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Le mouchard, l’anarchiste et le gendarme

Anarchiste, mais dans le respect des procédés de la gendarmerie, s’il vous plaît.

C’est le média Radio bip qui en parle et cela en dit long sur le manque de sens pratique dans l’engagement au niveau de la vie quotidienne. Voici le cœur de l’histoire.

Nous rencontrons David (*) en soirée, un peu en marge de la vieille-ville. Éducateur de profession, le jeune homme n’a jamais caché sa sensibilité au concept de lutte des classes ou aux principes autogestionnaires.

Néanmoins, il ne pensait pas qu’il ferait un jour l’objet d’autant de considération. « Son affaire » commence le 22 septembre 2020, lorsque au petit matin quatre gendarmes entament la perquisition de son domicile et le placent en garde-à-vue. Une audition sous l’égide de la JIRS de Nancy, pour « destruction d’un bien par incendie en bande organisée. »
Quand on commence comme ça, on va où? Et malheureusement on le sait.
Cette première n’ira pas plus loin, le bisontin sans histoire étant relâché et mis hors de cause. « Il m’était juste reproché mes opinions et engagements libertaires, mon apparition auprès des gilets jaunes, ainsi que mes liens présumés avec un autre interpellé » précise t-il.

Alors que « tout cela est derrière lui », il est contacté le 22 mars par la gendarmerie locale.

« Un militaire m’a demandé si je possédais toujours ma voiture, de marque X et de modèle Y. J’ai dis que oui, et il m’a donné rendez-vous à la caserne des Justices en indiquant que c’était pour enlever un mouchard. »

David examine son véhicule, et remarque bien une bizarrerie au niveau du bas de caisse avant-droit. Lui et sa compagne se rendent donc trois jours plus tard aux heure et lieu convenus, où un technicien procède au retrait de cette « petite boite de Pringles. » Installée là depuis mai 2020, dixit l’uniforme. 

Cette histoire est une anecdote, mais qui reflète bien le décalage complet entre la prétention « révolutionnaire » et les actes au quotidien. La moindre des choses, quand on est pour un changement radical de société, c’est de démolir le mouchard et, à la limite, pour le panache si vraiment on veut jouer les anarchistes, d’aller au rendez-vous avec les gendarmes et de le livrer en pièces détachés en souriant.

Mais accepter un rendez-vous pour une pareille histoire, il faut vraiment qu’en France le niveau de contestation organisée soit passée à zéro pour avoir à faire face à une histoire pareille. Quel manque de fierté, quel manque de confiance dans la lutte des classes. Quel avilissement de la Cause!

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Communiqué pour les 45 ans du FLNC

Un bilan et un constat qui ne font pas l’impasse sur les problèmes propres à la Corse.

45ans

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1er mai 2021 et l’ultra-gauche: la CGT donne son point de vue

Le premier secrétaire de la CGT Philippe Martinez a tenu des propos hallucinés en prétendant que c’est l’extrême-Droite qui a attaqué lors du 1er mai à Paris.

On peut tout à fait qualifier de fasciste les partisans de l’ultra-gauche radicale adeptes de la casse urbaine et de l’hystérie anti-police. Seulement pour le faire, il faut au moins une analyse renvoyant l’ultra-gauche radicale à son nihilisme et à l’histoire du fascisme esthétisant la violence gratuite au nom d’un romantisme révolutionnaire.

Tel n’est pas le discours de la CGT, qui raconte surtout n’importe quoi pour ne pas faire de politique, parce qu’elle est anti-politique et qu’elle pourrit la Gauche avec son syndicalisme prétentieux et vain.

Sur la chaîne Public-Sénat, le premier secrétaire de la CGT a insinué que les échauffourées du 1er mai à Paris auraient été organisées en amont et que serait l’œuvre de « l’extrême-droite ». Il a justifié cela par la prise de position récente de la CGT contre la tribune des militaires ou par la défense par son syndicat des « sans papiers ».

C’est totalement ridicule. D’une part, car l’extrême-droite n’en a pas grand-chose à faire des prises de position de la CGT, ni de sa fascination pour les travailleurs étrangers présents illégalement sur le territoire. La CGT ne fait peur à personne et elle sert juste de défouloir pour les commentaires des lecteurs du Figaro.

D’autre part, car l’extrême-droite en France est en pleine recomposition avec un élan nationaliste très puissant, elle a donc bien d’autres choses à faire. Quant aux éléments radicaux d’ultra-droite adeptes du coup de poing, il ne faut vraiment rien y connaître pour s’imaginer qu’ils osent s’aventurer ainsi dans un cortège du 1er mai, surtout à Paris.

La CGT se couvre donc de ridicule, mais elle joue aussi un rôle néfaste en entretenant la confusion sur ce qu’est l’extrême-droite et le danger qu’elle représente. Le risque en France, ce n’est pas un régime « totalitaire » ou la généralisation de pogroms racistes contre les « sans papiers ». Le risque en France, l’actualité, c’est le nationalisme et la tendance à la guerre, avec en face la classe ouvrière et les masses populaires qui sont apathiques et apolitiques, laissant faire passivement.

La CGT ne fait rien contre ça, au contraire même car à bien des égards elle contribue activement à la diffusion du poison nationaliste avec un discours social-chauvin très ancré, sans parler de son syndicalisme beauf plein de rodomontades mais sans résultat face aux restructuratons.

La CGT préfère donc s’inventer des ennemis d’extrême-droite, pour s’imaginer exister et représenter quelques-choses d’important et de positif dans le pays. Elle ne veut surtout pas d’un débat politique, et encore moins avec l’ultra-gauche qui est son partenaire très clair dans les manifestations ces dernières années.

Tant la CGT que l’ultra-gauche ont raconté la même chose ces dernières années, avec un cinéma anti-police, avec une fascination quasi-raciste et anti-ouvrière pour les travailleurs sans-papiers, avec des pleurnicheries complètement décalées sur la réalité du niveau de vie des masses en France, etc.

Tout cela ne mène à rien, à part à se couper définitivement des gens et laisser le champ libres aux nationalistes.

Alors, on ne regrettera pas la faillite de la CGT et l’ultra-gauche. Mais un tel effondrement n’a rien de positif s’il n’y a rien à la place. Il y a urgence à se reconstruire pour la Gauche, la vraie Gauche, celle du mouvement ouvrier et de l’intelligence politico-culturelle.

Il faut briser la guerre à l’intelligence menée par les anarchistes et les syndicalistes!

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1er mai 2021 et CGT: l’ultra-gauche donne son point de vue

L’affaire de l’affrontement CGT et ultra-gauche le 1er mai 2021 n’en finit pas.

Le document suivant exprime le point de vue de l’ultra-gauche entrée en confrontation avec la CGT le premier mai 2021 à Paris. Le document n’est pas garantie, du moins il est très hautement vraisemblable.

Dans sa démarche, il correspond à ce qui a été analysé ici : une scission entre les cégétistes et l’ultra-gauche, dans un contexte d’échec complet du tandem pourtant si uni ces dernières années.

En cela d’ailleurs, une large partie du communiqué est mensonger. Il prétend en effet relever de « l’autonomie » au sens où il serait extérieur aux institutions et a fortiori la CGT. Sauf qu’on n’a rien vu de tout cela ces dernières années. Depuis cinq ans, la CGT et l’ultra-gauche marchent main dans la main dans les protestations.

Que ces gens se tournent aujourd’hui vers l’autonomie a tout à fait un sens, vu que la CGT n’a aucun ambition de transformer la société et s’y oppose culturellement et institutionnellement. Il faut de la politique, pas du syndicalisme, très bien.

Mais prétendre depuis toujours défendre l’autonomie, c’est tout simplement faux. D’où évidemment l’incohérence sur le plan des idées. D’un côté on a par exemple la critique faite de la CGT en 1968… de l’autre on a l’affirmation que la CGT d’aujourd’hui relèverait de restes du « marxisme-léninisme » alors que le premier mai 1968, la CGT affrontait déjà les marxistes-léninistes (c’est-à-dire les maoïstes).

Rien que cet exemple historique montre que le positionnement adopté est nouveau et mal digéré.

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L’ultra-gauche n’assume rien face à la CGT

L’ultra-gauche n’a rien à voir avec les autonomes, d’où son malaise face aux bagarres entre ultra-gauche et cégétistes le premier mai 2021.

Ce qu’a fait l’ultra-gauche ces cinq dernières années, jamais les « autonomes » ne l’auraient fait. Jamais ils n’auraient soutenu les initiatives de la CGT, et pour cause !

Historiquement, les « autonomes » apportent en effet beaucoup car ils soulignent que des pans entiers du mouvement ouvriers ont été intégré dans les institutions. C’est le prolongement du point de vue maoïste. Depuis le premier mai 1968 jusqu’à la fin des années 1970, les « maos » puis les « autonomes » sont hostiles au syndicalisme et en particulier à la CGT qui admet et reconnaît les institutions.

L’ultra-gauche se situe hors de cette tradition. Elle a comme base l’anarchisme et elle soutient le syndicalisme, comme la corde soutient le pendu. C’est un retour à la France du début du XXe siècle, avec ses syndicalistes isolés et des anarchistes marginaux, tous cependant plus bruyants les uns que les autres, pendant que les réformistes occupent le terrain électoral. Avec l’effondrement du niveau intellectuel et culturel en France, on est retombé à ce niveau-là…

Quelle honte ! Être en 2021 et avoir une situation similaire à celle de 1901 ! Quelle honte et quelle catastrophe ! Comme si le capitalisme ne s’était pas formidablement développé entre-temps…

Alors, très clairement, les rodomontades sur la « grève générale » de la CGT et les prétentions au grand soir de l’ultra-gauche sont vaines. Et qui se ressemble s’assemble, comme on l’a vu toutes ces dernières années.

Forcément, dans une telle situation, l’attaque de cégétistes parisiens par des gens d’ultra-gauche fait tâche. Alors l’ultra-gauche en parle sans en parler, avec une hypocrisie qui en dit long sur l’escroquerie que tout cela représente. Sur Pars-luttes.info, on a par exemple un long compte-rendu d’un premier mai 2021 parisien qui aurait été formidable, à tous les points de vue. « Premier mai répressif, premier mai massif » est digne des scénarios hollywoodiens. Mais lorsqu’il s’agit de parler de affrontements avec la CGT… c’est la fuite :

« Une fois arrivés à Nation l’ambiance est vraiment détendue. On traîne, on cause avec les camarades qu’on n’avait pas encore vu, on se repose. Il faut une heure et demi au moins entre les premiers et les derniers arrivés ce qui est important quand même, surtout au vu de la densité du cortège.

Je suis d’un côté de la place qui ne me permet pas de voir l’attaque contre les camions de la CGT qui anime tant les réseaux sociaux et les médias réac. Je ne commenterai donc pas ce brillant moment. »

Lundi.am est tout aussi hypocrite. Organe exprimant le point de vue de « l’autonomie italienne » version intellectuelle et esthétisante, son article « CGT, COLLABOS » est ainsi intellectuel et esthétisant dans un petit éloge du désordre, sans s’engager en rien.

« La machine à indignation pouvait s’enclencher. L’« important groupe d’individus » décrit par le communiqué de l’organisation syndicale est petit à petit devenu un « commando » (Jean-Luc Mélenchon), de « personnes masquées » (Clémentine Autain, portant un masque), de faux gilets jaunes (Céline Verzeletti, secrétaire confédérale de la CGT), « pas venues pour revendiquer » (Philippe Martinez), des « ennemis de classe » (les profs de l’UCL), peut-être bien d’extrême droite (Benjamin Amar, aussi de la CGT), en tout cas des « éléments ultras » (Olivier Faure).

