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Élection présidentielle 2022 : Emmanuel Macron réélu, la mort de la politique

La France est amorphe.

Emmanuel Macron a été réélu à la présidence de la République avec un peu plus de 58 % des voix, obtenant une nouvelle victoire sur Marine Le Pen au second tour, comme en 2017. C’est là l’expression de deux choses relativement simples à comprendre. D’un côté, la bourgeoisie se modernise, va de l’avant, transformant les centres urbains importants en bastion d’un style de vie de consommation permanente. De l’autre, le prolétariat toujours plus placé en périphérie de ces centres se recroqueville sur ce qu’il a, rejetant un capitalisme qui va trop vite, beaucoup trop vite.

Tel est le sens des votes, avec une bourgeoisie « progressiste » au sens de réimpulser le capitalisme par l’élargissement des marchés, dont Emmanuel Macron est le grand représentant, et un prolétariat conservateur, enferré dans les acquis de la société de consommation mais sans envergure ni perspective, avec Marine Le Pen comme espoir pour exprimer à la fois rancœur, protestation et espoir.

Il y a également une petite-bourgeoisie, couche sociale coincée entre les deux classes historiques du capitalisme, tendant vers l’un, vers l’autre, voire les deux en même temps avec Jean-Luc Mélenchon comme grand représentant. Quiconque regarde La France Insoumise voit qu’il y existe un discours patriotique grandiloquent, des mesures sociales, une volonté d’orienter le capitalisme et de le moderniser, etc.

Ce sont là de grands traits qui transcendent la réalité concrète : l’élection présidentielle de 2022 a « oublié » la pandémie, les dettes abyssales qui en ont découlé, la guerre en Ukraine. C’est littéralement incroyable. On est ici dans un positionnement de classe totalement hors sol. C’est une sorte de prolongement informe de cinquante années de développement de la société de consommation.

C’est en ce sens la mort de la politique. La France est amorphe. Il n’y a plus de cohérence dans les idées et leur exposition, entre les idées et les pratiques, entre les états d’esprit et les conceptions des choses, entre les sensibilités et les points de vue. C’est la fin de tout un capitalisme qui assurait, d’une manière ou d’une autre, un certain sens de l’exigence, ou bien, plus exactement, c’est la fin d’une civilisation.

Il y a deux possibilités seulement qui en découlent. Soit la société capitaliste va se déstructurer toujours davantage, en allant à la guerre pour le repartage du monde, avec la formation de petits Etats-Unis d’Amérique dans chaque pays, avec un mélange d’individus et de communautés dans un effondrement culturel et un individualisme consumériste forcené. Ce serait ici un processus prolongé où, très lentement et avec d’énormes difficultés, des poches de résistance se formeraient.

Soit la société capitaliste rentre dans le mur relativement rapidement en raison des immenses contradictions qui s’imposent par la force des choses. Emmanuel Macron, pour prendre l’aspect le plus important, va forcément impliquer toujours plus la France dans l’OTAN et donc dans l’agression belliciste contre la Russie. On rentre ici dans une véritable démarche de guerre. C’est quelque chose ici qui bouleverserait, d’une manière ou d’une autre, la société française. Pas forcément dans le bon sens, d’ailleurs.

Garder l’esprit clair dans une telle France amorphe est extrêmement difficile, mais forme une exigence de rupture fondamentale pour qui ne veut pas se voir aliéné au point de devenir une partie du problème et pas de la solution. C’est une question de dignité et de réalisme – c’est toute une humanité qu’il faut conquérir, une humanité nouvelle, reforgée.

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Présidentielle 2022 : assumez et exacerbez votre sensibilité contre la guerre et contre le fascisme

C’est ce qu’il faut pour avancer.

L’option de se soumettre à Jean-Luc Mélenchon avec son populisme n’en est pas une. Cela ne fera rien avancer, ce n’est que participer à la comédie réformiste au sein de la société de consommation. Alors qu’il y a deux grandes actualités qui s’imposent, marchant en duo et s’imposant toujours plus.

Ces deux grandes actualités, ce sont la guerre et le fascisme. La guerre, parce que la crise ouverte par la pandémie exige de rattraper l’accumulation capitaliste perdue, et donc d’oeuvrer militairement au repartage du monde. La guerre en Ukraine, annoncée ici dès avril 2021, en est l’exemple majeur. Le fascisme, parce que chaque capitalisme se replie sur lui-même, transformant son État en levier majeur de sa centralisation, de son unification, de sa rationalisation. Le BREXIT est une expression de cette tendance et si ce n’est pas le fascisme, à un moment les digues vont céder, puisqu’il faut pressuriser les prolétaires au maximum, les presser comme des citrons.

Normalement, la priorité c’est de freiner au maximum l’irruption du fascisme. C’est un principe de la Gauche historique, c’est ce qu’on appelle faire barrage. L’ultra-gauche n’est pas d’accord, parce qu’elle a adopté la conception de la « révolution permanente » : il y aurait en permanence une situation révolutionnaire. La Gauche historique a quant à elle une analyse réelle de la situation et elle sait quand il faut être sur la défensive.

La particularité de la situation, c’est que la guerre en Ukraine implique, de manière indirecte, l’ensemble des pays de l’OTAN, qui utilisent le régime ukrainien comme tête de pont militaire contre la Russie, qui de son côté tente aussi de dominer l’Ukraine. Partant de là, il est pour beaucoup impensable de donner son aval à Emmanuel Macron, car ce serait converger avec la guerre. Sur le fond, ils ont raison.

Objectivement, le dilemme est insoluble. Mais il y a une réponse, tout à fait dialectique, celle de la subjectivité. Ceux qui ont l’oeil pour voir le fascisme doivent aller au bout de leur raisonnement et doivent voter pour Emmanuel Macron, car ils doivent assumer de faire barrage, reconnaissant la dignité de leur propre démarche. Ceux qui ont l’oeil pour la guerre ne doivent pas aller voter, car ils doivent s’endurcir subjectivement dans le rejet de la guerre, de l’OTAN.

Cela peut sembler incompréhensible à qui raisonne, non pas en termes historiques, mais en termes électoraux. Du point de vue électoral, en effet, il n’y a pas de cohérence puisque les élections fonctionnent en termes de bloc électoral. Il faut relever d’un bloc, ou de l’autre. Cela penche d’un côté, ou de l’autre.

La situation historique empêche toutefois tout caractère unilatéral. Il ne s’agit pas d’ailleurs de faire du « ni Le Pen ni Macron », qui est une position de reculade, qui revient à de l’anarchisme. Non, il s’agit d’assumer en bloc, car on a besoin de gens s’impliquant, assumant la confrontation, s’engageant personnellement dans une démarche qui soit entière.

Nous avons besoin de gens entiers. Il y en a assez des gens vivant à moitié, et ce que propose Jean-Luc Mélenchon, c’est justement que tous les gens de Gauche se coupent en deux de manière ininterrompue, afin de s’insérer dans la société capitaliste, en se mutilant toujours un peu plus.

Ce dont les prolétaires de France ont besoin, c’est de gens entiers, cessant de louvoyer. Il faut assumer et exacerber sa sensibilité aujourd’hui contre la guerre et contre le fascisme, deux aspects de la tendance négative l’emportant, afin d’être prêt demain pour la confrontation avec eux.

La crise du capitalisme veut empêcher que s’ouvrent le chemin du Socialisme, qui ne peut être porté que subjectivement par des gens rompant avec la société de consommation, avec l’esprit de compétition et de concurrence, avec la réduction au degré de consommation des rapports entre humains ou avec les animaux, la Nature… Il s’agit d’un défi historique et il faut des gens forgés conformément à l’ampleur de ce défi.

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« Marine le peuple » balayée par « Emmanuel McKinsey »

Nier la crise ne la fera pas disparaître.

Le temps de sa (longue) campagne présidentielle, Marine Le Pen a cédé la présidence de son parti à Jordan Bardella. Celui-ci est un excellent orateur et on imagine qu’il aurait produit une bien meilleure prestation qu’elle en débattant face à Emmanuel Macron, mais là n’est pas le sujet. Il y a par contre un bon mot, typiquement français dans sa forme (à la fois subtile et grotesque, à la fois léger et piquant), qu’a sorti Jordan Bardella pour lancer la campagne de l’entre deux tours : « Emmanuel McKinsey, ou Marine Le Peuple ! »

C’est très bien vu, cela résume exactement ce deuxième tour de l’élection présidentielle et a fortiori le débat du mercredi 20 avril 2022. Emmanuel Macron assume totalement la posture qui lui a été façonnée et dessinée par son entourage issu du cabinet de conseil McKinsey, ainsi que de tout un tas de riches donateurs en 2017 issus du monde de l’entreprenariat. C’est très facile à voir et à comprendre, son libéralisme à prétention rassurante et « inclusif », à l’américaine, en est exactement le produit. C’est, autrement dit, de la pure communication. Parler d’Emmanuel McKinsey est pertinent.

En face, il y a donc Marine Le Pen, censée représenter le peuple. Évidemment, ce n’est pas vrai dans le fond. Mais il y a toutefois, dans la forme, quelque-chose de tout à fait conforme et cohérent avec la situation des classes populaires françaises. Clairement, Marine Le Pen a choisi d’incarner une femme française moyenne, ou « de base » comme cela se dit parfois, de manière péjorative mais significative. Cette Française « de base » donc, est mère de famille, concernée par la quotidien économique, son « pouvoir d’achat », sa liberté de mettre ou ne pas mettre le masque, l’insécurité, sa désolation face aux éoliennes ou aux femmes voilées, etc.

En fait, en tentant d’incarner « le peuple », Marine Le Pen a surtout incarné la rancœur, qui est un sentiment extrêmement puissant et répandu dans la France populaire de 2022. Toutes ses interventions, presque chacune de ses réactions à Emmanuel Macron et ses propositions lors du débat, n’ont consisté qu’en de la rancœur face à ce qu’il a représenté pendant cinq ans, voir dix ans si l’ont compte qu’il est dans la lignée directe de François Hollande.

En ce sens, le bon mot « Marine le peuple » de Jordan Bardella illustre tout à fait la situation. Et comme on ne gouverne pas un pays comme la France avec de la rancœur, alors Marine Le Pen s’est faite balayer par Emmanuel Macron, solide, extrêmement sûr de lui et de sa légitimité. Suffisamment arrogant pour apparaître crédible, suffisamment courtois pour ne pas apparaître hostile.

Disons la chose d’une autre manière, beaucoup plus politique. En fait, Marine Le Pen n’a pas assumé son programme. Elle n’assume pas d’être nationaliste ; sa prestation lors du débat était à peine gaulliste, alors qu’elle est censée être une néogaulliste, qu’elle a théorisé cela depuis des années, et mis en pratique cela depuis 2012, soit dix années.

C’est flagrant surtout sur la question de la Russie et de la guerre en Ukraine. Si Marine Le Pen assumait son programme, si elle assumait d’être une néogaulliste, elle aurait dénoncé vent debout Emmanuel Macron comme marionette américaine vendue à l’OTAN, voulant entraîner la France dans une guerre à la Russie.

Si Marine Le Pen assumait d’être une gaulliste à prétention sociale, elle aurait torpillé Emmanuel Macron avançant ses bons chiffres du chômage, en lui répondant que cela est maquillé par le fait qu’énormément d’emplois sont en fait des CDD ou des missions d’intérim, très précaires, mal payés, ne permettant pas une stabilité au capitalisme français.

Marine Le Pen en a été incapable, car ce qui se joue en réalité est bien trop important pour elle. En effet, derrière l’apparente solidité du système, autrement dit la grande stabilité, en surface, du capitalisme en France, il y a une crise monstrueuse qui se prépare.

Face à cela, il n’y a pas le choix, il faut assumer des grandes idées, il faut cogner fort. Soit avec le Socialisme, en s’appuyant sur la Gauche historique, comme nous le proposons, soit avec le fascisme, ce que Marine Le Pen n’a pas osé faire, alors que c’est pourtant sa ligne.

Marine Le Pen ne pèse donc pas bien lourd avec son nationalisme light, son gaullisme timide, face à un Emmanuel Macron très arrogant dans sa défense des institutions, de son mandat, de sa politique. En effet, il croit profondément en ce qu’il raconte. Il croit très probablement que l’insécurité n’est qu’un sentiment et que les chiffres sont faussés par le fait que de plus en plus de femmes portent plainte contre leurs maris grâce à ses mesures. Il croit vraiment que les 600 milliards de dettes « covid », qui s’ajoutent à l’immense dette structurelle de l’État français, ne sont pas un soucis. Il croit vraiment que la guerre contre la Russie menée par l’OTAN est une bonne chose, etc.

Alors il passera, il sera (très) probablement à nouveau président pendant cinq ans, car la rancœur « populaire » de Marine Le Pen ne pèse pas lourd face à son assurance bourgeoise.

La question maintenant est : faut-il s’en réjouir, ou le déplorer ? Évidemment, on ne peut qu’être rassuré face à cette évidence que le fascisme en France n’est pas mûr, que le nationalisme comme proposition ne s’incarne pas et que Marine Le Pen va très probablement échouer.

Mais pour autant, il ne suffit pas de nier la crise pour la faire disparaître. Alors la situation va se tendre, politiquement, culturellement, socialement, militairement. Et il y a, après Marine Le Pen, toute une nouvelle génération en embuscade pour proposer une nouvelle et solide proposition nationaliste, tendanciellement fasciste, pour le pays.

Concrètement, l’échec de Marine Le Pen en 2022 fera le lit des succès à venir des Marion Maréchal, Guillaume Peltier, Nicolas Bay, Jordan Bardella, etc.

