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Il y a eu une manifestation le 19 mars 2022

La France est un pays capitaliste où il ne se passe rien.

La France est un pays capitaliste où il ne se passe rien. Ceux qui prétendent le contraire ne sont que le produit d’un pays capitaliste développé, suffisamment riche pour disposer d’une pseudo-opposition contestataire qui, au fond, ne change strictement rien à l’ordre dominant. Il en est ainsi depuis cinquante ans, depuis que les restes de Mai 1968 et sa critique de fond se sont évaporés.

Croire que les manifestations syndicalistes-corporatistes ou les initiatives d’esprit post-moderne ont un sens historique est ainsi une aberration, un faux-semblant, un mensonge. D’ailleurs, il n’y a aucun impact à part dans les milieux isolés, de facture universitaire ou syndical, d’où cela sort. Le rassemblement parisien du 19 mars 2022 « contre le racisme et les violences policières et pénitentiaires » est exemplaire : il est passé inaperçu, avec autour d’un millier de personnes à Paris, malgré la liste suivante des signataires d’une campagne appelant à « se lever en masse ».

« Organisations signataires (410) :

100 Pour Un Toit Comminges (31), 20e Solidaire avec tou.te.s les migrant.e.s, 350.org, Éclaireuses Éclaireurs de France – Région Midi-Pyrénées, AAERS (Collectif Autour de l’Adénomyose et l’Endométriose pour la Recherche Scientifique), Accueil des réfugiés dans le Cap [Sizun], Accueil Information de tous les Etrangers, Aix-en-Provence, Accueil Réfugiés Bruz (35), Accueil Réfugiés Talence Solidarité (ARTS), ACLEFEU, Acor Association Contre le Racisme (Suisse-France), Act For Ref (Action d’aide aux réfugiés), Act Up Sud-Ouest, Act Up-Paris, Action Antifasciste Paris-Banlieue (AFA), Action Antifasciste Strasbourg, Action medic Paris-banlieue, ActionAid France, AdN – Association pour la Démocratie à Nice, AFMDH (association franco-marocaine des droits humains), AFPS 14, AFPS 63, AHSETI (Association Havraise de Solidarité et d’Échanges avec Tous les Immigrés), AIAPEC (Association pour une information alternative populaire et citoyenne), Al Manba / Soutien Migrant·e·s 13, ALCIR (Association de lutte contre l’islamophobie et les racismes), ALIFS (Association du Lien Interculturel Familial et Social), Alternatiba Caen, Alternatiba Nevers, AMDH Nord/France, AMI Pays de Pouzauges, AMI Pays des Herbiers, Amici di Emmaus ODV (Italie), AMiSuV (Accompagnement de Migrant-e-s dans le Sud-Vendée), Amnesty International Compiegne, Amoureux au Ban Public Lyon, ANC, APICED (Association militant pour la promotion et l’émancipation individuelle et collective des populations précarisées franciliennes), AREVE Accueil des Réfugiés en Val de L’Eyre 33, ASIAD – Soutien et Information pour l’Accès aux Droits, Assemblée de Caen des EGM, Assises locales de solidarité avec les migrants le 19 mars à St-Nazaire, Association AGATE Neuhof (67), Association Antifasciste 77, Association de Soutien aux Amoureux au Ban Public, ASSOCIATION DEBOUT ENSEMBLE, Association DeMoS, Association des Familles des Prisonniers et Disparus Sahraouis – AFAPREDESA, Association des Marocains en France (AMF), Association des sans papiers 87, Association des Travailleurs Maghrébins de France (ATMF), ASSOCIATION DIIVINESLGBTQI+ Visibilités et Représentativités Afro-Carïbéen.nes LGBTQIA+, Association ELKARTASUNA LARRUN – Solidarité migrants autour de la Rhune (dep. 64), Association Éole, Association l’Aubière, Association La Casa, Association LIÉ•E•S, Association Montagne Accueil Solidarité, Association Ressources, Association Roya citoyenne, association semences, Association Soutien 59 Saint-Just – Marseille, Association The Glocal Workshop / L’Atelier Glocal, Association Voies Libres Drôme, ASTI Colombes, ASTI d’Aix-Marseille, ASTI du Mantois, ASTI Montélimar, ASTI Petit Quevilly, ASTIR (Romans sur Isère), Attac 06, Attac 31, Attac 33, Attac 74 Annecy, Attac Flandre, Attac France, Attac Paris Centre, Attac Rennes, Attac Vendée, Autres Brésils, Avec Toits, Bi-No-Stress Team, Bienvenue aux migrants en Vallespir, Bizi Migrants ETORKIZUNA, Bizi!, Break the silence Oury Jalloh Allemagne, BRIF Strasbourg (Bloc Révolutionnaire Insurrectionnel Féministe), Brigade Antisexiste, Brigade de Solidarité Populaire (BSP) Paris-Sud, Bureau d’accueil et d’accompagnement des migrants (BAAM), Campagne Unitaire pour la Libération de Georges Abdallah, CANVA (Construire et Alerter par la Non-Violence Active), CAPJPO-Europalestine, CARDAV (Plateforme pour l’Accueil des Réfugié.es en Drôme Ardèche Vaucluse), CEDETIM (Centre d’études et d’initiatives de solidarité internationale), Cent pour un toit Oise, CFT (Collages Féministes Toulouse), CGT AHS FC Besançon, CGT Énergie Paris, CGT FERC Sup de l’Université de Franche-Comté, CGT IFPEN Rueil, CGT Société de Restauration du Musée du Louvre, CGT union locale Lannion, Ciam, CIBELE (collectif régional pour la Coopération Nord-Sud (Île de France), CIBELE (collectif régional pour la Coopération Nord-Sud — Île-de-France), Cimade, Cimade Figeac, Cimade GL Pays Basque, Cimade Grande-Synthe, Cimade Ile-de-France, Cimade Landes, Cimade Montpellier, Cimade Vendée, CISEM 38, CISPM (Coalition Internationale des Sans-Papiers et Migrants), CISPM Mannheim, CIVCR (Collectif Ivryen de Vigilance Contre le Racisme), Clar-T (Toulouse), CNL Métropole de Lyon et du Rhône, CNT 07, CNT 49 (Confédération Nationale du Travail du Maine-et-Loire), CNT 66, CNT-STE 75, CNT-STE 94, Collectif “Faim aux frontières”, collectif “Les outils du soin”, Collectif AGIR du Pays d’Aix et du Pays d’Aigues, Collectif Alerte France Brésil / MD18, Collectif antiraciste – ASTI d’Elbeuf, Collectif Azadi Kurdistan Vendée, Collectif Bienvenue, Collectif Chabatz d’entrar de la Haute-Vienne (aide aux migrant-es et sans papiers), collectif chalon solidarité migrants, collectif Collages Judéités Queer, Collectif de Sans Papiers de Montpellier (CSP34), Collectif de soutien aux réfugiés en Ariège, Collectif de soutien aux sans papier du Trégor (22), Collectif de soutien aux sans papiers du val d’oise (CSP95), Collectif de soutien de l’EHESS aux sans-papiers et aux migrant-es (LDH), Collectif des Sorins (93), Collectif Fontenay diversité, Collectif Ganges Solidarités, collectif Interquartiers49, Collectif Justice & Libertés (67), Collectif Justice et Vérité pour Babacar Gueye, Collectif Migrant.es Bienvenue 34, Collectif poitevin D’ailleurs Nous Sommes d’Ici (DNSI86), Collectif pour l’égalité des droits, Collectif pour une autre politique migratoire (AL 67), Collectif Réfugiés du Vaucluse, Collectif Sans-Papiers 59 (CSP59), Collectif Sans-Papiers Alsace 67 (CSPA67), Collectif Sans-Papiers Montreuil, Collectif Sans-Papiers Paris 20e (CSP20), Collectif vie decente 84, Collectif Vigilance pour les droits des étrangers Paris 12ème, Collectif Zéro Pandémie Solidaire, COMICO – COllectif MIgrants COmminges (31), Comité de lutte de Saint-Denis, Comité de soutien Oumar Diallo, Comité Montreuil Palestine, Comité Vérité et Justice pour Lamine Dieng, Coordination Féministe Antifasciste, Coordination nationale Pas sans Nous, Coordination Sans-Papiers 75 (CSP75), COPAF – Collectif pour l’avenir des foyers, CRID, CSLAM (Collectif Saint Lois d’Aide aux Migrants), CSMG Paimpol – Collectif de soutien aux migrants du Goëlo, CSP 35, Culture et solidarité, Culture et solidarité, D’ailleurs Nous Sommes d’Ici 67, DAL (Droit Au Logement), DAL 63, Des Arbres et Des Papiers, Dessins Sans Papiers, DIEL (Droits Ici Et Là-bas), Droits Devant !, EEDF (Éclaireuses Éclaireurs De France), Egale Dignité – Association d’aide aux réfugiés et migrants, Emancipation tendance intersyndicale, Emmaus Haarzuilens Pays-Bas, Emmaüs international, Ensemble et Solidaires – UNRPA de Paris, Ensemble pour un Toit 70, États généraux des migrations (EGM), Europe Cameroun Solidarité-Femmes du 3è Millénaire-Wietchip, Europe solidaire sans frontières (ESSF)FASTI (Fédération des Associations de Solidarité avec Tou-te-s les Immigré-e-s)Fédération CGT Spectacle, Fédération Etorkinekin – Solidarité Migrants, Fédération Sud PTT, Féministes révolutionnaires Paris, Femmes Egalité, Femmes en Luth citoyennes à part entières, Femmes Prévoyantes Socialistes (Belgique), FEN – Femmes En Noir de Caen, Fiertés Landes – Association LGBTIQ+ des Landes, Fondation Eboko, Fondation Frantz Fanon, France Amérique Latine, Front contre l’islamophobie et pour l’égalité entre toutes et tousFront Uni des Immigrations et des Quartiers Populaires (FUIQP)FSU (Fédération Syndicale Unitaire), Gasprom – Asti de Nantes, Gers Antifa, Gilets Jaunes Brest, Gilets Jaunes de Montreuil, Gilets Jaunes du Jarnisy, Gilets Jaunes Saillans, GISTI (Groupe d’information et de soutien des immigrés), GROUPE ACCUEIL ET SOLIDARITE (GAS), Groupe Accueil Migrants Beaupréau en Mauges, Groupe d’Action Féministe Rouen, Groupe d’action, de Paix et de Formation pour la Transformation (Gapafot), Groupe Non-Violent LOUIS LECOIN, Habitat&Citoyenneté 06, Héro•ïnes 95, Ici et Ailleurs, Intercollectif Pdl Marseille – Katia Yakoubi, IPAM, Isère Emancipation Lycéenne (IEL38), Itinérance Dieppe, Jai Jagat, Jeune Garde Antifasciste, JRS Welcome Nancy, Juives et Juifs Révolutionnaires (JJR), Justice pour nos quartiers PSN49, Kolone, L’AMDH Paris IDF Association Marocaine des Droits Humains, L’Assemblée Citoyenne des Originaires de Turquie – L’ACORT, L’Engrenage, LA CIMADE LORIENT, La Grenade collectif Metz (collectif FÉMINISTE), La Voix Lycéenne, LDH 02, LDH 33, LDH 36, LDH 66, LDH 70, LDH 87, LDH Bagnères-Tarbes, LDH Gironde, LDH Noirmoutier Nord-Ouest Vendée, LDH Pays d’Aix-en-Provence, LDH Rennes, LDH Section Fontenay Luçon Sud Vendée, Le CoMPAS collectif de militant-es, professionnel-les, et auteur-rices en santé, Les amis du CADA, Les Dégommeuses, Les Dévalideuses, Les dévalideuses, Lille Insurgée, Lutter contre l’audisme et le linguicide des Sourds, Lycée Theodore MONOD, le Rheu, Maison de l’Hospitalité, Maison des Citoyens du Monde 44, Maison des Droits de l’Homme de Limoges, Mama Road, MAN (Mouvement pour une Alternative Non-violente), Marche des Solidarités, Mémoire de l’Espagne Républicaine de Tarn et Garonne (MER82), MFPF 93, Migraction59, Migrants Solidarité Choletaise, Mouvement National Lycéen (MNL), MRAP 19/20, MRAP 31, MRAP 63, MRAP 84, MRAP 89, MRAP Fédération de Vaucluse, MRAP Fédération Paris, MRAP lille, NOGOZON, Nous Toutes 35, Objectif Autonomie, Oury Jalloh Initiativ, Paris d’Exil, Patrons solidaires, Per a pace, pour la paix Corse, PIANO-TERRA, Planning Familial 35, Pour une MEUF (Médecine Engagée Unie et Féministe), Projet Shanti, RéCiDev (Réseau Citoyenneté Développement), REGAR (Réseau Expérimental Gersois d’Aide et de Réinsertion), Réseau d’Actions contre l’Antisémitisme et tous les Racismes (RAAR)Réseau Euro-Maghrébin Citoyenneté et Culture (REMCC), Réseau Féministe “Ruptures”, RESF (Réseau Education Sans Frontières), RESF 03, RESF 06, RESF 11, RESF 31, RESF 36, RESF 56, RESF 61, RESF 65, RESF 82, RESF Sarthe (72), RESF Vienne-Roussillon 38, RESF61, RESOME (Réseau Etudes Supérieures et Orientation des Migrant·es et Exilé·es), Revue Études Décoloniales, SôS Soutien ô Sans papier, SNJMG syndicat national des jeunes médecins généralistesSNPES-PJJ/FSU (Syndicat National des Personnels de l’Educatif et du Social à la Protection Judiciaire de la Jeunesse), SNUIPP 92, Solidaires 04, Solidaires 35, Solidaires 56, Solidaires 65, Solidaires 74, Solidaires 82, Solidaires 84, Solidaires 85 (Vendée), Solidaires 89, Solidaires 94, Solidaires étudian-e-s Saint-Denis, Solidaires Etudiant.e.s Nancy, Solidaires Étudiant·e·s Syndicats de Lutte, Solidaires Étudiant·e·s Versailles, Solidarité et Langages (Valence), Solidarité Luçon Logement, Solidarité migrant Wilson, Solidarité RESF47, Solidarités Asie-France, SOS MIGRANTS MINEURS, Sous le même ciel, Stand up to Racism (Royaume-Uni), Sud Collectivités Territoriales 93, Sud CT 93 Mairie de Saint-Denis, Sud CT 93 Mairie de Stains, SUD éducation, SUD éducation 35, SUD éducation 56, Sud éducation 85, Sud Rural Territoires 35, Survie, Survie Midi-Pyrénées, Syndicat de la Médecine Générale (SMG)Syndicat national des journalistes CGT (SNJ-CGT), Syndicat Unifié du Bâtiment de la région parisienne (CNT-f), Synptac-CGT Pays de la Loire, TadamunExil70, TadamunExil70, Terre d’Ancrages, Thé et Café pour les Réfugiés, Toulouse Anti CRA, Tous Migrants, UCIJ Saint Nazaire, UJFP (Union juive française pour la paix), UL CGT Paris 18e, ulsr51 CGT, Un toit un droit Rennes, Une Ecole, un Toit, des Papiers – Pays dacquois, UNICEF France, Union des Femmes Africaines pour la Paix, Union Lycéenne 04, Union Lycéenne des Alpes-Maritimes, Union Lycéenne Finistérienne, Union Syndicale Lycéenne 13 (USL 13), Union Syndicale Solidaires, UNIS-METIS, United Migrants, UP R2 (Syndicat étudiant Union Pirate Rennes 2), URF CGT Spectacle Pays de la Loire, Utopia 56, Utopia56 Toulouse, VISA (Vigilance et Initiatives Syndicales Antifascistes), Women who do stuff, Zone de Solidarité Populaire (ZSP18).