On ne s’étonnera pas que les trotskistes voient quant à eux derrière cette « agression odieuse », la main des « blacks blocs » (Nathalie Arthaud, ou pas), et des « autonomes » (Révolution Permanente, cherchant encore et toujours « le bon côté de la barricade »).

Personne ne sait donc qui a bien pu « organiser » le « guet-apens » dénoncé par Martinez, mais toute la gauche a quelque chose à en dire. L’empressement à se poser en victime et à fantasmer un ennemi intérieur et insaisissable (à la fois fasciste et autonome, GJ et organisé), se calque exactement sur la fabrique des polémiques évoquées plus haut (visant habituellement à dédouaner le maintien de l’ordre). Fabrique qui vise notamment à empêcher de demander « pourquoi » et à resituer l’événement dans son contexte immédiat et historique – s’empêcher de réfléchir, en somme.

Derrière, il y aurait des désirs de révolte, un besoin de désordre : c’est la soupe intellectuelle de « l’insurrection qui vient » et des intellectuels observateurs des « luttes » spontanées.

Quant aux autres points de vue, ils relèvent des professionnels des manifestations parisiennes, qu’on retrouve surtout sur Twitter (comme pour l’exemple suivant), c’est de tout un folklore dont on parle, et le terme est inapproprié car « folklore » parle de culture populaire, alors que là on est dans des choses à 99,999% éloigné du peuple.

Tout cela est coupé du peuple à tous les niveaux. Et le niveau d’analyse est nul : tous ces gens vivent au jour le jour, ils sont entièrement conformes à la société de consommation. Vivement que la Gauche resurgisse pour rejeter aux oubliettes l’anarchisme et le syndicalisme révolutionnaire !

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« ACAB Magnanville partout »

Le nihilisme anarchiste est un sous-produit de notre époque de crise.

Si les anarchistes étaient ce qu’ils étaient 24 heures sur 24, on pourrait leur reprocher bien des choses mais, au moins, ils assumeraient leur vision du monde. Or, le pays semble comme vide des anarchistes à part en quelques rares moments où c’est le jeu de la surenchère, des positions ultras, ce qui n’est rien d’autre que du nihilisme, puisque rien n’est construit à long terme.

En une période de crise, c’est d’autant plus la fuite en avant, comme cet ignoble tag « ACAB Magnanville partout » lors de la manifestation du premier mai. La préfecture de police a engagé des poursuites par ailleurs.

Le préfet de Police a saisi le procureur de la République au titre de l’art. 40 du code de Procédure Pénale suite à la découverte d’un tag injurieux et appelant à la commission de crimes contre les policiers à #Paris11 lors de la manifestation du 1er mai.

Le slogan « ACAB » est d’une stupidité complète. Issu des milieux des ultras dans le football et de la scène skinhead liée au punk, il signifie « All cops are bastards » (« Tous les policiers sont des bâtards »). Absolument tout est y faux : le côté unilatéral, l’insulte elle-même opposée au métissage, et même du point de vue révolutionnaire, si on l’adopte, la confusion entre la police et les policiers.

On est ici dans la même démarche que Ravachol jetant une bombe sur les bourgeois à Paris à la fin du XIXe siècle, par incapacité de saisir ce qu’est une société, la culture, le capitalisme, les classes, l’État, etc. Bref, c’est à la fois une posture et du nihilisme et cela n’a rien à voir avec un positionnement prolongé pour transformer la société.

Quant à la référence à Magnanville, c’est une référence à l’horrible meurtre, indescriptible, d’un policier et d’une agent administratif du ministère de l’intérieur, dans cette ville en 2016. Leur enfant de trois ans et demi est resté indemne mais a bien entendu été terriblement choqué.

Rien que ce dernier détail fait que ce serait à la Gauche de retrouver la personne ayant fait ce graffiti et de s’occuper de lui adéquatement. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que de tels tags valorisent les attentats islamistes. Et c’est fort logique. C’est la même expression de nihilisme, d’agitation éperdue pour tenter de freiner la roue de l’Histoire, de proposer de vaines rébellions totalement éloignées des exigences de la réalité.

Rappelons d’ailleurs que l’ensemble de l’ultra-gauche s’oppose aux mesures anti-COVID, alors que ce ne sont que des gens d’extrême-Droite et des illuminés ésotériques qui le font dans les autres pays… Cela en dit long. On est ici dans un jeu de cinquième colonne : avoir l’air le plus à gauche, pour torpiller la Gauche.

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Les déclarations du 1er mai 2021: la Gauche activiste

L’état d’esprit de la Gauche activiste – syndicaliste pour le 1er mai 2021.

Le premier mai est un marqueur de la Gauche et toujours une occasion de fournir un point de vue sur l’actualité ou bien de rappeler sa vision du monde. En cette période de crise sanitaire, de crise économique, et d’ailleurs de crise morale, de crise culturelle, de crise écologique… bref, dans cette situation tourmentée, c’est d’autant plus important.

La Gauche activiste considère, dans ce panorama, que ce qui compte c’est le rentre-dedans, et que les choses se débloqueront ensuite d’elle-même. Elle est optimiste, entrevoit une grande révolte sociale à court terme et, en apparence, les 100 000 personnes ayant défilé hier sont une preuve de combativité.

Il va de soi que l’aspect syndical est ici principal, puisque les manifestations du premier mai sont en France de nature syndicale et non politique en tant que tel. La CGT, dans sa déclaration du premier mai, souligne bien sûr cette dimension non politique.

« 1er-Mai : ensemble pour les droits sociaux et les libertés

Le 1er-Mai est une journée qui unit internationalement les travailleurs et travailleuses avec leurs organisations syndicales. Le progrès des droits sociaux et des garanties collectives est conditionné à ce que tous les peuples puissent vivre en paix et disposent des libertés individuelles et collectives indispensables à leur développement.

Depuis plus d’une année, la pandémie liée à la Covid bouleverse la vie, le travail, les libertés individuelles et collectives des populations sur tous les continents (…).

De trop nombreux plans sociaux, de restructurations injustifiées, de délocalisations d’activités avec leur cortège de suppressions d’emploi sont en cours. Beaucoup d’entreprises ont pourtant bénéficié d’aides publiques importantes sans aucune contrepartie.

La précarité et la pauvreté gagnent du terrain en particulier chez les jeunes et les salariés fragilisés par des contrats à durée déterminée. De plus en plus, émerge le sentiment d’une génération sacrifiée. 

La réforme de l’assurance chômage, rejetée par toutes les organisations syndicales et qui n’a d’autre but que de faire de nouvelles économies, est poursuivie.

Elle pourrait pénaliser plus 1,7 millions de demandeurs d’emploi, parmi eux les plus précaires et particulièrement les plus jeunes.

Nos organisations CGT, FO, FSU et Solidaires appellent toutes les travailleuses et travailleurs à se saisir du 1er-Mai, partout en France, pour en faire une journée de mobilisation et de manifestation, pour s’engager avec détermination pour l’emploi, les salaires, les services publics, la protection sociale, les libertés et la paix dans le monde. »

Exemplaire de cette approche activiste en ce moment, le Courant Communiste Révolutionnaire du Nouveau Parti Anticapitaliste, dont l’organe est Révolution permanente, appelle à un « plan de bataille à la hauteur de la crise », suivant sa ligne visant à constituer à court terme un « Parti révolutionnaire des Travailleurs ».

L’éditorial du premier mai 2021 de Révolution permanente mentionne donc les récentes luttes, considérant qu’elle forme un nouveau patrimoine qu’il s’agit de cimenter par un « programme d’urgence » (ce qui est en fait la ligne explicitée par Léon Trotski dans Le programme de transition).

« Ce 1er mai et les échéances à venir doivent constituer des points d’ancrages pour penser la suite des opérations. C’est une nécessité à l’heure où les conséquences de la crise vont continuer à s’intensifier. Les mesures de contentions mises en place ne vont pas durer et annoncent des lendemains terribles pour notre camp social. De plus, le gouvernement compte bien chercher à finaliser son calendrier de réforme, en s’appuyant notamment sur les leviers autoritaires renforcés au fil des dernières années.

Ce qu’il nous faut aujourd’hui c’est relever la tête et poser des perspectives à la hauteur. À partir d’un programme d’urgence qui vaille la peine de se battre, en s’appuyant sur le meilleur des méthodes de luttes de ces dernières années en France et dans le monde. »

On notera que ce courant du NPA généralise les initiatives activistes, telle une « précandidature présidentielle », la mise en avant de personnes ayant joué un rôle dans des grèves récentes, une organisation étudiante « le Poing levé » ayant un certain succès, ainsi qu’une structure féministe dénommée « Du pain et des roses », et cela au grand dam du NPA lui-même, toujours plus marginalisé.

L’autre grand courant de la Gauche activiste, ce sont bien sûr les anarchistes, ou plus exactement les « libertaires » puisqu’il y a un refus des idéologies. L’appel « Pour un 1er mai festif et chamailleur » est tout à fait représentatif de cet état d’esprit, avec une farouche opposition aux mesures anti-covid.

« Plus d’un an que la vie sociale s’est arrêtée. Interdite et punie par les administrateur.rice.s de ce monde.
Plus d’un an que l’on ne peut plus se retrouver entre ami.e.s, en famille ou même entre inconnu.e.s. (…)

Aujourd’hui, c’est en Belgique que le ton est donné avec l’annonce de la «BOUM 2» au bois de la Cambre (Bruxelles). Le 1er avril 2021, la Belgique toute entière s’était réunie dans un grand parc pour imposer la liberté et la tolérance pour cette société au bord du burn-out. Une semaine plus tôt, Marseille organisait son traditionnel Carnaval de la Plaine qui a réuni 6000 personnes dans un esprit de révolte et de fête. Au nouvel an 2021, une free-party a rassemblé 2500 personnes en Bretagne sans créer de cluster selon l’ARS. Tous ces exemples sont devenus le théâtre d’une répression policière et judiciaire disproportionnée quand elle n’est pas sanguinaire.

Dans un contexte où l’état policier s’installe et se renforce, épaulé par un état d’urgence sanitaire qui n’en finit plus de ne plus finir. Dans un monde où s’amuser est proscrit… sauf pour les riches. La lutte des classes angoisse les riches et autres puissants, alors donnons leurs raison.

À l’image de nos voisin.es belges, faisons la fête pour célébrer notre aspiration à la liberté, allumons la mèche contestataire par un feu de joie! Réapproprions-nous les espaces publics (balcon, courée, jardins, parcs, rues, quartiers…), organisons des repas, des concerts, des manifestations : soyons inventif.ves et visons large pour faire vivre toutes formes de contestation, festives et révolutionnaires! »

Enfin, du côté de cette Gauche activiste, on a également un document très intéressant, même si assez triste dans la forme, de la part de l’OCML Voie Prolétarienne. Cette structure issue des années 1970 a maintenu une approche « marxiste-léniniste » adoptant dans les années 1990 un tournant mêlant, pour parler à traits grossiers, altermondialisme, esprit communiste libertaire, activisme syndicaliste, initiatives anti-impérialistes, etc.

