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La Biélorussie isolée et sous pression de l’OTAN

Une pierre de plus à l’édifice monstrueux de la guerre.

La crise biélorusse est désormais entièrement superposée à la crise ukrainienne et on en a un triste exemple avec le passé de l’opposant biélorusse Roman Protassevitch, dont l’arrestation a été la motivation pour la Biélorussie du détournement d’un avion au motif qu’il y aurait eu une menace d’attentat. Le régime biélorusse a d’ailleurs fini par sortir du placard un communiqué de menace provenant… du Hamas palestinien, à travers la Suisse, envoyé après l’arraisonnement de l’avion. Cela ne tient pas du tout, naturellement.

Il semble donc, par contre, acquis que Roman Protassevitch ait été un membre, en 2015-2015, du bataillon néo-nazi Azov opérant au sein de l’armée ukrainienne (et devenu un régiment de la garde nationale directement supervisé par le ministre de l’Intérieur ukrainien). L’information a bien entendu été balancée par la Russie et après des dénégations initiales, un haut responsable du bataillon Azov a confirmé cela, en expliquant que Roman Protassevitch avait agi comme journaliste. Le problème, c’est que les images de lui en armes ou avec un t-shirt néo-nazi ne disent pas la même chose…

Tout comme l’Ukraine, la Biélorussie se retrouve ainsi coincée entre des forces pro-OTAN et des forces pro-russes, qui sont tous les deux hideuses. Cela fait deux cibles (très proches géographiquement) de la bataille pour le repartage du monde. Et cela se passe dans une tension extrême afin d’obtenir ou de maintenir l’hégémonie.

Depuis son arrestation, Roman Protassevitch apparaît ainsi dans une courte vidéo où il semble se « repentir », alors qu’il semble à peu près clair que les forces de répression biélorusses l’ont maltraité, tout comme le sont les 426 opposants déjà emprisonnés. Un jeune de 17 ans, Dima Stakhovsky, vient d’ailleurs de se suicider dans sa cellule ; il avait été condamné à quinze ans de prison pour émeute.

Et, après l’appel de l’Union européenne à isoler l’espace aérien biélorusse, ce qui n’est pas une obligation formelle pour les États membres, certains pays ont franchi le pas, tels la France, le Royaume-Uni, la Pologne, la Lituanie, la Lettonie, l’Estonie, la Suède, la République tchèque, l’Ukraine. On notera d’ailleurs que la France a mit cela le jeudi 27 mai 2021, seulement, sans crier gare, obligeant l’avion de la compagnie d’aviation biélorusse Belavia réalisant la liaison Minsk-Barcelone venant de décoller à tourner en rond pour vider son carburant et à retourner d’où il était parti.

Le président du Parlement européen David Sassoli a également proposé d’afficher la photo de Roman Protassevitch dans tous les aéroports de l’Union européenne, la Roumanie de renommer la rue de l’ambassade de Biélorussie à Bucarest du nom de Roman Protassevitch, Emmanuel Macron appelant à se confronter avec la Russie :

« Nous avons besoin de recadrer très profondément notre relation avec la Russie pour ne pas être simplement réactif mais définir une stratégie de court, moyen et long terme compte tenu du fait que l’espace de sécurité européen passe par une discussion exigeante avec la Russie. »

L’opposition est frontale et l’objectif des pays de l’OTAN très clair : il s’agit de parvenir à faire tomber le régime biélorusse, pour l’arracher à l’orbite russe. En ce sens, l’Union européenne compte prendre des mesures contre des entreprises et le secteur bancaire biélorusse. Heiko Maas, ministre allemand des Affaires étrangères, parle d’une « spirale de sanctions » qui va se mettre en place : l’Allemagne, qui a freiné tout soutien à l’Ukraine, espère par contre clairement avoir le dessus pour prendre le contrôle de la Biélorussie.

D’où la déclaration commune dans le cadre du G7 :

« Nous, les ministres des Affaires étrangères du G7, soit l’Allemagne, le Canada, les États-Unis d’Amérique, la France, l’Italie, le Japon et le Royaume-Uni, ainsi que le haut représentant de l’Union européenne, condamnons fermement l’acte sans précédent des autorités bélarusses, qui ont arrêté le journaliste indépendant Roman Protassevicht et sa compagne Sofia Sapéga après avoir forcé le vol FR4978 dans lequel ils se trouvaient à atterrir à Minsk le 23 mai.

Cet acte a mis en danger la sécurité des passagers et de l’équipage du vol. Il s’agissait également d’une atteinte grave aux règles régissant l’aviation civile. Nos pays, et nos citoyens, dépendent du fait que chaque État agit de manière responsable en remplissant ses obligations en vertu de la Convention de Chicago, afin que les avions civils puissent opérer en toute sécurité. Nous demandons à l’Organisation de l’aviation civile internationale de se pencher d’urgence sur ce manquement à ses règles et à ses normes.

Cet acte représente également une grave attaque contre la liberté de la presse. Nous demandons la libération immédiate et inconditionnelle de Roman Protassevicht, ainsi que de tous les autres journalistes et prisonniers politiques détenus au Bélarus. 

Nous renforcerons nos efforts, notamment par l’intermédiaire de nouvelles sanctions le cas échéant, afin de veiller à ce que les autorités bélarusses assument la responsabilité de leurs actes. »

L’OTAN est évidemment ouvertement de la partie, avec un communiqué où Roman Protassevitch est présenté comme un « journaliste » (les médias parlant même d’un simple blogueur!) :

« 1. Le Conseil de l’Atlantique Nord condamne fermement le détournement vers Minsk (Bélarus), le 23 mai, d’un vol de la compagnie Ryanair qui reliait Athènes à Vilnius, ainsi que le débarquement forcé et l’arrestation de Roman Protassevitch, éminent journaliste bélarussien qui se trouvait à bord, et de Sofia Sapega.

Cet acte inacceptable, qui a mis en danger la vie des passagers et membres d’équipage, constitue une violation grave des normes régissant l’aviation civile. Nous nous associons à ceux qui réclament en urgence une enquête indépendante, qui serait menée notamment par l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI). Nous approuvons les mesures prises par les Alliés, à titre individuel ou collectif, en réaction à cet incident.

2. La détention de M. Protassevitch est un affront aux principes de la liberté d’opinion politique et de la liberté de la presse. Le Bélarus doit relâcher M. Protassevitch et Mme Sapega immédiatement et sans condition.

Les pays de l’OTAN engagent le Belarus à respecter les libertés et droits fondamentaux de la personne et à se conformer aux règles qui fondent l’ordre international. Les Alliés sont solidaires de la Lettonie à la suite de l’expulsion injustifiée de diplomates lettons. »

La Biélorussie a par contre des appuis. Le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis a affirmé qu’il n’y avait aucune preuve que des agents secrets aient été à bord du vol Athènes-Vilnius. La Chine est du côté biélorusse, et la Turquie a fait en sorte que la déclaration de l’OTAN soit moins brutale qu’elle ne devait l’être initialement.

Quant à la Russie, dont la Biélorussie est largement un satellite, elle refuse à ce que les avions allant chez elle évitent la Biélorussie, d’où des annulations pour Air France et Austrian Airlines.

La confrontation est ainsi très clairement posée et cette fois on n’est plus simplement dans un affrontement Ukraine-Russie, mais littéralement face à un incendie régional, voire européen.

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Crise ukrainienne: la Biélorussie déroute un vol aérien

Un acte de piraterie correspondant à l’ampleur de la crise.

Depuis les célébrations du 9 mai, très importants dans les pays de l’ex-Union Soviétique, il y a une immense propagande nationaliste en Ukraine, au point que même le président Volodymyr Zelenski est accusé d’être un serviteur masqué de la Russie ! En fait, ce sont les forces pro-américaines qui ont pris le dessus et toutes les digues ont cédé dans la démarche anti-russe, anti-communiste, anti-Gauche en général d’ailleurs. C’est une véritable chasse aux sorcières où toute une série de personnes sont dénoncées à tort ou à raison comme des relais de la Russie.

De l’autre côté, on n’est pas en reste, naturellement. La Russie, dans le prolongement de son déplacement massif de troupes à la frontière ukrainienne, accélère la livraison de passeports russes dans les « républiques » séparatistes de Donetzk et Louhansk, ainsi que la reconnaissance des diplômes universitaires, des associations sportives qui désormais concourent en Russie même, etc. La propagande anti-ukrainienne de ces « républiques » tourne à plein régime.

Quant à la Biélorussie, qui s’était intégrée à la crise Ukraine-Russie dans un second temps (à partir du 17 avril avec l’annonce qu’un coup d’Etat américano-polonais avait été déjoué), elle a procédé à une vague massive d’arrestations et de condamnations. Ce qui est marquant ici, c’est que les opposants au régime dictatorial biélorusse sont des gens comme tout le monde, pas vraiment politiques et par conséquent d’autant plus en panique devant une répression brutale. C’est extrêmement sordide, même si évidemment les opposants convergent de manière concrète avec les Etats-Unis qui cherchent à renverser le régime.

Et on a atteint cependant un certain cap avec l’initiative biélorusse du 23 mai 2021 de détourner un avion de la compagnie Ryanair. Il y avait à son bord un opposant biélorusse, Roman Protassevitch, avec sa femme.

La Lituanie se trouve au nord-ouest de la Biélorussie et sa capitale Vilnius étant à l’Est du pays, le trajet le plus court depuis Athènes passe au-dessus de la Biélorussie

Rappelons ici que la présidentielle biélorusse du 9 août 2020, gagnée par Alexandre Loukachenko au pouvoir depuis 1994, avait été prétexte à une révolte démocratique largement passée dans le giron des pays occidentaux. Roman Protassevitch, un opposant qui avait notamment travaillé pour l’organisme américain Radio Free Europe/Radio Liberty en version biélorusse, avait alors été le rédacteur en chef de la chaîne Nexta sur Telegram, qui appelait à se soulever contre le régime. Il opérait depuis la Pologne où il s’était installé, un pays ultra-agressif sur le plan de l’expansionnisme.

Lors du parcours du vol Athènes-Vilnius, au moment du passage au-dessus de la Biélorussie, quatre personnes de nationalité russe ont provoqué une bagarre et affirmé qu’il y avait une bombe à bord. Un avion militaire biélorusse, un Mig-29, a alors intercepté l’avion et l’a forcé à se poser… L’opposant et sa femme ont été arrêtés bien entendu, les espions ne reprenant pas l’avion.

Les États de l’Union européenne sont évidemment fous de rage devant ce qui relève d’un acte de piraterie. La présidente lituanienne Gitanas Nausėda a appelé l’OTAN à réagir, le premier ministre polonais Mateusz Morawiecki a parlé d’un « acte sans précédent de terrorisme d’État ». L’ambassadeur de Biélorussie à Paris a également été immédiatement convoqué au ministère français des Affaires étrangères, alors que le ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a affirmé de son côté que :

« Le détournement par les autorités biélorusses d’un vol de Ryanair est inacceptable. Une réponse ferme et unie des Européens est indispensable. »

Le Secrétaire d’État américain Anthony Blinken a publié un message de protestation où le soutien à un soulèvement est évident :

« Nous sommes avec le peuple biélorusse dans ses aspirations pour un avenir libre, démocratique et prospère, et soutenons leur appel pour ce que le régime respecte les droits humains et les libertés fondamentales. »

Et il faut noter l’appel fait en commun par les présidents des commissions parlementaires de plusieurs pays. On parle ici de la République tchèque, de l’Allemagne, de l’Irlande, de la Lituanie, de la Lettonie, de la Pologne, du Royaume-Uni et des Etats-Unis.

Il est demandé à ce que l’espace aérien biélorusse soit confiné, que l’OTAN et Interpol se mobilisent, que des élections libres supervisées de l’extérieur soient tenues en Biélorussie.

Hasard de calendrier… ou pas, le secrétaire britannique à la Défense Ben Wallace a déclaré que la Russie était « la menace numéro un » pour la Grande-Bretagne.

La Russie a quant à elle salué la « brillante opération spéciale » par l’intermédiaire du député russe Viatcheslav Lysakov, au nom de la Douma…

C’est là dans la continuité de la crise Ukraine-Russie qui a commencé et qui est l’expression de la tendance à la guerre dans le cadre de la crise sanitaire, économique, écologique… Le conflit n’a été repoussé que pour prendre davantage d’ampleur.

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Crise ukrainienne: les États-Unis s’imposent

L’Ukraine est en passe de devenir un protectorat américain.