Avec le soutien de :

Akira, collectif Fontenay diversité, Comité Génération.s du Marsan, EELV le Havre Pointe de Caux, EELV Reims, ENSEMBLE ! (Mouvement pour une alternative de gauche écologiste et solidaire), Europe Écologie Les Verts Vaucluse, Extinction Rebellion France, Fédération Anarchiste, Génération.s du Grand Besançon, GDS (Gauche démocratique et sociale), Génération.s, La France insoumise – L’union Populaire en Haute-Vienne, La voie démocratique région Europe, LFI Metz et son agglomération, Mouvement des Progressistes, NPA (Nouveau Parti Anticapitaliste), NPA 34, NPA 74, NPA 82, Parti Communiste des Ouvriers de France, Parti de Gauche, PCRF (Parti Communiste Révolutionnaire de France), PEPS Pour une Écologie Populaire et Sociale, Rejoignons-nous, Rete Antirazzista Catanese, RIPOSTE antifasciste Comités contre Le Pen, UCL (Union communiste libertaire), UCL Grand Paris Sud, UCL Saint-Denis, UCL Tarbes, UCL Toulouse et Alentours, UDMF, Union de la Jeunesse Communiste (UJC), Union Prolétarienne ML. »

Il va de soi que dans l’appel on ne trouvera pas le mot « capitalisme », ni évidemment celui de « bourgeoisie ». On a de la poésie libérale-libertaire à prétention sociale :

« Car notre pays brûle. Il s’appelle Avenir.
Car notre pays est étouffé. Il s’appelle Liberté.
Car notre pays se meurt. Il s’appelle Égalité.
Car notre pays est opprimé. Il s’appelle Dignité. »

Eh bien non, le pays va très bien, il est capitaliste, sa vie quotidienne se déroule sans anicroches, il ne meurt pas du tout, il n’étouffe pas du tout et les gens sont très contents d’avoir Netflix, d’utiliser Amazon, d’aller au McDonald’s. Et non les migrants qui vivent aux marges de ce capitalisme ne sont pas un « sujet révolutionnaire », mais des individus en situation de grande précarité aux portes d’une société capitaliste repue qu’ils aimeraient bien rejoindre.

Et en même temps, loin de ces fictions petites-bourgeoises, la guerre s’installe comme horizon du capitalisme à l’échelle mondiale, parce que le capitalisme c’est l’accumulation et qu’une accumulation bloquée implique de passer en force. La bataille pour le repartage du monde est l’actualité principale, qui décide de tout. Qui ne le voit pas est condamné à l’insignifiance historique.

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Guerre

L’ambassadeur de Russie en France convoqué

La France ne compte pas se laisser « troller ».

Le ministère russe des Affaires étrangères a une pratique systématique sur les comptes Twitter de ses ambassades dans les pays anglo-saxons : celle de « troller », c’est-à-dire de se moquer agressivement, de provoquer, d’agresser verbalement, avec plus ou moins de mauvaise foi, dans un mélange d’anti « impérialisme » et d’affirmation impériale russe.

Cette démarche a toujours été évité en France, car il a toujours été considéré par la Russie, cela a déjà été souligné ici, que la France est « correcte » malgré qu’elle soit dans le camp occidental, qu’au fond elle peut être un partenaire, etc. Alors que l’élection présidentielle se profile en France, l’ambassade russe en France a pour la première fois modifié cette situation en se lançant dans une provocation, à quoi le ministre français des Affaires étrangères a immédiatement répondu en convoquant l’ambassadeur russe, Alexeï Mechkov.

Emmanuel Macron lui-même a pris la parole à ce sujet, disant :

« Ces publications sont inacceptables et le ministère des affaires étrangères a fait savoir cela à l’ambassadeur de Russie. C’était une faute, elle a été corrigée et j’espère qu’elle ne se reproduira pas, je ne l’espère pas, nous l’avons exigé. »

Voici ces deux caricatures, que le ministère russe des Affaires étrangères a sciemment choisi comme mal dessinées, grossières, en langue anglaise qui plus est. Quand on sait que la Russie est historiquement un des plus hauts lieux de la diplomatie, on comprend la provocation.

Sur la première caricature, « La solidarité européenne comme elle est », on voit des individus représentant des pays dont les langues se confondent pour lécher le derrière de l’Oncle Sam.

Sur la seconde caricature, on a deux personnages, « Dr. Empire of the Lies » (Docteur l’Empire des mensonges) et Dr. Euroreich en train d’utiliser des seringues (Covid-19, Russophobie, OTAN, sanctions, néo-nazisme, cancel culture) pour piquer l’Europe.

En ce qui concerne le Covid-19, il faut savoir que les médias russes désormais interdits (RT et Spoutnik), ainsi que les multiples « influenceurs » pro-russes sur Twitter, sont partis à fond dans le soutien aux opposants à la vaccination.

Tout cela est moche et ridicule, et une insulte ouverte au rapport diplomatique avec la France, qui a donc réagi immédiatement. Mais c’est surtout un avertissement. Si la France continue de s’aligner unilatéralement (ou quasiment) sur l’OTAN dans le cadre de la guerre en Ukraine, alors la Russie se lancera dans des tentatives de propagande – déstabilisation de même proportion que dans les pays anglo-saxons.

Cette affaire a lieu alors que d’un côté la France a envoyé dans les océans trois de ses sous-marins lanceurs de missiles nucléaires (normalement il y en a un au moins un sur les quatre de ce type), ce qui relève de l’escalade militaire, et en même temps ne pousse pas certaines entreprises françaises à quitter la Russie, ce qui relève d’une tentative d’accord avec la Russie.

C’est exemplaire des contradictions toujours plus grandes entre les grandes puissances et au sein des factions bourgeoises au sein de ces puissances. Le chancelier autrichien Karl Nehammer et le ministre allemand de l’énergie Robert Habeck ont d’ailleurs déclaré que paiement en roubles illégal contractuellement ou pas, il serait hors de question de se passer de l’énergie russe à court terme.

Et ce n’est qu’un début d’un jeu incessant de contradictions internes, produisant le fascisme à l’intérieur, le bellicisme pour le repartage du monde à l’extérieur…

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Politique

Alexandre Douguine, la guerre en Ukraine et l’extrême-Droite française

Un renouveau idéologique est à craindre.

La question des idéologies permettant à l’extrême-Droite de se développer est très importante, car c’est un levier incontournable pour la démagogie, la mobilisation de masse, un programme de nationalisme et de militarisme. Pour combattre le fascisme, il faut saisir la nature idéologique du projet fasciste et cela demande une réflexion intellectuelle développée.

C’est que le fascisme est compris par la Gauche historique non pas comme un accident politique ou un gang de racistes, mais comme une tendance produite par le capitalisme en crise. Le fascisme répond à un besoin des couches dominantes et l’anticapitalisme romantique est une dimension obligatoire pour mobiliser les masses et les empêcher de se tourner vers le Socialisme.

Or, avec la guerre en Ukraine, l’ensemble des prétendants à objectivement représenter le fascisme a grandement reculé sur ce plan. Ni Marine Le Pen ni Eric Zemmour n’ont assumé une rupture avec l’OTAN et la politique française nationaliste, ils sont accepté de dénoncer la Russie et de converger avec les États-Unis, tout en ayant des critiques bien entendu. Ils auraient pu profiter de l’invasion russe pour pousser le raisonnement jusqu’au bout et proposer un « contre-modèle » idéologique, avec une forte dimension pseudo-anticapitaliste, ils ne l’ont pas fait.

Cela laisse un espace de libre, mais du côté des regroupements activistes, la référence c’était le mouvement Azov, donc l’Ukraine, l’option russe étant ainsi bloquée. Quant à ceux ayant apprécié les républiques séparatistes du Donbass, ils sont partis là-bas pour la plupart.

Il faut donc s’attendre à un renouveau idéologique à l’extrême-Droite, sur la base de l’idéologie « eurasianiste », comme vecteur « anticapitaliste » si la Russie réussit son entreprise en Ukraine. Car le grand théoricien de cette idéologie, Alexandre Douguine, connaît de fait son heure de gloire avec « l’opération » menée par la Russie, qu’il appelait depuis 2014 de ses vœux, ayant même été mis de côté en Russie pour cette raison.

Depuis 2014 en effet, Alexandre Douguine appelle à établir une « nouvelle Russie » dans le Sud-Est de l’Ukraine afin de se se confronter aux forces « thalassocratiques », commerciales et maritimes, la Russie étant le représentant des forces « telluriques », ancrées dans le sol, enracinées. Ce serait Sparte contre Athènes, Rome contre Carthage.

Ce qui semblait hier avoir a mieux une fonction de simple légitimation de l’invasion russe (voir L’expansionnisme russe anti-ukrainien et sa base idéologique «eurasienne») semble devenir dans les faits une idéologie stratégique russe en tant que telle.

Et on peut voir que trois structures fascistes françaises cherchent à entrer dans la brèche, au prix de contorsions immenses.

Il y a tout d’abord le mouvement Egalité & réconciliation d’Alain Soral, qui cherche à sortir de son isolement provoqué par la pandémie dont la dimension mondiale a disqualifié la lecture paranoïaque antisémite sur un contrôle total du monde par les Rothschild. Une guerre entre grandes puissances, incompréhensible si une « entité » domine le monde, devrait faire de même, mais le mouvement est isolé et prêt à changer relativement sa vision du monde pour apparaître comme « visionnaire ».

Il y a ensuite une petite structure intellectuelle – élitiste de type « national-bolchevik », dont on s’abstiendra de donner le nom ici, qui y verrait bien un moyen d’avoir une dimension « sulfureuse ».

Il y a enfin la revue de la « nouvelle Droite » Elements, qui tente de reformuler le national-socialisme, et qui a donné naissance idéologiquement aux « identitaires ». Complètement hors-jeu elle aussi, elle se verrait bien converger u moins un minimum avec la Russie, comme en témoigne ces propos élogieux et explicatifs d’une idéologie eurasianiste qui pourtant n’a rien à voir avec le fantasme sur les « Indo-Européens » qui caractérise Elements depuis cinquante ans :

« D’un point de vue idéologique, cette guerre [de la Russie conte l’Ukraine], en coupant tous les ponts entre la Russie et l’Occident, marque la victoire des courants néo-eurasianistes et avant tout de leur chef de file, Alexandre Douguine.

Celui qu’on aurait pu prendre pour un intellectuel velléitaire et fantasque, sans véritable prise sur la politique étrangère russe ou pour un émissaire dans la stratégie russe de soft power vis-à-vis de la Droite « illibérale » européenne s’avère être peut-être la clef de cette invasion qui déjoue tous les calculs rationnels (…).

Le néo-eurasianisme part d’un questionnement qui traverse toute l’histoire russe : la Russie est-elle un « État européen » ou une « civilisation » à part ? Le premier Poutine avait voulu faire de la Russie un membre de la famille européenne. L’extension indéfinie de l’OTAN à l’Est semble l’avoir conduit à trancher définitivement en faveur du deuxième terme de l’alternative.