Mais inversement, la crise fait que la Gauche historique, celle de la classe ouvrière et de la bataille internationale pour le Socialisme et la paix entre les peuples, va de nouveau être à l’ordre du jour, gagner des positions, devenir crédible.

C’est sur cela qu’il faut compter, principalement. Et il ne faut pas s’imaginer que c’est très lointain. Rien qu’avec la situation politique internationale, il y a quelque chose d’explosif. Emmanuel Macron va (très) probablement être réélu triomphalement dimanche 24 avril 2022, et cela sera un signal très fort pour l’OTAN, et toute la clique des dirigeant prônant la guerre à la Russie.

La tension va donc continuer de monter, la crise va l’emporter, dans tous les domaines, à commencer par la guerre et la crise économique l’accompagnant. Telle est la véritable actualité, ce à quoi il faut profondément et sérieusement s’intéresser. Maintenant, tout de suite !

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Présidentielle 2022 : le programme national et social de Marine Le Pen

National et social, mais pas socialiste.

A plusieurs reprises, Eric Zemmour a qualifié le programme de Marine Le Pen comme étant de gauche. En effet, selon le premier, qui est tenant d’une droite libérale et ouvertement anti-ouvrière, il faut assumer à fond de dégommer tout ce qui est bien public, et ce au profit du privé, de l’entreprenariat et des entreprises en général.

Ce n’est pas l’approche de Marine Le Pen qui relève pour sa part du gaullisme et qui a une orientation qu’on peut et doit qualifier de néogaulliste. Cela signifie qu’elle tiendra toujours à appuyer sur le fait d’être concernée par les préoccupations économiques des classes populaires et de la petite-bourgeoisie, symboliquement avec une approche sociale des choses, concrètement de manière corporatiste.

Autrement dit, elle défend un État fort, qui ait une vocation protectrice vis-à-vis des personnes les plus faibles, qui soit acteur de l’économie, quitte à envisager une forme de « planification », ou plus exactement de prévision au service des grandes entreprises, dans certains secteurs. Cela n’a rien de nouveau, ni de soviétique, c’est l’essence même du gaullisme, qui organise une sorte de fusion entre l’État et les grandes entreprises monopolisant des pans entiers de l’économie.

Un tel programme rend hystérique un libéral tenant d’une droite classique (et dure) tel Eric Zemmour, qui pour sa part considère que par principe, tout ce qui relève de la puissance publique est négatif, que tout ce qui relève de l’État, en dehors des fonctions régaliennes (police, justice, armée et administration générale du pays), est forcément mauvais.

Ainsi, Marine Le Pen n’est pas du tout de gauche et ne s’inscrit aucunement dans la perspective historique de la Gauche. Être de Gauche, cela signifie se battre pour le Socialisme, c’est-à-dire une société où ce sont les ouvriers qui ont le pouvoir, avec une bourgeoisie qui est mise au pas pour disparaître en tant que classe. Être de Gauche, cela signifie donc assumer la lutte de classe, contre la bourgeoisie.

Tel n’est pas le cas de Marine Le Pen, qui n’envisage pas, au contraire, de s’en prendre à la bourgeoisie en tant que classe, et d’assumer la prise du pouvoir par la classe ouvrière. Pour Marine Le Pen, il n’y a pas de contradiction entre le fait d’assumer un État ayant une vocation sociale et protectrice, et en même temps d’assumer vouloir servir les entreprises, et donc le développement de la bourgeoisie dans la société.

Cela amène à des incohérences, comme par exemple le fait de vouloir baisser la TVA (à 5,5%) sur l’énergie. Si Marine Le Pen était de Gauche, elle ne chercherait pas d’abord à faire baisser des recettes fiscales (et donc baisser le revenu public, commun), mais s’en prendrait d’abord aux grandes entreprises comme TotalEnergie pour rogner sur ses profits (16 milliards de dollars de bénéfices en 2021).

Sur de nombreux aspects, le programme de Marine Le Pen est de fait très libéral, dans une perspective très similaire à celle d’Emmanuel Macron ou Valérie Pécresse, tout en n’allant pas aussi loin qu’Eric Zemmour. Voyons ainsi les principales mesures concernant l’économie, le « pouvoir d’achat », les revenus de la population, mises en avant par Marine Le Pen.

Certaines mesures ont une vocation sociale, tournées vers les classes populaires ou dites « moyennes » :

– réindexation des retraites ;

– doublement de l’allocation pour les familles isolées ;

– déconjugalisation de l’allocation adulte handicapé ;

– baisse les droits de succession et suppression en deçà de 300 000 euros de biens immobilier.

On pourrait ajouter la suppression de la redevance télévisuelle, mais il s’agit là surtout au fond d’une question culturelle et « sociétale » plutôt que strictement économique.

Tout le reste de son programme économique par contre est orienté vers la bourgeoisie, la défense de la bourgeoisie, de l’accumulation de capital par la bourgeoisie, et non pas de la société et du bien commun.

La mesure phare actuellement est la baisse de la TVA sur tous les produits énergétiques, qui comme dit n’a pas de sens social. Il y a ensuite la suppression de l’impôt sur le revenu pour les moins de 30 ans. Ce n’est pas une mesure de gauche : pourquoi des jeunes bourgeois ne contribueraient-ils pas au budget de la collectivité de part leur revenu ? Ce n’est pas normal. Si les jeunes de moins de trente ans ont un revenu suffisant et peuvent participer à l’impôt sur le revenu, c’est au contraire une bonne chose d’un point de vue de Gauche.

Il y a ensuite des mesures incitatives pour soutenir les entreprises à augmenter les salaires de 10 %. Ici, « l’incitation » consiste en fait à baisser les charges, et donc la contribution des entreprises (et de leurs dirigeants, cadres, etc.) à la collectivité. Ce n’est pas une mesure de gauche.

Elle propose également la suppression de l’impôt sur la fortune immobilière, car c’est un « impôt sur l’enracinement ». Marine Le Pen ne veut pas s’en prendre aux bourgeois français qui possèdent une fortune immobilière. C’est très clair.

Elle veut mettre en place un impôt sur la fortune financière, reprenant l’assiette de l’ancien ISF à laquelle sont ajoutée les œuvres d’art acquises depuis moins de dix ans, mais de laquelle sont enlevés la résidence principale ou unique pour le cas de ceux qui sont locataires de leur résidence principale, les monuments historiques et, bien sûr dit-elle, l’outil de travail.

C’est là encore très clair, il s’agit de ne surtout pas s’en prendre à la bourgeoise et de ne pas rétablir l’impôt de solidarité sur la fortune qui concernait justement les grandes villas ou grands appartements parisiens, les entreprises familiales, etc.

Dans le même genre, pour garantir la transmission du patrimoine bourgeois dans les familles, elle veut les droits de succession pour les entreprises, si les descendants s’engagent à ne pas céder l’entreprise héritée pendant 10 ans.

En fait, Marine Le Pen, si elle veut un État fort, elle est aussi, voire surtout, intéressée par un capitalisme fort. Les entreprises, les entreprises, les entreprises : voilà ce qui l’intéresse. Et voici donc sa mesure la plus significative sur la question économique : « diriger l’épargne des Français vers l’investissement privé des entreprises » en créant un fonds souverain français, rémunéré de 2 % par an, pour que les Français deviennent somme toute tous des bourgeois et investissent dans « des entreprises stratégiques ».

Elle dit ainsi que les Français doivent devenir « actionnaires de la Maison France. »

Ce l’inverse d’un point de vue de Gauche, et c’est précisément ce qui fait d’elle une nationaliste puisqu’elle prétend que la question sociale se résoudrait grâce à un capitalisme « national », c’est-à-dire tourné vers son propre pays et hermétique/réfractaire aux capitalismes étrangers.

Dans la même veine, Marine Le Pen s’intéresse beaucoup aux petites entreprises et a des cadeaux à leur faire : suppression de la cotisation foncière des entreprises (CFE) et, pour ce qui concerne des « zones de relocalisation », suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S). Cela représente, selon son chiffrage, pas moins de 10 milliards d’euros de cadeau à ces entreprises, et donc d’argent en moins pour la collectivité.

Voilà qui est tout à fait de Droite, tout à fait conforme au capitalisme, aux intérêts de la bourgeoisie, petite, moyenne, et même grande, qui n’est pas touchée par Marine Le Pen. Jamais elle n’envisage que son gouvernement oblige l’augmentation des salaires pour les ouvriers et les employés. Jamais elle n’envisage que son mandat serve à une meilleur représentation dans la société des ouvriers et des employés.

Marine Le Pen est ainsi une néo-gaulliste, proposant non pas simplement de moderniser le capitalisme comme Emmanuel Macron, mais de le ré-impulser.

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Présidentielle 2022 : exemple d’errement avec le PCRF

Quel bric-à-brac !

Le grand souci de notre époque, c’est l’absence d’économie politique de la part des gens à gauche, qui se retrouvent à déverser tout et n’importe quoi sans cohérence aucune. C’est typique de la société de consommation, qui corrompt les mentalités.

C’est absolument flagrant pour le communiqué sur le premier tour de la présidentielle 2022 du Parti Communiste Révolutionnaire de France. Les deux premières phrases sont un scandale intellectuel, un exemple de corruption par la consommation. Les voici :

« Ce premier tour des Présidentielles 2022 témoigne de la crise politique engendrée par la crise générale du capitalisme. À plusieurs reprises, ces dernières années, il a été signifié que le pays « légal » n’est plus légitime. »

Il est parlé de « crise générale du capitalisme ». Quel est le problème?

Soit c’est de la fainéantise, parce que cette crise générale du capitalisme a commencé, selon le PCRF, en 1917. Expliquer une élection présidentielle en France en 2022 par un phénomène commencé depuis plus d’un siècle, s’étant développé pendant plus d’un siècle, c’est abusé. Si la crise générale du capitalisme est un arrière-plan général, alors c’est forcer les choses que d’en faire la source explicative de toutes les choses en particulier.

Soit c’est de l’escroquerie politique et morale, car ce sont les maoïstes qui considèrent qu’il y a une crise nouvelle, ouverte avec la pandémie, modifiant la situation et expliquant les événements.

On ne peut pas, comme le fait le PCRF, utiliser de temps en temps un concept aussi puissant que la « crise générale du capitalisme ». On l’utilise ou on ne l’utilise pas, mais on ne peut pas l’employer de manière subjectiviste.

Et que dire du propos selon lequel :

« le pays « légal » n’est plus légitime. »

Quelle honte ! Quelle fainéantise ! Car cette thèse du pays légal est de plus en plus utilisée par des gens cherchant à vouloir se montrer intelligents, maniant des concepts. Même Emmanuel Macron l’a fait en 2020, en disant :

« Le problème qu’on a, politiquement, c’est qu’on a pu donner le sentiment à nos concitoyens qu’il y avait un pays légal et un pays réel. Et que nous on savait s’occuper du pays légal – moi le premier -, et que le pays réel ne bougeait pas. »

Et ce concept de « pays légal » a été historiquement formulé par Charles Maurras, le grand idéologue du « nationalisme intégral » avec son mouvement l’Action française. Ne reconnaissant pas la République française, il dit que celle-ci représente une structure « légale » qui n’a pas de fondements dans le « pays réel ». Ce pays réel, ce sont les régions, les lieux locaux où se déroulent les rites religieux catholiques, la famille, les métiers organisés en corporations.

Le Parti Communiste Révolutionnaire de France considère-t-il que le « pays réel » consiste en les régions, les lieux locaux où se déroulent les rites religieux catholiques, la famille, les métiers organisés en corporations ? Certainement pas, mais alors quel est ce « pays réel » ? Et en quoi ce concept a-t-il un sens ?

Jamais le socialisme n’a expliqué qu’il existait un mur fondamental entre les classes et les institutions. C’est l’anarchisme qui dit cela, notamment avec le syndicalisme révolutionnaire. Le fascisme a directement repris a repris cette thèse anti « élites ».

Et le Parti Communiste Révolutionnaire de France est justement sur cette position anarchiste, en disant qu’il n’y a pas de différence de substance entre Emmanuel et Marine Le Pen. C’est le « ils se valent » typique de l’ultra-gauche. Les différences politiques seraient « fausses », ne représenteraient rien de concret, tous les hommes politiques seraient des marionnettes, etc.

D’où ces propos comme quoi une bourgeoisie monopoliste unifiée tirerait des ficelles, en ayant conscience d’elle-même.

« Alors, des différences entre Macron et Le Pen ? Dans le détail peut-être, mais sur le fond, l’un comme l’autre, c’est l’austérité, la galère, les libertés démocratiques foulées aux pieds, le chômage, la généralisation de la précarité. Toutes leurs propositions restent dans le cadre du capitalisme, toutes leurs propositions sont donc vouées à l’échec.

Derrière l’appel à faire barrage à Le Pen, ce qui est recherché, c’est le consensus derrière la politique que la bourgeoisie monopoliste, l’oligarchie financière, veulent voir mener. »

Ce n’est pas sérieux. Il est évident que s’il y a différents partis politiques, ils représentent des intérêts différents. N’est-il pas flagrant que l’orientation internationale d’Emmanuel Macron n’est pas la même que celle de Marine Le Pen?

N’est-ce pas d’une importance capitale alors qu’il y a la guerre en Ukraine, avec l’OTAN visant à s’étendre aux dépens de la Biélorussie et de la Russie?

Une telle différence ne peut-elle pas reposer que une confrontation au sein même de la grande bourgeoisie, entre les partisans d’une intégration à la démarche américaine, dans l’OTAN, et ceux voulant une aventure française en solitaire ?

