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Le sens des brutalités policières du 3 mai 1968

Si l’on peut passer aussi rapidement de l’intervention policière à la Sorbonne du 3 mai 1968 à un appel à généraliser la lutte et l’unifier comme le fait le mouvement du 22 mars le 24 mai 1968, c’est qu’en fait le 3 mai la police s’est littéralement lâchée.

Elle a voulu à tout prix écraser toute velléité de contestation et, certaine de l’hégémonie du régime, elle a cherché la casse. Si on ne saisit pas cela, on ne peut pas comprendre pourquoi Charles de Gaulle appelle, le même 24 mai, à un référendum, s’imaginant que la situation, somme toute, est sous contrôle.

C’est tout le régime qui s’est contracté et qui s’imagine que cela va passer. C’est le sens des brutalités policières généralisées dès le 3 mai 1968.

Un chercheur du C.N.R.S. raconte ce qu’il a vu ce jour-là :

« Vers 15 h 30, l’entrée du 17 rue de la Sorbonne était bloquée, et les forces de police de plus en plus nombreuses aux portes de la faculté ; on pouvait cependant entrer librement par la porte de la rue des Ecoles.

Dans la cour, les étudiants avaient décidé de transformer le meeting en une réunion de discussion sur les problèmes universitaires. A ce moment, certains étudiants quittèrent la Sorbonne.

Ceux qui restaient (à l’exception de quelques membres du service d’ordre), se regroupèrent sur les marches menant à la chapelle. Le débat, poursuivi sans haut-parleur, porta d’abord sur l’explicitation, par les étudiants de Nanterre, des buts de leur action ; bientôt une controverse s’engagea avec les représentants d’autres tendances ; je tiens à souligner que ce débat était absolument pacifique, et que tous ceux qui le voulaient avaient droit à la parole.

« Vers 16 h 45, on demanda aux membres du service d’ordre présents dans la cour de regagner leur poste ; autour de moi, on ignorait s’il s’agissait d’une attaque d’Occident, ou des renforts de la police.

La réunion sur les marches de la chapelle prit fin à ce moment ; certains étudiants tentèrent de sortir, mais l’issue de la rue de la Sorbonne semblait bloquée. Quelques minutes plus tard, nous vîmes apparaître sur toute la largeur de la galerie du fond de la cour, une rangée de gardes mobiles coiffés de casques ronds, et, je crois, armés de matraques. Les consignes données alors furent: « Sortez tous dans le calme et en silence ».

Les étudiants présents dans la cour regroupèrent autour de la sortie, mais sans pouvoir avancer. Très vite, toute la cour de la Sorbonne fut remplie de gardes mobiles qui empêchaient les étudiants d’emprunter une autre issue ; il s’agissait véritablement d’une souricière.

« Quand j’eus enfin passé l’étroit couloir qui mène à la rue de la Sorbonne je me trouvai entourée d’une double rangée de gardes mobiles protégés de boucliers carrés en métal, et armées de matraques.

« Cette haie menait les étudiants j’au car de police qui se trouvait un peu plus haut dans la rue (d’autres cars de police se trouvaient également tout le long de la rue de la Sorbonne). La lenteur de l’évacuation de la cour était liée au fait que les étudiants qui sortaient ne pouvaient se disperser librement, mais que tous étaient dirigés d’office vers ces cars de police.

« Moi-même, je fus relâchée après avoir pu montrer que je travaillais dans la rue de la Sorbonne et n’étais pas étudiante.

« Un peu plus tard, vers 17 h 30, des grenades lacrymogènes éclatèrent (je crois sur la place de la Sorbonne). L’accès de la rue de la Sorbonne était bloqué par les forces de police situées dans le bas de celle-ci. »

Voici le récit d’un étudiant coffré suite à sa participation au rassemblement contestataire à la Sorbonne :

« 15 heures : Cour de la Sorbonne. Je participe avec ma femme à la manifestation organisée. L’atmosphère est au calme. Quelques discours : Cohn-Bendit, Sauvageot, Chisseray. Le service d’ordre de l’U.N.E.F. garde calmement l’entrée de la Conciergerie ou l’entrée de la rue des Ecoles. Un orateur annonce que Paris vient d’être choisi comme siège des négociations pour le Vietnam : gros applaudissements.

Tous les occupants sont rassemblés au pied de la chapelle, assis ou debout sur les marches. Et soudain, une annonce : « Ils arrivent. » La plupart pensent qu’il s’agit de groupes Occident qui veulent pénétrer à l’intérieur de la Sorbonne.

Une voiture et un panneau sont placés le long de la porte de la galerie de la rue des Ecoles. Les participants se resserrent sur les escaliers de la chapelle. Certains ont un morceau de bois qui vient d’une Vieille table délabrée qui traînait dans un coin de la cour (et non pas de mobiliers détériorés, comme l’a dit M. Peyrefitte).

Mais surprise, par une aile latérale, pénètre une masse impressionnante de gardiens, casqués, lunettes, boucliers, tels des chevaliers teutoniques avec un côté Obélix.

L’atmosphère alors se tend, tout le monde se resserre près des marches. Le service d’ordre de l’UNEF recommande le calme et tend les mains pour canaliser les manifestants en nous demandant d’évacuer la cour de la Sorbonne.

Ce qui se fit. Mais quelle surprise ! En sortant de la cour, nous ne vîmes point les commandos Occident ou autres groupes, mais bien les gendarmes casqués qui nous font monter dans les camions blindés.

Nous montons dans le premier camion. Le policier devant nous soulève son siège avant et en sort, avec une satisfaction évidente, des barres de cuivre (je crois) qu’il passe à ses collègues qui sont à l’extérieur. Le chauffeur du car exprime que « dans un moment ça va chauffer » car des cordons de C.R.S. arrivent. Nous sommes coincés au milieu des agents et de la foule. Au bout d’un moment, le camion démarre suivi de beaucoup d’autres.

On nous emmène d’abord au commissariat de Saint-Sulpice, puis à Notre-Dame-des-Champs. Et alors, c’est la longue attente des identifications individuelles ; puis on nous entasse à la cave où bientôt nous nous retrouvons au nombre de deux cents personnes environ.

Il est 18 heures. En attendant la « libération », des groupes de discussion se forment, ce sont déjà les comités d’action. »

Voici un autre témoignage :

« Je passais boul’Mich, vers 18 heures, arrivé à proximité d’un cordon de C.R.S., un gradé m’a sommé de faire demi-tour, ce que je fis sans protester, puis je pris un coup de matraque derrière la tête, puis ils ont chargé sur les quelques personnes, dont moi, qui étaient boul’Mich, après quoi je fus emmené au poste jusqu’à une heure du matin pour un contrôle d’identité, après m’avoir copieusement injurié et menacé, je pus enfin regagner mon hôtel.

Le lendemain je fus voir un médecin puis à l’Hôtel-Dieu pour des radios. Depuis ce jour, j’ai des migraines et des saignements de nez.

J’ai essayé de déposer une plainte au commissariat d’où je fus éjecté très incorrectement. »

Un autre témoignage :

« Le vendredi 3 mai, des brigades de C.R.S. ont chargé sur tous les gens qui se trouvaient dans les rues, sans faire aucune distinction entre les manifestants et les non-manifestants. Ils ont notamment matraqué un jeune motocycliste.

« Ces faits ne sont sans doute pas parmi les plus marquants, mais je tiens tout de même à vous en faire part, car je ne peux oublier les cris des blessés de cette nuit tragique.  »

Un autre encore :

« L’un des gardes s’en prit à une jeune fille blonde, vêtue d’un tailleur bleu marine, qui s’était réfugiée sous un porche, près du cinéma « le Latin ». Il la matraqua sauvagement (dix à vingt coups violents sur la tête et le cou).

La jeune fille, chancelante, tituba jusqu’au banc qui se trouve devant le cinéma et s’écroula sans connaissance.

L’ambulance que l’on avait appelée immédiatement n’est arrivée qu’une heure plus tard. La jeune fille n’avait pas repris connaissance. Si la jeune fille vit encore et si elle souhaite porter plainte, nous sommes prêts à lui apporter notre témoignage. »

Un témoignage encore :

« Je remontais le boulevard Saint-Michel, avec dans les bras un enfant d’un an, il était environ 18 h – 18 h 30, je me suis trouvée prise dans la manifestation, je n’ai reçu aucun coup de la part d’étudiants, mais presque au niveau de la place de la Sorbonne, il y a eu une charge de C.R.S. qui matraquaient les passants sans discrimination, exemples : une vieille femme, une jeune maman ont reçu des coups. J’ai reçu un coup de matraque, le bébé caché sous ma veste a reçu aussi un choc qui a laissé un « bleu ».

Devant le café du Départ, j’ai vu à 20 h 30, le même jour, un motocycliste arrêté et matraqué par un policier qui disait « circulez-circulez ». Un monsieur âgé s’interpose « ne le battez pas, il n’a rien fait, il arrive, il ne manifeste pas. » Le monsieur est frappé par un premier C.R.S., se protège la figure, un second C.R.S. intervient et frappe : « Ça vous apprendra à toucher à mon camarade. » La femme du monsieur crie, pleure : « Ne le battez pas comme cela, laissez-le » ; elle est battue également, presque évanouie. »

Un autre témoignage encore, d’une personne de nationalité suisse :

« Je me trouvais place Edmond-Rostand, isolé sur le trottoir à l’angle du boulevard Saint-Michel lorsqu’un agent de la force publique, casqué et matraque en main, m’a frappé sur la tête à coups de matraque malgré mes vives protestations alléguant que j’étais un touriste, puis m’a intimé l’ordre de déguerpir.

J’obtempérai en descendant vers l’Odéon, mais un commando d’une dizaine de C.R.S. remontait sur le même trottoir.

Le premier policier leur cria en me désignant :  Tapez-lui dessus ! Tapez-lui dessus !

Je tentai de m’effacer pour les laisser passer, mais six ou sept d’entre eux m’assaillirent et me frappèrent sauvagement à la tête à coups de matraque et à coups de pied au bas du corps. Je réussis à m’enfuir, le nez ensanglanté. 

Je vis notamment un jeune couple et un noir qui passaient simplement rue Cujas, qui furent conduits dans un car stationné devant la place de la Sorbonne, par la rue de la Sorbonne, les bras tordus derrière le dos et à coups de matraque, le noir recevant deux fois plus de coups que les autres. »

Un dernier, soulignant le racisme :

« Le vendredi 3 mai, voulant me rendre au cinéma, je descendais la rue Cujas vers 19 h 30 et je regardais les manifestations, très calmement ; un autre individu regardait aussi, très calme également ; à un moment, la force de l’ordre nous enjoignit de remonter la rue Cujas. Nous le fimes très lentement et un agent des forces de l’ordre, avisant un curieux, assez grand, légèrement basané et coloré, le bouscula puis lui appliqua un violent coup de matraque avec ces mots : « Tiens, voilà pour toi, l’Arabe ».

Deux jeunes hommes blancs, un noir et une jeune fille se sont enfuis vers la rue Cujas. Au coin de la rue Cujas et de la rue Victor-Cousin, il y avait des forces de police. Elles les ont interpellés, les ont pris par le col et jetés dans le car. Le jeune homme noir a été tout de suite jetés dans le car. Le jeune homme noir a été tout de suite frappé, tiré par terre jusqu’au car où il est jeté aussi. Ensuite, on a entendu le bruit de matraques en frappant. Après ils sont partis. »

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Mouvement du 22 mars : « Votre lutte est la nôtre! »

Voici le tract du Mouvement du 22 mars

 

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La journée du 3 mai, le début de « mai »1968 »

Comprendre comment mai 1968 s’est lancé n’est pas forcément évident, aussi voici un aperçu relativement simple présentant ce qui s’est passé le 3 mai, où a commencé la « boule de neige » de mai 1968.

Le doyen de la faculté de Nanterre était quelqu’un de très cultivé : Pierre Grappin avait été résistant durant la seconde guerre mondiale, et un germanophone si averti qu’il réalisa le principal dictionnaire franco-allemand, appelé d’ailleurs « le Grappin ».