La situation est toujours aussi brûlante en Ukraine. Le matériel militaire continue de s’accumuler, les escarmouches et les petits bombardements ne s’arrêtent pas. Voici un rapport officiel de l’OSCE, chargé d’observer la situation. Le rapport du 6 mai montre que le nombre de « violations du cessez-le-feu » et celui des explosions ont été bien plus importants que les sept et les trente jours précédents.

Les troupes ukrainiennes sont particulièrement volontaires ces derniers jours, d’ailleurs, profitant d’aides internationales leur permettant de renforcer les possibilités d’une option de reconquête violente. Voici une image montrant l’impact d’une bombe ukrainienne ayant atterri dans un jardin d’enfants dans le quartier Petrovsky de Donetsk.

Voici des images de la ligne de front, il s’agit des séparatistes filmés par un drone ukrainien.

Et ces lignes connaissent quelques lieux de passage, plus ou moins fermés. Et également des lieux importants se retrouvant au mauvais endroit. Les cimetières de la population du Donbass qui se trouvent près de la ligne de front viennent par exemple d’être fermés pour des raisons de sécurité.

Il faut ici également avoir en tête qu’il y avait, avant la pandémie de COVID-19, des centaines de milliers de personnes passant les « frontières » entre la partie occupée par les séparatistes et l’Ukraine. Pratiquement la moitié des deux millions de personnes au Donbass sont des retraités, payés par l’Ukraine, cherchant de quoi vivre dans la partie non occupée…

Il s’agit de gens bien réels, vivant dans la misère, pris entre le marteau et l’enclume… 16 mineurs restent d’ailleurs au fond d’une mine en protestation de leurs salaires non payés dans la « République populaire de Louhansk »…

Ce qui n’empêche pas qu’au Donbass, les deux pseudos « républiques populaires » sont évidemment toujours aussi actives dans l’idéalisation de leur régime et dans leur propagande pro-russe, comme en témoigne cette banderole « Donbass russe » placée au cœur de la ville de Donetzk le 7 mai 2021.

Il y a aussi les incessants appels à ce que l’Est de l’Ukraine soit « libéré », il y a la prochaine tenue à Donetsk d’un Forum international mondial de la jeunesse Eurasia, etc.

Il y a évidemment aussi une grande mobilisation dans ces « républiques populaires » en raison des célébrations du 9 mai, jour de la victoire soviétique sur le nazisme. Conformément à l’idéologie de ces deux régimes, il y a un syncrétisme nationaliste russe / nostalgie impériale qui est mis en avant, tout ce qui est ukrainien devant disparaître. La langue ukrainienne a d’ailleurs été définitivement mis de côté chez les séparatistes en 2020.

Du côté ukrainien, malheureusement, la propagande nationaliste est tout aussi forcenée, puisqu’on a droit à une réécriture de l’histoire avec l’intégration dans les forces alliées des troupes armées nationalistes de Stepan Bandera, le fasciste ukrainien initialement allié aux nazis puis cherchant à se tourner vers les États-Unis.

Des États-Unis qui viennent d’ailleurs littéralement de transformer l’Ukraine en protectorat à l’occasion de la visite le 6 mai 2021 du secrétaire d’État américain Anthony Blinken.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky et le secrétaire d’Etat américain Anthony Blinken

Anthony Blinken a expliqué que :

« Les États-Unis sont déterminés face à l’agression russe et dans leur soutien aux réformes nécessaires pour assurer un avenir souverain, démocratique et prospère à l’Ukraine. »

Traduit en langage clair, cela signifie que l’Ukraine doit briser les oligarques et passer sous supervision américaine pour les réformes. En échange, les États-Unis fournissent toujours plus de matériel pour se protéger de la Russie, notamment les missiles anti-tanks javelins.

Le régime ukrainien s’empresse bien entendu d’accepter, alors qu’il y a en plus des visites ininterrompues de responsables politiques, tels les ministres des affaires étrangères du Benelux.

La ministre des affaires étrangères belge Sophie WIlmes, en Ukraine le 7 mai 2021

Et depuis le début de la crise, il y a un mois, de très nombreux pays se sont lancés dans une opération de soutien ouvert à l’Ukraine, avec même l’expulsion de diplomates russes. Voici une carte pour comprendre l’ampleur de la réaction en chaîne lancée par la mobilisation militaire russe à la frontière avec l’Ukraine.

En orange clair, il y a les pays prenant ouvertement partie pour l’Ukraine, de manière très volontaire. Il manque la Turquie sur cette carte, alors qu’elle a vendu des armes dont des drones. En orange foncé il y a la Finlande et la Suède qui ont une posture anti-russe formant la base de leur démarche idéologique. La Suède a par exemple rétabli le service militaire en 2017, de manière ouverte contre la Russie.

En gris foncé, en plus de la Russie, il y a les soutiens à celle-ci, qui s’opposent à des sanctions, refusent poliment mais fermement d’aider l’Ukraine, etc. Il s’agit de la Serbie, de la Hongrie, de l’Allemagne et de son satellite autrichien, et de la France.

(Source de la carte freepik)

On voit aisément que si début avril on avait un conflit « local », en un mois on a eu une mobilisation telle que cela a concerné toute une large partie de l’Europe.

Et, à cela, il faut également ajouter les accrochages entre le Tadjikistan et le Kirghizistan, du 28 avril au 1er mai 2021, qui ont fait 31 morts, plus de 230 blessés et produit 10 000 réfugiés.

C’est le prix à payer pour repousser une crise : celle-ci revient, d’autant plus violente. Car évidemment le pseudo-retrait de l’armée russe à la frontière ukrainienne n’a évidemment pas eu lieu, quelques milliers de soldats seulement partant à quelques heures de train, laissant tout leur matériel.

On ne peut pas reculer dans la bataille pour le repartage du monde. Seuls les peuples du monde peuvent empêcher cette tendance, en brisant le militarisme et son moteur capitaliste.

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La Russie ferme militairement la Mer d’Azov

C’est une contribution de plus à l’objectif du démantèlement de l’Ukraine

Les accrochages et tirs d’artillerie continuent entre l’armée ukrainienne et les séparatistes pro-russes des pseudos « républiques populaires » de Donetzk et de Lougansk. Et les avions militaires américains de reconnaissance ne cessent pas leurs vols.

Mais le 24 avril 2021 a surtout été marqué par un événement très important. La Russie, en feignant de retirer ses troupes à la frontière ukrainienne, a montré que son ambition était plus grande qu’avant la crise ouverte par le Covid. Désormais il faut passer à la bataille pour le repartage du monde et c’est tout l’Est de l’Ukraine qui présente une opportunité, pas seulement le Donbass.

Il faut pour la Russie remodeler la réalité pour satisfaire l’expansion. Il faut étaler sa puissance et systématiser les vecteurs de pouvoir, de contrôle.

Aussi, la Russie est passée à la second étape de son action visant à transformer une partie de l’Ukraine en appendice « nouvelle russe ».

Des manœuvres militaires russes ont commencé en mer d’Azov, le 24 avril 2021 à 21 heures. Elles dureront… plusieurs mois, jusqu’au 31 octobre !

C’est évidemment ridicule de par la durée, mais le prétexte tient au niveau du droit international et des rapports diplomatiques. C’est légal… alors que le bellicisme est pourtant évident.

Concrètement, aucun navire de guerre non russe ne pourra accéder à la mer d’Azov et à une partie de la Mer Noire. L’espace aérien de ces zones est fermé également.

En théorie les navires marchands peuvent encore passer, alors que 20% de l’économie ukrainienne a besoin de ce passage. Mais c’est une réalité fragile, alors qu’en plus l’Ukraine ne dispose pas de Marine de guerre.

Qui plus est c’est inacceptable symboliquement pour l’Ukraine. Et cela ouvre d’autant plus la perspective d’une triple attaque contre l’Ukraine, à partir de la Biélorussie, du Donbass et de la Crimée.

D’ailleurs le 24 avril le président biélorusse Alexandre Loukashenko a fait passer ses pouvoirs présidentiels au conseil de sécurité biélorusse en cas d’urgence. Une manière de se cacher derrière pour le futur et de préparer les coups durs qui vont venir, dans la grande redéfinition artificielle que veut imposer l’expansionnisme russe.

N’oublions cependant pas le nationalisme ukrainien (qui imagine l’Ukraine invincible), les États-Unis qui veulent utiliser l’Ukraine comme chair à canon, l’Allemagne qui aimerait bien affaiblir l’OTAN à sa manière pour prendre le dessus en Europe…

Et la France partagée entre l’appui à l’OTAN pour prendre une part du gâteau russe et un soutien à un axe Paris – Berlin – Moscou…

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Un conflit Ukraine-Russie aux facettes toujours plus nombreuses

La Russie ne cesse d’ajouter des niveaux de complexité et d’expansion au conflit.

Ce qui se passe est gravissime, car le conflit Ukraine-Russie relève de la guerre, et cela n’est pas vu. Ses modalités dépassent totalement les gens et même les commentateurs. En raison d’une vision unilatérale, il y a une opposition fictive entre une situation de non-guerre et une situation de guerre. La situation nouvelle déborde les gens. C’est sans doute cela aussi qui a trompé les masses en 1914 : elles s’attendaient à une guerre de courte durée, elles n’ont pas compris le changement de nature de la guerre.

Les modalités de la guerre moderne, avec son armée de métier, son matériel électronique, ses guidages de missile, ses dispositions tactiques, son espionnage, ses drones, ses snipers, son artillerie… sont très différentes d’auparavant. Le conflit Ukraine-Russie le montre de manière terrible.

Initialement, la crise du tout début du mois d’avril impliquait une annexion du Donbass. Puis est venue la question de la Crimée, qui est en pénurie complète d’eau, l’État ukrainien ayant fermé le canal la fournissant. La Biélorussie s’est retrouvée dans la partie également, avec pareillement la question d’une « intégration » dans la Russie. Désormais s’ajoute à cela le Donbass séparatiste qui doit devenir la tête de pont pour faire basculer au moins une partie de l’Ukraine.

On a ici quelque chose de très rythmé, de très complexe, avec un jeu multi-vecteurs et de très nombreuses facettes. On a une complexité énorme et c’est ici une expérience politique très importante que d’observer une telle évolution, en enseignant sur la menace de guerre, en dénonçant la compétition capitaliste qui amène la marche à la guerre.

Voici les principaux points pour le 22 avril 2021.

1. La commission des affaires étrangères du Sénat américain a adopté un projet de loi sur le partenariat de sécurité avec l’Ukraine, portant l’aide militaire américaine à 300 millions de dollars.

2. Le ministre russe de la Défense Sergueï Shoigu a annoncé que les vérifications surprises des troupes dans l’Ouest et le Sud du pays sont terminées, donnant par ailleurs pour la première fois la liste des divisions envoyées à la frontière ukrainienne. Il a annoncé leur prochain retour à leurs bases initiales d’ici le premier mai. Or, c’est impossible de par l’ampleur des distances, et de plus il a été affirmé que certaines troupes resteraient dans l’attente des prochaines manœuvres (qui ont lieu en septembre). La seule chose possible est que les soldat partent, mais que le matériel reste.

3. Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin, a affirmé que l’aide humanitaire aux « républiques populaires » de Donetzk et de Louhansk continuera. Il a parlé d’un « peuple héroïque », malheureux d’avoir été rejeté par sa patrie et d’affronter même ses chars.

4. Vladimir Poutine a pris note de l’invitation à le rencontrer du président ukrainien Volodymyr Zelensky. Il l’a invité à Moscou, mais a expliqué qu’en ce qui concerne le Donbass, la Russie n’était pas une partie concernée. Il faudrait que le dirigeant ukrainien prenne contact avec les présidents des « républiques populaires » de Donetzk et Louhansk. Naturellement, celles-ci ne sont cependant pas reconnues par l’Ukraine et la proposition de Vladimir Poutine ne peut pas être acceptée… Pour enfoncer le clou, les deux présidents des « républiques populaires » ont appelé le président ukrainien à venir chez eux pour un débat public.

5. La « République populaire » de Donetzk a publié une déclaration d’urgence, où on lit notamment :

« Du côté de Kiev, de fausses déclarations sont constamment entendues sur son engagement en faveur d’un règlement pacifique du conflit dans le Donbass, mais les méthodes terroristes utilisées par les militaires ukrainiens indiquent le contraire (…). Nous exigeons de toute urgence une réponse immédiate et ferme des observateurs internationaux! Tant que les militaires ukrainiens ne seront pas tenus responsables de leurs crimes, y compris en vertu de la loi ukrainienne, la mort et les souffrances de la population civile ne cesseront pas! »

6. Le 22 avril a commencé le forum de deux jours intitulé « Unité des Russes: protection des droits et libertés », au Centre pour la culture slave de Donetzk. Il devait précéder le discours de Vladimir Poutine, il le suit finalement. Les deux thèmes principaux sont intitulés « Discrimination contre les résidents russes et russophones en Ukraine » et « Méthodes modernes de protection des droits des compatriotes: pratique mondiale ».