La critique poutinienne de la décadence postmoderne prend ici un nouveau relief à la lumière de la pensée de Douguine lequel a, depuis des années, œuvré à construire une « Quatrième Théorie Politique » qui serait pour la Russie une alternative au libéralisme, au fascisme et au communisme.

Idéologiquement, Douguine réalise une improbable synthèse des penseurs de la Tradition (Guénon et Evola notamment) et de la philosophie de Heidegger, en faisant du Dasein heideggérien, de l’homme ouvert au mystère de l’Être, le sujet fondamental de sa doctrine politique.

L’originalité de sa pensée tient néanmoins surtout au fait que cette vision antilibérale, qui s’inscrit à sa manière dans la tradition contre-révolutionnaire, se traduit dans une vision géopolitique. Faisant sienne la théorie schmitienne des « grands espaces », mais adoptant un point de vue proprement russe sur elle, Douguine prône l’avènement d’un monde multipolaire dont la Russie serait un des pôles, en même temps qu’une alliance des puissances telluriques comme la Chine, l’Iran, la Turquie voire l’Inde contre les puissances thalassocratiques que sont les Etats-Unis et leurs alliés.

Derrière cette opposition, en apparence sommaire, se profile celle entre un monde de l’enracinement et celui de la dissolution, Tradition contre postmodernité. Toute cette construction pouvait sembler un château de cartes intellectuel – un bon connaisseur de l’œuvre de Guénon pouvant parfois se demander ce que ce dernier fait en si étrange compagnie – mais c’était avant la guerre d’Ukraine qui voit, sous nos yeux, Poutine, le patient joueur d’échecs se métamorphoser en figure quasi-messianique du néo-eurasianisme. »

Cette conception d’une « quatrième théorie politique », c’est Eric Zemmour et surtout Marion Maréchal qui convergent le plus avec elle. Il y a ici une véritable menace idéologique en germe. Il ne s’agit bien entendu pas de la possibilité que les Français s’alignent sur l’idéologie « eurasianiste », cela est impossible. Mais il s’agit de bien cerner comment les intérêts des hautes bourgeoises en compétition au niveau international génèrent des idéologies qui résonnent entre elles selon les alliances et les besoins de mobiliser dans le nationalisme et le militarisme.

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Société

Les chauves-souris de Kharkiv ou bien l’Ukrainienne d’Emily in Paris et de Docteur House?

C’est l’image de la femme ukrainienne qui est en jeu, et c’est une bataille.

Lors du début de l’invasion russe, les sites internet diffusant de la pornographie ont connu des recherches massives des mots clefs « Ukrainian girls ». Il ne s’agit pas là de curiosité malsaine, mais de bien pire : d’une tendance patriarcale à l’esclavagisme sexuel. Les monstres se précipitent sur des femmes qui se retrouvent dans une situation de faiblesse. Et les réfugiées ukrainiennes à travers l’Europe subissent d’autant plus cette terrible menace patriarcale.

Cette tendance était déjà particulièrement marquée en Ukraine, pays le plus pauvre d’Europe où la prostitution était un système particulièrement développé, industrialisé, autant que celui des mères porteuses. Il existait avant la guerre une « sexualisation agressive » et iconique de la femme ukrainienne. La femme ukrainienne est présentée dans cette perspective comme belle et volontaire, autrement dit prête à tout, si on y met les moyens financiers.

Les exemples « pop » de cette idéologie sont innombrables. Dans la série Dr House, la très volontaire Dominika Petrova obtient de Dr House de réaliser un mariage blanc afin qu’elle obtienne la nationalité américaine, en l’échange du ménage et de la cuisine. Dans la série Emily in Paris, l’étudiante Petra est une étudiante voleuse, prête à tout pour les richesses matérielles, servant d’antithèse au personnage principal. Mais on peut retrouver de tels exemples dans de très nombreuses déclinaisons, car la « culture » dominante reflète des rapports de force capitalistes.

Le capitalisme ne va certainement pas valoriser le Centre Ukrainien de réhabilitation des chauves-souris ou en général les femmes de la protection animale. Ce qui l’intéresse, ce n’est pas l’abnégation, mais le marché. Le capitalisme vend qu’on puisse tout vendre et acheter, il ne veut pas de femmes donnant leur temps aux animaux, mais des femmes vendant leurs corps aux hommes.

La question de la femme ukrainienne, déjà importante, devient désormais un aspect désormais essentiel du féminisme. Si le patriarcat arrive à ses fins, à soumettre les femmes ukrainiennes réfugiées, c’est la Cause de toutes les femmes qui est gravement touchée. Et cela sera un exemple terrible pour les conflits à venir, ce sera un appel d’air au patriarcat le plus virulent. La guerre à venir, c’est l’enfer pour les femmes du monde. La bataille pour le repartage du monde implique en soi la mise en place de nouveaux marchés – les femmes formeront un tel marché.

Il est d’ailleurs significatif que la fondatrice des Femen, l’Ukrainienne Inna Shevchenko, n’aborde pas du tout la question du statut de la femme ukrainienne. Elle est depuis le début de la guerre entièrement dans le camp des propagandistes au service de l’OTAN, déversant sans fin des messages reprenant tout le bourrage de crâne du capitalisme occidental et du nationalisme ukrainien (les Russes « exterminent » les Ukrainiens et ils l’ont toujours fait). Cela, alors qu’elle n’a jamais parlé de l’Ukraine avant l’invasion, malgré les tensions énormes existant déjà. Elle a « redécouvert » l’Ukraine seulement dans la mesure où elle pouvait converger avec le capitalisme occidental. Dans une telle démarche, il n’y a aucune place pour le féminisme, qui ne peut être par définition que démocratique et populaire.

A travers la question de la femme ukrainienne, il y a la question de la femme en général qui se pose – la bataille pour le repartage du monde est la grande menace sur la Cause des femmes.

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Guerre

La situation militaire dans la guerre en Ukraine fin février 2022

Un panorama pour saisir les clefs du développement.

Il est temps de dresser un panorama de la situation actuelle en Ukraine alors que la ville de Marioupol est en train de tomber dans les mains russes, brisant la forteresse militaire des nazis du régiment Azov. Ceux-ci, déjà d’une énorme brutalité, vont mener une nouvelle escalade et déjà fleurissent les images de gens scotchés à des arbres ou des poteaux, et maltraités. La Russie parle d’opposants au régime qui sont ciblés, le régime ukrainien de pillards, et on comprend qu’on rentre dans une nouvelle guerre de communication, dans le cadre d’une nouvelle phase avec désormais l’occupation militaire russe. La question des exécutions sommaires, déjà abordée, ne peut que prendre une ampleur toujours plus grande.

La Pologne s’agite également comme une forcenée pour que l’OTAN intervienne militairement. A ses côtés, on a les pays baltes littéralement déchaînés eux aussi dans le militarisme. L’objectif ici est la conquête de la Biélorussie, ni plus ni moins. Telle est la guerre du repartage du monde, une fois enclenchée, elle ne cesse de prendre de l’ampleur.

En attendant donc l’escalade nouvelle à venir, voici de quoi comprendre la situation générale actuellement. Voici une carte de l’Ukraine. La partie Est du pays est très plate et, par conséquent, un terrain favorable au mouvement de troupes en cas d’invasion visant la Russie. C’est donc l’objectif principal de la Russie que de neutraliser ce territoire, en termes stratégiques défensifs. En termes stratégiques offensifs, dans une perspective de conquête, il y a la zone Sud, avec la Mer Noire, où il s’agit de disposer de bases navales, dans le prolongement des initiatives tsaristes en ce domaine. Enfin, dans le contexte actuel, il s’agit de paralyser le régime ukrainien, dont la capitale est Kiev.

Source : wikipédia

Ces trois axes expliquent les trois offensives russes. Voici une autre carte, avec les trois offensives russes placées symboliquement.

Il est considéré que l’offensive 1 a été un échec, que l’offensive 3 a été un succès, que l’offensive 2 est entre les deux car elle n’a pas vraiment eu lieu.

En pratique personne n’a d’informations quant aux pertes ukrainiennes : le black-out sur ce point est absolument total. Il n’y a pas non plus d’informations quant aux pertes russes (à part ce qui est dit par le régime ukrainien). A moins donc de profiter d’informations des états-majors ou des services secrets, et encore au plus haut niveau, impossible d’avoir un aperçu concret qui ait une quelconque certitude.

Il y a bien des photos de véhicules russes détruits, des vidéos de soldats russes emprisonnés dans des mises en scène par le régime ukrainien (ce qui est un crime de guerre selon la convention de Genève), mais on ne peut être sûr de rien sur ce plan, toute information dépendant des armées, même si on les retrouve sur les réseaux sociaux. L’intoxication est la règle.

Un exemple significatif de cela est qu’en même temps que le régime ukrainien explique que l’armée russe connaît une débâcle, le président ukrainien Volodymyr Zelensky s’adresse au parlement israélien (en l’occurrence le 20 mars 2022) pour expliquer que les Russes mènent une « solution finale » contre les Ukrainiens, que les ces derniers sont dans la même situation que les Juifs face aux nazis.

De la même manière, les médias anglophones expliquent le 22 mars 2022 que la Russie connaît une défaite totale, et pourtant qu’elle s’apprête à envahir la Pologne. La propagande tourne à fond et on aura compris que le fameux centre commercial bombardé à Kiev abritait des forces ukrainiennes, en l’occurrence des véhicules dans le parking, bien évidemment.

En réalité, l’armée russe avance inlassablement, en forçant sa voie. En sachant qu’il y a 2000 km de front, on comprend l’ampleur de son action et on saisit que la théorie du « blitzkrieg » que la Russie aurait espéré est fausse. Naturellement, la Russie a tout de même relativement tenté le coup, en se disant qu’il fallait au moins essayer. Mais cela n’a jamais été l’objectif.

La preuve de cela, c’est que pendant les deux premières semaines, l’armée russe a évité d’employer ses unités d’élite, ses tanks les plus modernes, ses drones, son aviation. L’armée russe agit en fait de manière très pragmatique, en envoyant au casse-pipe des forces annexes, afin de tenter le coup et de voir les modalités d’action de l’armée ukrainienne. Le problème est bien sûr qu’un tel pragmatisme provoque une désorganisation générale d’une telle offensive, d’où vraisemblablement de nombreuses pertes inévitables quand on procède ainsi. Cependant, là n’est pas le noyau de la question. Ce qui prime, c’est l’installation de l’occupation par la Russie.

Voici une carte, venant d’un média russe, en date du 21 mars 2022.

Concrètement, la Russie détruit les bases militaires ukrainiennes et l’industrie militaire ukrainienne, déstructure l’ensemble du pays à très grande échelle (avec les réfugiés, les destructions collatérales, les occupations, les encerclements de villes, etc.). Elle compte encercler le gros des forces ukrainiennes qui est présent dans le Donbass, afin de l’anéantir. Elle table sur la prise de toute la côte, jusqu’à Odessa, en se contentant par contre de maintenir encerclées les villes de Kiev et Kharkiv, pour les épuiser.

Puis elle dictera ses conditions à l’Ukraine pour la fin de la guerre, maintenant sinon une occupation / un affrontement permanent, voire une occupation au moyen de « républiques » régionales.

Dans l’accord, il y aura bien entendu que l’Ukraine appelle à la fin des sanctions contre la Russie. Et nombre de grandes puissances, avides d’une meilleure place dans la grande compétition qu’est la bataille pour le repartage du monde, s’empresseront de se précipiter dans la brèche… tout en étant prêts, si la Russie échoue dans sa démarche, à la dépecer.

Ce qu’on voit est peut-être la première guerre « moderne » du 21e siècle, une guerre de repartage du monde qui est une guerre sans être une guerre, pour contourner la question atomique. C’est un événement d’une importance majeure.

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Politique

Le meeting de Vladimir Poutine du 18 mars 2022

Il synthétise l’idéologie de l’Etat russe et de sa guerre en Ukraine.

C’est une initiative politique au sens le plus pur du terme que Vladimir Poutine a pris le 18 mars 2022. Traditionnellement, le 18 mars est une journée de célébration à la fois patriotique et nationaliste du retour de la Crimée à la Russie en 2014. Cette fois, le paquet a été mis pour une démonstration de force alors que la Russie connaît une avalanche de sanctions de la part des pays capitalistes occidentaux et des pays qui leur sont directement reliés dans l’Est de l’Europe. 80 000 personnes se sont rassemblées dans le stade Loujniki à Moscou, 30 000 étant à l’extérieur devant des écrans géants, pour un concert avec, en son cœur, un discours de Vladimir Poutine.

La nature de ce discours est naturellement de la plus haute importance, puisqu’elle résume la position de l’État russe, qui plus est en quelques minutes seulement. Qu’a dit Vladimir Poutine? Il a commencé son discours déjà par les premiers mots de la longue phrase inaugurant la constitution de la Russie. Voici la phrase, les mots cités par Vladimir Poutine étant en gras.

