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Sorare, le business du vide

Quand les investisseurs misent sur du vent.

Il est parlé de la plus haute levée de fonds de l’histoire des entreprises françaises du secteur numérique : 680 millions de dollars le 21 septembre 2021. Cela valorise ainsi la « start-up » Sorare à 4,3 milliards de dollars et elle est déjà considérée comme rentable avec 100 millions de revenus prévus pour 2021.

Qu’est-ce qui peut donc autant faire tourner la tête des investisseurs, quelle innovation peut-elle susciter autant d’engagement financier ? La réponse est… rien ! Car Sorare n’a absolument rien à vendre concrètement, si ce n’est d’absurdes et inutiles algorithmes.

L’entreprise se présente comme un jeu de fantasy football, c’est-à-dire un jeu de stratégie basé sur les résultats réels des équipes de football. Cela n’a rien d’extraordinaire et il en existe de nombreux, tel MPG ou Fantasy Premier League. C’est éventuellement sympathique, mais cela ne vaut certainement pas plusieurs milliards. Là n’est donc pas le sujet.

Ce qui fait la particularité de Sorare, c’est surtout de proposer des « cartes » de joueurs de football à collectionner. Ce qui est suggéré, c’est une sorte d’équivalent numérique des fameuses étiquettes autocollantes Panini.

Il y a pourtant une grande différence. Dans le cas des Panini, il y a quelque-chose à produire. Il faut fabriquer les autocollants et les albums à images, il faut distribuer tout cela et faire vendre le tout par des magasins. Cela permet de produire de la valeur, et donc de la richesse, de manière on ne peut plus classique. C’est une valeur qui n’est pas particulière à chaque carte (elles sont d’ailleurs produites en quantité égale) qui ne vaut que quelques centimes individuellement, mais une valeur générale propre à la chaîne de production (tant de millions de cartes vendues génèrent tant de bénéfices, etc.)

Dans le cas de Sorare, il n’y a rien à produire concrètement, à part un peu de mise en page et d’agrégation de contenu. Bien sûr, le numérique est quelque chose de concret, de physique, puisqu’il s’agit d’informations gravées sur des serveurs informatiques. Mais cela ne va pas plus loin, car par définition une donnée numérique est copiable très rapidement et facilement pour un coût tout à fait négligeable. Autrement dit, n’y a aucune opération productive permettant de réaliser une plus-value industrielle avec des « cartes » numériques, puisque elles n’ont pas de valeur matérielle particulière, et encore moins de valeurs par rapport à une chaîne de production.

L’« astuce » de Sorare se situe précisément ici, avec la prétention justement de créer de la valeur numérique. Comme le nom de l’entreprise le suggère (So Rare signifie quelque-chose comme « tellement rare »), l’idée est de créer de la rareté en produisant des « cartes » numériques uniques via un algorithmes. La « technologie » utilisée est appelée NFT et fonctionne sur le principe de blockchain, exactement comme le Bitcoin. Ce qui est vendu par Sorare, c’est le fait de créer de pseudo-cartes ayant une identité unique.

Cela n’a aucun sens, c’est même antagonique avec l’idée du numérique qui est justement de pouvoir diffuser rapidement et massivement une information. L’idée de génie de Sorare est donc de créer artificiellement une pénurie, de brider cette possibilité, avec une certification algorithmique.

Pour le dire autrement, c’est comme si on empêchait le copié-collé. On a une image et un texte, que l’ont peut normalement reproduire facilement (c’est là dessus qu’est basé internet, même dans sa version payante). La « technologie » NFT permet d’empêcher cela en certifiant une production numérique (de manière très relative toutefois, car les possibilités de calcul permettront probablement bientôt de contourner cela).

Concrètement, Sorare procède régulièrement au design des « cartes » de joueurs de football, de manière limitée, puis les met en vente. Et il y a donc en face des gens qui paient pour avoir un bout de code informatique « certifiant » que l’image qu’ils voient sur leur écran est « unique ».

On notera d’ailleurs qu’en tant que tel Sorare n’a rien inventé puisque le jeu vidéo Fifa avec son mode FUT fait la même chose depuis des années. Des « cartes » sont produites de manière limitée puis vendues (via un système de loterie très opaque) et elles permettent ensuite de jouer avec les joueurs ainsi créés. Sorare reprend le même principe, mais sans le jeu (la fantasy league n’est pour Sorare qu’un prétexte, car le but est la collection pour la collection).

Cela n’a aucune utilité, d’autant plus que c’est du gaspillage de ressource, car il faut beaucoup de capacité de calcul pour produire et faire exister de tels algorithmes. Mais ce qui intéresse vraiment les investisseurs, car ils sont littéralement fascinés par un tel projet, c’est précisément la possibilité d’un marché secondaire. En effet, qui dit quelque chose d’unique (ou soit-disant) et de « hype » (selon leur point de vue), dit possibilité de spéculer dessus.

C’est exactement le même principe que pour l’« art » contemporain ou les crus et cépages de vin, ou encore les images GIF relevant de la technologie NFT. Il existe des gens qui sont tellement riches que les richesses réelles ne leur suffisent pas. Alors, comme ils ont besoin d’accumuler encore et encore, de placer et garantir toujours plus leurs richesses, ils inventent de nouvelles « richesses » pour de nouvelles dépenses et du nouveau « capital ».

Quand on est riche, on achète donc très cher une pseudo œuvre, sans aucune sensibilité artistique mais réalisée par quelqu’un d’« unique ». On achète très cher une bouteille de vin simplement car il a été décrété qu’elle était exceptionnelle. Et donc en 2021, ces gens n’ont même plus besoin de faire semblant de posséder quelque chose : ils possèdent l’idée de quelque chose, l’idée d’une carte d’un joueur de football.

D’un point de vue philosophique, c’est très significatif, cela en dit long sur notre époque et les valeurs qui l’animent. 4,3 milliards de dollars et autant de bruit pour réaliser des choses aussi futiles et qui n’existent d’ailleurs même pas en tant que telles (ces « cartes » ne sont pas réellement uniques) : c’est vraiment l’œuvre d’une société marchant sur la tête, ayant perdu tout rapport au réel.

Mais ce qui est vraiment terrible dans tous cela, ce n’est pas tant que des grand bourgeois spéculent et trouvent toujours d’autres moyens de spéculer. Ils le font déjà depuis des dizaines d’années avec le marché secondaire des produits financiers ou l’immobilier. Le plus terrible, c’est qu’un projet aussi délirant et futile que Sorare ne subisse absolument aucune critique populaire, et qu’on trouvera même par milliers des gens des classes populaires pour trouver cela bien.

C’est là qu’on comprend toute l’importance de la bataille culturelle pour changer le monde : si les gens du peuple ne sont pas capables de renverser la table sur de tels sujets, s’ils se font avoir avec des telles arnaques idéalistes, alors ils n’ont rien à attendre du futur pour l’instant. Mais la crise obligera probablement les gens à voir la réalité en face, et saisir le sens réel et concret des choses ! Il le faudra en tous cas.

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Société

La pandémie n’a pas stoppé l’étalement urbain

Les villes moyennes ne profitent pas de la situation nouvelle.

Le Courrier des maires et des élus locaux s’est penché sur la question de l’exode depuis les grandes villes. On sait comment il a été parlé d’une prise de conscience que la vie dans les grandes villes a des aspects désagréables ou insupportables.

En réalité, il n’y a rien de tout cela… Sauf à la marge et encore est-ce la marge de couches sociales aisées. Ce qui est inévitable dans le capitalisme, parce que seules ces couches ont une marge de manœuvre (et encore est-elle définie par une approche consumériste bourgeoise). Les autres sont directement façonnées par le capitalisme, sans intermédiaire, par pression.

« Plus une semaine ou presque ne passe sans qu’une association d’élus, un institut de sondages, la presse grand public, un réseau d’agents immobiliers ou un think-tank ne prédisent la dé-métropolisation de la France. La pandémie et son lot de restrictions aurait fait chuter la côte de Bordeaux, Marseille, Paris ou Toulouse auprès des jeunes actifs. Et le développement du télé-travail inciterait aujourd’hui nombre d’entre eux à questionner leurs conditions, lieux et modes de vie.

De nouveaux imaginaires territoriaux seraient d’ores et déjà nés. Plusieurs études et sondages donnent déjà à lire un désir d’ailleurs chez une majorité de citadins. Si bien que la résurrection de Chartres, Joigny, Limoges, Moulins ou Poitiers mais aussi de départements tout entiers comme l’Ain, l’Eure, la Somme ou l’Yonne ne serait plus qu’une question de mois, d’une poignée d’années tout au plus… (…)

 l’emballement est quasi-général. Après avoir conté encore jusqu’à peu la mue de capitales régionales en « métropoles », ChallengesLe MondeLe Nouvel ObservateurLes Echos ne s’embarrassent pas davantage aujourd’hui d’investigations poussées pour crédibiliser cet hypothétique exode urbain (…).

Comment parler d’une dé-métropolisation alors que les départs de Lyon, Marseille ou Toulouse se font encore majoritairement pour leurs grandes banlieues, au sein des mêmes bassins de vie ?

Si l’on se fie aux mêmes données notariales que précédemment, les mobilités inter-départementales et inter-régionales sont en légère hausse, mais demeurent marginales : l’« exode urbain » du trader Parisien s’installant dans le Larzac ou le Morvan après s’y être réfugié lors d’un confinement en 2020 ou 2021 relève encore, pour l’heure, du cliché.

Les rares éléments d’objectivation du phénomène disponibles appellent plutôt à la mesure. Parce que toutes les villes moyennes – qui forment un ensemble hétérogène – n’en profiteront pas, déjà : Bourges, Montbéliard, Sedan ou Tulle continuent à éprouver, semblerait-il, un certain nombre de difficultés.

Dans certains bassins de vie réceptacles d’un flux de citadins plus important qu’à l’accoutumée comme Saint-Brieuc, les équilibres internes font, au demeurant, craindre le pire… Parce que la tentation d’un déménagement concerne, ensuite, certaines catégories d’actifs bien particulières – les cadres supérieurs et professions libérales disposant d’un pouvoir d’achat suffisamment confortable -, et non l’ensemble de la population française. »

Loin d’amener une modification dans le sens d’un retour en arrière, vers un équilibre harmonieux ou du moins moins de déséquilibre, la pandémie amène une décrochage encore plus prononcé.

Et ce décrochage est d’autant moins visible que l’ensemble des médias a en tête la vraie figure dominante, celle du bourgeois aisé, cultivé, capable de faire des « choix » plus ou moins subjectivistes comme celui de partir sur un coup de tête pour changer de vie… parce que, derrière, il a un filet de sécurité, ou bien simplement parce que son subjectivisme est un nihilisme conforme à l’idéologie dominante (tels les trans, les « expats », la cohorte d’étudiants bourgeois allant étudier en Angleterre et aux États-Unis, etc.).

C’est la décadence générale des couches sociales dominantes qui s’expose ici et il y a une telle pression que dans la petite-bourgeoise il y a un effet de mimétisme prononcé, voire même dans les catégories populaires.

Les faits sont cependant têtus et la base matérielle, elle, ne change pas, allant vers une situation toujours plus marquée de crise.

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Société Vie quotidienne

Le dépôt sauvage est un individualisme forcené

Il arrive souvent de tomber sur des déchets déposés illégalement en dehors des lieux de collecte : c’est du dépôt sauvage.

Il y a plusieurs types de dépôts sauvages.