Il se terminera par une résolution… dont il est facile de prévoir le contenu. Le forum a en effet déjà affirmé qu’il luttait pour la réunification de l’ensemble du Donbass, ce qui implique l’intégration de la partie encore sous contrôle ukrainien. Mais il n’affirme pas seulement la protection des Russes du Donbass, mais également de tous ceux en Ukraine. Elena Shishkina, une figure de la « république populaire » de Donetzk, a insisté sur le fait que :

« Nous attendons des Russes d’Ukraine qu’ils se réveillent, se lèvent et nous aident à défendre leurs droits. »

Le « Forum Unité des Russes: protection des droits et libertés »

7. L’Ukrainien Andrei Kozenko est désormais député russe, membre de Russie unie, le parti de Vladimir Poutine. Il a affirmé lors du forum qu’il fallait l’emporter dans l’ensemble de l’Ukraine :

« De toutes les manières possibles, il est nécessaire de soutenir la formation d’un puissant mouvement pro-russe en Ukraine. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons aider ceux en détresse, ce n’est qu’ainsi que nous pourrons arrêter la croissance de l’infection russophobe nazie non seulement en Ukraine, mais aussi au-delà de ses frontières (…).

Il ne fait aucun doute que le programme humanitaire pour la réunification de la population du Donbass et pour le soutien de la population russophone d’Ukraine joueront un rôle important, de sorte que c’est le Donbass qui deviendra le moteur du développement et du progrès du monde russe (…).

Les événements en Ukraine en 2014 liés au coup d’État et à la prise du pouvoir par les nationalistes ukrainiens sont devenus, à bien des égards, un catalyseur pour le Donbass russe, qui a fait son choix civilisé en faveur de l’intégration avec la Russie.

Même la guerre déclenchée par les forces terroristes ukrainiennes n’a pas pu briser la puissance de l’esprit russe des habitants des républiques populaires de Donetsk et Lougansk (…).

À cet égard, nous avons toutes les raisons de les soutenir conformément à la partie 3 de la Constitution de la Fédération de Russie avec l’article 69 (…).

Actuellement, avec le sénateur de Crimée Sergueï Tsekov, nous préparons un projet de loi à soumettre à la Douma d’État [= le parlement russe]. Nous parlons de simplifier la procédure d’obtention du statut de locuteur natif de la langue russe, qui fournit des bases juridiques pour acquérir la citoyenneté russe de manière simplifiée (…).

Nous proposons de donner cette opportunité à tous les résidents ukrainiens. La possibilité d’être reconnu comme locuteur natif de la langue russe devrait être donnée à tous les compatriotes russophones. »

L’article 69 en question dit la chose suivante :

« La Fédération de Russie garantit les droits des peuples autochtones peu nombreux, conformément aux principes et normes universellement reconnus du droit international et aux traités internationaux de la Fédération de Russie. »

8. Le président de la « République populaire » de Donetzk, Denis Pushiline, a souligné pendant le forum que :

« Un rôle spécial est attribué par le forum aux questions du renforcement de l’espace culturel national russe unique, et de ses fondations – la langue, la culture et l’histoire russes, qui déterminent les orientations spirituelles et morales communes du peuple russe, qui contribuent à préserver notre patrimoine historique, afin de le transmettre aux générations futures (…).

En 2014, le Donbass a construit la première ligne de défense. Mais pas seulement sur la ligne de contact. Le Donbass protège sa terre, ses maisons, ses familles – et le monde russe tout entier de l’agression ukrainienne. Je veux affirmer fermement: nous sommes déterminés à protéger les droits et les intérêts des Russes vivant dans le reste de l’Ukraine (…).

9. Le vice-président du parlement lituanien Paulus Saudargas et la vice-présidente du parlement de Pologne Małgorzata Gosiewska ont rencontré en Ukraine le vice-président du parlement ukrainien Ruslan Stefanchuk. Après avoir visité le port de Marioupol, ils ont fait une déclaration commune dans le village de Shirokino dans le Donbass, accusant la Russie de dévastation.

Il faut ici savoir que le royaume polono-lituanien était aux 16e-18e siècle une grande puissance européenne, maintenant l’Ukraine sous son joug, ainsi que la Biélorussie et la Lettonie, cherchant à écraser la Moscovie, avant un retournement de situation en faveur de cette dernière.

10. Une opération de « contre-sabotage » a été menée par les services secrets ukrainiens dans la partie non occupée du Donbass, avec plusieurs arrestations. De telles opérations se sont systématisées ces derniers jours.

11. La République tchèque avait exigé que la Russie abandonne son expulsion de diplomates tchèques, à la suite de ses propres expulsions de diplomates russes. L’ultimatum a expiré et la République tchèque va procéder à l’expulsion de 60 personnes de l’ambassade russe, la réduisant au même nombre que de diplomates tchèques restant en Russie. La Slovaquie a décidé d’expulser trois diplomates russes.

12. Le vice-premier ministre ukrainien Alexey Reznikov a affirmé qu’une invasion russe partant de Crimée, pour approvisionner la péninsule en eau, serait « très coûteuse » pour la Russie.

13. La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a affirmé :

« Je voudrais attirer votre attention sur le discours d’hier du président de la Fédération de Russie Vladimir Poutine. 

Non seulement la partie principale, mais la plus importante part du discours concernait nos problèmes internes, le développement interne, notre façon de vivre, de surmonter les conséquences de la pandémie, d’aller de l’avant, de développer, de résoudre nos problèmes, de fixer des tâches, de fixer des objectifs et de mettre en œuvre tout cela. 

C’est ce qui nous intéresse. Nous n’intervenons pas dans leurs affaires internes, nous n’allons donner des leçons à personne. Cela ne nous intéresse pas et n’en avons pas besoin. Nous nous concentrons sur notre propre développement (…). [Au sujet des pays occidentaux :] Moscou les dérange toujours. Il leur est impossible de vivre plus longtemps dans ce paradigme. C’est une impasse idéologique et tout le monde le comprend très bien. »

14. La venue du président biélorusse Alexandre Loukachenko à Moscou s’est conclu, après plusieurs heures avec le président russe Vladimir Poutine, sur un appel à une coopération économique renforcée.

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Vladimir Poutine et la « ligne rouge » non définie, l’annexion du Donbass se profile

Le président russe fait comme si de rien n’était, pour masquer l’offensive de l’expansionnisme russe.

Il y a de nombreux points concernant le 21 avril, aussi sont-ils ici présentés de manière concise pour s’y retrouver :

1. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a promulgué une loi permettant d’intégrer les réservistes de l’armée en 24 heures sans passer par l’officialisation de la mobilisation.

2. Le ministère ukrainien des Affaires étrangères a considéré comme plausible une offensive russe au nord de la Crimée.

3. Le ministère russe des Affaires étrangères a convoqué l’ambassadeur américain adjoint, après que l’ambassadeur ait déjà été poussé à retourner dans son pays pour « consultations ».

4. La pseudo « république populaire » de Lougansk a émis un timbre « un demi-million de passeports » célébrant l’acquisition de la nationalité russe par 500 000 personnes dans le Donbass ; son président Leonid Pasechnik a affirmé que la quasi totalité des citoyens de la « République populaire » entendait devenir russe. Voici sa déclaration :

« Plus d’un demi-million d’habitants du Donbass sont devenus citoyens de la Fédération de Russie. Ce fait suggère que le peuple de la République Populaire de Lougansk a fait son choix, dans les conditions d’un blocus absolu de Kiev, à la fois économique, politique et médiatique.

Au nom de tous les habitants de la République, je tiens à exprimer ma gratitude aux employés du ministère de l’Intérieur de la République Populaire de Lougansk, du département du service des migrations, ainsi qu’à tous les départements pour le bon travail, grâce auquel nous avons des résultats impressionnants en si peu de temps. 

Le ministère de l’Intérieur de la République Populaire de Lougansk a fait tout son possible dans le processus de délivrance des passeports de notre République pour l’entrée ultérieure dans la citoyenneté de la Fédération de Russie. Le travail titanesque de nos départements a permis de réaliser le désir des habitants du Donbass – devenir citoyens de la Russie.

Je voudrais également remercier la Direction principale des questions de migration du Ministère de l’intérieur de la Fédération de Russie. De leur côté, les collègues russes ont tout fait pour que les habitants du Donbass fassent partie de la grande Russie.

Pour nous, un passeport russe n’est pas seulement un document, mais une confirmation de plus que la Russie ne nous abandonne pas. Par ce choix, notre peuple démontre que le néo-fascisme, qui est devenu la base principale de l’Etat actuel du régime de Kiev, est pour nous catégoriquement inacceptable. Au monde entier, nous avons clairement et résolument démontré notre choix, incarné dans le document rouge d’un demi-million de personnes.

Je ne peux que commenter la déclaration du président ukrainien concernant sa volonté de rencontrer Vladimir Poutine dans le Donbass. Monsieur Zelensky, vous n’avez pas le droit moral d’organiser des rendez-vous chez nous.

Vous appelez sans vergogne Donbass le vôtre, sachant que vous avez déjà vendu la terre ukrainienne. Avant de pointer à nouveau votre arme sur nous, réfléchissez à la façon dont cela se déroulera pour vous. Les Russes n’abandonnent pas les leurs! »

« Nous forgeons de nouveaux citoyens », « Nous n’abandonnons pas les nôtres », avec des images tirés d’ouvrages de Vladimir Maïakovski et une signature de Vladimir Poutine (à l’origine de la facilitation de l’obtention du passeport russe au Donbass, en 2019).

5. Dans son adresse annuelle à la nation, qui a duré plus d’une heure, le président Vladimir Poutine a parlé de la crise sanitaire, de la baisse drastique possible des émissions de CO2, de l’éducation, d’une autoroute traversant tout le pays, d’une aide financière aux familles avec enfant, des récoltes, etc. en restant entièrement sur le terrain des questions intérieures, sauf tout à la fin pour trois propos. Le premier concerne la Biélorussie.

« La Russie a certainement ses propres intérêts que nous défendons et que nous continuerons de défendre dans le cadre du droit international, comme le font tous les autres États. Et si quelqu’un refuse de comprendre cette évidence ou ne veut pas dialoguer et choisit d’avoir avec nous un ton égoïste et arrogant, la Russie trouvera toujours un moyen de défendre sa position.

Dans le même temps, malheureusement, tout un chacun dans le monde semble être habitué à la pratique de sanctions économiques illégales à motivation politique et aux tentatives brutales de certains acteurs d’imposer leur volonté à d’autres par la force.

Mais aujourd’hui, cette pratique dégénère en quelque chose d’encore plus dangereux – je fais référence à l’ingérence directe récemment révélée au Bélarus dans une tentative d’orchestrer un coup d’état et d’assassiner le président de ce pays. Dans le même temps, il est typique que même de telles actions flagrantes n’aient pas été condamnées par l’ensemble du soi-disant Occident. Personne ne semble prendre cela en compte. Tout le monde prétend que rien ne se passe.

Mais écoutez, vous pouvez penser à ce que vous voulez, disons, du président ukrainien [Viktor] Ianoukovitch ou de [Nicolas] Maduro au Venezuela. Je le répète, vous pouvez les aimer ou ne pas les aimer, y compris Ianoukovitch qui a failli être tué aussi et a été retiré du pouvoir par un coup d’État armé.

Vous pouvez avoir votre propre opinion sur la politique du président bélarussien Alexandre Loukachenko. Mais la pratique consistant à organiser des coups d’État et à planifier des assassinats politiques, y compris ceux de hauts fonctionnaires – eh bien, cela va trop loin. C’est au-delà de toutes limites. »

6. En Biélorussie, un très important nombre de hauts fonctionnaires du ministère de la Défense de la Biélorussie se sont rendus au siège de ce ministère, alors que le bâtiment du ministère de l’Intérieur a été marqué par une très importante présence des forces de sécurité. Le président biélorusse Alexandre Loukachenko est quant à lui à Moscou le 22 avril.

7. Le second point de politique internationale abordé par Vladimir Poutine dans son adresse annuelle à la nation consiste en une allusion à l’Ukraine et aux pays Baltes dans leur rapport aux États-Unis, au moyen d’une métaphore utilisant le Livre de la jungle, de Rudyard Kipling.

