plaquer, on casse la relation soi-même avant. On a beau expliquer le concept aux hommes, rares sont ceux qui comprennent de quoi il en retourne.

Il est bien connu également que certains hommes ne cherchent d’abord que le désir et qu’éventuellement, alors à force d’attachement ou de tendresse, l’amour se forme éventuellement. C’est ici la quête d’un partenaire sexuel qui se transforme, finalement, en couple de fait. Cela manque d’envergure à première vue, cependant il y a par la suite la réalité d’une vie fondé sur le concret, et non sur le projet.

Le souci de l’amour en effet, c’est qu’en plus du sentiment, il est également de fait un projet. Lorsque Roméo et Juliette tombent amoureux, cela implique en soi un projet ; l’impossibilité de la réalisation du projet rend impossible l’amour, d’où le suicide (Shakespeare ne connaissait pas encore le Socialisme et la révolution). L’amour devient alors hautement politique, car il faut être à la hauteur du projet. Cela n’est pas possible sans un certain niveau de conscience, sans une capacité d’engagement.

Beaucoup abandonnent : la personne est trop loin, il n’y a pas assez de moyens matériels, les cultures sont trop différentes, la personne ne répond pas aux clichés qu’on s’est imposé, on a un plan de carrière qu’on ne veut pas modifier ou bien, ce n’est pas à négliger, on attend le prochain tour, en se disant qu’on tombera amoureux de quelqu’un de « mieux » !

C’est en ce sens que le capitalisme est un tue-l’amour. En se considérant comme une petite entreprise, les gens ne sont plus capables de s’engager, ni d’être naturels. Ils évaluent tout selon un plan de carrière, avec un regard froid, tueur, cruel. Et cruel envers eux-mêmes, mais cela ils s’en aperçoivent trop tard.

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Réflexions

Le cycliste, un beauf comme un autre

Faire du vélo, c’est bien et c’est mieux que prendre la voiture, si on peut éviter. Mais croire qu’avec cela on évite l’agressivité, le fétichisme, l’individualisme, c’est lourdement se tromper.

bicyclettes

Ah, le vélo ! Quel plaisir de plonger dans les rues de la ville, libre de tout souci de transport en commun, en se précipitant à coups de pieds sur le pédalier ! « A bicyclette… » On se sent comme grisé, et cette euphorie n’a pas seulement un lien avec l’endorphine produit par l’effort donné. Il y a également ce sentiment, à la fois snob et rassurant, de faire quelque chose de bien pour l’environnement. On ne pollue pas, on ne contribue pas à la toute-puissance de l’automobile.

Et puis, les automobilistes, quelle bande de cons ! Entre leur agressivité, leur irresponsabilité, leur fétiche de la voiture, leur confiance aveugle en la route, l’autoroute, le pied sur le champignon comme vecteur du déplacement ! Quelle joie alors d’être cycliste, au cœur de la ville, loin des beaufs et de leur style de vie !

Ce dernier point de vue est-il une caricature ? Pas tant que cela, finalement. Car les cyclistes ressemblent finalement sur beaucoup de points aux automobilistes. Ils ont le même fétichisme complet de leur propre activité. Ceux qui relativisent celle-ci sont des ennemis et le mépris du cycliste pour le piéton vaut bien celui de l’automobiliste. Quant à l’agressivité, elle devient rapidement la même.

Il ne faut pas croire non plus que le vélo soit quelque chose de simple, du type on monte dessus et hop c’est parti. Il faut en effet aller d’abord le chercher, dans la rue ou dans le local à vélos. Il faut le décadenasser. Ah mais voilà que faire des antivols ? Alors, là, il faut soit l’accrocher sur le vélo, ce qui est une opération hautement intellectuelle, car il faut bien le caser pour pas que cela ne dérange quant on roule. Ou bien on le met dans un sac : ah, il faut un sac à dos! Mais quel type de sac ? Et il faut toujours l’avoir sur soi, même quand on s’est garé et qu’on n’a plus l’antivol ?

Ce n’est pas tout : il faut regarder la météo. La pluie exige un certain habillement. Et puis on a vite chaud quand on pédale, on est en sueur, il faut prévoir le coup pour ne pas être trop dérangé après coup. Il y a le vent également, à prendre en compte.

Et puis il ne faut pas oublier les lumières ! C’est une question de sécurité. Là évidemment on peut la jouer à la française, avec le style nonchalant. Toutefois une véritable sécurité, c’est une lumière fixe devant, une lumière clignotante derrière, des réfléchissants à la fois devant et derrière, ainsi que plusieurs sur chaque roue pour les côtés, et sur chacun des deux côtés de chaque pédale.

Ouf ! Tout cela pour dire que c’est une intendance. Que le côté spontané et libre du cycliste relève de la mythomanie. Que même si on prend un vélo empruntable sur abonnement, il reste la question de la conduite, de l’habillement, de le trouver, de le garer au bon endroit, etc.