Une position anarchiste ne permet pas de saisir la complexité du monde, ses contradictions, en raison d’une vision unilatérale.

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Politique

Emmanuel Macron c’est la guerre avec l’OTAN, Marine Le Pen c’est le nationalisme et la guerre

La situation historique fournit un dilemme terrible.

Faire bloc pour empêcher l’extrême-Droite de parvenir à des postes à responsabilité dans les institutions est un principe fondamental de la Gauche. C’est une leçon tirée du passé, des succès du fascisme italien et du national-socialisme allemand. On a compris depuis qu’il fallait tout faire pour bloquer l’installation de l’extrême-Droite où que ce soit.

Cette ligne est bien entendue réfuter historiquement par l’ultra-gauche (c’est-à-dire les anarchistes et les trotskistes) ; heureusement elle apparaît comme naturelle à toute la Gauche qui n’a pas été contaminée par elle.

L’Histoire n’avançant pas en ligne droite, voici que l’élection présidentielle de 2022 impose toutefois un sacré dilemme. La France est, dans les faits, impliquée dans la guerre en Ukraine. Elle l’est parce qu’elle fournit du matériel, des armes et des conseillers depuis que la guerre est déclenchée ; elle l’est avant même le conflit, parce qu’elle est membre de l’OTAN et que l’OTAN utilise depuis 2014 l’Ukraine comme tête de pont pour démanteler la Russie.

Cela fait que, depuis le 24 février 2022 et l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la France est objectivement en guerre, même si indirectement. Toute autre considération sur ce point est erroné. Or, naturellement, soutenir le président en place n’est alors pas possible, puisque ce serait valider la guerre, voire même la soutenir en accordant une légitimité plus grande à celui qui prend la décision de la faire.

D’où le casse-tête du second tour de la présidentielle. Si l’on regarde à long terme, Marine Le Pen représente le nationalisme et la guerre ; elle contribue à la dépolitisation des masses, à leur insertion dans le nationalisme, dans la mise en place d’un État replié sur lui-même prêt à s’élancer militairement de manière ouverte dans la bataille pour le repartage du monde.

Cependant, si on regarde à court terme, Emmanuel Macron, c’est l’OTAN, c’est la guerre déjà présente, c’est la pression politico-militaire généralisée sur les prolétariats des pays occidentaux déjà étouffés par la société de consommation.

Si on suit le « Ni Macron ni Le Pen » de l’ultra-gauche, alors on laisse Marine Le Pen passer et c’est du suicide. Si on s’engage à contrer Marine Le Pen, on valide de fait Emmanuel Macron et la guerre de l’OTAN.

Et, bien entendu, les situations très différentes impliquent des positionnements nécessaires dans l’immédiat. Dans certains milieux, Marine Le Pen a l’hégémonie et ne pas affirmer l’opposition à l’extrême-Droite serait une capitulation. Inversement, lorsqu’il se pose des discussions sur la nature du capitalisme et son évolution, la question de l’OTAN prend inévitablement le dessus puisque c’est l’expression politico-militaire de l’hégémonie de la superpuissance américaine dans le monde.

La présidentielle de 2022 apparaît ainsi comme une tragédie, avec un dilemme insoluble. Ce qu’on gagne d’un côté, on le perd de l’autre. C’est dire tout de même dans quelle situation on est, où la seule question de fond c’est de savoir quelle fraction de la grande bourgeoisie va l’emporter, la pro-américaine ou celle qui veut naviguer en solitaire.

En ce sens, on peut constater que la possibilité même de la politique est exclue du panorama du second tour de la présidentielle de 2022. On remarquera d’ailleurs qu’il n’y a pas de discussions possibles, ni même de discussions tout court. Les gens s’alignent sur Emmanuel Macron ou Marine Le Pen dans un processus de polarisation apolitique. Car le capitalisme a essoré les gens, effacé la politique, et il ne reste plus que des tendances de fond dans la bourgeoisie déchirée intérieurement par la crise commencée en 2020 avec la pandémie.

Il n’y a véritablement que la bourgeoisie qui a compris l’importance de la pandémie et de la guerre en Ukraine. Le prolétariat perçoit quelque chose, se doute que cela ne tourne pas rond ; la petite-bourgeoisie s’inquiète profondément. On parle pourtant là seulement de sentiments primitifs, d’impressions somme toute très vague.

Ce dilemme du second tour de la présidentielle 2022 apparaît ainsi comme insoluble ; il exprime toute une contradiction historique, celle entre un capitalisme triomphant et des masses totalement atomisées. C’est cela l’aspect principal : la dépolitisation, l’écrasement de la capacité à se tourner vers une utopie, le culte des ego, l’opportunisme carriériste.

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Écologie

La cause animale nécessite une révolution culturelle qui ne passe pas par Marine Le Pen

Il faut un mouvement de fond, pas des espoirs mal placés.

Il existe trois courants s’intéressant aux animaux. Il y a les vegans qui sont dans leur quasi totalité des petits-bourgeois ou des gens voulant être des petits-bourgeois, adoptant un mode de vie qu’ils veulent coupés d’actes qu’ils voient comme néfastes. Les animaux sont cependant plus un lieu de projection qu’autre chose.

Il y a les vegans pour qui le véganisme n’est pas un point d’arrivée, mais un point de départ, et qui se tournent réellement vers les animaux. Ceux-là tendent inéluctablement à l’affirmation d’une utopie aux exigences concrètes, parce qu’ils aiment vraiment les animaux.

Il y a enfin le vaste milieu de la protection animale, où les gens ne sont pas vegans dans leur immense majorité, tout en se sacrifiant aux quatre veines pour aider les animaux. Ces gens connaissent des difficultés innombrables, ont un profond respect des vegans de la seconde manière et un mépris fondamental pour ceux de la première manière.

Surtout, le milieu de la protection animale est confrontée à une terrible misère animale, et d’ailleurs également humaine en constatant les comportements anti-sociaux, cyniques, barbares. Cela provoque un réel traumatisme et d’ailleurs, il y a inévitablement la même chose chez les policiers (ce qui ne remet pas en cause le fait que la police comme institution soit anti-populaire).

Ce traumatisme provoque un dégoût, une rancœur, voire une haine, et dans tous les cas une tendance marquée au nihilisme. Comment en effet croire en l’humanité lorsqu’on voit que l’empathie et la compassion sont des phénomènes marginaux et même combattus par une indifférence générale ?

A cela s’ajoute la sensation d’être toujours trahi. Une association comme L214 a par exemple une reconnaissance médiatique immense, des millions d’euros dans sa banque, mais n’a jamais fait le moindre effort en direction de la protection animale sur le plan concret. A chaque élection municipale il y a telle ou telle promesse de la part des uns et des autres, qui n’est jamais tenu. Quant à l’État, il ne fait rien du tout.

Il s’ensuit une véritable paranoïa, où, forcément, on se rattache à ce qu’on peut, au moindre espoir de changement culture. Cela ne veut pas dire que le milieu de la protection animale fasse confiance – par définition, le milieu de la protection animale ne fait jamais confiance à moins d’une présence à ses côtés et d’une implication pour les animaux longue, très longue. Mais il y a l’idée que cela ne peut pas être pire et qu’un renversement de tendance, même imparfait, c’est déjà ça de gagné.

C’est cela qui explique l’attirance pour une extrême-Droite version nihiliste en général et l’espoir qui existe en ce moment que Marine Le Pen gagne la présidentielle 2022 en particulier. Celle-ci s’est d’ailleurs placée exactement afin de recevoir un tel soutien.

A l’élection présidentielle 2022, il n’y a que trois candidats à avoir parlé des animaux. Jean-Luc Mélenchon s’est adressé aux vegans désireux d’être bobos ou qui le sont en parlant de l’horreur de la condition animale, dans des termes très généraux. Nicolas Dupont-Aignan a proposé de son côté, et c’est le seul, des mesures concrètes pour les animaux, sur un mode réformiste, en vue de « lutter contre la maltraitance animale ». Il a cette dignité.

Enfin, Marine Le Pen ne propose rien pour les animaux, mais s’est positionnée de manière ininterrompue comme femme célibataire aimant les chats. Ce qui fait penser au milieu de la protection animale qu’elle ne peut pas être une mauvaise personne.

C’est bien peu, mais cela suffit largement, puisque inversement Emmanuel Macron assume tout à fait d’être contre la cause animale, notamment dans son soutien aux chasseurs. Cela peut sembler simpliste, mais en fait c’est simple : l’ennemi de mon ennemi est mon ami et il n’y a rien à perdre tellement la situation est dramatique.

Ajoutons à cela un faible niveau de connaissance des idées politiques à l’image de tout le pays, un enracinement populaire dans les zones rurbaines, une détestation des bourgeois bien proprets vivant dans leur bulle coupée de la réalité… et le milieu de la protection animale a vite fait de se lancer dans un tel espoir qu’une victoire de Marine Le Pen changerait la donne.

C’est cependant une erreur qui revient à celle des vegans version bobos. Les animaux ne sont plus une fin en soi, mais un lieu de projection, car objectivement, Marine Le Pen ne propose rien pour les animaux, à part éventuellement la fin de l’abattage des animaux en mode halal et casher, ce qui n’est toutefois nullement l’alpha et l’omega de la question.

Si l’on prend les animaux comme fin en soi et qu’on veut que ce soit l’empathie et la compassion qui triomphent, alors il faut une puissant changement de mentalités, et pour cela il faut une révolution culturelle. Une révolution culturelle contre la société de consommation, pour un engagement concret dans sa vie quotidienne au service des animaux. Une révolution culturelle contre l’urbanisation massive engloutissant le pays et pour la vie sauvage qui doit être sanctuarisée.

Cela demande des idées, des valeurs, des concepts, à rebours des réactions à l’emporte-pièces qui ramène toujours la protection animale à la case départ.

De toutes façons, on ne peut pas dire que la situation soit dramatique et après essayer de sauver les choses avec Marine Le Pen comme sparadrap sur une plaie béante. Il faut saisir l’envergure de la question et cela exige une conscience sociale saisissant son époque sur la base de la réflexion – et c’est ce qu’est le Socialisme.

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Après la fuite en avant pour Jean-Luc Mélenchon, la fuite en avant pour Marine Le Pen

Après les rats des villes, les rats des champs.

Après la France urbaine, la France rurbaine. La vague en faveur de Jean-Luc Mélenchon juste avant le premier tout de la présidentielle d’avril 2022 a été profondément urbaine, et il ne s’agit pas tant d’un mouvement vers la Gauche qu’une tentative de « sauver les meubles » pour des couches sociales désireuses que les choses restent stables et sociales. C’est l’idéologie des corrompus par le capitalisme, dans une version petite-bourgeoise de gauche, car profitant des avantages de la ville.

Pour ces gens, Emmanuel Macron est désagréable, le capitalisme va un peu trop vite, il faudrait qu’on en reste là et que l’aisance urbaine, même si parfois relative, puisse se perpétuer.

Désormais, on a une vague en faveur de Marine Le Pen, juste avant le second tour de la présidentielle d’avril 2022, formant une vague rurbaine. On parle ici des corrompus par le capitalisme, dans une version petite-bourgeoise apolitique, en voie de prolétarisation, voire de lumpenprolétarisation en raison d’un isolement social et culturel toujours plus massif.

Pour ces gens, Emmanuel Macron est un objet de haine, le capitalisme va beaucoup trop vite, les choses ne peuvent plus durer car même si matériellement cela va encore, tout le tissu social s’estompe à grande vitesse, depuis les hôpitaux jusqu’aux rapports familiaux, les lieux de convivialités jusqu’au sport et au transport.

Et de la même manière qu’avant le premier tour, il y avait une vague irrationnelle en faveur de Jean-Luc Mélenchon, il y a en ce moment une vague irrationnelle en faveur de Marine Le Pen. Il y a la même tendance à plaquer tous ses espoirs là-dessus, à attendre que les choses se débloquent d’elles-mêmes grâce à un changement à la tête de l’État. Mais, et c’est notable, l’anticapitalisme romantique que l’on trouve chez les nouveaux partisans de Marine Le Pen est bien plus présent, plus agressif, plus vindicatif, que ceux chez les nouveaux partisans de Jean-Luc Mélenchon.

On est ici dans la tradition des gilets jaunes, qui servent de référence culturelle majeure. Les gilets jaunes, nous l’avons toujours souligné ici, ont été un terrible poison, le vecteur d’un démarche pré-fasciste, voire fascistoïde, pour ne pas dire fasciste au sens strict. Cette exigence de rétablir l’ordre ancien par en bas, contre une élite en décalage avec la nation, forme le noyau dur même de l’idéologie fasciste historiquement.

On a d’ailleurs la même brutalité populaire, le même bricolage dans les idées et les formulations, la même grossièreté dans les slogans, la même vulgarité dans l’expression des exigences. Cela n’est en rien populaire, c’est typiquement la révolte des déclassés. C’est ce qui ressemble de plus historiquement, ces cinquante dernières années en France, aux SA allemands et aux chemises noires italiennes. Heureusement qu’il a manqué une réelle ampleur populaire, puisque le mouvement a toujours été ultra-minoritaire, pour ne pas dire totalement marginal, malgré son hyper-médiatisation.

Il n’en reste pas moins que les gilets jaunes ont diffusé un style et ce style, si adulé par l’ultra-gauche française, est en ce moment l’outil majeur pour valoriser Marine Le Pen pour le second tour de la présidentielle de 2022. C’est là tout à fait cohérent. Et cela montre l’erreur massive qu’a fait l’ultra-gauche, et avec elle la CGT, à courir derrières les gilets jaunes au lieu de dénoncer ce mouvement qui resta toujours, historiquement, entièrement extérieur à la classe ouvrière par ailleurs.