Ceux dans les grandes villes où la mise en place des déchetteries est difficile voire impossible, comme dans la métropole parisienne qui de par sa densité empêche la construction de déchetterie en son sein. Il existe cependant dans les grandes villes, y compris à Paris, des services municipaux de ramassage d’encombrant sur rendez-vous, et gratuit, mais cela n’intéresse pas les esprits paresseux qui n’envisagent aucune démarche organisée.

Il y a ceux aux abords des déchetteries, où les individualistes voulant se rendre en déchetterie mais constatant que celle-ci est fermée, cèdent à l’immédiateté et se débarrassent de leurs déchets juste devant, obligeant les agents à nettoyer les abords. Au delà d’être une démarche purement égoïste, c’est tristement le reflet de la société aujourd’hui sans conscience planétaire ni collective ; où domine le libéralisme dans l’attitude.

Bien que tout ne puisse pas être recyclé ou « revalorisé », déposer des déchets ménagers, de bricolage, des meubles, électroniques, de produits dangereux etc. relève du cannibalisme social et d’une barbarie anti-planétaire. C’est céder aux mœurs du turbo-capitalisme, où si l’on veut faire quelque-chose il faudrait l’avoir de suite, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.

C’est ce qui amène d’ailleurs au dernier type principal de dépôt sauvage : celui dans la Nature. Aux abords des petites routes en France, voire en forêt, il n’est pas rare de trouver dans les champs, dans les forêts, près des étangs, etc. des sac poubelles, du plastique, des déchets électronique, des pneus, de l’amiante ou tout autre type de déchet.

C’est précisément la manifestation presque ultime de l’individualisme forcené qui sévit dans la vie sous le capitalisme. Se laisser aller à ce type de pratique relève de la barbarie, du nihilisme et de l’égoïsme le plus total, sans aucune considération pour les autres habitants de la Planète, sans considération pour les animaux qui seront perturbés dans leurs vies, sans considération non plus pour les travailleurs qui devront se protéger et évacuer (si ils sont trouvés) tous ces déchets. La Nature n’est pas une décharge à ciel ouvert ; elle devrait être un sanctuaire pour la vie.

Bien entendu à l’heure actuelle, les déchetteries et le recyclage sont un business comme un autre dans lesquels les « déchets » ne sont pas toujours « revalorisés » ou recyclés correctement car ne permettant pas de tirer assez de profit.

Cela pose également la question de la gestion du déchet lui-même que la Gauche devra résoudre. Il suffit de se rendre en déchetterie pour constater que bon nombre de choses jetées sont encore fonctionnelles, utilisables, réparables, et mérite une seconde vie. Mais pourries par le 24h/24 du capitalisme, il faudrait consommer toujours plus, et jeter toujours plus. Cela est autant vrai pour des biens que des relations.

Le dépôt sauvage n’est donc qu’une expression avancée supplémentaire de l’individualisme forcené dans lequel la société capitaliste nous fait vivre. C’est de cela dont il est question lorsque des personnes jettent au sein de la Nature des produits dangereux (ou d’ailleurs n’importe quoi), nuisant aux animaux, vivants à côté des déchets et rendant le travail plus aliénant et plus difficile aux agents de déchetteries, communaux, pour nettoyer les dépôts sauvages.

Alors pour résoudre cela, il faudra que la Gauche embrasse la question des gestions des déchets, et que les personnes s’adonnant à des pratiques socialement pourries soient soumises à des travaux d’intérêts généraux dans les déchetteries, dans les incinérateurs, dans les lieux de recyclage, les services de ramassage des déchets.

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Société

Emmanuel Macron et la soviétisation au moyen de l’argent magique

La crise impose la socialisation.

C’est un post sur Twitter – ce réseau social véritable plaie où prolifère les avis consommateurs – de quelqu’un relevant de la mouvance anti-pass et anti-vax. En apparence, c’est totalement délirant et d’ailleurs des gens de gauche s’en moquent. En réalité, cela exprime une profonde vérité : la socialisation de l’économie.

C’est en fait un thème récurrent de la petite-bourgeoisie. Elle déteste les grandes banques à la fois par anticapitalisme et par refus de ce qui est général, universel. D’un côté le petit-bourgeois relève du peuple et il n’aime pas les grands capitalistes. De l’autre, il a une mentalité de petit capitaliste et entend préserver la concurrence, d’où le refus et le panique devant ce qui a une dimension sociale générale, complète, socialiste.

C’est cela qui explique pourquoi, pour l’auteur de ce post sur Twitter, Emmanuel Soviet contribue à la « soviétisation des entreprises ». Puisque en effet l’argent magique est public, il est socialisé, il relève de toute la société. Et comme il relève de toute la société en maintenant des entreprises en vie, il transforme celles-ci dans leur substance parce qu’elles existent, à l’arrière-plan, en substance, par ce qui relève de toute la société, de ce qui est collectif.

C’est donc une réappropriation collective de ce qui est particulier et c’est exactement ce que déteste la petite-bourgeoisie qui entend préserver sa petite propriété coûte que coûte.

On remarquera que le petit-bourgeois est ici conscient de la crise : il sait qu’il ne peut pas y avoir de retour en arrière et voilà pourquoi il est d’autant plus hargneux, haineux, paranoïaque. Il sait qu’à un moment il faudra établir une comptabilité et que là rien n’empêche, sur le papier, que la société dise : j’ai porté tout cela à bout de bras, c’est donc à moi.

C’est d’ailleurs ce que la société devrait faire et ce qu’elle fera lorsque la Gauche historique se sera reconstituée. La privatisation des profits et la socialisation des pertes est une véritable contradiction s’exprimant ouvertement dans le cadre de la pandémie.

Cependant, c’est seulement une tendance, du moins pour l’instant. Le Parti Communiste Révolutionnaire de France vient par exemple de sortir son programme et il affirme cette chose tout à fait fausse :

« Dans la France contemporaine, on peut compter un nombre important de puissants monopoles (Vivendi, BNP-Paribas, Lagardère, Michelin, Bouygues, LVMH, Carrefour, Total, Renault, etc.).

L’oligarchie financière accapare pour elle seule l’État.

Ce dernier joue un rôle économique déterminant, par le financement public et la prise en charge des secteurs non rentables pour les capitalistes mais indispensables à l’économie. De plus, le dépeçage des services publics tels que la santé, la poste, l’énergie, les transports, l’éducation ou la recherche, pour en livrer les secteurs rentabilisables au privé, constitue aussi des réponses aux besoins d’augmenter les profits des monopoles. »

On comprend le problème tout de suite: si l’État est entièrement au service des monopoles, alors pourquoi y aurait-il besoin de privatiser ? Et, également, pourquoi y aurait-il encore des droits sociaux ?

Il y a ici une confusion, en raison d’un mode de raisonnement unilatéral typiquement petit-bourgeois (puisque celui-ci « fusionne » l’ouvrier et le bourgeois pour ainsi dire en lui-même) entre ce qui est une tendance et ce qui est un fait accompli.

Et c’est la même confusion qui est au cœur de celui pour qui Emmanuel Macron est un communiste. Que la socialisation de l’économie soit une tendance historique, c’est un fait, et justement il faut que la Gauche historique l’assume… Mais si on l’imagine déjà accompli ou quasiment, alors on déraille et comme les fascistes, on pense que le capitalisme dans un régime libéral équivaut à une sorte de tyrannie communiste… Ce que disaient précisément les fascistes italiens et les nazis allemands.

On n’en pas fini, en fait, de parler de l’argent magique. Tout simplement parce qu’il n’est pas magique du tout…

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18 septembre 2021 : chasseurs, anti-pass… des dizaines de milliers de beaufs partout en France

C’est marginal, mais suffisamment puissant pour inquiéter.

Le samedi 18 septembre 2021 a été, comme les samedi précédents, l’occasion de défilés nombreux partout dans le pays. Certes, les anti pass-sanitaire et leurs soutient populistes ou d’ultra-gauche ont raté leur « rentrée ». Ils n’ont pas produit cette grande vague contestatrice attendue et sont de moins en moins nombreux. 80 000 personnes pour cette fois, avec 199 cortèges dans tous le pays.

Ils restent toutefois nombreux et surtout très constants dans leur acharnement anti-social à refuser les mesures sanitaires. On notera d’ailleurs l’incroyable nombre annoncé de 3000 personnels de santé ayant préféré la suspension (donc pas de salaire) à la vaccination. C’est énorme.

Mais ce n’est pas tout puisqu’il y avait également, le même jour, 42 000 chasseurs ou pro-chasse défilant, au nom soit-disant de la ruralité. En fait de ruralité, ces gens assument une mentalité arriéré et barbare, avec en l’espèce la défense de l’horrible chasse à la glu (interdite récemment en France).

16 000 personnes à Mont-de-Marsan, 12 000 à Amiens, 10 000 à Redon, 5000 à Forcalquier ou Caen sont descendus dans la rue en gilet orange fluo pour revendiquer une posture anti-culture et ouvertement beauf. C’est littéralement un grondement de droite qui souffle à l’arrière-plan en France, avec des figures notoires tels le candidats à la présidentiel Xavier Bertrand (qui est aussi président de la région Hauts-de-France) pour soutenir les chasseurs.

Amiens est à ce titre vraiment exemplaire, car cela devrait être un puissant bastion de la Gauche historique en raison de son caractère essentiellement populaire, et c’est en pratique une base pour une posture réactionnaire pesante, arriérée, passive.

De manière générale, de toutes façons, avec les anti-sociaux contre les mesures sanitaires et les chasseurs contre la culture, le fond de l’air ne sent vraiment pas bon en France. Faut-il s’attendre à un « mai 1968 » de droite, d’autant plus avec la vague nationaliste qui se profile avec l’hostilité anti-américaine suite au revers à propos des sous-marins australien ?

C’est en tous cas un sujet que la Gauche doit prendre très au sérieux. Et il faut rappeler ici deux clefs essentiels, qui permettent de distinguer efficacement ce qui est positif et négatif: la question des alliances militaristes pour le repartage du monde, la question animale.

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La CGT Santé et action sociale soutient les antivaccins

Une position suicidaire.

La fédération Santé et action sociale de la CGT refuse l’obligation vaccinale, comme elle l’a expliqué dans une publication appelant à manifester le mardi 14 septembre 2021.

En effet, à partir de mercredi 15 septembre, les personnels de santé doivent être vaccinés, ou alors ils sont suspendus. C’est tout à fait normal et d’ailleurs la grande majorité des personnels de santé sont déjà vaccinés ou ont reçu leur première dose. La plupart des personnes travaillant auprès de personnes malades ou âgées ne se sont pas poséq de question : dès qu’elles ont eu accès à la vaccination, elles ont assumé leur responsabilité en se vaccinant pour protéger.

Seulement voilà, nous sommes en France, l’un des bastion du libéralisme et de l’esprit petit-bourgeois, alors ils y a toujours des gens pour pleurnicher en refusant de se plier à l’ordre collectif. En l’occurrence, il y a des centaines de personnels de santé en France qui refusent encore la vaccination, et qui vont se résoudre à être suspendu de leur fonction (et de leur rémunération).

Normalement, la CGT devrait broyer de tels gens. Elle devrait les dénoncer comme d’odieux individualistes de droite. Elle devrait porter fièrement l’engagement des personnels de santé qui se sont fait vacciner depuis le début, au nom de l’exigence collective.

Mais là CGT n’a plus aucun repère social. Elle n’est qu’un organisme à la dérive, riche car richement financé institutionnellement, riche également de par son passé, mais très pauvre de part ce qu’elle représente socialement. Alors il est raconté n’importe quoi, pour faire du bruit, en espérant peser. Plutôt que du bruit, il est en fait surtout brassé du vent, car personne en France n’en a grand-chose à faire de ces personnels de santé non-vaccinés, ni des quelques centaines de cégétistes ayant manifesté en France mardi 14 septembre 2021 contre l’obligation vaccinale.