Cependant, il avait décidé que l’agitation ayant lieu à Nanterre nécessitait une sorte de pause. Voici sa justification de la fermeture de Nanterre :

« En conséquence, après accord du ministre de l’Education nationale et du recteur de l’Académie de Paris, j’ai décidé de prendre les mesures suivantes : à partir du vendredi 3 mai 9 heures, et jusqu’à nouvel ordre, les cours et travaux pratiques sont suspendus à la faculté des Lettres de Nanterre. »

France-Soir parle alors le lendemain d’une « décision sans précédent », Pierre Grappin disant au journal :

« Il s’agit là de mesures exceptionnelles dont je mesure toute la gravité mais que les excès de quelques-uns ont rendues nécessaires. »

C’est une décision purement administrative, censée calmer le jeu. Cependant, parallèlement, la pression s’exerce sur les rebelles ; la veille de la fermeture, Le Monde constatait ainsi :

« Le parquet du tribunal de Paris a décidé ce mardi d’ouvrir une information judiciaire pour « menaces verbales de mort sous condition et coups et blessures volontaires », à la suite de la plainte déposée par un militant de Nanterre de la Fédération nationale des étudiants de France, M. de Kervenoël, contre un des leaders du mouvement d’extrême gauche de Nanterre, M. Daniel Cohn-Bendit. »

Daniel Cohn-Bendit et cinq autres étudiants étaient également convoqués à une réunion du conseil de discipline de l’Université de Paris.

A cela s’ajoute l’attaque des fascistes du groupe « Occident », raconté de la manière suivante par Marcel Durry,  doyen de la faculté des lettres de Paris :

« Un incendie a été allumé ce jeudi matin à la Sorbonne dans les locaux de la Fédération des groupes d’études de Lettres, l’organisation des étudiants de la faculté des Lettres de Paris.

Le feu a ravagé une salle de réunions et détruit les meubles et le matériel de bureau et les vitres de la salle.

D’autre part, le téléphone a été arraché. Les dégâts sont estimé a à 10.000 francs au minimum.

L’incendie a été, semble-t-il, allumé par des éléments d’extrême droite. Le cercle barré d’une croix qui constitue l’insigne du mouvement « Occident », a en effet été peint sur la cheminée de la pièce. »

Voici la réaction du syndicat étudiant, l’UNEF :

« Les fascistes du mouvement « Occident » ont attaqué la F.G.E.L., l’ont mise à sac et incendiée. Dans le journal Minute paru ce jour même, ils annoncent leur intention d‘attaquer les militants de Nanterre.

La semaine dernière déjà, ils avaient attaqué l’assemblée générale de l’U.N.E.F. et, deux jours après, ses locaux. Les concentrations importantes de troupes fascistes encadrées d’anciens paras ou légionnaires, concentrations qui se font depuis plusieurs jours avec la montée de troupes fascistes de province font peser une lourde menace sur la démocratie et la vie même des militants progressistes.

L’U.N.E.F. appelle toutes les organisations et les syndicats, particulièrement les syndicats d’enseignants, à se joindre à elle pour organiser la réponse aux attaques fascistes. Tenant compte de ces événements, de la liaison manifeste qui existe entre la Fédération des étudiants de Paris et le groupe « Occident », l’assemblée générale de l’U.N.E.F., prévue pour ce jeudi soir, est reportée à une date ultérieure. »

Les activistes de Nanterre font alors un meeting à la Sorbonne le 3 mai 1968 et le recteur de Paris Jean Roche panique devant ces 200 activistes, surtout qu’en raison des menaces d’attaques du groupe « Occident », le service d’ordre est conséquent.

Il appelle la police, qui intervient, provoquant une réaction virulente des étudiants.

Le journal Combat raconte, le lendemain et le surlendemain, les événements :

« Plusieurs centaines de gardes mobiles et de gardes municipaux, casqués, armés de matraques, de boucliers et de gants de protection, ont pénétré à l’intérieur de la Sorbonne par l’entrée principale, tandis que plusieurs centaines d’étudiants massés rue des Ecoles, criaient : « CRS SS », « Gestapo », « Libertés syndicales ».

« Les forces de l’ordre ont gagné la cour intérieure de la Sorbonne où elles se sont déployées en étau. Par une pression lente et continue elles ont refoulé vers la sortie de la rue de la Sorbonne les quelque 400 militants l’U.N.E.F. et des organisations révolutionnaires qui continuaient à y tenir un meeting. »

La police embarqua 574 personnes, mais les étudiants s’étaient alignés sur la position de défense des activistes. L’affrontement était posé, le choc inévitable, de par l’arrière-plan historique : les étudiants se posaient en première ligne contre le régime, s’y opposant de manière frontale.

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Jeunesse Communiste Révolutionnaire : « Travailleurs, étudiants »

Alors que progresse le mouvement de 1968, la Jeunesse Communiste Révolutionnaire entend proposer des démarches concrètes autour de ses mots d’ordre.

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Le troisième numéro d’Action

Le troisième numéro d’Action, au format pdf (cliquer sur l’image pour l’obtenir) ; rappelons qu’il a été lancé comme organe du syndicat étudiant l’UNEF, des CAL (comités d’action lycées) et du mouvement du 22 mars.

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PCMLF : « En avant pour un pouvoir populaire révolutionnaire »

Participant de plein-pied à mai 1968, le Parti Communiste Marxiste-Léniniste de France voyait dans la situation la possibilité de démasquer le Parti Communiste Français devenu à ses yeux révisionniste et de s’affirmer comme nouveau pôle communiste. Voici son communiqué du 20 mai 1968

EN AVANT POUR UN POUVOIR POPULAIRE RÉVOLUTIONNAIRE

Déjouons les manoeuvres des politiciens au service de la bourgeoisie,

Arrachons leur le pouvoir à la base dans les entreprises, dans les universités.

ORGANISONS NOUS A LA BASE ET DANS L’ACTION

 » Pour faire la révolution, il faut qu’il y ait un parti révolutionnaire.

Sans un parti révolutionnaire, sans un parti fondé sur la théorie révolutionnaire marxiste-léniniste et le style révolutionnaire marxiste-léniniste, il est impossible de conduire la classe ouvrière et les grandes masses populaires à la victoire dans leur lutte contre l’impérialisme et ses valets. » Mao Tsé toung

Au troisième jour du grand mouvement révolutionnaire contre le pouvoir des monopoles, la grève paralyse toutes les industries, toutes les administrations et services publics, toute l’université.

Malgré le refus des états-major syndicaux de lancer le mot d’ordre de grève générale illimitée, les travailleurs unis à la base et dans l’action, débordent largement tous ceux qui s’emploient à freiner le développement de la lutte.

Malgré les consignes bureaucratiques et autoritaires de Georges Seguy, secrétaire général de la C.G.T., les Ouvriers pratiquent des formes nouvelles de lutte des classes plus dures et plus efficaces que celles déjà expérimentées en 1936 et en 1947 : par exemple, ils enferment dans leurs bureaux les directeurs et présidents-directeurs généraux.

Au surplus, ils se refusent à limiter leurs objectifs de combat à des revendications seulement sociales, comme le voudraient Seguy et Descamps, et politisent spontanément le mouvement en posant comme exigence prioritaire le renversement du POUVOIR DES MONOPOLES.

De tels faits attestent d’une très grande combativité des masses laborieuses.

Les adhérents et militants de base de la C.G.T. comme du P. »C ».F. agissent souvent de façon positive contrairement aux directives qu’ils reçoivent de leurs plus hauts dirigeants et qu’ils désapprouvent en de nombreux cas.

Face à cette situation dont ils n’ont pas eu l’initiative et qui les a débordés, les dirigeants révisionnistes et réformistes des « grandes centrales », C.G.T. entête, essayent de tenir avec habilité et souplesse leur rôle historique de défenseurs de la société capitaliste, infiltrés dans les rangs de la classe ouvrière.

C’est pourquoi ils multiplient leurs efforts pour empêcher tout contact entre les ouvriers en grève et les étudiants qui ont allumé les premiers, et au prix de leur sang, l’étincelle de la révolte contre le régime qu’incarne le directeur de banque Pompidou.

Ils tentent également d’isoler les grévistes les uns des autres.

Dans ces entreprises, ils reçoivent l’appui actif et intéressé de tous les organes de la bourgeoisie affolée : grande presse, radio et télévision, qui reprennent hâtivement les calomnies et arguties du bureau politique du parti de Waldeck Rochet ou du bureau confédéral de Georges Séguy, et qui utilisent abondamment l’actif soutien apporté à De Gaulle tant par les ultra-révisionnistes de Roumanie que par la clique dirigeante de l’Union Soviétique.

LES TROIS ASPECTS PRINCIPAUX DE LA SITUATION

La situation ainsi créée se caractérise donc :

l°- par la volonté révolutionnaire des travailleurs manuels et intellectuels auxquels vont se joindre les masses paysannes. L’ensemble de ces couches sociales représente l’immense majorité des forces productives de la nation, aspirant au socialisme.

2°- par la résistance du pouvoir des monopoles, que manifestent les nombreuses réunions tenues par Pompidou et ses ministres avec De Gaulle revenu précipitamment de Roumanie en présence des plus hauts responsables des organes répressifs de l’état bourgeois; armée, police, gendarmerie et par l’alliance ouverte dans la rue des groupes activistes gaullistes et fascistes.

3°- par les manoeuvres des dirigeants révisionnistes et réformistes des syndicats, du faux parti communiste, et de la social-démocratie, tous ces politiciens sclérosés et corrompus annonçant à grand tapage qu’ils sont prêts à « assumer leurs responsabilités » et à « s’emparer du pouvoir » tout en s’efforçant de rassurer la bourgeoisie qu’ils entendent sauver et servir une fois de plus.

UNITE A LA BASE ET DANS L’ACTION !

Dans ces conditions, le comité central du Parti Communiste Marxiste-Léniniste de France, traduisant la volonté profonde des travailleurs de notre pays, lance un appel solennel pour que se réalise, à la base et dans l’action, la plus solide unité de combat révolutionnaire entre ouvriers, paysans et étudiants.

Seule une telle unité, solidement implantée dans les usines, sur les chantiers, dans les administrations et services publics, dans les campagnes, dans les facultés, lycées et collèges, peut parvenir au renversement du pouvoir des monopoles, empêcher que la bourgeoisie ne recoure, pour préserver ses intérêts et privilèges de classe, au service des politiciens sociaux -démocrates et révisionnistes, stopper net enfin toute tentative de putch de caractère fasciste.

COMMENT REALISER L’UNITE DU COMBAT REVOLUTIONNAIRE ?

Cette unité est possible à la condition que les masses agissent conformément à la volonté des ouvriers les plus exploités, des paysans les plus pauvres, des étudiants les plus avancés.

Pour permettre à cette volonté de s’exprimer et de se consolider, les masses en mouvement doivent constituer d’urgence et partout, des comités de base, conseils ouvriers, paysans ou étudiants, plaçant sous leur contrôle permanent tout dirigeant qu’elles désignent et qui reste susceptible d’être immédiatement remplacé s’il trahit.

Au surplus, ces comités de base doivent établir immédiatement des liaisons entre eux pour coordonner leur combat.

Si le pouvoir des monopoles est contraint à se démettre, la bourgeoisie essayera de le remplacer par des formes parlementaires qui ont déjà fait la preuve de leur nocivité.

Mitterand, Mendès-France, Waldeck Rochet, et Georges Séguy lui offrent déjà leurs services dans ce but.

Le pouvoir devra rester aux masses populaires dont la vigilance devra s’exercer avec intensité pour empêcher que ne soit usurpée leur victoire révolutionnaire.

Il convient tout spécialement de déjouer les manoeuvres de la social-démocratie qui sont appuyées en sous-main par l’impérialisme américain et de ce fait bénéficient des faveurs des centristes Lecanuet, Giscard d’Estaing et autres réactionnaires de tous poils.

VIVE LE POUVOIR OUVRIER DANS LES USINES !

VIVE LE POUVOIR DES PAYSANS PAUVRES A LA CAMPAGNE !

VIVE LE POUVOIR DES ETUDIANTS REVOLUTIONNAIRES A L’UNIVERSITE !

VIVE LE POUVOIR POPULAIRE ET REVOLUTIONNAIRE !

Paris, le 20 Mai 1968 – 14 heures

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Henri Weber et mai 1968

A la mi-avril 2018, Henri Weber signait une tribune dans Libération, intitulée « Il n’y aura pas un nouveau Mai 68 ». Il y analysait la différence entre aujourd’hui et il y a cinquante ans ; il la signait en tant que « Ancien sénateur et député européen socialiste », mais en réalité son identité politique est bien plus complexe, ce qui donne à son opinion une valeur très importante.