Il faut absolument étudier ce qui est en train de se passer sur ce point, afin de bien comprendre le phénomène de ré-utilisation de ce style en faveur de Marine Le Pen. Cela montre qu’une nouvelle étape est passée, que dans le fond de la société française, il y a des choses qui se fissurent, que cela craque à la base même. Et cela aura été extrêmement rapide après les résultats du premier tour. Cela promet pour la suite… Même si cela n’a rien d’étonnant. Comme dit le 10 avril avant les résultats, les Français vont payer cher leurs mensonges, leur petitesse. Il faudra boire le calice jusqu’à la lie.

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La signification des 21,95% de voix pour Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle

Le mouvement est tout, le but n’est rien ?

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Jean-Luc Mélenchon a reçu les voix de 21,95% des votants lors du premier tour de la présidentielle 2022, le 10 avril. Tous les gens de gauche ont pu s’apercevoir dans leur entourage que, les 10 derniers jours, il y a eu sans doute un grand appel d’air en sa faveur. Même des gens éloignés de lui sur le plan des idées ont décidé de se tourner vers lui.

Ce processus a en fait commencé formellement à la mi-avril 2022, avec un appel en sa faveur du « Réseau national d’acteurs des quartiers populaires » (signé par des figures militantes antiracistes issues de l’immigration et s’enfermant dans une démarche « anticoloniale »). Cependant, de manière un peu plus profonde, le processus remonte aux douze derniers mois ou un peu plus, avec un attirance assez profonde de ce qu’on va appeler la « gauche Twitter » pour Jean-Luc Mélenchon.

On parle ici de gens pour qui être de gauche c’est « militer » plus que les idées, et ainsi Twitter est un vecteur essentiel de revendication et d’affirmation, ainsi qu’un lieu de passage et de consommation.

Cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas d’idées. Il n’y a même que ça, chacun voyant les choses à sa manière. Le seul dénominateur commun maintenant un cap est cependant l’action. On est ici très exactement dans un actionnisme résumé par le réformiste Bernstein, rejeté alors par la social-démocratie à la fin du 19e siècle, comme quoi le mouvement est tout, le but n’est rien.

Cette démarche est d’ailleurs désormais commune à, on peut dire, la quasi totalité de la Gauche française, qui a balancé par-dessus bord toute liaison avec la Gauche historique. Ce qui compte, ce ne sont pas les objectifs, mais le programme, le mouvement, les initiatives, etc.

D’où l’insistance permanente d’ailleurs de Jean-Luc Mélenchon sur le principe du référendum, avec comme référence centrale la gauche latino-américaine, partisane d’un « front ample » structurée sur une ligne populaire-patriotique de réformes sociales censées être profondes.

Le succès de Jean-Luc Mélenchon relève ici de toute une attitude générale des gens composant la Gauche militante en France. Sauf que justement, Jean-Luc Mélenchon ne se définit plus comme de gauche, et d’ailleurs une partie toujours plus significative de cette Gauche militante non plus. Parler de militantisme est d’ailleurs ici en soi erroné, car ce militantisme correspond à un mode opératoire dans un esprit étudiant ou syndicaliste. Ce n’est pas du militantisme politique, structuré autour d’objectifs relevant d’un programme.

En ce sens, Jean-Luc Mélenchon et son mouvement La France insoumise reflètent une liquidation historique. La Gauche française des années 1980 regarderait ahurie, et avec dégoût, la scène militante de gauche actuelle. Elle les considérerait, avec justesse, comme un milieu de décomposés et d’opportunistes, de mouvementistes et de pragmatiques.

Et, au cœur de cela, il y a une manipulation tout à fait terrible. Il est évident que de tous les gens ayant voté Jean-Luc Mélenchon, bien peu seraient d’accord avec le principe de balancer des missiles nucléaires sur les populations d’autres pays. C’est pourtant bien la position de La France Insoumise, comme ici expliquée le 11 janvier 2022 par son député Bastien Lachaud au sujet de la « dissuasion nucléaire ». Bastien Lachaud prône même la militarisation de l’espace !

C’est un exemple parmi d’autres. Mais il est typique d’un mouvement magmatique, où il n’y a pas de valeurs claires sur le plan idéologique, au sens où les objectifs ne sont pas définis. On est dans un populisme mouvementiste qui permet tout et rien, qui a du succès par son opportunisme et sa capacité à proposer au moins quelque chose à n’importe qui, sans que cela se débouche sur rien.

Il y a une logique McDonald’s et Netflix dans le mouvement de Jean-Luc Mélenchon : on peut venir comme on veut, on choisit ce qu’on veut retenir, mettant le reste de côté. C’est là aux antipodes des principes d’élévation des consciences et d’exigence d’organisation de la Gauche historique.

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Société

Un premier tour de la présidentielle 2022 reflétant la capacité intégratrice du capitalisme

Le capitalisme profite des institutions pour se renouveler.

Tout le monde sait bien que le capitalisme a une formidable capacité corruptrice et intégratrice, cherchant à récupérer même ce qu’il y a de plus rebelle, afin de se réimpulser. Échapper à cela nécessite un véritable travail de fond, que les Français ne font nullement. Ils sont parfois critiques du capitalisme, voire peut-être même hostiles pour une minorité, mais ils acceptent de l’accompagner, même passivement.

Les Français ont, autrement dit, un certain mode de vie façonné par le capitalisme et ils y tiennent. Partant de là, il n’y a pas de participation à une démarche de rupture, que ce soit sur le plan des idées, de la culture, de la vie quotidienne. C’est ce que reflète parfaitement la présidentielle de 2022.

Elle témoigne que pour les Français, ce qui compte c’est où placer le curseur, certainement pas de changer les choses en profondeur. Il y a pourtant de grands thèmes universels qui sont inévitables, incontournables – la pandémie, la guerre en Ukraine, la question animale, le réchauffement climatique. Tout cela a été passé à la trappe.

Il y a 44 millions d’inscrits et le président sortant, Emmanuel Macron, a eu le soutien de 9 millions de personnes. C’est là un grand acte de légitimisme, de confiance. Et c’est l’expression d’une idéologie de l’entreprenariat, du carriérisme, de l’initiative capitaliste.

Pour ceux et celles qui ne sont pas de la partie, qui se trouvent en décalage avec cette logique de succès capitaliste individuel, il y avait Marine Le Pen, l’opposante démagogue nationaliste-protectionniste servant à représenter une protestation populaire primitive, informe, qui obtient 8 millions de voix.

Et derrière, on a Jean-Luc Mélenchon avec 7 millions de voix, qui représente désormais la nouvelle social-démocratie en mode désormais populiste-tribunicienne.

Cela fait là 24 millions d’électeurs, sur 44 millions d’électeurs. C’est à la fois peu et beaucoup, et en tout cas dans une France d’une pesanteur absolue, cela suffit à donner la tendance. Si vous êtes pour un capitalisme toujours plus moderne, vous avez les libéraux d’Emmanuel Macron. Si vous êtes sur le bord de la route, vous avez le protectionnisme de Marine Le Pen. Si vous voulez davantage de social dans un esprit « sociétal », vous avez Jean-Luc Mélenchon.

Tout le reste s’y rattache, d’où la mise de côté des candidats, non pas par un « vote utile » rationnel, mais de manière tendancielle. Yannick Jadot d’EELV, Valérie Pécresse des Républicains et Anne Hidalgo du Parti socialiste ne représentaient qu’une variante de la tendance que représente Emmanuel Macron, leur candidature était superflue. D’où une marginalisation, avec respectivement 1,5 million pour les deux premiers, 5000 000 voix pour la troisième.

Nicolas Dupont-Aignan et Eric Zemmour représentait pareillement un accompagnement de Marine Le Pen, d’où là encore leur mise de côté, avec 700 000 et un peu plus de 2 millions de voix.

Pareillement, ne formaient qu’un appendice de la tendance exprimée par Jean-Luc Mélenchon Fabien Roussel (PCF), avec 700 000 voix, Philippe Poutou (NPA) avec 250 000 voix, Nathalie Arthaud (LO) avec 200 000 voix.

Jean Lassalle, avec un million de voix, ne représente quant à lui qu’une anecdote provinciale sans contenu autre que le pittoresque électoral. Mais il montre justement, avec un tel score, que les élections se consomment.

Et toute consommation implique une forme de rationalisation, d’où les consommations majeures en trois courants et leurs variantes. Et c’est passager, car la tendance sera forcément, comme aux États-Unis, à une structuration plus avancée de toutes ces variantes, autour de deux blocs.

Aux États-Unis il y a des primaires, avec les républicains unissant ainsi depuis les anarcho-capitalistes jusqu’aux conservateurs nationalistes protectionnistes, et les démocrates unissant depuis des forces se revendiquant de la gauche la plus radicale jusqu’au centre-gauche libéral.

On va y tendre. En ce sens, la vie politique va connaître des mutations pour aller en ce sens. La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon, par exemple, sera obligé d’abandonner ses discours « utopiques » post-socialiste pour proposer, ce qui est déjà fait à demi-mot, un « capitalisme organisé ».

Mais cette tendance consommatrice qui se reflète ici dans un capitalisme victorieux, divisé en conservateurs traditionnels et modernistes sociaux, se heurte aux très violents conflits existant au sein des couches dominantes du capitalisme en crise, chacune essayant de faire privilégier sa propre option. Une armée française autonome, une armée française dans le cadre de l’Union Européenne, une armée française dans le cadre de l’OTAN… les options ne manquent pas, car la situation française est bien différente de celle, historiquement, de la superpuissance américaine.

La vie politique française s’américanise donc, car c’est le modèle d’un capitalisme installé… Mais en même temps, le capitalisme français n’a pas la stabilité du capitalisme américain. Cela promet une situation troublée politiquement.

Et ici, il faut souligner le rôle improductif, voire franchement néfaste de Jean-Luc Mélenchon et de son mouvement la France Insoumise. En se présentant comme le fer de lance d’un changement de l’intérieur de la société capitaliste, en réfutant le mouvement ouvrier au nom du populisme… il opère entièrement sur le terrain d’une polarisation entre conservateurs traditionnels et modernistes sociaux exigée par le capitalisme.

Son incapacité à dénoncer l’OTAN alors que celle-ci, et donc la France, est ouvertement partie prenante dans la guerre en Ukraine, le montre parfaitement : il y a alignement sur la continuité capitaliste.

Or, on ne peut pas relever du camp du prolétariat, contre la bourgeoisie, dans le cadre de la lutte des classes, et en même temps s’installer dans une tendance du capitalisme à intégrer les forces politiques, à les agglomérer dans son propre dispositif de renouvellement, de réimpulsion.

Pour qui veut le socialisme, l’intégration dans le capitalisme, c’est la désintégration. Le premier tour de l’élection présidentielle de 2022 souligne parfaitement cette dimension intégratrice. La question est désormais de savoir dans quelle mesure, et comment, la lutte de classes va faire sauter ce verrou historique.

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Les Français, menteurs et présomptueux, vont payer cher la présidentielle 2022

L’horizon s’arrête à un petit « moi » délavé par la société de consommation.

La France est un pays de petits-bourgeois tournés sur eux-mêmes, présomptueux, s’imaginant gérer avec distance une réalité qui pour eux a la même substance qu’une série télévisée. Et il y a une facture à payer pour cela.

Quel que soit le résultat de l’élection présidentielle 2022, cela va être un jeu de massacre. Soit les choses continuent comme avant en s’empirant, en raison d’une légitimité accrue, soit les choses changent en renforçant l’apolitisme, le repli, l’absence d’implication personnelle, le dédain pour tout ce qui a de l’envergure, l’infantilisme émotionnel – sentimental – intellectuel.

Dans tous les cas, il ne se passera rien de bon. Il n’y aura pas de transformation profonde, réelle, tant des choses que des gens. La course à l’abîme, au vide de la société de consommation, continue.

Il est évident que le monde pourrait s’effondrer que cela ne choquerait d’ailleurs pas les Français. D’ailleurs, le monde s’effondre. La France aussi s’effondre. Les mentalités deviennent toujours plus pourries, l’esprit de trafiquant se répand, le repli individualiste se généralise, l’absence d’engagement est complet, tous les tissus sociaux se déchirent. Tout cela, les Français le cachent, avec des fictions sur la France et ses traditions, ses valeurs, son art de vivre, et tous les discours artificiels d’une société satisfaite d’elle-même parce qu’elle n’est plus une société, mais une accumulation d’individus.

Et pourtant, ici et là, le cynisme s’efface devant les accidents de la vie qui alors brisent les gens qui ne voulaient pas y croire, et c’est l’écroulement personnel, le ciel qui tombe sur la tête. Le divorce, le licenciement, le déclassement, l’isolement, les problèmes psychologiques, les troubles psychiatriques… Car le capitalisme c’est marche ou crève et malheur à qui ne tient pas le rythme exigé.

Les Français, menteurs et présomptueux, vont payer cher la présidentielle 2022. Ils ont trop contourné les exigences de la réalité afin de satisfaire leurs misérables petites ambitions individualistes pour ne pas payer la facture. Ce qui les attend, c’est la désolation. La désolation des choses qui ne changent pas ou, pire, des choses qui changent en s’empirant.

L’avenir a pourtant lancé des appels. La question animale a été posée, les Français auraient pu être à la hauteur d’un changement concret de leurs pratiques, par souci moral et culturel, en se tournant vers la vie. Ils en ont un peu parlé, disant oui ou on va changer, puis rien, bien sûr, car modifier une vie fournie par le capitalisme, pourquoi le faire ? Si les choses doivent changer, elles le feront d’elles-mêmes, etc.