« Nous, peuple multinational de la Fédération de Russie, uni par un destin commun sur notre terre, affirmant les droits et libertés de l’homme, la paix civile et la concorde, conservant l’unité de l’État historiquement constituée, nous fondant sur les principes universellement reconnus d’égalité en droit et d’autodétermination des peuples, vénérant la mémoire des ancêtres qui nous ont transmis l’amour et le respect de la Patrie, la foi dans le bien et la justice, faisant renaître l’État souverain de la Russie et rendant intangible son fondement démocratique, visant à assurer le bien-être et la prospérité de la Russie, mus par la responsabilité pour notre Patrie devant les générations présentes et futures, nous reconnaissant comme une part de la communauté mondiale, adoptons LA CONSTITUTION DE LA FÉDÉRATION DE RUSSIE. »

En quoi est-ce essentiel? Eh bien parce que si Vladimir Poutine rappelle ces mots pour célébrer le retour de la Crimée à la Russie, il entend en même temps souligner que la Crimée n’a pas été « siphonnée » par la Russie, mais qu’elle l’a rejoint dans une communauté de destin de type fédéral. Vladimir Poutine ne dit pas d’ailleurs « la Crimée », mais « la Crimée et Sébastopol », parce que dans la Fédération de Russie la ville de Sébastopol en Crimée a un statut de ville d’importance fédérale.

Maintenant si on raisonne sans être stupide, on comprend tout de suite ce que cela signifie pour l’Ukraine. C’est un appel du pied pour dire : n’ayez crainte, l’Ukraine ne sera en aucun cas englouti par Moscou, rejoignez la Russie pour être relié à d’autres structures de dimension fédérale, il y a tout à gagner à agir ainsi pour les régions ukrainiennes, pour les villes ukrainiennes significatives.

C’est là un point essentiel, qui se concrétise de manière symbolique à Marioupol, où l’armée met en première ligne des forces tchétchènes. Il s’agit là de souligner la dimension multi-ethnique, multi-nationale de la Russie, de manière marquée, et ce d’autant plus que ces forces se revendiquent de l’Islam et que Marioupol, c’est « la ville de Marie ».

Le bref discours de Vladimir Poutine y fait d’ailleurs référence. Il a cité les propos suivants, tirés de la Bible (Jean Chapitre 15, verset 13) :

« Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. »

Et il a enchaîné en disant que c’était vrai pour toutes les nations et toutes les religions, que dans « l’opération spéciale » en Ukraine il y avait dans l’armée russe un tel sens du sacrifice les uns pour les autres, que les soldats luttent côte à côte, prêts à se jeter sur les balles pour empêcher les autres de mourir, etc. Il y a là la dimension mystico-religieuse de ce qui est bien entendu l’idéologie « eurasienne » de la Russie (qu’on trouve exposée dans l’article L’expansionnisme russe anti-ukrainien et sa base idéologique «eurasienne»).

« Pour un monde sans nazisme » (fond blanc)
« Pour la Russie » (fond bleu)
« Pour le Président » (fond rouge)
Avec à chaque fois un « Z » de l’alphabet latin remplaçant la lettre russe « З » se prononçant justement « Z »

On notera par ailleurs qu’il y a une forte dimension idéologique dans les forces tchétchènes en première ligne à Marioupol, car l’armée ukrainienne est là-bas composé des nazis du régiment Azov, d’ailleurs épaulés par des rebelles tchétchènes djihadistes. La ville en train de tomber dans les mains de l’armée russe va connaître un bain de sang, alors que déjà les hommes fuyant la ville voient leurs corps inspectés à la recherche de tatouages nazis.

Vladimir Poutine a conclu son discours en faisant référence à l’amiral Fiodor Ouchakov, qui a triomphé dans 40 batailles navales au 18e siècle, avant de se retirer sobrement près d’un monastère en Mordovie à la fin de sa vie. C’est une référence très subtile.

Il y a la dimension militaire, puisque l’amiral en question est resté victorieux, Vladimir Poutine rappelant que Fiodor Ouchakov voyait en ces batailles des orages qui glorifieraient la Russie. Il y a la dimension mystique puisque l’amiral est resté un pur loin des richesses et des intrigues de la Cour royale, il a d’ailleurs été canonisé par l’Église catholique orthodoxe russe en 2001.

Il y a une dimension impériale, car c’est à l’époque que la Crimée devient russe et c’est Fidor Ouchakov qui s’occupe de superviser la construction de la base navale de Sébastopol. Il a également supervisé la construction de docks d’une ville à 80 km de la Mer Noire si l’on remonte deux fleuves (le Dniestr et le Boug méridional), Kherson. Maintenant, si on dit que Kherson a été conquise par l’armée russe le 2 mars, on a tout compris…

On peut voir un large extrait du concert de Moscou ici. Et voici deux vidéos de chansons emblématiques qui y ont été joués par leurs chanteurs. La première, c’est la chanson d’Oleg Gazmanov, avec une chanson disant que mon pays c’est l’URSS (« je suis né en URSS »), avec la liste de tous les pays qui l’ont composé. Naturellement, l’Ukraine est mentionnée et ce même dès le départ.

La chanson est nostalgique de l’empire soviétique à 2000% et de par son ton, son approche, elle est une sorte d’inversion impériale « soviétique », prétentieuse et boursouflée, de la grande chanson de l’URSS des années 1930 « Vaste est ma patrie », d’orientation patriotique, « réaliste socialiste ». Elle a en même temps une fabuleuse dignité populaire pour les Russes, c’est d’une sincérité sentimentale débordante insaisissable pour les esprits cartésiens français. Il faut être russe sans doute pour avoir même la nostalgie du KGB, en effet..

La seconde, c’est la (fameuse et très belle) chanson Kukushka du groupe Kino (des années 1980), chantée par Polina Gagarina. La version de cette dernière est très connue pour avoir fait partie du film La bataille pour Sébastopol (en français « Résistance ») de 2015, un film (de qualité assez secondaire) sur la fameuse tireuse d’élite soviétique de la seconde guerre mondiale Lioudmila Pavlitchenko. La vidéo est pour le coup entraînante à souhait.

La présence des deux chanteurs avec ces deux chansons au concert moscovite en dit long, voire même résume tout.

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Guerre

La propagande occidentale sur Marioupol montre que l’OTAN veut dépecer la Russie

La démagogie est sans bornes.

20 000 mercenaires en provenance de 52 pays sont venus en soutien à l’armée du régime ukrainien, en provenance surtout de pays occidentaux, avec un esprit patriarcal-militariste et une idéologie totalement favorable au capitalisme occidental. C’est un phénomène de masse, qui a l’appui direct des États occidentaux. C’est là quelque chose d’une grande importance, car tout comme l’Ukraine sert de chair à canon pour la guerre indirecte à la Russie menée par l’OTAN, il y a une tentative de soutenir celle-ci de manière opérationnelle.

A cela s’ajoute naturellement la fourniture massive d’armements. La dernière en date est de 800 millions de dollars, décidée le 16 mars 2022 par le président américain Joe Biden (800 systèmes de défense anti-aérienne Stinger, 9 000 systèmes anti-char, 7 000 armes légères, 20 millions de munitions). C’est une autre preuve de l’engagement militaire occidental dans la guerre en Ukraine.

Et la preuve de cela, s’il en fallait une, ce sont les mensonges systématiques. La propagande sans bornes sur Marioupol reflète le positionnement conquérant des pays de l’OTAN, qui démonisent la Russie afin de justifier un programme de dépècement. Car les informations qui proviennent de Marioupol proviennent directement du régiment Azov, une structure nazie de l’armée ukrainienne. Ce que racontent les gens d’Azov est pris pour argent comptant, avec une intense rhétorique de commentateurs selon laquelle l’armée russe viserait de manière spécifique les civils, les femmes, les enfants, les maternités.

Il est pourtant absolument évident qu’on ne saurait prendre pour argent comptant ce qui est dit dans la guerre, venant d’un camp comme de l’autre. Et encore moins lorsqu’il s’agit d’un aspect clef de la guerre. Les nazis d’Azov ont ainsi fait de Marioupol, une ville de la région de Donetzk, une forteresse justement parce que c’est une ville russophone, avec des Russes faisant au moins un tiers de la population. Ils sont prêts à tout pour empêcher que cette ville tombe, même à utiliser la population civile comme bouclier, à raconter n’importe quoi.

L’affaire de la maternité bombardée est ici emblématique, avec la fameuse photo de l’instagrammeuse Mariana Vishegirskaya enceinte sur un brancard. La Russie avait prévenu plusieurs jours avant que cette maternité était occupée par le régiment Azov et qu’elle formerait une cible. C’est quelque chose d’aisément vérifiable sur les réseaux sociaux de l’État russe.

Quant au bombardement le 16 mars 2022 du théâtre dramatique régional de Marioupol, abritant des civils et où il était écrit « enfants » en grand au sol en russe, qui a particulièrement défrayé la chronique et horrifié, il apparaît que… l’abri anti-bombes aurait tenu et qu’il n’y a aucun mort. Il y a ici un réel problème. On ne peut que se dire que la Russie a raison d’accuser en fait le régiment Azov d’avoir fait exploser le bâtiment pour une opération psychologique.

Si on en est à s’imaginer que la Russie peut avoir raison – un comble vue que le régime justifie tout ce qu’il veut -, c’est que l’Ukraine ment autant, son appareil d’État ou plus précisément les services secrets étant pareillement en provenance directe de l’URSS des années 1980 et de ses opérations d’intoxication. C’est intoxication sur intoxication, avec un storytelling ininterrompu, qui sert à mobiliser, à manipuler l’opinion. Et les intoxicateurs ne dévient jamais de leur perspective, même si ce qu’ils racontent est faux et qu’ils ne peuvent pas ne pas le savoir.

Le Times of Israel a expliqué par la suite le 4 mars que le mémorial n’a pas été touché en réalité. Ce qui n’empêche pas le 6 mars des propagandistes de continuer à parler même d’un bombardement ciblé (alors que même le régime ukrainien parlait de dégâts indirects).

Tout cela a un sens : la mobilisation générale pour faire tomber la Russie. Seuls des bourgeois ou des valets de la bourgeoisie peuvent prendre pour argent comptant les discours officiels sur la « démocratie ». On est ici dans la bataille pour le repartage du monde, c’est la grande actualité, c’est la question clef de la marche du monde désormais, tout dépend d’elle. Qui ne le voit pas converge avec un camp aux visées impériales.

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Politique

La position chauvine du Parti communiste de la fédération de Russie sur la guerre en Ukraine

Lénine peut se retourner dans sa tombe.

Né en 1993, le Parti communiste de la Fédération de Russie est le successeur du Parti Communiste d’Union Soviétique qui a dirigé l’URSS ; il est sur une ligne mêlant affirmation des acquis sociaux « soviétiques » et nostalgie de l’époque où l’URSS était une grande puissance dans les années 1970-1980. Son dirigeant est Guennadi Ziouganov et c’est le principal parti d’opposition en Russie. Le parti « Russie Unie » de Vladimir Poutine fait grosso modo plus de 50%, le Parti communiste de la Fédération de Russie tout de même autour de 20% en comptant qu’il y a un bourrage des urnes en sa défaveur.

Le Pôle de Renaissance Communiste en France, qui en est très proche idéologiquement, a traduit un article exprimant sa position du 14 mars 2022, formulé par l’un de ses dirigeants, Viatcheslav Tetekin (Ukraine : ce qu’en disent les communistes russes du KPRF). Ce qu’on lit est simple : le régime russe est réactionnaire, mais… il défend les intérêts nationaux, donc il faut le soutenir. Ce qui contredit directement la thèse de Lénine selon laquelle l’ennemi est dans son propre pays. Lénine, en suivant la ligne du Parti communiste de la Fédération de Russie, aurait dû finalement bien soutenir le tsar afin de défendre les « intérêts nationaux »…

Voici comme cela est présenté : la politique étrangère expansionniste, c’est très bien, par contre sur le plan intérieur il faut davantage de social.

« Depuis 30 ans, je suis l’un des critiques les plus actifs de la politique intérieure et étrangère de l’élite russe. Dans son caractère de classe, le pouvoir oligarchique-bureaucratique en Russie n’est pas très différent du pouvoir en Ukraine (sauf sans fascisme et sans contrôle total des États-Unis).

Cependant, dans les cas malheureusement rares où les dirigeants russes poursuivent une ligne qui répond aux intérêts historiques du pays et du peuple, le principe de la critique « automatique » n’est guère approprié.

Je fais valoir depuis longtemps que les sanctions auront un effet bénéfique sur la suppression de la dépendance imposée par la Russie à l’égard de l’Occident dans divers domaines de la vie.

Le gouvernement russe fait déjà les premiers pas dans cette direction. La tâche des forces de gauche est d’encourager vigoureusement les autorités à changer non seulement la politique étrangère, mais aussi le cours socio-économique, qui ne correspond pas aux intérêts du peuple. »

Comment peut-on dire que Vladimir Poutine et ce qu’il représente – l’oligarchie et le complexe militaro-industriel russes – peuvent défendre les « intérêts historiques du pays et du peuple »? C’est aberrant. C’est typiquement la position sociale-chauvine prise pratiquement partout en 1914 : notre pays a un régime mauvais, mais celui d’en face est pire, il faut donc soutenir la guerre et il en ressortira quelque chose bien car l’ennemi le plus mauvais aura été supprimée, etc.

Car dans son article, Viatcheslav Tetekin dit bien de l’Ukraine que :

« La nature de l’État ukrainien actuel est une alliance du grand capital et de la bureaucratie de l’État, s’appuyant sur des éléments criminels et fascistes sous le plein contrôle politique et financier des États-Unis.