Tout cela fait que le cycliste a une démarche complexe, que lui imagine simple, et c’est pourquoi il devient aussi bien un beauf, sans même s’en apercevoir, dans ses attitudes avec les autres, en particulier les piétons, mais aussi les autres cyclistes, ou bien les automobilistes.

Somme toute, le cycliste, c’est un peu le motard mais avec une moto sans moteur. Ce qui lui accorde une dimension écologiste indubitable, et puis cet aspect sportif. C’est plutôt bien ! Mais cela se retourne aussi bien en son contraire, avec la même pose que le motard, le même individualisme, la même attitude qui est celle de la caricature exposée dans les films américains, avec ce motard sans casque roulant à fond la caisse sur une route traversant le désert.

Les motards et les cyclistes se croient bien dans un désert, ne portant plus leur attention qu’envers eux-mêmes surtout…

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Société

L’échec du féminisme à la «me too» devant la culture beauf

Une certaine forme de féminisme a beau s’affirmer à la suite du mouvement « me too », il ne peut pas modifier la situation. Tant que la culture beauf dispose de gigantesques moyens d’expression, elle noiera toute opposition. Quelques pointes critiques n’ébranlent pas un véritable système d’attitudes et de comportements.

#metoo

La grande question à l’arrière-plan de tout programme féministe, c’est de savoir s’il faut s’adresser aux hommes ou à chaque homme en particulier. Et si le fond du problème consiste en une culture, beauf ou patriarcale comme on voudra, ou bien en des réactions individuelles erronées. Selon qu’on voit les choses d’une manière ou d’une autre, cela change tout, tant pour la manière d’exprimer le féminisme que pour évaluer ses réussites et ses échecs.

On sait comment l’individualisme n’a eu de cesse de progresser ces dernières années ; le féminisme n’a pas échappé à cela. L’une des conséquences immédiates, c’est qu’il a perdu tout sens critique. L’affirmation d’une femme, de quelque manière que ce soit, est considérée comme du féminisme… même si dans la pratique, il s’agit d’une soumission complète aux valeurs de soumission. C’est le principe de la femme « osant » se maquiller de manière professionnelle, poser nue, avoir telle robe et tels talons aiguilles, etc.

Il y a un nombre incalculable de mannequins, actrices, chanteuses, femmes de la politique et de l’économie, intellectuelles, qui se prétendent féministes simplement parce qu’elles font carrière. Le féminisme se réduit ici à la revendication de l’avancée sociale, du projet individuel. Le féminisme disparaît ici dans une sorte de magma pro-égalitaire, où les femmes sont mises sur le même plan que les étrangers, les immigrés, les migrants, les gays, les lesbiennes, les handicapés, etc. etc.

Évidemment à chaque fois, il ne s’agit pas des immigrés ou des handicapés, mais de chaque immigré, de chaque handicapé, pas des gays ou des lesbiennes, mais de chaque gay, de chaque lesbienne. C’est toujours l’individu qui est l’alpha et l’oméga de tout ce type de raisonnement. Et, par conséquent, cela ne peut aboutir qu’à des échecs, exprimés par de dramatiques « faits divers », notamment des agressions. Celles-ci apparaissent comme toujours incompréhensibles, car s’opposant au « droit » de chacun de faire ce qu’il veut.

Ce qui est ici gommé, de manière totale, c’est la culture beauf qui traverse toute la société. Il suffit pourtant de voir que le bombardement visuel d’un clip de rap diffusant tous les clichés sexistes a un impact concret bien plus important que n’importe quelle remarque en faveur de l’égalité. Même quelqu’un qui est favorable à l’égalité peut en arriver dans sa vie quotidienne à reproduire les traditions sexistes. Et cela est vrai pour les hommes bien entendu, mais également pour les femmes.

L’une des principales erreurs du mouvement féministe à la « me too », ou bien les Femen, voire en fait la plupart des organisations et regroupements féministes, c’est de partir du point de vue que toutes les femmes sont favorables au féminisme. Ce n’est malheureusement pas vrai du tout. La majorité des femmes même, peut-on dire, a tout à fait intégré des règles du jeu où elles assument une certaine passivité, afin de manœuvrer par derrière. Cela leur semble plus pertinent, plus vraisemblable, qu’un hypothétique féminisme où elles seraient vraiment autonomes.

Les films présentent d’ailleurs de manière ininterrompue un tel modèle. Même dans les cas où la femme a des initiatives, elle dépend de l’homme qui se retrouve être le protagoniste véritable. Il suffit de voir un James Bond récent, ou bien n’importe quel film catastrophe, de science-fiction, d’action. La femme qui agit se retrouve toujours coincé à un moment, et qui vient débloquer la situation ? L’homme, bien entendu. Il y a là quelque chose pernicieux, contribuant de manière massive à la prédominance des hommes. Et pourtant, on ne trouve aucune critique massive, ou même aucun début de critique, de ces insupportables scénarios.