« Tout ce temps, les mouvements hostiles à l’égard de la Russie se sont également poursuivis sans relâche. Certains pays ont adopté une routine inconvenante où ils s’en prennent à la Russie pour quelque raison que ce soit, le plus souvent, sans aucune raison.

C’est une sorte de nouveau sport de qui crie le plus fort. À cet égard, nous nous comportons de manière extrêmement retenue, je dirais même modestement et je le dis sans ironie. Souvent, nous préférons ne pas répondre du tout, pas seulement à des mouvements hostiles, mais même à une impolitesse pure et simple. Nous voulons entretenir de bonnes relations avec tous ceux qui participent au dialogue international.

Mais nous voyons ce qui se passe dans la vraie vie. Comme je l’ai dit, de temps en temps, ils s’en prennent à la Russie, sans raison.

Et bien sûr, toutes sortes de petits Tabaquis courent autour d’eux comme Tabaqui a couru autour de Shere Khan – tout est comme dans le livre de Kipling – hurlant pour rendre leur souverain heureux. Kipling était un grand écrivain. »

8. Le troisième propos de Vladimir Poutine est menaçant et cryptique, avec une ligne rouge que la Russie tracera d’elle-même.

« Nous voulons vraiment maintenir de bonnes relations avec tous ceux qui sont engagés dans la communication internationale, y compris, soit dit en passant, avec ceux avec qui nous ne nous entendons pas ces derniers temps, pour ne pas dire plus. Nous ne voulons vraiment pas brûler les ponts.

Mais si quelqu’un prend nos bonnes intentions pour de l’indifférence ou de la faiblesse et a l’intention de brûler ou même de faire sauter ces ponts, il doit savoir que la réponse de la Russie sera asymétrique, rapide et dure.

Ceux qui sont à l’origine de provocations qui menacent les intérêts fondamentaux de notre sécurité regretteront ce qu’ils ont fait d’une manière qu’ils n’ont pas connu depuis longtemps.

En même temps, je dois juste être clair, nous avons suffisamment de patience, de responsabilité, de professionnalisme, de confiance en soi et de certitude dans notre cause, ainsi que de bon sens, lorsque nous prenons une décision de quelque nature que ce soit.

Mais j’espère que personne ne songera à franchir la «ligne rouge» vis-à-vis de la Russie. Nous déterminerons nous-mêmes dans chaque cas spécifique où il sera tracé. »

9. L’adresse à la nation de Vladimir Poutine se termine par des considérations sur la modernité et la modernisation de l’armée russe, comme le premier régiment muni du missile balistique intercontinental super-lourd RS-28 Sarmat en 2022, le laser Peresvet visant les équipements de visée électro-optique tels ceux des drones ou des satellites, le Burevestnik qui est un missile de croisière à propulsion nucléaire, le drone-torpille à tête nucléaire Status-6 Poseidon…

10. Vladimir Poutine n’a ainsi pas mentionné les troupes à la frontière avec l’Ukraine, ni le Donbass.

11. Les rassemblements des opposants soutenant Alexeï Navalny dans les grandes villes russes ont échoué, ne rassemblant que quelques milliers de personnes malgré l’appel à une bataille finale du « bien » contre « l’indifférence ».

12. La République tchèque a exigé le retour en Russie de ses vingt diplomates expulsés, sans quoi il y aurait de nouvelles expulsions de diplomates russes. Maria Zakharova porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, a répondu en disant :

« Nous suggérons que Prague garde les ultimatums pour les relations à l’intérieur de l’Otan. Un tel ton à l’égard de la Russie est inacceptable. »

13. L’Ukraine est en grave manque de diesel, notamment pour les trains, en raison de l’arrêt de l’approvisionnement par le russe Rosneft et les opérations de maintenance à la raffinerie biélorusse de Mozyr.

14. Les troupes russes et ukrainienne continuent de s’accumuler à la frontière.

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Ukraine: un 21 avril 2021 de tous les dangers

L’expansionnisme russe ouvre les hostilités avec un discours de Vladimir Poutine, le président ukrainien ayant posé sa ligne au préalable.

Le président russe Vladimir Poutine tient un discours le 21 avril, à midi à Moscou, et en amont, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a lui-même tenu un discours à la nation le 20 avril.

Volodymyr Zelensky a souligné l’unité du pays, au-delà du fait de parler différentes langues (« l’ukrainien, le russe, le tatar de Crimée, le hongrois ou la langue des signes »). L’Ukraine voudrait la paix, mais serait prête à se défendre, d’ailleurs l’Ukraine de 2021 ne serait plus celle de 2014. Le volontarisme est très présent, c’est une constante du régime, qui n’hésite pas à régulièrement souligner que l’Ukraine résisterait à une attaque russe, voire qu’elle gagnerait. C’est très clairement de l’auto-intoxication nationaliste. Il y a à la frontière une armée russe avec 110 000 hommes, une armée ukrainienne avec moitié moins d’hommes et du matériel qui a une génération de retard, ainsi que pas d’aviation.

Le président a pourtant expliqué le 20 avril :

« Nous n’avons pas peur, car nous avons une société incroyable qui est prête pour la mobilisation de masse des volontaires, qui va tout donner, tout trouver et tout apporter. Jour et nuit, dans la chaleur et le gel. »

C’est ici une allusion au seul recours en cas d’attaque russe : la levée de 200 000 hommes passés par l’armée et déjà formés, prêts à s’ajouter aux 120 000 soldats répartis dans le pays. C’est possible mais nullement assuré et les propos lyriques du président sont tout à fait représentatifs de l’idéalisme du régime ukrainien, qui a perdu pied avec la réalité. D’ailleurs, Volodymyr Zelensky n’a jamais eu l’idée de foncer à l’ONU pour en appeler aux peuples du monde. Il pense que les avions-cargos militaires régulièrement envoyés des États-Unis, du Canada et du Royaume-Uni ces derniers jours vont suffire à assurer aux combattants ukrainiens de quoi tenir.

Cette orientation a été soulignée dans le discours, le président ukrainien rappelant qu’il s’était tourné vers les dirigeants occidentaux, vers l’OTAN. Quant à la rupture avec la Russie, même si il est souligné qu’il faut éviter la guerre et ses millions de mort, elle est assumée. Volodymyr Zelensky a précisé qu’il était prêt à rencontrer Vladimir Poutine au Donbass, mais en même temps il a clairement dit que les pays n’ont plus rien à voir :

« L’Ukraine et la Russie, malgré leur passé commun, envisagent l’avenir différemment. Nous sommes nous. Vous êtes vous. Mais ce n’est pas forcément un problème, c’est une opportunité. »

Le président joue avec le feu en agissant ainsi. Son point de vue est en effet le même que celui de la Russie, mais inversée. En effet, la Russie considère l’Ukraine comme son annexe (la Grande-Russie et la Petite-Russie), la démarche étant désormais associée à la stratégie « eurasienne », où elle serait la colonne vertébrale d’un continent conservateur hébergeant de multiples communautés (on peut voir à ce sujet le très documenté article L’expansionnisme russe anti-ukrainien et sa base idéologique « eurasienne »).

L’Ukraine a la démarche inverse, l’amenant à intégrer « l’occident » de manière généralisée. Or, en adoptant cette ligne, Volodymyr Zelensky ne fait que pousser à une sorte de partition de l’Ukraine, ce qu’il prétend refuser. Car avec une telle ligne, il converge clairement avec un plan possible de la superpuissance américaine et de la Russie pour couper le pays en deux.

Et tant le romantisme « occidental » que celui « anti-occidental » ont leurs partisans en Ukraine, les deux idéologies se nourrissant des faiblesses de l’autre, entraînant une spirale irrationnelle et la soumission soit aux puissances occidentales, soit à la Russie. L’Ukraine ne peut qu’imploser dans une telle situation. Le piège est total, c’est soit Charybde, soit Scylla, ou pire les deux et la fracture de la nation ukrainienne.

En fait, la démarche de Volodymyr Zelensky n’a de sens que s’il ne croit pas en ce qu’il dit et que le régime ukrainien pense réaliser une offensive victorieuse. C’est suicidaire.

De plus, une grande rumeur veut d’ailleurs que le 21 avril, dans son discours, Vladimir Poutine proposera que la Fédération de Russie accueille en son sein non seulement les pseudos-républiques populaires de Donetzk et de Lougansk, mais également la Biélorussie. L’Ukraine serait alors automatiquement une cible.

Rappelons également que le Conseil de la Fédération de Russie est convoqué (depuis deux semaines) le 23 avril, pour un vote « en urgence » quant à une proposition du président russe. Juridiquement, cela ne peut que concerner la loi martiale, l’état d’urgence, l’envoi de forces armées hors du pays, ou bien évidemment une question « cadre » comme des éventuelles « adhésions » à la Fédération.

Et Gennady Zyuganov, président du Comité central du Parti communiste de la Fédération de Russie, a notamment déjà approuvé l’envoi prochain de troupes russes au Donbass. Si l’on ajoute les libéraux-démocrates (en fait nationalistes) et le Parti pro-Poutine, une large majorité des élus converge donc en faveur de l’expansionnisme russe.

Le 21 avril s’annonce infernal dans ce qu’il va entraîné, ce qui est déjà annoncé, dans les faits, depuis deux semaines. Agauche.org en parle d’ailleurs depuis le 2 avril, les articles concernant le conflit Ukraine-Russie étant rassemblés sur cette page. De manière isolée, dans l’indifférence générale. Mais en sauvant l’honneur de la Gauche qui sait ce qu’est la guerre et qui en connaît la nature capitaliste.

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La crise en Ukraine montre le faible niveau de conscience en France

Personne ne s’intéresse à la crise en Ukraine en France : c’est révélateur.

Ce n’est même pas du dédain auquel on doit faire face relativement à la crise ukrainienne. C’est le déni qui forme une sorte de muraille de l’indifférence. Il en va de la guerre comme il en va de la crise : la ligne générale du côté des gens est de nier la réalité autant que possible, de chercher à perpétuer ses propres traditions, coûte que coûte.

Le capitalisme a littéralement lessivé les esprits. Alors qu’on est face à un drame historique, que l’actualité est brûlante, que les deux armées les plus nombreuses d’Europe se font face, il n’y a aucune expression d’intérêt, aucun engagement solidaire, aucune prise de position. Mieux encore, ou pire encore plutôt, ceux qui savent conservent le silence, les médias n’abordent la question qu’à la marge, tel un détail malheureux dont il faut bien, malgré tout et malheureusement, parler pour le cas où il se « passerait quelque chose ».

Car le fond de la question, c’est bien cela. Les gens écrasés par le capitalisme ne savent plus ce qu’est l’Histoire. Ils ne voient les choses que de manière individuelle, individualiste. D’où le succès des fantasmagories identitaires, de l’esprit immédiatiste de consommation, d’une fascination pour les réseaux sociaux. Ce n’est pas là une découverte.

Mais lorsque la guerre se profile, tout cela devient plus que dangereux. On sent bien que si les événements tournent mal, les gens seront déboussolés, prêts à se vendre à n’importe qui. Rien que les mesures de confinement semblent horribles aux Français, alors si les choses se précipitent, que ce soit économiquement ou militairement, qu’en sera-t-il ?

Et le peuple ukrainien ainsi se retrouve seul face à l’adversité, car ce qui est vrai en France l’est dans les autres pays au capitalisme hypnotiseur et mortifère. L’indifférence prédomine dans sa solitude, alors que son existence comme nation est menacée.

Comment ne pas être en rage ou en larmes devant une telle situation insoutenable ? Comment ne pas être révolté devant des Français qui préfèrent fantasmer qu’ils vivent dans un État policier, alors que la guerre prend le dessus dans l’Histoire du monde ?

C’est une bien triste page que nous sommes en train d’écrire, malgré nous. Vu de l’avenir, ce qui se déroule sera considéré comme un terrible ratage. Après la prise de conscience lors du premier confinement, tout est redevenu « normal » sur le plan des mentalités, et c’est tellement vrai que même la guerre ne fait pas réagir. Le capitalisme a enfermé les mentalités de manière systématique, au point de ne même pas percevoir les grands phénomènes historiques.

La crise en Ukraine révèle tout cela, comme elle est le produit de tout cela. L’humanité est en train de mal tourner, de très mal tourner. Et il faut être en première ligne pour la grande réorientation historiquement nécessaire.

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Crises en série et Biélorussie désormais impliquée, en amont d’un conflit imminent

Les aspects de la crise se multiplient, impliquant désormais la Biélorussie, en amont d’un conflit imminent.

