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Ukraine : le principe même de démocratie asséché par l’élan militaire européen aligné sur l’OTAN

L’élan militariste neutralise les opinions publiques démocratiques.

Depuis peu, les choses s’accélèrent grandement dans la participation des puissances occidentales au conflit militaire en Ukraine. La France envoie 500 soldats en Roumanie accompagnés de chars, ainsi que 200 soldats en Estonie accompagnés de quatre avions de chasse qui vont « patrouiller » au-dessus des pays baltes. A cela s’ajoute la livraison par la France d’équipements de défense numérique et aériens directement à l’Ukraine.

L’Allemagne vient d’annoncer livrer 1 400 lance-roquettes antichar, 500 missiles sol-air Stinger, 9 obusiers et 10 000 tonnes de carburant. On se souvient pourtant qu’il y a encore quelques semaines, l’Allemagne se montrait frileuse dans l’envoi de matériel de guerre offensif, se contenant de de l’envoi de plusieurs centaines de casques à l’armée ukrainienne.

C’est dans ce même esprit que la Suède va livrer 5 000 lance-roquettes à l’Ukraine.

L’Allemagne cède ainsi sous la pression des pays baltes et de la Pologne, complètement alignés sur l’OTAN. Espérant continuer à se maintenir en puissance autonome stratégique en Europe, l’Allemagne est contrainte d’en revenir avec son histoire de soumission aux Etats-Unis après la Seconde Guerre mondiale dans le cadre du plan Marshall. Elle espère ainsi avoir une partie du gâteau russe semblant à portée de main.

La République Tchèque envoie 30 000 pistolets, 7 000 fusils d’assaut, 3 000 fusils mitrailleurs et plusieurs dizaines de fusils de précision ainsi qu’un million de cartouches. Les Pays-Bas vont livrer 200 missiles antiaériens Stinger, ainsi que des fusils de précision, l’Italie des appareils de déminage, la Belgique 3 800 tonnes de fuel et 2 000 mitrailleuses, quant au Portugal il annonce envoyer des gilets, des casques, des lunettes de vision nocturne, des grenades, des munitions de différents calibres, des fusils automatiques G3.

Ces décisions ne tombent pas du ciel, mais directement de la réunion du conseil de l’OTAN qui a eu lieu le 25 février 2022. Les différentes annonces de pays européens sont toutes intervenues dans le week-end. C’est ce dimanche que Josep Borrell, vice-président de la commission européenne, a annoncé l’achat d’armes pour l’Ukraine.

Ce qui se passe, et cela dément d’ailleurs la propagande occidentale contre la Russie, c’est que l’OTAN, à travers ses membres, renforce militairement l’Ukraine qui est en prise à une invasion militaire russe qui se déroule plutôt sans failles.

Et ces élans guerriers, clairement orientés par la superpuissance américaine, sont faits dans l’ombre, orchestrés par des petits cercles politiques liées directement aux états-majors militaires.

La presse a beau parler de « tabou brisé », voire de « rupture politique » en ce qui concerne l’Allemagne, de « décision exceptionnelle sans précédent depuis 1939″ pour la Suède, de « première fois de son histoire » par l’Union Européenne, on remarquera que tout est fait en vitesse, court-circuitant tous les canaux démocratiques.

On remarquera comment les opinions qui tentent de repousser à la fois l’impérialisme russe et l’impérialisme américain sont dénigréss car, sans une mobilisation autonome pacifiste et internationaliste, il n’y a plus de place pour de telles orientations dans le contexte actuel de la tendance à la guerre et de la guerre en Ukraine.

La pression militariste pour s’aligner sur tel ou tel camp est toujours plus fort, et l’annonce des livraisons massives d’armes ce week-end ne va rien arranger du tout. Il y a assèchement terrible de la démocratie.

C’est là un signal fort pour l’avancée des forces nationalistes et militaristes dans tous les pays. L’enjeu politique qui se dessine, c’est l’opposition entre forces pacifistes-démocratiques et les forces va-t-en-guerre, entre les forces populaires et les forces alignées sur la puissance américaine ou russe.

C’est là un marqueur puissant dans la tendance à la troisième guerre mondiale, avec des opinions publiques qui sont clairement mises de côté. Si cela est toujours vrai pour des états-majors militaires pétris dans les valeurs aristocratiques coupées du peuple, la puissance actuelle de l’élan guerrier n’a pas grand chose à voir avec les longues manœuvres politiques qui ont présidé aux guerres d’Afghanistan en 2001 ou d’Irak en 2003 voir en Syrie en 2015-2016.

Ce qui prime, c’est la prise de décision technique par en haut et cela prépare l’arrivée du fascisme comme régime accompagnant, et structurant la tendance à la guerre de chaque pays. Les opinions publiques sont littéralement coupées des décisions, les forces militaristes profitant des effets de sidération dans les populations pour avancer leurs pions rapidement.

Et nous n’en sommes qu’au début… Dans un tel contexte, il est évident qu’il n’est pas possible d’être spectateur de la situation, d’attendre fatalement une issue positive d’une situation qui ne l’est pas. Il est clair qu’il faut dorénavant se mobiliser contre la guerre sur les bases de la Gauche historique pour contre-carrer les fauteurs de guerre contre la paix entre les peuples.

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Dissuasion nucléaire russe en alerte et débats sans fin sur l’emploi actuel de l’arme atomique

Les capitalistes cherchent une voie pour mener la guerre avec assurance.

Il existe en ce moment une avalanche de propagande et d’intoxication à l’encontre de la Russie et de l’armée russe (qui elle-même ne mentionne qu’un seul mort de son côté) ; pour un peu demain l’armée ukrainienne soutenue par l’Occident unanime est victorieuse au point d’être, à en écouter ces fantasmes, demain aux portes de Moscou. C’est là quelque chose d’inévitable dans une telle guerre et relève d’une véritable machinerie ayant des buts psychologiques directs.

Il en va différemment des incessants débats, des nombreux articles et points de vue concernant une éventuelle confrontation nucléaire. Parce qu’on a là une question qui fera son effet également bien au-delà du conflit en Ukraine. On ne remue pas ce genre de thématique impunément. Ce sont des choses qui restent, qui ouvrent un espace bien particulier, de portée stratégique.

Cela a commencé concrètement dès le début de l’invasion, avec notamment le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, qui a affirmé que le président russe Vladimir Poutine devait « aussi comprendre que l’Alliance atlantique est une alliance nucléaire », ce qui est un avertissement hautement militariste. On se demande même comment il a pu tenir de tels propos sans provoquer un scandale politique général en France. On ne parle pas ici du ministre de la Défense, parlant d’un hypothétique conflit, on parle du chef de la… diplomatie, qui explique que son pays relève d’un bloc prêt à l’emploi de l’arme atomique !

Cela en dit long sur le drame actuel que cela soit passé comme une lettre à la poste, sans provoquer une démission immédiate de la part du ministre. Naturellement, on peut prétendre que ce n’est que de la rhétorique et prendre les choses de haut. Si on prend les choses tels quels, avec rationalité, on se dit que c’est totalement absurde, car on se doute bien que la troisième guerre mondiale version apocalyptique ne va pas se produire dans l’immédiat. On se dit alors que le ministre a fait justement de la diplomatie symbolique, que les médias en font trop, que cette thématique est forcée, par stupidité ou peur illusoire que demain l’armée russe se mette à envahir toute l’Europe.

Bref, on peut considérer cela alors comme une thématique à la fois inévitable et superficielle, étant donné que, de toutes façons, cela n’arrivera pas.

Sauf qu’on parle là d’un thème brûlant. Et que le 27 février 2022 la Russie a mis en état d’alerte sa force de dissuasion nucléaire, après avoir absolument tout vérifié sur ce plan lors de l’exercice Grom 22, quelques jours avant l’invasion. La Russie justifie cela en parlant de l’hostilité de plusieurs pays à son encontre. Et elle ne cesse de vanter son missile hypersonique Kinjal (c’est-à-dire poignard), capable de porter une frappe atomique à 10 000 kilomètre/heure.

De plus, la Biélorussie a tenu un référendum le 26 février 2022, dont le résultat le 27 amène le pays à désormais accepter l’hébergement de missiles atomiques russes. Ce n’est pas anodin !

Alors demandons de manière plus approfondie : pourquoi la thématique nucléaire a-t-elle émergé ? L’une des hypothèses que l’on peut voir, mais il faut un réel débat à ce sujet, tellement c’est essentiel, est qu’il est parlé du nucléaire afin de l’éviter, afin de contourner cette question pour être en mesure de faire la guerre de grande ampleur, sans pour autant que cela bascule forcément dans la guerre nucléaire.

C’est l’hypothèse de l’article « Les stratégies impérialistes de contournement de l’équilibre de la terreur à l’époque de la seconde crise générale du capitalisme » de la revue pdf Crise (n°18, février 2022), qui dit que les grandes puissances sont en train de chercher une voie pour contourner le principe du MAD, la « destruction mutuelle assurée » se produisant mécaniquement dès qu’un camp commence à employer l’arme atomique.

Ce principe bien connu, et présenté dans l’incontournable film Docteur Folamour de Stanley Kubrick, implique qu’aucune puissance nucléaire ne peut se permettre d’attendre de voir les effets d’une attaque atomique, de par le risque de se voir elle-même dépourvue pour une contre-offensive. Dès qu’il y a donc une attaque nucléaire quelle qu’elle soit, la riposte est totale. C’est le fameux « équilibre de la terreur ».

C’est là que, selon l’article, la question ukrainienne devient le pivot d’une tentative de contournement :

« Le problème est simple à saisir : comment mener la bataille pour le repartage du monde si l’on prend en compte le principe du MAD ? La guerre nucléaire apparaît ici comme une épée de Damoclès empêchant tout mouvement.

La question ukrainienne est ici exemplaire de cela. L’impérialisme russe a comme objectif de se renforcer, tout comme la superpuissance américaine. L’impérialisme russe vise l’Ukraine pour se renforcer, la superpuissance américaine également. L’Ukraine n’est pas dans l’OTAN, donc il n’y a pas de risque de guerre nucléaire, cependant une annexion russe de l’Ukraine changerait tout, tout comme une défaite russe dans sa tentative changerait tout.

Mais comment tout peut-il changer si l’environnement, en raison de l’OTAN, relève somme toute du MAD ? Toute agression russe contre un pays de l’OTAN implique immédiatement un haut niveau de conflictualité, et inversement. Toute possibilité d’expansion est bloquée.

En fait, les impérialistes sont coincés, parce qu’ils aimeraient prolonger certaines situations, en profiter pour « déborder » militairement, mais ils ne le peuvent pas. Il a fallu trouver une parade.

C’est là qu’il faut étudier l’asphyxie comme approche de la superpuissance américaine, le délitement comme approche sino-russe. »

Et d’embrayer sur les modes de contournement : les puissances occidentales dominantes veulent profiter de leur hégémonie pour étouffer les concurrents, alors que les challengers veulent désagréger l’ordre mondial. De ce point de vue, on peut voir que c’est très exactement ce qu’a fait la Russie… Et très exactement ce qu’ont fait les puissances occidentales dominantes en réponse.

Ce qui est inquiétant, car l’article conclut en disant que c’est l’ouverture de l’affrontement militaire ouvert, qui trouve une voie pour s’affirmer en démolissant le cadre ouvert à la suite de l’effondrement du bloc soviétique en 1989 et de l’utilisation de la Chine comme usine mondiale. C’est une guerre bloc contre bloc qui s’annonce ici.

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Ukraine : avalanche de sanctions économiques contre la Russie

Les puissances liées à l’OTAN mènent leur « guerre hybride » sur le plan économique.

Suite à l’invasion de l’Ukraine, la Russie subit une réponse très agressive de la part des principales puissances du capitalisme liées aux États-Unis et à l’OTAN. Via une salve de mesures, c’est la mise en place d’un véritable embargo politique et financier ayant pour but d’isoler et d’affaiblir drastiquement le régime russe.

Si ces mesures ne se situent pas strictement sur le plan militaire, il n’en reste pas moins qu’elles ont une perspective fortement hostile, typique de la guerre moderne. Il s’agit, par tous les moyens, d’affaiblir l’ennemi, de le pousser à la faute, de profiter de la situation et d’appuyer à fond sur les contradictions. Il y a là une tendance terrible qui s’exprime, menant inévitablement à une nouvelle grande guerre inter-impérialiste, une troisième guerre mondiale.

L’Union européenne a fait en sorte de limiter drastiquement l’accès de la Russie aux marchés de capitaux européens et d’interdire les exportations vers la Russie des avions, pièces et équipements de l’industrie aéronautique et spatiale, composants électroniques, logiciels, ainsi que des technologies de raffinage pour l’industrie pétrolière. Concrètement, l’État russe et les principales entreprises russes ne peuvent plus lever de dette en se finançant sur les marchés financiers européens.

La déclaration commune des États membres parle de « conséquences massives et sérieuses », avec l’objectif clair et assumé de nuire profondément à la Russie, considérée désormais unilatéralement comme une puissance ennemie. Vladimir Poutine et son ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov sont même directement visés, avec le gel de leurs avoirs européens, autrement dit le blocage net de leurs des comptes bancaires et titres financiers dans les banques européennes.

La délivrance de visas aux Russes par les États européens est bien sûr fortement limitée. Dans le giron de l’Union européenne et de ses États membres, il faut noter les mesures, symboliques mais agressives, de suspension de la Russie de l’Eurovision et du déplacement en région parisienne de la finale de Ligue des Champions de football qui était prévue le 28 mai à Saint-Pétersbourg.

Il faut noter également la décision du Conseil de l’Europe, dont la Russie est membre, de suspendre la participation des diplomates et délégués russes aux principales instances de l’organisation. Peu connu, ce Conseil de l’Europe est une institution ayant pour but de promouvoir une idéologie européenne bourgeoise de type libéral-démocrate ; elle institue notamment la Cour européenne des droits de l’homme.