Finalement, que voit-on ? Que le féminisme individualiste, tourné vers l’individu, est tout à fait acceptable pour le capitalisme. Il valorise l’individu, il donne une image de progrès de la société, c’est donc tout à fait utile. Par contre, jamais la femme en tant que femme n’est valorisée. Cela serait là du « naturalisme », ce serait là lui donner une « essence », ce qui est insupportable pour une société dont le fondement est l’existence individuelle radicalement séparée de tout le reste.

Ce qui amène au problème fondamental du féminisme : considère-t-il que la femme est un homme comme les autres, ou bien est-il dans l’optique que les hommes doivent se plier aux exigences des femmes ? Et dans ce dernier cas, dans quelle mesure les femmes sont-elles différentes ou bien supérieures aux hommes ? Ce qui aboutit inéluctablement à la question du rapport à la vie : la femme est-elle supérieure à l’homme, de par son rapport plus développé à la vie ?

On est tout à fait libre de le penser, et même est-ce sans doute un devoir. L’égalité hommes-femmes ne pourra pas se mettre en place sans, disons, un certain matriarcat. Croire qu’on pourra briser la culture beauf sans une certaine révolution des mentalités, sans une certaine soumission des hommes à des valeurs de paix, d’orientation vers la nature, les animaux, est une illusion pure et simple.

Cela n’intéresse pas du tout le féminisme à la « me too ». Il n’est pas du tout dans cette problématique et n’a aucune réflexion à ce sujet. Il est simplement une expression de la volonté de carrière de femmes appartenant aux couches supérieures de la société. Il exprime la volonté de ne pas être dérangé par la culture beauf – ce qui est déjà pas mal – mais il ne compte nullement supprimer cette culture beauf. Comment toutefois penser que cela serait possible ?

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Société

Le mariage des prêtres, entre histoire et théologie

La question du mariage des prêtres peut se prêter à un petit aperçu historique, prétexte à une compréhension plus approfondie de ce qu’est une religion. C’est un débat nécessaire pour la Gauche, qui a perdu énormément de terrain dans sa lutte anti-cléricale ou plus directement anti-religieuse.

Le mariage, Giulio Rosati, 1885

A l’occasion des propos du pape François sur le mariage des prêtres, un article publié sur agauche.org a affirmé que le refus de ce mariage était un principe théologique inaliénable du catholicisme. Aucune « modernisation » ne serait possible, ni même souhaitable finalement, car la religion ne sert que les réactionnaires.

Un lecteur a alors fait la remarque comme quoi le mariage des prêtres n’a été interdit qu’au cours du moyen âge, afin que les prêtres cessent « de léguer les propriétés religieuses à leurs familles ». La théologie, finalement, ne jouerait un rôle que secondaire.

Cette question est tout à fait intéressante, au-delà de son simple thème, car elle pose la question du rapport entre l’économie et la culture, l’idéologie, la théologie. Pour dire les choses plus crûment on a la vieille problématique que les marxistes appellent l’opposition infrastructures / superstructures, avec tout une panoplie d’évaluations différentes de leur rapport. Vu le poids des religions dans le monde, on n’échappe pas à l’approfondissement d’une telle mise en perspective.

Cependant, en ce qui concerne la question proprement dite, notre lecteur a vraisemblablement raté l’évolution, la transformation, l’actualité de ce qu’est l’Église catholique comme religion. Le refus de la réalité matérielle au profit d’un monde idéal immaculé est en effet le cœur du catholicisme et cela de plus en plus. Ou, si l’on veut, le catholicisme est bien plus que du cléricalisme : c’est un mysticisme complet. Ce que les gens religieux ne voient pas le plus souvent, parce qu’ils ne s’intéressent pas à de telles fantasmagories.

Regardons ce qu’il en est, de manière organisée. Déjà, le catholicisme refuse le mariage, par définition même, pour ceux qui font le choix de la pureté. Il fait en effet une grande distinction entre les croyants et le personnel religieux, et même au sein de ce personnel religieux il y a une hiérarchie très importante.

Cette hiérarchie est d’ordre mystique ; elle est notamment théorisée par le (pseudo) Denys l’aréopagite. Pour faire court, lors de l’Eucharistie, le pain est vraiment le corps du Christ et le vin vraiment son sang. Mais pour que cette opération qu’on peut appeler « magique » ait lieu, il faut un magicien. Ce magicien c’est le prêtre.