Quelle misère intellectuelle, morale, culturelle !

Il ne faut pas sous-estimer cependant les dégâts que font culturellement de telles manifestations. Car en faisant cela, la CGT Santé et action sociale abîme profondément l’héritage sociale de la lutte des classes, confortant la population dans l’idée qu’il n’y a rien à attendre de la lutte des classes.

En se rangeant du côté d’une minorité d’anti-sociaux, la CGT se coupe ouvertement de la majorité de la population et surtout de l’intérêt collectif. Elle ne propose plus qu’une caricature de syndicalisme, avec des arguments grotesques ne pouvant convaincre personne.

La CGT (y compris la centrale fédérale) voudrait faire croire qu’elle n’est pas contre la vaccination, mais seulement contre l’obligation. Cela n’a aucun sens. Si on considère que la vaccination est une bonne chose, alors il n’y a aucun problème à obliger les personnels soignant à être vaccinés. Sinon, c’est donner de la valeur aux pérégrinations de quelques anti-vaccins hystériques, pour qui d’ailleurs le vaccins n’est en général qu’un prétexte.

La plupart de ces gens refusent le vaccin non pas en tant qu’acte médical auquel ils ne croient pas – même s’il y en a bien sûr -, mais en tant que norme sociale imposée par la collectivité. La CGT Santé et action sociale elle-même adopte la même posture à la fois sinistre et mensongère, comme lorsqu’elle dit:

« Il s’agit de la mise en place d’une obligation vaccinale et de sanctions possibles qui concernent aujourd’hui des millions de salarié.e.s, et cela, dans différents secteurs d’activités. »

Cela est faux, pour la simple et bonne raison que la plupart des travailleurs sont déjà vaccinés ou envisagent de le faire, et ne sont donc par définition pas concernés par une éventuelle « obligation ». Il est complètement mensonger de parler ici de « millions » de personnes se faisant potentiellement « discriminer » ou pénaliser par l’obligation vaccinale. Il faut vraiment être hors sol pour raconter de telles absurdités.

Mais la CGT est hors sol, à tous les niveaux, comme d’ailleurs le syndicalisme en général dès qu’il se pose une question politique, culturelle, sociale… Et, d’ailleurs, toute question politique, culturelle, sociale. Les syndicats doivent savoir se subordonner à la politique, à la Gauche historique!

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Les anti pass sanitaire ont raté leur rentrée

C’est un début d’effondrement, alors que le pays les ignore maintenant totalement.

Le mouvement anti pass sanitaire devait passer un cap à la rentrée. En fait, il s’effondre, devenant toujours plus marginal et hors sol. Alors qu’ils ont connu un pic à 237 000 participants en plein milieu de l’été, les manifestants n’étaient plus que 121 000 le samedi 11 septembre 2021 selon les chiffres officiels (ils étaient 140 000 la semaine dernière et 165 000 la semaine précédente).

C’est un recul net, un échec à devenir un mouvement de masse. A titre de comparaison, c’est moins de personne qu’à la Fête de l’Huma du PCF, qui a lieu en même temps.

Le mouvement anti pass sanitaire aurait pu devenir le centre d’une vague de contestation dans le pays, sur un mode plébéien typique de l’extrême-Droite mais visant large. Mais il y a bien trop de folklore, de fausse radicalité et de simagrée pour que cela marche en France.

Le capitalisme a encore beaucoup trop de chose à apporter aux yeux des français libéraux et consommateurs pour qu’ils acceptent de se mettre en branle contre le train-train quotidien. On imagine que Marine Le Pen aura de son côté beaucoup plus de succès ce dimanche 12 septembre en annonçant au JT de 20h sa volonté de nationaliser les autoroutes comme mesure phare.

En tous cas, les anti-pass sanitaire sont passés à côté de quelque-chose, car ils ont heureusement focalisé de manière hystérique et unilatérale sur la question du refus du pass sanitaire, au lieu de s’appuyer sur un esprit large et relativiste typique des français. C’est un peu le mal de l’extrême-droite dans ce pays, qui est largement conforme à des pans entiers de la population sur le plan des idées et du fond du projet, mais qui se heurte à la réalité en pratique.

Est-ce une bonne chose pour la Gauche ? Oui et non. Oui, car c’est autant de temps gagné, et c’est vraiment tant mieux qu’un mouvement aussi anti-social que celui refusant le pass sanitaire recule. Non, car cela empêche clairement la Gauche de se mettre à niveau, de prendre la hauteur culturelle et idéologique nécessaire pour écraser l’extrême-Droite et mettre en place un programme démocratique et populaire.

Il n’y a vraiment pas de temps à perdre pour se reconstruire sur des bases saines et solide, avec une vraie dynamique populaire.

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« D’où vient l’argent ? »

La Direction générale du Trésor a publié un article typique, à propos de l’argent magique et de la question de la crise.

La Direction générale du Trésor a un rôle fondamental pour la marche du pays. Il s’agit ni plus ni moins que de gérer les caisses de l’État, par le biais d’analyses, de conseils aux ministères, mais aussi et surtout de la gestion de la dette publique.

En l’occurrence, cette question de la dette est épineuse. Comme chacun le sait, l’État a fait le forcing face à l’impact des mesures sanitaires sur l’économie, en mettant des paquets d’argent sur la table. Sauf que, bien entendu, c’est de l’argent que l’État n’a pas. On parle ici en dizaines de milliards d’euros rien que pour la France.

Personne de censé ne peut se dire que c’est là une bonne chose, que tout va bien. Il y a concrètement une panique à ce sujet, y compris au sein même de la bourgeoisie. Alors la chef économiste de la Direction du Trésor assure le service après vente, via un article intitulé « D’où vient l’argent ? », article qui a été bien sûr relayé par la presse type Le Figaro.

Et donc, la chef économiste de la Direction du Trésor Agnès Bénassy-Quéré raconte qu’il n’y aucune raison de s’en faire. La panique serait injustifiée, les questions redondantes des gens au sujet de cet argent seraient infondées. Tout va très bien, Madame la marquise…

Son argumentation est ultra simple : l’État s’est endetté grâce à l’épargne des ménages qui ne demandait qu’à servir. L’État pourra tranquillement rembourser, car l’économie repart comme si de rien grâce à ce même argent.

Voici ce qu’elle dit un peu plus en détail :

1. Avec la crise sanitaire, il y a eu un déficit de consommation de la part des gens, et donc un surplus d’épargne ;

2. Les banques se sont servies de cet épargne pour prêter à l’État (via la BCE) ;

3. L’État a injecté cet argent dans l’économie, ce qui a permis aux ménage de ne pas perdre d’argent, et ainsi la boucle est bouclée !

Quelle blague !

Un tel raisonnement, de la part de l’administration officiellement chargée des questions économiques en France, est assez incroyable tellement tout cela est insensé. L’État aurait payé les ménages avec leur propre argent, mais ce même argent proviendrait justement de ce que l’État a payé !

A moins que les gens aient vu leur épargne fondre pour payer la crise, ce qui n’est pas du tout le cas, alors forcément il y a quelque chose qui cloche.

Ce que tente de nous « expliquer » la chef économiste de la Direction du Trésor dans son article « D’où vient l’argent » est que l’argent n’a en fait aucune valeur. Les États et les banques pourraient jouer des écritures comptables à leur guise sans que cela ne pose problème… Bien évidemment, cela est faux, archi-faux.

On ne peut pas stopper la productions de richesses, de valeurs, de marchandises, pendant plusieurs semaines, puis simplement ensuite faire circuler des chiffres entres des comptes en banques (depuis les banques, vers la Banque centrale européenne, vers l’État, puis vers les banques), et dire: tout va bien.

Ce qui s’est passé, et c’est quelque chose de très connu, c’est que la Banque centrale européenne a inventé de l’argent. Ni plus ni moins. Elle a effacé d’un coup de clavier des dettes d’État, soit disant en « rachetant » ces dettes, ce qui revient en fait à créer de l’argent.

Bien sûr, Agnès Bénassy-Quéré ne nie pas cela. Elle en parle, mais elle fait comme s’il ne s’agissait que d’une petite astuce technique. En réalité, il a été joué avec le feu. Ces masses d’argent tirées du chapeau par la Banque centrale européenne – et donc par les États, car ce sont eux qui contrôlent la banque centrale – aura, et a déjà, des répercussions.

La plus evidente, c’est l’inflation. Pas encore en France pour l’instant, quoique le problème se pose déjà en partie si l’on regarde l’économie dans le détail, mais déjà dans la plupart des pays riches. A commencer par les États-Unis (qui ont fait pareil en créant des dollars) où l’inflation est à l’heure actuelle alarmante.

Mais plus profondément que cela, ce qu’ont fait ces économistes jouant avec l’argent, c’est abîmer la valeur de l’argent lui-même, en lui ôtant son rapport avec la réalité de l’économie. Ce n’est pas quelque chose de nouveau et nous savons déjà a quel point il y a depuis des années toute une économie de la spéculation (ce que l’on appel en finance le marché secondaire) jouant dangereusement avec la valeur de l’argent.

C’est toutefois réalisé ici avec une ampleur inégalée historiquement, sur un laps de temps très très court, et de surcroît partout dans le monde.

C’est explosif, c’est ni plus ni moins une situation de crise avec un risque d’effondrement monétaire (en plus des risques économiques plus traditionnels que sont l’inflation, la perte de productivité, la baisse du PIB relativement à son niveau d’avant-crise, la perte de confiance en l’économie, etc.).

Le petit article « D’où vient l’argent ? » de la Direction générale du Trésor vaut donc le détour, avec son langage à la fois enfantin et ultra-technique. C’est un cas d’école de comment les institutions et les cadres de la bourgeoisie sont en vérité totalement dépassés par la situation. Cela en rajoute au fait que nous sommes dans une situation de crise.

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McDonald’s en crise, tout un symbole

Et cela avec 40 milliards d’euros d’endettement.

Dans le dernier numéro de la revue au format PDF « Crise », qui analyse ce qui est considéré comme une « seconde crise générale du capitalisme », on apprend que les 1250 restaurants britanniques de McDonald’s ne sont plus en mesure de proposer de milkshakes en raison des pénuries. Tiens donc, une telle chose est possible? On parle de McDonald’s tout de même, l’une des multinationales les plus puissantes et, il est vrai, également les plus endettées.

McDonald’s ouvre en effet des magasins à crédit, considérant que l’expansion est inévitable, ce qui amène ainsi une dette de… 40 milliards d’euros!

Mais donc, McDonald’s fait face effectivement à des pénuries en Grande-Bretagne, si l’on cherche des informations à ce sujet. C’est dû aux difficultés d’approvisionnement: les contacts de malades du covid doivent s’isoler et la chaîne logistique est cassée… et les pénuries s’installent. Le Brexit n’aide pas, évidemment, car cela a produit le manque de 100 000 chauffeurs routiers en raison des contraintes administratives…

Donc, pas de milkshakes et là même c’est le Coca Cola en canettes qui commence à manquer à l’échelle du pays!

Mais McDonald’s n’a pas que des soucis d’approvisionnement. Il manque également du personnel, comme d’ailleurs dans la restauration en général. Beaucoup de gens sont partis car ils n’étaient plus dans l’élan les amenant à réaliser un travail harassant et mal payé. C’est vrai dans tous les pays où il y a un certain niveau de vie et où on se dit qu’on peut bien trouver autre chose.