L’OCML Voie Prolétarienne a alors proposé un style qui a irradié, même à petite échelle, la scène de la Gauche activiste. Mais les forces centrifuges ont eu raison de la démarche. Le premier mai 2021 a été rendu public la résolution du 11e congrès de l’organisation, expliquant qu’entre 2016-2019 cela a été l’effondrement, avec la réduction au niveau d’un cercle, et un bilan pour aller de l’avant.

C’est un bon exemple des soucis de la Gauche activiste, qui souvent, lorsqu’elle réussit quelque chose, perd sa base en raison de fondamentaux non cimentés.

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Les déclarations du 1er mai 2021: la Gauche programmatique

Le point de vue de la Gauche plaçant les fondamentaux au cœur de toute démarche.

La Gauche programmatique est sur le mode défensif, prévoyant le pire et s’arc-boutant sur les principes à maintenir coûte que coûte, cherchant à maintenir les positions sur le long terme. En clair, elle pense qu’elle va être aux premières loges de l’Histoire, mais que celle-ci se fait attendre…

Les communiqués du premier mai sont des affirmations, comme en témoigne l’article « 1er mai : journée internationale de lutte des travailleurs ! » des trotskistes de Lutte Ouvrière.

« La crise sociale s’approfondit. Dans certains pays, et pas parmi les plus pauvres, les sans-emploi, les retraités, les adultes en situation de handicap sont déjà dans la misère. Au même moment, les mille milliardaires les plus fortunés de la planète ont retrouvé en quelques mois leur niveau de richesse d’avant la crise sanitaire. En France, les très grandes fortunes ont vu en six mois leur magot croître de 175 milliards d’euros, le double du budget de l’hôpital public.

À la source de ces richesses, comme de tout ce qui se construit, se fabrique et se consomme dans la société, il y a les travailleuses et les travailleurs de tous les continents. Leur nombre et leur rôle dans l’économie peut leur permettre de changer le monde, s’ils prennent conscience de leur force.

Affirmer que cette force existe à l’échelle internationale, par-delà les frontières, c’est le sens du 1er mai pour le mouvement ouvrier révolutionnaire. »

Le Pôle de Renaissance Communiste en France, qui se pose en alternative au PCF en revendiquant l’identité de celui-ci des années 1970-1980, propose dans sa déclaration du premier mai le « Frexit progressiste », le soutien à l’aile dure de la CGT (qui lui est liée), le vote aux élections présidentielles pour son candidat.

« À l’échelle mondiale, les amis de la paix n’ont rien de bon à espérer de Joe Biden, dont l’accès à la Maison-Blanche s’est traduit par de nouvelles provocations contre la Russie et la Chine populaire, avec une escalade militaire dangereuse des Pays baltes à la Mer de Chine en passant par l’Ukraine et le Caucase, sans compter l’appui à la tentative de coup d’Etat en Biélorussie (…).

Plus que jamais, ce n’est pas avec, mais contre les grands Empires capitalistes en construction, Europe supranationale et atlantique incluse, qu’il faut construire la riposte internationaliste et antiimpérialiste des travailleurs et des peuples opprimés pour l’émancipation sociale et nationale (…).

En France, face à un pouvoir macroniste qui continue de gérer la crise sanitaire de manière calamiteuse et qui annonce déjà qu’il récupèrera sur les travailleurs et sur les services publics les flots d’argent public alloués aux trusts sans contrôle, l’heure n’est nullement à alimenter l’illusoire, creux, voire dangereux “dialogue social” cher à Macron et aux dirigeants jaunes de la CFDT et de la C.E.S., pas plus que la stratégie faillie du “syndicalisme rassemblé” sans contenu revendicatif clair.

Soutenant sans frilosité le renouveau du syndicalisme de classe, les militants communistes ont le devoir de tout faire pour que convergent les luttes et qu’émerge au plus tôt le “tous ensemble en même temps” qui balaiera l’ensemble des contre-réformes maastrichtiennes, les plans de licenciements, les fusions transcontinentales (PSA, Renault, Alsthom…), les euro-privatisations et l’euro-austérité. 

Avec Fadi Kassem, faisons renaître l’espoir en portant une Alternative rouge et tricolore qui, centrée sur le monde du travail et sur la jeunesse populaire, fédérant l’ensemble des couches populaires et moyennes contre le grand capital, balaiera le faux « duel » et vrai duo Macron/Le Pen et attaquera à la racine les processus complémentaires de l’euro-dislocation et de la fascisation pour rouvrir à notre peuple la voie d’une République nouvelle, franchement insoumise à l’UE du capital et en marche révolutionnaire vers le socialisme et vers le communisme.

Du côté maoïste, le PCF(mlm) appelle dans sa déclaration du premier mai 2021, maoïsme oblige, à un bouleversement de la vision du monde.

« La situation se caractérise de la manière suivante : le capitalisme triomphant ne sait plus comment s’étendre, il pratique la fuite en avant, cherchant à façonner l’ensemble de la Biosphère selon ses besoins, à structurer les mentalités dans un sens qui lui soit encore plus favorable, à intégrer la moindre initiative dans quelque domaine que ce soit, en le détournant vers le subjectivisme et la corruption, afin d’ouvrir de nouveaux marchés.

Le capitalisme n’est plus que destruction, déformation, exploitation, aliénation. Et la crise sanitaire a ajouté du déséquilibre au déséquilibre, faisant passer un cap au capitalisme, enrayant son expansion qui l’a puissamment renforcé ces dernières années (…).

Nous tenons bien à insister sur ce caractère nouveau, avec en toile de fond la question du rapport entre l’humanité et la Biosphère qu’est la Terre. La situation actuelle n’est pas une aggravation quantitative de la « mondialisation », ni un sous-produit de la « crise financière de 2008 », ou quoi que ce soit de ce genre. C’est l’expression de toute une expansion ayant atteint sa limite, au niveau planétaire (…).

Depuis les années 1990, la systématisation du capitalisme s’est déroulée à travers un incroyable nombre de formes, depuis les fast-foods jusqu’à Facebook et Instagram, depuis les modes vestimentaires jusqu’au cinéma et les séries, depuis les sports jusqu’aux expressions artistiques et notamment le pseudo « art contemporain », depuis la pornographie jusqu’aux drogues dites récréatives.

Le terme de « mondialisation » est erroné car le capitalisme ne s’est pas développé que dans l’espace : le moindre interstice de la vie quotidienne des gens a été occupé de manière généralisée par le capitalisme, tout leur temps subit les assauts du capitalisme. L’exploitation systématisée s’accompagne d’une aliénation généralisée.

Mais la base même du développement capitaliste est rentrée en conflit avec la réalité et ses exigences ; la crise sanitaire montre que le capitalisme est incompatible avec un développement rationnel de l’humanité et de manière plus générale avec une vie naturelle sur Terre. C’est tout ce processus qui touche à sa fin et appelle à un dépassement, dans une réponse qui ne peut être que mondiale. »

Du côté de la tradition du gauchisme italien (le « bordiguisme »), le Parti communiste international (Le Prolétaire) rappelle dans « Premier mai 2021: quelle lutte pour le prolétariat? » ses fondamentaux, à savoir l’appel à la lutte sociale combinée à l’attente d’un nouveau cycle afin de reconstituer des organismes de lutte à l’instar des années 1920.

« La pandémie du coronavirus a aggravé le sentiment de résignation – nourri par des décennies d’illusions réformistes et démocratiques, de politiques collaborationnistes de la part des syndicats tricolores et des partis faussement ouvriers – qui depuis trop longtemps à affaibli les énergies prolétariennes de lutte.

Comme toutes les crises sous le capitalisme, la crise sanitaire qui bat toujours son plein, s’ajoutant à une crise économique déjà présente, a frappé le plus durement les masses prolétariennes (…).

Il n’y a pas de doute que depuis un siècle le capitalisme s’est développé dans le monde entier, et que les bourgeoisies sont devenues beaucoup plus fortes et plus puissantes. Mais cette puissance repose sur  l’exploitation du travail salarié, sans laquelle les capitalistes ne peuvent pas extraire la plus-value indispensable à la vie et à la croissance du capital. Les ouvriers sont indispensables aux capitalistes ; et ils sont tellement indispensables que tout le développement capitaliste qui a embrassé le monde n’a pu se faire qu’en constituant de plus en plus d’armées de prolétaires, de travailleurs salariés partout où il n’y avait autrefois que des paysans ou des populations primitives.

Aujourd’hui plus encore qu’hier, le mot d’ordre communiste : Prolétaires de tous les pays unissez-vous ! effraie les gouvernements du monde entier car le cauchemar de la bourgeoisie est que  cette immense armée d’esclaves salariés prenne conscience de sa force sous la direction de son parti de classe (…).

Rompre le pacte de collaboration avec les capitalistes et leurs dirigeants est donc le premier grand objectif de la lutte de classe prolétarienne. Et cette rupture se réalise par la réorganisation des organismes de classe pour la lutte de défense exclusive des intérêts immédiats du prolétariat.

A partir de là, et du développement de cette lutte, le prolétariat peut réaliser que sa lutte ne peut se limiter à ces objectifs immédiats, mais qu’elle doit les dépasser en se hissant au niveau politique général, c’est-à-dire révolutionnaire, y compris parce que la classe dominante utilise et utilisera son pouvoir politique et son Etat pour maintenir le prolétariat dans sa situation d’esclave salarié.

Dans ce chemin long et tourmenté vers son émancipation, le prolétariat devra compter non seulement sur sa force sociale, mais aussi sur son parti de classe, car celui-ci constitue et représente la conscience de classe, la conscience des objectifs suprêmes de la lutte révolutionnaire. »

Minoritaire, isolée même, la Gauche programmatique considère que les choses sérieuses n’ont pas commencé, et se met pour ainsi dire dans les « starting-blocks ».

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Politique

1er mai 2021: pour une Gauche de la culture face au nationalisme et au militarisme

Le capitalisme en crise produit le repli sur soi et une compétition internationale acharnée. L’alternative est démocratique et populaire, pour et par la culture.

Le premier mai est le jour international de la Cause, celle des ouvriers et de tous les travailleurs, celle du Socialisme. C’est le jour du drapeau rouge, qui symbolise la bataille pour une économie collective et planifiée, pour une société entièrement démocratique, pour les progrès de la civilisation.

Ces progrès de la civilisation peuvent-ils être dictés par Google, Amazon, TF1 et Bouygues ? Peuvent-ils consister en l’art contemporain, la consommation effrénée des réseaux sociaux, le carriérisme individuel, les fuites idéalistes telles les idéologies transgenre ou racialiste ?

Certainement pas. Les progrès de la civilisation ont comme substance l’évolution historique, le développement du patrimoine. C’est cela la culture classique que défend la Gauche, avec comme objectif civilisationnel de chercher à renouveler, à dépasser les classiques, toujours sur la base du réalisme, par l’ancrage dans le réel et la réalité populaire.

Qui ne saisit pas cet aspect culturel passe à côté de son époque, alors que la société de consommation permet aisément à n’importe qui de faire n’importe quoi en obtenant une « reconnaissance » sociale. Tout devient marchandise et le mois de mars a été riche en exemples : une « oeuvre numérique », « Everydays: The First 5000 Days », a été vendue 69,3 millions de dollar, alors que le premier tweet sur Twitter a été vendu 2,9 millions de dollars et que la paire de baskets Nike Air Yeezy 1 portée par le rappeur Kanye West qui en est à l’origine a été vendue 1,8 million de dollars.