Le Royaume-Uni est particulièrement agressif dans la réponse à l’attaque russe. D’une part car la stratégie du pays est d’être le « meilleur élève » des alliés américains, donc d’agir de manière marquée en se montrant, mais aussi car le Royaume-Uni est directement concerné par l’attaque en Ukraine, notamment de part les visées qu’il avait (ou qu’il a) sur la ville d’Odessa comme base navale.

Il s’agit concrètement d’exclure totalement les banques russes du secteur financier britannique, celles-ci voyant leurs actifs gelés et sont dorénavant interdites de lever de fond. Plus de cent entreprises et conglomérats, dans tous les secteurs, sont également concernés par cet embargo financier. La compagnie aérienne russe Aeroflot (membre du même réseau qu’Air France, l’alliance Skyteam) est également interdite de vol sur le sol britannique. De nombreuses personnalités russes sont interdites de territoire.

Les États-Unis bien sûr sont également très hostiles dans leur réponse, avec des représailles financières qui « dépassent tout ce qui a jamais été fait » selon le président Joe Biden. Ce sont d’abords les banques russes qui sont visées par des sanctions. Sur le plan financer également, plusieurs grandes entreprises russes, dont le géant Gazprom, ont interdictions de se financer sur le marché financier américain ; c’est également le cas pour l’État russe lui-même, privé d’accès. De nombreuses restrictions d’exportation ont aussi été décidées, surtout concernant les produits technologiques destinés aux secteurs de la défense et de l’aéronautique.

De plus, une longue liste d’ »oligarques » russes a été établie, de manière couper les vivres et les possibilités d’achat, à tous un tas de grandes fortunes considérées comme proches de Vladimir Poutine. Ce dernier devant devenir, selon Joe Biden, « un paria sur la scène internationale ».

Dans le giron américain direct, il y a le Canada qui pareillement a dressé une liste de 58 personnes et entités russes, afin de sanctionner directement « l’élite russe ». Entre autres sont nommés les ministres russes de la Défense, des Finances et de la Justice, afin de leur empêcher toutes interactions économiques. Enfin, de manière très radicale, tous les permis d’exportation pour la Russie sont suspendus.

C’est la même chose pour l’Australie, qui vise pour sa part directement plus de 300 membres du Parlement russe qui ont approuvé « l’invasion illégale de l’Ukraine ». Du côté du Japon, en plus du gel des actifs des personnes et organisations russe, de la suspension des visas, il y a également la suspension des exportations de tout un tas de produits tels les semi-conducteurs

En arrière plan de toutes ces mesures, il y a la menace brandie de couper la Russie du réseau interbancaire Swift, le système qui permet à l’immense majorité des banques mondiales d’échanger entre elles. De manière furieusement belliciste, le ministre des Finances français Bruno Le Maire a d’ailleurs fait à ce sujet un parallèle indécent avec l’arme nucléaire.

D’abord, il a expliqué l’enjeu :

« Toutes les options sont sur la table. Il reste que quand on a une arme nucléaire financière entre les mains [c’est-à-dire l’exclusion du système Swift], on réfléchit avant de l’utiliser. »

Puis il a expliqué que la France était justement favorable à l’utilisation de cette « arme nucléaire financière »…

Voilà donc le panorama actuel, avec une tendance à la guerre extrêmement marquée. L’Ukraine, prise au piège, servant ici de prétexte, les puissances liées à la superpuissance américaine profitant de l’occasion pour infliger des coups à la puissance russe concurrente et surtout à la couper du monde « occidental ».

Celle-ci, tout autant belliciste, se voit directement poussée dans le giron de la superpuissance chinoise, maintenant sur le plan économique et financier, et bientôt sur le plan strictement militaire. Tout cela dessinant de manière très nette les contours de la grande bataille pour le repartage du monde à venir avec deux grands blocs s’affrontant.

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Mobilisation nationale ukrainienne face aux avancées russes

Le régime ukrainien tente d’encaisser le choc.

L’offensive russe du 24 février 2022 a été particulièrement ciblée, l’armée disposant d’un très haut niveau technologique sur le plan des missiles et des avions pour bombarder. Elle a visé principalement le quartier-général des forces militaires, le quartier-général de la Garde nationale, 72 installations militaires, 11 aéroports militaires, la base navale d’Ochakovo, 18 radars S-300 et Buk-M1.

L’offensive n’a pas concerné tant le Donbass, même s’il y a eu des affrontements et une avancée de plusieurs kilomètres, que le nord de l’Ukraine (notamment depuis le Biélorussie) que le sud (depuis la Crimée). Dans ce dernier cas, l’offensive russe a bien réussi, rencontrant plus de difficultés au nord.

Il y a également la question de Kiev. La grande rumeur de la soirée de l’invasion, c’est que le président ukrainien Volodymyr Zelensky était particulièrement ciblé. Dans l’après-midi, la rumeur voulait que l’armée russe avait pris le contrôle de l’aéroport près de Kiev, que le président ukrainien s’était vu accorder un sauf-conduit et que deux avions turcs l’attendaient pour le transporter.

En tout cas, dans la matinée du 25 février, Kiev elle-même était atteinte par l’armée russe, avec une présence attestée dans un quartier de Kiev (Obolon), le ministre ukrainien des Affaires étrangères en appelant la population (« Nous demandons aux citoyens de nous informer des mouvements ennemis, faites des cocktails molotov, neutralisez l’occupant! »).

On notera dans la périphérie de Kiev ce tank russe avec un drapeau… soviétique. Il ne faut pas fantasmer outre-mesure dessus (jusqu’à faire de la Russie une URSS dégénérée comme fait la gauche du PCF), mais il est évident que la culture soviétique, au sens le plus large, transpire également dans tous les aspects de la question russo-ukrainienne.

L’offensive russe a donc été frappante, mais pas réellement massive. Rien à voir avec une sorte d’invasion russe au moyen d’hommes massés quantitativement, comme on le fantasme souvent en pensant à la Russie. On au contraire une précision militaire de la plus haute finesse, dont on appréciera l’esprit historique en lisant Guerre et paix de Tolstoï.

Cela obéit à deux principes : officiellement, c’est une « opération de démilitarisation » et il ne faut pas donner une impression d’invasion. Même si, naturellement, cela se transformera à un moment en « libération », avec la mise en place d’un nouveau régime.

Il faudra alors sans doute que reste un petit Etat ukrainien, afin que sa situation soit un « boulet » pour l’Union Européenne, qui aura un pays ultra-pauvre dans les mains (la partie ouest étant la plus pauvre en Ukraine historiquement), et un boulet pour l’OTAN, qui ne pourra pas intégrer un pays dont une partie est occupée par un autre (car cela impliquerait directement la guerre).

De plus, il faut une guerre un peu prolongée, afin de massacrer l’armée ukrainienne et tous les groupements ultra-nationalistes pour s’en débarrasser pour la suite.

Tout le monde a compris ainsi que le régime ukrainien était condamné, dans tous les cas. Celui-ci a décrété la mobilisation nationale le 24 au soir, le président Volodymyr Zelensky déclarant notamment :

« J’ai demandé à 27 dirigeants européens si l’Ukraine serait dans l’OTAN… Tout le monde a peur, personne ne répond. »

Sergueï Lavrov, le chef de la diplomatie russe, a répondu également de la manière suivante le 25 février 2021 aux tentatives de négociation de la part de l’Ukraine :

« Nous sommes prêts à des négociations, à n’importe quel moment, dès que les forces armées ukrainiennes entendront notre appel et déposeront les armes. »

C’est que l’Ukraine n’a été qu’un jouet pour la superpuissance américaine et l’OTAN, et du point de vue occidental, tant mieux si on peut avoir une Russie s’enfonçant dans la guerre, si on peut avoir prétexte pour des sanctions massives. Le régime ukrainien a une énorme responsabilité dans l’incapacité à assurer la défense nationale, ce qui met en jeu l’existence même de la nation ukrainienne dont la Russie compte se débarrasser pour en faire une « petite Russie », appendice avec les Russes blancs (les Biélorusses) de la Grande Russie.

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Guerre : l’économie mondiale en panique

L’invasion de l’Ukraine précipite la crise économique.

La Bourse de New York a ouvert jeudi 24 février à 15h (heure de Paris) en forte baisse, l’indice Dow Jones poursuivant son effondrement dès la première demi-heure (une perte de 630,6 points, soit 1,9%). Idem pour le Standard & Poor’s 500 (-1,97%) et le Nasdaq Composite (-1,91%).

C’est que la crise est totale. L’ordre mondial est chamboulé et la panique est générale. En pénétrant militairement en Ukraine, Vladimir Poutine a fait bien plus que déclencher une guerre : il précipite définitivement le monde dans une grande crise, sur tous les aspects, y compris donc économique.

La lame de fond balaye tout et si on ne regarde que l’économie américaine, la plus grande puissance mondiale, on voit qu’avant même l’ouverture de la bourse, c’était un tremblement de terre jeudi 24 février. Les plus importantes capitalisations telles Apple, Alphabet (Google) et Microsoft était en recule important (respectivement -4,05%, -2,38% et -3,04%).

Mais au-delà de ces chiffres relatifs et circonstanciels, il y a surtout que l’économie mondiale était déjà sur des sables mouvants, tenue à bout de bras par les banques centrales mondiales dopant artificiellement les marchés à coup d’argent magique par milliards. La promesse d’une sortie imminente de crise sanitaire servait de ciment à l’immense mensonge de la croissance revenue, ou revenant, mais la guerre en Ukraine vient clairement doucher les espoirs du capitalisme.

Là où la crise est le plus marqué, c’est en toute logique dans le secteur de l’énergie, qui est déjà en très forte tension depuis le début de la crise sanitaire. Cela fait des mois que les prix sont hauts, voire très hauts, alors que les difficultés d’approvisionnement et de production ne font qu’alimenter encore plus l’inflation des prix. La guerre en Ukraine vient encore plus précipiter les choses et accélérer la crise.

Le baril de pétrole WTI américain a dépassé le seuil symbolique des 100 dollars. Idem pour le baril de Brent de la mer du Nord atteignant les 105 dollars, alors qu’il ne passait pas la barre des 90 dollars la semaine dernière (il était à 66 dollars début décembre 2021 et il descendait sous les 15 dollars au printemps 2020). L’explosion des prix de ces deux valeurs pétrolières directement due à l’annonce de la guerre est de plus de 7 % ; ce n’est probablement qu’un début.

Ce qui affole les marchés et le cours des valeurs énergétique, c’est bien sûr le fait que la Russie est l’un des premiers producteurs mondiaux de pétrole. Il y a la crainte de ruptures, ou en tous cas de difficultés majeures d’approvisionnement. En cas de rupture majeure, les autres grands pays producteurs ne pourraient véritablement compenser. C’est particulièrement le cas en ce qui concerne le gaz russe, dont le monde entier est dépendant. La Russie est le premier exportateur mondial de gaz naturel.

La France en est totalement dépendante, comme l’a rappelé le groupe TotalEnergies. Le président du groupe a même prévenu : «Si le gaz russe ne vient pas en Europe, on a un vrai sujet de prix du gaz en Europe». De fait, les prix ont déjà explosés, de 40% à 50 % sur la journée. C’est gigantesque et il faut prendre la mesure d’une telle situation. Le monde a véritablement changé, la crise se précipite.

Toutes les chaînes industrielles sont concernées directement, ainsi que le logiquement le transport, qui est lui aussi déjà en crise. La panique est immense également jeudi 24 février sur les marchés concernant les matières premières, tels l’aluminium, le blé ou le colza qui ont battu des records.

De fait, les principales places boursières européennes ont connu un petit « jeudi noir ». La bourse de Paris a clôturé en forte baisse de 3,83% après un pic à -5% en milieu de journée. Même chose à Francfort (3,96%), Milan (-4,10%) et Londres (-3,82%). Les Bourses russes quand à elles se sont effondrées de plus de 30%.

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Le régime ukrainien corrompu ne fait pas le poids face à l’invasion russe

La nation ukrainienne risque son existence désormais.

Marioupol, un radar détruit non loin de la base du bataillon Azov également détruite

Dulce et decorum est pro patria mori, il est doux et honorable de mourir pour sa patrie. Encore faut-il que sa patrie ait un contenu qui corresponde à celui du peuple, et à notre époque de la démocratie. Sinon, cela n’a pas de sens. Et les couches dominantes utilisant le nationalisme conduisent ainsi des nations à la catastrophe, en les embarquant dans une aventure qui ne peut terminer qu’en désastre.

S’il est justement une chose qu’il est possible de dire de l’offensive russe du 24 février 2022, c’est que le régime ukrainien n’est pas à la hauteur de l’enjeu historique que vit la nation ukrainienne, parce qu’il est justement anti-populaire et anti-démocratique.

On peut ainsi remarquer trois aspects, qu’on peut considérer comme très vraisemblablement justes, malgré le black out informationnel. Tout d’abord, l’armée ukrainienne a été débordée en de multiples points. Sa solidité revendiquée a été fictive et ce qui est confirmée, c’est sa nature dilettante, corrompue (notamment au niveau des hauts officiers).

Ensuite, les masses ukrainiennes ne se sont pas mobilisées. Les gens sont terrorisés, ne voient pas de perspective ; il n’y a aucune mobilisation populaire de dimension nationale. Dans ce genre de situation, c’est catastrophique.

Enfin, la Russie est intervenue non seulement à l’Est du pays, mais également à l’Ouest. Elle prétend ne pas vouloir envahir le pays et faire une sorte d’opération de police générale, mais bien entendu c’est un mensonge.