Et comment fait-il apparaître le corps et le sang ? En étant l’époux de l’Église. Il a, si l’on veut, des super pouvoirs parce qu’il est marié à un seul être, l’Église qui aurait été établie à la demande du Christ. S’il se mariait à quelqu’un d’autre, il perdrait ses super-pouvoirs : il ne peut donc pas se marier avec un être humain. Ou bien, on peut inverser la proposition : si avec les protestants on enlève la dimension « magique » du dimanche, alors le vin est seulement du vin, le pain seulement du pain, et le prêtre peut se marier (il est alors simplement pasteur, par ailleurs).

En termes juridiques catholiques romains, cela donne cela dans le Code de droit canonique de 1983 :

« Can. 277 – § 1. Les clercs sont tenus par l’obligation de garder la « continence parfaite et perpétuelle » à cause du Royaume des Cieux, et sont donc astreints au célibat, don particulier de Dieu par lequel les ministres sacrés peuvent s’unir plus facilement au Christ avec un cœur sans partage et s’adonner plus librement au service de Dieu et des hommes. »

Le catholicisme est ici une religion « fusionnelle », comme l’hindouisme. Ni le judaïsme, ni l’Islam ne vont aussi loin dans ce rejet de la réalité matérielle. Voilà pour la dimension théologique.

Maintenant, on se doute bien que si telle ou telle conception a a gagné dans l’Église catholique romaine, ce n’est pas simplement parce que son argumentaire théologique était supérieur. Il y a des intérêts matériels que les différents points de vue reflétaient. Et effectivement pour empêcher la dispersion des biens de l’Église, le célibat a été instauré de manière rigide. Auparavant les hommes mariés avant de devenir prêtres pouvaient le rester, mais devenir abstinents. Comme cela ne marchait pas vraiment et qu’on avait peur que les fils réclament le poste ou les terres ou le privilèges, il a été procédé à la fin de 1100 à la suppression de l’ordination des hommes mariés.

Seulement, on aurait tort de voir simplement une sorte de machiavélisme de l’Église. Il faut en effet voir qu’avant l’an 800, l’Église n’était pas forte comme elle le fut justement après. Ce n’est qu’avec l’appui d’une féodalité développée que la religion a connu une expansion très forte qui a, on s’en doute, demandée davantage de personnel. On passe, si l’on veut, des petits monastères dans les campagnes, des églises romanes, aux églises gothiques, aux cathédrales. Avec le célibat forcé, l’Église a juste fait le ménage dans ses nombreuses recrues.

Ce qui a été machiavélique, ce n’est pas tant de décider subitement le célibat, mais de l’avoir mis de côté simplement pour devenir une religion de masse, et une fois établie, de remettre tout en ordre… De plus, si l’Église fait ce rappel à l’ordre, ce n’est pas simplement pour ses propres intérêts. C’était aussi en rapport avec sa concurrence avec la noblesse, mais ceci nous éloigne du sujet.

Donc, il y a eu ménage de fait, qui rentre évidemment en adéquation avec ses intérêts, mais il y a bien une vie autonome de l’Église. On peut prouver cela de deux manières. D’abord, l’Église d’Orient n’applique pas ce principe, sauf pour les moines et les évêques. On peut dire que l’orient n’a pas connu la même féodalité que l’occident, mais cela ne fait que déplacer le problème : pourquoi y a-t-il telle chose en occident, telle chose en orient ?

Ensuite, et c’est le grand paradoxe, le célibat du clergé ayant reçu les sacrements est, dans l’Église catholique, une règle de discipline et non d’un point de foi. Cela signifie concrètement qu’on ne touche pas au dogme si l’on instaure le mariage des prêtres : c’est juste une mesure administrative, rien de plus. C’est donc, somme toute, assez facile à mettre en place.

Mais l’Église catholique ne veut pas le faire, elle ne cesse de le rappeler. Pourquoi ? Parce qu’elle prétend être la porte vers l’au-delà. Et une structure tournée vers l’au-delà ne peut pas prétendre en même temps être tourné vers le monde matériel. C’est pour cela que les juifs, les musulmans, les protestants vaquent à leurs occupations, tout en étant de bons juifs, de bons musulmans, de bons protestants. Chez les catholiques, ce n’est pas possible : seul compte l’au-delà.

Si jamais se pose d’ailleurs la question ici des djihadistes, qui veulent atteindre l’au-delà, il faut bien voir que leur Islam « fusionne » le monde matériel et l’au-delà. Les lois musulmanes sur Terre sont déjà une préfiguration, voire un moment de l’au-delà. C’est la conception du Tawhid, de l’unicité divine.

Chez les catholiques, l’univers est quant à lui coupé radicalement en deux, et seul l’au-delà compte. La religion n’est pas qu’une structure liée à l’économie ou des intérêts matériels : elle naît aussi comme opium du peuple, inquiétude métaphysique, quête mystique de l’au-delà. En fait, elle se nourrit de l’absence de reconnaissance du monde matériel, à quelque échelle que ce soit.