Henri Weber est en effet un des cadres de l’Union des Etudiants Communistes qui donne naissance à la  la Jeunesse communiste révolutionnaire en 1965. Il joue un rôle important durant mai 1968 de par sa fonction au sein de la JCR.

Dans la foulée, il devient l’un des plus hauts responsables de la Ligue communiste (puis Front communiste révolutionnaire, puis Ligue communiste révolutionnaire), étant notamment directeur de l’hebdomadaire Rouge et de la revue Critique communiste jusqu’en 1976, ce qui lui confère un poids idéologique très important.

A cela s’ajoute qu’il appartenait également à la direction de la « Commission très spéciale », c’est-à-dire l’organisation clandestine, à visées militaristes ou militaires, de la Ligue. Le changement de nom de cette dernière a comme origine l’attaque d’un meeting d’extrême-droite en 1973 à Paris, organisé conjointement avec le Parti Communiste Marxiste-Léniniste de France.

Le film « Mourir à trente ans », de 1982, retrace ce moment « chaud » de la Ligue, avant le tournant institutionnel.

Henri Weber reflète justement ce tournant. Il arrête la politique en 1981, pour rejoindre le Parti socialiste, dont il devient une figure d’importance. Voici donc comment il voit les choses, cinquante ans après, à partir de l’identité d’un ex-révolutionnaire ayant rejoint les socialistes.

On est en droit de considérer qu’il réduit tout de telle manière à justifier sa propre position se limitant à une dénonciation du libéralisme économique.

Il n’y aura pas un nouveau Mai 68

Ce qui explique la puissance et l’ampleur du soulèvement de la jeunesse il y a cinquante ans, c’est la combinaison de trois facteurs.

Le premier est «sociétal», comme on dit aujourd’hui, ou culturel : la France s’était beaucoup modernisée sur les plans technologique et économique depuis 1945.

Elle s’était industrialisée et urbanisée à pas de géant. Mais sur les plans des mœurs et des rapports d’autorité elle était restée engluée dans le XIXe siècle. L’autoritarisme et le traditionalisme répressifs, hérités de la société catholique et rurale, pesaient de tout leur poids sur la jeunesse.

La révolte de celle-ci fut d’abord culturelle : capillaire, vestimentaire, musicale, sexuelle, esthétique.

Le second facteur fut politique: dans les années 60 du siècle dernier, «le fond de l’air était rouge», comme le titrait le cinéaste Chris Marker. Les peuples coloniaux avaient pris les armes pour conquérir leur indépendance et volaient de victoires en victoires, au prix de longues et sanglantes guerres de libération nationale.

C’était «l’heure des brasiers». Les «baby boomers» sont venus massivement à la politique par indignation et révolte contre les exactions des impérialismes, occidentaux et soviétique, que leur montrait quotidiennement le journal télévisé.

Le troisième facteur fut universitaire : entre 1962 et 1968, le nombre des étudiants a triplé, sans que les méthodes pédagogiques et les programmes ne soient adaptés à ce nouveau public. La réponse des autorités fut au contraire principalement malthusienne : le plan Fouchet préconisait (déjà !) la sélection à l’entrée des facultés.

A cela s’ajoute en France un autoritarisme patronal spécifique renforcé par la victoire du général de Gaulle en 1958-62. Les syndicats ouvriers en étaient réduits à manifester devant le siège du CNPF (le Medef d’alors) pour obtenir l’ouverture de négociations !

Ce n’est pas par hasard que «l’étincelle» étudiante a si aisément «mis le feu à la plaine» ouvrière. Celle-ci était sèche et archi-sèche.

Cette combinaison a nourri un lourd contentieux entre la jeunesse et la société des adultes. Celui-ci a engendré des situations d’autant plus explosives que la génération des baby-boomers était habitée par un formidable optimisme historique : l’homme avait marché sur la Lune, la croissance économique dépassait 5%, le plein-emploi semblait assuré, la société de consommation, d’abondance, de loisir déployait ses promesses…

Le contexte sociétal, politique, social, idéologique est bien différent aujourd’hui, même si les raisons de mécontentement ne manquent pas.

Le contentieux entre la jeunesse et la société adulte existe, mais il est  incomparablement moins fort. La France de 2018 est beaucoup plus libérale, au sens politique et culturel du terme, que celle des années 60. Le contexte géopolitique et idéologique a profondément changé.

Désormais «le fond de l’air est brun» : les populismes xénophobes et les «démocratures» ont le vent en poupe, les démocraties sont fragilisées et menacées. L’institution universitaire demeure en crise, mais sa réalité s’est considérablement diversifiée.

A côté des «facs parkings» existent beaucoup d’établissements de bonne qualité, voire d’excellence, y compris dans les filières techniques courtes. Ce contentieux est aussi plus fragmenté : beaucoup plus fort chez les jeunes issus de l’immigration et relégués dans les banlieues déshéritées, que chez ceux des centres-villes.

Des conflits sectoriels, durs et prolongés, sont probables, et mêmes inévitables, en cette ère de changements accélérés et de réformes nécessaires et, pour certaines, impopulaires.

Des «convergences» partielles des luttes peuvent se produire, mais sûrement pas une explosion généralisée comparable, même de loin, à celle de 1968. Il faudrait pour cela qu’une alternative politique et sociétale crédible existe et soit portée par des forces capables de la mettre en œuvre.

Ce qui, on en conviendra, est loin d’être le cas. Les syndicats réformistes et la gauche social-démocrate doivent mettre à profit les mobilisations en cours pour faire valoir leurs propres solutions progressistes, alternatives à celles du gouvernement d’Edouard Philippe.

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Écologie

La fin de la « ZAD » à Notre-Dame-des-Landes

Il en est fini de la « ZAD » à Notre-Dame-des-Landes dans sa dimension prétendument rebelle et vraiment anarchiste. L’État a mené hier une opération de grande envergure visant à expulser ce qu’il reste des « zadistes » récalcitrants.

Dix-neuf escadrons de gendarmerie étaient mobilisés, ce qui représente 1 500 à 1 700 militaires. Ils accompagnaient deux huissiers chargés de mener les procédures, des agents de déminage de la sécurité civile, ainsi que des ouvriers (masqués) devant procéder au démantèlement des habitations illégales.

Les moyens mobilisés étaient importants, avec trois véhicules blindés, des véhicules tout-terrains, un hélicoptère, des drones et des tractopelles. L’officier de gendarmerie chargé de la communication a tranquillement et publiquement annoncé tôt dans la matinée les lieux devant être expulsés et détruits :

« de manière à ce qu’il n’y ait pas de surprise et pas d’inquiétude chez ceux qui ne seraient pas concernés » (c’est-à-dire les personnes ayant déposé une demande d’occupation légale des lieux).

Le ton était calme et serein, avec la volonté de montrer la toute-puissance de l’État :

« C’est un site complexe, mais qu’on va traiter de manière méthodique, comme toujours : ordre et méthode, de manière à ce que force reste à la loi. »

En pratique, l’opposition a été faible et très parcellaires, les opérations ont pu être menées facilement et rapidement par les forces de l’ordre.

La résistance des « zadistes » n’a été que symbolique, et bien inférieure à celle des précédents affrontements sur le site. La « ZAD », isolée et repliée sur elle-même, sans cause légitime à défendre, s’effondre comme un château de carte.

Le projet d’aéroport, qui n’était qu’un prétexte à une rhétorique réactionnaire anti-modernité pour la plupart des zadistes, n’est déjà plus qu’un lointain souvenir. Les manœuvres de division et d’encerclement ont fonctionné parfaitement, montrant la faiblesse et la vanité des prétentions anarchistes à affirmer leurs positions.

Libération pouvait citer avec un certain goût du pittoresque les propos d’un zadiste réagissant à l’intervention militaire :

« Enlevez vos armures et vos casques et venez nous voir. Ici, on peut faire des potagers, du pain, de la musique et on peut faire l’amour ! »

Les éléments les plus radicaux n’auront servi qu’à afficher une radicalité de façade, voire plutôt folklorique, à des projets agricoles expérimentaux. La « ZAD », à défaut d’avoir été une place forte de l’écologie en France, aura été une sorte de laboratoire protéiforme et rudimentaire à des projets agricoles et communautaires.

Seules les personnes acceptant l’autorité de l’État vont désormais pouvoir continuer leurs « expérimentations ». Ce « laboratoire » de la « ZAD » devrait maintenant se transformer en une sorte de pépinière servant à la modernisation de l’agriculture capitaliste.

Il ne pourra en être autrement puisque cela est directement encadré par l’État, avec le soutien de différentes autorités institutionnelles.

C’est ainsi que des personnalités avaient lancé récemment « un appel solennel au gouvernement français » pour qu’il laisse du temps aux différents projets voulant continuer légalement sur le site de Notre-Dame-des-Landes. L’idée étant à terme de former un Comité d’Accompagnement et de Conseil, ce qui avait été relayé par les « zadistes » eux-mêmes, sur leur site internet.

On trouvait parmi ces gens, cité en premier, un ancien directeur de recherche à l’INRA. Il s’agit de l’Institut National de la Recherche Agronomique, c’est-à-dire la pointe en termes d’agro-industrie capitaliste encadrée par l’État en France. Suivaient parmi les signataires, différents universitaires, pour la plupart au CNRS, mais aussi d’Agrocampus Ouest, ou alors de l’Office National des Forêts, etc.

La presse a également remarqué que l’un des signataires, Marc Dufumier, professeur émérite à AgroParis Tech, est membre du conseiller scientifique de la Fondation Nicolas Hulot, qui est comme on le sait ministre de l’Écologie.

C’est-à-dire qu’on nage ici dans les plus hautes sphères du pouvoir en France. Il s’agit pour ces gens de revitaliser le capitalisme, par en haut, par les biais de projets individuels, d’entreprises ou de petites entreprises individuelles.

On est ici à l’opposée d’une tradition de Gauche qui, s’appuyant sur le mouvement ouvrier, promeut des solutions collectives et démocratiques, avec une dimension sociale et universelle, plutôt que communautaire.

Le libéralisme communautaire de petit-entrepreneurs agricoles radicalisés va fusionner avec le libéralisme institutionnel de gens ayant fait une carrière universitaires. Voilà ce qu’il restera de la « ZAD » de Notre-Dame-des-Landes dans les années à venir.

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Politique

Gaza : le drame palestinien du 14 mai 2018

Le drame du peuple palestinien, dans le silence. Le 14 mai est passé, mais l’indignation qui a suivi d’une faiblesse extrême. Le peuple palestinien reste victime.

Victime du soutien massif des États-Unis d’Amérique à Israël, jusqu’à cette situation terrible du 14 mai, avec 62 Palestiniens tués, 2400 blessés.

Cela, en raison de l’application sanglante à Gaza, à l’encontre d’un rassemblement de masse, du règlement selon lequel toute personne dans un périmètre de 100 à 300 mètres de la barrière de sécurité serait une « menace » devant être abattue.

Victime du soutien massif des pays du Golfe à l’islamisme, avec le Hamas ayant englouti les initiatives, quand elles ne sont pas démolies par une OLP totalement bureaucratisée et corrompue.

Et prise en otage, dans sa nature, dans son humanité même, par une poignée de radicaux en Europe, qui sont bien plus proches de l’extrême-droite que des valeurs classiques de la gauche et du mouvement ouvrier.

Pendant que les Palestiniens meurent, l’étudiant occupant Sciences-Po lève le drapeau palestinien, le populiste d’extrême-gauche en fait son fond de commerce, le populiste de gauche rêve d’un interventionnisme français impérialiste mais « pour la bonne cause ».

Une situation odieuse, terrifiante même de par le rythme où vont les choses. Car, bien loin des fantasmes sur une résistance palestinienne ayant un poids quelconque, Israël agit en rouleau compresseur.

La Cisjordanie est devenue un protectorat et l’inauguration de l’ambassade américaine à Jérusalem le 15 mai 2018, à l’occasion des 70 ans de la fondation du pays, en est le symbole le plus direct.

Quant à Gaza, cette bande de terre de 41 km de long, avec 360 km² pour pratiquement deux millions d’habitants, c’est une enclave en perdition. Qui, à l’horizon 2020, sera invivable sur le plan de l’eau et de l’énergie si le blocus israélien continue.

Et, donc, bien loin des fantasmes sur la résistance palestinienne qui est désorganisée, corrompue, islamiste, l’État israélien s’en moque totalement. Il a le rapport de forces suffisant, ce que justement la gauche palestinienne avait très bien compris dans les années 1970.