L’ampleur de l’offensive est très importante, d’ailleurs. Ce sont notamment toutes les installations militaires principales qui ont été frappées, ainsi que les aéroports. Et il y a un large début des offensives terrestres. Kherson est apparemment tombée sans combattre, les troupes russes sont au niveau de la rocade entourant Kharkiv, même la ville d’Odessa est visée, des hélicoptère sont aux portes de Kiev. C’est le scénario idéal pour la Russie jusqu’à présent. Un régime oligarchique puissant et expansionniste balaie un régime oligarchique affaibli et vassalisé à l’occident.

Les frappes russes

Il va de soi que ni la Russie ni l’Ukraine ne dévoilent d’informations concrètes, notamment concernant les pertes. Cependant, on est ici dans une guerre moderne, et il y a une grande réflexion à faire à ce sujet. Tout est très technique, précis, coordonné, les forces militaires surajoutant en quelque sorte leurs forces les unes aux autres en permanence. C’est d’ailleurs pourquoi le régime ukrainien est condamné. S’il avait été démocratique et populaire, il aurait pu mobiliser en masse et avoir un soutien politique national. Là il ne peut procéder véritablement que par les regroupements ultra-nationalistes.

Cela renforce la panique générale dans le camp occidental, qui voit « la paix en Europe » se terminer. C’est un sentiment de stupeur, qui est masquée par une dénonciation très hypocrite de la Russie alors que personne n’a rien fait pour l’Ukraine depuis un an, à part mettre de l’huile sur le feu. Une Ukraine neutre aurait relativement permis d’éviter la situation actuelle, du moins de la rendre bien plus compliquée, mais les pays occidentaux ont tout fait pour faire de ce pays un porte-avions à grande échelle pour menacer la Russie.

La stupeur aboutit également à un sentiment de terreur pour des pays voisins comprenant que la Russie l’emportant les place en ligne de mire à moyen terme. Plusieurs pays ont proclamé l’état d’urgence : la Roumanie et la Moldavie, ainsi que la Lituanie. Si dans ce dernier cas, c’est surtout symbolique, la Moldavie risque en effet d’être prise à partie, en raison de sa non-appartenance à l’OTAN et de l’existence d’une poche séparatiste pro-russe, la Transnistrie, coupée du monde depuis 1991 d’ailleurs.

L’Ukraine a également coupé les ponts diplomatiques avec la Russie. Cependant, donc, le régime ne peut pas tenir. La Russie le sait et a refusé d’office toute négociation. La Chine, quant à elle, refuse officiellement de parler d’invasion russe : c’est logique, demain c’est Taïwan qui sera la cible de l’État chinois.

La boîte de Pandore est ouverte. La bataille pour le repartage du monde est entrée de plein pied dans l’Histoire – c’est le processus de la 3e guerre mondiale, qui ne commencera bien entendu pas demain, ni même après-demain… mais à moyen terme pourtant.

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L’invasion russe visant à la destruction de la nation ukrainienne a commencé

C’est la guerre, l’horrible guerre.

Les événements du 23 février 2022 ont été suffisamment remplies pour que le soir, cela soit le début d’une nuit blanche pour la nation ukrainienne. Rappelons les brièvement (et notre documentation sur le conflit ukrainien est littéralement unique, d’ailleurs) pour leurs aspects principaux : dans la journée les « républiques populaires » de Donetzk et de Louhansk ont appelé à l’aide la Russie face à l’armée ukrainienne, dans la foulée l’Ukraine a déclaré l’état d’urgence, Volodymyr Zelensky s’adressant ensuite le soir en russe à l’opinion publique russe.

Vers minuit, la rumeur courait : l’offensive russe commencerait à quatre heures du matin. C’est qu’une atmosphère étrange a alors pris l’Ukraine et tous ceux dont le coeur battait à son rythme ; il était en fait absolument clair que la nuit serait celle, fatidique, où la Russie chercherait à effacer la nation ukrainienne pour satisfaire son rêve impérial. Les aéroports ukrainiens se virent recouverts de véhicules, notamment de tracteurs, pour empêcher l’arrivée d’avions russes de transports de troupes, alors que l’ensemble de l’espace aérien ukrainien était fermé par les autorités administratives internationales.

Et, effectivement, à quatre heures du matin, le président Vladimir Poutine annonçait le début d’une « opération militaire spéciale ». Ce message, consistant concrètement en une déclaration de guerre, était immédiatement suivie d’une multitude d’actions militaires russes et, pour ce qui est observable, avec un succès foudroyant. C’est que l’Ukraine n’a pas de forces aériennes et pas de réelles capacités anti-aériennes, aussi l’armée russe peut procéder à des frappes comme elle l’entend. Cependant, il semble y avoir également des assauts par des forces depuis la mer, ainsi que par le ciel au moyen de parachutistes, une grande spécialité russe (même née en Russie soviétique dans les années 1920), l’armée russe parachutant même des véhicules.

Les villes de Marioupol, Kharkiv, Dnipro, Odessa, Melitopol (proche de la Mer d’Azov) et Berdyansk (sur la côte de la Mer d’Azov)… font partie des cibles prioritaires apparemment, avec des troupes russes intervenant à Marioupol et Odessa, confirmant que c’est toute la côte sud de l’Ukraine qui est visée par la Russie. Rappelons ici qu’il est très clair que le Royaume-Uni entend clairement faire d’Odessa une de ses bases, ce qui forme un aspect important dans les contradictions entre puissances ; le 23 février 2022 il a été rapporté un propos de Ben Wallace, secrétaire d’État britannique à la Défense : « les gardes écossais ont battu les Russes en Crimée, on peut recommencer ».

C’est ici anecdotique, mais il ne faut jamais perdre de vue que l’Ukraine est ici avant tout la cible de la bataille pour le repartage du monde. Sa position est d’ailleurs intenable. Le président Volodymyr Zelensky a immédiatement mis en place la loi martiale, et dans une courte vidéo il a affirmé : « Pas de panique, nous sommes prêts pour tout, nous allons vaincre ». On peut et même on doit douter de la capacité de résistance du pays. De par la nature du régime – pro-occidental libéral en mode vassal en alliance avec les ultra-nationalistes littéralement nazis même – il n’y a pas grand chose à attendre, malheureusement.

Officiellement, du côté russe, ce n’est pas une « guerre », simplement une « opération spéciale » visant à démilitariser l’Ukraine, le ministère russe de la Défense affirmant que :

« Les infrastructures militaires, les installations de défense aérienne, les aérodromes militaires et l’aviation des forces armées ukrainiennes sont mis hors d’état de nuire avec des armes de haute précision. »

Il va de soi que ce n’est qu’une première étape. Agauche.org explique depuis avril 2021 que la Russie veut la guerre et le contrôle de l’Ukraine, c’est cela qu’il faut saisir, et pas croire la Russie qui a tout orchestré pour agir de manière apparemment « défensive » – même si en même temps l’OTAN vise clairement à faire tomber la Russie. Il ne faut pas se faire piéger et basculer dans le soutien à l’un des deux blocs se faisant face, et dont la première victime est ici l’Ukraine!

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L’Ukraine prononce l’état d’urgence alors que le Donbass séparatiste en appelle militairement à la Russie

Le contexte de guerre directe a été posé.

Un char des troupes séparatistes avec un drapeau de la « Nouvelle Russie »

Le 23 février 2022 a été un jour historique de par l’ampleur de l’horreur militariste. Ce jour-là, en effet, l’Ukraine s’est retrouvée au pied du mur. et pas simplement en raison d’une cyber attaque de grande ampleur faisant tomber des sites gouvernementaux. Tout est désormais très clair et le régime ukrainien, qui explique depuis des mois qu’il n’y a pas de menace d’invasion russe, a mis un terme à cette position.

La raison est que les « républiques populaires » de Donetzk et de Louhansk ont appelé la Russie au secours face à l’armée ukrainienne, et exigé que l’Ukraine se retire de l’ensemble du Donbass que ces « républiques populaires » revendiquent dans leur intégralité. Comme la veille, la Russie a expliqué qu’elle reconnaissant l’ensemble du Donbass comme leurs territoires, personne ne pouvait plus être dupe de ce que cela impliquait.

Si l’on ajoute à cela que l’armée russe a fait couper tous les téléphones portables de ses soldats, que les soldats ukrainiens ont reçu un texto expliquant que la Russie interviendrait dans le Donbass et qu’ils devaient s’enfuir pendant qu’ils le peuvent encore… Que les « républiques populaires » mobilisent absolument tous les hommes de 15 à 55 ans… Ce dernier point étant important, car cela expliquerait pourquoi l’armée russe considère pouvoir attaquer avec un nombre « insuffisant » de soldats : la mobilisation générale du Donbass séparatiste servira numériquement pour occuper les espaces conquis alors que l’armée russe elle-même avance.

Un char des troupes séparatistes avec un drapeau de la « république populaire de Donetzk » muni de son emblème

On a ici une logique implacable se présentant dans sa pure nudité. On a alors le régime ukrainien qui a instauré le même jour l’état d’urgence dans tout le pays dans la foulée, en expliquant qu’il y a 200 000 soldats russes aux frontières (c’est ici une addition des armées russes et de celles des « républiques populaires »). Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a même dit qu’il a appelé le président russe Vladimir Poutine, mais que ce dernier n’a pas répondu.

Il a expliqué cela tard dans la soirée, dans une vidéo de six minutes où il s’adresse en russe, sa langue natale, au peuple russe, l’appelant à ne pas soutenir l’entreprise de guerre.

C’est intéressant, parce qu’il est fait état de multiples scandales de la part de ministres ukrainiens, ainsi que de Volodymyr Zelensky, à l’encontre des médias occidentaux, accusés d’en faire trop sur la menace russe. Pour dire même, tous les commentateurs et experts s’intéressant à la question ukrainienne de manière poussée sont hallucinés de la manière avec laquelle l’Ukraine a réagi jusqu’à présent, qualifiant l’initiative russe de gigantesque bluff. Cela était vrai encore le 22 février 2022, et même encore en partie le 23 février lui-même avec la rumeur d’une réunion de Volodymyr Zelensky et de généraux avec les cinquante plus grandes fortunes d’Ukraine, pour leur expliquer qu’il ne se passerait rien.

Un char des troupes séparatistes avec un drapeau de la Russie

Certains ont dit que cette position officielle ukrainienne n’était pas pour répandre la panique dans le pays, un pays pauvre et corrompu, méprisé par le peuple, sans assises réelles pour parvenir à une mobilisation générale sans de très lourdes conséquences. D’autres, que le régime ukrainien ne cerne pas les enjeux de ce qui se passe. Quoiqu’il en soit désormais les tambours de la guerre ont modifié la donne le 23 février 2022.

On a aussi le ministre ukrainien des affaires étrangères, Dmytro Kuleba, a en catastrophe participé à une initiative américaine et albanaise pour en appeler au Conseil de sécurité de l’ONU. La présence russe fait que cela échouera, mais il peut alors y avoir un passage devant l’Assemblée générale de l’ONU, dont les résolutions ne sont pas contraignantes mais du moins symboliques.

Un char des troupes séparatistes avec un drapeau de la « république populaire de Donetzk » muni de son emblème

Dans ce contexte, même la France, qui pourtant évitait jusqu’à présent d’en faire trop au nom de sa « mission diplomatique » pour empêcher la guerre, a cédé. Le ministère français des Affaires étrangères a placé l’Ukraine sur liste rouge, arguant que :

« Dans le contexte des vives tensions créées par la concentration de troupes russes aux frontières de l’Ukraine, par la décision russe de reconnaître l’indépendance des provinces de Donetsk et de Lougansk et compte-tenu de la mise en place de l’état d’urgence décidée ce jour par le Parlement ukrainien, les ressortissants français se trouvant en Ukraine doivent quitter sans délai ce pays. »

Les Etats-Unis ont quant à eux rétabli leur ambassade à Lviv, tout à l’ouest du pays, mais les diplomates vont par contre dormir en Pologne voisine. Ce qui veut tout dire : la guerre arrive, la question est simplement de savoir quel degré du pays elle va concerner.

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L’Ukraine face au Donbass séparatiste en expansion

La Russie a mis en place le vecteur militaire de sa politique.

Pour comprendre où nous en sommes dans le conflit ukrainien, il faut bien cerner un aspect essentiel. Lors de son allocution télévisée du 21 février 2022, le président russe Vladimir Poutine a terminé par les mots suivants :

« Nous voulons que ceux qui ont pris le pouvoir et le gardent à Kiev cessent immédiatement les hostilités. Autrement, la responsabilité pour la continuation du bain de sang reposera entièrement sur la conscience du régime en place en Ukraine.

Alors que j’annonce les décisions [de reconnaître le Donbass séparatiste comme souverain], je reste confiant sur le soutien des citoyens de Russie et les forces patriotiques du pays.

Merci. »

C’est là un avertissement tout à fait clair à l’Ukraine. Et le 22 février 2022, cet avertissement s’est concrétisé géographiquement. Pour expliquer de quoi il en retourne, voici le dialogue, très révélateur, entre des journalistes et le porte-parole du Kremlin, Dmitry Peskov.

CNN : En ce qui concerne la reconnaissance de la souveraineté de la RPD [République Populaire de Donetzk] et de la RPL [République Populaire de Louhansk], dites-moi, est-ce que nous parlons de les reconnaître dans leur situation actuelle, les frontières de fait, ou dans les frontières de l’ensemble des régions de Donetzk et Louhansk? De ce que je comprends, celles-ci sont relativement différentes.

Dmitry Peskov : Dans les frontières qu’ils ont eux-mêmes proclamé.

CNN : Proclamés à quel moment ?

Dmitry Peskov : Eh bien, lorsque ces deux républiques ont été proclamés.

Bloomberg [une agence d’information pour financiers] : Pouvez-vous développer cette question ?

Dmitry Peskov : Non, je n’ai rien à ajouter.

Ekho Moskvy [la radio Écho de Moscou] : Est-ce que ces frontières incluent [la ville de] Marioupol, par exemple ?