En Grande-Bretagne, de très nombreux postes sont vacants et les restaurants McDonald’s lancent de multiples appels. Au Canada, des restaurants McDonald’s propose mille dollars de bonus à l’embauche et 400 dollars si l’on présente quelqu’un qui est par la suite embauché. Aux Etats-Unis, dans l’Oregon, un McDonald’s propose même d’y travailler désormais dès l’âge de 14 ans.

En France, on n’a rien de tout cela. On se souvient de la ruée sur les ventes à emporter au moment des assouplissements du confinement. McDonald’s est d’ailleurs intouchable en France. Tout le monde trouve cela très bien et même, beaucoup de gens attendent impatiemment un McDonald’s de par chez eux pour trouver de l’emploi. McDonald’s a une image familiale, de fournisseur de satiété, d’une certaine accessibilité populaire, d’une forme de prospérité économique…

C’est pourtant le scénario catastrophe que McDonald’s: les animaux sont massacrés industriellement pour une nourriture plus que critiquable au niveau diététique, tout cela avec des employés mal payés pour un travail répétitif, borné, épuisant psychologiquement. C’est vraiment un mélange d’oppression et d’exploitation, et si on ajoute la déforestation réalisée pour produire des aliments pour les animaux mangés ensuite, on a un scénario apocalyptique.

Et cet apocalypse est en expansion, ce qui n’est pas possible, à un moment cela s’effondre, et le recul provoqué par la pandémie va frapper un grand coup. McDonald’s a eu un chiffre d’affaires qui a reculé de 20% en 2020. Il a relancé la machine, notamment avec les livraisons, mais c’est fragile… Il faut d’autant plus commencer une dénonciation de cette production-consommation typique du capitalisme du vingtième siècle.

La crise économique doit s’accompagner d’une bataille des valeurs!

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Manifestation anti-vaccination de la CGT Santé le 14 septembre 2021

La CGT Santé choisit le camp de l’individualisme et du corporatisme.

Il n’y a aucun communiqué de la part de la CGT Santé, mais les médias ont largement relayé l’appel fait à manifester contre la vaccination obligatoire du personnel soignant. La date choisie correspond à la veille du 15 septembre, à partir duquel le personnel soignant n’ayant pas eu au moins une dose de vaccination risque la suspension d’activité et du salaire.

C’est une mesure relevant des décisions collectives dans la pandémie, en particulier concernant la systématisation de la vaccination de la population. Le personnel soignant étant en première ligne, il est considéré comme devant être vacciné de manière obligatoire, ce qui est logique. Mais la CGT Santé ne le veut pas et espère mobiliser en ce sens.

Il faut attendre le communiqué pour voir comment la CGT Santé peut justifier une chose pareille… Même si on devine déjà son contenu. En effet, la démarche de la CGT Santé est individualiste et corporatiste. Elle dit: je défends un personnel particulier et je vois les choses uniquement par ce prisme. Elle dit aussi: je défends des droits individuels.

C’est ni plus ni moins que la conception de la CGT-Force Ouvrière qui, de son côté, pour son secteur santé, se contente de demander un délai supplémentaire, refusant de se prononcer contre les « sociétés savantes ». C’est étonnant, car normalement la CGT-Force Ouvrière privilégie justement l’aspect individuel, librement choisi (elle regrette le manque de pédagogie). Mais c’est du réalisme: la pandémie est ce qu’elle est et la société n’est pas prête à accepter un aventurisme de la part du personnel soignant.

La CGT Santé, quant à elle, n’en a rien à faire. Elle agit dans une tradition syndicaliste dure des années 1980, avec un élan syndicaliste « révolutionnaire » du début du 20e siècle, et surtout une mentalité individualiste et corporatiste bien du 21e siècle. C’est un mélange explosif.

La CGT elle-même, en tant que Confédération, est forcément très mal d’ailleurs, car elle se prononce quant à elle pour la vaccination, mais s’inquiète de si 5-10% des soignants ne peuvent plus travailler. Une manière de demander à l’Etat d’abandonner son projet pour ne pas que de manière interne sa situation soit intenable.

L’implosion de la CGT est toutefois inévitable. Il y a trop d’incohérences, trop de conflits internes, alors qu’en plus la corruption morale est généralisée dans un appareil bureaucratisé à tous les niveaux. La pandémie a d’autant plus renforcé cela, au point que son dirigeant Philippe Martinez a même fait déjà en sorte que la CGT ne soit pas présente à la Fête de l’Humanité 2021, les stands étant trop chers (de fait ils sont historiquement un moyen pour le PCF de se monnayer entre autres sur le dos des syndicats).

Et rappelons qu’au niveau national, la CFDT est désormais le premier syndicat, avec une image moderne, négociatrice, etc., alors que la CGT a une aura négative à tous les niveaux. En appelant à refuser la vaccination obligatoire du personnel soignant, la CGT Santé ne va pas aider à changer ça!

Les conséquences sont très graves également. C’est une telle convergence avec le mouvement anti-pass sanitaire qu’on voit déjà mal comment cela ne peut pas mal tourner à la base.

Et, plus qu’une convergence, c’est d’ailleurs un soutien direct d’ailleurs, parce que les anti-pass sanitaire, avec leur noyau « anti-vax », ont désormais l’argument comme quoi la CGT Santé aussi se lance dans le mouvement.

C’est même de cela qu’il s’agit d’ailleurs: du soutien d’un syndicat corporatiste à un mouvement plébéien. Bienvenue dans les années 1930.

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Comment les ouvriers de Knorr de Duppigheim ne sont volontairement pas rentrés dans l’Histoire

Qui plus est, pour pas grand chose.

Le mois d’août a été marqué par l’impressionnante déferlante des anti-pass. Mais il y a également eu un épisode pathétique qui reflète d’un échec historique, alors que tout aurait pu se passer bien différemment. Les ouvriers d’une usine alsacienne de Knorr auraient pu être le fer de lance de la classe ouvrière en France, mais ils ont décidé que non.

Ils auraient pu déclencher une grève dure, qui aurait été un symbole national, qui aurait littéralement levé le drapeau de la révolte ouvrière. Ils seraient rentrés dans l’Histoire. Ils ont préféré s’effacer devant Unilever.

Knorr appartient en effet à Unilever, qui est un géant de l’agroalimentaire. Il n’y a dans ce secteur que Nestlé, PepsiCo et la Coca-Cola Company qui soient devant. Unilever, c’est plus de 50 milliards de chiffre d’affaires, dont quelques uns en France. Ce sont les marques Amora, Maille, Monsavon, Rexona, Cajoline, Omo, Miko, Ben & Jerry’s, Persil, Lipton, etc.

Et donc, Knorr. Seulement voilà, en mars 2021, Unilever a décidé de délocaliser l’usine française de Knorr, vers la Pologne et la Roumanie (et en partie un sous-traitant en Bretagne). Cela met sur le carreau 261 travailleurs de Knorr, sans compter les intérimaires et les sous-traitants, soit un millier de personnes.

Alors il y a eu des protestations, des manifestations, une pétition avec 20 000 signataires, disant notamment cette chose étrange et révélatrice :

« Les soupes Knorr sont fabriquées en Alsace depuis 1953, tout d’abord à Illkirch-Graffenstaden puis, depuis 1983, à Duppigheim. Ces soupes font partie du patrimoine culinaire français. »

On comprend le problème : il n’y a pas de lecture de classe, seulement des considérations sur « l’emploi », le « savoir-faire », etc.

Un tract tente même le coup de l’argument de la pollution… C’est dire si vraiment l’affrontement a été refusé. Tout a été fait pour ne pas dire : sale capitaliste, on refuse ta restructuration, tu vas t’écraser.

Unilever a donc fait ce qu’elle voulait, car le capitalisme n’en a rien à faire des états d’âme.

Il fallait cogner, il fallait frapper. Mais les ouvriers de Knorr n’ont pas voulu le faire. Ils se sont tournés vers le plan de sauvegarde de l’emploi, début août 2021, avec la veille de l’acceptation, une petite initiative intersyndicale.

Comme déjà dit, c’est une mauvaise chose du point de vue de la classe, mais pour des travailleurs sans conscience de classe et devant se débrouiller avec leur vie, payer les crédits, ne pas se retrouver dans une situation intenable marquée par des divorces… cela a une certaine dignité.

Les ouvriers de Knorr n’ont cependant gagné que des miettes. Et là on se dit : le refus de la lutte, la destruction du tissu social, mais en plus, pas grand chose sur le plan individuel ?

Le plan social pour l’emploi consiste en effet en six mois de salaires bruts et 2 000 euros par année d’ancienneté. C’est une blague. Et encore Unilever avait proposé initialement 1 800 euros par année d’ancienneté !

Pour rappel, le plan social pour l’emploi chez Bridgestone, c’est 46 500 euros au total en fixe, plus 2500 euros par année d’ancienneté.

50 000 euros… on comprend que pour des travailleurs, alors que rien n’est acquis dans une situation sociale où il n’y a pas d’impulsion collective, cela se discute sur le plan individuel. On peut refaire sa vie, plus ou moins, surtout si la somme grimpe avec l’ancienneté.

Mais 10 000 euros, 15 000 euros, même disons 20, 25 000… on ne va pas loin. C’est tout de même plus que très peu pour collaborer à la toute-puissance des grandes entreprises, pour contribuer à la désertification locale, pour refuser d’aller à l’affrontement au nom – au moins – de la dignité du travail…

Que les ouvriers de Knorr ne veuillent pas faire une assemblée générale, occuper l’usine et y hisser le drapeau rouge, affronter les forces de répression dans la violence… on peut le concevoir.

Qu’ils choisissent la corruption par le capitalisme, on peut même le comprendre historiquement, malheureusement. Mais six mois de salaires bruts et 2 000 euros par année d’ancienneté à Unilever, qui brasse des milliards ?

Alors évidemment, il y a pour les 261 travailleurs un congé de reclassement rémunéré, un budget de formation, au total les indemnités s’élèveront à davantage, etc. Mais il ne faut pas se voiler la face : les ouvriers français sont complètement à la ramasse. Pour preuve, le 5 juillet, les ouvriers de l’usine Knorr avaient assigné leur ancien patron au tribunal judiciaire de Strasbourg, pour entrave au bon fonctionnement du conseil social et économique.

Les ouvriers français croient en le capitalisme, ils se donnent dans leur travail, ils n’ont aucune lecture de classe, ils veulent juste une meilleure répartition et qu’on les laisse tranquille dans leur vie privée. D’ailleurs ils sont souvent propriétaires de leur logement. Pour eux un licenciement est une trahison, au sens privé, au sens personnel. Cela ne relève pas de la lutte de classes pour eux.

Mais, franchement, si des ouvriers ne sont même pas capables d’affronter Unilever, qui a fait 5,6 milliards d’euros de bénéfices en 2020… alors quand vont-ils bouger?

Où vit-on ? Dans un pays où le capitalisme a gagné ?

Eh bien oui, et qui dit autre chose ment. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a plus rien à faire. Mais en tout cas cela veut dire que tout reste à faire, effectivement…

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Le mouvement anti-pass sanitaire, une lecture libérale de la liberté

Le mouvement anti-pass sanitaire brandit sa légitimité au moyen de la revendication de la liberté. Accolée à la catégorie floue de « peuple », il n’en fallait pas moins pour que l’ultra-gauche et les éléments contaminés par la pensée libéral-libertaire tombent dans le panneau.