C’est la raison pour laquelle elle avait choisi la voie, évidemment erronée, de la prise d’otages dans les pays occidentaux. Cependant, elle avait vu qu’il y avait un décalage terrible entre l’armée israélienne, moderne et financièrement portée par les États-Unis, et les Palestiniens.

Il y avait une véritable réflexion à ce sujet. Ne pas voir cela est meurtrier, surtout alors qu’Israël a le vent en poupe. Aussi, la tentative de passer en force la frontière séparant Gaza d’Israël, le 15 mai 2018, relève d’un acte stratégiquement erroné.

Israël en a profité pour en rajouter dans sa pression militaire, avec le prix du sang. Comme on est loin de l’esprit, ouvert, tolérant, mis en avant par la candidate israélienne lors de l’Eurovision d’il y a quelques jours !

Et rappelons ici que le manifestations ont rapport non pas avec l’inauguration de l’ambassade, mais avec la célébration de l’anniversaire de la « catastrophe », la Nakba, ayant suivi la défaite de l’offensive militaire arabe à la naissance de l’État israélien.

Ce dernier a célébré sa victoire jusqu’à l’ignominie. Mettant un terme symbolique à tout espoir d’accord de paix, de solution à deux États.

Humiliant l’ensemble des Palestiniens, leur déclarant tout un mépris avec un profond sens de l’humiliation.

Mettant aussi un terme définitif, également, au rêve d’un mouvement démocratique unissant tous les pays arabes. Le silence de ces derniers est assourdissant. Désormais, c’est bien chacun pour soi, de manière décidée, et l’alliance entre Israël et l’Arabie Saoudite se fait donc aux dépens des Palestiniens.

D’ailleurs, à la fin avril, le parlement israélien a voté une nouvelle loi : désormais le pays pourra entre en guerre non pas avec l’aval de la majorité des ministres du gouvernement, mais en cas de « conditions extrêmes » simplement sur décision du Premier ministre et du ministre de la Défense.

Israël s’aligne totalement sur Donald Trump, sur les partisans d’une guerre avec l’Iran, l’Arabie Saoudite rejoignant ce tandem militariste.

La guerre, toujours la guerre !

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Politique

Jeunesse Communiste Révolutionnaire : « Le régime en question »

Au 16 mai 1968, la Jeunesse Communiste Révolutionnaire considère que le régime est aux abois.

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Guerre

Les frappes en Syrie et le complexe militaro-industriel français

Emmanuel Macron est incontestablement un président de la République décidé à affirmer la puissance militariste de la France. A ce titre, il constitue une menace à la fois pour la paix mondiale et aussi pour notre pays en développant la pratique impérialiste.

C’est à ce titre qu’il convient de revenir sur les frappes décidées le mois dernier en Syrie, dans la nuit de du 13 au 14 avril. Hors de tout mandat international, au côté des États-Unis et du Royaume-Uni, elles visaient des sites supposés de production d’armes chimiques, dont la France et ses deux alliés accusent d’utilisation, sans toutefois détenir de preuves formelles, le régime de Bachar al-Assad, lui-même soutenu par la Russie et l’Iran.

Sans revenir sur la question du refus de ces frappes que nous avons déjà exprimé, il faut bien voir que, de toute manière, celle-ci avaient aussi un objectif symbolique, au-delà de toutes considérations tactiques.

Pour la première fois, la Marine française a fait usage de missiles de croisières naval (MdCN), lancés à partir de deux frégates de type FREMM (Frégates Muti-Missions), réputées furtives.

Ces navires ultra-modernes, ont été développés en partenariat avec l’Italie et Général Electrics pour la propulsion et sont capables de déployer 16 de ces missiles. Ils sont assemblés à Lorient, et outre la France et l’Italie, le Maroc et l’Egypte en ont aussi passé commande.

Les missiles en eux-mêmes sont construit par MBDA, une filiale d’Airbus (associé au britannique BAE systems) notamment installée à Le Plessis-Robinson dans les Hauts-de-Seine, mais dont l’usine d’assemblage se trouve à Selles-Saint-Denis dans le Loir-et-Cher, qui produit à elle seule près de mille missiles chaque année.

Cette arme est présentée comme un missile d’une grande précision, utilisant un signal GPS et capable de frapper de manière coordonnée, rapide et précise sa cible depuis une frégate ou un sous-marin. Les sous-marins français devraient d’ailleurs en être prochainement équipés.

L’engin pèse en tout près d’une tonne et demie, pour une longueur de plus de 6 mètres et embarque une charge de près de 250 kg à la vitesse de 800km/h. Il s’agit donc une arme particulièrement horrible et meurtrière, dont le coût à l’unité revient à 2,86 millions d’euros !

La « nouveauté » est que cela donne à la Marine française une capacité de frappe de près de 1000 km, autant dire presque n’importe où dans le monde depuis un littoral, sachant que plus de 70% de la population mondiale vit à moins de 100 km des côtes.

Jusque là, la France ne disposait pas de telles armes et devait utiliser des missiles embarqués sur des avions pour ses frappes. Seuls les États-Unis et la Russie et dans une moindre mesure le Royaume-Uni (mais depuis des sous-marins) avaient la capacité de telles frappes depuis des navires de surface.

Le choix de mobiliser ce nouvel armement, dont les média ont largement relayés l’information, est donc totalement délibéré : il s’agit de montrer les capacités modernes de l’armée française et de la placer au rang des principales puissances militaires. C’est donc une affirmation chauvine et impérialiste de premier ordre.

C’est aussi une opération de communication commerciale, ces missiles étant proposés à la vente depuis 2015, mais seule l’armée française en a jusque là acquis. Pour le coup, il était prévu de tirer 6 de ces missiles, mais seulement trois ont été effectivement lancés, depuis la frégate Aquitaine, la frégate Languedoc ayant échoué à tirer les siens.

Regardons les choses en face. Il est capital de se dresser contre la politique impérialiste d’Emmanuel Macron et de densifier cette opposition en nous attaquant à l’appareil militaro-industriel de notre pays qu’il nous faut identifier et combattre.

Il s’agit là d’une question de civilisation, de rapport à la vie. Ces armes n’ont rien à faire dans nos vies et n’apportent rien de bon au monde. Dénoncer les monopoles de l’armement en France, leurs sites, leurs entreprises, est une tâche nécessaire pour construire une France populaire, démocratique et pacifique.

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Culture

Netta et la chanson « Toy » de l’Eurovision

5,16 millions de téléspectateurs ont regardé avant-hier soir l’Eurovision, cette entreprise de spectacle, plutôt beauf ou au moins kitsch, dans la veine de l’institution italienne du festival de Sanremo.

Artistiquement, c’est souvent faible, même si certaines années ont vu des artistes d’envergure tels que l’auteur-compositeur Serge Gainsbourg y proposer des titres ; plus récemment, c’est devenu une sorte de prétexte à un délire sans trop de prétention, avec costumes délirants, représentations culturelles nationales présentées sous un axe sympa, esprit bon enfant, etc.

Il y a quelque chose de ridicule mais d’irrésistiblement attirant, une sorte de minimalisme régressif mais pas trop. Justement, cette année, il semble que l’accent a été mis sur les chansons à message.

On pense notamment à Mercy des français Madame Monsieur qui évoque le sort d’une enfant réfugiée et le titre de l’Italie chanté par Ermal Meta et Fabrizio Moro en hommage aux victimes des attentats djihadistes. Il y a aussi l’israélienne Netta Barzilai qui a brodé un titre électro sur le thème de #metoo, gagnant finalement l’Eurovision.

Il s’agit d’une pastille très colorée, comme nous y a habitué la pop internationale depuis l’époque de MTV. Des danseuses y changent de tenue à chaque plan dans un décor fait d’artifices visuels, dans un montage découpé à l’extrême. Pendant ce temps-là, la chanteuse explique que les « poules » ne sont pas des jouets, dénonçant le machisme et sa stupidité.

Les références, ou récupérations, sont nombreuses, dans l’imagerie bien davantage que dans la profondeur de l’ambition artistique, on aura parlé de Beth Ditto et de Björk.

Mais le titre Toy a surtout pour objectif principal de faire danser, dans l’esprit simpliste de l’Eurovision. Cette musique electronique est clairement formatée pour les clubs et la diffusion commerciale.

Le texte présente donc par contre plus d’aspérité et cela a frappé les esprits, cela a été vraiment apprécié.

On note ainsi que le clip de Netta ne présente que des femmes, ce qui parait évident vu le thème de Toy, mais marque donc un certain essentialisme : on parle de femmes, pas de genre ou de queer. L’expression des corps -féminins donc- s’impose dans la danse et d’une certaine manière dans une moindre mesure par le chant au travers des onomatopées.

Netta est une femme qui interpelle les hommes, pour leur apprendre des choses, pour les obliger à voir.

Elle rejette l’homme qui se comporte comme un prédicateur des temps modernes et rejette du même geste la superficialité dans les relations (elle moque les smartphones, le bling-bling et les femmes potiches).

Avant tout, elle affirme que les femmes ne sont ni des jouets pour les hommes (d’où le titre !), ni de perpétuels enfants. Netta affirme le caractère puissant et sacré de la femme, les femmes doivent avoir confiance en elles-mêmes!

L’un des ressorts littéraires du texte est l’utilisation du terme d’argot anglophone « buck », qui qualifie les mâles du règne animal en particulier dans le vocabulaire des chasseurs, mais aussi dans l’imaginaire machiste. Netta joue avec ce terme, pour se moquer des hommes au comportement inapproprié et le renverse au profit des femmes pour qualifier son rythme de « motha-bucka beat ».

L’Eurovision est de plus un évènement très populaire qui rassemble probablement plus de 100 millions de téléspectateurs (il n’est pas possible d’avoir des chiffres fiables) dans plus de 40 pays. On doit donc considérer comme positif qu’un tel message, qui dénonce le comportement inapproprié qu’ont des hommes, soit diffusé de manière positif aussi largement.

On retrouve là un mouvement dit « d’empowerment », de prise de parole, de pouvoir comme à pu l’être #metoo sur les réseaux sociaux.

Avec ses limites également, car Netta y fait un constat très subjectif, un point de vue d’artiste en somme, qu’il n’est pas possible de généraliser quand on est une femme du quotidien. C’est dommage, mais c’est un fait : le féminisme se réduit ici surtout à un show et à des bons sentiments.

D’où d’ailleurs l’appréciation unilatéralement favorable de la chanson par la scène « LGBTQ+++ » toujours prompte à récupérer ce qui est démocratique pour célébrer la marge et l’ultra-individualisme. Netta joue il est vrai beaucoup là-dessus également, avec le fétiche du surprenant, de l’étrange, etc.

Le problème qui est la cause de cela, c’est bien entendu que Netta voit les choses avec un prisme qu’on peut qualifier de « Tel Aviv », de cette ville israélienne de fête et de vie sociale bien différente du reste du pays, cultivant une approche festive décadente.

Là on s’éloigne, avec cette esthétique sortant du fun pour passer dans le difforme, du démocratique pour passer dans la mise en scène.

Netta s’insère ainsi donc aussi dans le soft power israélien. Lorsqu’elle dit de manière féministe  « Wonder Woman, n’oublie jamais que / Tu es divine et lui, il s’apprête à le regretter », c’est aussi une allusion l’actrice israélienne Gal Gadot ayant joué Wonder Woman.

Lorsqu’elle dit à la fin de l’Eurovision, après la victoire, « J’aime mon pays, l’an prochain à Jérusalem! », elle met littéralement les pieds dans le plat alors que Donald Trump a rendu ultra-sensible la question de la capitale israélienne.

Ce faisant, elle rate l’universel, que devrait amener l’Eurovision : le dépassement du particulier dans un grand brassage féérique et populaire. Dommage !

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Politique

Le second numéro d’Action

Le second numéro d’Action, au format pdf (cliquer sur l’image pour l’obtenir) ; rappelons qu’il a été lancé comme organe du syndicat étudiant l’UNEF, des CAL (comités d’action lycées) et du mouvement du 22 mars.

 

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Société

La mort de Naomi Musenga : un drame, un crime et non une tragédie

Le 29 décembre 2017, Naomi Musenga, jeune mère apparemment célibataire d’une petite fille de 2 ans, habitant dans un quartier populaire de Strasbourg, est morte selon toute vraisemblance d’une défaillance multiviscérale sur choc hémorragique, selon l’autopsie pratiquée quelques jours après son décès au CHU de Strasbourg.