L’image animée humoristique « Nyan Cat » a été vendu 737 000 dollars et le « meme » intitulé « Disaster girl » plus de 600 000 dollars en cryptomonnaie, cette autre tendance à la spéculation forcenée.

Tout cela est décadent, subjectiviste, anti-culturel. C’est le capitalisme qui se nourrit de lui-même Le capitalisme divise pour régner et il fait en sorte qu’il y ait toujours plus de divisions, pour disposer de davantage de marchandises, de davantage de consommateurs.

On ne peut pas être de gauche et accepter de participer à ce sinistre jeu consommateur. Il faut être à la hauteur moralement et culturellement, en particulier avec les animaux qui sont clairement les premières victimes d’une marchandisation d’absolument tout et même de la vie.

La crise sanitaire du au COVID-19 provient d’ailleurs directement d’une destruction de l’habitat naturel des animaux, de la vie sauvage en général. Cela avait été un thème émergeant de manière assez nette au départ de la crise… Avant d’être totalement passé sous silence du côté des médias, en raison de ce qui en découlait forcément : le besoin et la nécessité de transformer le monde.

L’avenir de la Gauche passe ainsi par la culture et la reconnaissance de la Nature, c’est-à-dire en fait dans le prolongement naturel du Socialisme en tant que bienveillance absolue. Mais pour cela, il faudra savoir affronter le nationalisme et le militarisme, c’est-à-dire le fascisme et la guerre, car le capitalisme compte se survivre à lui-même.

Il ne réussira pas, l’avenir est démocratique et populaire, un avenir porté par le drapeau rouge !

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Politique

Comment certains relativisent la tribune putschiste des militaires

L’esprit petit-bourgeois ne peut pas saisir la gravité de la situation.

Quand on est de gauche, on prend la situation très au sérieux. On sait que les choses tournent mal, qu’on va à la catastrophe. La Droite cherche à emporter toute la société, par un vaste recadrement. En ce qui concerne la tribune des militaires appelant à une intervention de l’armée si rien ne change, on ne saurait donc avoir une attitude de moquerie, comme le Canard enchaîné du 28 avril 2021.

« Des militaires à la retraite appellent à l’insurrection
Une vraie tentative de coup d’Ehpad? »

Ce titre du Canard enchaîné reflète un esprit relativiste et hypocrite. Le journal parle de « racornis du képi », de « naphtalinés de la fourragère et du galon », avec une argumentation qu’on retrouve un peu partout, notamment au gouvernement ou à la tête de l’armée. Il s’agirait de militaires âgés et déconnectés, sans aucune prise avec le réel. L’âge avancé leur aurait tourné la tête et ils ne seraient de toutes façons pas dangereux (un blog d’ultra-gauche parle de « putsch en charentaises »).

Mais enfin les journalistes du Canard enchaîné ne sont pas armés de leur côté et pourtant leur arme idéologique joue un vrai rôle. Il est bien connu que cet organe de presse est celui des révélations en apparence, en fait celui des coups indirects, des coups par la bande, des coups fourrés. Historiquement, le Canard enchaîné a joué pour cette raison un rôle de premier plan en torpillant le candidat de la Droite François Fillon pour une présidentielle de 2017 emportée par Emmanuel Macron grâce à cette nouvelle situation. C’est une forme de coup d’État.

Et c’est très français. La France a une longue tradition de vague putschiste, présente à tous moments de l’Histoire depuis 1789. Napoléon Bonaparte, Napoléon III, le général Boulanger, les maréchaux en 1914, la tentative de février 1934, le colonel La Rocque tout au long des années 1930, le maréchal Pétain en 1940 et le général de Gaulle en 1958 (voire même en 1940 en fait)…

Et c’est le même petit monde. Lorsque de Gaulle publie en 1932 Le Fil de l’épée, il le dédie au maréchal Pétain. Tous ces gens se sentent investis d’une mission. C’est très catholique à la française, c’est très « capitaine d’industrie » à la française, c’est très « cadre financier » à la française.

L’idée d’un rétablissement de l’ordre par en haut correspond à l’esprit très français de la reprise en main, de la gestion technique des questions étatiques, d’un esprit administratif-bureaucratique. Les monopoles français se sont toujours reconnus dans l’organisation de l’armée et inversement, avec la mentalité de cadre et l’esprit de corps, la mégalomanie des grands projets, les décisions par en haut.

Faut-il d’ailleurs rappeler que la tribune a été publiée sur Valeurs Actuelles, l’hebdomadaire de la Droite la plus active et la plus dure ? Souvenons-nous que le régime lui-même correspond à cette mentalité, puisque la cinquième république est née d’un coup d’État et est fondée sur le principe de l’homme providentiel. Que la politique, en France, est considérée depuis Catherine de Médicis et le 16e siècle comme relevant du machiavélisme. La politique, ce sont les coups, les opérations marquantes, les prises de guerre, etc. Faire de la politique ce serait agir tel un ogre, avec un appétit insatiable et en fomentant des coups. Même l’ultra-gauche voit en la politique la prise d’un forum Discord par-ci, le vol de militants par là !

Tout cela est pathétique et explique culturellement, idéologiquement, particulièrement bien la situation française.

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Politique

La France compte expulser dix Italiens pour « terrorisme »

C’est une mise en scène pour renforcer la vision dominante du monde.

Il existe une tradition française, dénommée la « doctrine Mitterrand« . Elle vise à accueillir en France des gens relevant de la Gauche italienne ayant fait le choix de la lutte armée dans les années 1970-1980, en échange d’un arrêt de la politique. L’Italie a alors feint de protester mais cela l’arrangeait beaucoup que ses « rebelles » disposent d’une porte de sortie individuelle, alors que 10 000 personnes avaient à faire à la justice pour des activités de « terrorisme ».

L’organisation la plus célèbre et la plus large était alors les Brigades Rouges, qui opérèrent par la suite en 1982 une « retraite stratégique » en tant que « Brigades Rouges pour la construction du Parti Communiste Combattant ». Les Brigades Rouges avaient la même idéologie que la « Gauche Prolétarienne » française, qui de son côté passa dans le populisme avant de se dissoudre.

L’État italien est extrêmement strict pour tout ce qui est en rapport avec les Brigades Rouges, au point qu’il existe l’acte d’accusation de « bande armée sans armes ». Les Brigades Rouges sont un tabou absolu, même si depuis quelques années, alors que le pays bascule dans une vague réactionnaire populiste, c’est un thème régulier des médias à l’occasion de rappels d’événements historiques.

Dans ce cadre, l’État italien est revenu à la charge en demandant à la France d’extrader 200 personnes. La France vient de céder au sujet de dix personnes, en prétextant qu’elles seraient liées à des « crimes de sang » et donc non concernées par la doctrine Mitterrand. Ce qui est un non-sens puisque on parle ici de lutte armée de toutes façons…

En pratique, ces gens servent de symbole répressif plus qu’autre chose, puisqu’on parlent de gens insérés en France depuis plusieurs décennies, de manière ouverte, sauf pour Raffaele Ventura, Maurizio Di Marzio et Luigi Bergamin qui sont en fuite. Les sept autres sont Marina Petrella, Giovanni Alimonti, Enzo Calvitti, Roberta Cappelli, Giorgio Pietrostefani, Sergio Tornaghi, Narciso Manenti. Même Nicolas Sarkozy avait refusé d’extrader Marina Petrella en 2008.

Le ministre français de la Justice, Eric Dupond-Moretti, révèle tout à fait la nature idéologique de l’opération en disant :

« Je suis fier de participer à cette décision qui, je l’espère, permettra à l’Italie, après quarante ans, de tourner une page de son histoire, qui est maculée de sang et de larmes (…). Entre 1969 et 1980, cette période qu’en Italie on appelle la période de plomb, ce sont 362 personnes qui ont été tuées par ces terroristes, et 4 490 blessées ».

40 ans après, tourner la page ? La dimension politique est évidente, tout comme l’Élysée assimile la lutte armée italienne au djihadisme :

« La France, elle-même touchée par le terrorisme, comprend l’absolu besoin de justice des victimes. Elle s’inscrit également, à travers cette transmission, dans l’impérieuse nécessité de la construction d’une Europe de la justice, dans laquelle la confiance mutuelle doit être au centre »

Cette affaire n’est de fait rien d’autre qu’une entreprise de guerre psychologique, un moyen de présenter les choses selon un certain angle en ce qui concerne la question du pouvoir. C’est très conforme à une époque de crise où les tensions ne cessent de monter.

Le Monde fournit de manière suivante la biographie des personnes menacées d’extradition :

« Qui sont les sept Italiens arrêtés ?

Marina Petrella

Cette ancienne des Brigades rouges a été condamnée pour le meurtre en décembre 1980 d’un général des carabiniers, ainsi que pour l’enlèvement d’un magistrat en 1982, pour une tentative d’homicide la même année contre un vice-préfet de police de Rome, pour l’enlèvement d’un responsable de la Démocratie chrétienne près de Naples et pour le meurtre de ses deux gardes du corps.

Roberta Cappelli

Cette ancienne brigadiste a été condamnée à la perpétuité, notamment pour « association à finalité terroriste » et pour sa participation à un « homicide aggravé ». Elle est considérée comme responsable du meurtre du général Galavigi en 1980, de celui d’un policier, Michele Granato, en novembre 1979, et d’avoir blessé plusieurs autres personnes.

Sergio Tornaghi

Cet ex-membre des Brigades rouges est accusé notamment du meurtre d’un industriel à Milan, Renato Briano, en novembre 1980, et de celui d’un directeur d’hôpital. Il a été condamné à la perpétuité pour, entre autres, « participation à une bande armée »« propagande terroriste »« attentat à finalité terroriste ».

Enzo Calvitti

Lui aussi membre des Brigades rouges, il a été condamné à une peine de réclusion de dix-huit ans pour des délits d’« association à finalité terroriste » et « participation à une bande armée ».

Giovanni Alimonti

Condamné, entre autres, pour la tentative d’homicide en 1982 d’un vice-préfet de la police de Rome, tout comme Marina Petrella. Il doit exécuter une peine de onze ans et demi de prison, pour « participation à une bande armée » et « association à finalité terroriste ».

Narciso Manenti

Membre des Noyaux armés pour le contre-pouvoir territorial, il a été condamné à la perpétuité pour le meurtre d’un gendarme, Giuseppe Gurrieri, en mars 1979. Réfugié en France, il s’est marié en 1985 avec une Française.

Giorgio Pietrostefani

Cet ancien dirigeant de Lutte continue, un mouvement marxiste ouvriériste, a été condamné à quatorze ans de réclusion pour le meurtre, en 1972 à Milan, de Luigi Calabresi, un commissaire de police.

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Guerre

Ukraine: l’Allemagne se pose comme grande puissance

L’Allemagne et son satellite autrichien s’opposent à toute initiative contre la Russie.

Les vols d’avions de reconnaissance ne cessent pas autour de la Crimée et du Donbass, ainsi que les centaines de tirs d’artillerie entre les troupes ukrainiennes et celles des séparatistes du Donbass. Les initiatives continuent, comme tel ministre ukrainien disant qu’il faut que les missiles soient orientés pour « viser » les centrales nucléaires russes ou tel ou tel pays expulsant des diplomates russes (comme le 27 avril avec l’Ukraine avec le consul russe d’Odessa, la Roumanie avec un diplomate russe, etc.).