Celles et ceux qui n’ont pas abandonné les rivages du mouvement ouvrier savent qu’il y a deux sortes de liberté : celle du riche et celle du pauvre. Celle du riche, c’est celle qui dit très simplement : laissez-moi vivre, accumuler mes richesses comme bon me semble. Celle du pauvre, à l’inverse, dit : pour être libre, il me faut m’émanciper et cela ne peut se faire que si l’appropriation privée du monde par les riches est limitée, contrainte.

Bref, au fond de la différence de conceptions de liberté, il y a la lutte des classes.

Et cela est vrai depuis qu’existe l’opposition entre la Gauche et la Droite. A l’été 1936, le renégat Jacques Doriot, ex-communiste devenu un fasciste, lançait un « Front de la Liberté » pour contrer les grèves ouvrières majoritaires dans le pays.

Le Front populaire s’était quant à lui fait élire sur le triple mot d’ordre : « pain, paix, liberté ». Et de quelle liberté était-il parlé ? Celles collectives, nichées au coeur de l’émancipation de la classe ouvrière : le droit de tenir une réunion publique sans être agressés par la police ou les bandes fascistes, celle d’animer une cellule syndicale d’entreprise sans craindre la répression patronale, le droit à tenir et diffuser un journal sans crainte de censure.

Pour la Gauche historique, jamais il n’a été question d’une « liberté individuelle » qui flotte en l’air : l’individu s’émancipe dans la libération sociale. La Gauche historique fait sienne la définition proposée par le grand penseur matérialiste, Baruch Spinoza :

« On pense en effet que l’esclave est celui qui agit par commandement et l’homme libre celui qui agit selon son plaisir.

Cela cependant n’est pas absolument vrai, car en réalité être captif de son plaisir et incapable de ne rien voir ni faire qui nous soit vraiment utile, c’est le pire esclavage, et la liberté n’est qu’à celui qui de son entier consentement vit sous la seule conduite de la Raison.

Quant à l’action par commandement, c’est-à-dire à l’obéissance, elle ôte bien en quelque manière la liberté, elle ne fait cependant pas sur-le-champ un esclave, c’est la raison déterminante de l’action qui le fait.

Si la fin de l’action n’est pas l’utilité de l’agent lui-même, mais de celui qui la commande, alors l’agent est un esclave, inutile à lui-même ; au contraire, dans un Etat et sous un commandement pour lesquels la loi suprême est le salut de tout le peuple, non de celui qui commande, celui qui obéit en tout au souverain ne doit pas être dit esclave inutile à lui-même, mais un sujet »

Evidemment, cette approche de la liberté sera par là suite enrichie par l’expérience du mouvement ouvrier, celle de la lutte des classes. C’est cette conception qui veut que la liberté ne flotte pas dans le ciel de la « Raison » mais est liée au rapport de forces entre les classes sociales. Une conception qui fut bien résumé par Lénine, le chef de la social-démocratie russe passé au communisme :

« Dans une société fondée sur le pouvoir de l’argent, tandis que quelques poignées de riches ne savent être que des parasites, il ne peut y avoir de « liberté », réelle et véritable. »

Car le mouvement ouvrier n’a jamais séparé la « liberté » de son revers, l’émancipation collective. A l’inverse, la Droite a toujours liée la liberté au « libre-choix individuel ». Il suffit de voir par exemple le mouvement dit de « l’Ecole libre » lancée par la Droite en 1984, contre la Loi Savary qui visait à établir un système d’enseignement public unique, brisant ainsi la compromis avec les écoles privées sous contrat.

C’est le même sens pour un Pierre Poujade qui s’affiche en 1956 sous le slogan « Liberté, Vérité, Justice », un triptyque que l’on retrouve d’ailleurs dans les manifestations anti-pass sanitaire.

Le fonds de la démarche protestataire de Droite, c’est la liberté de choisir ceci ou cela, permis par le fait qu’on est affranchit individuellement des contraintes sociales et économiques. On est riche et « on peut ». Il faut être bien fou pour ne pas voir que les plus riches, tout comme certains secteurs capitalistes, sont les premiers à vomir le pass sanitaire, vu comme une entrave à la consommation individuelle.

Pour les classes populaires, pouvoir c’est toujours faire face à l’insécurité économique, aux conditions sociales, à l’aliénation culturelle : pour pouvoir, il faut s’émanciper collectivement il n’y a pas d’autres choix, si ce n’est celui de s’en sortir « comme on peut ».

On arguera que le problème c’est justement que la mentalité du riche a contaminé des pans entiers de la population, ensevelie sous l’océan d’une consommation marchande abondante, et cela est vrai.

D’où la nécessité d’une Gauche forte, d’une Gauche capable d’élever le niveau de conscience populaire. Une Gauche qui fasse sienne l’idée que par temps de pandémie mondiale, le vaccin est un moyen qui est là, dont on ne peut que fatalement se saisir. Une campagne de vaccination qui doit obligatoirement être surveillée, contrôlée, pour la liberté, non pas d’un tel ou un tel, mais de tous, quel que soit l’état de santé.

Prétendre que l’on peut faire autrement, que l’on peut « choisir », que l’on peut s’affranchir d’un contrôle administratif, cela n’a aucun sens sauf celui de saper toute perspective de libération collective. C’est saper la nature même de ce qui fait la Gauche depuis deux siècles.

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La CIAMS appelle à un rassemblement contre la GPA au salon Désir d’Enfant le 4 septembre 2021

La GPA sera promue le 4 et 5 septembre à Paris

Ce salon, qui a tout d’un événement réduisant les enfants à des marchandises avait tenu sa première édition l’année passée.

La Coalition Internationale pour l’Abolition de la Maternité de Substitution (CIAMS) alerte sur la présence d’intervenants faisant la promotion de services de GPA.

On trouve en effet dans le programme du 4 septembre du salon Désir d’Enfant :

La conférence « Les différentes destinations et leurs éthiques en matière de GPA » par Jean-Luc Bleu, « coach en fertilité », et fondateur de Baby is Life qui organise des GPA à l’étranger.

La conférence « Don d’ovocytes et mère porteuse aux États-Unis » par Susanna Parks, une obstétricienne au service de la Clinique San Diego Fertility Center.

La conférence « Le contrôle des coûts de la GPA : Réduire le stress et se sentir en confiance » par des intervenants à la solde de deux cliniques proposant des GPA aux États-Unis ; IARC Surrogacy et ORM Fertility.

Mais aussi une intervention visant à renseigner comment contourner la loi interdisant la GPA en France pour importer un enfant. Il en va de même le 5 septembre avec pas moins de 4 conférences qui feront la promotion de l’exploitation reproductive.

Voici le communiqué de la CIAMS :

« ALERTE GPA :
LA FRANCE COMPLICE DE L’EXPLOITATION DES FEMMES ET DE LA VENTE D’ENFANTS

Les 4 et 5 Septembre 2021, à Paris se tiendra le salon « Désir d’enfant ».
Son objectif affiché est de renseigner sur les différentes possibilités de devenir parents.
La Gestation Pour Autrui (GPA) fait partie des options proposées bien que cette pratique ne soit pas légale sur le sol français.

La gestation pour autrui est une pratique illégale, sanctionnée par la loi française (art. 16-7 Code Civ., art. 227-12 Code pénal). Vu l’impossibilité pour les Français d’y recourir en France, certains font appel à des cliniques étrangères. Cela donne lieu à un phénomène appelé «tourisme procréatif». Pour contourner la législation française progressiste, ces personnes vont « fabriquer » leur enfant à l’étranger. Ils ont recours à une mère porteuse qui recevra une compensation financière ou non, selon les pays, pour porter un enfant au risque de sa propre vie, afin de le remettre aux parents dits commanditaires à la naissance.

Si cette pratique est interdite en France, comme d’ailleurs dans la plupart des pays européens, c’est parce qu’elle est attentatoire à la dignité humaine aussi bien des mères porteuses, instrumentalisées au profit d’autrui, que des enfants dont l’intérêt supérieur n’est certainement pas d’être achetés ou vendus.

La CIAMS considère inadmissible que des cliniques étrangères soient autorisées à promouvoir la GPA sur le sol français. Elle s’oppose à ce que de tels événement se tiennent en France. Au mois d’août, la CIAMS a adressé des lettres à l’attention du Ministre de l’Intérieur, de la Ministre déléguée auprès du Premier ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances, ainsi qu’au Préfet de police de Paris et à la Maire de Paris pour leur demander d’interdire cette manifestation qui promeut les violences faites aux femmes et la vente d’enfants. A l’heure où nous publions ce communiqué de presse nous n’avons pas obtenu de réponses.

La CIAMS est une organisation internationale  qui milite pour l’abolition de la maternité de substitution dans le monde entier. Elle regroupe quarante organisations de treize pays et 3 continents, qui luttent pour la défense des droits des femmes et/ou des droits humains. C’est une organisation qui fonde son action sur des valeurs féministes, telles que l’égalité femme/homme, l’autodétermination et l’émancipation des femmes. L’une des organisations fondatrices est une organisation lesbienne et dans nos statuts nous nous exprimons clairement pour l’égalité des sexualités homosexuelle et hétérosexuelle. »

La CIAMS appelle donc a un rassemblement le samedi 4 septembre de 10H30 à 13H devant l’Espace Champerret, 6 Rue Jean Oestreicher -75017 Paris (Metro Porte de Champerret)

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30km/h à Paris: il en faudra beaucoup plus contre les voitures

La voiture est un fléau typique du siècle précédent.

Durant le 20e siècle la voiture, et son corollaire beauf qu’est la moto, ont été synonymes de modernité. C’était surtout la modernité du capitalisme, qui pouvait ainsi mieux s’étaler sur le territoire et atomiser les esprits, notamment en envoyant la classe ouvrière loin des centres urbains.

Le 21e siècle sera forcément celui d’une nouvelle modernité, socialiste, en écrasant pour de bon ce vieux modèle qu’est la circulation motorisée individuelle et toutes ses nuisances. Mais il faudra pour cela bien plus, et surtout une grande révolution des mentalités avec les classes populaires prenant cette question à bras-le-corps pour transformer radicalement les villes et les campagnes.

Ainsi, les mesures actuelles sont insuffisantes et pas vraiment appliquées. Elles sont symboliques et souvent incohérentes. Pour preuve, depuis le 30 août 2021, la mairie de Paris limite la circulation motorisée à une vitesse de 30km/h. Cela a beaucoup d’écho, car les Français adorent râler et adorent donner la parole à ceux qui râlent, surtout quand il s’agit de critiquer « Paris ».

Voilà donc un cinéma bien français, avec un bobo « écolo » adjoint à la mairie qui s’imagine avoir une heure de gloire et des automobilistes qui s’imaginent opprimés, presque meurtris.

Pourtant, la réalité parisienne ne va pas changer et la circulation des voitures et deux roues motorisés continuera ses nuisances. Celles-ci sont nombreuses : bruits, pollutions, accidents, occupation de l’espace, difficultés pour les autres circulations, incivilités…

C’est paradoxal parce qu’en pratique, 60 % des rues sont déjà limitées à 30 km/h, beaucoup de grands axes (Champs-Élysées, grands boulevards) restent à 50 km/h… À Paris, l’étude sur les déplacements en 2019 a estimé autour de 12 km/h leur vitesse moyenne.  

Mais le ralentissement voulu dans un esprit bobo est le pendant de l’accélération et des incivilités d’une société remplis d’individualistes en décadence.

Il y a également une spécificité parisienne. Car la limitation de la vitesse est en tous cas une tendance en cours dans de nombreuses grandes villes françaises, avec deux objectifs affichés : limiter la pollution et améliorer la sécurité routière. C’est le cas pour 200 villes telles Montpellier, Nantes, Grenoble ou encore Toulouse. Cela n’est pas une mauvaise chose évidemment, et il peut sembler qu’il y ait des effets concrètement positifs.