Dmitry Peskov : Je n’ai rien à ajouter à cela. Dans les frontières dans lesquelles ils existent et qui ont été proclamées.

Ekho Moskvy : Dans lesquelles elles existent ou dans lesquelles elles ont été proclamées ?

Dmitry Peskov : Eh bien, dans celles dans lesquelles ils ont été proclamés et existent.

Ekho Moskvy : Cela signifie les frontières actuelles ?

Dmitry Peskov : Je n’ai rien à ajouter à cela. 

BBC News : Pouvez-vous clarifier ? Je ne comprends pas vraiment. Est-ce que la reconnaissance des républiques populaires signifie les frontières dans lesquelles elles existent maintenant ou celles dans lesquelles elles se sont proclamées ?

Dmitry Peskov : Celles dans lesquelles ces républiques ont été proclamées.

BBC News : En 2014 ? Cela veut dire l’ensemble des régions de Donetzk et Louhansk ?

Dmitry Peskov : En ce cas, j’ai dit tout ce que je pouvais sur ce sujet.

Voici les cartes pour visualiser les choses. A gauche on a l’oblast de Donetzk, c’est-à-dire la région de Donetzk, avec en gris le territoire actuel de la « république populaire ». A droite, on a l’oblast de Louhansk, avec en hachuré le territoire actuel de la « république populaire ». Or, dans les deux cas, les « républiques populaires » affirment que leur territoire réel est l’ensemble de l’oblast. Cela implique d’en chasser les institutions et l’armée ukrainiennes qui y sont présentes.

Vladimir Poutine lui-même a confirmé cela le même jour :

« Nous les avons reconnus, ce qui signifie que nous avons reconnu tous les documents fondamentaux, y compris la Constitution, et la Constitution définit les frontières dans les régions de Donetsk et de Louhansk à l’époque où elles faisaient partie de l’Ukraine. »

Pour qu’il n’y ait aucune ambiguïté, le même jour, la décision présidentielle a également été ratifié à l’unanimité des présents à la chambre haute du parlement russe et au parlement lui-même.

Ce que cela signifie est ainsi très simple. Le Donbass séparatiste n’a qu’à pousser à l’affrontement et, immédiatement, la Russie se devra, en raison de l’accord signé le 21 février 2022, venir à sa rescousse. Les bombardements entre le Donbass séparatiste et le régime ukrainien ne cessent d’ailleurs pas, prenant toujours plus d’ampleur, débordant toujours plus des zones habituelles.

Pour ce faire, Vladimir Poutine a demandé et obtenu du Conseil de la Fédération l’autorisation d’envoyer des troupes russes au-delà des frontières (on reconnaît le grand souci légaliste de la Russie historiquement). Ce qui donne ici une lecture très impériale des choses : on a annexe le voisin, mais légalement du point de vue interne.

Et il y a eu également l’évacuation de l’ambassade russe à Kiev, des consulats de Kharkiv, Odessa et Lviv. C’est là naturellement un signe annonciateur d’une offensive militaire, allant de pair avec l’ultimatum fait le 21 février à l’Ukraine.

Cette dernière, de son côté, a proclamé la mobilisation des réservistes, 218 000 hommes, ce qui exige une intendance énorme que, de fait, le régime n’est pas du tout en mesure de satisfaire. Le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kuleba s’est d’ailleurs précipité à Washington, le président américain Joe Biden prenant la parole pour annoncer une panoplie de sanctions, alors que la superpuissance américaine va envoyer dans les pays baltes 800 hommes et 20 hélicoptères d’attaque AH-64 (depuis l’Italie), huit avions de chasse F-35 quittant l’Allemagne pour la Pologne.

Le Royaume-Uni compte viser des banques et des oligarques russes, l’Allemagne a gelé la certification du gazoduc North Stream 2, l’Union Européenne a visé les 351 députés russes ayant voté la reconnaissance, ainsi que 27 personnalités et entreprises. Ont pareillement mis des sanctions l’Australie, le Canada, le Japon…

En fait, la Russie a mis le feu à l’ordre international capitaliste, en raison de sa propre position de challenger – la Chine fera de même, historiquement c’est inévitable. Tout cela est un saut qualitatif de plus dans le bellicisme. Et cette situation catastrophique n’en est qu’au début.

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L’armée française concurrencée par l’armée russe en Méditerranée

La mer Méditerranée est au cœur de la bataille pour le repartage du monde.

Historiquement, la France est très présente en Méditerranée, qu’elle entend contrôler de sa puissance navale. Depuis Toulon jusqu’à Beyrouth, l’armée française a normalement les coudées franches dans ces eaux, patrouillant, manœuvrant et s’exerçant comme elle le souhaite.

C’est de moins en moins le cas notamment en raison de la présence de l’armée russe, qui elle aussi entend accroître son hégémonie dans la région depuis quelques années, comme le constate de manière ultra-détaillée un rapport parlementaire sur les enjeux de défense en Méditerranée de février 2022.

Le document traite de toute la zone, évoquant la Turquie et son « enhardissement », les tensions Algérie/Maroc, la question de la Libye ou encore en parlant d’un réarmement généralisé comme le montre la carte suivante.

Mais c’est la question de la Russie qui est particulièrement intéressante dans ce rapport. Bien que Vladimir Poutine le réfute mot pour mot, sa politique expansionniste de grande puissance consiste en effet en un retour à l’Empire russe. Cela est particulièrement flagrant sur la question brûlante de l’Ukraine et la reconnaissance le 21 février 2022 des deux régions séparatistes, avec tout l’escalade militaire allant avec.

Et c’est également flagrant en ce qui concerne donc la présence dans les eaux méditerranéennes.

Il est constaté à quel point « l’établissement d’une présence navale russe permanente en Méditerranée est redevenu prioritaire », notamment depuis 2013 et la création de la « force opérationnelle permanente de la marine russe en Méditerranée », rattachée à la « flotte de la mer Noire ».

Selon les experts auxquels se réfère le rapport parlementaire, ce groupement peut compter sur « plus d’une quinzaine de bâtiments de combat, dont certains sont équipés du missile de croisière Kalibr ». Il s’appuie sur deux bases principales, acquises de part le soutien militaire russe au régime syrien. Il y en a une dans le port de Tartous dont la gestion opérationnelle a été confiée par la Syrie à la Russie pour une durée de 49 ans en décembre 2017, une autre consistant en la base aérienne près de Lattaquié.

Voici l’inventaire (au conditionnel) des capacités militaires majeurs russes sur ces bases :

  • de façon permanente une dizaine de bâtiments de tonnages faibles mais relativement récents, dont deux sous-marins de type Kilo  ;
  • des systèmes de défense anti-aérienne de type S-400 ;
  • un système de défense côtière Bastion-P dotée de missiles de croisière anti-surface ;
  • une trentaine d’avions (Su-35, SU-34 et Su-24) et hélicoptères (Mi-35 et Mi-8) ;
  • des bombardiers supersoniques TU 22 ainsi que celui MiG-31K, dotés de missiles aérobalistiques et hypersoniques Kinjal.

Le document parlementaire français constate alors :

« Cette implantation russe en Syrie fait donc de la Méditerranée orientale le pôle de rayonnement de la puissance russe en Europe. »

Précisons bien évidemment ici que la France ne constate pas tout cela de manière neutre et pacifique, mais bien dans le cadre de sa concurrence de grande puissance dans la région. Les parlementaires évoquent directement « un défi pour nos forces », en insistant sur l’importance de cette concurrence russe :

« Le dispositif russe est de nature à restreindre fortement la liberté d’action de la France et de ses partenaires dans la zone.

Tout d’abord, les déploiements de nos capacités en Méditerranée orientale sont désormais régulièrement sources d’interactions, d’intensité variable, avec les forces russes, comme l’ont confirmé le capitaine de vaisseau Hervé Siret et le colonel Romain Canepa, représentant le centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) de l’état-major des Armées auditionnés par les rapporteurs (…).

Par ailleurs, la mise en place par la Russie de systèmes de défense anti-aérienne participe à la création de bulles de déni d’accès.

Dans cette perspective, la réitération de l’opération Hamilton serait aujourd’hui plus complexe à mettre en œuvre, comme l’a reconnu le général Philippe Moralès.

Ainsi, en cas de crise, « ces dispositifs russes pourraient être mis à profit à des fins offensives et être mobilisés par les armées russes pour restreindre l’accès des forces occidentales au canal de Suez, à la mer Noire et à la Méditerranée orientale », comme le relève une note de la Fondation pour la recherche stratégique. »

Il faut prendre ici toute la mesure de cette dernière citation ; l’actualité est belle et bien la tendance à la guerre, avec une grande bataille à venir pour le repartage du monde, avec la Méditerranée comme un hotspot stratégique. Cela d’autant plus qu’il est question pour la Russie, d’après ce rapport, « d’élargir son influence dans les autres zones de Méditerranée », avec comme points d’appuis et d’alliance la Libye et l’Algérie ainsi que l’Égypte.

On n’a pas ici un « calcul » de la part de la Russie consistant en un « besoin d’accès » géographique, ni à une quelconque situation historique ou des enjeux strictement économiques. Ce qui est en jeu, c’est une concurrence entre grandes puissances qui veulent assurer leur hégémonie dans un contexte mondial de tensions guerrières. Le rapport parlementaire français parle d’ailleurs très bien, dans le titre de la partie consacrée à la Russie, de « compétiteurs stratégiques mondiaux à nos portes » (le pluriel est employé, mais il n’est en fait question que de la Russie, même si bien entendu la question turque se pose parallèlement).

Ce rapport, sous influence de la majorité parlementaire favorable à Emmanuel Macron, prend forcément le point de vue de l’OTAN et de la concurrence hostile à la Russie. Il est regretté notamment le « désengagement » américain en Méditerranée, avec également le constat suivant :

« La Russie pourrait profiter de façon opportuniste d’une crise en Indo-Pacifique qui aboutirait à une concentration des moyens américains et otaniens dans cette zone, pour faire avancer ses intérêts en Méditerranée. »

Mais ce point de vue pro-OTAN du rapport parlementaire, qui dénonce en quelque sorte le déploiement russe en Méditerranée, peut tout autant servir dans le sens inverse. C’est-à-dire que la fraction nationaliste de la bourgeoisie française, représentée par Eric Zemmour et Marine Le Pen (et relativement par Jean-Luc Mélenchon), hostile à l’OTAN, peut faire de ce constat de la force russe en Méditerranée, justement une occasion d’alliance avec la Russie.

Cela d’autant plus que l’armée russe est toujours tout à fait bienveillante vis-à-vis de la France, bien que les deux armées se marchent ici ouvertement dessus. Le rapport parlementaire français précise en effet très bien que les nombreuses « interactions » se déroulent « de façon professionnelle » (en langage militaire cela veut dire de manière amicale), tout en constatant que ce n’est pas le cas en ce qui concerne les interactions russes avec les armées américaines et britanniques.

On est dans une période de basculement, d’alliances, de contre-alliances… Comme juste avant 1914 !

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La Russie introduit un nouveau désordre mondial en reconnaissant la souveraineté du Donbass séparatiste

Toute une époque a pris fin.

Le monde pacifié né de la fin de l’URSS et de l’inscription de la Chine dans le capitalisme mondial a bel et bien disparu : la prospérité capitaliste pendant trois décennies cède la place au chaos de la bataille pour le repartage du monde. La reconnaissance par la Russie des « deux républiques » populaires du Donbass séparatiste le 21 février 2022 a cloué le cercueil d’une période frappée à mort par l’irruption de la pandémie en 2020.

Le capitalisme a alors été incroyablement ralenti, bien qu’il ne puisse justement pas ralentir, par définition même. La course pour rattraper l’accumulation s’est transformée en tendance à la guerre et l’Ukraine a été le grand point de fixation, avec Taiwan. C’est pourquoi agauche.org en parle depuis avril 2021 de manière intense, et cela a été juste : cela montre la valeur d’avant-garde, au sens de la Gauche historique, du travail d’analyse et d’orientation mené.

Ceux qui ont considéré que les gilets jaunes ou telle grève de fonctionnaires formaient une « actualité » n’ont rien compris au sens de l’Histoire. Il faut voir les choses en grand, avoir de l’envergure. Sans cela on en reste au point de vue du capitalisme et de ses représentants. Car toute les figures politiques françaises sont sous le choc. Toutes croient fermement en la stabilité du capitalisme, alors forcément le ciel leur tombe sous la tête.

Même Eric Zemmour, pro-Russie, disait la veille qu’il ne croyait pas en une intervention militaire russe, alors que Marine Le Pen, historiquement pro-Russie également, a réagi à la nouvelle situation en affirmant qu’il fallait une grande conférence européenne sur la base des accords de Minsk que la Russie vient justement de jeter à la poubelle en reconnaissant les régions séparatistes ukrainiennes comme des Etats.

On notera d’ailleurs que la reconnaissance par la Fédération de Russie de la « république populaire » de Donetzk et de celle de Louhansk, dans la plus pure tradition « légaliste » russe, relève de deux « oukazes » différents.

« Sur la reconnaissance de la Rrépublique Populaire de Donetzk »
« Sur la reconnaissance de la Rrépublique Populaire de Louhansk »

Cette décision présidentielle de reconnaissance des « républiques populaires » suit également toute une procédure, commencé par un vote effectué en ce sens au parlement russe le 15 février 2022, sur proposition du Parti communiste de la Fédération de Russie de Guennadi Ziouganov, principale force d’opposition avec un peu moins de 20% des voix.

Pour : 351 voix (78%), Contre: 16 voix (3,6%), Abstention : 1 (0,2%), Participation : 351 (81,8%).