Il y a également le mouvement Je suis Charlie. Il avait ses limites, mais il était une expression sympathique d’universalisme et de culture, face à la barbarie et à la division. Tout cela a été immédiatement liquidé. On pourrait même peut-être dire que ce fut le dernier moment où la France cultivée s’est exprimée, avant que ne triomphe le marasme généralisé d’un capitalisme en crise, d’une civilisation à bout de souffle, avec des gens dont le comportement est en adéquation avec cette catastrophe historique.

L’avenir va porter un jugement impitoyable sur des Français du passé. La condamnation morale et culturelle sera totale. Ne pas être à la hauteur d’une époque avec tellement d’exigences, c’est criminel. Et chaque jour qui passe augmente la gravité de la chose. Le 10 avril 2022 ne fait qu’entériner la chose.

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Emmanuel Macron, un Kennedy en carton pour une France en plastique mou

Un show grotesque, à l’américaine.

Devant 30 000 supporters, dans une salle contenant 40 000 places, le Président Emmanuel Macron s’est mis en scène pour son premier et en fait unique meeting de campagne, une semaine avant l’élection présentielle.

Avec de la musique très forte en mode épique, des flammes de pacotille scintillantes, un bain de foule – une foule justement organisée pour donner l’impression de ferveur. Avec un président-candidat seul en scène, se promenant de pupitres en pupitres invariablement de chaque côté d’une plate-forme en hexagone géométrique, faisant des clins d’oeil, se donnant l’air ultra à l’aise et intime.

Mais cela sonnait faux, tellement c’est forcé et décalé avec la gravité de l’époque. Il faut s’imaginer le genre d’ambiance : avant l’arrivée du président, il y a un chauffeur de salle professionnel qui s’adresse aux ministres (en exercice), sagement alignés les uns à côté des autres, guindés, et leur demande de faire… la ola. Ils s’exécutent, puis la ola est reprise par le reste de la salle. Pathétique.

Pathétique et, qui plus est, cela ne correspond pas du tout au style français, qui veut de la politique et du débat d’idée et pas de la mise en scène guignolesque, qui apprécie les postures mesurées pour une approche classique dans le style et sérieuse dans le fond, ne laissant que subtilement et succinctement la place au panache.

Le show d’Emmanuel Macron sonnait donc faux, archi faux. C’est exactement comme au cinéma : quand des Français se lancent dans un film d’action à gros budget, cela ne donne rien, car c’est forcé, et donc mal fait. N’est pas Hollywood qui veut, et en l’occurrence, n’est pas John Fitzgerald Kennedy qui veut.

Emmanuel Macron s’imagine peut-être personnellement un grand destin. Il n’est en vérité qu’un JFK de pacotille, 60 ans trop tard, 6000 kilomètres trop loin. Il n’est là que grâce à l’apathie politique généralisée en France, parce que la Gauche s’est sabotée avec François Hollande et que la Droite s’est torpillée elle-même par suffisance bourgeoise avec François Fillon.

Mais aussi, et surtout, grâce à de (très) généreux donateurs qui l’ont tiré du chapeau et lui ont fait sa campagne en 2017. On sait maintenant qu’il y avait aussi derrière cela le cabinet de conseil américain McKinsey, d’où le style probablement.

En vérité Emmanuel Macron n’est rien, et ne représente pas la France ni les Français. Mais peu importe, car ce n’est pas cela qu’il vise, et d’ailleurs les Français eux-mêmes s’en fichent pas mal, comme ils se fichent de tout à part de leur petit confort quotidie Alors il suffit à Emmanuel Macron de ne pas trop faire de vague, et d’aller dans le sens d’une poignée de millions de gens bien installés dans le système, bien corrompus par le business et fétichisant la modernité capitaliste et l’entreprenariat (qu’Emmanuel Macron se vante d’avoir « libéré »).

Cela peut suffire à nouveau à remporter l’élection présidentielle. D’autant plus qu’il y a parmi ces gens l’appréciant la plupart des journalistes et des commentateurs politico-culturels. Cela aide à se faire une place et bénéficier d’une légitimité, même fictive.

Quant au fond, il n’y a rien évidemment. Et pour cause, Emmanuel Macron ne fait pas le poids face à la pesanteur de l’histoire. Il n’est qu’un accompagnateur du capitalisme, en mode suiveur et fidèle de la superpuissance américaine. Alors il peut bien se donner des airs de grand seigneur, en sermonnant la salle qui hue et siffle la guerre en Ukraine. On parle d’ailleurs là les premières phrase de son meeting, avec l’idée (mal jouée et forcée) de se donner une image de grand homme au cœur de l’Histoire.

« [Tout sourire] Je suis heureux d’être là avec vous… [la foule acclame].
[D’un coup, il prend un air sérieux et concerné.] Et tandis qu’à quelques heures de Paris on bombarde la démocratie… [La foule hue et siffle].
[Il lève le bras en signe de désapprobation et prend le ton d’un professeur.] Non, on va tout de suite se redonner une règle, que vous connaissez.
La guerre en Ukraine [il sert le poing], nous faisons tout chaque jour pour pouvoir l’arrêter. Évidemment nous la condamnons, mais ici quand nous sommes tous ensemble, nous ne sifflons pas, personne, jamais, jamais. [La foule acclame et il reprend son air grave pour expliquer qu’il mène un combat historique pour la démocratie, etc.] »

C’est totalement grotesque, personne n’y croira, comme quand il dit ensuite que son public est constitué de « militants de l’idéal », ou bien qu’il est là dans « la plus grande salle d’Europe », alors qu’il n’y avait pas plus de monde que pour un quelconque match de football important d’un club de ligue 1.

La France, les Français, s’ils étaient à la hauteur, devraient conspuer un tel personnage, et finalement ne pas lui donner d’importance. Mais la France est trop endormie, trop un plastique mou, alors elle tolère ce Kennedy en carton, se disant qu’après tout au moins c’est moderne et américain. Les Français ont toujours aimé ce qui était américain ou avait l’air américain.

La question est maintenant de savoir à quel moment la crise va passer par là. Car tout va très vite, et qui sait à quoi ressemblera la France dans quelques jours, le matin du 10 avril ? Et surtout le 27 avril, pour le second tour ?

Marine Le Pen compte en tous cas là-dessus, en misant sur le fait que d’ici là, les Français seront enfin (au moins un peu) chauffés à blanc par la crise et rejetteront Emmanuel Macron. Elle joue donc à fond la carte de la crise pour réagir à son meeting :

« Depuis 5 ans, Emmanuel Macron a financé la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune en taxant le carburant, le gaz, le fioul et l’électricité de tous les ménages ».

Cela suffira, cela ne suffira pas ? Au fond peu importe, car d’une manière ou d’une autre l’Histoire va reprendre le dessus et balayer tout ça, violemment. Emmanuel Macron, aussi insupportable soit-il, sera très vite oublié. Marine Le Pen elle-même et son nationalisme light, probablement, ne fera pas le poids non-plus, d’ailleurs.

En attendant, il faut boire le calice jusqu’à la lie.

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Présidentielle 2022 : quoique vous fassiez, les dés sont jetés

La France n’est plus maître de son destin.

Il est trop tard. La guerre en Ukraine a fini, en se prolongeant, par approfondir une torpeur générale commencée avec la pandémie, avec à chaque fois un impact économique, culturel, psychologique, social. La France, congelée par la crise, a une surface politique désormais inexistante.

Tout se passe dans les profondeurs, et plus personne n’est en moyen d’influencer cela. Aucun mouvement politique, quel qu’il soit, n’a de prise à ce niveau, de par son absence d’impact, de pénétration dans les masses, d’ampleur activiste, d’influence idéologique, d’ancrage culturel.

Il est possible d’appeler à voter pour tel ou tel personnage, de ne pas appeler à voter, de voter blanc, tout ce qu’on veut, tout cela ce sont des mots, de vaines prétentions. C’est désormais ailleurs qu cela se joue, un ailleurs auquel personne n’a accès. C’est là-dessus qu’il faut se fonder quand on ne pratique pas l’escroquerie politique.

Cela ne signifie nullement qu’une telle attitude soit purement observatrice; bien au contraire, c’est dans une conscience claire que peut naître une subjectivité authentique, assumant la rupture avec le capitalisme et son quotidien infernal. C’est une question de mental, c’est une question psychologique. C’est nécessaire pour ne pas être corrompu.

En ce sens, Nathalie Arthaud et Philippe Poutou ont fait une erreur en se présentant. Ce ne sont pas des élections comme les autres. Même en arguant que leur stratégie est de profiter des élections pour faire de la propagande – ce que leurs mouvements font depuis cinquante ans par ailleurs – on ne s’inscrit pas impunément dans une phase d’effondrement sans en payer le prix politique.

On peut déjà le remarquer avec Fabien Roussel et Anne Hidalgo. Le premier, candidat du Parti Communiste Français, n’a cessé de se montrer sous le jour d’un beauf. Et la seconde a été incapable de proposer quoi que ce soit, à rebours des traditionnelles propositions socialistes. L’époque les a fracassés.

Quant à Jean-Luc Mélenchon, il a anticipé tout cela, c’est vrai, en abandonnant la Gauche pour le populisme. Il avait tout compris, et donc rien compris. Parce que c’est dans l’autre sens qu’il fallait aller.

Ce sens, c’est celui de la Gauche historique. Il faut viser la bourgeoisie comme classe, assumer la lutte des classes, comprendre la marche du capitalisme afin de rejeter ses valeurs. Il ne faut pas les accompagner en se faisant un promoteur du turbocapitalisme.

Il faut du contenu. C’est à ce la qu’oeuvre agauche.org, en s’inscrivant dans la durée, car la période future va être tourmentée, les années qui suivent vont être agressives, avec la guerre inévitable qui s’annonce de par le repartage du monde par les grandes puissances.

Et dans un tel panorama, ne pas parler des animaux c’est ne rien comprendre aux enjeux de notre époque. Plus on s’enfonce dans la crise, et moins on parle d’eux, alors que toute notre époque appelle à un rapport différent à Biosphère. C’est cela le combat de notre époque : abattre le cynisme, l’égoïsme, l’égocentrisme, promouvoir la compassion, l’empathie, construire une civilisation sur ces fondements.

Et cela n’a rien à voir avec la fausse bienveillance du consumérisme capitaliste notamment LGBTQ. On ne parle pas d’individualisme et d’acceptation des egos. On parle de collectivisme, de projet relevant de la collectivité, d’affirmation personnelle au sein du grand Tout qu’est la société, la Nature. Des valeurs qui sont totalement éloignés des gens en France, même des prolétaires, mais pas du prolétariat. Le décalage est ici immense. Il doit être résolu.

Et c’est l’Histoire qui va s’en charger, en reconstituant le prolétariat… avec la Gauche historique en première ligne pour mener cette tâche.

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Meeting du Trocadéro: Eric Zemmour lance l’après pour la Droite

Une nouvelle droite dure et nationaliste va se former.

En annonçant 100 000 personnes au Trocadéro à Paris pour son meeting, Eric Zemmour a parfaitement réussi son coup médiatico-politique. Ce qui compte pour lui en effet est de montrer qu’il y a un élan autour de lui et de ce qu’il représente, avec une proposition incontournable pour l’avenir.

Il ne faut pas être dupe de l’enjeu électoral lui-même, qui ne débouchera très probablement pas sur un séisme politique. Eric Zemmour sait très bien qu’il ne sera probablement pas au second tour dans quinze jours, dimanche 10 avril 2022, mais peu importe.

Ce qu’il faut voir surtout, c’est comment, en si peu de temps, sans aucun parti politique structuré initialement derrière lui, il réussit à peser autant sur l’élection, à réunir 100 000 personnes adhérentes à sa formation électorale Reconquête avec un discours très clivant, et plusieurs dizaines de milliers de personnes à son grand meeting de campagne à Paris.

L’élan est clairement là, la dynamique politico-culturelle est évidente. Et si, comme cela se profile, Marine Le Pen échoue à nouveau face à Emmanuel Macron au second tour de l’élection, avec également une Valérie Pécresse humiliée par un score très faible au premier tour, alors il y aura un immense boulevard pour la recomposition de la Droite, dans une forme conforme aux tumultes de l’époque, à la crise.

D’ailleurs, Eric Zemmour n’est ici probablement qu’un simple outil, un passeur pour aller d’une époque à une autre, et il s’effacera très vite, en tous cas idéologiquement (déjà qu’il ne représente pas grand-chose, hormis son populisme anti-immigrés). Il faut plutôt regarder du côté des Nicolas Bay, Guillaume Pelletier ou Marion Maréchal pour voir les visages de la Droite dure et nationaliste de demain.

Eric Zemmour pour sa part, c’est avant tout la nostalgie de la France d’avant, de l’après-guerre, avec un capitalisme triomphant et modernisant la société à vitesse grand V, sans pour autant chambouler sa base paysanne et petite-bourgeoise. En s’adressant aux « anciens » lors de son meeting, il a parfaitement exprimé cela :

« Vous avez connu la vie dans le plus beau pays du monde, vous avez connu l’école de l’exigence, vous avez connu la courtoisie dans la rue, la galanterie. Vous avez connu la fierté d’être Français. Vous ne reconnaissez plus le pays dans lequel vous avez vécu ? Vous ne comprenez pas ce qui vous a échappé ? Vous ne vouliez pas créer ce chaos, je le sais. Vous avez le pouvoir de faire basculer cette élection, de choisir le candidat qui vous dit : ‘Oui, vous avez raison d’avoir peur’. Choisissez le candidat qui vous dit : ‘Je veux que la France redevienne la France’. Je vous propose de redevenir jeunes, de retrouver l’optimisme de vos 20 ans ».