Ainsi, à Grenoble, après trois ans de mise en place, une étude du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) a déterminé une baisse des accidents sur les piétons de 24 %, avec aussi une diminution de leur gravité et du nombre d’hospitalisations.

Sauf qu’à Paris, l’objectif est surtout une lecture grand bourgeoise visant à la piétonnisation du centre-ville et de zones toujours plus grandes: c’est l’expression du Paris comme Disneyland se mettant en place depuis plus de dix ans.

Il y a également un problème de fond en général. Car la question est surtout culturelle, il ne s’agit pas tant de mettre en place des règles que d’avoir les moyens (policiers, légaux, sociaux-culturels), de les faire respecter.

Si l’on prend le cas de Nantes où la circulation est limitée à 30km/h dans la plupart des rues depuis maintenant un an, il est flagrant que cela n’est en réalité pas respecté et qu’il n’y a rien de mis en place pour le faire respecter. La porte-parole du collectif Ras le scoot Nantes explique ainsi :

«Dans les faits, on en est très très loin [des 30 km/h]. Les exceptions sont trop nombreuses. Et dans le centre, les zones piétonnes ne sont pas respectées par les deux-roues par manque de verbalisations».

En effet, depuis début 2021, la municipalité n’affiche que… 123 verbalisations pour excès de vitesse, alors qu’il y aurait encore selon l’aveu même d’un adjoint, 15 % des voitures roulant au-dessus de la limite. Précisons ici que l’adjoint dit « seulement 15% », sous-entendant que ce n’est pas beaucoup, alors que c’est en fait énorme.

C’est d’ailleurs la même chose que sur l’ensemble des routes. Les politiques de contrôle, notamment les radars automatiques, mais aussi l’évolution des mentalités, a fait qu’il y a une grande majorité des conducteurs respectant les limites et les règles de circulation. Mais la minorité ne le faisant pas est par contre très à l’aise, et ne rencontre que très peu de répression.

Les moyens GPS pour contourner les contrôles sont très efficaces et accessibles, et l’état n’envisage aucunement de les interdire (ce qui est pourtant très simple). Les voitures anonymes avec radars embarqués (qui seraient un moyen très efficace contre les chauffards) ne sont que 385 en France, dont seulement 83 pilotées par des sociétés privées dédiées à cela, qui le font 6 heures par jour.

De la même manière en ce qui concerne Paris, il n’y a que 5 radars fixes de détection de la vitesse dans toute la ville. Alors il faut mettre des moyens, et surtout combattre culturellement toute l’idéologie beauf, arriéré, qui va avec la défense absolue de l’automobile et des motos.

Il faut ici citer les propos grotesques de Jean-Marc Belotti, le président de la Fédération française des motards en colère, dont la mauvaise foi est assez incroyable : «C’est n’importe quoi, en moto, quand on est à 30 km/h, nous sommes en première, et c’est un régime qui est tout sauf écolo!»

Les motards ont dans le même ordre d’idée réussi à stopper la mise en place d’un contrôle technique des motos. C’est conforme à l’époque : il y a les exigences de cesser le règne fou de la voiture (et des motos), mais de l’autre il y a les automobilistes (et les motards qui font obstacle…

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160 000 anti-pass sanitaire dans les rues le 28 août 2021

La mascarade petite-bourgeoise continue, mais c’est aussi un laboratoire.

Si le gouvernement a comptabilisé, le 28 août 2021, 160 000 manifestants anti-pass sanitaire, ces derniers prétendent avoir été un peu moins de quatre millions. La machine à fantasme tourne à fond, ce qui est logique puisque, comme chez les gilets jaunes, on a l’illusion petite-bourgeoise de mener un combat d’envergure qui va pas moins que changer le régime!

Mais constater ce caractère fantasmatique ne suffit pas. Même en étant en recul par rapport à la semaine dernière, cela fait tout de même beaucoup de monde. Suffisamment pour accaparer l’attention à la fin de l’été et pour former en masse des gens à une nouvelle vision du monde. 222 mobilisations au niveau national, c’est un chiffre important.

Suffisamment pour prolonger le tir et viser début septembre, attendu comme un grand tournant (même si le 11 septembre est la date parfois privilégiée). Et il est évident qu’un éventuel succès modifierait beaucoup de choses, dans une France assez déboussolée. Car les manifestations anti-pass sanitaire peuvent connaître un saut qualitatif. C’est une sorte de gigantesque laboratoire où, à chaque fois, des gens par milliers mélangent tout, massacrent les principes de gauche en les mélangeant à des conceptions populistes ou nationalistes.

Le risque est simple : que cela contribue de manière puissante à l’émergence d’un mouvement « national » et « social », « ni droite ni gauche », bref au style fasciste.

Les gilets jaunes avaient présenté un tel risque et ont d’ailleurs contribué au style fasciste. Le mouvement anti-pass sanitaire peut faire en sorte que ce style fasse l’acquisition d’un dimension de masse.

Ce risque n’est malheureusement pas compris, même si les manifestations anti-pass sanitaire inquiètent et horrifient les gens qui n’ont pas perdu la raison. Elles horrifient de par leur stupidité, elles inquiètent de par l’ambiance délétère qu’elles distillent dans toute la société.

Tout cela produit une France déboussolée et, en cas de réels troubles, les choses peuvent basculer. En fait, cela bascule déjà car bon nombre de gens sont dépassés et tout est en train de changer, avec tout le monde de débordé. Chacun navigue à vue, incapable de se projeter et cela ruine les pensées, cela fait se ronger les sangs, bref plus rien ne semble aller de soi.

C’est un épisode historique d’où beaucoup de choses vont sortir. Il faut que le meilleur ressorte aussi, et même surtout ! Les valeurs de la Gauche historique doivent se voir diffusées et une génération nouvelle doit les saisir. Cela doit enclencher un nouveau processus, capable de refaire en sorte que les masses en France se ressaisissent, commencent à s’arracher au train-train de la vie dans un riche pays capitaliste, aillent vers l’Utopie.

Ce qui se profile, c’est une grande déchirure, à moins que le capitalisme ne repousse encore l’échéance et alors là les choses tourneront très mal, d’un coup, la guerre émergeant comme inévitable conséquence de la bataille pour le repartage du monde.

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Le caractère irrationnel des anti-pass sanitaire et anti-vax ne peut être vaincu que sur le plan culturel

On a une folie furieuse digne des années 1930.

Il est absurde de se dire qu’il faut soutenir le mouvement anti-pass sanitaire en espérant le ramener dans le droit chemin. Dans sa matrice même, c’est un mouvement élémentaire, avec des éléments plébéiens jouant sur tous les tableaux de la vision petite-bourgeoise du monde : paranoïa anti-étatique, furie anti-collectivisme, individualisme forcené, irrationalisme profondément marqué, argumentation versatile.

Les petits-bourgeois sont ainsi qu’ils disent tout et son contraire, c’est-à-dire autant de choses populaires que bourgeoises, le tout entremêlé, mélangé, jusqu’à l’inconsistance ou l’absurde. Tout le monde a fait l’expérience de leur mauvaise foi, de leur capacité à être à la fois pour le capitalisme et contre, comme d’ailleurs pour une chose et son contraire, sans y voir d’incohérence.

Chez les anti-pass sanitaire, c’est démultiplié. Et c’est particulièrement horrible. C’est même tellement toxique qu’on a une seule envie, c’est de ne pas aborder la question, tellement cela s’expose telle une sorte d’obsession maladive. On se dit qu’en évitant d’aborder le thème, on peut contribuer à les ramener dans le réel.

Et il faudrait aller, comme certains le disent, sur leur terrain, en les soutenant dans les manifestations ? Mais alors à quoi aurait servi le mouvement ouvrier depuis son existence? Et d’ailleurs pourquoi même se revendiquer du mouvement ouvrier : autant faire comme La France Insoumise et assumer le « populisme » pour mobiliser contre « l’oligarchie », autant balancer tous les principes !

Si on considère que la Gauche a des valeurs, des principes, une culture, alors on ferme la porte au mouvement anti-pass sanitaire. Les gens de gauche ne l’ayant pas fait ont réalisé un suicide politique et culturel, voilà tout. Et on se demande même comment ils ont pu, ils peuvent se faire des illusions.

La vérité est que les anti-pass sanitaire et les anti-vax sont dans une spirale totalement folle et qu’il n’y a aucune possibilité de les faire changer en restant sur leur terrain. Ces gens se nourrissent les uns les autres de faiblesses et de mensonges, d’illusions et de fausse intransigeance, c’est littéralement un mouvement religieux.

Et comme pour la religion, ce n’est qu’en faisant l’expérience d’autre chose que leur conscience peut s’élever et encore, pour une partie seulement, car on a tout de même ici une poussée de folie qui relève d’une société en crise, qui s’effondre sur elle-même. Il faut également saisir cet aspect : la poussée anti-pass sanitaire correspond aussi à l’esprit d’une époque, où les esprits ratatinés par la crise sont en plein désarroi. C’est ni plus ni moins que du nihilisme.

Pour cette raison, le rapprochement avec ce qu’ont vécu les antifascistes dans les années 1930, ainsi d’ailleurs que dans les années 1920, est évident. Dans ces années-là, la Gauche se demandait : comment faire face à ces gens qui s’emportent et vivent dans leur bulle, avec des esprits en roue libre s’accrochant à des mentalités toutes faites, des constructions intellectuelles irrationnelles ?

Cette question taraudait d’ailleurs encore les antifascistes allemands après 1945, dans un pays où l’engouement nazi n’avait jamais cessé, même malgré les défaites militaires. Et la seule réponse possible a été : il faut que les masses fassent d’autres expériences, qui les arrachent à la machine infernale où elles se sont enfermées.

Mais comment faire alors que l’irrationalisme est seul mobilisateur ? Comment impulser quelque chose d’autre ? La réponse est difficile. En tout cas, elle ne passe pas par le reniement de ce qu’est la Gauche et une soumission à un mouvement anti-pass sanitaire qui n’est rien d’autre qu’une contestation d’extrême-Droite dans sa matrice.

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Un constat sur le rapport entre anti-pass sanitaire et anti-vax

Le mouvement anti-pass sanitaire a un noyau anti-vax.

C’est un constat très intéressant contribuant à la question de l’importance des anti-vax dans le mouvement anti-pass sanitaire. Il provient d’un article d’Anasse Kazib, qui compte se présenter à la présidentielle de 2022 pour Révolution permanente, qui publie justement le 20 août 2021 l’article source, Où va le mouvement contre le pass sanitaire?.

Rappelons, car cela renforce la valeur de ce qui est constaté, qu’Anasse Kazib et Révolution permanente soutiennent depuis le début le mouvement anti-pass sanitaire, appelant à le renforcer.

Oui, nous sommes contre le pass sanitaire et appelons à lutter contre sa mise en place, car c’est une stratégie une fois de plus autoritaire et surtout qui n’est en rien efficace pour faire face à la crise sanitaire, un permis de réprimer les salariés.

La loi votée au parlement s’accompagne d’ailleurs de décisions contradictoires avec les enjeux de santé publique comme le déremboursement des tests PCR ou encore le fait de ne plus isoler les personnes vaccinées en cas de contact avec une personne positive au Covid.

Mais il faut aller plus loin, et mettre au centre la question de la stratégie sanitaire pour en finir avec l’épidémie.

