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Parti socialiste : 72% pour « De la renaissance à l’alternance : pour un printemps de la gauche et de l’écologie »

C’est un succès complet pour le premier secrétaire Olivier Faure.

Le Parti socialiste tient son 79e congrès les 18 et 19 septembre 2021 à Villeurbanne dans l’agglomération lyonnaise ; il devait se tenir les 12 et 13 décembre 2020, mais la pandémie l’a repoussé.

Voici le texte d’orientation présenté par le premier secrétaire socialiste, Olivier Faure, qui a largement obtenu la majorité sur son projet, avec 72,02% des voix des 22 000 membres (ils étaient environ 150 000 il y a quelques années seulement).

Olivier Faure prône une coalition sociale-écologiste, de manière assez prononcée pour le dépassement du Parti socialiste comme structure. Il a également déjà été réélu premier secrétaire avec 73% des voix le 16 septembre, le 79e congrès servant simplement de caisse d’enregistrement.

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Les affiches du PS des années 1970

Au congrès d’Épinay en 1971, le Parti Socialiste parvient à réunir les courants socialistes éclatés depuis les années 1960 dans l’objectif de remporter les élections législatives de 1973. Derrière l’élan électoral-opportuniste, il y a tout un arrière-plan politique et culturel qui permet de saisir le socle commun de la Gauche historique.

Entre 1967 et 1980, ce sont cinq pétroliers qui s’échouent au large des côtes bretonnes. Le Torrey Canyon en 1967, l’Olympic Bravery en janvier 1976, le Boehlen en octobre 1976, l’Amoco Cadiz en mars 1978, le Tanio en 1980… autant de noms de pétroliers qui ont marqué l’histoire de la côte atlantique de part les kilomètres de littoral pollués, ainsi que les centaines de milliers d’oiseaux « mazoutés ». D’autres marées noires auront lieu, comme celle provoquée par le naufrage de l’Erika en 1999.

C’est l’époque d’une prise de conscience dans le mouvement ouvrier que si le capitalisme exploite les travailleurs, il est également en train de détruire la nature, les fondements de la vie elle-même. Le mouvement ouvrier doit alors élever son regard à l’ensemble de la vie sur terre… Une prise de conscience bien reflétée par ces affiches du Parti Socialiste de 1976 et de 1978.

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est ecologie_1976.jpg.

Évidemment, ces affiches ne tombent pas du ciel, elles sont le produit d’une histoire, d’une idéologie, d’une expérience, celle du mouvement ouvrier. Car avec le congrès d’Épinay de 1971, en s’unissant, les socialistes deviennent le véritable catalyseur légal de la contestation issue de mai 1968.

Le style des affiches, la perspective assumée, tout relève de cet élan historique porté par la lutte d’une classe ouvrière cherchant son émancipation sociale, politique, culturelle.

En fait, avec ce genre d’affiches, on voit bien ce que constitue la Gauche historique. Son socle commun c’est l’idée que la lutte des classes est le moteur de l’histoire, que l’on vit dans un mode de production qui exploite et opprime et qu’il faut changer d’horizon par un nouveau système social et économique, le socialisme.

Bref, c’est l’histoire politique du mouvement ouvrier, qui s’est évidemment divisée en deux lignes, connue en l’opposition schématique entre « réforme » ou « révolution ».

Ici, le Parti Socialiste se place comme l’incarnation même du socialisme réformiste, avec cette idée qu’il faut un rapport de forces par en bas, et notamment autour du travail, un engagement massif dans un parti politique qui porte la conscience de classe, le tout permettant des réformes assez progressives pour faire se transformer le capitalisme en le socialisme.

Au seuil des années 1980, il y a cette insistance pour la vie quotidienne dans tous ses aspects, y compris le droit à une vie naturelle, qui résume bien le slogan dans le sillage de mai 1968, formant un horizon en lui-même : « changer la vie ». La perspective c’est celle du triomphe d’une autre morale, d’un nouveau mode de vie orienté par le collectivisme.

Mais si l’unification en 1971 a permis un recentrage sur les bases historiques de la Gauche, elle a également actée l’influence de la « seconde gauche » en son sein, ce courant qui cherchait à « enrichir » le mouvement ouvrier par des « nouveaux mouvements sociaux », des « nouvelles formes d’émancipation », etc.

Il en fallait peu pour que le souffle issu de la révolte ouvrière de mai 1968 éteint, le Parti socialiste devienne finalement le bastion d’un modernisme fondé sur des valeurs sociales-libérales. Une transmutation qui s’est basée sur la compression de la perspective ouvrière-socialiste par l’autre héritage de mai 1968, celui de la tradition libérale-libertaire assumée par la « seconde gauche ».