Mais l’aspect le plus important, au-delà de ce qui forme un sordide arrière-plan, c’est l’irruption de l’Allemagne dans la partie, comme grande puissance. Elle a cherché à reculer ce moment, avec la crise désormais elle n’a plus le choix. Et son affirmation a joué un grand rôle dans l’affaiblissement momentané de la crise armée se profilant en Ukraine.

L’Allemagne considère en effet que pour devenir une grande puissance, elle ne peut pas se passer ni de la France, ni de la Russie. Cela lui accorde plus de surface militaire et diplomatique, davantage de matières premières. Il s’agit de faire le poids, à terme, face à la superpuissance américaine et à son challenger chinois. L’Allemagne se verrait bien comme la Macédoine après qu’Athènes et Sparte se soient épuisés.

Le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas, et le chancelier autrichien, Sebastian Kurz, s’opposent ainsi à toute initiative venant de la part de l’Union européenne ou de l’OTAN à l’encontre de la Russie. C’est une confrontation ouverte avec les exigences américaines. Et c’est de ce fait une affirmation de grande puissance.

C’est un choix stratégique mené au plus haut niveau. Pour donner un exemple, l’ancien chancelier social-démocrate Gerhard Schröder (en poste de 1998 à 2005) a travaillé pour Gazprom et Rosneft, les deux grandes entreprises russes dans le gaz et le pétrole. Et l’Allemagne assume de se confronter aux États-Unis qui veulent empêcher la mise en place du Nord Stream 2, qui va doubler l’arrivée de gaz russe en Allemagne.

Source: WIkipédia

Le Nord Stream 2 est terminé à 95% mais les Américains veulent empêcher sa mise en place. Antony Blinken, secrétaire d’État américain, expliquait le 23 mars 2021 au sommet de l’OTAN que :

« Ce projet est en contradiction avec l’objectif de sécurité énergétique de l’Europe. Il risque d’affaiblir l’Ukraine et va contre les intérêts de la Pologne et d’autres alliés. »

Pour l’Allemagne, il en est hors de question. Et cela en fait une grande puissance dans le jeu sinistre de la bataille pour le repartage du monde. C’est la fin de l’Allemagne dépendante des États-Unis depuis 1945, c’est en quelque sorte un acte d’indépendance, pour les plus grands traits de son orientation. C’est plus qu’inquiétant, car cela rajoute un compétiteur dans l’affrontement général.

Et la France d’Emmanuel Macron suit en grande partie l’Allemagne, toute en suivant également les États-Unis, ce qui est intenable. Cela va provoquer une instabilité politique très forte en France, avec une bataille entre les pro-américains, les tenants du cavalier seul, les pro-allemands, les pro-russes. Cela sera sans nul doute la question centrale à l’arrière-plan de la présidentielle de 2022.

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Écologie Société

L’enfer est pavé de bonnes intentions: les chats errants

Dans cette série d’article, nous vous proposons d’aborder des attitudes tirées de la vie quotidienne, illustrant le chaos de la société française du XXIe siècle. Des mentalités et des actes illustrant la célèbre expression « l’enfer est pavé de bonnes intentions ». Abordons aujourd’hui la question du nourrissage des chats errants.

Des chats abandonnés et non stérilisés se retrouvent dans le rue du jour au lendemain sans comprendre ce qui leur arrive. Et n’en déplaisent à l’individualiste sans âme qui s’imagine que cet acte immonde n’impactera qu’un seul animal, ce nouveau chat errant reste un animal et se comportera selon sa vraie nature. Ainsi, les femelles auront une première portée, puis une deuxième, puis une troisième… jusqu’à ce qu’elle soit recueillie par une association (dans le meilleur des cas), ou jusqu’à ce qu’elle agonise dehors. Ses petits vivront eux aussi dans la même précarité, pour ne pas dire la même détresse. Et le cycle continuera.

Certaines personnes, pleine de bonnes intentions, décident alors individuellement d’aller donner à manger à ces chats errants. Certaines donneront tous les jours au même endroit, d’autres de façon plus disséminée dans le temps et l’espace. Quel est le donc problème ? Les chats ont faim et soif, des personnes leur viennent en aide, tout semble correct.

Le problème est que, sans le vouloir, ces personnes peuvent mettre des bâtons dans les roues d’associations s’occupant de chats errants. Ces dernières essaient de les attraper afin de les stériliser à l’aide des trappes, ce qui ne fonctionne plus si des individus isolés les attirent ailleurs avec de la nourriture.

Ceci a été exprimé très clairement par l’association Pattes-en-rond du sud de la Seine-et-Marne mi-avril, via un message Facebook sans pincettes envers une dame qui continue de nourrir des chats. Et ce alors que l’association lui a demandé d’arrêter pour qu’une chatte puisse être attrapée et stérilisée :

« Donc pour faire simple : les personnes qui nourrissent les chats dehors sans les stériliser, vous n’aidez pas ces chats : vous prolongez leur agonie dans la rue et l’agonie de leur descendance.

Ce que vous faites est ignoble. Quand on décide de nourrir des chats, on fait appel à une asso pour stériliser, on participe à la capture pour offrir une meilleure vie à ces chats. On ne les nourrit pas sans leur apporter les soins dont ils ont besoin, on n’entrave pas les tentatives de secours. Ce n’est pas aimer les chats de faire ça ni même les aider.

La tricolore va finir par mettre bas dehors comme une merde dans la crasse, le danger et tout ça pour regarder ses petits crever eux aussi. Alors que si elle avait faim, elle entrerait dans les trappes et pourrait être prise en charge et mise en sécurité. »

Association Pattes-en-rond

Cet exemple est encore pire puisque cette dame est bien au courant des conséquences de ses actions. Malheureusement, les animaux font trop les frais les frais de personnes qui les prennent en otage : des vies sont en jeux et les intérêts individuels l’emportent.

De la rue à l’adoption, les bénévoles d’associations comme Pattes-en-rond font face aux egos et aux caprices de de consommateurs : ceux qui abandonnent leur animal comme ils jettent leur cigarette par terre ; ceux qui s’offusquent des critères d’adoption stricts, habitués à au « client est roi ».

S’ajoutent enfin ceux pensant bien faire, ceux qui comprennent et s’arrêtent jusqu’à ce qu’une autre personne pleine de bonnes intentions fasse de même.

Tout ceci semblera criminel aux yeux des humains dans plusieurs siècles : comment une société capable de connecter le monde entier via internet arrive-t-elle à laisser des associations seules contre tous ? Comment une société capable d’envoyer des hommes dans l’espace peut-elle laisser de côté tous ces chats errants ?

Il n’y a aucun frein technologique, logistique et humain. Une société basée non plus sur l’entrepreneur individuel, face au monde et au marché, mais sur la coopération et les intérêts collectifs pourrait venir en aide à tous ces chats. Tous pourraient être pris en charge très rapidement, tous pourraient être identifiés, soignés, stérilisés et adoptés.

A la Gauche historique de faire vivre l’idéal socialiste pour l’humanité et tous ses habitants !

Vous pouvez aider l’association Pattes-en-rond, tout est expliqué ici.

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Réflexions

Une société française régressive, ennuyeuse, toujours plus odieuse

La société française est pétrifiée dans le capitalisme.

Les Français ont fait le choix de la régression. Il ne peut se passer énormément de choses, en raison de la crise, heureusement, mais même s’il se passait quelque chose de bien, cela serait au maximum « pas trop mal » tellement le niveau est lamentable. On ne renverse pas une situation sans un haut degré de culture. Et si les jeunes sont débrouillards, ils sont déconnectés des exigences propres à la transformation de la société.

Mentionnons qu’on paie ici, aussi, le prix de la stupidité du populisme de La France Insoumise. Avec un appel au spontanéisme sans base idéologique, Jean-Luc Mélenchon a prétendu faire progresser la cause de la contestation, mais il n’a fait en réalité que finir le lessivage de la Gauche. Quant à Benoît Hamon, qui proposait une Gauche utopique avec Génération-s, il a quitté le navire pour passer dans le camp des bobos d’Europe Écologie-Les Verts.

Résultat, il ne reste rien ou pas grand chose, et en tout cas pas grand monde. Et Jean-Luc Mélenchon feint de se scandaliser de l’appel de généraux à la retraite à une intervention de l’armée pour rétablir la « civilisation », alors qu’en réalité il est simplement dégoûté de ne pas avoir été choisi par eux. En même temps qu’attendait-il, nous sommes en France ! Il n’aura donc été qu’un idiot utile du lessivage idéologique et culturel d’une France déjà largement apolitique, alors que la prise du pouvoir par une Droite dure s’affirme chaque jour davantage.

Cependant, il y a pire. Il y a toujours pire, c’est vrai. Toutefois on touche le fond du fond, ou on a la fin du fin, avec les pseudos contestataires d’ultra-gauche s’imaginant que le grand soir est pour demain ou bien que proposer des paquets de pâtes gratuits relève d’une activité subversive. On ne peut même plus parler ici de négation de l’intelligence ou de la conscience sociale, on est dans la guerre à l’intelligence, dans la guerre à la culture, dans la guerre au peuple. Toute est fait pour laisser les gens dans la stupidité du capitalisme au quotidien et ces gens en rajoutent en parant de vertus « révolutionnaires » ce que fait l’armée du Salut en bien mieux !

Non, il est à peu près clair qu’il n’y a rien sauver d’une société française qui va dans le mur, et dont le caractère odieux ressort chaque jour à quiconque a un semblant de conscience de gauche. Ce qui se passe dans le pays est fade et ignoble à la fois, dans une dialectique du dégoût et de l’horreur.

Et la conclusion est toute vue : c’est à partir des décombres qu’il va falloir reconstruire la Gauche, à travers l’effondrement d’un capitalisme à bout de souffle, un nationalisme français agressif et mégalomane, une tendance à la guerre généralisée dans le monde. Au moins une chose est sûre : la Gauche (historique) ne peut pas manquer d’ambition.

En attendant, donc, cela risque d’être encore relativement l’isolement et la marginalité sur le plan des idées, en attendant que le peuple comprenne qu’il doit s’extirper, douloureusement et avec discipline, d’une vie quotidienne de consommation, d’aliénation, d’exploitation, de superficialité et de nervosité permanente. Le capitalisme démolit psychiquement et il faut partir de là pour avancer : tout un défi !

Et dans ce panorama, il faut maintenir sa conscience quand on en a une, face à toute corruption. Car l’enjeu est immense, les responsabilités incontournables, et l’objectif aussi moralement nécessaire que resplendissant.

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Guerre

Un conflit Ukraine-Russie aux facettes toujours plus nombreuses

La Russie ne cesse d’ajouter des niveaux de complexité et d’expansion au conflit.

Ce qui se passe est gravissime, car le conflit Ukraine-Russie relève de la guerre, et cela n’est pas vu. Ses modalités dépassent totalement les gens et même les commentateurs. En raison d’une vision unilatérale, il y a une opposition fictive entre une situation de non-guerre et une situation de guerre. La situation nouvelle déborde les gens. C’est sans doute cela aussi qui a trompé les masses en 1914 : elles s’attendaient à une guerre de courte durée, elles n’ont pas compris le changement de nature de la guerre.

Les modalités de la guerre moderne, avec son armée de métier, son matériel électronique, ses guidages de missile, ses dispositions tactiques, son espionnage, ses drones, ses snipers, son artillerie… sont très différentes d’auparavant. Le conflit Ukraine-Russie le montre de manière terrible.