Sur ce plan, on peut entendre dans les manifestations l’idée selon laquelle « que l’on soit vacciné ou non, l’essentiel est de lutter contre le pass sanitaire ».

De fait, il y a bien un certain nombre de personnes vaccinées dans les manifestations.

Pourtant il faut reconnaitre que la pression anti-vax y est très forte, et les mots d’ordre favorables à la vaccination rares.

Pire, au-delà des mots d’ordre contre le pass sanitaire, on a pu voir de nombreux manifestants dénoncer la vaccination, parfois avec des slogans et des symboles antisémites.

Dans ce cadre, une pression s’exerce pour ne pas se prononcer sur la vaccination.

Cette pression se ressent y compris sur l’ensemble des organisations syndicales et politiques de gauche qui sont favorables à la vaccination, mais ne le disent que du bout des lèvres afin d’éviter de cliver, quand elles n’entretiennent pas volontairement une ambigüité.

Ce constat est sans appel. Anasse Kazib poursuit en disant qu’il faut prôner la vaccination, de la même manière qu’il dit que l’extrême-Droite tente de prendre le contrôle d’un mouvement anti-pass sanitaire qui, en soi, serait une très bonne chose.

En réalité, le mouvement anti-pass sanitaire est totalement réactionnaire et si l’on prend l’aspect anti-vax, et uniquement celui-là, Anasse Kazib est obligé d’admettre qu’il est culturellement omniprésent.

Cependant, comme Anasse Kazib est trotskiste et se focalise sur le social, sans donc saisir la question de la culture, il dit que ce n’est pas grave ou, du moins, que cela peut changer que c’est tout à fait secondaire. Il raisonne ainsi comme le font les populistes à gauche, pour qui toute revendication sociale serait en soi positive.

Or, c’est faux. Car la société repose sur des visions du monde en conflit et il faut voir lesquelles sont appuyées par tel ou tel phénomène, car le domaine « social » s’inscrit toujours dans un contexte.

On ne peut pas considérer une gigantesque bouderie de gens vivant dans un pays parmi les plus riches du monde comme une « protestation » potentiellement révolutionnaire. C’est bien plutôt un reflet de décadence. Et la dimension anti-vax, elle-même parfaitement lisible, visible, intouchable, en est une preuve très claire… En plus de la révolte anti-collective contre le pass sanitaire.

La Gauche doit rejeter le mouvement anti-pass sanitaire et bien comprendre l’interaction réactionnaire des revendications anti-pass sanitaire et antivax!

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Le trail, running du futur ?

Courir dans la nature pour se rapprocher du futur

> Scott Jurek et Arnulfo Quimare

Dans les années 1980, la course à pied a cessé d’être uniquement un sport lié aux fédérations d’athlétisme et pratiqué par des compétiteurs aguerris. C’est devenu un véritable phénomène de société avec tout un état d’esprit “californien” (ou même new yorkais) faisant l’éloge d’une vie saine et équilibrée, marquée par les loisirs. La figure du jogger (on parle maintenant plutôt de runner) est devenue très populaire, au cinéma, dans la littérature ou encore les publicités. La corollaire a été bien sûr la massification des chaussures running et de marques comme Nike, avec le phénomène des sneakers qui sont portées dans la vie de tous les jours.

Cela fait qu’en 2019 en France, il était estimé que près de 14 millions de personnes pratiquent régulièrement la course à pied, dont 5 millions de manière sportive (c’est-à-dire en compétition, ou du moins en participant à des événements avec un dossard et un classement !). 

On notera qu’il est difficile de savoir si la période du confinement a eu un effet (positif ou négatif) sur ce nombre. D’aucun ont constaté la présence de nombreux coureurs lors des confinements ou couvre-feu, mais ce n’était peut être qu’un effet de loupe dû au fait qu’il n’y avait pas grand monde dans les rues. Aussi, beaucoup de coureurs réguliers ont expliqué perdre de la motivation en raison de l’absence d’épreuves organisées, qui servent d’objectif pour les entraînements. 

Toujours est-il que la course à pied reste un phénomène de société en 2021, et qu’il connaît bien évidemment des évolutions. Son évolution la plus marquante depuis les années 2010 est la généralisation des courses dites trail, et des entraînements allant avec. Il s’agit tout simplement de courir dans des environnements considérés comme naturels, c’est-à-dire des chemins escarpés, boueux, avec beaucoup de dénivelé, etc. 

> McFarland, USA, un film passionnant sur le running dans les années 1980

Cela n’a en soi rien de nouveau et d’une certaine manière, le trail est un retour aux sources, à la course à pied des origines. C’est une opposition aux années 1980, où le jogging s’est développé avec un style urbain qui faisait qu’on courrait essentiellement sur route, ou alors sur des chemins très pratiqués et donc lissés. Cela a correspondu à une période particulière du capitalisme où la modernité signifiait quasi automatiquement la ville, donc le bitume, les grands remblais, les parcs urbains, les pistes d’athlétisme “pour tous”, etc. Tout cela tranchait de manière nette avec ce qu’a pu être la course à pied avant, qui se pratiquait sur des chemins isolés de campagne, voire carrément dans des prairies ou sous-bois pour ce qui est du cross-country. 

Le trail, c’est donc un peu la course à pied “d’avant”, d’avant les routes bitumées et la ville généralisée. Il y a systématiquement chez les pratiquants du trail une mise en avant de la nature, avec l’idée qu’il est plus agréable et intéressant de courir sur des chemins naturels ou semi-naturels, tant pour l’attrait de l’environnement que d’un point de vue technique et sportif.

Un autre aspect inhérent au trail est celui de la longueur, tant pour les compétitions que les entraînements. Si le jogging habituel se court sur une distance allant de 5 km à 10 km, le trail c’est 15 km grand minimum. En fait, la mode du trail est essentiellement issue du développement des courses d’ultra-endurance, qui ont façonné la figure du trailer, sorte d’aventuriers des temps modernes. 

On recommandera à ce sujet la passionnante autobiographie de Scott Jurek, Eat & Run (disponible en français aux éditions Guerin). Vegan depuis 1999, cet américain issu d’une famille populaire est un grand champion de la discipline, ayant gagné les courses les plus difficiles telles la Spartathlon (245 km entre Athènes et Sparte) ou encore le Badwater Ultramarathon ( la « course à pied la plus dure au monde », avec 217 km dans le désert de la Vallée de la mort). 

Dans une interview, Scott Jurek expliquait la chose suivante :

« La victoire n’est pas mon objectif principal. La découverte, l’accès à mon âme et à mon esprit sont mes buts principaux ». 

C’est là tout à fait typique et conforme à la mentalité du trail et des trailers. Il y a ainsi, pour l’aspect positif, une mentalité néo-hippie à la recherche de profondeur d’esprit face à la superficialité des rapports dans le capitalisme. Le problème cependant, c’est que tout cela conduit facilement à un repli sur soi individualiste, qui est finalement très consommateur (consommateurs de sensations, de paysages, d’exploits personnel, et bien sûr de matériel).

Là où la compétition classique de course à pied, liée à l’athlétisme, a une approche collective de la pratique sportive (une seule personne gagne, mais sa victoire est permise par ses concurrents et est vécue par tous les spectateurs de la discipline), la mentalité trail rejette largement la collectivité au profit de l’aventure individuelle de chaque participant.

L’athlète française Annette Sergent, championne du monde de cross-country en 1987 et 1989, résume très bien cela :

 « Quand je faisais de la compétition, le monde du running était peu développé et on ne pensait qu’à la performance. Aujourd’hui, on court sans avoir les yeux rivés sur le chronomètre, en privilégiant son accomplissement personnel. Le champ des possibilités s’est considérablement élargi. On pratique seul, à deux ou à 40 000 ; on choisit la distance, l’allure, les paysages. C’est au gré de ses envies. »

C’est là un phénomène très complexe, car il est à la fois positif et négatif, et il est difficile de cerner quel aspect est le principal. Si la massification est une bonne chose, il est évident par contre que l’absence de réelle compétition (hormis les quelques dizaines de prétendants aux podiums des épreuves de masse) est aussi un recul, tant culturel que social. La compétition, en effet, est forcément une aventure collective, avec un haut niveau de raffinement social, contrairement à l’aventure individuelle qui est un repli sur soi.

Bien sûr, c’est une bonne chose de voir les gens courir simplement par plaisir, ne serait-ce que pour la santé. Mais force est de constater que le trail et la mentalité allant avec ne consistent pas en une simple activité de détente, mais en un véritable mode de vie, avec une mentalité “totale” promouvant le “dépassement” perpétuel.

Il est flagrant que ce mode de vie et cette mentalité sont façonnés par un style bourgeois. C’est la figure du chef d’entreprise ou du cadre dirigeant s’imaginant “réaliser” quelque chose avec de pseudo performances individuelles, lors d’épreuves de masse ou bien en partageant ses sorties sur les réseaux sociaux.

Cela participe forcément de tout un business, avec une course à l’équipement et au gigantisme des épreuves. Là où le footing ne nécessite qu’une bonne paire de chaussure à moins de 100 euros, avec un simple short et éventuellement un maillot technique pour réguler la transpiration, le trailer lui transporte toute une panoplie. Depuis la chaussure ultra technique jusqu’au sac pour boire, en passant par la montre GPS et les bas de contention, etc. 

C’est la même chose pour les épreuves, avec par exemple, et là encore de manière tout à fait typique, l’Ultra-Trail du Mont-Blanc, qui est une véritable catastrophe tant écologique que sociale-culturelle. Il faut lire à ce sujet l’excellent article critique produit par les locaux d’Arves à Gauche, qui montrent toute la démesure et l’absurdité de ce genre d’épreuves commerciales. 

L’esprit aiguisé et critique des gens à Gauche leur fera également remarquer facilement que les trailers sont souvent ridicules, par exemple en bousculant à toute vitesse les randonneurs et en s’imaginant que ceux-ci admirent leur petite aventure individuelle !

Néanmoins, il y a avec le trail une modernisation de la pratique sportive dont le trait marquant est qu’elle est tournée vers la nature et la recherche de naturalité. C’est la même chose avec le phénomène du gravel pour le vélo, ou bien le ski de randonné plutôt que le ski sur piste. 

C’est là quelque chose qui est forcément positif et conforme aux exigence du 21e siècle. En ce sens, la longue « enquête sur l’ultra-trail » publié sur le média d’ultra-gauche lundi matin est unilatéral et passe complètement à côté de la question de la Nature (ce qui est normal puisque pour eux elle n’existe pas).

Il faut toujours cerner les deux aspects et souligner la future transformation, lorsque les masses populaires s’empareront elle-même du phénomène, qu’il pourra se réaliser véritablement, brisant la corruption par le mercantilisme capitaliste et l’individualisme bourgeois. Alors vivement que le peuple s’approprie le trail !

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« Qui ? » et les allusions antisémites dans les manifestations anti passe-sanitaire

C’est l’esprit des années 1930.

Il y a une réflexion à avoir sur les nuances et différences entre ceux qui sont avant tout anti-pass sanitaire et les anti-vax. Car ces derniers ouvrent nécessairement un espace à l’antisémitisme. Exactement comme avec la « quenelle » de Dieudonné, et les Gilets Jaunes « canal historique », on observe dans les manifestations et les slogans des opposants au passe-sanitaire une sorte de mélange satirico-délirant cherchant à affirmer l’antisémitisme, mais sans le dire.

En l’espèce, c’est le « mais qui ? ». Cette pseudo-question s’appuie sur une citation d’un des militaires signataires de la tribune dite « des généraux » : le général Dominique Delawarde, qui avait affirmé en réponse à une question de Claude Posternak, lui-même juif, entrepreneur dans la communication et membre du bureau politique de LREM.