Qui se fera elle-même totalement lessivée par le post-modernisme, dont le rapport Terra Nova « Gauche, quelle majorité électorale pour 2012 » est en l’illustration. À l’histoire du recentrage à gauche des années 1970, a succédé une autre période, celle des années 1990-2010, avec un recentrage à droite engendré par le recul historique de la « première gauche », celle du mouvement ouvrier. Une seconde période qui apparaît de plus en plus comme une anomalie historique dans le contexte de l’actuelle profonde crise de civilisation…

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Culture

La chanson « La jeune garde »

La chanson « La jeune garde » relève du patrimoine ouvrier français, avec ses qualités mais également ses grandes limites. Elle est encore connue, parfois, dans certains milieux ayant conservé une tradition relevant, il est vrai, plus du folklore qu’autre chose.

Elle est née en 1910 (ou en 1912 selon les sources) comme Chanson des jeunes gardes, avec un texte de Gaston Montéhus (en fait Gaston Mardochée Brunswick, 1872 – 1952) et un arrangement musical de Saint-Gilles (pseudonyme d’une personne morte en 1960).

Son succès repose sur la dynamique d’une opposition : d’un côté il s’agit d’une mise en garde aux ennemis de la Gauche, de l’autre d’un appel à former une jeunesse sur ses gardes.

Voici les paroles (le premier couplet manque dans la version ci-dessus).

Nous somm’s la jeune France
Nous somm’s les gars de l’avenir,
El’vés dans la souffrance, oui, nous saurons vaincre ou mourir ;
Nous travaillons pour la bonn’cause,
Pour délivrer le genre humain ,
Tant pis, si notre sang arrose
Les pavés sur notre chemin

[refrain] Prenez garde ! prenez garde !
Vous les sabreurs, les bourgeois, les gavés, et les curés
V’là la jeun’garde v’là la jeun’garde qui descend sur le pavé,
C’est la lutte final’ qui commence
C’est la revanche de tous les meurt de faim,
C’est la révolution qui s’avance,
C’est la bataille contre les coquins,
Prenez garde ! prenez garde !
V’là la jeun’garde !

Enfants de la misère,
De forc’ nous somm’s les révoltés,
Nous vengerons nos mères
Que des brigands ont exploitées ;
Nous ne voulons plus de famine
A qui travaille il faut des biens,
Demain nous prendrons les usines
Nous somm’s des homm’s et non des chiens

Nous n’ voulons plus de guerre
Car nous aimons l’humanité,
Tous les hommes sont nos frères
Nous clamons la fraternité,
La République universelle,
Tyrans et rois tous au tombeau !
Tant pis si la lutte est cruelle
Après la pluie le temps est beau.

On voit aisément le ton qui est, somme toute, très XIXe siècle, avec un fond culturel éminemment républicaniste et syndicaliste.

Utilisée d’ailleurs initialement par les jeunesses de la Section Française de l’Internationale Ouvrière (SFIO) avant la première guerre mondiale, elle devint pour cette raison, après le congrès de Tours de 1920, une chanson tant par des jeunesses liées au Parti Communiste – Section Française de l’Internationale Communiste que de celles liées à la « vieille maison ».

Sa période de gloire date d’ailleurs du Front populaire ; les communistes changeront cependant le « Nous sommes la jeune France » en « Nous sommes la jeune garde ».

Deux couplets s’ajoutèrent par la suite.

Quelles que soient vos livrées,
Tendez vous la main prolétaires.
Si vous fraternisez,
Vous serez maîtres de la terre.
Brisons le joug capitaliste,
Et bâtissons dans l’monde entier,
Les États-Unis Socialistes,
La seule patrie des opprimés.

Pour que le peuple bouge,
Nous descendrons sur les boulevards.
La jeune Garde Rouge
Fera trembler tous les richards !
Nous les enfants de Lénine
Par la faucille et le marteau
Et nous bâtirons sur vos ruines
Le communisme, ordre nouveau !

La chanson a toutefois relativement perdu sa valeur, se maintenant uniquement par un esprit folklorique qu’on peut librement trouver ridicule ou pathétique.

Voici ainsi une vidéo du Parti socialiste du Bas-Rhin lors du premier mai de 2009, puis une chorale à la fête de l’Humanité en 2016, et enfin la version la plus connue de la chanson, avec une image de Castro et Guevara qui ne doit pas étonner, puisque la chanson fut largement appréciée par les Jeunesses Communistes Révolutionnaires, dont le trotskisme se voulait également en quelque sorte guévarisme.

Vu comme cela, ça ne donne pas envie et cela révèle beaucoup de choses sur les faiblesses des traditions de la gauche française. Tout repose ici sur un symbolisme dont le manque de consistance est patent.

Il est à noter que la chanson a eu son importance en Espagne. Reprise par la Jeunesse Communiste, elle devint l’hymne des Juventudes Socialistas Unificadas après l’unification des jeunesses du Parti Communiste d’Espagne et du Parti Socialiste Ouvrier Espagnol en mars 1936.