Les choses se précipitent dans la crise ukrainienne. Le 17 avril marque un tournant exponentiel. Voici une présentation en quelques points, afin de permettre de s’y retrouver. Chaque élément est à lui seul horriblement annonciateur.

1. Les services secrets russes ont affirmé avoir arrêté deux Biélorusses, liés à la Pologne et les États-Unis, qui auraient prévu d’assassiner le président biélorusse Alexandre Loukachenko et ses enfants. Cela rentrerait dans le cadre d’un coup d’État par l’intermédiaire de réseaux dans l’armée biélorusse, qui aurait été prévu pour le 9 mai 2021, lors de la cérémonie de la victoire sur les armées nazies. Alexandre Loukachenko a affirmé que cette tentative a été orchestrée par la CIA.

2. La Russie a fortement conseillé à John Sullivan, ambassadeur américain à Moscou, de rentrer dans son pays pour « consultations ». Devant son refus, il y a de nombreuses rumeurs d’expulsion.

3. La Russie a annoncé le 17 avril l’expulsion d’un haut diplomate ukrainien arrêté la veille alors qu’il aurait cherché à se procurer des documents classifiés. Ont été également expulsés dix diplomates américains, suite aux sanctions américaines. L’Ukraine a répondu en expulsant un haut diplomate russe.

4. La République tchèque a annoncé l’expulsion de 18 employés de l’ambassade russe accusés d’espionnage et de l’explosion d’usines d’armement en 2014 ; la Russie a affirmé que la République tchèque comptait même fermer l’ambassade russe.

5. L’aviation militaire russe a envoyé en Crimée 50 unités : des avions de combat (Soukhoï Su-27 et Soukhoï Su-30), des bombardiers (Soukhoï Su-24 et Soukhoï Su-34), des avions d’assaut (Soukhoï Su-25SM3). La flotte russe a amené deux navires de guerre et 15 bateaux de dimension plus restreinte ; pratiquement toutes les navires russes de débarquement sont en Crimée.

5. Dans la république populaire de Donetzk, les abris sont préparés, ainsi que les hôpitaux ; les bâtiments officiels ont des sacs de sable systématisés pour leur protection ; les circuits de ravitaillement des supermarchés sont fortement perturbés.

6. Les photos du conseil de sécurité russe tenu le 16 avril par vidéo montre le général Valéri Guérassimov,  chef de l’État-Major général des forces armées, dont la présence n’est pas une obligation.

7. La porte-parole de l’opposant russe Alexeï Navalny, récemment emprisonné et en grève de la faim depuis le 31 mars, a affirmé que celui-ci était en train de mourir et que ce ne serait plus qu’une question de jours.

8. Les réseaux sociaux russes font part de très nombreux vols d’hélicoptères militaires à basse altitude, jusque dans les villes.

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La visite en France du président ukrainien Volodymyr Zelensky littéralement passée sous silence

Le tandem franco-allemand considère l’Ukraine plus comme encombrante qu’autre chose.

Les forces de l’ordre étaient particulièrement nombreuses, nerveuses et lourdement armées aux abords de l’Élysée le 16 avril 2021, en raison de la visite du président ukrainien Volodymyr Zelensky. On sent qu’il fallait que soit évité, à tout prix, le moindre événement remarquable. Et les médias ont dans cette perspective à peine mentionné cette visite, voire l’ont passé sous silence, à peu près comme les réseaux sociaux de l’Élysée et des Affaires étrangères françaises.

C’est qu’en fait la visite était prévue depuis longtemps, mais que la France n’en voulait en fait plus du tout. D’où le silence à ce sujet, d’où le fait qu’Emmanuel Macron ait expliqué au président ukrainien que pour l’adhésion de son pays à l’OTAN, il faudrait attendre la prochaine réunion de l’OTAN. D’où aussi la petite visioconférence avec la chancelière allemande Angela Merkel, pour que le président ukrainien comprenne que le tandem franco-allemand, il ne faudra pas compter dessus pour du concret.

Emmanuel Macron a donc dit merci d’être passé (дякую – diakouïou)… et au revoir.

C’est ce qu’on appelle le service minimum. Volodymyr Zelensky a dû être blême, alors que les forces séparatistes se moquent naturellement de ce soutien se réduisant à quelques mots en ukrainien. Le président ukrainien savait que la France et l’Allemagne refuseraient de s’engager en raison du poids de la Russie, mais avoir dû faire face à tant de cynisme, alors que tout indique une prochaine annexion russe du Donbass, les 20-23 avril 2021…

Il faut vraiment qu’on soit en période de crise générale, de crise à tous les niveaux, pour qu’un tel degré de tension produise autant de cynisme et de jeu « géopolitique ». Et pendant ce temps-là, les troupes russes continuent de s’accumuler.

La pression sur l’Ukraine monte ainsi de jour en jour. La ville de Kiev a fourni au public une liste des endroits où s’abriter en cas de bombardements… Amenant le commandant en chef de l’armée ukrainienne, Rouslan Khomtchak, à appeler les autorités locales à ne pas contribuer à un esprit de panique dans la population.

De son côté, le chef de la pseudo « République Populaire de Donetzk »,  Denis Pushiline, a annoncé le 16 avril qu’il avait accueilli la veille d’importants membres du Parti libéral-démocrate de Russie. Il s’agit du troisième parti politique en Russie, dont la ligne est nationaliste et conservatrice malgré son nom. Il est dirigé par Vladimir Jirinovski, un peu connu en France en raison de son soutien à Jean-Marie Le Pen.

Le communiqué de la rencontre annonce :

« Hier, le 15 avril, le chef de la République populaire de Donetsk a rencontré le premier vice-président du Comité d’État de l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie pour la défense, membre du Conseil suprême du Parti libéral-démocrate, Alexander Sherine, et le conseiller au chef de la fraction du Parti libéral-démocrate de Russie à la Douma d’État, Alexeï Bychkov. »

Le thème était évidemment la protection des « Russes », dans une définition aussi extensible que le voudra l’expansionnisme russe cherchant à une justification pour l’annexion, voire l’invasion. Qu’en sera-t-il bientôt de l’Ukraine, abandonné comme la Tchécoslovaquie en 1938 ?

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L’Ukraine pense à l’arme atomique, la Russie a 110 000 soldats et 1300 tanks à la frontière…

On entre dans la dernière phase de la préparation, d’ici une semaine les dés seront lancés.

L’Agence de presse RIA Novosti, sous la tutelle du ministère de la presse et de l’information de Russie, a publié le 15 avril 2021 un article halluciné. Car s’il a une part de vérité au sujet du triste jeu de la superpuissance américaine, il propose une vision du monde ouvertement guerrière, avec l’alliance sino-russe contre les États-Unis.

Il est ainsi expliqué dans « L’Ukraine et Taïwan retourneront inévitablement à leurs ports d’attaches » que l’Ukraine et Taïwan sont des jouets pour les « atlantistes » afin de contrer les « Etats-civilisations ». Leur réalité est entièrement fictive, artificielle (ce qui est vrai pour Taïwan, mais totalement délirant pour l’Ukraine) et doit ainsi disparaître.

« La position de l’Ukraine et de Taïwan par rapport aux civilisations dont ils se sont séparés est en effet très similaire – malgré le fait que l’Ukraine est un État reconnu par tous, et que Taïwan est reconnu par presque le monde entier comme faisant partie de la Chine, bien qu’autonome. 

Mais tant Taïwan que l’Ukraine comprennent la nature farfelue de leur «indépendance» – et ne voient aucune garantie de sa préservation à long terme, sauf grâce au soutien des États-Unis. C’est-à-dire qu’ils s’offrent eux-mêmes comme un outil dans la lutte géopolitique, ce qui ne fait qu’augmenter le rejet de leur politique (et ainsi de leur existence) de la part des pouvoirs dont ils se sont séparés.

Bien que la Chine considère officiellement la réunification avec Taïwan comme l’un de ses principaux objectifs, et que la Russie ne se fixe pas formellement une telle tâche par rapport à l’ensemble de l’Ukraine (se limitant au postulat du rétablissement inévitable de l’amitié entre deux peuples frères, pratiquement un seul peuple comme le rappelle constamment Vladimir Poutine), il est compréhensible que les intérêts géopolitiques, nationaux et civilisationnels de la Chine et de la Russie ne laissent pas d’autre chemin que la réunification avec les provinces séparatistes (…).

La Russie ne va pas conquérir l’Ukraine – elle affaiblira l’influence de l’Occident sur elle, surveillera la dégradation de l’élite ukrainienne, travaillera pour sa réintégration, en attendant que le peuple ukrainien se réveille de la tracas des parasites et des intérimaires [au pouvoir]. Dans le même temps, la Russie empêchera toute tentative d’amener deux parties d’un même peuple au conflit dans une véritable guerre fratricide. »

C’est là de l’expansionnisme maquillé derrière des argumentations de civilisation. La nature militariste et agressive d’une telle affirmation est sans ambiguïtés, dans un contexte explosif. Tout commence à se dire ouvertement et le chef suprême de l’OTAN en Europe, le général américain Tod D. Wolters, a ouvertement expliqué que le risque d’invasion russe est « de faible à moyen »…

Dans une interview à la radio allemande Deutschlandfunk, le 15 avril 2021, l’ambassadeur ukrainien Andriy Melnik a quant à lui affirmé qu’en cas d’impossibilité pour son pays de rejoindre l’OTAN, alors il faudrait lui penser à obtenir l’arme atomique, pour assurer sa défense.

Des propos qui font frémir, mais qui sont également une allusion aux accords de Budapest de 1994, que la Russie a bafoué. En effet, ces accords, appelés en fait « mémorandum », disent qu’en échange de l’abandon par l’Ukraine des armes atomiques héritées de l’URSS (alors remis à la Russie) et de sa signature du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, son intégrité territoriale serait garantie par la Russie, les États-Unis et le Royaume-Uni (à quoi s’ajoutèrent la Chine et la France). 

Un autre fait marquant a été l’envoi à Marioupol, au bord de la Mer d’Azov et désormais une cible russe assez claire, du Régiment Azov. Ce Régiment a comme ancêtre le « Bataillon Azov », composé de néo-nazis ayant justement arraché à la ville de Marioupol aux séparatistes pro-russes en 2014 ; il s’agit d’une unité à l’armement très développé, avec des membres relevant clairement du néo-nazisme.

Ces néo-nazis ne représentent rien en Ukraine, d’ailleurs le président ukrainien est juif, le premier ministre l’était également en 2019, c’est même un oligarque juif qui a financé le « Bataillon » initialement… Mais c’est une mouvance ultra-activiste, qui a été très active au moment de « l’Euromaïdan » et qui est une carte dans les mains d’Arsen Avakov.

D’origine arménienne, Arsen Avakov est le ministre de l’Intérieur depuis 2014 ; son poids dans le régime ukrainien est littéralement immense. Le Régiment Azov dépend d’ailleurs du ministère de l’Intérieur.

Le Régiment Azov en partance pour Marioupol

La décision de cet envoi provient de la confirmation de l’information selon quoi la Russie a décidé de fermer le trafic maritime en Mer d’Azov et ce pour une durée illimitée. C’est là avoir toutes les cartes en main pour débarquer sur les côtes du Sud-Est de l’Ukraine : pour l’instant les navires commerciaux ne sont pas concernés, mais le seront automatiquement en cas d’affrontement. Et l’Ukraine a également accusé la Russie de plusieurs provocations en Mer d’Azov les 14 et 15 avril.

La Mer d’Azov est enclavé, rejoignant la Mer Noire par le Détroit de Kerch que la Russie va fermer

On notera au passage que le ministre de la Défense russe, Sergei Shoigu, a précisé que les manœuvres des troupes russes à la frontière ukrainienne cesseraient… fin avril. Ce qui ne veut rien dire puisqu’en raison de la crise prévue pour le 21 avril avec le discours de Vladimir Poutine et le vote du Conseil fédéral russe le 22, le risque de guerre ouverte sera là…

On sait aussi qu’il y aura désormais un autre événement en plus : le 20 avril aura lieu une conférence au Donbass, en présence de représentants des deux « républiques populaires » et de dignitaires russes. Elle est intitulée… « Unité des Russes : protection des droits et des libertés ». L’appel à l’annexion passera ainsi par là.

Le 15 avril aura également été marqué par la convocation l’ambassadeur de Russie à Londres par le ministère britannique des Affaires étrangères, en raison des « activités malveillantes » de la Russie. Le ministre polonais des affaires étrangères a fait de même avec l’ambassadeur russe à Varsovie, annonçant l’expulsion de trois membres de l’ambassade

Quant aux États-Unis, ils ont annoncé le 15 avril également l’expulsion de dix diplomates russes et des sanctions contre 32 personnes et entités (du type entreprise ou administration liées aux services secrets russes) en raison de l’interférence russe avec les élections américaines, ainsi que des sanctions contre 8 personnes pour participation à l’annexion de la Crimée avec la Russie.