Initialement, la crise du tout début du mois d’avril impliquait une annexion du Donbass. Puis est venue la question de la Crimée, qui est en pénurie complète d’eau, l’État ukrainien ayant fermé le canal la fournissant. La Biélorussie s’est retrouvée dans la partie également, avec pareillement la question d’une « intégration » dans la Russie. Désormais s’ajoute à cela le Donbass séparatiste qui doit devenir la tête de pont pour faire basculer au moins une partie de l’Ukraine.

On a ici quelque chose de très rythmé, de très complexe, avec un jeu multi-vecteurs et de très nombreuses facettes. On a une complexité énorme et c’est ici une expérience politique très importante que d’observer une telle évolution, en enseignant sur la menace de guerre, en dénonçant la compétition capitaliste qui amène la marche à la guerre.

Voici les principaux points pour le 22 avril 2021.

1. La commission des affaires étrangères du Sénat américain a adopté un projet de loi sur le partenariat de sécurité avec l’Ukraine, portant l’aide militaire américaine à 300 millions de dollars.

2. Le ministre russe de la Défense Sergueï Shoigu a annoncé que les vérifications surprises des troupes dans l’Ouest et le Sud du pays sont terminées, donnant par ailleurs pour la première fois la liste des divisions envoyées à la frontière ukrainienne. Il a annoncé leur prochain retour à leurs bases initiales d’ici le premier mai. Or, c’est impossible de par l’ampleur des distances, et de plus il a été affirmé que certaines troupes resteraient dans l’attente des prochaines manœuvres (qui ont lieu en septembre). La seule chose possible est que les soldat partent, mais que le matériel reste.

3. Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin, a affirmé que l’aide humanitaire aux « républiques populaires » de Donetzk et de Louhansk continuera. Il a parlé d’un « peuple héroïque », malheureux d’avoir été rejeté par sa patrie et d’affronter même ses chars.

4. Vladimir Poutine a pris note de l’invitation à le rencontrer du président ukrainien Volodymyr Zelensky. Il l’a invité à Moscou, mais a expliqué qu’en ce qui concerne le Donbass, la Russie n’était pas une partie concernée. Il faudrait que le dirigeant ukrainien prenne contact avec les présidents des « républiques populaires » de Donetzk et Louhansk. Naturellement, celles-ci ne sont cependant pas reconnues par l’Ukraine et la proposition de Vladimir Poutine ne peut pas être acceptée… Pour enfoncer le clou, les deux présidents des « républiques populaires » ont appelé le président ukrainien à venir chez eux pour un débat public.

5. La « République populaire » de Donetzk a publié une déclaration d’urgence, où on lit notamment :

« Du côté de Kiev, de fausses déclarations sont constamment entendues sur son engagement en faveur d’un règlement pacifique du conflit dans le Donbass, mais les méthodes terroristes utilisées par les militaires ukrainiens indiquent le contraire (…). Nous exigeons de toute urgence une réponse immédiate et ferme des observateurs internationaux! Tant que les militaires ukrainiens ne seront pas tenus responsables de leurs crimes, y compris en vertu de la loi ukrainienne, la mort et les souffrances de la population civile ne cesseront pas! »

6. Le 22 avril a commencé le forum de deux jours intitulé « Unité des Russes: protection des droits et libertés », au Centre pour la culture slave de Donetzk. Il devait précéder le discours de Vladimir Poutine, il le suit finalement. Les deux thèmes principaux sont intitulés « Discrimination contre les résidents russes et russophones en Ukraine » et « Méthodes modernes de protection des droits des compatriotes: pratique mondiale ».

Il se terminera par une résolution… dont il est facile de prévoir le contenu. Le forum a en effet déjà affirmé qu’il luttait pour la réunification de l’ensemble du Donbass, ce qui implique l’intégration de la partie encore sous contrôle ukrainien. Mais il n’affirme pas seulement la protection des Russes du Donbass, mais également de tous ceux en Ukraine. Elena Shishkina, une figure de la « république populaire » de Donetzk, a insisté sur le fait que :

« Nous attendons des Russes d’Ukraine qu’ils se réveillent, se lèvent et nous aident à défendre leurs droits. »

Le « Forum Unité des Russes: protection des droits et libertés »

7. L’Ukrainien Andrei Kozenko est désormais député russe, membre de Russie unie, le parti de Vladimir Poutine. Il a affirmé lors du forum qu’il fallait l’emporter dans l’ensemble de l’Ukraine :

« De toutes les manières possibles, il est nécessaire de soutenir la formation d’un puissant mouvement pro-russe en Ukraine. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons aider ceux en détresse, ce n’est qu’ainsi que nous pourrons arrêter la croissance de l’infection russophobe nazie non seulement en Ukraine, mais aussi au-delà de ses frontières (…).

Il ne fait aucun doute que le programme humanitaire pour la réunification de la population du Donbass et pour le soutien de la population russophone d’Ukraine joueront un rôle important, de sorte que c’est le Donbass qui deviendra le moteur du développement et du progrès du monde russe (…).

Les événements en Ukraine en 2014 liés au coup d’État et à la prise du pouvoir par les nationalistes ukrainiens sont devenus, à bien des égards, un catalyseur pour le Donbass russe, qui a fait son choix civilisé en faveur de l’intégration avec la Russie.

Même la guerre déclenchée par les forces terroristes ukrainiennes n’a pas pu briser la puissance de l’esprit russe des habitants des républiques populaires de Donetsk et Lougansk (…).

À cet égard, nous avons toutes les raisons de les soutenir conformément à la partie 3 de la Constitution de la Fédération de Russie avec l’article 69 (…).

Actuellement, avec le sénateur de Crimée Sergueï Tsekov, nous préparons un projet de loi à soumettre à la Douma d’État [= le parlement russe]. Nous parlons de simplifier la procédure d’obtention du statut de locuteur natif de la langue russe, qui fournit des bases juridiques pour acquérir la citoyenneté russe de manière simplifiée (…).

Nous proposons de donner cette opportunité à tous les résidents ukrainiens. La possibilité d’être reconnu comme locuteur natif de la langue russe devrait être donnée à tous les compatriotes russophones. »

L’article 69 en question dit la chose suivante :

« La Fédération de Russie garantit les droits des peuples autochtones peu nombreux, conformément aux principes et normes universellement reconnus du droit international et aux traités internationaux de la Fédération de Russie. »

8. Le président de la « République populaire » de Donetzk, Denis Pushiline, a souligné pendant le forum que :

« Un rôle spécial est attribué par le forum aux questions du renforcement de l’espace culturel national russe unique, et de ses fondations – la langue, la culture et l’histoire russes, qui déterminent les orientations spirituelles et morales communes du peuple russe, qui contribuent à préserver notre patrimoine historique, afin de le transmettre aux générations futures (…).

En 2014, le Donbass a construit la première ligne de défense. Mais pas seulement sur la ligne de contact. Le Donbass protège sa terre, ses maisons, ses familles – et le monde russe tout entier de l’agression ukrainienne. Je veux affirmer fermement: nous sommes déterminés à protéger les droits et les intérêts des Russes vivant dans le reste de l’Ukraine (…).

9. Le vice-président du parlement lituanien Paulus Saudargas et la vice-présidente du parlement de Pologne Małgorzata Gosiewska ont rencontré en Ukraine le vice-président du parlement ukrainien Ruslan Stefanchuk. Après avoir visité le port de Marioupol, ils ont fait une déclaration commune dans le village de Shirokino dans le Donbass, accusant la Russie de dévastation.

Il faut ici savoir que le royaume polono-lituanien était aux 16e-18e siècle une grande puissance européenne, maintenant l’Ukraine sous son joug, ainsi que la Biélorussie et la Lettonie, cherchant à écraser la Moscovie, avant un retournement de situation en faveur de cette dernière.

10. Une opération de « contre-sabotage » a été menée par les services secrets ukrainiens dans la partie non occupée du Donbass, avec plusieurs arrestations. De telles opérations se sont systématisées ces derniers jours.

11. La République tchèque avait exigé que la Russie abandonne son expulsion de diplomates tchèques, à la suite de ses propres expulsions de diplomates russes. L’ultimatum a expiré et la République tchèque va procéder à l’expulsion de 60 personnes de l’ambassade russe, la réduisant au même nombre que de diplomates tchèques restant en Russie. La Slovaquie a décidé d’expulser trois diplomates russes.

12. Le vice-premier ministre ukrainien Alexey Reznikov a affirmé qu’une invasion russe partant de Crimée, pour approvisionner la péninsule en eau, serait « très coûteuse » pour la Russie.

13. La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a affirmé :

« Je voudrais attirer votre attention sur le discours d’hier du président de la Fédération de Russie Vladimir Poutine. 

Non seulement la partie principale, mais la plus importante part du discours concernait nos problèmes internes, le développement interne, notre façon de vivre, de surmonter les conséquences de la pandémie, d’aller de l’avant, de développer, de résoudre nos problèmes, de fixer des tâches, de fixer des objectifs et de mettre en œuvre tout cela. 

C’est ce qui nous intéresse. Nous n’intervenons pas dans leurs affaires internes, nous n’allons donner des leçons à personne. Cela ne nous intéresse pas et n’en avons pas besoin. Nous nous concentrons sur notre propre développement (…). [Au sujet des pays occidentaux :] Moscou les dérange toujours. Il leur est impossible de vivre plus longtemps dans ce paradigme. C’est une impasse idéologique et tout le monde le comprend très bien. »

14. La venue du président biélorusse Alexandre Loukachenko à Moscou s’est conclu, après plusieurs heures avec le président russe Vladimir Poutine, sur un appel à une coopération économique renforcée.

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Vladimir Poutine et la « ligne rouge » non définie, l’annexion du Donbass se profile

Le président russe fait comme si de rien n’était, pour masquer l’offensive de l’expansionnisme russe.

Il y a de nombreux points concernant le 21 avril, aussi sont-ils ici présentés de manière concise pour s’y retrouver :

1. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a promulgué une loi permettant d’intégrer les réservistes de l’armée en 24 heures sans passer par l’officialisation de la mobilisation.

2. Le ministère ukrainien des Affaires étrangères a considéré comme plausible une offensive russe au nord de la Crimée.

3. Le ministère russe des Affaires étrangères a convoqué l’ambassadeur américain adjoint, après que l’ambassadeur ait déjà été poussé à retourner dans son pays pour « consultations ».

4. La pseudo « république populaire » de Lougansk a émis un timbre « un demi-million de passeports » célébrant l’acquisition de la nationalité russe par 500 000 personnes dans le Donbass ; son président Leonid Pasechnik a affirmé que la quasi totalité des citoyens de la « République populaire » entendait devenir russe. Voici sa déclaration :

« Plus d’un demi-million d’habitants du Donbass sont devenus citoyens de la Fédération de Russie. Ce fait suggère que le peuple de la République Populaire de Lougansk a fait son choix, dans les conditions d’un blocus absolu de Kiev, à la fois économique, politique et médiatique.

Au nom de tous les habitants de la République, je tiens à exprimer ma gratitude aux employés du ministère de l’Intérieur de la République Populaire de Lougansk, du département du service des migrations, ainsi qu’à tous les départements pour le bon travail, grâce auquel nous avons des résultats impressionnants en si peu de temps. 

Le ministère de l’Intérieur de la République Populaire de Lougansk a fait tout son possible dans le processus de délivrance des passeports de notre République pour l’entrée ultérieure dans la citoyenneté de la Fédération de Russie. Le travail titanesque de nos départements a permis de réaliser le désir des habitants du Donbass – devenir citoyens de la Russie.