Le pronostic d’une telle affection, généralement causée par un syndrome d’infection générale de l’organisme est malheureusement très souvent mortel, dans 30% à 100% des cas, en raison de sa brutalité qui nécessite une intervention médicale d’urgence pour rétablir l’homéostasie (soit l’équilibre général de l’organisme).

Le 9 mai, s’est ouvert l’enquête préliminaire devant éventuellement conduire à un procès sur demande du Parquet de Strasbourg suite à une plainte de la famille.

L’émoi national provoqué par cette affaire est la suite de la publication le 27 avril des échanges entre Naomi Musenga et les services de secours par un magazine local au contenu racoleur et suintant la culture « beauf » qui parait sous le titre de l’Heb’di.

Passons sur ce journal, qui a donc publié le contenu des échanges téléphoniques de Naomi Musenga et le SAMU, que celle-ci contacte après avoir eu en ligne les pompiers.

L’opératrice qui la reçoit adopte un ton distant voir franchement moqueur, dans la suite de celui des pompiers qui l’ont reçu en premiers.

Elle finit, contre tout le protocole, et contre tout principe d’humanité par l’abandonner à son sort en lui demandant de contacter elle-même SOS médecins, qui la prend immédiatement en charge. Mais au vu de son état critique, Naomi Musenga décède malheureusement 6 heures après son appel.

Voici l’enregistrement du dialogue (commençant à 1:42). Ce qu’on entend est d’un cynisme froid, glacial. On ne peut qu’imaginer avec terreur ce qu’a dû ressentir la famille de Naomi Musenga à ces mots assassins, cette indifférence immonde.

C’est un drame, et non pas une tragédie. Le destin n’a rien à voir avec cela : la société n’a pas fait son devoir. Cette affaire suscite donc une indignation méritée.

Déjà, il est évident de dire qu’il y a dans cette affaire une part reflétant la culture patriarcale et même raciste qui pourrit les services de secours comme les pompiers, dans une situation de confrontation de plus en plus violente avec des conditions sociales en plein effondrement, notamment dans les campagnes éloignées des centres de secours, de plus en plus concentrés dans les villes, et même au sein de celles-ci, dans les zones dégradées où s’entasse un lumpen-prolétariat rongé par la précarité, les valeurs réactionnaires religieuses, en particulier de l’islam, et la criminalité.

Dans ce contexte, cet appel d’une jeune femme noire, s’est bien entendu heurté immédiatement à une somme de préjugés immondes hantant l’esprit des services de secours, qui ont empêché le pompier qui a reçu l’appel comme ensuite l’opératrice du SAMU de saisir sérieusement l’état de détresse de Naomi Musenga.

Cela est vrai bien entendu, mais il est erroné et injuste que s’en tenir à ce constat. L’opératrice en question est une femme expérimentée, qui a fait déjà une dense carrière au sein des services d’urgence et elle est actuellement effondrée et dépassée par les suites de cette terrible affaire.

Que cette femme puisse avoir été fautive de par ces préjugés ne signifie pas que ceux-ci soit constitutif de sa personne ou de son engagement, en un mot, il est peu probable et c’est peu dire, que cette femme soit une raciste acharnée ayant délibérément abandonné à son sort Naomi Musenga en raison du fait qu’elle fut une habitante noire d’un quartier populaire. Les préjugés racistes de cette femme sont en réalité le fruit de son expérience mal comprise.

N’importe quelle personne travaillant dans les services d’urgence à Strasbourg comme dans les autres métropoles de notre pays fait souvent quotidiennement l’expérience de la confrontation dure et parfois violente avec des personnes précaires, mais pas seulement puisque l’esprit vulgaire et agressif de la bourgeoisie décadente suinte de tout les pores de notre société, lors de leur admission ou de leur arrivée aux urgences.

Ces personnes sont aussi quotidiennement confrontée à une détresse sociale qu’ils perçoivent justement en augmentation et contre laquelle ils ne peuvent pas grand chose, mais aussi diverses magouilles et abus qui usent leur sensibilité.

En un mot, le développement de leurs préjugés sociaux et parfois racistes sont le fruit même de la politique libérale, à l’échelle de la société et même plus directement de l’hôpital en lui-même.

Depuis les années 1980, les services hospitaliers n’ont cessé de faire l’objet d’une offensive prolongée du capital sous l’aspect de réformes libérales prônant la privatisation, la concurrence, la réduction des moyens, la concentration des services et des équipements, le management à la performance et donc l’atomisation des formes du travail.

Aujourd’hui, même l’Etat ne peut plus masquer le terrible constat de l’effondrement général non seulement des urgences mais de l’ensemble du système hospitalier, du moins dans sa capacité à rendre un service public aux masses, étant donné que dans le même temps, on ne peut pas dire que l’accès au soin se soit effondré pour tout le monde.

L’hôpital, comme l’école d’ailleurs, reflète simplement et implacablement la ségrégation croissante produite par le libéralisme. Et bien entendu, cette ségrégation est perçu souvent sous l’angle du racisme. En réalité, il s’agit là de saisir que si cet aspect peut être réel, il n’est pas l’aspect principal de la question.

Naomi Musenga n’est pas morte du racisme à précisément parler, elle est morte du libéralisme. Tous les personnels de la santé, tout les patients des services hospitaliers, connaissent nombres d’anecdotes reflétant de telles « erreurs », avérées ou parfois évitées heureusement de justesse.

Mais cette situation n’est pas uniquement une « faute professionnelle », c’est un état général. Comment penser qu’un opérateur, quel qu’il soit, quelle que puisse être son expérience ou sa conscience professionnelle, puisse gérer parfois jusqu’à 1000 ou même 2000 appels de détresse par jour ? Soit entre 2 et 4 appels par minute en non-stop sur 8 heures de travail!

Et cela sans s’épuiser, sans finir par commettre une erreur ? Sans céder au découragement, sans céder à la perception erronée et superficielle d’une situation aliénante ou presque constamment, on se voit confronter à la misère et à son cortège décadent de comportements, que l’ignominie du racisme, dont l’expression est généralisée dans les services publics, permet d’expliquer en apparence?

Il est bien entendu hors de question de dédouaner cette personne de ces fautes et de ses préjugés, mais la justice bourgeoise n’a rien à dire à cette personne, ni aucune justice à rendre à la famille de Naomi Musenga et aux masses indignées.

L’enquête ouverte par le Parquet en effet s’est fait sur le motif de non-assistance à personne en péril, même si les média ont relayé le fait qu’il y avait une perspective d’ensemble, systémique, à l’attitude coupable de l’opératrice, rien bien entendu ne sera fait pour enrayer la logique libérale.

Le gouvernement, en la personne d’Agnès Buzyn, a convoqué les médecins urgentistes, ce qui est déjà le témoignage d’une vision faussée et bornée du problème, les appels n’étant pas traités par les médecins, et ceux-ci font trop souvent preuve de mépris à l’égard des personnels médicaux, professions souvent plus fémininisées, comme les infirmières, les opératrices ou les aides-soignantes, encore plus exposées qu’eux à la précarité générée par le libéralisme.

Le ministère ne parle que de « dysfonctionnement », de « procédures », de « professionnalisme ».

Bien sûr que cela compte, mais le libéralisme assumé du gouvernement Macron et plus généralement les évolutions de l’Etat bourgeois n’a de leçon à donner à personne, il est le premier responsable de la situation produite par ce terrible incident et de toute façon, tout sera fait pour faire peser sur l’opératrice, voire sur le pompier qui a reçu avant elle l’appel, l’entièreté de la responsabilité de la mort de Naomi Musenga et dans le meilleur des cas, les opératrices bénéficieront de quelques heures de formation bidon à l’« éthique », de quelques recrutements non significatifs.

Mais rien ne sera fait pour changer les conditions inacceptables du travail des services d’urgence. Et nécessairement, implacablement, un tel drame se reproduira. Les faits sont têtus.

Les personnes de Gauche exigent que personne ne soit délaissé, surtout pas et jamais une personne appelant à l’aide, exigent de chaque personne un haut niveau de culture et ne pardonnent donc pas le racisme et les préjugés assassins, mais elles savent identifier et ordonner les problèmes, que la lutte est avant tout politique, systématique et que le pouvoir est la question principale.

L’indignation populaire doit se saisir de cette affaire et se soulever contre Agnès Buzyn, contre le Ministère de la Santé et sa politique libérale meurtrière qui est coupable de la mort de Naomi Musenga et de tant d’autres fautes.

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Culture

Love – Forever Changes (1967)

A sa sortie en 1967, Forever Changes du groupe américain Love n’eut aucun succès. S’il reste encore strictement inconnu du grand public, il est depuis unanimement considéré par les critiques musicaux comme un des plus grands chefs d’œuvre.

Le paradoxe est que, loin d’une sur-esthétisation, d’un intellectualisme élitiste ou quoi que ce soit de ce genre, l’album est bien d’une très grande accessibilité.

On comprend pourquoi il fut l’album préféré des Stones Roses et de leur producteur, justement en raison de cette fragilité jamais gratuite, cette esthétique formidable et jamais ostentatoire, toujours ouverte, lisible, connaissable.

A cela s’ajoute bien entendu une incroyable synthèse de folk, de rock psychédélique, avec des éléments préfigurant la pop, alors que des guitares acoustiques accompagnent une démarche orchestrale.

La chanson Alone again or est la plus emblématique et la plus célèbre (« on dit que ça va ; je n’oublierai pas, toutes les fois que j’ai attendu patiemment pour toi, et tu feras seulement ce que tu as choisi de faire, et je serai encore seul ce soir ma chère »).

La chanson A House Is Not a Motel est également marquante, avec son éloge du couple (« Une maison n’est pas un hôtel de passage »).


Le groupe avait saisi une certaine précarité du mouvement hippie et l’échec de l’album amènera son implosion, avec un basculement encore plus flagrant dans l’héroïne et le LSD.

La critique de la société est profondément romantique, avec une exigence résolument franche d’une autre vie, comme ici avec Live And Let Live (Vivre et laisser vivre) : « J’ai t’ai vu de nombreuses fois de par la passé, une fois j’étais un Indien, et j’étais sur ma terre, pourquoi est-ce que tu ne comprends pas ? (…) J’ai fait mon temps, je l’ai bien servi, tu as fait de mon esprit une cellule ».

Le phrasé de Bummer In The Summer est également très puissant de par sa dimension blues, l’histoire comptant la mésaventure d’un plombier qui a trouvé la femme de ses rêves, mais la jalousie environnante agresse leur relation et lui rappelle à la femme sa liberté.

La référence à Love a été relativement partagée dans le milieu rock, des Ramones à Alice Cooper, de Jesus and Mary Chains à Billy Bragg, de Robert Plant au Velvet Underground, etc. La chanson Alone Again or fut notamment plusieurs fois reprises.

Voici la version des Damned, des Boo Radleys, des Oblivians, de Sarah Brightman, d’UFO, et enfin une version de Bryan McLean, le membre de Love auteur de la chanson et par ailleurs ancien roadie des Byrds.






Il est à noter que ces références à Love profitent également de la chanson Seven and Seven Is, de de l’album précédent datant de la même année, Da Capo, connue pour avoir une très forte dimension pré-punk.

Cependant, au-delà de la dimension expérimentale caractérisant Love, Forever Changes est marquant comme album avec beaucoup de sensibilité, partant selon dans le tourmenté déboussolé, le réconfortant, l’agressif protestataire, le frénétique ; c’est un album qui affirme toute une recherche d’expression des facultés émotionnelles lors de la vague psychédélique et hippie.

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Politique

Jeunesse Communiste Révolutionnaire : « Nanterre : de la contestation de l’université capitaliste à la contestation de la société capitaliste »

La Jeunesse Communiste Révolutionnaire était au moment de mai 1968 une organisation déjà solidement implantée ; même si elle n’est née qu’en 1966, elle profitait d’être construite par le Parti communiste internationaliste né en 1944 et relevant du courant trotskiste dit « frankiste ».

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Société

 » Usul, mon violeur avait le même discours que toi »

Usul est un homme se disant de gauche qui doit sa popularité à ses activités sur internet. Après avoir été chroniqueur de jeux vidéos sur youtube, il a décidé de se lancer dans l’analyse politique, tout en se présentant comme marxiste.