Enlevons comme le dit Viatcheslav Tetekin le fascisme et la soumission à la superpuissance américaine. Il reste tout de même une « alliance du grand capital et de la bureaucratie de l’État » – et c’est cette alliance qui serait capable d’orienter correctement les intérêts de la Russie comme nation, des Russes comme peuple? Lénine peut se retourner dans sa tombe. C’est la négation de la lutte des classes au profit d’une conception nationale tout à fait bourgeoise validant les intérêts de l’oligarchie russe dans son expansionnisme.

Ce que fait d’ailleurs le Parti communiste de la fédération de Russie depuis trente ans. C’est ce parti qui a ouvert la voie à la catastrophe en demandant au parlement russe la reconnaissance des républiques séparatistes du Donbass – permettant à Vladimir Poutine de s’engager dans l’invasion de l’Ukraine au nom d’une exigence « nationale ».

Cela ne veut pas dire que le régime ukrainien n’était pas (et n’est pas) une plate-forme de l’OTAN contre la Russie. Mais il faudrait savoir si oui non la thèse de Lénine et de Rosa Luxembourg comme quoi l’ennemi dans son propre pays est juste ou pas.

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Société

La société française consomme la guerre en Ukraine

Il n’y a pas de prise de conscience, seulement du subjectivisme.

La guerre en Ukraine est un événement d’une importance à la fois historique et mondial, et il faut ici souligner à quel point le fait de l’annoncer depuis avril 2021 n’a strictement rien changé pour agauche.org. Cela ne nous étonne pas du tout, nous l’avions anticipé, parce que nous savons qu’aucune prise de conscience ne peut avoir lieu spontanément en général, et en particulier avec une société capitaliste enserrant les gens jusque dans leur vie privée.

Les gens ont l’habitude de consommer et, partant de là, ils consomment même les événements les plus importants. Tout comme pour la pandémie, les gens basculent dans le subjectivisme pour interpréter les choses à « leur manière », en délirant plus moins, afin de consommer ce qui est nouveau. On dira ici : un événement n’est pas une marchandise. Oui, mais il est prétexte à des marchandises. Les réseaux sociaux sont emblématiques de comment les faits eux-mêmes sont utilisés pour que les gens « s’expriment » de manière du subjectiviste, participant ainsi au grand marché capitaliste.

Le régime ukrainien l’a bien compris d’ailleurs, en fournissant une liste sans fin d’intoxication consommable, faux de bout en bout : le pilote « fantôme de Kiev » qui aurait abattu le premier jour plusieurs avions russes, les soldats sur l’île des serpents tués après avoir « envoyé se faire foutre » le navire de guerre russe, la destruction du mémorial du massacre nazi de Babi Yar, le président Volodymyr Zelensky ayant fait un duo musical épris de paix avec sa femme juste avant la guerre, etc.

Le régime russe génère évidemment des consommables de la même manière, avec largement moins de succès et se focalisant surtout sur l’élection présidentielle à venir, mettant le paquet en ce moment en mode « tout sauf Macron » sur ses multiples médias.

Cependant, le problème n’est pas ici de manière principale que le capitalisme mette en avant la consommation, un style de vie appelant à la consommation. Le problème, ce sont les gens eux-mêmes, totalement aliénés. Même en admettant que la centaine d’articles publiés depuis avril 2021 sur la guerre à venir en Ukraine soient erronés, il y aurait dû y avoir un incroyable boom du lectorat, au moins par curiosité intellectuelle. Seulement, cet effort de l’intellect, les Français n’en veulent pas, ils veulent du twitter, de l’instagram, des remarques à l’emporte-pièce, des petites analyses stéréotypées.

Emmanuel Macron présente un excellent exemple de cela, avec les photos de la mi-mars mises en avant par sa photographe officielle Soazig de la Moissonnière, avec un hoodie CPA 10 (Commando Parachutiste de l’Air nᵒ10, une formation chargée de la protection des sites). Il a compris qu’il devait lui aussi donner une touche personnelle – en fait subjectiviste, pour être en phase avec la période.

C’est un mélange de paresse et de stupidité, ou plus exactement de suractivité nerveuse et d’intelligence entièrement orientées par le capitalisme. Il faut montrer qu’on est dépassé individuellement, mais que ce n’est pas « réel » ce qui se passe, ou du moins pas essentiel – c’est un événement « hors » capitalisme, qu’on peut prendre « comme on veut ». On prend au sérieux, et en même temps non. C’est du consumérisme.

Ainsi, le subjectivisme s’ajoute au subjectivisme, avec un jeu de surenchère, d’utilisation de préjugés, d’analyses superficielles, etc. Pour l’Ukraine c’est encore plus flagrant, car les Français ne connaissent rien à ce pays ne sachant ni où cela se situe, ni qui sont ses habitants, sans parler de la culture ou du parcours historique.

Comme en plus il faut ajouter la Russie, terre de fantasmes médiatiques, ainsi que l’OTAN, et puis la Chine, tous les pays d’Europe… là on perd carrément pied à moins d’un véritable effort prolongé, d’une ténacité intellectuelle qui ne peut être que politique.

C’est là un point essentiel : lorsque l’Histoire avance, le privé devient politique de manière flagrante, tout comme le politique devient privé. S’intéresser ou ne pas s’intéresser à telle chose a une dimension politique fondamentale. La question des animaux est un exemple notable : qui ne se tourne pas vers elle se détourne de son époque.

Et ce qui est terrible, c’est que plus l’époque fournit des défis, plus les gens fuient. C’est véritablement un effondrement civilisationnel.

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Guerre

Les exécutions sommaires dans la guerre en Ukraine

Elles sont nombreuses, inéluctablement.

Il n’y a strictement aucune information à ce sujet, et pour cause : la guerre en Ukraine n’est pas menée par des armées populaires, soucieuses de la légalité démocratique. Le régime ukrainien veut se maintenir coûte que coûte, et les nationalistes ukrainiens l’épaulent veulent élargir leur champ d’action. L’armée russe entend amener un changement de régime, aussi entend-elle se débarrasser des cadres administratifs et politiques gênants.

Aussi, de manière certaine, les exécutions sommaires sont nombreuses, voire très nombreuses. Il est certain, de par la nature du régime ukrainien, que des gens considérés comme favorables à la Russie ont été supprimés. Cette tendance existait déjà avant l’invasion russe, avec les nationalistes ukrainiens maintenant la pression pour étouffer toute opposition. Elle ne peut qu’avoir été systématisée, de par la tension et de par la diffusion massive d’armes. Des gens sont supprimés pour ne pas être en mesure d’épauler l’armée russe, c’est évident.

Du côté russe, il faut assurer le contrôle des zones envahies lors d’une invasion, une chose très difficile, rendant d’autant plus nécessaire la mise hors d’état de nuire des menaces potentielles. Il ne faut pas s’attendre à autre chose de l’envahisseur qu’est une armée russe entendant imbriquer l’Ukraine dans la Russie. C’est un passage en force et l’objectif est de supprimer ce qui est hors du cadre attendu par l’invasion.

Il est d’ailleurs totalement stupide de considérer que la Russie espérait une victoire rapide, comme la propagande occidentale ne cesse de le dire. Si une victoire rapide était possible, alors c’est que le régime ukrainien était faible et la Russie n’aurait justement pas envahi, considérant encore comme possible un renversement du gouvernement, un changement de régime. C’est précisément parce que la Russie savait que le régime ukrainien s’était solidement implantée, sous l’égide occidentale, que la solution militaire a été considérée comme incontournable, afin de réorganiser l’appareil d’Etat ukrainien (en le divisant par une décentralisation régionale, en changeant le personnel dirigeant et les cadres administratifs, etc.).

Cette situation où un régime fait face à une intervention militaire pour imposer un nouveau régime n’est nullement révolutionnaire, mais l’antagonisme reste violent, puisque c’est littéralement personnel étatique contre personnel étatique, monopole de la violence contre monopole de la violence, cadres administratifs contre cadres administratifs.

La liquidation de cadres ukrainiens existants ou de cadres pro-russes potentiels est donc clairement un aspect non-dit, mais ayant résolument lieu. Il y a depuis le début de la guerre forcément une grande purge, qui doit être particulièrement vindicative et sanglante. Dès le déclenchement de la guerre, le régime ukrainien a forcément déclenché immédiatement une opération de liquidation, tout comme la Russie a cette pratique dans ses plans d’occupation.

On apprendra cela après la fin de la guerre, même si la vérité est toujours difficile à connaître lorsque les situations militaires sont extrêmes, comme avec les villes assiégées, les contrôles militaires et la censure, la propagande, etc. Mais il faut déjà avoir conscience de cet aspect pour saisir ce qui se passe en Ukraine.

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Guerre

Guerre en Ukraine : la prochaine entrée de la Chine dans le grand jeu

La Chine va entrer en scène dans le repartage du monde.

Faire de la politique, c’est analyser le monde, présenter des évolutions à venir et fournir des positions afin d’orienter ses activités dans un sens ou dans un autre. Tout le reste est un accompagnement d’un présent en train de disparaître. Et de la même manière qu’en avril 2021, agauche.org avait annoncé le caractère inévitable de l’invasion russe de l’Ukraine, il est nécessaire d’affirmer que la Chine va rentrer en scène, enclenchant une dynamique devant la mener, espère-t-elle, au statut de superpuissance.

On dira qu’il n’y a pas forcément grand risque à dire cela, puisque cela semble une évidence. Cependant, il faut bien voir que l’ensemble des analystes dit que la Chine continue d’attendre, qu’elle n’a nullement envie de s’engager aux côtés de la Russie, bref qu’elle va en rester à la ligne qu’elle a depuis les années 1990 : investir le surplus financier à l’étranger tout en modernisant l’armée, prétendre vouloir un ordre mondial de coopération en espérant une « concorde universelle » à venir, renforcer les influences chinoises, etc.

Cette analyse est totalement fausse, car elle ne saisit pas le changement d’époque provoquée par la pandémie. Le capitalisme est entré dans le mur et il y a l’objectif de rattraper la croissance perdue par une expansion forcée, l’objectif pour chaque grande puissance étant de rester debout tout en faisant vaciller les concurrents. Objectivement, cette compétition mène à la guerre.

La Chine est ici le grand challenger, c’est la puissance désireuse de remplacer la superpuissance américaine pour l’hégémonie mondiale. Par conséquent, loin d’être un facteur de stabilité pour une croissance « discrète », sur les côtés pour ainsi dire, de l’ordre mondial, la Chine est le principal facteur de troubles. Historiquement, la Chine prend aujourd’hui la place qu’avait la puissance soviétique expansionniste des années 1970, avec sa monstrueuse bureaucratie fasciste et son armée gigantesque s’appuyant sur un complexe militaro-industriel engloutissant une large partie de l’économie.

Partant de là, la Chine va nécessairement rentrer en scène dan le cadre de la guerre en Ukraine. Sous quelle forme ? Cela va se décider concrètement, mais ce sera de telle manière à ajouter au grand vacillement recherché dans l’objectif de bouleverser l’ordre mondial. Et ce sera visible, reconnaissable. On pourra aisément voir que la Chine rentre en scène dans la grande bataille pour le repartage du monde, ce sera en quelque sorte un appel historique.

Ce point de vue est, au sens strict, totalement différent de ceux qui ne voyant pas les contradictions mondiales, s’imaginent qu’il y a d’un côté un ordre « impérialiste » et de l’autre… on ne sait trop quoi. C’est la ligne de pratiquement toute la Gauche française lorsqu’elle n’est pas ouvertement pro-OTAN. Les publications du PCF encensent la Chine, et même quand il y a une distance critique, il y a toujours une attirance indirecte pour les « trublions » venant perturber l’ordre dominant. Nathalie Arthaud, candidate de Lutte Ouvrière à la présidentielle 2022, explique ainsi au sujet de la guerre en Ukraine que :

 « On a affaire à une guerre entre brigands, entre Poutine et le camp impérialiste. »

Car la Russie serait… on ne sait quoi, tout comme Cuba, la Palestine, le Venezuela, la Syrie, la Chine, le Donbass séparatiste, voire la Corée du Nord pour les plus excentriques, délirants et malsains. Nathalie Arthaud n’a bien entendu aucune sympathie pour la Russie. Pourtant, indirectement, elle pose un ordre mondial et des forces détestables s’y confrontant, ce qui amène à réfuter la concurrence internationale, la compétition pour le repartage du monde. Partant de là, personne ne voit la guerre.

C’est bien pourtant un pas vers la 3e guerre mondiale qui est fait avec la guerre en Ukraine, avec comme protagonistes principaux la superpuissance américaine et son challenger chinois. Le grand processus de remise en cause de l’ordre mondial commence – et la Chine va commencer à peser de tout son poids pour que la stabilité soit déchirée, pour que celle-ci se reconstitue sur une base lui étant directement favorable, lui permettant l’hégémonie.

La Chine ne saurait rester à l’écart de la bataille pour le repartage du monde – alors qu’elle représente l’aspect principal des troubles allant dans le sens de ce repartage !

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Politique

Décès d’Alain Krivine, figure majeure de l’opération d’escroquerie trotskiste à la suite de mai 1968

Le succès de l’opération a été immense.