Cela fait écho au choix, le 14 avril, de ne pas envoyer des navires de guerre américains en Mer Noire : il est tablé que les sanctions joueront (de fait, le cours du Rouble a pris un petit coup)… Que l’Ukraine fera le sale boulot ou qu’au pire les restes de l’Ukraine seront récupérés.

Navires russes en Mer d’Azov

Ce qui bloque les Etats-Unis, c’est également l’Allemagne et la France, surtout la première qui entend bien doubler son pipeline de gaz avec la Russie, le Nord Stream 2 s’ajoutant au premier Nord Stream. D’où le scandale avec Ursula von der Leyen révélé le 15 avril.

Cette Allemande qui est la présidente de la Commission européenne avait reçu le 7 avril une invitation du président ukrainien, Volodymyr Zelensky, pour assister à la cérémonie du 30e anniversaire de l’Ukraine post-soviétique, avec la mise en place d’une plate-forme internationale sur la Crimée.

Non seulement elle a répondu par la négative, mais contre tout respect du protocole elle a laissé son chef de cabinet répondre, qui plus est de manière très cynique :

«Malheureusement, la présidente n’est pas en mesure de donner une réponse positive à votre invitation en raison d’un agenda particulièrement chargé les jours en question. Merci d’avance de votre compréhension »

Le président du Conseil européen Charles Michel s’est empressé d’assurer que lui serait là mais ce que cela signifie est clair. Le « recul » de l’interventionnisme américain correspond au fait que l’Allemagne a dit non à un soutien généralisé à l’Ukraine.

L’Ukraine est seule. Et à sa frontière, la Russie a amené 110 000 soldats, 330 avions, 240 hélicoptères, 1300 tanks, 3700 drones, 1300 unités d’artillerie, 380 lance-roquettes multiples…

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Une Ukraine dans l’attente de l’offensive russe

Désormais la question est de savoir quand l’opération russe va commencer.

Les troupes russes… continuent de s’accumuler à la frontière ukrainienne, comme ici (de manière masquée) des unités de la 9e brigade de contrôle de la garde, qui s’occupe des communications entre les troupes. Et on notera que la 56e brigade d’assaut aérien de la garde est présente en Crimée, soit une importante unité d’élite ayant notamment combattu lors des deux guerres de Tchétchénie.

L’offensive russe semble toujours plus à l’ordre du jour. Et paradoxalement en apparence, les États-Unis commencent à se désengager. Le directeur de la CIA William Joseph Burns a affirmé le 14 avril au Sénat américain que désormais les troupes russes étaient opérationnels pour une incursion limitée en Ukraine. Mais en même temps l’envoi de deux navires de guerre américains en Mer Noire a été annulée. Officiellement cet envoi n’avait pas été confirmé, mais la Turquie avait annoncé leur prochaine arrivée, la Russie répliquant que la sécurité de ces navires pourrait être compromise s’ils se rapprochaient des côtes russes.

Et le président américain Joe Biden a proposé une réunion à la Russie pour discuter de nombreux thèmes comme l’Ukraine, la Russie répondant qu’elle étudierait la question. C’est là une remise à plat américaine qui est étrange… à moins qu’il n’y ait, comme pour les accords de Munich en 1938, un partage de l’Ukraine qui soit prévue par les États-Unis et la Russie. C’est tout à fait possible.

Qui plus est, une rumeur a été lancée qu’en raison de prétendus exercices militaires, la Mer d’Azov serait fermé aux bateaux non russes à partir du 24 avril. La Mer d’Azov est exactement entre le Donbass et la Crimée : autant dire que cela signifierait un débarquement russe et une invasion pour relier les deux zones arrachées à l’Ukraine, avec la formation d’une « Nouvelle Russie » à l’Est de l’Ukraine.

Cette question du débarquement russe se retrouve dans un exemple anecdotique, mais très significatif. France 24, qui est un média étatique français, donc significativement encadré sur ce qu’il raconte, a publié le 14 avril un article intitulé Ukraine : Marioupol ne veut pas se retrouver de nouveau dans le viseur de la Russie.

Marioupol, au bord de la mer et qui se situe tout proche de Donetzk, est présentée comme une « ville stratégique qui vit avec l’ennemi à ses portes ». Le choix des mots est ici important : l’auteur de l’article, Gulliver Cragg, est britannique et « ennemi à ses portes » est une traduction de « Enemy at the gates », soit le nom en anglais du film Stalingrad de Jean-Jacques Annaud, sorti en 2001. Cela montre l’ampleur dramatique de l’approche d’un journaliste qui, pourtant, en même temps, explique que :

« Nous sommes encore très loin de la guerre totale de 2014, mais nous sommes aussi très loin du cessez-le-feu de 2020 « 

C’est naturellement incohérent et cette incohérence se retrouve dans tous les commentateurs qui observent une situation qui, en fait, les dépasse. En toute objectivité, il est évident que la Russie veut au minimum annexer les deux pseudos républiques populaires de Donetzk et Louhansk, voire même si possible provoquer une vague offensive pour former une « Nouvelle Russie » à l’Est de l’Ukraine.

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Jean-Luc Mélenchon, un exemple de silence sur l’Ukraine

Le silence au sujet de l’Ukraine provient d’une conception sociale-chauvine de la France.

Le silence est complet parmi les personnalités politiques françaises quant à la crise en Ukraine. Pareil en ce qui concerne les organisations de gauche ou d’extrême-gauche. C’est que le conflit entre l’Ukraine et la Russie représente une ultime frontière. Les médias ont fini par en parler, car il le fallait bien, alors que les chancelleries de chaque pays choisissait son camp. Mais pour qui fait de la politique, parler de l’Ukraine revient à affronter la question de la guerre.

Or, il est bien plus simple de dénoncer Emmanuel Macron, de participer à des manifestations syndicales en prétendant qu’on veut changer la France dans tel ou tel sens, que de se confronter à la réalité de la France comme grande puissance et à une guerre formant une tendance toujours plus envahissante. Le capitalisme propose une bulle : on peut prétendre en son sein s’agiter comme on le veut, cela ne prête pas à conséquence. Sortir de la bulle, c’est autre chose.

Ainsi, si on veut savoir quel était l’esprit avant 1914 ou en 1939 en France, on a qu’à regarder l’état d’esprit aujourd’hui, c’est du pareil au même. On est dans la croyance en le capitalisme et en la paix qu’il permettrait. La guerre semble non pas seulement impossible, mais inconcevable. Le niveau de conscience des masses est pratiquement nul.

De manière plus machiavélique, le silence correspond à une orientation attendant son heure, par le fait qu’il s’agit de représenter tel chauvinisme contre tel chauvinisme français. Voici par exemple ce que dit Jean-Luc Mélenchon dans une note sur son blog (« L’Ukraine, nouvelle frontière américaine ») le 25 février 2014 :

« Mais ceux qui, en Europe et aux Etats Unis valident les putschs et les insurrections, nous préparent des lendemains furieux d’un bout à l’autre du continent. 

La Russie ne va pas se laisser faire. C’est bien normal.

Le peuple Ukrainien non plus. Sa fraction saine, débarrassé de la tutelle des corrompus qui s’étaient imposés comme leur porte-parole et leur gouvernement, va reprendre l’initiative. On peut donc compter sur une mise en cause populaire de l’extrême droite putschiste qui ce soir tient le haut du pavé aux acclamations de « l’Occident ».

Le danger vient de la violence que tout cela peut déclencher et du risque de partition du pays que l’offensive « occidentale » peut provoquer. »

Vu de 2021, ces propos sont on ne peut plus clairs. C’est une légitimation de l’expansionnisme russe visant à annexer une partie de l’Ukraine au nom d’une « guerre civile » amenant une partie du pays à prendre son indépendance… pour se tourner « naturellement » vers la Russie. C’est très clairement là une expression de convergence avec l’expansionnisme russe.

Pourtant, Jean-Luc Mélenchon garde le silence au sujet de l’Ukraine. Mais c’est qu’il est encore trop tôt pour prendre ouvertement le parti de la Russie. Il s’agit d’attendre le moment – pour essayer de parvenir à une sorte de coup d’État dans les couches dominantes de la société française. Marine Le Pen ne pense pas différemment.

Et Jean-Luc Mélenchon annonçait d’ailleurs déjà en 2014 que les tensions continueraient à s’exacerber (« Avis aux Mickey à propos de l’Ukraine ») le 5 mars 2014 :

« Ne croyez pas que la situation va se détendre. Les intérêts engagés sont trop importants. Anglais, Français, Autrichiens, Allemands : les premières économies de l’Europe sont lourdement engagées en Ukraine et, en Russie, de toutes les façons possibles, les principales. »

C’est là qu’on voit que Jean-Luc Mélenchon raisonne de manière « géostratégique », que sa démarche sociale-chauvine française est directement en convergence avec l’expansionnisme russe. Et c’est comme dans les années 1930 : il y a une bataille au cœur des couches dominantes pour savoir quelle option choisir, alors que les gens restent passifs, ayant capitulé devant les responsabilités démocratiques au nom d’une installation sociale dans une approche petite-bourgeoise.

L’Histoire avance alors malgré tout et le drame vient bousculer une société française chantant « Tout va très bien madame la Marquise », un homme providentiel se proposant alors de sauver le pays, en assumant en fait les choix faits par les couches dominantes. L’histoire de France est riche d’exemples à ce niveau, de Napoléon à Clemenceau, en passant par Napoléon III et jusqu’à Pétain, de Gaulle.

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Tchécoslovaquie 1938, Ukraine 2021

En 1938, la Tchécoslovaquie se faisait abandonner face à un expansionnisme… L’Ukraine craint le même sort.

Tchécoslovaquie 1938, Ukraine 2021, l’Histoire bégaie. Dans les deux cas, l’opinion publique internationale n’est pas là pour garantir l’intégrité territoriale d’un pays menacé, agressé. D’ailleurs, alors que l’Allemagne nazie a détruit l’État tchécoslovaque en 1938-1939, la Russie n’hésite pas à affirmer en avril 2021 qu’en cas de guerre l’État ukrainien serait démantelé. C’est une menace ouverte.

Tout comme à l’époque, l’opinion publique internationale laisse seul un peuple, qui ne sait où se tourner dans son malheur. Il n’y a pas d’aide internationale, il n’y a pas de forces d’interposition, il n’y a que des manigances de part et d’autres, conformément aux intérêts économiques. Le peuple ukrainien est seul.

1938 et 2021, le cynisme des grandes puissances

En 1938, la Tchécoslovaquie se faisait dépecer par l’Allemagne nazie. Le prétexte était qu’une minorité allemande exigeait d’être « protégée ». L’URSS s’est alors mobilisée militairement et a demandé à la France d’intervenir avec elle pour épauler la Tchécoslovaquie, mais celle-ci refusa, tout comme la Pologne et la Roumanie.

Les tristement célèbres accords de Munich dans la foulée marquaient une capitulation face à l’Allemagne nazie, les grandes puissances ne pensant qu’à leurs intérêts. La Tchécoslovaquie pouvait bien disparaître. Ce fut la guerre pour le repartage du monde qui s’ensuivit.

En 2021, l’Ukraine subit le même sort, pareillement dans un contexte de crise capitaliste. Elle est menacée d’être dépecée par l’expansionnisme russe, au nom d’une minorité russe censée être « protégée ». Et les grandes puissances sont indifférentes… Ou alors, comme les États-Unis et la Grande-Bretagne, poussent à un affrontement solitaire contre la Russie, en fournissant du matériel. Mais l’Ukraine peut bien disparaître, à leurs yeux.

Et, qui plus est, l’Ukraine est tombée dans les mains de l’OTAN parce qu’elle est aux mains d’une oligarchie jouant avec le feu du nationalisme pour légitimer son pouvoir. Cela ajoute du drame au drame. Et c’est d’autant plus intolérable. Pourquoi n’y a-t-il aucune expression de solidarité internationale avec l’Ukraine ? La superpuissance américaine déverse-t-elle tellement de dollars, l’expansionnisme russe tellement de roubles ? N’y a-t-il plus de forces prenant le camp du peuple, de la démocratie pour le peuple ?

L’Ukraine, victime d’un affrontement général

Ce qui se joue est pourtant immense. Laisser l’Ukraine seule, c’est capituler devant la tendance à la guerre, devant le cynisme et l’indifférence, devant l’égoïsme national. C’est laisser libre cours aux évaluations géopolitiques, machiavéliques, où les pays ne sont que des pions pour les calculs savants des militaires et des capitalistes.