En février 2018, avec sa compagne Olly Plum (« hardeuse » et « camgirl »), il diffuse une vidéo de leurs ébats sexuels, en accord avec sa partenaire. Usul se dit féministe et dans plusieurs de ses vidéos parle du consentement avec l’intervention de Olly Plum.

C’est sur ces points qu’un collectif de cinq femmes : Barbara, Hélène, Léa, Marie et Lucia, qui se décrivent comme « survivantes de la prostitution, du porno et du BDSM (le sado-masochisme) et victimes du discours  »sexe-positif » », interpellent Usul.

Sur leur blog de médiapart « Elles aiment ça », ces féministes de gauches », comme elles se qualifient, accusent Usul de relever d’une démarche inacceptable.

Elles tirent des conclusions en partant de leurs expériences et en viennent à faire une critique du féminisme néo-libéral. Elles considèrent qu’Usul s’appuie sur le féminisme néo-libéral pour justifier son comportement tout à fait représentatif de ceux qui attaquent les femmes en prétendant établir une « libération sexuelle ».

C’est là que réside la polémique entre elles et Usul. Voici le document, qui réaffirme enfin certaines choses élémentaires.

En participant récemment à une vidéo porno tournée par sa compagne camgirl OllyPlum, le youtubeur Usul s’est prononcé en faveur de l’industrie du sexe. L’idée est de nous présenter la “libération sexuelle” comme vecteur d’émancipation des femmes. Le sentiment de trahison est intense pour nous, féministes de gauche, survivantes de la prostitution, du porno et du BDSM.

Une “libération sexuelle”, vraiment ?

Depuis quelques dizaines d’années, l’expression “libération sexuelle” est liée à l’affranchissement du tabou : c’est l’idée qu’une personne pourrait avoir n’importe quelles pratiques sexuelles, notamment sans éprouver d’amour pour son/sa partenaire, l’idée qu’on peut dissocier la sexualité des sentiments et qu’elle n’est pas sacrée, et qu’il n’y a pas à avoir de jugements moraux sur les pratiques sexuelles.

Ces idées sont séduisantes pour les femmes : elles nous évoquent l’espoir de ne plus être traitées de salopes si on aime tel ou tel truc, de ne plus être cantonnées à la sentimentalité et enfermées dans le mythe amoureux, d’être suffisamment à l’aise avec la sexualité pour qu’elle devienne une activité comme une autre, à laquelle ne serait plus rattaché de préjugé social.

Pourtant, dans notre expérience, la réalité que cache la “libération sexuelle” est toute autre :
Là où en tant que femme nous voyions une dissociation libératrice du sexe et des sentiments, nous avons fait face à des hommes qui dissocient sexe et respect de l’Autre.

Là où nous espérions enlever le stigma de la sexualité comme un service, nous avons eu affaire à des hommes qui voyaient l’argent comme une manière de compenser la violence et la dégradation.

Là où nous espérions que l’absence de jugement moral nous protégerait du slut-shaming, il nous a surtout empêché d’avoir un jugement moral sur la violence criminelle qui nous a été infligée.

Si tu veux bien, nous allons te parler un peu de nous

Nous sommes 5 femmes qui avons été victimes des discours du féminisme néolibéral. Quand nous avions 25 ans, chacune d’entre nous tenait publiquement les propos “sexe-positifs” qu’OllyPlum et toi tenez à l’heure actuelle.

On se sent tellement cool à 25 ans à avoir lu Despentes, à lire les discours du STRASS, et à se dire qu’on réussira, nous, à sortir du piège de la sainte et de la pute, qu’on a le droit au plaisir, qu’on est assez forte pour surpasser tout ça.

Aujourd’hui, nous avons la trentaine. Nous souffrons de syndromes post-traumatiques après avoir été violentées, dégradées, frappées, et violées par des mecs de gauche qui défendent ces théories. Et nous prenons soin de femmes qui ont été frappées et violées, sans arriver à se défendre, à cause de ces théories.

Pour nous toutes, les discours que tu défends à l’heure actuelle ont été un piège tendu par les prédateurs, et le bouclier qui leur sert à se défendre.

Pour Marie, Hélène et Léa, le discours sexe-positive a été la tentative inconsciente de “transformer” la violence et le viol conjugaux, en se disant “puisque ce qui excite les hommes c’est la violence et la domination, autant le faire dans un cadre où j’aurais du contrôle dessus” :

“Je m’appelle Léa et j’ai bientôt 25 ans, et jusqu’à il y a quelques mois, je tenais le même discours qu’OllyPlum. Je me suis toujours considérée féministe.

Pourtant, de mes 16 à mes 23 ans, je vivais des actes de violence sexuelle de la part de mon conjoint. J’ai subi des coups, des pressions, des chantages, des pratiques très extrêmes. Il est allé jusqu’à m’“offrir” à ses amis. Le tout sous prétexte de liberté sexuelle.

Pour encaisser tout ça, je me suis réfugiée derrière le discours “ sexe-positif ”, en me disant que j’étais libre parce que j’expérimentais beaucoup de choses sexuellement. Je disais publiquement que j’aimais ça.
A certains moments où nous avions des difficultés financières, j’avais pensé à devenir call girl, ou à faire de la cam. Il avait dit que ça l’exciterait.

Aujourd’hui j’ai pris conscience de ce que j’ai vécu et je me rends compte tous les jours de l’impact néfaste que cela a dans ma vie amoureuse et sexuelle. Je pleure beaucoup, je culpabilise beaucoup, et ma vie sexuelle est une réflexion permanente pour essayer de ne pas reproduire ce schéma de violence auquel j’ai été conditionnée.”

“Je m’appelle Marie et j’ai 28 ans. A 21 ans, alors que je sortais d’une relation violente, marquée par le viol conjugal, je suis tombée amoureuse d’un homme “féministe”. Pourtant, au quotidien, il me rabaissait intellectuellement. Au lit, il m’insultait et me dévalorisait en permanence. Il fait des conférences sur le consentement : il présente le BDSM comme une sexualité libérée et épanouie.

Comme beaucoup, je pensais que j’étais un être totalement libre, et voulais me croire entièrement responsable de mes désirs et de mes choix : j’ai adopté le discours “ sexe-positif ” en clamant que je me soumettais par choix.

Marquée par ces deux relations violentes, aujourd’hui, je peine à avoir des rapports sexuels. J’éprouve du dégoût et de l’angoisse, je pleure presqu’à chaque fois.”

Pour Lucia et Barbara, le discours “sexe-positif” traduisait la volonté d’être “plus fortes” que les blessures laissées par l’inceste et les viols, et la volonté de se sortir de la précarité:

“ Je m’appelle Barbara et j’ai 36 ans. Quand j’avais 24 ans et que je n’arrivais pas à payer mes factures, j’ai décidé de me prostituer. Je clamais que c’était mon choix. Que j’en avais le droit. Je savais que ce n’allait pas me faire plaisir mais je me disais que mieux valait être payée pour être violée vu que de toute façon j’étais sans cesse violentée en soirées alcoolisées… A cette époque je ne compte même plus le nombre de viols subis…

Bref, après deux clients, je me dégoûtais tellement que j’ai vomi deux jours sans arrêter. Non ça n’est pas un job comme un autre. Est-ce que j’aurais pensé à faire ce ”métier » si depuis enfant je ne servais pas de trou à bite ? J’en doute.

Evidemment, quand depuis vos six ans vous vivez l’inceste, vous avez intégré que votre corps appartient aux hommes et pas à vous. J’ai fini en grave dépression avec tentative de suicide. Et j’ai arrêté de faire ça. Je préfère être pauvre que finir le travail de destruction entamé par mes agresseurs.”

Était-ce une libération sexuelle lorsque Hélène s’est prit des coups de poings dans le ventre et que Marie s’est fait traiter de chienne par leurs conjoints sous prétexte de BDSM ? Que Léa a été “prêtée” à des hommes et qu’elle s’est fait uriner dessus sous prétexte de jeux ?

Qu’ Hélène s’est entendu dire par un client cynique – riche PDG parisien qui payait tout son “personnel domestique” pour qu’elles travaillent nues et subissent des actes sexuels quand il lui en prenait l’envie – “tu ne peux pas te plaindre des tarifs ! En tant que blanche, je te paye déjà bien mieux que les asiatiques, les noires et les filles de l’est… que veux-tu, c’est la loi de l’offre et de la demande !” ?

Certaines d’entre nous ont mis plus ou moins de temps à sortir de la maltraitance. Toutes, nous avons acquis lors de violences sexuelles cette capacité – dont parlent Catherine Millet1, et OllyPlum2 – à dissocier nos corps et nos esprits. Un état bien particulier, nécessaire à monnayer le sexe. Sais-tu que cet état porte un nom ?Ça s’appelle la dissociation traumatique.

C’est une “capacité” que l’on acquiert lorsqu’on est victime de violences.Nous t’encourageons à lire les travaux de la docteure Muriel Salmona3 : elle explique très bien comment les femmes qui ont été victimes de violence cherchent à reproduire cette état de dissociation, par le biais de conduites à risque, notamment la prise de drogue, l’automutilation et … la reproduction d’actes sexuels dégradants ou violents (rémunérés ou pas).Le problème avec cette dissociation, c’est que si elle permet de se protéger (et même parfois de donner l’impression de “bien vivre” les choses4) sur le moment, elle a en général des conséquences extrêmement graves sur le corps et l’esprit des femmes, par le biais de symptômes traumatiques.

Plusieurs d’entre nous en souffrons, et nous pouvons t’assurer que ce n’est pas une partie de rigolade : insomnies, cauchemars, flash-backs, somatisations de toutes sortes (vertiges, migraines, maux de ventre ou de dos), sentiments de déréalisation et/ou de mort imminente, psychopathophobie5, pulsions d’autodestruction, hypervigilance, palpitations, crises d’angoisse, attaques de panique, épisodes dépressifs, etc.

Tu vas dire que nous ne sommes que 5 individues à te parler aujourd’hui. Mais sais-tu que 70% 6 des travailleuses du sexe souffrent de syndrome de stress post-traumatique ?


Un “féminisme néolibéral”, au service des prédateurs

Voilà nos réalités, bien sagement cachées derrière le discours du féminisme néolibéral dont tu te fais porte-parole. Cela paraît bien loin des licornes et des paillettes, du discours glamour et libertaire ? C’est vrai qu’il y a de quoi être déçu quand on voit à quel point le féminisme néolibéral est un pro du marketing.

Pour commencer il se fait appeler “pro-sexe”, ou “sexe-positif”. Comme s’il existait un féminisme anti-sexe ou sexe-négatif !

De la même manière que les entreprises font le rebranding du travail (pensons à Emmanuel Macron qui vend la casse des droits sociaux sous le terme de “flexibilité du travail”!), le féminisme néolibéral est devenu expert du rebranding de la soumission et de la maltraitance des femmes :
Un prédateur veut attacher une femme ? Bondage et shibari !
L’insulter et l’humilier ? Jeu de domination !
La battre ? BDSM
La forcer ou la violer ? Jeu de non consentement !
La dissociation traumatique est rebrandée en “subspace”, et tout roule pour les violeurs.

Comme son nom l’indique, le discours sexe-positif tend à rendre positive toute pratique sexuelle, à la rendre valable et acceptable, quel qu’en soit le degré de violence ou de perversion. Pour la justifier, ça ne coûte pas grand-chose aux agresseurs : “ Il y a des pratiques qui peuvent être un peu dures, mais avec un baiser avant ou après, ce n’est pas pareil.7

C’est vrai : avec un baiser avant ou après, on a plus de mal à identifier la violence et à s’en sortir. Léa pourrait te raconter comment l’homme qui a abusé d’elle pendant des années l’embrassait et lui disait “je t’aime” après l’avoir humiliée, étranglée et violentée.