Alain Krivine est tout à gauche

Il est un film qu’il est très utile de voir : Mourir à trente ans, un documentaire de 1982, qui retrace la prétendue naissance de la Jeunesse Communiste Révolutionnaire au milieu des années 1960, avec le jeune Alain Krivine à sa tête. De manière scénarisée, il est expliqué que des jeunes, révolutionnaires sincères, rompent avec le Parti communiste « stalinien », fonde d’eux-mêmes une petite organisation qui réussit de par sa sincérité et son engagement à se formaliser comme une structure politique d’envergure, la Jeunesse Communiste Révolutionnaire, jouant un rôle éminent en 1968, fondant dans la foulée une Ligue Communiste, devenant le Front Communiste Révolutionnaire, puis la Ligue Communiste Révolutionnaire, puis le Nouveau Parti Anticapitaliste (en 2009).

Cette affiche de mai 1974 reprend très exactement ce qui est une narration esthétisée-romantique visant à piéger les gens. Même la page wikipédia de la Jeunesse Communiste Révolutionnaire reprend cette fiction.

En réalité, la Jeunesse Communiste Révolutionnaire a été un montage politique mis en place par les trotskistes du Parti communiste internationaliste. Complètement isolés politiquement après 1945, les trotskistes se sont divisés sur les moyens de se développer. La tendance du Parti communiste internationaliste a opté pour le masque gauchiste, cherchant à recruter à la fois de manière secrète et à proposer des fronts factices pour recruter en trompant. Alain Krivine, né en 1941 et qui vient de décéder, a ainsi été recruté puis a continué d’agir comme « taupe » dans l’Union des Etudiants Communistes, pour organiser une rupture artificielle.

Cela amena la mise en place de la « Jeunesse Communiste Révolutionnaire », calibrée dans une forme théorisée par le trotskiste égyptien Michel Pablo, façonnant le fond de l’approche de la « Quatrième Internationale – Secrétariat unifié ». Il fallait se présenter selon Michel Pablo comme la plus favorable à toute contestation mondiale, suivant le principe que « tout ce qui bouge est rouge », afin d’obtenir du prestige. La Jeunesse Communiste Révolutionnaire avait comme slogan « Ho Ho Ho Chi Minh Che Che Guevara », s’affirmait en soutien des Black Panthers américains, du FPLP palestinien, du FNL vietamien, du FLN algérien (alors au pouvoir), même de la Chine maoïste, bref se présentait comme au centre du « jeu » mondial révolutionnaire, tout en ayant en réalité une idéologie trotskiste récusant par derrière concrètement tout ce qui était soutenu.

Afin de racoler au maximum, la Jeunesse Communiste Révolutionnaire d’Alain Krivine prônait également la promiscuité sexuelle (dénommée « amour libre »), un style branché, le droit de tendances dans l’organisation, etc. Dans ce jeu de la surenchère romantique, la Jeunesse Communiste Révolutionnaire a également affirmé que mai 1968 n’était qu’une répétition générale, cherchant à recruter en manipulant l’impatience révolutionnaire de la jeunesse.

Pour cette raison, elle fut amenée à organiser des structures clandestines non loin de la lutte armée, afin de se donner une aura révolutionnaire, multipliant les petits coups de force symbolique, menant à l’assaut contre un meeting fasciste en 1973 à Paris. Cette manifestation antifasciste ultra-violente, dont les maoïstes furent d’ailleurs une composante très importante (mais oubliée dans la « légende »), amena la dissolution par l’Etat de la Jeunesse Communiste Révolutionnaire / Ligue Communiste.

S’ensuivit alors un retournement complet de la ligne (le film « Mourir à trente ans » raconte justement jusqu’à ce moment-là cette histoire, en la romançant). Il fut adopté une ligne « militante » traditionnelle, avec un fort accent électoraliste et syndicaliste, maintenant une tradition de recrutement romantique en se posant littéralement comme aile gauche du Parti socialiste dans les années 1980. Ce processus d’opportunisme le plus complet se vit ajouter une dimension associative, et la prétention révolutionnaire s’édulcora toujours plus, jusqu’à la transformation en « Nouveau Parti Anticapitaliste » en 2009, rompant formellement avec le trotskisme.

Alain Krivine a accompagné toute cette vaste séquence, de 1968 à sa mort, étant le porte-parole historique seulement officiellement, mais en pratique aux manettes. Il a servi de caution historique légitimant les transformations idéologiques, permettant à son courant de maintenir une grande aura « révolutionnaire » depuis mai 1968, alors que dès 1973 toute la démarche de confrontation avait été jetée aux oubliettes. L’opération du Parti Communiste Internationaliste dans les années 1960 a marché à merveille : le petit groupe d’ultra-gauche a donné naissance à un mouvement « révolutionnaire » de masse – qui s’est en fait totalement intégré au paysage de la révolte fictive dans un capitalisme au consumérisme présent 24h sur 24.

Cela souligne l’importance des moments clefs : mai 1968 a donné cinquante ans d’élan à ce courant trotskiste, qui aujourd’hui est à l’agonie, ayant joué son rôle trompeur et néfaste.

« Mourir à trente ans » a également joué un rôle très important. Il a donné naissance à un mythe, induisant en erreur des jeunes à l’ultra-gauche qui, ne connaissant pas l’arrière-plan manipulateur et fictif, sont amenés à s’imaginer qu’il faut suivre le même « parcours » d’ultra-militantisme activiste pour forcer le cours des choses (avant 2020, tous les cinq ans il apparaissait en France un mouvement de ce type, disparaissant après un certain succès bien évidemment en fait artificiel).

Voici le film Mourir à trente ans, qu’il faut connaître pour sa « narration », et auparavant l’extrait romancé tiré de Mourir à trente ans concernant l’attaque meeting fasciste en 1973.

https://www.youtube.com/watch?v=L2zcAqBD-iA
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Société

Un début 2022 avec des Français totalement dépassés par l’Histoire en marche mais prêts au chamboulement

Le décalage avec le cours des événements est total.

Les Français ont la particularité de se considérer comme réalistes, matérialistes, ou plus exactement cartésiens. A eux, on ne la fait pas, car ils savent faire la part des choses : ils ont un aperçu réel des choses, contrairement aux autres peuples. C’est le produit de la combinaison du grand siècle français, le 17e siècle, et des Lumières du 18e siècle. Il y a une part de vérité.

Cependant, quoiqu’on en pense, cela s’insère depuis 1989 dans le cadre d’une société toujours plus dépolitisée, toujours plus fragmentée, avec un consumérisme capitaliste omniprésent dans la vie quotidienne. Si on avait montré la France d’aujourd’hui à la France de 1988, jamais celle-ci n’aurait cru cela imaginable. Ce qui fait que même en admettant que les Français ont le sens du concret, ils vivent dans un pays en décadence et au sein d’une bulle capitaliste depuis plus de trente ans.

C’est pourquoi la guerre en Ukraine les met KO. La pandémie avait été une douche froide. Alors une guerre en Europe, une remise en cause profonde du sentiment d’exister dans une bulle protégée de tout conflit majeur…

Il va de soi qu’il faut ajouter tout un autre nombre d’éléments, propres à l’effondrement de la société capitaliste s’effondrant sous le poids du cynisme et de l’égoïsme. Il y a cependant un aspect principal formant un fil conducteur emportant tout le reste. Et là, la guerre est une onde de choc terrible, provoquant des réactions diverses, variées, mélangeant incompréhension et croyance en sa propre capacité de suivre les événements et d’en voir l’arrière-plan, étonnement, angoisse, anxiété, rage, colère, acceptation…

Car la guerre en Ukraine, tout le monde le sait bien, ne peut pas être un événement isolé, cela implique que la guerre redevient à l’ordre du jour, que les grandes puissances vont s’affronter. D’où la tentative du côté occidental de dire que tout est de la faute de la Russie, que ce n’est pas la faute du capitalisme, mais de la Russie, et seulement de la Russie. En France, on a trop d’expérience sociale pour croire à ça. Même si on ne comprend rien à la guerre en Ukraine, on a l’intuition que derrière tout cela, il y a le grand jeu des puissances.

Il faut donc bien dire que quelque chose d’essentiel se passe en ce moment dans la société française, et que personne n’a les moyens de le lire précisément, car personnage n’a l’ancrage social suffisant pour cela. Il y a quelque chose qui remue dans le fond, et on ne sait pas quoi. Les Français sont dépassés par le cours des choses, par l’Histoire, et ils vont être amenés sur un nouveau terrain. La situation historique change profondément en France.

L’élection présidentielle de 2022 va-t-elle refléter cette transformation en cours? Rien n’est moins sûr. Car le capitalisme a-t-il le temps d’ici la présidentielle de mettre en place un paratonnerre capable de capter la transformation, que ce soit au moyen d’un social-réformisme renouvelé, d’un nationalisme paternaliste, d’un néo-modernisme entreprenant? Peut-il même se permettre de provoquer en son sein une grande manoeuvre pour se réimpulser, dans une période si compliquée?

Les Français semblent même avoir accepté cela, ils savent que le capitalisme, et même la société, ne changeront pas le capitaine du navire en pleine tempête. La réélection d’Emmanuel Macron à la présidence semble acquis. Pour autant, il va y avoir une expression de ce qui se passe au plus profond de la France comme cadre historique de la lutte des classes.

Quelque chose va se passer. Il va y avoir un chamboulement. Les Français sont prêts pour cela. Ils ne le veulent pas, mais ils sont prêts. Tout cela est particulièrement tortueux. C’est que naît la politique. L’époque appelle la politique. L’époque fracasse l’ancien temps et a besoin d’un vecteur : la politique.

C’est le moment d’avoir de l’envergure – et la seule réponse positive possible est celle de la Gauche historique.

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Société

Facebook et Instagram autorisent à appeler à tuer Vladimir Poutine et les soldats russes

C’est le branle-le-bas de combat.

De nombreuses entreprises de la superpuissance américaine ont une présence massive dans la vie quotidienne des gens, aussi profitent-elles pour influencer massivement les mentalités. Le « venez comme vous êtes » de McDonald’s est emblématique du libéralisme libertaire, et toutes les grandes entreprises américaines font évidemment également la promotion de l’idéologie LGBTQ.

On a la preuve de cela avec l’initiative de Meta, l’entreprise qui possède Facebook et Instagram. Sur ces deux plate-formes, les appels à la violence sont normalement récusés, mais ils sont désormais autorisés sous une certaine forme pour les pays suivants : l’Arménie, l’Azerbaïdjan, l’Estonie, la Géorgie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la Roumanie, la Russie, la Slovaquie et l’Ukraine. On parle ici d’appels à tuer le président russe Vladimir Poutine, le président biélorusse Alexandre Loukachenko, les soldats russes.

On ne parle pas que de l’Ukraine ici ; il s’agit clairement d’ouvrir un véritable espace politique sur Facebook et Instagram dans toute une série de pays, dans le sens d’une mobilisation au service de l’OTAN. Quand on dit politique, c’est naturellement sous une forme primitive, irrationnelle, immédiatiste, propre à ces réseaux sociaux consommateurs. C’est de l’émotion vite fait mal fait, avec une expression minimale relevant d’une conscience consumériste.

C’est aussi une manière de valider a posteriori les messages plus ou moins délirants appelant à la violence contre la Russie. Inna Shevchenko a décidé de battre tous les records en ce domaine d’ailleurs. Désormais elle raconte que la Russie menace ouvertement d’attaquer des avions commerciaux (la porte-parole du ministre des affaires étrangères parlant en réalité du marché noir découlant de l’arrivée massive d’armes occidentales). Il faudrait donc que l’OTAN intervienne, etc. Elle n’a jamais parlé de l’Ukraine avant l’invasion, ne s’en inquiétant jamais, et là elle eut une guerre à l’échelle continentale, à l’abri depuis Paris – c’est typique des réseaux sociaux.

Ce n’est pas tout : la valorisation du bataillon Azov – mis en place par les nazis et désormais une composante de l’armée ukrainienne – est désormais acceptée sur Facebook et Instagram. Ce qui a le mérite d’être absolument clair sur l’engagement total de Meta au service du régime ukrainien, dont le bataillon Azov est un dispositif d’appui essentiel.

Il n’y a là, somme toute, rien d’étonnant, même s’il est marquant que le monde des réseaux sociaux, qui se veut bisounours – LGBTQ – ultra-individualisme, assume désormais la propagande belliciste à l’occasion d’une guerre. Cependant, cela montre qu’il y a bien un 24 heures sur 24 du capitalisme, que la forme même des produits capitalistes tend à un certain style de vie.

Qui est prisonnier des réseaux sociaux, qui va au McDonald’s, se goinfre de séries…. et la liste est longue des objets capitalistes de consommation au quotidien, se voit inéluctablement corrompu d’une manière ou d’une autre. Le capitalisme est omniprésent et il ne suffit pas de prétendre le critiquer ou de vouloir le renverser, il faut une approche qui soit capable d’en vaincre l’emprise.

Sans cela, d’une partie de la solution qu’on veut être, on reste une partie du problème.

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Politique

Guerre en Ukraine : la tentative de retournement de veste du PRCF

L’invasion russe est bien une invasion russe… Pour certains c’est dur à avaler.

Le Pôle de Renaissance Communiste en France (PRCF) représente historiquement la majorité de l’aile gauche du PCF des années 1990 ; ayant pris depuis son indépendance, il propose un retour au PCF des années 1970. Il y a une dimension nostalgique qui colle tout à fait à l’idéologie des « républiques populaires » du Donbass séparatiste et le PRCF n’a pas jamais caché son intérêt pour celles-ci, voire pour la Russie considérée comme en quelque sorte anti-impérialiste malgré elle-même. Or, l’invasion russe change la donne… et le PRCF tente de retourner sa veste.