Officiellement, le président russe Vladimir Poutine et le gouvernement n’y étaient pas favorables, car cela remettrait en cause les accords de Minsk, qui prévoient ou plutôt prévoyaient un retour du Donbass séparatiste dans le cadre d’une Ukraine fédérale. Un tel retour empêcherait, par le droit de veto fédéral, l’intégration de l’Ukraine à l’Otan ou l’Union Européenne. L’étude présidentielle de la proposition de reconnaissance du Donbass séparatiste semblait donc hypothétique, théoriquement remise à plus tard, sans vraie réponse formelle attendue, etc.

Aussi, lorsque Vladimir Poutine a appelé à un réunion du Conseil de sécurité de la Fédération de Russie le 21 février 2022, il a pris tout le monde de court en transformant cela en discussion sur la reconnaissance de la souveraineté du Donbass séparatiste. Cette discussion du Conseil de sécurité a amené à des prises de position, qu’on devine unanimes.

Se sont prononcés pour la reconnaissance de la souveraineté des « républiques populaires » le premier ministre, le président de la Douma (c’est-à-dire le parlement), le plénipotentiaire présidentiel du district fédéral central, la présidente du Conseil de la fédération de Russie, le secrétaire du Conseil de sécurité, le ministre des Affaires Etrangères, le directeur du FSB (les services secrets intérieurs), le directeur du Renseignement (les services secrets extérieurs), le ministre de la Défense, le ministre de l’Intérieur, le chef de la Garde nationale.

Deux responsables ont voté pour la reconnaissance en l’absence d’amélioration de la situation : le vice-président du Conseil de sécurité Dmitri Medvedev et le secrétaire du Conseil de sécurité Nikolaï Patrouchev, tous deux extrêmement proches du président russe Vladimir Poutine. Ce dernier n’a pas immédiatement donné son avis.

On remarquera au Conseil de sécurité la distanciation, systématique depuis la pandémie chez Vladimir Poutine à moins d’innombrables tests (Emmanuel Macron à Moscou en avait fait quatre mais avait refusé un test russe par désir de ne pas laisser son ADN, tout comme le chancelier allemand Olaf Scholz par ailleurs)

Et lorsque le Conseil de sécurité russe a commencé en début d’après-midi et que le thème de la reconnaissance du Donbass séparatiste a été connu, les diplomaties des pays occidentaux ont été sous le choc, réagissant de manière outrée. La veille encore le président Vladimir Poutine avait expliqué au président Emmanuel Macron qu’il acceptait une rencontre prochaine avec le président américain Joe Biden, et qu’il n’y aurait pas d’intervention en Ukraine. Le jour même, les ministres français et russe des Affaires étrangères (Jean-Yves Le Drian et Sergueï Lavrov) avaient convenus de se rencontrer le 24 février à Paris pour des « consultations préparatoires » en vue d’un sommet sur l’Ukraine.

Tout cela est tombé à l’eau d’un coup. A 19h, le président Vladimir Poutine a appelé le président français Emmanuel Macron et le chancelier allemand Olaf Scholz pour leur faire part de sa décision de reconnaître la souveraineté des « républiques populaires », passant immédiatement par la signature d’un traité d’amitié et d’entraide avec leurs présidents, Denis Pouchiline (pour Donetzk) et Leonid Pasechnik (pour Louhansk).

Leonid Pasechnik, Denis Pouchiline, Vladimir Poutine

Vladimir Poutine a ensuite embrayé pour une allocution d’une heure à la télévision russe pour rendre publique son choix et expliquer la situation, avec un mélange de vérité et de contre-vérité afin que les choses s’interprètent dans le sens de l’expansionnisme russe. Les Russes du Donbass séparatiste seraient la cible d’un génocide du régime fantoche ukrainien (ce qui est faux même si le régime est fanatiquement anti-russe), qui a fait du pays une colonie américaine (ce qui est vrai), avec l’OTAN cherchant à installer à la fois des bases et des installations nucléaires (ce qui est vrai aussi).

De toutes façons l’Ukraine serait, dit Vladimir Poutine, une invention de Lénine, aidé de Staline en 1945 avec le retour de la partie ukrainienne orientale (ce qui est vrai au sens où les bolcheviks ont reconnu la nation ukrainienne et mis en place une politique d’ukrainisation dans les années 1920-1930). Faisant allusion à la « décommunisation » menée en Ukraine de manière forcenée depuis 2014, il en conclut qu’une réelle « décommunisation » impliquerait le retour de l’Ukraine à la Russie. Voici la vidéo de l’intervention, qui dure une heure, en français, qu’il est résolument utile de connaître.

Dans la foulée, l’armée russe a été envoyée dans les « républiques populaires » pour oeuvrer à la « pacification », alors que les bombardements (à l’artillerie et aux mortiers) entre celles-ci et l’Ukraine continuent de manière effrénée. Il va de soi que cela forme un contexte explosif.

Sans attendre, la France et la Grande-Bretagne ont annoncé oeuvrer à des sanctions, la France ayant d’ailleurs immédiatement tenu un conseil de défense et de sécurité nationale avec le président Emmanuel Macron, le ministre de l’Europe et Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, la ministre des Armées Florence Parly, ainsi que le ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance Bruno Le Maire.

La superpuissance américaine a instauré immédiatement des représailles économiques contre les « républiques populaires », évacuant vers la Pologne le personnel de l’ambassade américaine en Ukraine de Lviv (à l’ouest du pays) et conseillant au président ukrainien Volodymyr Zelensky d’être prêt à quitter Kiev pour Lviv.

Volodymyr Zelensky a également tenu une brève allocution… à deux heures du matin pour expliquer que la décision russe mettait un terme aux accords de Minsk et ne changeait finalement rien du tout, l’armée ukrainienne veillant à la situation. Plus tard encore dans la nuit, les Nations Unies tenaient un conseil de sécurité d’urgence.

Car c’est de fait la panique dans toutes les diplomaties mondiales, dans tous les gouvernements du monde. La Russie a ouvert la voie de la déstabilisation par la force – et tout le monde a bien conscience que le processus n’est même pas terminé encore, puisque l’armée russe entoure l’Ukraine armée jusqu’aux dents, que la déstabilisation de l’Ukraine est en cours. Tout l’édifice né en 1991 est ébranlé. Comme dit le 5 avril 2021 dans l’article L’incroyable silence sur le conflit Russie-Ukraine :

« Ce qui se passe à la frontière de l’Ukraine et de la Russie change la donne. C’est l’expression de la grande crise, commencée avec le COVID-19 mais traversant toute la société, toute l’économie. Plus rien ne tient. La bataille pour le repartage du monde devient la grande tendance… »

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Incessants bombardements au Donbass et réouverture en France de manière pro-Zemmour de la représentation officielle de la « république populaire » de Donetsk

Aucun camp ne lâche prise.

La Biélorussie et la Russie devaient terminer leurs manœuvres militaires en Biélorussie le 20 février et c’est finalement repoussé en raison de l’importante tension dans le Donbass qui sert ici de prétexte prévu ou calculé, et jouant dans tous les cas un rôle utile alors que la Russie continue d’amener troupes et matériel aux frontières ukrainiennes, rapprochant celles en place des frontières en tant que tel. Il y a ainsi près de Belgorod, à quelques kilomètres de l’Ukraine, des chars T-72 équipés de charrues anti-mines, de réservoirs supplémentaires, de protections latérales réactives… L’une des questions qui se posent ici au sujet de ces troupes se rapprochant de l’Ukraine est l’application de la lettre Z sur certaines unités, la principale théorie étant d’éviter de confondre celles-ci avec l’armée ukrainienne utilisant le même matériel.

A la menace plus que concrète, totalement réelle et formant même un processus déjà en cours, de l’invasion russe de l’Ukraine, s’associe en tout cas avec les manœuvres prolongées la menace de la participation de la Biélorussie, qui est située très proche de Kiev. Cela impliquerait une occupation d’une large partie du pays dans un tel cas de figure, ainsi qu’un possible passage par la zone d’exclusion mise en place à la suite de la catastrophe de la centrale nucléaire de Tchernobyl.

Carte de la radioactivité autour de Tchernobyl en 1996 (Eric Gaba – wikipédia)

On sait comment cette zone est désormais également un lieu de passage pathétique pour des touristes occidentaux écervelés, se mettant en scène de manière morbide surtout dans la ville abandonnée de Pripiat. On est là dans l’exemple même de la stupidité de gens façonnés par le 24 heures sur 24 du capitalisme et se retrouvant dans ce qui est glauque, malsain, et d’ailleurs célébré par des jeux vidéos, des films, des séries, etc. D’ailleurs, si rester sur la zone n’est pas dangereux, elle est fatale aux guides qui ne peuvent mener leur activité que 10-15 ans avant de succomber. On imagine l’impact qu’aurait des dizaines de milliers de soldats et surtout de véhicules militaires très lourds, libérant la poussière radioactive de manière massive.

Pripiat, une ville victime d’une catastrophe nucléaire et cible d’un voyeurisme ignoble

De manière étrange, le président français Emmanuel Macron a eu le 20 février 2022, pendant presque deux heures, le président russe Vladimir Poutine au téléphone, qui lui a garanti que la Russie quitterait bien la Biélorussie à la fin des manœuvres. Cela ne colle pas avec la continuation des manœuvres. Il ne faut cependant pas chercher de la cohérence et il est vrai cependant que l’Élysée lui-même a présenté cet appel comme celui « de la dernière chance ». Les promesses n’engagent que ceux qui y croient et tout est dit tout le temps, y compris son contraire. C’est le sauve-qui-peut et d’ailleurs, à la suite de son appel à Vladimir Poutine, Emmanuel Macron a appelé le président américain Joe Biden, le chancelier allemand Olaf Scholz, le président ukrainien Volodymyr Zelensky, puis de nouveau Vladimir Poutine!

Autre exemple d’incohérence apparente, propre à cette situation dramatique, à la conférence de Munich sur la sécurité le 19 février 2022, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a expliqué qu’il fallait de la résolution contre la Russie et le risque d’invasion, qu’il fallait soutenir l’Ukraine contre la menace russe, qu’il fallait des sanctions préventives contre la Russie… Alors qu’en même temps lui et l’ensemble du gouvernement ukrainien expliquent qu’il n’y a aucune menace d’invasion russe à court terme, que l’armée russe n’a rien mis en place indiquant une offensive.

Le régime ukrainien dit également être sur la défensive, alors que dans les faits il y a eu les 19 et 20 février de violents et toujours plus nombreux bombardements au moyen de l’artillerie et de mortiers contre le Donbass séparatiste, qui réplique de manière acharnée bien sûr. Le régime ukrainien explique cela en disant que le Donbass séparatiste fait lui-même dynamiter des bâtiments pour ensuite l’accuser. Le Donbass séparatiste explique de son côté qu’il a repoussé une tentative de pénétration de la 79e brigade d’assaut ukrainienne et que l’Ukraine prévoit de l’attaquer la nuit du 21 février.

La Russie ne dit étrangement rien au sujet de cette escalade, alors qu’en plus elle doit accueillir à Rostov-sur-le-Don un million de réfugiés et qu’elle a commencé à en recevoir plu de 50 000. Ce silence est expliqué par l’intervention publique prévue de Vladimir Poutine le 22 février, où il abordera la question du Donbass de manière très franche, est-il dit, notamment parce que le parlement russe a demandé la reconnaissance comme souveraine des « républiques populaires » de Donetzk et Louhansk.

En même temps, la Russie a fermé militairement, pour des manœuvres, une large partie de la mer d’Azov tant au transport aérien que maritime.

Et qu’a-t-on de nouveau en France à ce sujet ? L’ouverture de la représentation officielle de la « république populaire » de Donetsk en France ! Le compte Twitter du représentant a été ouvert le 13 février, en mode totalement pro-Eric Zemmour naturellement, mais officialisé le 19 février. En fait, il s’agit d’une initiative de Hubert Fayard, ancien premier adjoint de Bruno Mégret à la mairie de Vitrolles et déjà « représentant » depuis 2017, avant que l’État n’interdise cela en mars 2021.

L’adresse de la représentation était la même qu’une « agence de rencontres », dénommée « Amour de Russie », ce qui a valu à Hubert Fayard 18 mois avec sursis et mise à l’épreuve pour « proxénétisme aggravé ».

Pro-chasse, évidemment !

Une association parallèle avait été montée et la « représentation » compte désormais ouvrir plusieurs succursales, dan chaque région, au premier mars. Il va de soi qu’il s’agit là d’une initiative s’inscrivant dans la mise en perspective « hybride » de la guerre par la Russie. C’est là un dispositif « conservateur révolutionnaire » tout à fait en phase avec Eric Zemmour, qui est extrêmement prudent dans ses formulations pro-Russie, mais qui relève forcément du même phénomène : si Marion Maréchal le rejoint, alors il est très clair qu’il y a aussi la Russie à la manœuvre.

La France devient le terrain de bataille du camp pro-américain et pro-turbocapitaliste et du camp pro-russe conservateur révolutionnaire. Mais la France est suffisamment un pays de lutte de classe pour que ce sinistre conflit ne devienne pas l’actualité… A condition que la Gauche historique soit à la hauteur !

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Eric Zemmour, c’est le candidat du parti de la guerre!

Eric Zemmour, c’est la guerre, avec une orientation favorable à la Russie !

L’été dernier, en juin 2021, Eric Zemmour le polémiste se désolait de la faiblesse de l’armée française en moquant une « armée d’échantillon ». Il affirmait :

« On a de tout pour tout. On peut faire une guerre à tout le monde… pour une journée, après il n’y a plus rien. Après il n’y a pas assez de munitions, d’hélicoptère, de sous-marins, etc. »

Maintenant qu’il est candidat, la question de l’armée est pour lui primordiale. Car il est le candidat de la haute bourgeoisie voulant faire basculer la France dans un militarisme généralisé pour se lancer dans la bataille pour le repartage du monde.