Stratégie de l’agresseur

As-tu déjà entendu parler de “la stratégie de l’agresseur”, cette méthode mise au jour par le Collectif Féministe Contre le Viol8 ?
Grâce à 40 ans d’écoute et d’expertise sur la question des violences sexuelles, les militantes du CFCV ont pu déterminer 5 éléments stratégiques permettant aux agresseurs d’enfermer leurs victimes dans une emprise, afin de les empêcher de se défendre : isoler, dévaloriser, inverser la culpabilité, instaurer la peur, et garantir son impunité.
Si tu veux bien, examinons cette stratégie de l’agresseur à la lumière du féminisme néolibéral :

  1. Isoler : le féminisme néolibéral laisse à chacune la responsabilité de déterminer ce qui est une violence sexuelle et individualise la problématique de la domination
  2. Dévaloriser : il permet aux prédateurs de frapper, humilier, forcer les femmes + les monnayer de manière précaire
  3. Inverser la culpabilité : il dit que ce sont les femmes qui “aiment ça” (les coups, l’humiliation, le travail du sexe), en se gardant de parler de l’excitation traumatique9, ceci donnant aux femmes un profond sentiment de complicité aux violences qui leur sont infligées
  4. Instaurer la peur : outre la peur instaurée par les violences sexuelles, les personnes posant des limites ou des critiques sont par ailleurs mises dans la position d’oppresseurs puritains. Le jugement, dont on pourrait se servir pour se protéger, est présenté comme une pratique dangereuse et réactionnaire.
  5. Garantir son impunité : quoi de mieux pour un prédateur que de pouvoir se dire “féministe” ? Il peut même se positionner en progressiste libertaire (“ je suis si féministe que je pense qu’une femme peut être dégradée sans que cela l’atteigne ! ”)

En fin de compte, le marketing du féminisme néolibéral fournit sans doute le meilleur mode d’emploi jamais créé pour permettre aux prédateurs sexuels d’abuser des femmes sans aller en prison.


Comprendre le consentement à l’oppression, grâce… à tes propres arguments

Dans ta vidéo “L’économiste (Frédéric Lordon)” tu fais une démonstration plutôt développée, que nous avions grandement appréciée, de la pensée matérialiste.

Tu y analyses le prétendu « consentement » au travail salarié, et le mythe du salarié épanoui de sa propre exploitation capitaliste. Tu démontes assez brillamment l’idée de « libre arbitre » promue par les exploiteurs, dans un monde en réalité déterminé par un conditionnement inconscient extrême, par tout un tas de facteurs socio-économiques et par la propagande.

Tu évoques entre autres la notion d’“Angle Alpha”, et le concept marxiste d’aliénation, qui expliquent bien comment nos désirs sont “toujours produits par l’extérieur”, c’est à dire par nos structures sociales10. Enfin, tu cites Lordon disant


Usul, comment se fait-il que tu n’arrives pas à appliquer tes propres développements philosophiques à la question de la sexualité et de l’oppression masculine ?Pourtant, l’exploitation des femmes par les hommes fonctionne de la même manière que l’exploitation des pauvres par les riches : elle se fait passer pour naturelle, méritée et, lorsqu’elle est critiquée, se couvre des apparats du choix personnel et du fun.

Ou pour reprendre encore une fois littéralement tes propres arguments : les femmes deviendront dociles et les hommes pourront régner par “l’amour” plutôt que par la crainte, l’ordre patriarcal a réenchanté l’exploitation des femmes en l’enrichissant d’affects joyeux, et le néolibéralisme patriarcal a réussi à insuffler aux femmes “l’amour” de la situation de travail sexuel et de la soumission.11

Les femmes – comme n’importe quel groupe opprimé – peuvent consentir à leur propre oppression. Et, en fin sociologue, tu le sais très bien : en ne cherchant pas les raisons du consentement, en ramenant la lutte à la question du choix individuel, on dépolitise, et on prive une classe opprimée de sa capacité de lutte. Mettre l’accent sur le consentement (une femme “consent” à être frappée) et jamais sur les nuisances (une femme a reçu des coups) est un pain béni pour les prédateurs.

Ou comme l’explique Catharine MacKinnon “Quand vous dites qu’un homme qui frappe, gifle, étouffe, et blesse une femme a tort seulement parce qu’elle n’a pas « consenti », vous dites que le seul problème de la violence masculine est que les femmes n’ont pas encore appris à l’apprécier.”


Le consentement des victimes est l’ultime bouclier de l’oppresseur

A droite, cela fait des centaines d’années que les prédateurs font porter leurs voix par leurs femmes : elles ont d’abord défilé contre le droit de vote, puis contre le droit à l’IVG, puis contre le mariage pour tous. Elles déclarent à grands cris qu’elles ont choisi, libres de toute contrainte, de penser que c’est à leur mari d’être « chef de famille ».

A gauche, il y a aussi désormais les prédateurs qui font porter leurs voix par leurs femmes : partout, nous allons dire que nous nous “libérons” en couchant sans désir, en nous faisant fouetter, attacher et taper dessus, et en vendant nos culs.

Partout nous propageons le même discours : “libération”, “violence consentie”, “empowerment par la soumission”, « plus je m’approprie et revendique ma soumission au désir des hommes, plus cela fait de moi une femme empowerée libre et forte »12.

Quelle stratégie brillante de la domination masculine ! Depuis des millénaires, diviser les femmes en deux catégories – femmes respectables d’un côté, putes de l’autre – et les laisser servir l’une à l’autre d’épouvantails.

Et nous, toutes occupées à se détester les unes les autres – celles de gauche terrorisées à l’idée de finir murées dans une cuisine et un mariage violent, et celles de droite terrorisées par l’idée de se faire abuser par toutes une série d’hommes objectifiants – nous continuons bien sagement à défendre vos intérêts à nous traiter comme de la merde13.

Le féminisme ”sexe-positif” est vraiment très fort dans son utilisation des femmes pour la défense de leur propre oppression : il a même adopté comme discours officiel « on doit écouter les concernées ». En réalité, ce que nous y avons constaté est qu’on y « écoute les concernées » uniquement quand elles valident la domination.

Dès qu’elles la dénoncent, on les renvoie soudain à des problèmes personnels ou interpersonnels. Pourtant, face au nombre de femmes ayant vécu des traumas et abus sous cette couverture, il est évident qu’on fait face à un schéma systémique et qu’on ne peut pas parler d’exceptions.

La vérité, c’est qu’en quelques années seulement, les arguments du féminisme « sexe-positif » sont devenus une des principales armes des “porcs” : ils ont fait de la rhétorique de l’empowerment un terrible outil au détriment des femmes.


Check ton privilège

Face à Hélène, qui – après avoir été dégradée, violée et battue par des hommes se disant féministes, sous prétexte de travail du sexe, de liberté sexuelle et de soumission BDSM – ne supporte plus qu’un homme la touche, et se réveille en sueur la nuit après avoir cauchemardé de viols et de tortures ; face à Léa et Marie qui explosent en sanglots pendant leurs rapports sexuels et dont les pratiques qu’elles ont subies pourrissent encore aujourd’hui leurs vies sexuelles ; face à Lucia qui nous confie comment la reconstruction d’une sexualité saine avec son petit ami lui est difficile ; face à notre lutte de classe pour sortir de la soumission et de l’exploitation, sous quels termes viens-tu nous parler de sexe ?

“Je suis habituellement dans la polémique permanente, dans le militantisme, les revendications, c’est assez épuisant. J’aime bien avoir cette oasis à côté, c’est du plaisir, du laisser-aller, on n’est pas dans le conflit, c’est juste de l’amour, du partage. Des choses positives. Normalement, le cul, ça ne devrait pas être un terrain sur lequel on s’envoie des fions, de mauvaises ondes. C’était ma petite oasis avec Plum et on va continuer à la cultiver, même dans l’adversité. Je pense que l’agitation va retomber. Ça me fait du bien.14

“oasis”, “amour”, “laisser-aller”, “se faire du bien”, “mauvaises ondes”… MAIS MEC, DANS QUEL MONDE TU VIS ? Faire du travail du sexe, pour toi, c’est juste “du plaisir, du laisser-aller, de l’amour, du partage” ?

À quel point es-tu inconscient de ton immense privilège masculin pour prononcer des phrases pareilles ? Pour ne pas réaliser que là où le sexe et le porno sont pour toi un espace de paix boostant ton estime de toi et ton ego, un “repos du guerrier”, ils sont pour nous un champ de bataille ?

Le privé est politique. Ne plus vivre de violences sexistes et sexuelles est un enjeu politique de la classe des femmes. Marketer cette violence et cette exploitation pour les vendre comme acceptables ou épanouissantes est une stratégie au service des hommes, classe dominante dont tu fais partie.

Toi qui passes ton temps à analyser les schémas de domination, quels degrés de naïveté, de déni, ou d’hypocrisie te sont-ils nécessaires pour ne pas appliquer tes propres raisonnements politiques dans un domaine où tu n’es pas directement en statut d’opprimé15?


Fuck ta libéralisation sexuelle et ta fausse “subversion” : nous voulons une vraie libération

À une heure où, depuis les femmes de chambre jusqu’aux actrices les plus célébrées, il est encore si difficile pour une femme de ne pas vendre son cul et/ou sa dignité (à un mari, un patron, un collègue, une audience) pour réussir, ou juste s’en sortir, Usul, sache-le, qu’un homme vienne nous parler de “subversion” par le travail du sexe, c’est dégueulasse.

Ce que tu défends, Usul, ce n’est pas une “libération sexuelle”, mais une “libéralisation sexuelle” au profit de la classe masculine.

Avec le mouvement #Metoo et #Balancetonporc, nous avons dénoncé les viols et les agressions sexuelles qui se basent sur l’absence de consentement. Mais, si le consentement est un préalable indiscutable, on ne peut aborder les questions du consentement et du désir sans prendre en compte les conditionnements forgés par des siècles de domination et de traumatismes vécus par les femmes, et qui jouent un rôle crucial dans leur soit disant consentement/désir/choix de la violence.

Nous ne condamnons pas les stratégies de survie des femmes, ni leurs désirs : nous dénonçons ceux des hommes.

Quelle que soit la forme qu’elle prend (mariage ou prostitution ; enjolivée par un discours “sexe-positif” ou non), toute forme de sexualité basée sur la dissociation traumatique nous révolte.

Des hommes vraiment intéressés par la défense de nos droits ne se baseraient pas sur notre vulnérabilité, créée par des traumas, pour obtenir des actes sexuels.

Des hommes respectueux de leurs partenaires ne banderaient pas à l’idée de les frapper, de les insulter, ou à l’idée d’une interaction sexuelle consentie contre de l’argent. Nous voulons mettre les hommes face à la violence qu’ils continuent d’exercer, sous le bouclier du marketing “sexe-positif”.

De notre côté, nous rêvons d’une véritable “libération sexuelle” des femmes. Une libération sexuelle qui nous délivrerait du trauma et de la violence. Où le sexe ne serait plus pour les femmes une monnaie d’échange, que ce soit contre de l’argent, de la sécurité, de la visibilité, de l’affection ou même de la gentillesse.

 

Barbara, Hélène, Léa, Marie et Lucia,
survivantes de la prostitution, du porno et du BDSM,
victimes du discours « sexe-positif »

 

(1) https://twitter.com/anti_sexism/status/964179483136806913
(2) Dans sa vidéo “Peut-on monnayer son cul et être féministe ?”, disponible sur Youtube, OllyPlum s’exprime en ces termes : “C’est toute cette violence, notamment sexuelle, qui m’a amenée à travailler dans les milieux du sexe (….). Le viol il est là, quand on s’est fait violée, on peut pas se faire dévioler. Alors oui forcément ça provoque une dissociation entre le corps et l’esprit et après on va investir son corps différemment émotionnellement et du coup, tout un tas d’utilisations du corps qui n’étaient pas disponibles avant, quand le corps était un temple, deviennent envisageables.”
(3) https://www.memoiretraumatique.org/psychotraumatismes/mecanismes.html  

(4) https://www.mumsnet.com/Talk/guest_posts/2799410-Guest-post-I-didnt-think-of-my-prostitution-as-traumatic-but-it-left-me-with-PTSD
(5) Peur de devenir fou/folle
(6) https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/9698636 et https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2615337/“68% des 827 prostitué.e.s interrogé.e.s dans 9 pays remplissaient les critères du diagnostic de Syndrome de Stress Post-Traumatique (SSPT). La sévérité des symptômes de SSPT des participant.e.s à l’étude était équivalente à celle de vétérans de guerre cherchant un traitement, des résidentes de refuges pour femmes battues, et des réfugié.e.s. Une étude faite en Corée trouva que 81% des femmes ayant un passif de prostitution avaient des symptômes de SSPT.”