Le 28 janvier, l’article « Qui menace la paix en Ukraine ? » sur le site du PRCF disait que la Russie n’a aucune intention d’envahir l’Ukraine, que c’est un mensonge que de le prétendre, que c’est de l’hystérie anti-russe (le ministère russe des affaires étrangères disait la même chose), c’est une « menace imaginaire ».

« Pour les obsédés de l’ogre moscovite, la Russie a tous les torts. Elle ne se contente pas de menacer l’Ukraine en massant ses blindés à ses frontières, elle veut aussi installer à Kiev un pouvoir pro-russe. Singulière inversion accusatoire, qui attribue à Moscou la politique menée par les Occidentaux dans un pays qu’ils ont vassalisé à coup de subventions en espérant le transformer en futur joyau de l’OTAN (…).

Aucun char russe ne foule le territoire ukrainien, et Moscou a toujours recommandé, pour résoudre la crise interne, une solution négociée de type fédéral ménageant les intérêts des différentes composantes du peuple ukrainien. Il est ahurissant de voir l’OTAN stigmatiser la Russie pour sa politique à l’égard de ce pays, alors que la seule armée qui tue des Ukrainiens est celle de Kiev, qui bombarde quotidiennement les populations civiles des républiques sécessionnistes de Donetsk et Lougansk.

C’est l’agressivité irresponsable de cette armée, noyautée par les ultra-nationalistes et portée à bout de bras par les puissances occidentales, qui entretient un climat d’affrontement. C’est l’hystérie antirusse des puissances occidentales qui jette de l’huile sur le feu dans la région, et non cette menace imaginaire contre l’Ukraine que les affabulateurs de la presse atlantiste attribuent à la Russie. »

On est là juste un mois avant l’invasion. Qu’en est-il quinze jours avant l’invasion? C’est le même discours, le PRCF se moquant violemment de la thèse de l’invasion, le 6 février 2022, dans « La véritable invasion de l’Ukraine que les médias ne vous racontent pas » :

« Tous les jours depuis quelques semaines on nous annonce l’ « imminente » invasion russe de l’Ukraine sur les médias mainstream, nous rappelant un peu le vieux gag des comédies où le protagoniste est dans une action qu’il ne termine jamais, comme la fameuse scène de l’assaut du Château des marais par Lancelot dans le Sacré Graal des Monty Pythons. »

Le 7 février 2022, dans « Ukraine : l’Axe USA-UE-OTAN veut la guerre et déploie massivement troupes, bombardiers et missiles !« , il est expliqué que la Russie ne veut pas la guerre, elles même désignée comme « raisonnable », tout est uniquement de la faute de l’OTAN :

« Le prétexte est tiré de manœuvres militaires de la Russie sur son sol et de la Biélorussie également sur son sol. Rien de très provocant faut-il bien reconnaître pour n’importe quel observateur (…). La Russie et la Biélorussie mènent des exercices militaires, sur leur sol, dans l’intérieur de leurs frontières. Rien que de très respectueux du droits international, de leur souveraineté et de leur droit à se défendre (…).

Moscou appelle d’une part à cesser l’escalade militaire, soulignant combien ces provocations sont dangereuses. D’autre part à la diplomatie. En affichant des propositions simples. L’absence de présence supplémentaire de l’OTAN à ses frontières. C’est-à-dire que l’Ukraine et la Géorgie ne puissent rejoindre l’OTAN. En rappelant tout particulièrement l’absence de bases russes aux frontières des USA et même plus largement sur le continent américain.

Une position tellement raisonnable qu’un des chefs d’état-major de l’armée allemande, sans doute soucieux d’éviter la guerre à laquelle pousse l’Axe USA-OTAN-UE, s’est cru autorisé à approuver. Avant d’être immédiatement limogé. »

Avançons encore davantage. Le 21 février, soit trois jours avant l’invasion, alors que la tension est immense, rien n’a bougé. On lit dans l’article « En Ukraine, seul l’hégémonisme des États-Unis a intérêt à la guerre » la chose suivante, même si le titre veut tout dire :

« La Russie veut l’application des accords de Minsk et notamment la fédéralisation de l’Ukraine, laquelle permettrait de concilier les intérêts des deux parties en présence : l’octroi effectif de l’autonomie qui avait été promise garantirait les droits de la minorité russophone du Donbass tout en préservant l’intégrité territoriale ukrainienne, comme le demande à juste titre le gouvernement de Kiev.

Il est évident que pour atteindre ce double objectif, Moscou ne veut surtout pas d’une escalade militaire qui en compromettrait au contraire la réalisation. Car seul un processus politique est de nature à ménager une sortie de crise respectant les desiderata des uns et des autres.

La guerre ou la paix, il faut choisir. En demandant à l’OTAN de ne pas s’étendre davantage, la Russie a fait le choix de la paix par la négociation, et non d’un affrontement militaire qui justifierait, précisément, la mise en place d’un bouclier occidental destiné à soutenir l’Ukraine.

Qu’en est-il lorsque l’invasion se produit? Eh bien, dans l’ordre des choses, le PRCF ne considère pas que c’est une invasion, reprenant l’argumentation russe que c’est une sorte d’opération de police. La déclaration du Secrétariat National du PRCF du 24 février 2022 Sur la situation en Ukraine est totalement erronée en ce qu’il ne comprend toujours pas ce qui se passe. Il n’est toujours pas compris qu’il y a une invasion russe, il s’imagine qu’il y a seulement une sorte de petite intervention…

« Tout en constatant que le régime fascisant et pro-nazi de Kiev est le responsable et l’instigateur unique de l’agression permanente contre les Républiques populaires et ouvrières du Donbass, le PRCF considère comme disproportionnées et inconsidérées les attaques russes visant les installations militaires de Lviv et Kiev. »

En clair : la Russie « exagère ». Sauf que depuis elle a continué d’exagérer à un point où il n’est plus possible simplement de dire cela. Alors le PRCF retourne sa veste. Cela ne s’est pas produit immédiatement. D’abord il y a le 27 février 2022 un rapport extrêmement détaillé de la situation militaire de la guerre, « Ukraine : le point sur la situation militaire au 27 février avec d’importantes avancées de l’armée russe« . Cet article, qui expose l’avancée russe comme très efficace, a trois particularités. La première, c’est qu’il se veut une simple présentation militaire des faits. La seconde, c’est que la Russie est présentée comme ayant une démarche « noble », contrairement à l’Ukraine. La troisième, c’est que cette présentation des opérations est extrêmement pointue, formant même du jamais vu, tant à ce moment-là que depuis le début de la guerre.

Cet article n’a pas été suivi d’autres du même type. Et deux articles, deux semaines après le début de la guerre, viennent modifier entièrement la ligne. On a ainsi tout d’abord la Déclaration du Comité central du PRCF « Sortir définitivement de la guerre en Ukraine » du 6 mars 2022. Le début de la déclaration souligne tout de suite qu’il y a une « modification » :

« Le 24 février 2022, à la suite de l’attaque militaire soudaine de la Fédération de Russie envers l’Ukraine, le Secrétariat national du PRCF a publié une déclaration adoptée à l’unanimité au sujet des dramatiques événements survenant à l’est de l’Europe. Cette déclaration a pu donner lieu à des échanges entre camarades au sujet de la responsabilité de l’attaque et des buts de guerre. A ce sujet, tout en appuyant la déclaration du 24 février, le Comité central du PRCF tient à préciser que : »

Suit alors le classique discours du PRCF jusque-là, avec une remise en cause légèrement plus prononcée de la Russie :

« Il n’en demeure pas moins qu’en attaquant militairement l’Ukraine, Vladimir Poutine a pris une décision grave avec le risque de conséquences « disproportionnées et inconsidérées », surtout en cas d’enlisement du conflit qui pourrait dès lors se révéler encore plus meurtrier pour les travailleurs et les citoyens d’Ukraine, aussi bien de l’Ouest que de l’Est »

Puis, il y a des remerciements pour l’appel à des précisions :

« Voilà pourquoi, dans la continuité de la déclaration du 24 février 2022, et tout en remerciant les camarades qui ont communiqué leurs réflexions dans le cadre du centralisme démocratique… »

Suivent alors des mots d’ordre. On devine bien qu’il s’est passé quelque chose et surgit alors le très long article « Les quatre moteurs de la Russie poutinienne« , le 9 mars 2022, écrit par Fadi Kassem, secrétaire national du PRCF. On parle ici de quelque chose faisant l’équivalent de 12 pages A4. La phrase en gras au début de l’article indique son but :

« on ne saurait faire l’économie de l’analyse concrète de la politique poutinienne, partiellement aux antipodes de l’URSS « 

Quelque chose aux antipodes, on sait ce que c’est, mais « partiellement aux antipodes ? On comprend le fond du problème : le PRC n’a pas envie de critiquer la Russie, parce que cela amènerait à remettre en cause l’URSS des années 1980 d’où provient directement la Russie d’aujourd’hui. En même temps, la guerre part d’une invasion russe et le PRCF ne peut plus se contenter de présenter la Russie comme une pauvre victime.

Il y a donc, pour la première fois, une analyse de la Russie, critiquée pour valoriser le nationalisme chauvin grand-russien ; il est même dit :

« La Russie poutinienne cherche à restaurer une influence impériale dans la lignée de l’Empire tsariste (…).

L’offensive impérialiste a bien commencé il y a huit ans en Ukraine, sous l’impulsion centrale des États-Unis, à laquelle répond aujourd’hui, bien plus qu’une contre-offensive néo-tsariste, une offensive contre-hégémonique de la part de Russie. Car il est douteux que « les oligarques » aient déterminé l’offensive sur l’Ukraine qui, de manière prévisible, ne pouvait que déboucher sur d’énormes sanctions économiques… et sur la confiscation des biens oligarchiques détenus en Occident, par exemple à Monaco et sur la Côte d’Azur. »

Seulement voilà, si la Russie a des ambitions néo-tsaristes, tout ce que le PRCF a expliqué sur la Russie avant l’invasion russe de l’Ukraine était faux. La Russie avait bien des ambitions impériales, donc dire pendant des mois qu’elle voulait la paix, c’était tromper les masses, masquer le caractère inéluctable de l’affrontement pour le repartage du monde.

L’article de Fadi Kassem tente de s’en sortir en parlant d’un « impérialisme du pauvre », forcé par le cours des événements à intervenir en Ukraine pour faire face à la pression de l’OTAN. C’est vrai… du point de vue des ambitions néo-impériales russes. Faut-il soutenir ces ambitions? Faut-il interpréter les choses de manière « géopolitique », en cherchant à se « placer »? Pas du tout.

Et s’aveugler à ce niveau, c’est ne pas être capable de voir que la Russie relève de la tendance à la guerre, comme l’a fait le PRCF avant l’invasion, et comme il continue de le faire en cherchant à se contorsionner par des évaluations géopolitiques. Avoir l’OTAN comme obsession en étant incapable de constater les contradictions à l’oeuvre dans le monde est une erreur fondamentale – et c’est même la faute principale du PRCF, qui nie les contradictions au sein des pays capitalistes, au point de voir en la France un pays « opprimé » par la superpuissance américaine, ce qui justifierait un « patriotisme » n’étant en fait qu’un nationalisme de gauche.

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Dépêche

Deux choses à comprendre

Il y a, somme toute, deux choses à comprendre. Primo, que c’est la Russie qui a envahi l’Ukraine, que c’est une initiative visant à sortir le capitalisme russe de la crise par l’expansion au moyen de la guerre. La Russie est l’agresseur, c’est très clair. Secundo, qu’il faut lutter contre le bellicisme de son propre pays et que c’est la tâche principale, parce que telle est la responsabilité d’une Gauche qui n’a pas été corrompu par le capitalisme développé emprisonnant la vie quotidienne à tous les degrés.

C’est, si l’on veut, l’opposition entre ce qui se passe en général et ce qui se passe en particulier. Tous les événements sont liés et il faut agir, à son niveau, selon ce qu’il est nécessaire de faire pour faire avancer les choses dans le bon sens. Il s’agit d’intelligence politique, d’orientation politique, de convictions politiques. Sans cela on est ramené à soutenir l’OTAN contre la Russie ou l’inverse, ou d’inventer on ne sait quelles combinaisons « géopolitiques » en prétendant qu’il en sortira quelque chose de bien.

La situation en France est à ce titre paradoxal. Beaucoup de gens se laissent prendre à l’intoxication belliciste, mais d’autres également nombreux voient bien qu’il y a agenda propagandiste à l’oeuvre. Tous en tout cas ont le sentiment que la situation les dépasse. Et que ce n’est qu’un début. Il y a quelque chose qui est en train de se rompre dans la société française… Ce qui se passe est d’envergure… C’est le début de quelque chose de nouveau… Les Français, suspicieux, appréhendent la chose.

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Société

Bourrage de crâne halluciné sur les Russes menant un « effacement » des Ukrainiens

C’est parti comme en 14.

C’est un phénomène de société : chacun y va de son grain de sel, reprenant à sa sauce le bourrage de crâne des couches dominantes de la société. C’est un grand laisser-aller dans le n’importe quoi, dans un grand mouvement de convergence avec l’OTAN.