Mais plus encore, c’est en dévoilant ses références politiques lors du meeting qu’il montre en quoi il est dépassé culturellement, appartenant strictement au passé (quand bien même est-ce sous une forme mystifiée) :

« Nous sommes les seuls à être de droite dans cette campagne. Nous sommes les seuls héritiers d’une Droite qui aime la France, le peuple, le travail, l’ordre et l’identité. C’est la Droite qui était au RPR, la Droite de Charles Pasqua, la Droite de Philippe Séguin. Oui je suis le seul candidat de droite à cette élection. »

Au sens strict, ce genre de références en 2022 n’a aucun sens et ne devraient même pas réunir plus d’une centaine de personnes ; si Eric Zemmour galvanise autant avec un tel discours franchement ringard, c’est simplement de par ce qu’il représente comme perspective de bousculement politique, de recomposition de la Droite.

Ce qui compte n’est pas tant ce qu’il raconte, sur l’immigration, l’économie, etc. ou ce qu’il ne raconte pas, sur l’écologie, sur la Russie, etc. Ce qui compte surtout c’est qu’il explique qu’il faut tout recommencer à droite, réunir tout le monde pour partir sur de nouvelles bases dépassant les formations politiques actuelles à droite.

Les propos suivants tenus lors du meeting du Trocadéro ont une portée politique immense, qui serviront de base pour les dix années à venir à droite, c’est une évidence :

« J’ai choisi le Trocadéro car nous n’en pouvons plus des divisions des patriotes qui est la cause de nos défaites. J’aurai besoin de tout le monde : des gaullistes, des souverainistes, de tous les patriotes de la droite.
J’aurai besoin de tout le monde. J’aurai besoin de toutes les familles de la droite et de tous les patriotes. J’ai des amis aux Républicains et je les accueillerai. J’ai des amis au Rassemblement national, ils auront toute leur place à mes côtés. Oui j’ai besoin d’Eric Ciotti, applaudissez-le ! Oui j’aurai besoin de François-Xavier Bellamy, de Laurent Wauquiez, de Nadine Morano, de Jordan Bardella, applaudissez-les ! Car c’est l’idée que je me fais de l’union des Droites ».

Eric Zemmour, c’est ni plus ni moins que la jonction entre la droite classique et traditionnelle, bourgeoise et urbaine, représentée surtout par le RPR, puis l’UMP, puis LR, avec une droite provocatrice et populiste, puis social-nationaliste, représentée surtout par le Front national puis le Rassemblement national.

Pour l’instant, Eric Zemmour n’apporte aucun contenu véritable à cette union et recomposition de la Droite à venir. Il ne fait que recracher vaguement l’idée d’un néo-gaullisme indispensable à la bourgeoisie française, qui a déjà été formulé en long en large et en travers partout à droite durant les années 2010. Depuis Henri Guaino, qui était le conseiller spécial de Nicolas Sarkozy, jusqu’à Marine Le Pen et toute la clique intellectuelle ayant formulé son programme depuis 2012.

Voilà donc la signification principale de la candidature Eric Zemmour : c’est d’en  » appeler  » à :

« ces électeurs des Républicains qui en ont assez de voir leurs idées trahies, à ces électeurs du Front national qui voient leurs idées végéter dans une opposition stérile depuis trop longtemps. »

Je vous tends la main, dit-il, et cette main tendue n’est autre que la possibilité d’une nouvelle formation à Droite en France, sur une ligne dure, nationaliste, néo-gaulliste évidemment, assumant la restructuration économique dans le cadre de la crise avec une bataille rude menée aux travailleurs, et assumant bientôt la question de la guerre dans le contexte mondial.

Eric Zemmour, en vérité, ne dit pas grand-chose dans le fond, car il n’a pas besoin de le faire. Ce qui compte par contre, c’est qu’il laisse la porte grande ouverte pour une nouvelle Droite prenant fermement le pouvoir en France.

C’est tellement vrai que Philippe de Villiers, ce nationaliste toujours apprécié à droite mais isolé, qui prône justement depuis des années et des années cette union des droites sur un mode dur, a confié avoir eu «les larmes aux yeux  » en écoutant le meeting d’Éric Zemmour. C’est clairement une page qui se tourne pour la Droite française, une nouvelle époque qui s’annonce.

La Gauche en face doit se reconstruire et vite, pour ne pas voir les acquis démocratiques et toutes les conquêtes sociales du mouvement ouvrier se faire littéralement broyer par cette nouvelle vague de droite dure et nationaliste, et qui assumera d’aller vers la guerre.

C’est tellement urgent qu’il suffit de penser ne serait-ce qu’à dans quelques semaines avec les élections législatives… Cela va être un jeu de massacre pour la Gauche, ou ce qu’il en reste, et une formidable séance de répétitions pour la nouvelle droite qui se profile.

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Présidentielle 2022 : la société française se replie sur elle-même

Il faut s’attendre au pire.

L’indifférence complète pour la présidentielle 2022 de la société française ne doit pas laisser penser que les Français sont rétifs à l’État ou au capitalisme. L’abstention, si valorisée à l’ultra-gauche, n’exprime certainement pas, dans les conditions actuelles, une élévation du niveau de conscience sociale. Encore faut-il d’ailleurs porter une attention sur un tel niveau – ce qui est le choix de la Gauche historique.

Non, l’indifférence pour la présidentielle 2022 correspond à une dépolitisation, à un dédain de toutes responsabilités, ce qui s’associe avec un vote à l’extrême-Droite. On pense trop souvent que la montée de l’extrême-Droite ne peut que s’accompagner d’une mobilisation de masse, dans une version fanatisée et de grande ampleur. C’est là un raccourci.

La mobilisation de masse de l’extrême-Droite est toujours apolitique ou anti-politique ; elle vise, exactement comme les gilets jaunes d’ailleurs, à « rétablir » un ordre ancien. Les fascistes italiens et les nazis allemands ne prétendaient pas être une faction politique, mais un mouvement de fond procédant au grand « rétablissement ».

Et le terreau d’un tel mouvement de « réaction » – s’arrogeant une dimension « révolutionnaire » anticapitaliste en luttant contre le présent de la société (mais pour aller vers le passé et non l’avenir) – c’est l’apolitisme à grande échelle, le crétinisme de masse, la réduction des masses à des foules.

C’est pourquoi la présidentielle 2022 n’a pas qu’un seul aspect horrible, consistant en le fait que les Français soient ailleurs dans leur esprit, mais bien deux, car la montée de l’extrême-Droite est strictement parallèle à un tel phénomène. C’est l’alliance de l’apolitisme et du « retour en arrière ».

Et si l’on veut s’opposer à cela, il faut être à la hauteur. Essayons de résumer les principaux points, à traits grossiers, caractérisant la société française : le refus de lire des choses profondes, le rejet de toute organisation, la réduction à la structure familiale, la fascination pour l’esprit de bande, la limitation de l’expression des points de vue à des éléments brefs dans l’esprit des réseaux sociaux, le consumérisme béat, l’attrait pour des choses superficielles bien empaquetées à la Netflix ou Koh Lanta…

Et maintenons regardons les gens à gauche. Sont-ils extérieurs à cette tendance négative ? Absolument pas. Ils sont même une partie du problème le plus souvent, en ayant été happés par le turbocapitalisme. Ils sont en phase directe avec le capitalisme élargissant les marchés, depuis Uber Eat jusqu’aux LGBT. Ils sont un facteur de dépolitisation massive, de repli individuel, avec le progrès social consistant en l’élargissement des « droits individuels ».

Pour être à gauche aujourd’hui, il faut avoir un vrai niveau culturel, et lutter en ce sens ; qui ne le fait pas se fait happer par le capitalisme, sans même le remarquer, et après c’est trop tard. C’est bien entendu un phénomène de masse. Et pour ne pas avoir été à la hauteur à ce niveau, la Gauche française est incapable de faire face tant à la dépolitisation qu’à la montée de l’extrême-Droite, deux phénomènes qui vont ensemble et qui s’expriment tel un rouleau compresseur.

La société française se replie sur elle-même et il faut s’attendre au pire pour la présidentielle 2022. Rien ne peut sortit de bon d’un tel événement institutionnel dans une société en décomposition, avec un capitalisme décadent, avec une crise à tous les niveaux.

Qui ne se place pas à ce niveau, en termes civilisationnels, rate le sens de ce qui est en train de se dérouler.

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Présidentielle 2022 : l’élection qui n’a pas lieu

La nullité est seule triomphante.

Dans trois semaines, dimanche 10 avril, ce sera le premier tour de l’élection présidentielle, qui est l’échéance pilier du régime de la 5e République française. Pourtant, cela n’intéresse personne, et pour cause. Le panorama électoral français est d’une nullité affligeante, avec des candidats tous aussi lisses les uns que les autres, sans aucune profondeur politique et culturelle. Personne n’est à la hauteur, c’est au contraire la course à celui qui froissera le moins possible la société française, à qui assumera le moins de choses possibles.

La réélection d’Emmanuel Macron à son propre poste ne fait pas de doute dans l’esprit de la plupart des gens, qui regardent cela de très loin, s’en accommodant largement. C’est que le président correspond très bien à l’état d’esprit de la France : passive, à fond dans la consommation, crispée par rapport à la crise, mais niant malgré tout celle-ci.

Emmanuel Macron est celui qui dit ce qu’il faut dire, sans faire de vagues, sans dire grand chose. Tant la Droite que la Gauche sont encore groggy de sa victoire sortie de nulle part en 2017, qui a cannibalisé leurs fonds de commerce respectifs.

La Droite, à qui l’élection de 2017 était entièrement promise, ne s’est jamais relevée de son échec. Les équipes de Valérie Pécresse, la candidate LR pour cette échéance 2022, sont ulcérées de voir Emmanuel Macron reprendre leurs propositions : retraite à 65 ans, droits de succession supprimés pour 95% des Français, rachat des RTT, année d’internat dans les déserts médicaux, gommant ainsi toutes différences.

La Gauche quant à elle est absolument pitoyable, n’ayant probablement jamais été aussi proche du fond depuis 1914 et l’Union sacrée menant à la première guerre mondiale. Entre le spectacle médiatique de Christiane Taubira qui a fait un flop monumental, le beauf du PCF Fabien Roussel qui s’extasie dès qu’il dépasse les 4% dans les sondages en parlant de steak et de pinard, le populiste Jean-Luc Mélenchon qui racle les fonds de tiroir d’il y a cinq ans, la maire de Paris Anne Hidalgo qui réussi l’exploit de faire une campagne encore plus médiocre que celle de Benoit Hamon en 2017, ou bien encore Yannick Jadot le va-t-en-guerre atlantiste furieusement anti-russe… Que dire?

Du côté des nationalistes, c’est (heureusement) pas mieux. On aurait pu s’attendre à ce que ceux-ci aient un boulevard avec la guerre en Ukraine, en critiquant l’hystérie atlantiste anti-Russe pour relativiser les positions du régime de Vladimir Poutine et mobiliser autour d’un romantisme anti-américain, « non-aligné », etc. Il y avait vraiment de quoi, mais ni Marine Le Pen ni Eric Zemmour n’ont osé, car ils n’osent pas bousculer le régime. Ils ne sont fondamentalement pas de véritables fascistes, mais justes des nationaux-populistes annonçant fadement une nouvelle époque, des escabeaux pour le véritable nationalisme-militarisme qui ne manquera pas d’arriver.

Tout cela n’intéresse donc pas grand monde, car il n’y a pas grand chose à en dire. Après deux ans de pandémie qui a renforcé l’anesthésie générale des esprits par le capitalisme 24 heures sur 24, plus personne ne s’intéresse à rien ni n’assume rien.

Il y en a pourtant des choses à dire… Mais qui assume la question de l’écocide et propose un chamboulement écologiste de la société ? Personne ! Qui assume la question de la crise et assume de vouloir renverser la table, changer les choses en profondeur ? Personne ! Qui parle des animaux ? Personne ! Qui met véritablement sur la table la question des femmes et de leur affirmation dans la société au quotidien ? Personne ! Qui parle de l’insécurité et veut véritablement mener une guerre à la délinquance et aux comportements anti-sociaux ? Personne ! Qui annonce et critique la troisième guerre mondiale qui se prépare ? Personne !

L’avenir ne se jouera certainement pas dans trois semaines avec le premier tour de l’élection présidentielle 2022. La politique n’est pas là, la démocratie n’est pas là. La crise ne fait que commencer, et bientôt la politique reviendra sur le devant de la table. Mais cela se fera par la force, dans la douleur, probablement partant dans toutes les directions avec beaucoup de pots cassés. Ce sera le prix à payer demain de tant de nullité aujourd’hui !

Et le prix à payer par la société française pour une telle apathie va être gigantesque. La facture pour la passivité, tant personnelle que collective, va être meurtrière psychologiquement, assassine socialement, monstrueuse culturellement…

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Marion Maréchal rallie Eric Zemmour

Un moment clef pour la reformation d’une Droite dure en France.

Depuis le meeting de Toulon du dimanche 6 mars 2022, l’ancienne députée Marion Maréchal a annoncé publiquement son soutien à Eric Zemmour pour l’élection Présidentielle. Cela n’a rien d’une surprise, tant ils sont sur la même ligne politique, à savoir l’union de la Droite dans une version dure, très libérale économiquement, appuyant à fond le catholicisme dans une variante traditionnelle, néo-gaulliste donc « non alignée » aux États-Unis sur le plan international, et assumant un « choc des civilisations » sur le plan culturel.