Si l’Ukraine était aidée, protégée de l’agression russe, préservée de l’hégémonie américaine en faisant un satellite kamikaze, cela ouvrirait une voie nouvelle pour une époque qui a besoin d’une perspective internationale, démocratique, populaire. Si elle ne l’est pas, c’est une première concession à la voie du carnage.

La Gauche doit se mobiliser pour le retrait des troupes de la frontière et l’affirmation internationale unanime de l’intégrité territoriale ukrainienne, s’occupant de la réintégration pacifique et démocratique de la Crimée et du Donbass. Elle doit montrer que le peuple ukrainien n’est pas seul !

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Ukraine: la Russie vise le 21 avril comme date clef

Vladimir Poutine prendra la parole la veille d’un vote du Conseil de la Fédération russe.

Un véhicule de guerre électronique russe au front

Le secrétaire d’État américain Antony Blinken, soit l’équivalent du ministre des Affaires étrangères, a prévenu le 11 avril 2021 qu’il y aurait des « conséquences » si la Russie agit de manière « agressive » à l’encontre de l’Ukraine. Mais ces paroles sont étranges alors que pour les Ukrainiens eux-mêmes, le scénario expansionniste russe procédera de la manière suivante. Le premier ministre de la pseudo république populaire de Donetsk, Denis Pouchiline, va appeler la Russie pour qu’elle reconnaisse cet « État », voire pour demander son intégration à la Russie.

Or, justement, le président russe Vladimir Poutine a prévu de s’adresser le 21 avril tant au parlement russe qu’aux hauts fonctionnaires. Et le lendemain, le Conseil de la Fédération de l’Assemblée fédérale de la fédération de Russie est convoqué afin d’être en mesure de prendre des décisions immédiatement sur demande du président. Ce serait évidemment pour valider l’intégration-annexion. Et les forces mobilisées le sont pour protéger cette opération.

Rappelons que la Russie est bien une Fédération, du moins en apparence… Elle est constituée de 22 républiques, 46 oblasts (c’est-à-dire des provinces), neuf kraïs (c’est-à-dire des territoires), un oblast autonome, quatre districts autonomes et trois villes fédérales. Juridiquement, du point de vue russe, l’intégration de deux « nouvelles » républiques se tient…

Ce plan est tout à fait cohérent. Et il est un terrible piège, car si l’Ukraine considère que c’est cela qui va se passer, elle est obligée d’intervenir avant ou dans la foulée afin de récupérer ses territoires perdues. Si elle le fait avant, elle va être considérée comme l’agresseur… Si elle agit dans la foulée, c’est la guerre à la Russie. La manœuvre expansionniste russe est ici très habile.

2S7 Pion russes en partance pour le front

Reste la question de la Crimée, où là aussi la Russie accumule des troupes… Les possibilités d’une attaque au sud sont tout à fait grandes, pour prendre en étau l’Ukraine de l’Est. Et le matériel de guerre électronique s’accumule particulièrement, ainsi que des bateaux de débarquement passés de la Mer Caspienne à la Mer Noire.

Des troupes en Crimée, dont l’identification d’appartenance à des zones spécifiques sont maquillées, ce la Russie pratique depuis le début pour masquer la provenance, tout en autorisant en même temps les nombreuses photos prises sur le tas

Ce n’est pas la seule pression sur l’Ukraine, car l’OTAN compte bien en faire de la chair-à-canon. On notera d’ailleurs que la ligne de front est régulièrement survolé par des avions de reconnaissance, tel un Northrop Grumman RQ-4 Global Hawk américain, un drone de pratiquement 15 tonnes et 40 mètres d’envergure.

La tension a ainsi passé un cap, on passe au cran au-dessus, de par les forces en présence, des implications diplomatiques, alors qu’en plus tout est clair sur le plan militaire. On est bien plus dans les années 1930 que dans les années 1990.

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Guerre

Ukraine : l’attachée à la défense de l’ambassade américaine sur le front

C’est un exemple très révélateur de comment l’Ukraine s’est faite aspirée par des Etats-Unis qui utiliseraient bien ce pays comme chair à canon.

Carte exprimant la hantise ukrainienne d’une offensive russe depuis la Crimée et le Donbass, mais également depuis le reste de la Russie voire la Biélorussie

L’Ukraine est menacée dans son existence même par l’expansionnisme russe. Mais elle est en même temps en train de connaître un moment dramatique avec la soumission à l’OTAN qui pousse à la guerre. Voici une photographie de la colonel Brittany Stewart, qui est attachée à la défense auprès de l’ambassade américaine à Kiev. C’est lors de sa visite sur le front le 9 avril 2021.

Sur le côté on reconnaît l’insigne militaire de la 72e  brigade mécanisée ukrainienne, avec au-dessus du crâne l’inscription L’Ukraine ou la mort.

Ici on voit l’attachée à la défense américaine faire le salut militaire devant une tombe, celle de « MIF » comme c’est inscrit en haut sur la pierre tombale. Cela signifie « mythe » en ukrainien et la personne dont c’est la tombe a choisi ce surnom également en allusion à Méphistophélès, personnage du Faust de Gounod qu’il a justement incarné.

Il s’agit en effet de Wassyl Slipak, ce chanteur d’opéra ayant vécu en France et ayant rejoint les nazis du Pravyï sektor sur le front au moment de la crise au Donbass. On le reconnaît d’ailleurs sur la tombe, avec sa coupe de cheveux à la cosaque.

Pour ajouter à la complexité de la situation, le président ukrainien Volodymyr Zelensky s’est rendu le 10 avril 2021 à Istanbul pour rencontrer le président turc Recep Tayyip Erdogan. Il y a quelques jours, le président ukrainien a fait un passage express au Qatar… Rappelons que le Qatar et la Turquie forment un bloc, celui des « frères musulmans ». Et l’Ukraine a utilisé pour la première fois le 10 avril ses drones de combat achetés à la Turquie, les Bayraktar TB2 SİHA.

Depuis quelques jours, toutes les cartes tactiques s’abattent. Alors que les commentateurs, entre horreur et cynisme, considèrent le risque de guerre a entre 24 et 50%.

Il faut bien d’ailleurs se donner une idée des forces en présence à la frontière Russie-Ukraine, pour saisir l’ampleur du drame qui se joue. Voici des véhicules ukrainiens rejoignant le front, ce sont des tracteurs-érecteurs-lanceurs d’OTR-21 Tochka. On parle ici de missiles balistiques faisant 482 kilos, et datant de l’époque soviétique. L’Ukraine nie les avoir employés en 2014-2014 pour le conflit au Donbass, mais c’est un secret de polichinelle que cela a bien été le cas.

Voici des Typ 9K720 Iskander russes, allant sur le front. Il s’agit du successeur des OTR-21 Tochka envoyés par l’Ukraine. Le poids de ce qui est envoyé est doublé (800 kilos) et l’ordre de précision est de 5-7 mètres. Le décalage avec le matériel ukrainien est de l’ordre d’une génération.

La supériorité russe est en fait complète. Illustrons ce terrible panorama le canon automoteur russe 2S7 Pion, soit le plus lourd au monde dans son genre, avec également le plus gros calibre.

La Russie a déjà bien plus de forces présentes qu’en 2014 au moment de la crise. Le processus enclenché, le recul est difficile, surtout alors que la crise du capitalisme parcoure le monde… L’Ukraine risque d’être une victime d’une nouvelle époque qui s’annonce militarisée, expansionniste, aux visées impérialistes. D’autant plus que ce conflit a comme véritable trame de fond l’opposition frontale du début du 21e siècle, celui entre la superpuissance américaine et son challenger chinois.

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Politique

Le nationalisme français profiterait d’une victoire russe contre l’OTAN

Les nationalistes, de Marine Le Pen à Jean-Luc Mélenchon, ont une obsession : la place de la France dans le « concert des nations », ou le rêve d’un nouvel « empire » français puissant et comptant dans le monde. Une défaite de l’OTAN face à la Russie en Ukraine leur donnerait un élan et une perspective immense. C’est un grand danger politique pour la Gauche.

La France est historiquement une grande puissance du capitalisme, mais elle a été fortement reléguée. Pour la Gauche, ce n’est aucunement un problème, puisqu’il s’agit de considérer tous les peuples du monde à la même enseigne, et donc de ne tolérer aucune grande « puissance », aucun « impérialisme », qu’il soit français, britannique, américain, chinois, etc.

Pour les nationalistes par contre, c’est là tout l’enjeu. Leur problème en France, c’est qu’ils sont fortement bridés par ce qu’on pourrait appeler le modernisme « atlantiste ». Autrement dit, il y a un consensus pour le libéralisme et le libre échange. C’est vrai culturellement, c’est vrai politiquement, et sur le plan militaire cela passe par l’intégration à l’OTAN, donc l’alignement sur les États-Unis.

Toute autre option est considérée comme de l’aventurisme. C’est cela qui empêche quelqu’un comme Marine Le Pen d’accéder aux responsabilités. Il n’y a qu’à voir comment elle s’est cassée les dents en 2017 face à Emmanuel Macron précisément sur cette question de l’euro et de l’Union européenne… autrement dit de l’alignement sur les États-Unis.

Mais en faisant ouvertement face à l’OTAN en Ukraine, la Russie marque une situation tout à fait nouvelle, alors que le monde est en pleine recomposition. Et il faut bien voir qu’en infligeant une défaite, ou en tous cas un recul, à l’OTAN, la Russie ouvrirait une brèche immense contre ce bloc moderniste « atlantiste ».

La donne serait en effet différente s’il existait à l’échelle mondiale la possibilité pour la France de s’imaginer un rôle, une place dans ce « concert des nations » avec par exemple cette brèche ouverte par la Russie. La même question se pose en Allemagne, où les nationalistes n’attendent que cela également.

La Gauche doit considérer cela avec la plus grande attention, car le nationalisme serait dans ces conditions extrêmement difficile à combattre. Comment en effet faire face à la perspective d’un tel rouleau compresseur nationaliste à prétention sociale, mais impérialiste ? Comment tracer une voie authentiquement démocratique populaire sans sombrer dans la démagogie chauvine anti-américaine, ni céder au libéralisme ?

On l’a vu avec Jean-Luc Mélenchon : La France Insoumise a eu un grand succès avec un discours social en apparence, mais nationaliste dans les faits, et la Gauche a été largement battue par cette démagogie. Il y a là matière à beaucoup de réflexions, de débats d’idées fraternels et constructifs. C’est urgent et vital pour la Gauche, à moins de se condamner à l’échec et l’insignifiance pour toute la décennie 2020.

D’où aussi la grande attention à porter au conflit entre l’Ukraine et la Russie.

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Ukraine-Russie: une actualité qui s’impose

Le conflit entre l’Ukraine et la Russie se pose désormais ouvertement à la face du monde.

La montée en puissance du conflit entre l’Ukraine et la Russie a réussi à percer le silence médiatique ; désormais beaucoup de médias en parlent. Le souci, c’est qu’il apparaît clairement qu’en fait les médias attendaient les positions officielles de leur propre pays. Il est flagrant qu’il n’y a pas d’indépendance dans les orientations, tout est résolument placé dans la perspective du ministère des affaires étrangères de chaque pays.

De plus, cette percée médiatique et ces positions diplomatiques s’exposent surtout parce que désormais les deux blocs apparaissent clairement : l’OTAN d’un côté, avec la superpuissance américaine, et la Russie avec son expansionnisme.

Cela pose la question du jeu des alliances. Ainsi, le 8 avril 2021, Angela Merkel a appelé le président russe Vladimir Poutine, pour demander que ce soit cessée l’escalade militaire. Mais en même temps l’Allemagne et son satellite autrichien se tournent résolument vers le vaccin Spoutnik. Quant à la France, son silence en dit long sur son orientation à la suite de l’Allemagne.

Ce qui n’a pas grand chose à voir avec la position américaine qui a été d’affirmer que des navires militaires seraient envoyés en Mer Noire. Une mer Noire qui va également accueillir de nombreux navires russes, prétendument pour un « exercice ». Une Mer Noire où se trouve la Crimée où était présent le 8 avril le président russe Vladimir Poutine.

Vladimir Poutine dont l’administration présidentielle a comme responsable Dmitri Kozak, qui a expliqué le même jour que :

« Le début des hostilités est le début de la fin de l’Ukraine. »

Une Ukraine qui a désormais refusé que les négociations futures se trouvent à Minsk, la capitale de la Biélorussie. Une Biélorussie qui a commencé à déplacer des troupes à sa frontière avec l’Ukraine. Alors qu’inversement, toujours le 8 avril, le ministre des affaires étrangères polonais, Zbigniew Rau, était à Kiev pour rendre visite à son homologue ukrainien Dmytro Kuleba.