Car la chose est entendue : les Russes massacrent les Ukrainiens, alors qu’ils rasent les villes. Et ils sont prêts à employer l’arme nucléaire. Poutine est un fou. Tel est le mot d’ordre, inlassablement repris par tous les médias se satisfaisant de la France capitaliste.

Le Canard enchaîné du 9 mars 2022

La Russie serait en effet en train de perdre la guerre, son armée inefficace et rétive s’effondrant sous les coups de l’armée ukrainienne et de la population ukrainienne révoltée en général. Le prétendu « blitzkrieg » contre une armée de 300 000 hommes dans un pays de grande taille espéré par le président russe Vladimir Poutine – présenté à la fois comme un malade en phase terminale et un psychopathe désireux d’appuyer sur le bouton nucléaire – aurait échoué.

C’est une propagande caricaturale, et systématique. A l’image du secrétaire d’Etat américain comparant de manière négationniste le siège de la ville de Marioupol… à celui de Leningrad. Incroyable ! Mais une telle propagande a deux raisons directes. Tout d’abord le frère de Vladimir Poutine est mort lors du siège de Leningrad. Et Marioupol encerclé a comme noyau dur de l’armée ukrainienne les fascistes du bataillon Azov, qui forment un élément essentiel du régime ukrainien qu’il s’agit de sauver à tout prix du côté américain.

Ce bourrage de crâne est un appel à la mobilisation pro-OTAN, à l’image de pseudos artistes faisant des tracts sous la forme d’avions en papier au musée Guggenheim de New York, appelant à fermer l’espace aérien de l’Ukraine, car les Russes voudraient… faire sauter la plus grande centrale nucléaire pour « effacer » les Ukrainiens. Délirant!

Le terme « effacer » se retrouve chez la Femen Inna Shechenko – qui rappelons-le n’a jamais parlé de l’Ukraine avant le déclenchement de l’invasion russe.

Tout cela correspond directement au concept du prétendu « holodomor », inventé dans les années 1980 aux Etats-Unis sur la base de la propagande des nationalistes ukrainiens émigrés. Les Russes auraient tenté, dans les années 1930, de sciemment génocider les Ukrainiens en les faisant mourir de faim. Il ne s’agit pas, comme on le lit souvent, d’un événement qui serait lié à la collectivisation des terres agricoles (les fameux kolkhozes et sovkhozes). Pour les tenants du « holodomor », dont la superpuissance américaine, le régime ukrainien, etc., il y aurait eu un véritable plan machiavélique des Russes pour exterminer les Ukrainiens.

C’est l’idéologie des nationalistes ukrainiens, qui fantasment sur une nation « pure » des Russes, des Polonais, des Juifs, des communistes, et qui a conflué avec la superpuissance américaine dans une grande convergence, dont le régime ukrainien est l’expression concrète depuis 2014. C’est une grande relecture de l’Histoire, alors que tout montre que les Russes et les Ukrainiens sont des peuples intimement liés depuis bien longtemps, y compris après le prétendu « holodomor ».

C’est une conception au service de la superpuissance américaine, qui détruit de l’intérieur la résistance nationale ukrainienne contre l’invasion russe, en l’asservissant à un autre dominateur.

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CNT : Ukraine, un nationalisme contre un autre

Une prise de position.

La position de la Confédération Nationale du Travail.Le communiqué de la Confédération Nationale du Travail – Solidarité Ouvrière peut être lu ici.

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Un 8 mars placé sous le signe de la guerre en Ukraine

La décadence capitaliste ruine la Cause des femmes.

Le premier article traitant de l’Ukraine sur agauche.org date de février 2018 est intitulé La « sexualisation agressive » et iconique de la femme ukrainienne. Depuis l’effondrement de l’URSS en effet, l’Ukraine est un bastion de la prostitution en raison de l’effondrement tant de l’économie (et du niveau de vie) que de la destruction générale des tissus sociaux. Une des principales contre-réponses a également été une sorte de féminisme dévoyé pro-nazi, qui n’existe d’ailleurs plus aujourd’hui, les femmes étant totalement réduites au statut de gestionnaire d’intendance, et ce d’autant plus avec la guerre.

Car l’armée ukrainienne n’est pas populaire et de ce fait n’accueille pas les femmes, en faisant encore moins des dirigeantes. C’est évidemment la même chose du côté russe et c’est une catastrophe car on a ici un grand vecteur patriarcal. Et avec la tendance à la guerre qui se généralise, ce vecteur va devenir toujours plus prégnant. Le féminisme bourgeois et petit-bourgeois des pays occidentaux, qui vise simplement à réimpulser le capitalisme en installant des femmes dans des fonctions auparavant trustées par des hommes, va tout simplement s’incliner devant les nécessités patriarcales-militaristes du moment, il va tomber le masque.

Et il le fera de gré ou de force, car la tendance est d’ailleurs déjà installé de la logique comme quoi il faut des troupes prêtes à l’attaque et le consumérisme hédoniste turbocapitaliste à la LGBT ne satisfait pas cela, il faut donc le mettre de côté. C’est la ligne politique d’Eric Zemmour et Marion Maréchal.

Pour assumer la Cause des femmes, il n’y a donc plus que le Socialisme, parce que seul le Socialisme réfute tant le conservatisme conférant à la femme une place subordonnée que le turbocapitalisme qui ne considère que des individus et rejette même l’existence des femmes (être femme serait un choix qu’une personne ayant un corps d’homme pourrait faire, etc.).

Seul le Socialisme comprend dans quelle mesure les femmes sont opprimées depuis le patriarcat triomphant du matriarcat au début des sociétés humaines, avec l’agriculture et l’élevage, et ce que cela signifie dans les rapports aux animaux et à la Nature, et inversement dans les rapports aux aventures militaristes d’esprit patriarcal.

La guerre en Ukraine est en ce sens un tournant historique pour le féminisme, car dans la bataille pour le repartage du monde, il n’y a aucune autre place que dans la convergence avec la guerre, avec l’esprit de conquête, de soumission, alors que le capitalisme en décadence accentue encore plus les traits déjà présents de la violence matérielle à l’encontre des femmes. Soit la Cause des femmes se fait emporter par la guerre, soit elle triomphe dans le Socialisme. Entre les deux, tout s’efface.

On a un sinistre exemple de cela avec Arthur do Val, député de droite de l’État de Sao Paulo au Brésil. Parti soi-disant pour aider la population en Ukraine, et bien entendu se faire valoir en fabriquant des cocktails molotov et en le médiatisant, il a tenu des propos qui ont fuité car il les avait envoyés par messages. Cela donne :

« Elles te regardent et elles sont faciles, parce qu’elles sont pauvres. Quand elles ont vu mon compte Instagram plein d’abonnés, ça a super bien marché. »

« Je viens de traverser la frontière entre la Slovaquie et l’Ukraine à pied et je n’ai jamais vu autant de jolies filles. Dans la file d’attente des réfugiés, il n’y avait que des beautés. Si tu prends la file d’attente de la meilleure boîte de nuit de Sao Paulo, ça n’arrive pas aux chevilles de cette file des réfugiés. »

C’est exemplaire de comment des « bonnes intentions », s’inscrivant hors du Socialisme, basculent immanquablement dans la décadence. Un autre exemple concerne la GPA, dont l’Ukraine est un bastion de la GPA (Les horribles coulisses de la GPA en Ukraine, article d’octobre 2020). Les médias se sont lentement attardés sur le sort des « pauvres » parents ayant des soucis pour récupérer « leur » enfant acheté en Ukraine. Cela a été absolument ignoble.

Et, catastrophe encore, la Droite mène depuis une semaine une grande offensive sur ce thème, dénonçant avec raison ces gens indignes abandonnant la (vraie) mère ukrainienne dans un pays en guerre. La revue ultra-réactionnaire Valeurs Actuelles dénonce par exemple violemment la clinique ukrainienne de GPA BioTexCom qui après avoir proposé des bébés « Black Friday » met en ligne une vidéo d’un abri anti-aérien pour accueillir les clients. La manif pour tous a organisé un happening au pied de la Tour Eiffel le 5 mars, tout en faisant la promotion de Marion Maréchal qui bien entendu pourfend la GPA sur une base conservatrice révolutionnaire.

Il y a également une pétition contre la GPA en Ukraine. Et cet impact de l’Ukraine, de la guerre en Ukraine, sur la Cause des femmes, rappelle qu’il n’existe pas de porte de sortie individuelle, que la question est à la fois historique et mondial. Le monde doit changer de base, entièrement. La question de la guerre est devenue centrale et le féminisme doit être en première ligne dans la bataille pour le Socialisme.

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Guerre en Ukraine: l’absence d’autocritique de « Révolution permanente »

Il était expliqué qu’il n’y aurait pas de guerre.

« Révolution permanente », une tendance trotskiste du NPA qui en a été exclu, est l’une des très rares structures de la Gauche à avoir parlé de la situation en Ukraine avant que la guerre ne se déclenche. C’est plutôt très bien. Le souci, c’est que la ligne de « Révolution permanente » a été de faire de la géopolitique – d’ailleurs cela continue – et à force de couper les cheveux en quatre, d’expliquer que la guerre n’aurait pas lieu.

Dans l’article « Pourquoi la Russie menace-t-elle l’Ukraine ? » du 20 janvier 2022, il est ainsi dit ouvertement qu’il n’y aurait pas la guerre, que la Russie mobilisait ses troupes pour réaliser une « posture ». Même si la Russie finissait par désirer la guerre, elle n’aurait pas les moyens d’enchaîner l’Ukraine et d’ailleurs « d’un point de vue des intérêts de l’impérialisme nord-américain un affrontement avec la Russie autour de l’Ukraine ne fait aucun sens ». 

Pas de chance, les faits ont montré très exactement le contraire : la superpuissance américaine a mis tout le paquet pour une confrontation à ce sujet, et ce n’est pas fini.

Le fait que la Russie entendait envahir l’Ukraine a également été littéralement mise de côté, au nom de la dénonciation de l’OTAN. L’article du 28 janvier 2022 Crise Russie-Ukraine. Quid de l’agressivité de l’OTAN ? dresse encore et toujours un panorama géopolitique où la principale menace, ce n’est pas la Russie entendant envahir l’Ukraine. C’est erroné comme les faits l’ont montré.

« C’est donc dans ce contexte qu’il faut comprendre les frictions, les menaces de guerre, la « diplomatie armée » et les tentatives d’arrangements. Et comme on voit on est loin de l’image présentée par les médias dominants où l’escalade serait seulement du fait de la Russie.

En réalité le principal responsable de la menace de conflit est avant tout l’OTAN : cette alliance militaire impérialiste et réactionnaire qui utilise sa force collective pour contraindre les différents États à travers le monde à se plier à ses intérêts géopolitiques et économiques. »

Cette thèse de l’OTAN comme principale menace de conflit témoigne de l’incompréhension par « Révolution permanente » des contradictions entre les grandes puissances. Bien entendu, tant l’OTAN que la Russie sont dénoncés. Mais la contradiction des deux blocs n’est pas comprise en tant que tel, c’est considéré comme un arrière-plan géopolitique seulement, il n’y a pas la considération que la tendance à la guerre prime, que l’actualité historique c’est la guerre entre les blocs.

Pour preuve, dans le long document du regroupement international auquel appartient « Révolution permanente », « A bas l’escalade militaire de l’OTAN en Europe de l’Est. Ni intervention impérialiste, ni ingérence militaire russe en Ukraine ! » du 29 janvier 2022, le terme de guerre n’est présent au sens strict que… deux fois.

Le document du même regroupement, le 2 mars 2022, « Non à la guerre ! Troupes russes hors d’Ukraine ! OTAN hors d’Europe de l’est ! A bas le réarmement impérialiste !« , présente la guerre simplement comme un accrochage produit par la concurrence :

« Cette montée du militarisme et l’arrivée de la guerre au cœur de l’Europe de l’est dévoilent le mensonge selon lequel la « mondialisation » néolibérale et la fin de la Guerre froide auraient ouvert une nouvelle ère, dans laquelle le pouvoir des États se serait transformé et les guerres appartiendraient au passé. Après que le mirage d’un monde capitaliste dirigé par une seule « hyperpuissance » se soit estompé, le déclin de la puissance étatsunienne est désormais visible aux yeux de tous.

L’intégration accrue de l’économie mondiale par le biais de « chaînes de valeur » liées à la production industrielle et aux services, de même que le système financier et des télécommunications ont accru la concurrence entre monopoles et entre États, qui n’a pas du tout diminué.

La lutte pour se tailler une part accrue du pouvoir mondial, entre les États-Unis, la Chine et la Russie, mais également avec les tentatives de l’Allemagne et de la France, ainsi que du Japon, de mener une politique impérialiste plus indépendante pour renforcer leur poids respectif dans leur aire d’influence, rend l’ensemble de la situation internationale plus instable. »

On comprend pourquoi il y a une tendance de la part de « Révolution permanente » à basculer dans la géopolitique, jusqu’à reproduire des points de vue de pseudos « agences » géopolitiques comme « Strafor » (Invasion de l’Ukraine : les 4 scénarios de Stratfor sur l’issue de l’offensive russe, le 28 février 2022). C’est là profondément erroné, c’est une incompréhension que le capitalisme va inéluctablement à la guerre, c’est résumer la guerre à un militarisme accompagnant le capitalisme, comme un simple fruit de la concurrence… C’est historiquement la ligne de droite de la social-démocratie d’avant 1914.