Je voudrais également remercier la Direction principale des questions de migration du Ministère de l’intérieur de la Fédération de Russie. De leur côté, les collègues russes ont tout fait pour que les habitants du Donbass fassent partie de la grande Russie.

Pour nous, un passeport russe n’est pas seulement un document, mais une confirmation de plus que la Russie ne nous abandonne pas. Par ce choix, notre peuple démontre que le néo-fascisme, qui est devenu la base principale de l’Etat actuel du régime de Kiev, est pour nous catégoriquement inacceptable. Au monde entier, nous avons clairement et résolument démontré notre choix, incarné dans le document rouge d’un demi-million de personnes.

Je ne peux que commenter la déclaration du président ukrainien concernant sa volonté de rencontrer Vladimir Poutine dans le Donbass. Monsieur Zelensky, vous n’avez pas le droit moral d’organiser des rendez-vous chez nous.

Vous appelez sans vergogne Donbass le vôtre, sachant que vous avez déjà vendu la terre ukrainienne. Avant de pointer à nouveau votre arme sur nous, réfléchissez à la façon dont cela se déroulera pour vous. Les Russes n’abandonnent pas les leurs! »

« Nous forgeons de nouveaux citoyens », « Nous n’abandonnons pas les nôtres », avec des images tirés d’ouvrages de Vladimir Maïakovski et une signature de Vladimir Poutine (à l’origine de la facilitation de l’obtention du passeport russe au Donbass, en 2019).

5. Dans son adresse annuelle à la nation, qui a duré plus d’une heure, le président Vladimir Poutine a parlé de la crise sanitaire, de la baisse drastique possible des émissions de CO2, de l’éducation, d’une autoroute traversant tout le pays, d’une aide financière aux familles avec enfant, des récoltes, etc. en restant entièrement sur le terrain des questions intérieures, sauf tout à la fin pour trois propos. Le premier concerne la Biélorussie.

« La Russie a certainement ses propres intérêts que nous défendons et que nous continuerons de défendre dans le cadre du droit international, comme le font tous les autres États. Et si quelqu’un refuse de comprendre cette évidence ou ne veut pas dialoguer et choisit d’avoir avec nous un ton égoïste et arrogant, la Russie trouvera toujours un moyen de défendre sa position.

Dans le même temps, malheureusement, tout un chacun dans le monde semble être habitué à la pratique de sanctions économiques illégales à motivation politique et aux tentatives brutales de certains acteurs d’imposer leur volonté à d’autres par la force.

Mais aujourd’hui, cette pratique dégénère en quelque chose d’encore plus dangereux – je fais référence à l’ingérence directe récemment révélée au Bélarus dans une tentative d’orchestrer un coup d’état et d’assassiner le président de ce pays. Dans le même temps, il est typique que même de telles actions flagrantes n’aient pas été condamnées par l’ensemble du soi-disant Occident. Personne ne semble prendre cela en compte. Tout le monde prétend que rien ne se passe.

Mais écoutez, vous pouvez penser à ce que vous voulez, disons, du président ukrainien [Viktor] Ianoukovitch ou de [Nicolas] Maduro au Venezuela. Je le répète, vous pouvez les aimer ou ne pas les aimer, y compris Ianoukovitch qui a failli être tué aussi et a été retiré du pouvoir par un coup d’État armé.

Vous pouvez avoir votre propre opinion sur la politique du président bélarussien Alexandre Loukachenko. Mais la pratique consistant à organiser des coups d’État et à planifier des assassinats politiques, y compris ceux de hauts fonctionnaires – eh bien, cela va trop loin. C’est au-delà de toutes limites. »

6. En Biélorussie, un très important nombre de hauts fonctionnaires du ministère de la Défense de la Biélorussie se sont rendus au siège de ce ministère, alors que le bâtiment du ministère de l’Intérieur a été marqué par une très importante présence des forces de sécurité. Le président biélorusse Alexandre Loukachenko est quant à lui à Moscou le 22 avril.

7. Le second point de politique internationale abordé par Vladimir Poutine dans son adresse annuelle à la nation consiste en une allusion à l’Ukraine et aux pays Baltes dans leur rapport aux États-Unis, au moyen d’une métaphore utilisant le Livre de la jungle, de Rudyard Kipling.

« Tout ce temps, les mouvements hostiles à l’égard de la Russie se sont également poursuivis sans relâche. Certains pays ont adopté une routine inconvenante où ils s’en prennent à la Russie pour quelque raison que ce soit, le plus souvent, sans aucune raison.

C’est une sorte de nouveau sport de qui crie le plus fort. À cet égard, nous nous comportons de manière extrêmement retenue, je dirais même modestement et je le dis sans ironie. Souvent, nous préférons ne pas répondre du tout, pas seulement à des mouvements hostiles, mais même à une impolitesse pure et simple. Nous voulons entretenir de bonnes relations avec tous ceux qui participent au dialogue international.

Mais nous voyons ce qui se passe dans la vraie vie. Comme je l’ai dit, de temps en temps, ils s’en prennent à la Russie, sans raison.

Et bien sûr, toutes sortes de petits Tabaquis courent autour d’eux comme Tabaqui a couru autour de Shere Khan – tout est comme dans le livre de Kipling – hurlant pour rendre leur souverain heureux. Kipling était un grand écrivain. »

8. Le troisième propos de Vladimir Poutine est menaçant et cryptique, avec une ligne rouge que la Russie tracera d’elle-même.

« Nous voulons vraiment maintenir de bonnes relations avec tous ceux qui sont engagés dans la communication internationale, y compris, soit dit en passant, avec ceux avec qui nous ne nous entendons pas ces derniers temps, pour ne pas dire plus. Nous ne voulons vraiment pas brûler les ponts.

Mais si quelqu’un prend nos bonnes intentions pour de l’indifférence ou de la faiblesse et a l’intention de brûler ou même de faire sauter ces ponts, il doit savoir que la réponse de la Russie sera asymétrique, rapide et dure.

Ceux qui sont à l’origine de provocations qui menacent les intérêts fondamentaux de notre sécurité regretteront ce qu’ils ont fait d’une manière qu’ils n’ont pas connu depuis longtemps.

En même temps, je dois juste être clair, nous avons suffisamment de patience, de responsabilité, de professionnalisme, de confiance en soi et de certitude dans notre cause, ainsi que de bon sens, lorsque nous prenons une décision de quelque nature que ce soit.

Mais j’espère que personne ne songera à franchir la «ligne rouge» vis-à-vis de la Russie. Nous déterminerons nous-mêmes dans chaque cas spécifique où il sera tracé. »

9. L’adresse à la nation de Vladimir Poutine se termine par des considérations sur la modernité et la modernisation de l’armée russe, comme le premier régiment muni du missile balistique intercontinental super-lourd RS-28 Sarmat en 2022, le laser Peresvet visant les équipements de visée électro-optique tels ceux des drones ou des satellites, le Burevestnik qui est un missile de croisière à propulsion nucléaire, le drone-torpille à tête nucléaire Status-6 Poseidon…

10. Vladimir Poutine n’a ainsi pas mentionné les troupes à la frontière avec l’Ukraine, ni le Donbass.

11. Les rassemblements des opposants soutenant Alexeï Navalny dans les grandes villes russes ont échoué, ne rassemblant que quelques milliers de personnes malgré l’appel à une bataille finale du « bien » contre « l’indifférence ».

12. La République tchèque a exigé le retour en Russie de ses vingt diplomates expulsés, sans quoi il y aurait de nouvelles expulsions de diplomates russes. Maria Zakharova porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, a répondu en disant :

« Nous suggérons que Prague garde les ultimatums pour les relations à l’intérieur de l’Otan. Un tel ton à l’égard de la Russie est inacceptable. »

13. L’Ukraine est en grave manque de diesel, notamment pour les trains, en raison de l’arrêt de l’approvisionnement par le russe Rosneft et les opérations de maintenance à la raffinerie biélorusse de Mozyr.

14. Les troupes russes et ukrainienne continuent de s’accumuler à la frontière.

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Ukraine: un 21 avril 2021 de tous les dangers

L’expansionnisme russe ouvre les hostilités avec un discours de Vladimir Poutine, le président ukrainien ayant posé sa ligne au préalable.

Le président russe Vladimir Poutine tient un discours le 21 avril, à midi à Moscou, et en amont, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a lui-même tenu un discours à la nation le 20 avril.

Volodymyr Zelensky a souligné l’unité du pays, au-delà du fait de parler différentes langues (« l’ukrainien, le russe, le tatar de Crimée, le hongrois ou la langue des signes »). L’Ukraine voudrait la paix, mais serait prête à se défendre, d’ailleurs l’Ukraine de 2021 ne serait plus celle de 2014. Le volontarisme est très présent, c’est une constante du régime, qui n’hésite pas à régulièrement souligner que l’Ukraine résisterait à une attaque russe, voire qu’elle gagnerait. C’est très clairement de l’auto-intoxication nationaliste. Il y a à la frontière une armée russe avec 110 000 hommes, une armée ukrainienne avec moitié moins d’hommes et du matériel qui a une génération de retard, ainsi que pas d’aviation.

Le président a pourtant expliqué le 20 avril :

« Nous n’avons pas peur, car nous avons une société incroyable qui est prête pour la mobilisation de masse des volontaires, qui va tout donner, tout trouver et tout apporter. Jour et nuit, dans la chaleur et le gel. »

C’est ici une allusion au seul recours en cas d’attaque russe : la levée de 200 000 hommes passés par l’armée et déjà formés, prêts à s’ajouter aux 120 000 soldats répartis dans le pays. C’est possible mais nullement assuré et les propos lyriques du président sont tout à fait représentatifs de l’idéalisme du régime ukrainien, qui a perdu pied avec la réalité. D’ailleurs, Volodymyr Zelensky n’a jamais eu l’idée de foncer à l’ONU pour en appeler aux peuples du monde. Il pense que les avions-cargos militaires régulièrement envoyés des États-Unis, du Canada et du Royaume-Uni ces derniers jours vont suffire à assurer aux combattants ukrainiens de quoi tenir.

Cette orientation a été soulignée dans le discours, le président ukrainien rappelant qu’il s’était tourné vers les dirigeants occidentaux, vers l’OTAN. Quant à la rupture avec la Russie, même si il est souligné qu’il faut éviter la guerre et ses millions de mort, elle est assumée. Volodymyr Zelensky a précisé qu’il était prêt à rencontrer Vladimir Poutine au Donbass, mais en même temps il a clairement dit que les pays n’ont plus rien à voir :

« L’Ukraine et la Russie, malgré leur passé commun, envisagent l’avenir différemment. Nous sommes nous. Vous êtes vous. Mais ce n’est pas forcément un problème, c’est une opportunité. »

Le président joue avec le feu en agissant ainsi. Son point de vue est en effet le même que celui de la Russie, mais inversée. En effet, la Russie considère l’Ukraine comme son annexe (la Grande-Russie et la Petite-Russie), la démarche étant désormais associée à la stratégie « eurasienne », où elle serait la colonne vertébrale d’un continent conservateur hébergeant de multiples communautés (on peut voir à ce sujet le très documenté article L’expansionnisme russe anti-ukrainien et sa base idéologique « eurasienne »).

L’Ukraine a la démarche inverse, l’amenant à intégrer « l’occident » de manière généralisée. Or, en adoptant cette ligne, Volodymyr Zelensky ne fait que pousser à une sorte de partition de l’Ukraine, ce qu’il prétend refuser. Car avec une telle ligne, il converge clairement avec un plan possible de la superpuissance américaine et de la Russie pour couper le pays en deux.