Il ne s’agirait plus d’accompagner l’ordre dominant ayant la superpuissance américaine comme force hégémonique, mais de vouloir tirer son épingle du jeu dans des combats impériaux pour le redécoupage du monde selon les intérêts des uns et des autres. C’est pour cela qu’Eric Zemmour propose de sortir de l’OTAN et se tourner vers la Russie.

Eric Zemmour explique pour cette raison qu’il mettra le paquet sur les militaires qui doivent voir leur solde augmenter de 20 % dès 2023, avec une amélioration des conditions de logement et d’hébergement, de pensions d’invalidité, etc. Cela s’associe à leur valorisation systématisée, pour ce qu’il appelle « l’immense reconnaissance de la nation » aux soldats, c’est-à-dire en vérité une mobilisation générale du camp de la guerre.

Samedi 19 février, Eric Zemmour tenait ainsi un meeting important au pied du Mont-saint-Michel, qu’il a choisi comme symbole nationaliste, mais aussi militaire, Saint-Michel étant présenté comme « ange supérieur et ange militaire » pour justifier un nationalisme offensif appelant à mener un « combat spirituel » pour défendre « âme », « identité », « indépendance ». Sa perspective est donc la « puissance » de l’armée française pour affirmer le pays dans le monde et contre le monde :

« Toute ma vie, je combattrai cette vision de la France vassale, de la France valet, de la France marionnette »

Concrètement Eric Zemmour entend donc augmenter de près de 30 milliards d’euros le budget de la Défense d’ici à 2030, avec au programme 3,6 milliards d’augmentation par an d’ici là. Le budget devant atteindre le montant de 70 milliards d’euros annuel pour financer :

  • une armée de terre de 100 000 hommes en 2027,
  • 300 avions de chasse en 2040,
  • un 2e porte-avion,
  • 20 frégates et 8 sous-marins nucléaires d’attaque.

Tout cela étant considéré par lui comme n’étant « pas un luxe mais un minimum vital », car il défend l’option d’une France puissante militairement par elle-même,

Dans sa conférence de presse du 17 février concernant le sujet de la « défense nationale », il a évoqué son orientation pro-Russie de la manière suivante :

« Tout en construisant de nouvelles alliances avec les pays qui partagent notre vision du monde et des menaces. »

Au sujet de l’Ukraine, il a visé « l’instrumentalisation américaine de la situation », en expliquant que pour sa part il veut :

« une relation normalisée et apaisée avec la Russie, sans complaisance ni provocation inutile. Pour moi les choses sont claires : l’extension de l’OTAN aux portes de la Russie n’a aucune justification pour la sécurité de l’Europe et j’y suis résolument hostile. Les Russes ne sont ni nos alliés ni nos ennemis »

Eric Zemmour est le candidat du parti de la guerre ! Il a pris la place de Marin Le Pen comme vecteur des exigences de la haute bourgeoisie, de la fraction la plus agressive de la bourgeoisie française ! Il représente l’aspect principal de la tendance à la guerre en France !

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Guerre

Eric Zemmour, c’est la France lancée dans la bataille pour le repartage du monde

Eric Zemmour développe une ligne néo-gaulliste au service du complexe militaro-industriel français.

Il est dorénavant clair qu’une partie de la classe dominante veut aller de l’avant, au dépend des travailleurs en France, au dépend du peuple et de la paix dans le monde. La proposition d’Eric Zemmour va clairement dans ce sens d’une restructuration anti-sociale pour mieux servir l’expansionnisme de la France, qui voit sa place dans le monde dégringolée.

Samedi 19 février, Eric Zemmour a tenu un meeting sur le thème des questions militaires et géopolitiques à Pontorson en Normandie dans un champ de maïs devant plus de 2 000 personnes avec en arrière-plan le Mont Saint-Michel. Le choix n’était pas fait au hasard car Saint-Michel y a été longuement présenté de manière lyrique comme la figure religieuse du Saint représentative d’un « combat éternel que se livrent le Bien et le Mal depuis des millénaires ».

Eric Zemmour continue ainsi à déployer un discours de type « civilisationnel » au service du renouveau de la « puissance » française, le mot « puissance » ayant été répété plusieurs fois lors de son discours sur un ton plus qu’offensif, plus qu’agressif.

Il ne faut pas oublier à ce propos que le directeur de campagne d’Eric Zemmour n’est autre qu’un ancien haut gradé de l’armée française, le général Bertrand de La Chesnais, également membre de l’association d’entraide de la noblesse française.

On retrouve ici toute une ligne historique des cadres dirigeants de l’armée française, littéralement subjugués par le courant national-catholique de l’Action française. Son expertise sur l’armée française est capitale pour le candidat Eric Zemmour, comme lorsqu’il affirme :

« Notre armée souffre. Elle souffre d’un manque d’hommes, d’un manque de moyens, de munitions, de chars, de drones, de frégates. Et surtout, elle souffre d’un manque de vision de la part du chef de l’État et d’un manque de considération de la part des politiciens professionnels. »

La haute bourgeoisie, ainsi que l’état-major de l’armée sait que l’on va vers des déflagrations entre grandes puissances, comme le montre déjà la crise ukrainienne. Et la grande question reste celle de la capacité de mobilisation des armées, d’une quantité de masse mobilisable, de la capacité logistique et industrielle, du lien de confiance entre la société et l’État.

Or, la France ce n’est plus les années 1910, ni même les années 1930 et il s’agit d’actualiser l’idéologie expansionniste aux conditions de l’époque. C’est pourquoi Eric Zemmour a affirmé être le représentant d’une « ligne stratégique », celle du « gaullisme de la Reconquête ». L’enjeu, ce n’est ni plus, ni moins que de trouver le moyen adéquat de mobiliser le peuple sur une base nationaliste-militariste, contre le « grand déclassement » de la puissance française.

Dans cette logique, il a été salué le repli nationaliste exercé par Donald Trump aux États-Unis, une voie à suivre que l’on comprend comme opposée à celle d’Emmanuel Macron qui propose le renforcement de l’Union Européenne avec notamment la construction d’une « armée de la défense européenne », en fait intégrée à la perspective de l’OTAN et de la superpuissance américaine.

A ce point de vue, la division de la bourgeoisie devient toujours plus clair, plus limpide et témoigne des tensions entre grandes puissances et de la bataille pour le repartage du monde au cœur de la France.

Pour réaliser cette ligne, Eric Zemmour a notamment affirmé la nécessité d’un « ministère des armées et de l’industrie de la défense » avec à la clef une hausse de 3,6 milliards d’euros par an dans le budget dit de la défense pour le porter à 70 milliards d’euros en 2030 (il est d’environ 41 milliards actuellement).

C’est là une signal fort pour le complexe militaro-industriel français, tel Dassault, Nexter, Thalès, Safran, etc., et tout le système de la sous-traitance industrielle. C’est faire passer le message que la chaîne logistique et d’approvisionnement va être pleinement assurée et protégée par l’État lui-même, de la manière la plus autonome possible.

Le but est bien évidemment de se désengager au maximum de la coopération européenne, et notamment du partenariat avec l’Allemagne. Mais pour forger un tel ministère et y adjoindre cette hausse conséquente de son budget, il va bien falloir pressuriser les travailleurs alors que la France est endettée jusqu’au cou.

Mais surtout, c’est une tendance au renforcement de l’appareil militaire sur l’ensemble des décisions politiques, sur la politique industrielle elle-même et quiconque n’a pas abandonné les principes de la Gauche historique sait que cela signifie le fascisme.

Dans le cadre de la bataille pour le repartage du monde, les États doivent concentrer et centraliser les décisions, et cela s’exprime dans cette axe néo-gaulliste dit de « l’État-stratège ». Un État-stratège qui s’arme pour la bataille mondiale, et se muscle pour restructurer le capitalisme, pour engager la guerre anti-sociale. Car il faudrait bien embarquer le peuple et les travailleurs dans la marche vers la guerre mondiale de repartage.

A ce titre, il n’est pas étonnant qu’Eric Zemmour ne cesse de se déclarer de manière démagogique « contre la lutte des classes » en assumant la politique néo-corporatiste de la participation portée par le général de Gaulle dans les années 1960. Il s’agit d’unifier le peuple, de le « nationaliser » et d’éviter le moindre grippage social intérieur.

Dans le contexte politique et international actuel, Eric Zemmour apparaît toujours plus en phase avec les préoccupations d’une haute bourgeoisie qui cherche à se sauver par tous les moyens possibles d’un monde capitaliste qui s’effondre sur lui-même.

Jamais le mot d’ordre des antifascistes des années 1930 n’a semblé aussi juste qu’en notre époque, car oui le fascisme, c’est la guerre, c’est la misère. Contre le fascisme et son expansionnisme militaire, il nous faut mobiliser le peuple pour la paix, pour la prospérité, pour faire payer la crise aux riches. Il nous faut le Socialisme. C’est là tout l’enjeu de notre époque !

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Guerre

Départ de la population civile du Donbass séparatiste pour la Russie

Le Donbass séparatiste applique la mobilisation totale.

Le Donbass avait été marqué le 17 février 2022 par de violents affrontements à coups d’artillerie (et de snipers, et de drones laissant tomber des grenades). Ils avaient commencé très tôt, s’étaient arrêtés dans la matinée, pour reprendre par la suite notamment en soirée, montant en charge à chaque fois.

On peut se demander pourquoi le régime ukrainien est assez fou ou stupide pour se permettre une telle participation aux combats alors qu’il y a pratiquement 200 000 soldats d’une armée russe cherchant un prétexte pour lancer son offensive. Cela montre vraiment à quel point ce régime est gangrené par la superpuissance américaine et l’aveuglement nationaliste. Un pays est transformé en chair à canon pour satisfaire les ambitions des pays capitalistes occidentaux dans leur conquête de l’Est.

L’aggravation de la situation a amené, de manière authentique ou forcée (ou du moins calculée), les « républiques populaires » de Donetzk et Louhansk à annoncer le 18 février dans l’après-midi une mesure radicale : celle de la mobilisation totale. L’ensemble de la population civile non intégrable dans les forces combattantes – femmes, enfants, retraités – est envoyé en Russie, à Rostov sur le Don.

Il y a environ 2,3 millions de personnes dans la « république populaire » de Donetzk et 700 000 personnes vont être transférées ; il y a environ 1,5 million de personnes dans la « république populaire » de Louhansk, donc on parle d’autour d’un peu plus d’un million de personnes au total. C’est un chiffre immense, cela demande une intendance gigantesque, et bien entendu une mobilisation étatique complète.

C’est quelque chose qui marque très profondément l’opinion publique russe, mais aussi les gens en Ukraine, qu’ils soient liés à la culture nationale russe de manière directe ou pas. Il y a là une cassure historique – qu’il faut assumer ou pas. C’est une action choc s’inscrivant parfaitement dans la narration russe justifiant l’invasion de l’Ukraine.

Le pire est qu’il y a une part de vérité dans l’accusation faite comme quoi le régime ukrainien veut tenter de prendre le Donbass séparatiste par la force, ou plus exactement de prendre militairement la zone frontalière avec la Russie et de couper géographiquement les deux « républiques populaires ». Car plus que d’une invasion totale du Donbass séparatiste, tel est l’objectif ukrainien, en sachant que si cela réussit, le reste tombera assez rapidement dans la foulée.

Les deux « républiques populaires » se positionnent, quoi qu’il en soit, pour une guerre totale. On remarquera que leurs décisions, si elles sont les mêmes, sont toujours strictement distinctes, les deux « républiques » appliquant à tous les niveaux le principe d’un gouvernement distinct appliquant des mesures distinctes.

Des soldats de la LNR, la « république populaire de Louhansk »

On notera que les acteurs sur les réseaux sociaux favorables à l’OTAN – des experts attitrés ou non – sont allés jusqu’à affirmer que la Russie bombarderait les réfugiés du Donbass allant en Russie, pour ensuite accuser l’Ukraine. Devant la grossièreté de l’accusation, ils ont fini par retirer ces posts, mais c’est assez typique. Les réseaux sociaux, principalement twitter et telegram, avec des individus agissant de manière « romantique », ou bien des experts ou des think tank, déversent toutes les propagandes faites d’un côté comme de l’autre.

On rentre de toutes façons dans la période où la première victime est la vérité, car désormais les choses doivent être forcées. L’arc narratif est mis en place, ce qui est dit relève de coups assénés pour faire avancer les choses et plus il y a des idiots utiles mieux c’est. Car coups montés ou réelles actions, il devient impossible de savoir.

Il y a eu ainsi le 18 février un attentat à Donetzk, une voiture a explosé près des bâtiments gouvernementaux, celle du colonel Denis Sinenkov, chef de la milice populaire. Est-ce un véritable attentat ou une mise en scène? Le même jour, la « république populaire » de Donetzk a intercepté deux commandos ukrainiens composés de gens parlant polonais en mission pour aller faire sauter une usine de produits chimiques. Or, les Etats-Unis avaient prévenu d’un « false flag » impliquant des agents chimiques. S’agit-il d’une propagande du Donbass séparatiste ou bien d’une tentative ukrainienne pour accuser le Donbass séparatiste si l’opération avait réussi?

Il y a également un gazoduc ayant connu une explosion non loin de Louhansk, ce qui a grandement inquiété les médias pour le coup, car la question du gaz est primordial. Le président du Conseil italien Mario Draghi a d’ailleurs expliqué le même jour qu’il ne fallait surtout pas que les sanctions contre la Russie en cas d’invasion touchent les importations de gaz. Le bloc occidental n’est pas unifié ; il ne peut l’être qu’en cas de victoire, mais elle n’est pas assurée. C’est la superpuissance américaine qui tient avant tout à disposer d’une unité anti-russe, d’où les propos encore très agressifs du président américain Joe Biden à la Maison Blanche le même jour dans une allocution au sujet de l’Ukraine.