Le communicant a cherché à faire dire explicitement au général « qui, selon lui, tenait la meute médiatique ». La réponse fut « la communauté que vous connaissez bien ». Le sous-entendu visant clairement les Juifs bien sûr, au sens où l’entendent les antisémites.

Si on souligne que cette sortie antisémite d’un tel énergumène à eu lieu le 18 juin dernier, c’est-à-dire le jour anniversaire de l’appel du Général De Gaulle, on comprend que l’on a ici tout sauf un dérapage, mais la recherche de poser une référence, allant dans le sens du nationalisme derrière l’armée, prête à « faire le ménage ». La revue nationaliste « présent » n’a pas raté l’occasion, forcément.

Et que cela puisse trouver un écho parmi les manifestants « anti passe-sanitaire » en dit en soi long. En fait, cela en dit tout. On a bien sûr le cas emblématique de cette personne, Cassandre Fristot, une enseignante proche du Rassemblement National et du mouvement dissident de Philippot, qui a été arrêtée et qui sera même jugée en septembre pour une pancarte provocatrice, qui autour de la question « mais qui ? » a dressé une liste de personnage, juifs à part Emmanuel Macron, tenus pour être des « traîtres ».

Arrêter et juger une telle personne est bien sûr la moindre des choses, mais on peut s’attendre à ce que son procès ne donne pas grand chose. Ni non plus les éventuelles sanctions disciplinaires que le ministère de l’Éducation Nationale entend prendre contre elle selon ce qui a été annoncé.

Comment même une telle personne, avec un tel parcours, qui a même été évincée du Rassemblement National pour son antisémitisme ouvert, peut encore être enseignante ? Comment a-t-elle pu ainsi défilée sans rencontrer une ferme opposition, et vive tranquillement sa vie sans avoir la société l’ostracisant ?

Mais surtout, c’est la Gauche qui devrait exiger ici son éviction pure et simple de l’Éducation Nationale et que l’on devrait entendre sur cette progression de l’antisémitisme au sein de ces mobilisations des anti passe-sanitaires.

Car il est évident que parmi un tel mouvement plébéien porté par la petite-bourgeoisie hystérique et déboussoulée par la crise, l’antisémitisme ne va faire que progresser comme « socialisme des imbéciles », comme le disait le social-démocrate allemand August Bebel, c’est-à-dire comme idéologie anticapitaliste pensant critiquer le capitalisme de manière « radicale », mais en fait de manière imaginaire, virtuelle, illusoire.

En fait, qui ne voit pas la crise, qui ne comprend ni le capitalisme ni le fascisme, ne peut pas voir ni la montée de la tendance à la guerre à l’extérieur, ni celle de l’antisémitisme et du nationalisme mobilisateur à l’intérieur. Même une figure comme Éric Zemmour, qui tente de reformuler un nationalisme français néo-gaullien qui viserait les « nomades » et non les « Juifs » est pris dans cette vague.

C’est en fait un moment de lutte de classe. Et si l’antisémitisme a une dimension idéologique, c’est donc qu’il faut pouvoir lui opposer une idéologie. Et c’est là que la Gauche a besoin plus que jamais de retrouver ses concepts, de retrouver notamment le sens du terme « populaire » à opposer au « peuple » au sens des populistes qui le voient comme un « bloc » contre une oligarchie malfaisante.

Ou bien, pire encore, comme une « foule » qu’il faudrait diriger de manière plébéienne.

Il n’y a pas le choix. S’opposer à l’antisémitisme, c’est obligatoirement affirmer le Socialisme, et donc assumer la différenciation au sein du peuple entre les défenseurs aveugles de l’ancien, y compris de manière « peuple » ou « plébéienn » et les partisans de la transformation et du nouveau.

C’est une lutte de lignes, un combat pour affirmer une proposition historique. Là où des révoltés sans boussole cherche à appuyer tout mouvement en espérant « rassembler » et « orienter » les choses par le haut, il faut au contraire avancer et faire le tri, tracer les lignes rouges et pousser à la polarisation par la base.

Il ne faut pas un « spontanéisme » en mode plébéien et une fascination pour la « foule », mais une conscience socialiste porteuse d’organisation démocratique et de culture pour le peuple.

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Les manifestations du samedi sont-elles surtout antipass ou antivax ?

Quel est l’aspect principal du mouvement actuel contre le pass sanitaire ? Le pass est-il vraiment central ou bien est-ce que celui-ci n’est qu’un prétexte et un moyen de ne pas assumer un positionnement anti-vaccin ?

manifestation anti pass sanitaire

Bien que les deux cas de figure sont catastrophiques, il est essentiel pour la Gauche d’analyser en profondeur ce mouvement de fond : la question est de savoir à quel vitesse ce mouvement va s’assumer comme fasciste. Si le vaccin est une question secondaire, cela pourrait laisser un tout petit plus de temps à la Gauche pour y faire face ; dans le cas contraire, les choses risquent de s’envenimer très vite.

Un mouvement né suite à l’annonce du pass sanitaire

L’argument principal pour la première hypothèse est de dire que les manifestations font suite aux annonces quant à l’arrivée du pass. La question du vaccin était présente depuis plusieurs mois, mais aucun mouvement véritable n’avait réellement pris jusque là.

En plus de cela, nombre de figures politiques et médiatiques n’ont cessé d’affirmer qu’elles n’étaient ni contre la vaccination en général ni contre ces vaccins, seulement contre les contrôles qu’impliquent ce nouveau dispositif.

Seulement cette vision est trop réductrice : elle rate un aspect fort qui est l’obligation vaccinale.

Les soignants anti-vaccins : des résistants en chemises brunes

L’image de l’infirmière qui va perdre son travail parce qu’elle refuse de se faire vacciner est loin d’être anecdotique et est un argument souvent repris par les opposants au passa sanitaire. Pourtant, on sait très bien aujourd’hui que des soignants ont transmis le virus à des personnes dans des EHPAD ou des hôpitaux depuis le début de l’épidémie, et que les gestes barrières ne sont pas suffisants, surtout avec un variant delta particulièrement contagieux.

Le refus de la vaccination dans ces cas est anti-social au possible : ces personnes nient la réalité et savent au fond qu’elles risquent de contaminer des malades. Sans même parler du fait que les hôpitaux français manquent déjà cruellement de personnel : ces départs seront des véritables trahisons et autant de coups de poignards dans le dos.

Et que voit-on chez les anti-pass sanitaire ? Une défense sans faille de ces personnes. Au nom du refus du pass. L’argument ? Populiste au possible : ces personnes vont perdre leur emploi, le pass serait un régime d’apartheid…

Rappelons que des vaccins sont déjà obligatoires pour exercer certaines professions, il y a donc déjà ce qu’ils appellent une « discrimination », mais encore faut-il ne pas avoir sombré dans l’irrationalité fasciste pour l’accepter. Sont obligatoires pour les professionnels de santé, de secours et de la petite enfance et des personnes âgées notamment les vaccins contre le tétanos, la diphtérie, la polyomélite…

Le personnel des établissements pénitentiaire doit être vacciné contre le tétanos, le personnel des laboratoires d’analyses de biologie médicale doit être vacciné contre la fièvre typhoïde…

Il y a donc bien la vaccination comme problème de fond également, puisque même des syndicats ont assumé de faire grève pour défendre des personnels médicaux qui refusent de se faire vacciner.

Nous avons un mouvement qui se concentre en apparence avant tout sur le pass, mais qui aime tout particulièrement cette image de l’infirmière qui va sombrer dans le chômage et la misère à cause de Macron et de son pass sanitaire, ce qui est une manière de mettre la question du vaccin en avant.

Un silence complice en manifestation

Pour mieux comprendre le problème faisons en parallèle avec les manifestations dites pro-palestiniennes que la France a connu ces dernières années : toute la Gauche répétait à tout bout de champ l’idée que ces manifestations n’ont jamais eu la moindre connotation antisémite. A chaque pancarte où l’étoile de David au cœur du drapeau d’Israël est remplacée par une croix gammée, tous ces aveugles complices répondaient en chœur que cela n’était pas représentatif et qu’ils condamnaient bien entendu…

Seulement, il ne s’agissait jamais que d’une pancarte problématique, mais d’un certain nombre, ainsi que de slogans islamistes, de mouvements de foule vers une synagogue, de fans de Dieudonné prompt à effectuer la « quenelle » à tout va, etc.

A chaque fois la Gauche, qui est systématiquement écrasée par les islamistes depuis fort longtemps, essaie de croire à ses propres mensonges.

Même si les éléments ouvertement antisémites étaient sûrement très minoritaires, le problème est que ces personnes se sentaient drôlement à l’aise dans ces manifestations ! Mais toute la Gauche préférait répéter en boucle les mêmes discours vains.

Aujourd’hui, beaucoup d’anti-pass sanitaire se disent certainement pour l’idée de vacciner contre la Covid, tant que cela n’est pas forcé bien entendu (sinon cela impliquerait un pass sanitaire). Ils tiennent à rassurer et montrer qu’ils sont raisonnables et que leur critique et pleine de raison. Pourtant, les plus anti-sociaux se sentaient drôlement à l’aise dans les manifestations de ces dernières semaines.

Ne parlons même pas des pancartes antisémites qui fleurissent doucement : logique de la part d’un mouvement proto-fasciste.

Anti-pass sanitaire, anti-collectivité

Le problème de fond des anti-pass en ce qui concene le pass est son caractère collectif, presque totalitaire : ils veulent vivre sans que l’État vienne les déranger, chacun devrait avoir le choix de faire ce qu’il veut, etc. C’est beauf et violemment anti-social.

La question de savoir si l’aspect principal de cette réaction anti-collectif est le pass en lui-même ou bien la vaccination est alors très importante.

Le vaccin en lui-même ravive de nombreux discours anti-scientifiques et complotistes. Avec la question des soignants, des discours totalement hallucinants et anti-sociaux ont été assumés et défendus publiquement. Que des syndicats appellent à faire grève contre une obligation vaccinale en période de crise sanitaire en dit long sur le pourrissement de la France et sur les années à venir.

Tout cet irrationalisme puise énormément dans les discours anti-vaccins et il est fort à parier que les masques tombent rapidement et que le fond anti-vaccin soit de plus en plus ouvertement assumé.

Le rejet du pass sanitaire revient vite à des discours petits-bourgeois paranoïaques classiques : il y a matière à fantasmer, à jouer les héros et les intellectuels bière-merguez mais il n’y a pas autant de matière ésotérique que ceux des anti-vaccins. Ces derniers embrassent beaucoup plus volontiers le complotisme et le rejet de la science.

Ils sont un matériau de choix pour toute une base qui va nécessairement chercher des images fortes et mobilisatrice, un irrationalisme toujours plus assumé, etc. Sans même parler de théories vitalistes (il faudrait laisser faire le système immunitaire, pas besoin d’un vaccin, etc). En bref, c’est un terreau de choix pour le fascisme et c’est déjà le cas dans les autres pays occidentaux.

Et si ces discours délirants restaient marginaux jusque là, force est de constater qu’ils prennent place et infusent au sein des mouvements anti-pass sanitaire.

La question pour la Gauche est de savoir s’ils ont déjà pris, s’ils vont prendre ou s’ils vont échouer à se placer au coeur de la dynamique actuelle.

A la Gauche de produire et de faire vivre le débat afin de se préparer. Nous sommes au début des années 1930 : la machine est enclenchée et le temps est compté. L’importance de la logique anti-vaccin chez les anti-pass sanitaire doit être correctement évaluée !