Cela n’a rien d’une surprise, mais c’est un tournant, une étape importante dans la construction d’une nouvelle Droite en France pour la période à venir. Ce ralliement ne changera probablement pas la donne pour l’élection Présidentielle, il ne faut pas imaginer qu’il y ait là un nouvel élan, une nouvelle « dynamique » électorale pouvant s’enclencher. Cela d’autant plus que la crise en Ukraine est extrêmement défavorable, pour l’instant, au camp nationaliste, alors qu’inversement elle profite totalement, sur le plan électoral, au camp « atlantiste » (aligné sur la superpuissance américaine), largement trusté par Emmanuel Macron.

Mais ce n’est pas ce qui compte. Ce qui compte, c’est la nouvelle période qui s’ouvre, avec la formation d’un nouveau pôle de droite, très offensif politiquement et extrêmement structuré idéologiquement et culturellement. Marion Maréchal, depuis plusieurs années, est un maillon essentiel de cette reformation de la Droite, comme nous l’avons analysé pas à pas, avec une étude systématique de son parcours depuis son premier « retour » dans la vie publique en 2018.

Rappelons qu’en mai 2017, elle avait publié un texte qualifié à l’époque de manière grandiloquente de « testament politique », où elle annonçait prendre du recul après son mandat de député Front national du Vaucluse, qui faisait d’elle au passage la plus jeune députée historiquement.

En rejoignant la candidature d’Eric Zemmour, Marion Maréchal fait ainsi un retour véritable dans la sphère électorale, après avoir orchestré sa distance de la vie politique, au profit de sa carrière « d’entrepreneuse », et surtout, de la « métapolitique ».

La métapolitique est un concept venu de franges radicales de l’extrême-droite française, consistant en l’affirmation d’une bataille politico-culturelle de fond, sur le plan surtout des valeurs, au-delà de la politique classique, de type électoral et débat d’opinion.

Marion Maréchal, depuis 2018, a joué à fond là-dessus, en se plaçant comme au-dessus du lot pour envisager les choses de manière large, avec une perspective civilisationnelle. Elle l’a fait au sein de toute une mouvance formée autour des magazines Valeurs Actuelles et L’incorrect. C’est d’ailleurs via une tribune dans Valeurs Actuelles, qu’elle avait fait son premier « retour » en 2018, pour annoncer un projet d’ouverture d’une école politique.

On se rappellera qu’à l’époque, elle était invitée à discourir à la Conservative political action conference, c’est-à-dire ni plus ni moins que la conférence politique annuel des conservateurs américains, structurés à ce moment-là autour de Donald Trump. Elle y avait vanté la ligne populiste « America first » de ce dernier, expliquant qu’elle voulait faire la même chose en France.

Un autre moment important fut son apparition comme invitée d’honneur d’une soirée-débat le 31 mai 2018 sur le thème de Mai 1968 (en raison du cinquantième anniversaire des événements de mai et juin 1968). L’intitulé était « Débranchons Mai-68 », et elle y avait expliqué en détail son hostilité à la Gauche, dans une version caricaturale et niant le mouvement ouvrier. La critique de « mai 68 » était surtout pour elle une occasion de critiquer les Lumières en faisant référence à la spiritualité chrétienne et la défense de valeurs « traditionnelles », et d’appeler à une révolution conservatrice, une sorte de « mai 68 » à l’envers.

Quelques jours après, le 22 juin 2018, elle annonçait la mise ne place son école d’étude supérieures, l’Institut Supérieur de Sciences Économiques et Politiques (ISSEP) à Lyon. C’est une sorte d’équivalent de droite dure des écoles « Science po », en général plutôt d’orientation libérale démocrate et pro-américaine sur un mode postmoderne.

Le but de son école est la formation de la « jeunesse conservatrice de France » pour produire les futurs cadre du régime. En effet, son école ne consiste pas en un simple cercle militant radical, mais en une véritable structure devant compter à l’avenir, avec en son sein des figures institutionnelles et universitaires reconnues. Elle y a d’ailleurs invité Eric Zemmour dès 2018.

Déjà à l’époque, il était concrètement question d’une reformation politique de la Droite. Fin 2018, Marion Maréchal intervenait au lancement du « Cercle AUDACE » sur le thème « Quel avenir pour les Droites ? ». Elle y expliquait que le souverainisme (en fait le nationalisme) n’est pas suffisant, mais qu’il fallait également développer du contenu sur le plan des valeurs, avoir une vision du monde pour mobiliser la société française.

En avril 2019, elle faisait une nouvelle intervention remarquée sur ce thème de la Droite, en critiquant frontalement sa tante Marine Le Pen sur cet aspect précis, dans un long entretien à Valeurs Actuelles. On pouvait y lire notamment :

« J’ai dit en revanche pourquoi le clivage entre populistes et mondialistes me semble être une impasse électorale. Je crois qu’on ne peut pas gagner en s’adressant seulement aux classes populaires. Ceux qui rêvent d’une grande alliance de partis entre La France insoumise et le Front national se trompent.

Cette alliance me semble d’autant moins possible que la souveraineté, dont se réclame timidement Jean-Luc Mélenchon, n’est pas une fin en soi. La souveraineté, c’est le contenant ; la vision de la société, c’est le contenu. Au service de quoi met-on la souveraineté ? Une République islamique souveraine, ça ne m’intéresse pas… »

C’est exactement la position d’Eric Zemmour aujourd’hui, qui le différencie de Marine Le Pen (qui de son côté prône désormais une sorte de nationalisme « social », ni de gauche ni de droite). Et c’est justement au côté de Marion Maréchal que se trouvait Eric Zemmour en septembre 2019 pour une « Convention de la Droite » où ils étaient les deux principales figures.

L’intervention de Marion Maréchal avait été particulièrement importante, précisant le fond de sa vision de la Droite. Il ne s’agit en effet pas pour elle de simplement conquérir le pouvoir électoral, mais bien d’opérer à une véritable purge de l’État pour en remplacer tous les cadres et refondre les institutions :

« N’attendons pas que l’État nous sauve, actuellement il est phagocyté par une idéologie et des intérêts contraires à l’intérêt national. »

L’optique est celle d’une révolution conservatrice, balayant l’ordre actuel et l’hégémonie libérale-démocrate pro-américaine dans l’appareil d’État. Dans cette perspective, elle avait formulé de manière assez précise sa position sur les questions internationales lors d’une grande conférence conservatrice à Rome, en février 2020. Elle soutenait l’idée d’une « alliance latine » (et catholique) :

« J’imagine une alliance latine entre la France, l’Espagne, l’Italie et le Portugal. Une alliance latine qui marcherait avec le groupe de Visegrad [Pologne, République Tchèque, Hongrie, Slovaquie – NDLR]. Une alliance qui garderait le lien avec la Grande-Bretagne et la Russie ».

On remarquera que le fasciste Charles Maurras prônait la même chose dans les années 1930, souhaitant unir le fascisme italien et son propre mouvement, l’Action française, dans une perspective différente et opposée au national-socialisme allemand.

Enfin, pour souligner la dimension « étatique » de Marion Maréchal, il faut rappeler sa prise de position en faveur de la tribune des militaires appelant à un éventuel coup d’État en avril 2021. Le contenu général et le choix précis des mots et des concepts était entièrement dans la lignée de Marion Maréchal. Nous soulignions alors :

« Il s’ouvre en France une période tout à fait nouvelle avec une Droite dure qui s’affirme, qui s’éloigne du centrisme et du libéralisme avec l’idée de cogner fort pour remettre de l’ordre et orienter le pays dans le sens du nationalisme et de l’expression militaire de la France. C’est conforme à la tendance mondiale à la guerre, à la grande bataille qui s’ouvre pour le repartage du monde. »

C’est exactement ce qui se passe actuellement, la situation est d’une très grande intensité sur le plan du contenu. C’est une modification du panorama politique, social, culturel, idéologique… qui a lieu. D’où les propos de Marion Maréchal le 6 mars 2022 à Toulon :

« La recomposition politique va advenir, je crois de nouveau la victoire possible ! »

L’union de la Droite dit-elle, « j’en ai rêvé et vous l’avez fait! ». Et elle a donné au public toulonnais ce qu’il était venu chercher, c’est-à-dire un discours nationaliste bien à droite, fustigeant l’idéologie « woke » et les postmodernes, assumant la théorie du « Grand remplacement » sans la nommer, mais en évoquant « la question culturelle et démographique ». Logiquement, elle a opposé son nationalisme à Emmanuel Macron, dont il est censé incarner l’antithèse :

« la macronie n’a manifestement pas compris une chose très importante. Elle n’a pas compris que la nation, par essence est une synthèse. Eric [Zemmour], c’est parce que tu mesures cette responsabilité, que derrière ta candidature il y a un grand mouvement populaire et national. Je vous regarde, et je vois des Français des villes et des Français des villages, des Français des usines et des Français des Start-Up, des Français de 18 ans et des Français de 78 ans. Bref, je vois le peuple de France. »

On remarquera enfin que Marion Marechal jubile d’avoir en face d’elle la Gauche dont elle rêve, c’est à dire une fausse gauche, libérale sur le plan des mœurs et postmoderne idéologiquement, et pas la Gauche historique :

« Alors oui bien sûr la fable marxiste a évoluée, parce que dorénavant le patron capitaliste prend les traits du mâle blanc hétérosexuel, tandis que le travailleur exploité prend celui de la minorité racisée, du musulman, du LGBTQI plus, plus, plus, vers l’infini et l’au-delà. »

Gageons que cette nouvelle étape majeure dans la recomposition de la Droite dure fasse office d’électro-choc, qu’elle favorise les germes de la formation d’une nouvelle Gauche historique en France, d’un retour du mouvement ouvrier et des Lumières, tournés vers la planète Terre et les animaux.

Il le faudra, absolument, pour faire face à ce rouleau compresseur de Droite dure porté par Eric Zemmour, et à l’avenir de manière évidente, de plus en plus par Marion Maréchal. Il le faudra pour faire face à la Crise et à la guerre qui sera justement bientôt portée de manière acharnée par la Droite dure et toutes les composantes du nationalisme.

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Les positions du camp nationaliste (Marine Le Pen, Eric Zemmour, Jean-Luc Mélenchon) sur la reconnaissance du Donbass séparatiste par la Russie

Trois candidats à la présidentielle 2022 tournés aussi ou notamment vers la Russie.

Il existe en France deux bourgeoisies. Il y a celle soutenant la participation à l’OTAN et l’Union européenne, considérant qu’il faut s’aligner sur la superpuissance américaine, qu’il y a là une garantie de croissance. Représentée par Emmanuel Macron, mais également le Parti socialiste et la Droite classique (ainsi que l’ultra-gauche), elle est favorable à des modifications sociétales profondes (PMA, LGBT, cannabis légalisé, flexitarisme alimentaire, etc.) parce que cela permet d’ouvrir de nouveaux marchés, de réimpulser le capitalisme.

Il y a celle qui, par contre, considère que la France perd son rang en se plaçant dans le sillage américain, qu’elle se déclasse en tant que grande puissance et qu’elle ferait mieux de jouer sa propre partition. Il faut donc éviter de trop bousculer la société, voire appliquer une ligne conservatrice pour figer la société au maximum, pour qu’elle fasse bloc afin de la mobiliser de manière nationaliste. Dans cette optique, la Russie fait office d’allié incontournable, de par son idéologie conservatrice révolutionnaire, sa concurrence avec la superpuissance américaine, son absence de concurrence directe avec la France dans la plupart des cas.

C’était la ligne de François Fillon, avant qu’il se fasse descendre politiquement par le Canard enchaîné au moment des présidentielles de 2017, permettant au candidat tombé du ciel (car choisi par la haute bourgeoisie de la première faction), Emmanuel Macron, de triompher. François Fillon est désormais administrateur indépendant de Sibur, géant russe de la pétrochimie, et représentant de la Fédération de Russie au Conseil d’administration du groupe pétrolier public Zaroubejneft.

C’était également la ligne de Marine Le Pen, dont le parti avait obtenu un prêt de la Russie, ou encore de Jean-Luc Mélenchon voyant comme la gauche du PCF une dimension « anti-impérialiste » dans la Russie.

Or, c’est la première faction qui donne le ton depuis le début des années 1990, avec la chute de l’URSS et l’intégration de la Chine dans le capitalisme international, qui a permis une incroyable expansion. Voilà pourquoi Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ont été ainsi des représentants de la seconde faction, mais sans perspective de succès concret. Aussi ont-ils modifié leur positionnement, l’adoucissant… perdant ainsi toute leur spécificité, ce qui les amène à se voir remplacer par Eric Zemmour une fois la crise venue avec la pandémie.

Ce qui fait qu’Eric Zemmour dit en fait la même chose aujourd’hui, au sujet de la Russie, que Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon hier, faisant aussi office de François Fillon II, en quelque sorte. C’est absolument flagrant. Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon prennent désormais une certaine distance avec la Russie, afin de ne pas « heurter » trop la première faction de la bourgeoisie, Eric Zemmour fait vaguement semblant pour ne pas heurter son public libéral ayant un fort tropisme pro-américain, afin toutefois, dans le fond, d’entièrement s’aligner sur la Russie.

Ainsi, Marine Le Pen veut une grande négociation y compris avec les Etats-Unis, à total rebours de son positionnement historique ; Eric Zemmour dit qu’au fond il faut un accord entre les pays européens et la Russie (sans les Etats-Unis) ; Jean-Luc Mélenchon dit qu’il n’y aura pas de guerre (!!), que la Russie a fait n’importe quoi et que l’OTAN va avancer, ce qui nuit aux intérêts français.