La situation se développe exactement comme expliqué depuis début avril 2021 sur agauche.org/ukraine. La bataille pour le repartage du monde refaçonne des pays, des sociétés, des rapports entre les pays, des situations politiques, des rapports de force militaire, la nature des actions internationales en général en leur conférant une nature militaire directe ou indirecte…

Et on se demande ce qui est le pire en ce moment en France : la nullité des très rares gens à gauche cherchant à parler de l’Ukraine car c’est une actualité vue à la TV, ou bien le silence général de la Gauche en général, qui passe complètement à côté d’un événement fondamental changeant la face du mur. Que les gens aient peur des grandes transformations quand elles se profilent ainsi, c’est compréhensibles. Mais de la part de gens affirmant comprendre le monde et savoir comment le changer, c’est inacceptable.

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Intenses affrontements dans le Donbass le 17 février 2022

La ligne de front se pose comme poudrière.

Le Donbass, c’est le bassin houiller du Donets, où l’on trouve notamment la ville de « Torez », avec notamment la compagnie minière « Torezanthracite », en référence à Maurice Thorez qui fut lui-même mineur avant de diriger le Parti Communiste Français des années 1930 aux années 1950. La ville s’appelle encore ainsi, car elle se situe dans la partie séparatiste, plus précisément dans la « République populaire de Donetzk » qui a comme voisine la « République populaire de Louhansk ». La ville de Torez aurait dû normalement changer de nom selon les lois ukrainiennes qui interdisent systématiquement tout ce qui a un caractère « soviétique ».

Voici la carte de la région administrative du Donbass, coupée en deux avec la partie ukrainienne (en jaune avec les villes en bleu) et la partie séparatiste (en rose avec les villes en rouge).

Rouge et rose: villes ou zones qui sont sous le contrôle séparatiste, ; orange: zones de conflits militaires directs entre l’Ukraine et les séparatistes, bleu et jaune: villes ou zones sous le contrôle du gouvernement ukrainien (source wikipédia)

La « ligne de contact » entre les deux est une sorte de mélange de no man’s land et de zones habitées, où dans des conditions d’une précarité immense des snipers, des drones artisanaux lâcheurs de grenades et des artilleurs frappent parfois, et ce de manière ininterrompue depuis 2014.

La pression vient ici clairement de l’Ukraine qui se pose dans une logique de harcèlement permanent, afin de ne pas permettre aux « républiques populaires » de s’installer, même si elles y parviennent relativement de par le poids démographique et économique de la ville de Donetzk, et bien entendu le soutien russe, qui est toutefois relatif. La Russie ne fournit pas du matériel militaire ultra-moderne, gardant une distance officielle tout en contrôlant le régime qui est une sorte de mélange de royaume de seigneur de la guerre et de capitalisme bureaucratique avec une imagerie néo-soviétisante insistant lourdement sur la religion catholique orthodoxe.

Et, donc, cette ligne de contact a été, le 17 février 2022, dès très tôt le matin, le lieu d’intenses tirs d’artillerie avec du matériel normalement non employé de par les accords de Minsk, avec également des escarmouches, l’OSCE comptabilisant 500 ruptures du cessez-le-feu (contre dix fois moins normalement). Rien que du côté du Donbass séparatiste, désormais en alerte général et mobilisant tous les hommes possibles (les passages vers la Russie ont été fermés), cela donne cela le catalogue suivant des actions ukrainiennes à son encontre.

5h32 : bombardement de Sokolniki (Front de Lugansk) depuis les positions de Kriakovka, au moyen de 5 obus de mortier 120 mm et 9 obus de SPG-9 (73mm).
5h35 : bombardement de Zolotoe 5 (Front de Lugansk) depuis Zolotoe 4, au moyen de 7 obus de SPG-9 et 32 grenades autopropulsées AGS-17 tirés, ainsi que des rafales de mitrailleuses lourdes.
5h38 : bombardement de Stanitsa Luganskaïa (Front de Lugansk) depuis les positions de Veselenkoe, au moyen de 12 obus de mortiers de 82 mm.
5h41 : bombardement de Nijne Lozovoe (Front de Lugansk) depuis les positions de Luganskoe. 15 obus de mortiers de 120 mm.
5h55 : bombardement de Kominternovo (Sud de la RPD) depuis les positions de Vodianoe: 2 obus SPG 9 et 20 grenades AGS 17.
5h57 : bombardement d’Oktyabr (Sud de la RPD) depuis les positions de Pishchevik, au moyen de 20 grenades AGS 17.
6h58 : bombardement du village de Petrovskoye (45 km Sud Donetsk) depuis les positions de Starognatovka. 8 obus de mortier de 120 mm.
7h42 : bombardement de Novolaspa (40km Sud Donetsk) depuis les positions de Starognatovka. 12 obus de mortier de 120 mm.
8h24 : bombardement de Novolaspa depuis les positions de Starognatovka, au moyen de 20 grenades AGS 17.
8h25 : mitraillage de Yelenovka (20 km Sud Donetsk) depuis les positions de Taramchouk, au moyen de mitrailleuses lourdes.
8h26 : mitraillage du village de Signalnoe (20 km Sud Donetsk) depuis les positions de Slabnoe, au moyen de mitrailleuses lourdes.
8h30 : bombardement du village minier de Gagarine (Ouest Gorlovka) depuis les positions de Leninskoïe, au moyen de 16 obus de mortier de 82 mm.
9h00 : bombardement du village minier d’Isotov (Nord Ouest de Gorlovka) depuis les positions de Majorsk ,au moyen de 16 mines obus de mortier de 82 mm.
9h15 : bombardement du village minier 6/7 (Nord Ouest Gorlovka) depuis les positions de Majorsk, au moyen de 29 grenades AGS 17.
9h32 : bombardement du village Petrovskoïe depuis les positions de Bogdanovka, au moyen de 20 grenades AGS 17.
9h37 : bombardement du village minier de Trudovsky (Sud Ouest de Donetsk) depuis les positions de Marinka, au moyen de 8 obus SPG 9 et 19 grenades AGS.
9h50 : bombardement du village de Donetskoe, quartier de Mandrynko (Sud Donetsk) depuis les positions de Novomikhailovka, au moyen de 5 obus de mortier de 82 mm.
10h30 : bombardement de Nikolaevka (front de Lugansk) depuis les positions de Oljovoe, au moyen de 15 obus d’artillerie lourde de 122mm, endommageant 4 maisons d’habitations et une usine de production d’huile.
10h42 : bombardement de Novolaspa depuis les positions de Starognatovka, au moyen de 20 grenades AGS.

De leur côté, les Ukrainiens ont notamment accusé les séparatistes d’avoir visé un jardin d’enfants, qui avaient été mis à l’abri quelques minutes auparavant. Cela sent cependant ici la mise en scène, car la fenêtre intacte à côté de l’impact est détruite sur d’autres photos. De toutes manières, chaque camp procède à une campagne d’intoxication permanente.

Les actions armées ont cessé en fin de matinée pour reprendre très brutalement dans l’après-midi. Le même jour, le secrétaire d’Etat américain Anthony Blinken a tenu un discours à l’ONU où il a accusé la Russie de viser à une invasion de l’Ukraine, tandis que la Russie a fait part de sa réponse concernant les messages des Etats-Unis et de l’OTAN, expliquant bien entendu sa déception et la nécessité d’une réponse « technique » sur le plan militaire de sa part. La Russie a également expulsé le numéro deux de l’ambassade des Etats-Unis à Moscou, Bart Gorman, en représailles d’une mesure équivalente récente de la part des Etats-Unis.

La Russie a également fourni des documents à l’ONU concernant des crimes de guerre commis par l’Ukraine en 2014 lors des troubles menant à la naissance des « républiques populaires » séparatistes. Ces dernières parlent de charniers venant d’être découverts. En réalité, ils sont connus depuis le départ, les forces ukrainiennes cherchant à « purger » la zone et les forces séparatistes réagissant dans l’ultra-violence. On est là dans la mise en place d’un schéma narratif et d’un arc de tensions afin de faire s’exprimer la guerre dans les conditions adéquates.

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Fiasco de la journée ukrainienne de l’unité et pseudo-retrait russe des frontières

L’escalade continue.

La Russie a annoncé le 16 février 2022 la fin de manoeuvres en Crimée et les médias se sont empressés de parler de désescalade en général, comme la veille. Or, en pratique, le matériel et les troupes continuent d’arriver aux frontières de l’Ukraine, alors que des trois regroupements ayant quitté la Crimée, un part en Tchétchénie d’où il provient, les deux autres dans leurs bases… près de l’Ukraine.

La Russie joue ici beaucoup sur la volonté des gens des pays capitalistes de ne pas croire que quelque chose puisse vraiment arriver, qu’il puisse réellement y avoir, comme c’est le cas désormais, plus de 300 000 soldats surarmés et au poste de combat. C’est une tension extraordinaire qu’il y a en Ukraine en ce moment. C’est une partie de l’Histoire du monde qui est en train de se jouer. Les gens ne veulent pas le voir. Les rares médias de gauche ou d’extrême-gauche qui parlent de la situation en Ukraine ne saisissent rien à l’envergure de ce qui se passe – parce qu’ils ne le veulent pas. Ils sont corrompus, ils veulent vivre comme avant. Sauf que le monde court à l’abîme.

Symbole de cette tension, trois avions de chasse russes Su-35 ont intercepté de manière non-professionnelle selon la superpuissance américaine des avions patrouilleurs US Navy P-8A de celle-ci en Méditerranée, s’en rapprochant jusqu’à une distance de 1 mètre 50. C’est tout à fait expressif de la situation. Pour rappel, le 12 février, la Marine russe avait chassé par la force un sous-marin américain des eaux territoriales russes dans le Pacifique.

Symbole également de cette tension, la journée d’unité nationale appelée par le président ukrainien Volodymyr Zelensky a été un fiasco. Au niveau des institutions occidentales ou pro-occidentales, cela a été une énorme réussite, avec de nombreux bâtiments illuminés aux couleurs ukrainiennes, comme ici le ministère des affaires étrangères de l’Estonie.

Le régime avait toutefois demandé à la population de placer des drapeaux partout, et force est de reconnaître qu’il n’y a pas eu d’engouement populaire, de marches de millions d’Ukrainiens dans la rue. Il n’y a même rien eu du tout, et c’est logique vue la nature du régime ukrainien, corrompu, avec une oligarchie aussi ignoble qu’en Russie mais en plus une absence encore plus marquée de lois appliquées dans le pays, à quoi s’ajoutent les activités ininterrompues des nationalistes d’un côté, des pro-occidentaux de l’autre.

Cette absence de nature démocratique et populaire de l’Ukraine est d’ailleurs le grand espoir de la Russie pour annexer une bonne partie du pays : il est considéré que les gens ne se bougeront pas pour sauver un tel régime, un État en faillite. Pour donner un exemple de cela, il suffit de parler de la mésaventure qui vient d’arriver à Alina Pash.

Cette chanteuse née en 1992 devait représenter l’Ukraine à l’Eurovision avec sa chanson Les ombres des ancêtres oubliés, une chanson historico-patriotique racontant l’Ukraine dans une perspective romantique et pacifique, ayant comme référence le très célèbre film du même nom de 1965 du réalisateur soviétique arménien Sergei Parajanov, qui se fonde sur le roman au même titre de Mykhaïlo Kotsioubynsky. Le film comme le roman se passe dans les Carpates ukrainiennes d’où vient Alina Pash, et musicalement la chanson de cette dernière est dans la veine de Dakhabrakha et de ce formidable mélange musical à base folk.

Seulement voilà, le régime ukrainien est fanatique et Alina Pash a été victime d’une terrible campagne la forçant à abandonner le 16 février 2022 sa candidature à l’Eurovision. Elle a été accusée de plusieurs « crimes » en étant la cible d’une intense campagne nationaliste.

Primo, elle se dit constamment pour la « paix », ce qui ne correspond pas au discours officiel- une chanteuse comme Onuka qui prononce 50 fois le mot Ukraine par minute et assume l’orientation du régime est au contraire très appréciée, forcément. Secundo, elle a été à un anniversaire en Crimée en 2015 (conquise à l’Ukraine et annexée en 2014 par la Russie), en passant qui plus est par Moscou, ce dernier aspect étant illégal en Ukraine (elle-même a niée être passée par la Russie mais les garde-frontières ukrainiens n’ont pas trace de son passage).

Tertio, elle pose sur les réseaux sociaux à Moscou en 2017- tout en disant « Kyiv » (à l’ukrainienne) et non pas « Kiev » (à la russe), mais cela ne compte pas pour les fanatiques en Ukraine.

Et sur les réseaux sociaux, elle a posé aux couleurs russes, une chose inacceptable par définition pour le régime ukrainien, même si cela remonte à… 2012.

Et Il faut ajouter deux autres choses : en 2018, elle devait participer en Russie au festival musical organisé par la marque Bosco di Ciliegi, appartenant à Mikhail Kusnirovich, un proche de Vladimir Poutine. Elle et d’autres ont été obligés d’annuler in extremis en raison du « scandale » en Ukraine.

En 2019, lors de la journée de l’indépendance ukrainienne, alors qu’elle devait chanter l’hymne national avec d’autres artistes pour une séquence de huit minutes, elle a pris l’initiative de rapper des vers de sa propre composition au sujet de l’Ukraine.

Alina Pash a démissionné mais tous ces éléments faisaient qu’elle devait de toute façon être exclue par les organisateurs du concours. Celui qui a par contre un grand succès en Ukraine est l’ambassadeur ukrainien au Japon, Sergiy Korsunsky, qui pose en pseudo-samouraï pour défier la Russie, avec une iconographie patriarcale-nationaliste… Pathétique.

L’Ukraine est bien mal partie avec un tel régime, avec ses fanatiques, avec la superpuissance américaine et le Royaume-Uni (ainsi que d’autres) la poussant à la guerre. Les armements fournis par les Américains sont d’ailleurs déployés aux frontières avec le Donbass séparatiste désormais – la Russie n’attendant que leur emploi pour justifier son intervention.