(7) “Ollyplum et Usul, l’interview décomplexée ”, le Tag Parfait
(8) 0800 05 95 95

(9) L’excitation traumatique désigne la confusion entre violence et sexualité qui imprègne l’imaginaire sexuel des anciennes victimes de violences. Leurs réactions corporelles d’excitation, d’origine traumatique, peuvent les amener à croire que les fantasmes de violence de leurs agresseurs sont en réalité les leurs. Lire le chapitre “La sexualité n’est-elle pas violente par nature?” dans “Les violences sexuelles : 40 questions-réponses incontournables”, de Muriel Salmona
(10) Sur le désir comme construit social et pas uniquement psychologique, voir les travaux de Mélanie Gourarier
(11) Nous avons ici repris les citations que tu as choisies dans ta vidéo sur le consentement, en nous contentant de remplacer “hommes” par “femmes”, et “capitalisme”, par “patriarcat”
(12) Toutes les femmes ne se sont pas laissées berner par un tel discours marketing. Cela est particulièrement vrai pour certaines travailleuses du sexe, qui n’ont pas recours à la rhétorique de la “pute heureuse”, se contentant de mettre en avant la précarité économique qui les amène à se prostituer. D’autres reviennent de ce discours, comme Ovidie, qui a pourtant été longtemps une figure de proue du féminisme pro-sexe : http://brain-page-q.fr/article/page-q/35922-Le-POV-d-Ovidie-le-feminisme-pro-sexe-est-il-mort
(13) Sur le continuum de la violence faite aux femmes et de la monétarisation du sexe que ce soit par le biais du mariage ou de la prostitution, voir le travail de l’anthropologue italienne Paola Tabet

(14) Ollyplum et Usul, l’interview décomplexée ”, le Tag Parfait
(15) Et non seulement tu défends ton privilège de classe masculine mais tu défends ton privilège de classe sociale : en critiquant les techniques oppressives des “pick-up artists”, tu ne faisais en réalité que revaloriser ta propre masculinité ! Voir les travaux de Mélanie Gourarier sur les compétitions entre modèles de masculinité

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Le premier numéro d’Action

50 000 exemplaires du premier numéro d’Action sont vendus à la criée le 7 mai 1968, lors des manifestations. Le voici au format pdf (cliquer sur l’image pour l’obtenir) ; il a été lancé comme organe du syndicat étudiant l’UNEF, des CAL (comités d’action lycées) et du mouvement du 22 mars.

 

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PCMLF : « Travailleurs et étudiants unissez-vous »

Issu en partie du Parti Communiste Français et reconnu officiellement par la Chine, le Parti Communiste Marxiste-Léniniste de France était l’une des deux principales organisations se revendiquant de Mao Zedong alors qu’arrive mai 1968. Voici son tract du 6 mai 1968.

TRAVAILLEURS ET ÉTUDIANTS

UNISSEZ – VOUS CONTRE LE POUVOIR DES MONOPOLES ET CONTRE LE FASCISME!

VIVE LA JUSTE LUTTE DES ÉTUDIANTS !

« Le monde est autant le vôtre que le nôtre, mais au fond c’est à vous qu’il appartient. Vous les jeunes, vous êtes dynamiques, en plein épanouissement comme le soleil à 8 ou 9 heures du matin. C’est en vous que réside l’espoir. »
MAO TSE-TOUNG

Le système capitaliste mondial est entré dans une période de crise économique, politique et idéologique dont il ne se relèvera pas.

La guerre victorieuse du peuple vietnamien ébranle jusque dans ses fondements l’impérialisme américain et stimule les luttes des peuples du monde entier.

Un monde nouveau se lève à l’Orient. La République Populaire de Chine, sous la direction de Mao Tsé-toung, Lénine de notre époque, indique le chemin à suivre pour tous les révolutionnaires.

Les régimes monopolistes des U.S.A. et d’Europe occidentale sentent leur fin prochaine. Pour eux, la seule issue, c’est le recours aux méthodes terroristes de gouvernement, à la violence permanente contre la classe ouvrière et le peuple, c’est-à-dire au fascisme.

La recrudescence de l’activité des groupuscules fascistes du type « occident  » est un signe de cette décadence.

Le journal fasciste « Minute » a ouvertement appelé au meurtre des étudiants, en les désignant sous les termes d' »enragés rouges ».

Il a été suivi en cela, par toute la presse et les moyens de propagande au service des monopoles.

La direction du P.  » C.  » F. est venue au secours du chœur des réactionnaires, en reprenant les mêmes arguments, en appelant à la répression contre les étudiants en lutte, en essayant de dresser la classe ouvrière contre eux.

Leurs manœuvres ont lamentablement échoué devant le soutien actif d’un nombre toujours plus grand de travailleurs aux luttes et manifestations des étudiants.
La faillite de la direction révisionniste du P.  » C.  » F. parmi les intellectuels révolutionnaires annonce sa faillite totale dans la classe ouvrière.

La classe ouvrière, de plus en plus exploitée et opprimée, voit grandir sa colère et envisage de plus en plus l’action directe contre le capitalisme.
L’accueil chaleureux que les travailleurs ont réservé aux marxistes-léninistes le 1er mai, de la République à la Bastille, le prouve assez.

Nos justes mots d’ordre:

o  » Unité à la base et dans l’action « ,

o  » A bas les monopoles « ,

o  » Vive la victorieuse guerre du peuple vietnamien « ,

o les chants révolutionnaires de l' » Internationale – et de la « Jeune Garde » ont été repris tout au long du
parcours par des milliers de voix sans que les permanents révisionnistes aux ordres de Waldeck-Rochet puissent nous empêcher de défiler avec tous les autres travailleurs, et obtenir leur soutien.
Les intellectuels et les étudiants, en particulier les étudiants d’origine pauvre ouvrière et paysanne, ressentent particulièrement la crise qui déferle sur notre société décadente.

ILS ONT RAISON DE SE REVOLTER !

Le plan Fouchet, réforme ultra-réactionnaire de l’enseignement, au service exclusif des monopoles, les touche dans leurs intérêts les plus profonds puisqu’il vise à rejeter la majorité et en premier lieu ceux issus des classes laborieuses de l’Université, à les mettre à la disposition des intérêts capitalistes les plus vils.

TRAVAILLEURS ET ETUDIANTS, UNISSEZ-VOUS DANS LE MEME COMBAT CONTRE LE POUVOIR DES MONOPOLES ET LA MONTEE DU FASCISME !

Les intérêts des étudiants progressistes rejoignent ceux des travailleurs. Il ne peut y avoir d’Université démocratique dans le cadre de la fausse démocratie de la bourgeoisie.

Seul le socialisme permettra la réalisation d’un système nouveau d’enseignement qui réponde aux aspirations légitimes des intellectuels progressistes.

Toutes les solutions réformistes propagées par la fausse gauche  » (Mitterrand et Cie) et par la direction du P.  » C.  » F. ne sont que poudre aux yeux visant à mieux préparer la soumission des intellectuels au système monopoliste d’Etat, en les berçant d’illusions pour qu’ils abandonnent la lutte.

La lutte des étudiants après les grands combats ouvriers de ces dernières années annonce les grands bouleversements qui vont avoir lieu dans les pays capitalistes.
Elle annonce les luttes révolutionnaires de la classe ouvrière et du peuple, luttes qui balaieront le système capitaliste.

C’est pourquoi les étudiants révolutionnaires doivent résolument rejoindre le combat de la classe ouvrière et se placer sous sa direction politique.
Les étudiants en lutte contre les monopoles ne pourront triompher qu’à cette condition C’est pourquoi les militants du Parti Communiste Marxiste-Léniniste de France participent au coude à coude aux manifestations des étudiants et se battent résolument à leurs côtés contre le pouvoir des monopoles.

C’est pourquoi le P.C.M.LF. lutte résolument pour lier le combat des jeunes intellectuels a celui des travailleurs, pour expliquer aux travailleurs le sens profond de la lutte des étudiants, afin de briser l’isolement dans lequel la bourgeoisie et la direction révisionniste du P.  » C.  » F. tente de les enfermer. Il compte également pour cela sur l’aide de tous les anti-monopolistes sincères.

6 mai 1968 – Le Comité central du Parti Communiste Marxiste-Léniniste de France.

– Travailleurs, étudiants, luttons tous ensemble, mobilisons-nous en permanence
contre le pouvoir des monopoles, contre la montée du fascisme !

– Peyrefitte et Fouchet à la porte !

– Grimaud (préfet de police), Roche (recteur) démission !

– Libérez les emprisonnés ! Levez les sanctions !

– Travailleurs, étudiants révolutionnaires, rejoignez le P.C.M.L.F., le seul Parti communiste véritable.

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Politique

1818-2018 : bicentenaire de la naissance de Karl Marx

Il y a deux cents ans, le 5 mai 1818, naissait Karl Marx, dont l’impact dans l’histoire du monde a été immense, puisque un tiers de l’humanité, à un moment, vivait sous un régime se revendiquant de lui.
Karl Marx aurait affirmé, bien sûr, que ce n’est pas son impact qui a causé cela, mais la lutte des classes, car pour lui « l’histoire est l’histoire de la lutte des classes ». Il serait d’ailleurs erroné de faire de Karl Marx un simple intellectuel, coupé de la réalité de son époque.

Une large partie de ses écrits sont de circonstance, provoqués par telle ou telle situation, comme la Commune de Paris, la prise du pouvoir par Napoléon III ou les liaisons faites pour donner naissance à l’Association Internationale des Travailleurs, la première Internationale.

Tous n’ont donc pas le caractère général du Manifeste du Parti Communiste ou du Capital, pour citer les deux œuvres les plus centrales de son travail.

De la même manière, Karl Marx a joué un rôle essentiel dans la naissance du mouvement ouvrier de son pays, l’Allemagne. C’est la fameuse social-démocratie, dont le grand représentant historique est Karl Kautsky.

Si ce dernier est inconnu en France à part des (rares) personnes s’intéressant à cette période – le socialisme allemand est au programme du bac en histoire et il n’est jamais mentionné – il fut le grand théoricien du marxisme, obligeant des gens comme Jean Jaurès, Rosa Luxembourg ou Lénine à lire le marxisme à travers lui.

On sait évidemment ici que si Karl Kautsky est inconnu, c’est que la Gauche française n’a jamais apprécié le marxisme, d’où naturellement sa profonde faiblesse sur le plan des idées. De par la tradition syndicale, apolitique, sous les formes réformiste ou anarchiste, il y a une méfiance profonde pour les idées, la culture, la théorie.

Dans notre pays, on suspecte toujours un intellectuel de vouloir manipuler, tromper, se placer, etc. ; cela fit que dans notre pays, il n’y eut jusqu’ici pas de gens comme Antonio Gramsci, mais uniquement des fortes têtes tonitruantes, ce qui produisit Maurice Thorez, mais également Jacques Doriot.

Même mai 1968 n’a débouché que sur un gauchisme rapidement sans idées, se précipitant dans l’actionnisme le plus dispersé, pour rapidement s’épuiser : au milieu des années 1970, tout est déjà fini, à part pour des débris sincères mais totalement déboussolés, sauf bien sûr pour ceux s’étant repliés dans la tradition française du syndicalisme.

C’est ce qui fait, par exemple, que la vague maoïste, si forte parmi les étudiants alors, a alors rapidement disparu, tandis que le trotskisme a su se maintenir pour plusieurs décennies.

En ce sens, il n’est pas vraiment possible de parler d’un éventuel retour à Karl Marx de possible ; encore eut-il fallu qu’un passage par Karl Marx ait déjà été fait. Il y a bien entendu beaucoup d’intellectuels et d’universitaires qui y font référence, d’une manière ou d’une autre, mais jamais ne s’agit-il de marxisme, au sens d’une idéologie bien définie par le mouvement ouvrier.

En France, le mouvement ouvrier a encore tout à apprendre de Karl Marx, qu’il ne connaît simplement pas. On en est, finalement, avant même la social-démocratie, puisqu’en France les socialistes ont toujours été des républicains de gauche.

Même le Parti Communiste Français n’a pas su dépasser un horizon intellectuel universitaire : on chercherait en vain des analyses historiques matérialistes historiques produits par ce Parti !

Évidemment, certains diront que l’utilisation des concepts marxistes n’est pas forcément utile pour analyser la France, qu’il est plus judicieux de se tourner vers les trouvailles universitaires : le langage inclusif, la remise en cause du « genre », la « racialisation » des oppressions, une lecture tiers-mondiste favorable à la contestation religieuse, etc.

Mais c’est là sortir du mouvement ouvrier. Et justement, il faut savoir si on est dans le mouvement ouvrier historique, ou en dehors !