Le texte est plus volontaire, puisque c’est « le bourgeois insatiable et cruel » qui est mis en garde, avec la fin de l’exploitation annoncée par l’appropriation des usines.

La chanson « La jeune garde » fait partie du patrimoine, mais le maintien de son existence en France reflète un fétichisme d’une affirmation purement symbolique de la lutte.

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Un mariage socialiste (1896)

Un mariage socialiste

La revue socialiste

Février 1896

On ‘accuse couramment les socialistes de vouloir tout remettre entre les nuits de l’État. La vérité est que, en rendant à la collectivité, surtout dans le domaine économique, certaines choses qui doivent loi appartenir, ils veulent aussi restituer à l’individu, dans le domaine politique, religieux, civil, beaucoup de prérogatives que l’État leur pare détenir indûment.

Ainsi, beaucoup d’entre eux estiment que l’État non plus que l’Église n’a point â intervenir dans le mariage, du moment qu’il cesse erre l’association de deux fortunes ou de deux positions, afin de redevenir, ce qu’il devrait toujours être pour le bien de l’espèce et des époux, l’union de deux êtres humains qui se, sont choisis en pleine liberté.

Sans empêcher ceux qui le désirent de chercher une consécration officielle, légale ou ecclésiastique, ils réclament le droit de s’en passer, et cela non point dans le désir de diminuer la valeur morale ou de rabaisser l’importance de l’acte accomplir mais, au contraire, en vue d’accroître l’une et de rehausser l’autre.

En fondant la famille sur l’amour, sur la confiance mutuelle, sur un engagement, solennel sans doute, mais affranchi de toute sanction extérieure, ils dégagent la création d’un nouveau foyer domestique des bas calculs d’intérêt et des vilaines idées de chalut qui s’y trouvent trop souvent associés.

On peut, si l’on veut, taxer d’imprudence les parents et les fiancés qui ont une foi aussi profonde dans la parole jurée, bien qu’il faille peu compter pour empêcher la désunion possible sur le lien fragile établi par la loi; mais on ne saurait sans injustice méconnaître ce qu’a de noble et de généreux l’appel exclusif fait en pareille matière à l’honnêteté et à l’affection réciproque.

Tel est le sens de la fête intime qui a eu lieu, le 10 janvier dernier, dans les bureaux de la Revue Socialiste.

Mademoiselle Héna Mink, la plus jeune fille de notre amie Madame Paule Mink, et filleule de notre vénéré maître Benoît Malon, épousait en union libre un jeune et vaillant militant du parti socialiste, Monsieur Henri Jullien.

Devant une assemblée de parents et d’amis, qui remplit la salle décorée de fleurs et de plantes vertes, M. Rodolphe Simon, administrateur de la Revue Socialiste (en l’absence de M. Georges Renard, directeur) reçoit le jeune couple.

La mère de la mariée, Madame Paule Agnis, très impressionnée, dit quelques mots :

« Mes amis, je vous ai priés de vous réunir ici pour vous présenter ma fille et le jeune homme qu’elle aime, le citoyen Henri Jullien, qui désirent se marier en union libre et ont tenu à vous faire part de leur résolution.

Si j’ai consenti à une telle union, qui sera celle de l’avenir, c’est que je connais bien le jeune homme auquel ma fille va s’unir et que je le sais loyal et fier, incapable d’une tacheté et d’une vilenie.

L’union libre est la plus sérieuse de toutes ; car elle n’a pour consécration que la conscience des deux époux, pour sanction que le respect de leur propre dignité. »

Le citoyen Rodolphe Sinton, en quelques paroles émues, félicite les jeunes gens de l’exemple qu’ils donnent et du courage qu’ils montrent en contractant une union libre, « la plus belle et la plus noble de toutes » dit-il.

Il rappelle le souvenir de Benoît Malon et souhaite tout le bonheur possible aux deux jeunes conjoints.

Le docteur Blatin, ancien député, grand-maître de la franc-maçonnerie l’année dernière, se lève alors et fait un discours tout empreint d’une noble et douce philosophie, que nous regrettons bien de ne pouvoir reproduire tel qu’il a été prononcé :

« Jeunes gens, dit-il, en commençant, vous inaugurez une ère nouvelle ; dans le monde social nouveau nous n’aurons besoin ni de maire, ni de curé, ni de notaire pour nous unir, nous ne prendrons conseil que de notre coeur ; la sanction, nous la trouverons dans notre honneur, et le bonheur nous sera donné, parce que nous serons loyaux et bons, sincères et honnêtes en notre amour comme en toutes choses. »

Tous les assistants serrent les mains des jeunes époux et les félicitent. Un lunch est ensuite offert aux mariés, à la famille, aux amis et invités, par M. Rodolphe Simon, et la journée se termine à Auteuil, par un dîner intime chez M. Argyriadès, directeur de la Question sociale.