Matériel anti-tank et anti-aérien récemment fourni :
FGM-148 Javelin, NLAW, M141, FIM-92 Stinger

La Russie dira : les pays occidentaux disent qu’on voulait envahir, mais on n’a rien envahi, tout est mensonge. Maria Zakharova, porte-parole du ministère russe des affaires étrangères – un ministère déversant des moqueries de manière ininterrompue sur les réseaux sociaux – a ainsi déclaré le 16 février 2022 :

« Je fais une demande particulière aux médias de désinformation britanniques et américains. Pouvez-vous annoncer le calendrier de nos invasions pour l’année à venir ? J’aimerais planifier des vacances. »

Mais dans la foulée, la Russie mentant sur sa propre escalade précise : toute cette propagande informationnelle contre nous a été un prétexte pour armer l’Ukraine contre le Donbass. Et c’est vrai, car l’Ukraine est poussée à la guerre par les pays occidentaux, qui y voient de la chair à canon.

Telle est la réelle actualité : les grandes puissances prêtes à tout pour diviser pour régner, pour diffuser la guerre, pour s’imposer dans la bataille pour le repartage du monde !

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Piratage informatique massif en Ukraine et appel du parlement russe à la reconnaissance du Donbass séparatiste

Le 15 février 2022 fut lourd de conséquences.

Alors que le chancelier allemand Olaf Scholz était à Moscou le 15 février 2022, après avoir été à Kiev la veille, le parlement russe a appelé le président russe Vladimir Poutine à reconnaître les « républiques populaires » de Donetzk et de Louhansk comme États indépendants. Cet appel direct au président permet de contourner diverses navettes entre différentes instances, notamment le ministère des affaires étrangères.

Vladimir Poutine a réagi de la manière suivante :

« La majorité des députés ont soutenu la résolution, qui a été présentée, en fait, par le parti d’opposition – le Parti Communiste de la Fédération de Russie. Je partirai du fait que nous devons tout faire pour résoudre les problèmes du Donbass, en premier lieu, sur la base des opportunités non pleinement réalisées pour la mise en œuvre des accords de Minsk. »

Il faut se rappeler que normalement, les accords de Minsk (signés par l’Ukraine et la Russie, la France et l’Allemagne) prévoient une réintégration progressive dans l’Ukraine du Donbass séparatiste, dans un cadre fédéral. Jusqu’à présent la Russie s’est toujours refusée à abandonner les accords de Minsk qu’elle a réussi à mettre en place en 2014 et qui forment un levier sur l’Ukraine.

Or, on voit ici avec ce que dit Vladimir Poutine que le discours de plus en plus officiel du côté russe est que l’Ukraine ne réalisera pas les accords de Minsk – il faut dire aussi que l’Ukraine ne s’en cache pas, sachant que la reconnaissance d’une nature fédérale à l’État ukrainien empêcherait le régime d’aller vers l’OTAN et l’Union européenne. Ce qui implique du côté russe qu’une reconnaissance du Donbass séparatiste doit, « logiquement », s’accompagner d’une intervention militaire de protection.

La seule autre possibilité est que la France et l’Allemagne aient assez de poids pour amener l’Ukraine à suivre les accords de Minsk – mais l’Ukraine est principalement un satellite américain, et les États-Unis veulent se servir de ce pays comme tête de pont dans sa conquête de l’Est allant jusqu’au bout, jusqu’à Moscou.

La Russie a d’ailleurs mené une vaste campagne de piratage informatique en Ukraine le 15 février 2022. Cela n’a bien entendu pas été revendiqué en tant que tel, mais c’est très clair. On parle ainsi de l’effondrement des sites ministériels (dont l’armée et les services secrets), ainsi que ceux des deux principales banques (Privatbank et Ochtchadbank) dont les activités ont été bloquées. Commencée au tout début d’après-midi, l’attaque de type DDOS (déni de service) s’est prolongée pendant au moins une dizaine d’heures.

Pour l’anecdote, un stream de l’agence Reuters montrant une place de Kharkiv [en fait de Kiev] a également vu plusieurs fois l’hymne russe émerger en fond sonore… On est là bien entendu dans une vaste opération à la fois technique et psychologique. D’ailleurs, officiellement, la Russie a annoncé qu’elle commençait à retirer des troupes de la frontière avec l’Ukraine, en raison de la fin des exercices. Le quotidien Le Monde indique ainsi que :

« La Russie a envoyé, mardi 15 février, les premiers signaux d’une détente dans la crise autour de l’Ukraine qui dure depuis la fin de l’année 2021. »

L’article précise bien que les occidentaux sont sceptiques, mais cela ne change rien au fait que l’ensemble des médias internationaux ont repris telle quelle cette information d’une désescalade russe n’ayant strictement aucune réalité.

Tout cela est très calculé du côté russe, tout comme le sont les différentes positions américaines et britanniques. Il y a toute une mise en place militaire et une narration orchestrée pour la justifier. Comme en 1914, chaque camp accusera l’autre d’avoir commencé.

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Ukraine : l’heure du basculement

Toutes les contradictions s’alignent sur la question ukrainienne et exigent une résolution.

Il y a désormais du côté russe pratiquement 70% de l’armée de terre aux frontières avec l’Ukraine, ainsi que la moitié des avions de l’armée de l’air, à quoi s’ajoute toute une flotte dans la Mer Noire et la Mer d’Azov. Et l’accroissement numérique est grandissant.

Même du côté allemand et français, deux pays cherchant à temporiser, il est clair que l’invasion russe est concrètement matériellement engagée. Elle peut être stoppée au dernier moment, cependant le processus est clairement enclenché. Et dans tous les cas, un camp – la Russie ou les pays capitalistes occidentaux – va être perdant, et l’Ukraine de toutes façons.

Le chancelier allemand Olaf Scholz était à Kiev le 14 février 2022, pour tenter d’arracher un compromis de la dernière chance, alors que le même jour le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a affirmé que:

« Y a-t-il tous les éléments pour que soit menée une offensive forte de la part des forces russes en Ukraine ? Oui c’est vrai, c’est possible là, c’est possible rapidement. C’est ce qui nous pend au nez. »

Le 15 et surtout le 16 février 2022 sont considérés par la superpuissance américaine comme les dates privilégiées de l’offensive ; l’ensemble du matériel informatique et technique de l’ambassade américaine à Kiev, déjà évacuée, a été détruit.

Ce qui n’empêche pas la superpuissance américaine d’en même temps prévoir un milliard de dollars de prêts à l’Ukraine, tout en continuant à envoyer des cargos d’armement. Voici d’ailleurs la liste « officielle » de ce qui a été envoyé depuis 2014, pour la somme de 800 millions de dollars environ : 75 postes Javelin avec 540 de leurs missiles guidés antichars, 276 véhicules HMMWV (106 blindés, 100 non blindés et 70 médicaux), 145 véhicules Toyota Land Cruiser, 57 véhicules Ford, 4 drones UAV RQ-11B Raven, 4 patrouilleurs de classe Island, 40 radars c/batterie AN/TPQ-48/49, 15 radars c/batterie AN/TPQ-36/37, 10 radars Sharp Eye, 4 251 radios, 185 mitrailleuses MG M240V, 5 173 AK-74 & 2 400 pistolets, 122 fusils de sniper M107A1, 48 systèmes de guerre électronique, 9 337 appareils de vision nocturne et viseurs, 16 mortiers M1982 de 120 mm (2B11).

La logique américaine est de continuer à renforcer la pression pour satelliser l’Ukraine, tout en menaçant la Russie de sanctions massives si elle intervient. La Russie compte jouer son propre jeu, aucun camp ne compte reculer. La conflagration se pose comme en 1914.

L’Ukraine continue toutefois étonnamment d’expliquer que la Russie n’a pas assez de forces pour une invasion, et le président ukrainien Volodymyr Zelensky a, en prétendant se moquer de la date d’invasion pour le 16 février , fait de cette date une journée de l’unité nationale, donc fériée, appelant à des rassemblements patriotiques dans une intervention télévisée de 8 mn le 14 février. L’armée serait forte, la plus forte armée d’Europe, il faut avoir confiance en elle, le pays a connu d’autres menaces de guerre, « Gloire à l’Ukraine », etc.

Les « experts » bourgeois sont ici dubitatifs et ne parviennent pas à savoir si Volodymyr Zelensky joue la comédie pour rassurer la population (il est initialement comédien de profession), ou bien s’il est dans le déni le plus complet. Il faut en fait surtout voir que le régime ne tient que par un discours ultra-nationaliste triomphaliste et qu’il est totalement auto-intoxiqué.

D’où, parallèlement, la multiplication d’initiations militaires plus ou moins fictives par les milices d’extrême-Droite, qui ont un très large écho dans certains médias, notamment anglophones, qui présentent cela comme une actualité. En réalité, les initiatives de ce type et les rassemblements nationalistes ne ramènent qu’un nombre très faible de gens, en ce sens le 16 février sera en quelque sorte un test pour le régime concernant sa capacité de mobilisation… Si la Russie lui en laisse le temps.

La Russie qui, d’ailleurs, nie quant à telle toute intention d’invasion, continuant sa narration comme quoi c’est de la paranoïa et de la propagande anglo-saxonne… Tout en expliquant qu’elle n’exclut pas une provocation occidentale précisément à ce moment-là pour l’accuser a posteriori. La narration russe consiste à répandre l’hypothèse, d’ailleurs pas absurde, d’une offensive ukrainienne contre le Donbass séparatiste, la Russie étant accusée en même temps.

Il faudrait alors que la Russie vienne évidemment sauver les Russes présents dans ces territoires. D’ailleurs, le ministère des affaires étrangères a publié le 14 février 2022, sur un réseau social, un rappel très opportun de la libération de la ville de Lugansk le 14 février 1943…

Narration contre narration visant à justifier intérêts de grande puissance contre intérêts de puissance, voilà l’enseignement de ce qui se passe avec comme visée l’expansion impériale dans la bataille pour le repartage du monde.

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L’espace aérien ukrainien désormais fermé

L’Ukraine est mise au pied du mur.

Un système mobile multicanal de missiles sol-air russe S-300V 9A83 TELAR à la frontière ukrainienne

Les compagnies d’assurances du secteur aérien ont arrêté leurs activités concernant l’Ukraine, par conséquent ce 14 février 2022 l’ensemble des compagnies aériennes cessent leurs activités en Ukraine. L’Ukraine se voit isolée, alors que de plus en plus de pays demandent à leurs ressortissants de quitter le pays. La France a demandé à ses ressortissants en Ukraine de stocker de l’eau et de la nourriture, et de faire le plein d’essence…

Le régime ukrainien a tenté de répondre à cette question aérienne en mettant 690 millions de dollars sur la table, mais c’est en pratique une simple goutte d’eau de par la dimension des sommes en jeu dans de tels contrats d’assurances. Et quelle compagnie acceptera la garantie financière d’un régime qui peut ne plus être en place quelques jours après?

Car si officiellement le régime dit toujours qu’il n’y a pas de menace russe, en interne les voix disant franchement le contraire se généralisent, la pression étant de plus en plus intenable. Les oligarques et les plus riches Ukrainiens ont d’ailleurs pris en catastrophe l’avion à Kiev le 13 février 2022 dans divers charters et avions privés, pour s’éloigner du point d’impact qui semble être de plus en plus une très large partie du pays.

C’est à l’étranglement d’une nation auquel on est en train d’assister.

La Russie prétend bien entendu de son côté qu’elle ne veut pas envahir l’Ukraine, que tout est de la propagande de part des « Anglo-Saxons » qui ont besoin de la guerre. La « gauche » du PCF converge ou s’aligne totalement sur ce discours.

Mais en même temps la Russie monte en puissance pour dire que l’Ukraine va attaquer le Donbass… Ce qui sous-tend qu’elle sera « obligée » d’intervenir… et qu’elle a la « chance » de justement mener de grandes manœuvres non loin ! Le « hasard » fait bien les choses… Tel est le scénario qui se profile, alors qu’en plus le régime ukrainien amasse vraiment des troupes près du Donbass séparatiste. Ayant réfuté l’orientation démocratique et populaire, le régime ukrainien ne peut en effet avoir en vue qu’une sortie : frapper si fort le Donbass séparatiste que cela provoque un sursaut nationaliste et rendre impossible une invasion russe visant à annexer pratiquement tout le pays sauf la partie ouest revenue à l’Ukraine en 1945.

Tout cela est catastrophique et on aurait bien tort de penser qu’il n’y aurait pas un impact immédiat en France. Le mouvement d’Eric Zemmour, « Reconquête », vient en effet de passer la barre des 100 000 adhérents. Le 100 000e membre viendrait des Républicains et Eric Zemmour compte l’accueillir lui-même, alors que Stéphane Ravier, soutien de Marine Le Pen à Marseille, vient de le rejoindre.

Or, qu’est-ce que cela change ? Eh bien si Eric Zemmour disposait de 20 000 adhérents encore seulement et d’une perspective bouchée, son soutien à la Russie en cas de conflit en Ukraine l’isolerait relativement dans un panorama où la Droite traditionnelle est pro-américaine. Il serait le Jean-Luc Mélenchon de la Droite. Là c’est différent, il y aurait en cas de victoire russe la mise en place d’une caisse de résonance très forte à celle-ci, et c’est indéniablement un objectif russe également.

Le conflit ukrainien va provoquer un enchaînement comme aux dominos. Et d’ailleurs il provoque déjà cet enchaînement, il n’y a même pas la guerre que le remue-ménage « impérial » est déjà partout. Ou, alors, plutôt, il y a déjà la guerre. Car la pandémie a ouvert la voie à la bataille pour le repartage du monde comme tentative du capitalisme de s’arracher à sa crise.