Communiqué de Marine Le Pen sur la situation en Ukraine

La décision de Vladimir Poutine est un acte éminemment regrettable qui ne participe pas à la nécessaire désescalade des tensions que j’appelle de mes vœux depuis le début de la crise.

Néanmoins, tout doit être fait pour retrouver la voie du dialogue afin d’assurer la paix en Europe.

Désormais, la solution passe probablement par l’organisation d’une conférence réunissant les Etats-Unis, la Russie, la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni ainsi que la Pologne, la Roumanie, la Hongrie et la Slovaquie, états frontaliers de l’Ukraine.

Cette conférence aurait pour objectif de négocier une solution sur la base de l’accord de Minsk, accord dans lequel la France avait joué un rôle déterminant et dont l’application assurerait la paix.

Communiqué de Jean-Luc Mélenchon sur la situation en Ukraine

Plus que jamais il faut se méfier des guerriers de plateau de télé qui s’échauffent dans l’invective et les mouvements de menton. Faire sérieusement le point demande qu’on parte du seul point de vue qui vaille en temps de crise : l’intérêt de notre pays.

Car le contexte est hors de notre portée.

En Ukraine et sur toutes les frontières à l’est du continent nous sommes en présence des rebondissements d’une de ces guerres sans fin qui, depuis Pierre le grand et Catherine II, tenaillent les peuples du secteur. L’implosion de l’URSS est le premier cas de l’ère moderne ou un Empire s’effondre sans négociation des frontières qui en résultent. Cela justifiait une prudence plus grande qu’ailleurs dans les décisions et les évolutions. La destruction de la Yougoslavie, la création de l’état artificiel du Kosovo ont vite montré que le rapport de force serait partout la règle. Le récent déploiement d’armes et de militaires de l’Otan dans tous les pays baltes l’ont confirmé.

Pour autant la reconnaissance des républiques russophones du Donbass par Poutine est une très mauvaise affaire pour les Français. Le respect des frontières, quelles qu’elles soient est une condition de base d’une vie internationale où la diplomatie et l’ONU tranchent plutôt que les armes et les coups de force. Si nous voulons nous-mêmes être indépendants, notre intérêt est que les frontières soient intangibles ou bien qu’elles ne bougent qu’après des procédures concertées, acceptées et contrôlées.

Il est à craindre qu’à la décision russe succède une décision américaine d’intégrer l’Ukraine dans l’OTAN. Autre mauvaise affaire pour nous Français qui n’avons aucun intérêt à l’extension de la domination militaire des USA et de leurs intérêts sur notre continent.

Poutine a dû comprendre que la décision était déjà prise et qu’il ne pourrait jamais obtenir de garantie sur ce sujet. Il a vu que les USA ne lui cédaient rien sur ce point depuis le début de la crise. La reconnaissance des républiques du Donbass est donc sa prise d’avantage dans le nouvel ordre qui s’installe dans cette région. Il l’a fait avant que la nouvelle frontière de l’OTAN ne lui interdise de le faire.

Comme tout cela se déduit très facilement de l’observation, on peut se demander si n’entre pas déjà en vigueur un nouvel ordre quasi convenu. Car qui ferait la guerre pour le Dombass ? Personne.

Et d’abord parce que la guerre sur place dure depuis huit ans et que les parties concernées (russophones et ukrainiennes) en sont rendu à un degré de haine mutuelle qui bloque toute vie commune. Et Comme Kiev n’a jamais mis en œuvre le moindre commencement d’application des accords de Minsk à propos du Donbass, on peut penser que les Russes se le tiennent pour dit. Mais la Russie de son côté ne fera pas non plus la guerre pour l’Ukraine. Elle attendra qu’elle tombe comme un fruit mur, le moment venu.

N’empêche que c’est une escalade, et que la Russie en porte la responsabilité et qu’il faut le condamner dans notre interêt bien compris.

Quoiqu’on pense des arrières pensées ou des logique de situation, il n’empêche que c’est bien la Russie qui a pris la responsabilité de cet épisode. L’annexion de l’Ukraine dans l’OTAN ne tardera plus. Peu importe qu’elle ait été déjà prévue avant cela. Peu importe, parce qu’on ne juge d’une situation que par les actes qui y sont posés.

Aussi longtemps qu’une ligne n’est pas franchie on peut penser que la suivante ne le sera pas et s’organiser pour cela. Une ligne est franchie. Sauf a capituler sans condition les USA sont dans l’obligation d’étendre l’OTAN et les Européens sont obligés de dire oui à tout et au reste. Le reste c’est le blocage provisoire de Northstream II et l’approvisionnement en gaz de schiste américain. Avec, cela va de soi, de nouveaux déploiements de troupes USA et l’extinction des bavardages sur l’autonomie de défense européens.

Je ne dis rien à cette étape du bilan navrant de Macron dans cette séquence. Il y aura joué des rôles sans contenu réel. Il est inutile d’espérer qu’il fasse mieux. Il peut faire pire. On doit lui laisser une possibilité de respecter au moins la démocratie de son pays. Le Premier ministre doit une explication au pays dans les heures qui viennent devant l’Assemblée nationale.

Cette situation me conforte dans ma proposition d’une conférence des frontières. Elle permettrait de fixer des règles et de gérer avant la crise les autres situations de tensions frontalières qui murissent sur notre continent.

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Guerre

Eric Zemmour, c’est le candidat du parti de la guerre!

Eric Zemmour, c’est la guerre, avec une orientation favorable à la Russie !

L’été dernier, en juin 2021, Eric Zemmour le polémiste se désolait de la faiblesse de l’armée française en moquant une « armée d’échantillon ». Il affirmait :

« On a de tout pour tout. On peut faire une guerre à tout le monde… pour une journée, après il n’y a plus rien. Après il n’y a pas assez de munitions, d’hélicoptère, de sous-marins, etc. »

Maintenant qu’il est candidat, la question de l’armée est pour lui primordiale. Car il est le candidat de la haute bourgeoisie voulant faire basculer la France dans un militarisme généralisé pour se lancer dans la bataille pour le repartage du monde.

Il ne s’agirait plus d’accompagner l’ordre dominant ayant la superpuissance américaine comme force hégémonique, mais de vouloir tirer son épingle du jeu dans des combats impériaux pour le redécoupage du monde selon les intérêts des uns et des autres. C’est pour cela qu’Eric Zemmour propose de sortir de l’OTAN et se tourner vers la Russie.

Eric Zemmour explique pour cette raison qu’il mettra le paquet sur les militaires qui doivent voir leur solde augmenter de 20 % dès 2023, avec une amélioration des conditions de logement et d’hébergement, de pensions d’invalidité, etc. Cela s’associe à leur valorisation systématisée, pour ce qu’il appelle « l’immense reconnaissance de la nation » aux soldats, c’est-à-dire en vérité une mobilisation générale du camp de la guerre.

Samedi 19 février, Eric Zemmour tenait ainsi un meeting important au pied du Mont-saint-Michel, qu’il a choisi comme symbole nationaliste, mais aussi militaire, Saint-Michel étant présenté comme « ange supérieur et ange militaire » pour justifier un nationalisme offensif appelant à mener un « combat spirituel » pour défendre « âme », « identité », « indépendance ». Sa perspective est donc la « puissance » de l’armée française pour affirmer le pays dans le monde et contre le monde :

« Toute ma vie, je combattrai cette vision de la France vassale, de la France valet, de la France marionnette »

Concrètement Eric Zemmour entend donc augmenter de près de 30 milliards d’euros le budget de la Défense d’ici à 2030, avec au programme 3,6 milliards d’augmentation par an d’ici là. Le budget devant atteindre le montant de 70 milliards d’euros annuel pour financer :

  • une armée de terre de 100 000 hommes en 2027,
  • 300 avions de chasse en 2040,
  • un 2e porte-avion,
  • 20 frégates et 8 sous-marins nucléaires d’attaque.

Tout cela étant considéré par lui comme n’étant « pas un luxe mais un minimum vital », car il défend l’option d’une France puissante militairement par elle-même,

Dans sa conférence de presse du 17 février concernant le sujet de la « défense nationale », il a évoqué son orientation pro-Russie de la manière suivante :

« Tout en construisant de nouvelles alliances avec les pays qui partagent notre vision du monde et des menaces. »

Au sujet de l’Ukraine, il a visé « l’instrumentalisation américaine de la situation », en expliquant que pour sa part il veut :

« une relation normalisée et apaisée avec la Russie, sans complaisance ni provocation inutile. Pour moi les choses sont claires : l’extension de l’OTAN aux portes de la Russie n’a aucune justification pour la sécurité de l’Europe et j’y suis résolument hostile. Les Russes ne sont ni nos alliés ni nos ennemis »

Eric Zemmour est le candidat du parti de la guerre ! Il a pris la place de Marin Le Pen comme vecteur des exigences de la haute bourgeoisie, de la fraction la plus agressive de la bourgeoisie française ! Il représente l’aspect principal de la tendance à la guerre en France !

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Politique

Animaux, écologie : Fabien Roussel ne veut pas changer le monde

Le candidat PCF préfère la viande et les voitures à la révolution.

Fabien Roussel est candidat à l’élection présidentielle pour le PCF. Il a choisi comme ligne politique un positionnement social-populiste visant à flatter les gens que l’on doit qualifier de beaufs. Ces gens sont nombreux en France, alors le créneau est porteur ; Fabien Roussel a relativement beaucoup de reconnaissance médiatique pour cette raison.

On avait déjà eu un aperçu en octobre 2021 quand il avait moqué Yannick Jadot voulant « libérer les poulets » (ce qui est faux au passage), alors que lui par contre pense « aux salaires et aux retraites ». C’était là une réflexion typiquement réactionnaire, s’imaginant cartésienne et populaire, en fait surtout de droite, digne d’un Jacques Chirac au salon de l’agriculture.

En voici un nouvel exemple récent. Fabien Roussel s’imagine avoir une démarche tournée vers le peuple et opposé à la bourgeoisie en expliquant :

« Il y a la gauche caviar. Une bien-pensance qui voudrait interdire la viande et les voitures. Je suis d’une gauche populaire qui préfère donner les moyens aux Français d’avoir un véhicule propre plutôt que de les assigner à résidence. »

C’est proprement lamentable, et là encore bien plus de droite que de gauche. Déjà, car c’est faux : la « gauche » caviar justement n’est pas opposée à la viande ni au caviar, et encore moins à l’automobile. Mais surtout, car c’est regrettable !

Justement oui, il faut changer le monde, et en finir avec la viande et les voitures. La viande et les voitures sont, avec les guerres, ce que le capitalisme a engendré de pire au 20e siècle. C’est l’expression de la société de consommation dans le sens d’un étalement ininterrompu de marchandises et de marchandisation. Tout y passe, la vie quotidienne du peuple bien sûr, façonnée par le 24h/24 du capitalisme, mais aussi, voire surtout, les animaux et la nature.

Les animaux sont massacrés en masse dans les usines-abattoirs, dans les laboratoires de vivisection, sur les routes, etc. Et la nature est souillée par le mode de vie propre au capitalisme, très consommateur d’espace en raison précisément de l’automobile et de son hégémonie. Concrètement, cela fait que les zones humides disparaissent à vitesse grand V en France, et c’est le grand drame écologique de notre époque avec le réchauffement climatique. On ne peut pas s’imaginer de gauche si on ne voit pas cela.

L’existence de l’industrie de la viande est une atteinte à la dignité humaine, un tel massacre de masse des animaux et de la nature (car cette industrie est ultra-consomatrice de ressources et d’espaces en plus d’être barbare) est absolument révoltante pour qui a foi dans l’humanité et ce dont elle est capable de meilleur. De même que le règne sans partage de l’automobile dans les villes et les campagnes est pareillement une horreur, une décadence de la civilisation dont l’expression la plus brutale est l’existence des zones périphériques hideuses et mornes qu’il va vite falloir démanteler.

Comment ne pas être révolté contre ce monde de viande et de voiture ? A moins d’être de droite et de rejeter le changement, le progrès, la révolution… Quand il affirme comme slogan étendard « je défends le bifteck des Français ! », quand il assène que « Un bon vin, une bonne viande, un bon fromage, c’est la gastronomie française », Fabien Roussel est non seulement totalement en dehors de son époque, mais surtout il ne vaut pas mieux que la Droite.

On peut très bien dire qu’il ne faut pas brusquer les gens et leur vie quotidienne, qu’ils ne doivent pas trop faire d’effort pour préserver ou garantir leur « confort », que les choses changeront petit à petit, on peut très bien penser que les prévisions du GIEC sur le réchauffement climatique ne sont pas si alarmantes et que des voitures Crit’air 1 et 2 suffiront à sauver les meubles (Fabien Roussel propose 10 000 euros à chaque foyer pour s’acheter une nouvelle voiture Crit’air 1 ou 2), que les animaux sont secondaires par rapport au « bifteck » des Français et qu’il ne faut surtout pas remettre en cause la viande, etc., etc., etc.

Mais alors pourquoi se revendiquer de gauche, et de surcroît du communisme ? Si le but est de défendre le monde tel qu’il est, que rien ne change, alors autant voter à droite, c’est plus efficace. C’est d’ailleurs ce que font la plupart des ouvriers qui votent, malheureusement. Et ce, depuis quoi, plusieurs décennies déjà ! Et c’est cela qu’il faut changer, l’époque étant plus que mûre !