Et tant le romantisme « occidental » que celui « anti-occidental » ont leurs partisans en Ukraine, les deux idéologies se nourrissant des faiblesses de l’autre, entraînant une spirale irrationnelle et la soumission soit aux puissances occidentales, soit à la Russie. L’Ukraine ne peut qu’imploser dans une telle situation. Le piège est total, c’est soit Charybde, soit Scylla, ou pire les deux et la fracture de la nation ukrainienne.

En fait, la démarche de Volodymyr Zelensky n’a de sens que s’il ne croit pas en ce qu’il dit et que le régime ukrainien pense réaliser une offensive victorieuse. C’est suicidaire.

De plus, une grande rumeur veut d’ailleurs que le 21 avril, dans son discours, Vladimir Poutine proposera que la Fédération de Russie accueille en son sein non seulement les pseudos-républiques populaires de Donetzk et de Lougansk, mais également la Biélorussie. L’Ukraine serait alors automatiquement une cible.

Rappelons également que le Conseil de la Fédération de Russie est convoqué (depuis deux semaines) le 23 avril, pour un vote « en urgence » quant à une proposition du président russe. Juridiquement, cela ne peut que concerner la loi martiale, l’état d’urgence, l’envoi de forces armées hors du pays, ou bien évidemment une question « cadre » comme des éventuelles « adhésions » à la Fédération.

Et Gennady Zyuganov, président du Comité central du Parti communiste de la Fédération de Russie, a notamment déjà approuvé l’envoi prochain de troupes russes au Donbass. Si l’on ajoute les libéraux-démocrates (en fait nationalistes) et le Parti pro-Poutine, une large majorité des élus converge donc en faveur de l’expansionnisme russe.

Le 21 avril s’annonce infernal dans ce qu’il va entraîné, ce qui est déjà annoncé, dans les faits, depuis deux semaines. Agauche.org en parle d’ailleurs depuis le 2 avril, les articles concernant le conflit Ukraine-Russie étant rassemblés sur cette page. De manière isolée, dans l’indifférence générale. Mais en sauvant l’honneur de la Gauche qui sait ce qu’est la guerre et qui en connaît la nature capitaliste.

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Guerre

La crise en Ukraine montre le faible niveau de conscience en France

Personne ne s’intéresse à la crise en Ukraine en France : c’est révélateur.

Ce n’est même pas du dédain auquel on doit faire face relativement à la crise ukrainienne. C’est le déni qui forme une sorte de muraille de l’indifférence. Il en va de la guerre comme il en va de la crise : la ligne générale du côté des gens est de nier la réalité autant que possible, de chercher à perpétuer ses propres traditions, coûte que coûte.

Le capitalisme a littéralement lessivé les esprits. Alors qu’on est face à un drame historique, que l’actualité est brûlante, que les deux armées les plus nombreuses d’Europe se font face, il n’y a aucune expression d’intérêt, aucun engagement solidaire, aucune prise de position. Mieux encore, ou pire encore plutôt, ceux qui savent conservent le silence, les médias n’abordent la question qu’à la marge, tel un détail malheureux dont il faut bien, malgré tout et malheureusement, parler pour le cas où il se « passerait quelque chose ».

Car le fond de la question, c’est bien cela. Les gens écrasés par le capitalisme ne savent plus ce qu’est l’Histoire. Ils ne voient les choses que de manière individuelle, individualiste. D’où le succès des fantasmagories identitaires, de l’esprit immédiatiste de consommation, d’une fascination pour les réseaux sociaux. Ce n’est pas là une découverte.

Mais lorsque la guerre se profile, tout cela devient plus que dangereux. On sent bien que si les événements tournent mal, les gens seront déboussolés, prêts à se vendre à n’importe qui. Rien que les mesures de confinement semblent horribles aux Français, alors si les choses se précipitent, que ce soit économiquement ou militairement, qu’en sera-t-il ?

Et le peuple ukrainien ainsi se retrouve seul face à l’adversité, car ce qui est vrai en France l’est dans les autres pays au capitalisme hypnotiseur et mortifère. L’indifférence prédomine dans sa solitude, alors que son existence comme nation est menacée.

Comment ne pas être en rage ou en larmes devant une telle situation insoutenable ? Comment ne pas être révolté devant des Français qui préfèrent fantasmer qu’ils vivent dans un État policier, alors que la guerre prend le dessus dans l’Histoire du monde ?

C’est une bien triste page que nous sommes en train d’écrire, malgré nous. Vu de l’avenir, ce qui se déroule sera considéré comme un terrible ratage. Après la prise de conscience lors du premier confinement, tout est redevenu « normal » sur le plan des mentalités, et c’est tellement vrai que même la guerre ne fait pas réagir. Le capitalisme a enfermé les mentalités de manière systématique, au point de ne même pas percevoir les grands phénomènes historiques.

La crise en Ukraine révèle tout cela, comme elle est le produit de tout cela. L’humanité est en train de mal tourner, de très mal tourner. Et il faut être en première ligne pour la grande réorientation historiquement nécessaire.

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« Rugit, gémit le vaste Dniepr »

Une très belle chanson ayant comme source le poète national ukrainien Taras Chevtchenko.

Taras Chevtchenko, Poutchaïv

Taras Chevtchenko (1814-1861) est la grande figure intellectuelle d’une Ukraine alors arriérée et écrasée nationalement. Poète, mais également peintre, Taras Chevtchenko a élevé la langue nationale ukrainienne en étant étroitement lié au peuple ; opposant au tsarisme, démocrate partisan de l’égalité sociale et de la fraternité des peuples, il eut à faire face à l’exil, à l’emprisonnement.

Les premières strophes de son poème « La cause » sont la base d’une chanson ukrainienne très célèbre, « Rugit, gémit le vaste Dniepr », mis en musique par le professeur et compositeur Danylo Yakovytch Kryjanivsky (1856-1894), dont le succès fut immédiat. Il faut dire qu’il est représentatif de l’esprit national ukrainien, parlant immédiatement au peuple.

Реве та стогне Дніпр широкий,
Сердитий вітер завива,
Додолу верби гне високі,
Горами хвилю підійма.

І блідий місяць на ту пору
Із хмари де-де виглядав,
Неначе човен в синім морі,
То виринав, то потопав.

Ще треті півні не співали,
Ніхто ніде не гомонів,
Сичі в гаю перекликались,
Та ясен раз у раз скрипів.

Rèvè ta stog’nè Dnipr chyrokyï
Sèrdytyï vitèr zavyva,
Dodolou vèrby g’nè vysoki,
Horamy khvylïou pidiïma.

I blidnyï missiats na tou porou
Iz khmary dè-dè vygliadav,
Nènatchè tchovèn v synim mori,
To vyrynav, to potopav.

Ch’tchè trèti pivni nè spivaly,
Nikhto nidè nè homoniv,
Sytchi v haiou pèrèklykalys’
Ta iassèn raz ou raz skrypiv.

Rugit et gémit le vaste Dniepr,
Furieusement hurle le vent,
Il courbe les hauts saules jusqu’à terre,
Lève des vagues pareilles à des montagnes.

Et la lune blême à ce moment
Émerge ici ou là d’un nuage
Comme une barque dans une mer bleu sombre
Qui tantôt se cabre, et tantôt plonge.

Les coqs n’ont pas encore chanté trois fois,
Personne nulle part n’a fait de bruit,
Les chouettes dans le bois se sont répondu
Et le frêne a grincé de temps à autre.

Voici également le poème Le testament de Taras Chevtchenko.

Quand je mourrai, enterrez-moi
Dans une tombe au milieu de la steppe
De ma chère Ukraine,
De façon que je puisse voir l’étendue des champs,
Le Dniéper et ses rochers,
Que je puisse entendre
Son mugissement puissant.

Et quand il emportera de l’Ukraine
Vers la mer bleue
Le sang des ennemis, alors
Je quitterais les prairies et les montagnes
Et m’envolerai
Vers Dieu lui-même
Pour lui offrir mes prières
Mais jusque-là
Je ne connais pas de Dieu !

Enterrez-moi et debout !
Brisez vos fers,
Et arrosez du sang impur des ennemis
La liberté !
Puis, dans la grande famille,
La famille nouvelle et libre,
N’oubliez pas d’accorder à ma mémoire
Une bonne parole !

Taras Chevtchenko est la grande figure nationale-démocratique ukrainienne ; il témoigne de l’existence de ce pays… que les chauvins « grands-russes » tentent de nier.

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Crises en série et Biélorussie désormais impliquée, en amont d’un conflit imminent

Les aspects de la crise se multiplient, impliquant désormais la Biélorussie, en amont d’un conflit imminent.

Les choses se précipitent dans la crise ukrainienne. Le 17 avril marque un tournant exponentiel. Voici une présentation en quelques points, afin de permettre de s’y retrouver. Chaque élément est à lui seul horriblement annonciateur.

1. Les services secrets russes ont affirmé avoir arrêté deux Biélorusses, liés à la Pologne et les États-Unis, qui auraient prévu d’assassiner le président biélorusse Alexandre Loukachenko et ses enfants. Cela rentrerait dans le cadre d’un coup d’État par l’intermédiaire de réseaux dans l’armée biélorusse, qui aurait été prévu pour le 9 mai 2021, lors de la cérémonie de la victoire sur les armées nazies. Alexandre Loukachenko a affirmé que cette tentative a été orchestrée par la CIA.

2. La Russie a fortement conseillé à John Sullivan, ambassadeur américain à Moscou, de rentrer dans son pays pour « consultations ». Devant son refus, il y a de nombreuses rumeurs d’expulsion.

3. La Russie a annoncé le 17 avril l’expulsion d’un haut diplomate ukrainien arrêté la veille alors qu’il aurait cherché à se procurer des documents classifiés. Ont été également expulsés dix diplomates américains, suite aux sanctions américaines. L’Ukraine a répondu en expulsant un haut diplomate russe.

4. La République tchèque a annoncé l’expulsion de 18 employés de l’ambassade russe accusés d’espionnage et de l’explosion d’usines d’armement en 2014 ; la Russie a affirmé que la République tchèque comptait même fermer l’ambassade russe.

5. L’aviation militaire russe a envoyé en Crimée 50 unités : des avions de combat (Soukhoï Su-27 et Soukhoï Su-30), des bombardiers (Soukhoï Su-24 et Soukhoï Su-34), des avions d’assaut (Soukhoï Su-25SM3). La flotte russe a amené deux navires de guerre et 15 bateaux de dimension plus restreinte ; pratiquement toutes les navires russes de débarquement sont en Crimée.

5. Dans la république populaire de Donetzk, les abris sont préparés, ainsi que les hôpitaux ; les bâtiments officiels ont des sacs de sable systématisés pour leur protection ; les circuits de ravitaillement des supermarchés sont fortement perturbés.

6. Les photos du conseil de sécurité russe tenu le 16 avril par vidéo montre le général Valéri Guérassimov,  chef de l’État-Major général des forces armées, dont la présence n’est pas une obligation.

7. La porte-parole de l’opposant russe Alexeï Navalny, récemment emprisonné et en grève de la faim depuis le 31 mars, a affirmé que celui-ci était en train de mourir et que ce ne serait plus qu’une question de jours.

8. Les réseaux sociaux russes font part de très nombreux vols d’hélicoptères militaires à basse altitude, jusque dans les villes.