Le ministre letton des affaires étrangères, Edgars Rinkevics, a affirmé de son côté que son pays soutenait l’initiative lituanienne de proposer un plan pour la rentrée de l’Ukraine dans l’Otan. Et l’ambassadeur slovaque à Kiev, Yurii Mushka, a annoncé la mise en place d’une coopération transfrontalière slovaquo-ukrainienne.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a quant à lui visité le front. Alors qu’en face les troupes russes continuent d’affluer.

Rien qu’avec tout cela la Russie a réussi son premier objectif : proposer une vague d’inquiétude et de mobilisation, tout en s’opposant à l’OTAN. Beaucoup pensent que les choses s’arrêteront là, que c’était le but, faire peur pour négocier. Seulement, on est en pleine crise, une crise dont le capitalisme ne se sort pas depuis une année. Et là la guerre pour le repartage du monde exige plus que des négociations, fussent-elles musclées.

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Ukraine: un affrontement devenu celui de l’OTAN et de l’expansionnisme russe

L’OTAN a pris l’initiative et désormais les deux blocs sont devenus unilatéralement antagoniques.

Selon les données apparentes et avec une marge d’erreur significative, on peut considérer que les forces en présence aux frontières de la Russie et de l’Ukraine sont désormais les suivantes:

– les deux pseudos-républiques populaires (de Donetsk et Louhansk) s’appuient sur 30 000 soldats, 500 chars, 1 000 véhicules blindés ;

– les forces russes consistent en 120 000 soldats, 400 chars, 7 600 véhicules blindés ;

– les forces ukrainiennes consistent en plus de 200 000 soldats, 450 chars de combat, 2 500 véhicules blindés.

On peut mettre de côté les forces aériennes, la supériorité russe étant écrasante, tout comme d’ailleurs le niveau technique des armements en général (obusiers, canons, lance roquettes multiples, systèmes anti-chars, etc.).

C’est monstrueux… et les accrochages et utilisations d’artillerie ont également commencé à reprendre à la frontière. Cela commence à avoir une autre signification alors que les troupes sont massivement présentes d’un côté comme de l’autre… Et que désormais l’affrontement est devenu celui de l’OTAN, ayant vassalisé l’Ukraine, avec l’expansionnisme russe.

Le maréchal en chef de l’air britannique Stuart Peach, président du Comité militaire de l’OTAN, s’est ainsi rendu en Ukraine le 7 avril 2021. Il a évidemment appuyé de toutes ses forces les démarches de l’Ukraine pour une adhésion, alors que le site internet de l’OTAN a désormais une version en ukrainien. Rappelons que le 6 avril, le président ukrainien avait mis cette question de l’adhésion sur la table, un véritable saut qualitatif.

Dès lors, la Russie ne parle plus du tout de manœuvres militaires, mais de nécessité opérative. L’Ukraine est ouvertement assimilée à l’OTAN, comme dans ces propos du 7 avril 2021 de Maria Zakharova, porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères:

« Nous considérons cette campagne de désinformation et de propagande comme un moyen pour Kiev de détourner l’attention de ses propres préparatifs militaires dans le Donbass, de son sabotage des accords de Minsk (sur le règlement de la crise au Donbass) et de l’intensification des activités militaires des pays de l’OTAN en Ukraine. »

Et les troupes russes continuent d’affluer du pays tout entier, alors que Dmitri Peskov, le secrétaire de presse du président russe Vladimir Poutine, a expliqué, en faisant allusion aux 600 000 détenteurs de passeports russes à l’Est de l’Ukraine, que:

« assurer la sécurité des citoyens russes est absolument une priorité pour l’Etat russe et le président russe Vladimir Poutine »

Autant dire que les masques sont tombés de part et d’autre et cela implique une polarisation systématique. Le 7 avril, la Lituanie a ainsi dit qu’elle était prête à aider à établir le plan d’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN. C’est la ligne des pays baltes, farouchement anti-russe (et totalement anti-communiste), ouvertement pro-américain.

L’Allemagne a de son côté expliqué que l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN… n’était pas du tout à l’ordre du jour. C’est que l’Allemagne met en place un gazoduc venant directement de Russie, le gazoduc Nord Stream 2 ; commencé en 2018, il n’est pas terminé car les États-Unis ont exercé une pression gigantesque pour l’empêcher.

C’est là l’expression d’une contradiction au sein de l’OTAN. Et le média pro-russe Spoutnik témoigne d’une autre contradiction que la Russie aimerait renforcer, celle entre la France et l’OTAN, d’où son article Adhésion de l’Ukraine à l’Otan: «Les Français sont-ils prêts à mourir pour Donetsk?».

En fait, tant l’OTAN que l’expansionnisme russe jouent sur le fait que l’Ukraine est loin, méconnue… pour en faire un sanglant terrain de jeu. Et l’accumulation d’armements et de troupes ne cesse toujours pas…

La rhétorique de la Russie et de l’Ukraine ne cesse de prendre une ampleur guerrière également. En Russie il y a même eu une émission où des commentateurs ont dit qu’il fallait envoyer des missiles nucléaires contre l’Ukraine… Et, de toutes façons, il est expliqué de manière ininterrompue dans la propagande que l’Ukraine va attaquer, que la Russie envoie des troupes massivement pour se défendre, etc.

Du côté ukrainien, tous les relais de la Russie ont été brisés. Le 5 avril, des sanctions ont été prises contre 10 personnes et de 79 entreprises dont 11 entités russes, accusées de « contrebande ». En réalité, c’est la liquidation de la partie pro-russe de l’oligarchie, dans le prolongement de la mise de côté en février de Victor Medvedtchouk, un oligarque ukrainien très proche du président russe Vladimir Poutine. Ses chaînes de télévision 112 Ukraine, ZiK et NewsOne ont été fermées. Tout ce qui est russe est ouvertement considérée comme hostile.

Les deux blocs se considèrent comme ennemis et il n’y a plus aucun espace de convergence. Les objectifs sont désormais un affaiblissement généralisé du concurrent, pour s’en débarrasser. On est en plein dans la bataille pour le repartage du monde.

https://www.youtube.com/watch?time_continue=7&v=RWJeHVUasLs&feature=emb_title

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L’Ukraine veut forcer sa rentrée dans l’OTAN: quelques cartes

En cherchant à tout prix à ce que l’OTAN intervienne, l’Ukraine rend la situation intenable alors que la Russie veut la briser.

Les forces russes et ukrainiennes ont continué de s’accumuler aux frontières. Il n’y a eu pratiquement pas d’escarmouches le 6 mars, tout comme les 4 et 5 mars : les deux armées se font face, se renforçant, très clairement prêtes au face à face, en attente du moment clef.

Nombre des ruptures de cessez-le-feu pour 2021

Il y a eu toutefois un saut qualitatif, rendant la situation encore plus inextricable. L’Ukraine poussait ces derniers jours à recevoir une aide de l’OTAN, dans une logique interventionniste ; elle cherche depuis 2008 à y adhérer. Dans les faits, elle obtient déjà du matériel, notamment des États-Unis, en particulier ces derniers jours. Et dans la crise actuelle, l’OTAN a évidemment maintes fois souligné son soutien entier. L’Union européenne a naturellement fait de même.

Le 6 avril 2021 marque cependant un tournant, ou plutôt une accélération, un vrai saut qualitatif, car cette tendance à avoir l’OTAN comme référence apparaît désormais comme un quitte ou double. Il y a eu en effet un appel au téléphone du président uktainien Volodymyr Zelensky, le 6 avril, au secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, pour demander une entrée accélérée de l’Ukraine dans l’OTAN.

Or, jamais la Russie ne tolérera l’OTAN à sa frontière directe. La Russie, qui a fait en sorte d’accorder la nationalité russe à 600 000 personnes dans l’Est de l’Ukraine, préférera dans tous les cas provoquer la cassure en deux de l’Ukraine. Qui plus est, le président ukrainien a appelé l’OTAN à être présente en Mer Noire :

« Une telle présence permanente devrait être un puissant moyen de dissuasion pour la Russie, qui poursuit la militarisation à grande échelle de la région et entrave la navigation commerciale. »

La démarche est cohérente. Le président ukrainien sait en effet que la question de la Crimée est essentielle, car un débarquement russe est possible, avec l’invasion généralisée de la partie côtière de l’Ukraine. Difficile de faire contre-poids, et du point de vue du nationalisme romantique, idéaliste, fantasmagorique ukrainien, cela a du sens : il s’agit de faire pression sur la Russie, de la « calmer ».

En pratique, c’est un suicide, cela provoque une situation par définition inacceptable pour la Russie. Même au-delà de l’insupportable expansionnisme russe, il y a le fait objectif de ne pas vouloir être étouffé par l’OTAN, de refuser que la Russie se réduise à un satellite. Un coup d’œil sur les cartes (tirés de Google map) montre ce qu’il en est et pourquoi la situation est explosive de par un conflit qui devient dans les faits celui de l’OTAN contre la Russie expansionniste, avec l’Ukraine comme martyre et cible des conquêtes.

Très concrètement, l’Ukraine fait 1 316 km d’Est en Ouest et 893 km du Nord au Sud, c’est à peu près la superficie de la France. On notera que sur la carte la Crimée n’est pas représentée ; même si elle est en fait russe historiquement, au niveau du droit international elle relève de l’Ukraine.

Sur cette carte de la situation de l’Ukraine en Europe, on voit clairement pourquoi la Russie ne tolérera jamais l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN. Les pays baltes sont déjà opposés à la Russie, la Finlande n’est clairement pas pour, toute l’Europe centrale est pro-OTAN, alors si l’Ukraine tombe, la Biélorussie ne tiendra pas longtemps non plus et surtout la Russie aura un énorme bloc contre elle. Et l’OTAN n’hésitera pas à utiliser ces pays voisins comme de la chair à canon pour démolir la Russie.

Seulement voilà, l’Ukraine est aussi la porte de l’Orient. Pour beaucoup de gens en France, l’Ukraine est à l’Est. Mais en fait, elle est également au Sud de l’Est. D’ailleurs, historiquement elle a dû affronter les Polonais à l’Ouest et les Tatars à l’Est. Son passage dans l’aire moscovite (qui était confrontée aux Polonais à l’Ouest et aux Mongols à l’Est) en est une conséquence : c’est une alliance historique de deux peuples venant historiquement de la même matrice culturelle et nationale, la Rus’ de Kiev.

D’ailleurs, si on va dans un magasin d’alimentation russe ou ukrainien, on trouvera beaucoup de produits tout à fait « orientaux » aux yeux de quelqu’un d’Europe de l’Ouest. Voici un aperçu de la situation de l’Ukraine en ce qui concerne sa façade orientale, au dessus des mots « Mer Noire » on a la péninsule qu’est la Crimée et que la Russie a annexée.

Il n’est pas difficile de comprendre que l’Ukraine, une fois entrée dans l’OTAN, deviendrait une véritable base américaine, avec une immense capacité de projection vers l’Orient. Mais ce serait également une véritable fermeture au niveau européen.

L’Ukraine est à l’Est du point de vue français, mais pas si à l’Est que ça du point de vue européen… Pour prendre des exemples, la capitale de l’Autriche, Vienne, est plus à l’Est que la capitale tchèque, Prague, et elle est plus proche de la ville ukrainienne de Lviv (d’ailleurs soumise à l’Autriche jusqu’en 1918) que de l’extrême occidental de l’Autriche. Berlin est largement plus près de Kiev que de Madrid, Stockholm est plus proche de Kiev que de Paris, Naples est à la même distance de Kiev et de Londres, etc.

Il ne faut pas se résumer à tout cela. La guerre se fonde avant tout sur des impératifs économiques. L’oligarchie qui veut étendre la Russie ne le fait pas par calcul ou appât du gain : c’est une nécessité historique de par sa nature. Quant aux pays capitalistes, n’en parlons même pas.

Il s’agit seulement de saisir le cadre, ce qui est d’autant moins simple que c’est très loin géographiquement ou culturellement du point de vue français. Cela ne doit cependant en rien relativiser la situation. Il faut toujours être prêt à faire face à la guerre, à la refuser ! Et à éprouver l’empathie pour les peuples martyrs, à exprimer sa solidarité. L’Ukraine ne doit pas devenir un champ de ruines à cause de l’OTAN et de l’expansionnisme russe !